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Mav 092 0113
Mav 092 0113
© Management Prospective Ed. | Téléchargé le 20/03/2023 sur www.cairn.info via CERIST (IP: 193.194.76.5)
Résumé
Les IFRS sont basés sur le concept de l’entité cohérent avec
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la théorie écrite par Moonitz qui, le premier, a posé celle-
ci comme un axiome pour les états consolidés, alors que
les groupes étaient assimilés à des firmes avec succursales.
Aujourd’hui, les groupes ont des frontières f loues et souples,
utilisant des artifices juridiques pour le contrôle de leurs
revenus. Leur zone d’influence est plus grande que le périmètre
de consolidation soulevant la question de savoir si les IFRS
peuvent traduire cette réalité et saisir ses changements.
Abstract
IFRS are based on the entity concept consistent with the
theory as written by M. Moontiz, who first established as an
axiom the entity concept for consolidated statements, whereas
groups were compared to firms with branches. Today, groups
have blurred and f lexible boundaries, using legal vehicles
to control their revenues. Their field of inf luence is larger
than the scope of their consolidation, raising the question
of whether IFRS can translate this reality and are able to
understand its changes.
L’évolution des normes IFRS2 dans les dix dernières années a parachevé un
cadre conceptuel qui pose les groupes de sociétés comme des entités écono-
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plexité, fort d’un cadre qui se veut exhaustif. Nous proposons ici de montrer
que les normes IFRS ont poussé à une représentation absolue des groupes sous
la forme d’une entité circonscrite (périmètre) et détaillée, dont l’immanence
a plus été affirmée que démontrée (partie 1). Nous entamerons ensuite une
réflexion sur les dépassements de la notion d’entité limitée à son périmètre,
pour lui préférer celle de territoire d’influence où les processus de création de
valeur et les moyens de leur contrôle devraient être restitués (partie 2). Enfin,
nous nous interrogerons sur la pérennité d’un modèle comptable, tributaire
du concept d’entité et de sa lourdeur opératoire : il semble s’éloigner d’une
réalité mouvante, plus floue et plus complexe, où les groupes s’ingénient à
dématérialiser leur substance et contourner les limites comptables qui leur
sont imposées (partie 3).
Les IFRS constituent sans doute, avec les US GAAP, le cadre conceptuel le plus
abouti en rapport avec la théorie de l’entité, héritée d’une longue évolution.
Elle est abordée dans l’ED/2010/2 (et ED/2015/3) sur la reporting entity et se
définit3 comme un ensemble circonscrit d’activités économiques4 dont l’infor-
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
mation est susceptible d’être utile aux investisseurs, créanciers pour prendre
des décisions sur la fourniture de ressources et savoir si leur utilisation a été
efficiente et efficace.
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au même titre que les individus, pouvant détenir des biens et titres de pro-
priété et étant justiciable. Ses revenus opérationnels5 découlent des capitaux
économiques, indépendamment de leur origine et propriété. Ils sont valorisés
au coût ou à la valeur de marché selon les cas. Ils sont objets de distribution,
que ce soit les dividendes, les intérêts de la dette ou les taxes. La genèse et le
partage de la richesse par les stakeholders (plus que par les shareholders) sont
au centre du concept. Si celui-ci s’appuie clairement au départ sur la firme
comme structure juridique, il ne s’y limite pas et privilégie a priori l’entité de fait
(Husband, 1954). Il peut donc s’appliquer en théorie aux partenariats, groupes
d’entreprises etc., mais entretient indiscutablement un débat confus dès lors
qu’il s’affranchit des limites de l’entité légale, la société, souligne Lorig (1964).
Il nécessite alors de définir ses limites, soulevant la question de son périmètre
et le bilan devient un état prédominant comme expliquant l’entité par la des-
cription de ce qui la compose. La reconnaissance d’une entité dans le cas des
groupes est indissociable de l’avènement de la consolidation par intégration :
l’intuition de faire l’amalgame des comptes des sociétés d’un groupe s’est vite
imposée logiquement au début du 20ème siècle (Finney, 1922 ; Garnsey 1923,
par exemple) et rapidement les auteurs ou praticiens ont traité les groupes
comme si le groupe et ses filiales ne formaient qu’une seule firme6. Cependant
on est longtemps resté sur des objectifs d’amélioration ou de complément des
comptes du holding, donc une vision proprietary. La proposition d’une théorie
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1.2. L’entité en IFRS : vers une image absolue des groupes ?
Deux dimensions confortent l’adhésion apparente et absolue du cadre IFRS au
principe de l’entité : sa restitution des groupes comme des objets à découvrir
par construction, réunissant leurs parties (filiales), et les règles de valorisation
de leurs éléments (actifs, etc.).
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
En parallèle, les normes ont œuvré pour approcher leurs règles de valorisation
et de représentation d’un idéal théorique conforme aux préceptes de la théorie
de l’entité. L’IAS 1 prône clairement une approche stakeholders et énonce la
finalité des états financiers (consolidés en l’occurrence) pour les parties pre-
nantes. Nombre d’éléments du bilan sont valorisés à la juste valeur (IAS 32-39
puis IFRS 9) ou réévalués (IAS 16 et 38), et celui-ci détermine le résultat global
(compréhensive income) comme généré par les actifs et capitaux employés (idée
que l’on retrouve chez Paton, 1922). Mais deux normes récentes marquent
le point d’orgue de cette évolution vers l’entité : l’avènement de l’IFRS 16 et
l’option de full goodwill de l’IFRS 3 révisée. La première consacre l’idée que les
moyens doivent être représentés au bilan indépendamment de leur propriété
et y prévoit ainsi la capitalisation des contrats de location simple, dépassant
ainsi largement le champ d’application de l’IAS 17 (location financières, dont le
classique crédit-bail). Enfin, la seconde est certainement la plus remarquable
et fait écho aux recommandations de Moonitz (1944) sur le sujet du goodwill.
Jusqu’en 2009, le goodwill était valorisé pour la part majoritaire (purchase
method, proche des normes françaises) et entretenait donc un lien ambigu avec
l’approche propriétaire (proprietary theory) opposée à celle de l’entité. Il est
désormais possible de valoriser le goodwill complet (full goodwill) incluant une
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part implicite d’intérêts minoritaires et reconnaissant la pluralité des acteurs
et parties prenantes. Cette évolution, pour surprenante qu’elle soit, parachève
les contours et la valorisation d’une entité globale : le groupe.
8 Équivalente à des mini comptes de résultat et bilans par segments métiers et géo-
graphiques.
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lage des systèmes de pilotage de l’entité groupe. Celle-ci est donc désormais
présentée comme un ensemble stratégique, piloté et cohérent. Par ailleurs,
l’identification des Unités Génératrices de Trésoreries (UGT) reposant sur les plus
petites unités opérationnelles générant de la trésorerie9 donne aussi un détail
sur le maillage du groupe et les sources de trésorerie de l’entité. L’obligation
faite aux groupes de justifier un niveau fonctionnel et financier minimum dans
leur organisation conforte encore, comme précédemment avec les publica-
tions sectorielles, l’idée que l’entité est finie : UGT et segments stratégiques
en constituent le maillage analytique. Enfin, à partir de 2013, l’IFRS 12 sur les
entités liées procède du même mouvement : donner du détail circonstancié sur
ce qui est délimité, que ce soient des filiales, des entités associées, des parte-
nariats ou des entités structurées. Les accords contractuels, les engagements,
éléments d’appréciation du contrôle, les informations financières résumées
sur les filiales, etc., sont donc requis pour éclairer le fonctionnement de l’entité.
Au final, les IFRS ont épousé les préceptes de la théorie de l’entité sans justi-
ficatif clair : elle est plus un postulat qui sous-tend le cadre conceptuel actuel
qu’un théorème bien étayé. Mais s’il est vrai que lors des prémices de la conso-
lidation les groupes de sociétés pouvaient être assimilés à des firmes ayant
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des établissements, aujourd’hui, cette approximation est mise en défaut par
l’évolution des modèles économiques des groupes, où le périmètre restitué est
parfois assez éloigné de la réalité du contrôle des ressources et du pouvoir de
concentration qu’exercent les holding sur leur environnement, comme nous
allons l’aborder dans les sections suivantes.
Colasse (1997) rappelle que les groupes de sociétés assoient leur contrôle à
la fois sur les liens technico-commerciaux, juridico-financiers et sur les liens
de personnes, alors que le modèle comptable est essentiellement focalisé sur
les liens juridico-financiers. Aussi, si le groupe est une entité, telle que posée
par les IFRS, peut-on se satisfaire des seuls comptes consolidés pour appré-
cier l’étendue de sa domination et la maîtrise qu’il exerce sur les ressources
ou sur les flux de revenus ? Sur le sujet, les travaux restent morcelés, traitant
des frontières de la firme, d’économie de la concurrence, et de dilution des
responsabilités mais n’entretiennent pas de relation directe avec la question
du modèle comptable, notamment en IFRS.
9 Elles servent à la mise en œuvre de l’IAS 36. Si les informations ne sont pas aussi
détaillées que celles de l’IFRS 8, les groupes doivent cependant communiquer sur les moda-
lités de leur détermination en annexe.
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
Ce territoire est composé d’un noyau dur reposant sur la société-mère, ses prin-
cipales filiales détenues de manière exclusive (en général à des taux de contrôle
élevés) puis des filiales périphériques relevant des contrôles conjoints ou de
l’influence notable. La zone d’influence du groupe complète le noyau consolidé.
Elle comprend les entreprises partenaires (au sens large) qui lui permettent de
maîtriser ses ressources et ses coûts ou de contrôler ses revenus bien au-delà
du périmètre de consolidation. Elle se caractérise par un réseau de collecte
d’informations que le groupe consolidé est à même de gérer et d’imposer aux
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entreprises partenaires captives. Ceci est vrai en termes de rythme de repor-
ting (mensuel en général), format des états de suivi, contenu des tableaux de
bord, objectifs assignés (commerciaux par exemple), supports informatiques
(logiciels préconisés/imposés par la firme pivot) et protocoles utilisés, etc. Au
final, ces entités partenaires sont sous contrôle opérationnel12 au même titre
que les vraies filiales. Seule l’absence de liens de propriété les distingue fon-
damentalement. Aujourd’hui, alors que la consolidation des comptes de filiales
est banalisée, la reconnaissance de liens particuliers avec des partenaires, et
donc d’une zone d’influence pourrait conduire à vouloir élargir le périmètre de
consolidation à l’ensemble du territoire sous influence. Cette démarche irait bien
au-delà de ce que prévoit le cadre conceptuel des IFRS, soit par combinaison
des comptes de partenaires avec les comptes consolidés, soit en les annexant,
etc. mais produirait un alourdissement significatif des informations déjà très
conséquentes en IFRS et rendrait plus floue encore la notion d’entité au centre
des cadres normatifs. Meyssonnier et Pourtier (2013) ont toutefois proposé une
version de comptes consolidés ajustée qui échappe à cette lourdeur. Elle relate
la structure des flux (ventes, achats, résultats, etc.) en fonction de leur origine
contractuelle (classés par contrats, type de partenariats, etc.), reconnaissant
que les groupes ne sont pas diversifiés uniquement selon leurs métiers ou
secteurs géographiques (IFRS 8), mais aussi selon leurs modes d’arrangement,
10 Dupuy (1978), Amblard (1999), Catel (2007), abordent le sujet par exemple.
11 La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) le contraint à élargir aussi son
périmètre de contrôle et suggère l’idée d’un périmètre de responsabilité faisant écho au sujet
très actuel de l’A ccountability.
12 Ils sont aussi souvent locataires des murs qui appartiennent à l’entité Holding du
groupe dominant.
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
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moins durablement. Ces arrangements s’appuient sur des relations contrac-
tuelles ou de personnes, mobilisant les acteurs de manières diverses dans des
relations qui dépassent le cadre classique du droit du travail par exemple. La
qualification de leurs relations échappe donc largement aux critères de contrôle
retenus en IFRS 10 alors que les groupes de sociétés sont bien entendu des
acteurs de tout ou partie du développement de ces formes organisationnelles
hybrides. Aussi, même si des liens statutaires ou contractuels sont envisagés
dans l’appréciation du contrôle (et déjà dans la 7ème directive UE), donc de
l’entité groupe, cela est essentiellement théorique.
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15 ED/2010/2, §BC25 sur les comptes combinés relatant timidement les concentra-
tions familiales.
16 Sauf à la faveur des scandales liés par exemple aux ententes illicites sanctionnées
par le droit de la concurrence où son poids nous est rappelé sans que le modèle comptable ne
soit concerné.
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
Dans cette partie, nous avons donc souligné que le modèle d’entité porté par les
IFRS méconnaissait l’étendue du pouvoir des regroupements et les leviers de
création de valeur déclinés dans leurs business models. Nous allons désormais
mettre en avant que les IFRS occultent aussi le glissement des modèles écono-
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miques, figeant un objet mouvant, à mesure que leurs règles se complexifient,
ce qui soulève nombre de questions en perspective.
17 Les seuls exemples fournis sans lien de capital concernent des entités financières
structurées complexes et sont, au fond, l’écho des situations traitées par l’ancien SIC 12.
18 Utilisé par Meyssonnier et Pourtier (2013) et complété ici jusqu’à l’exercice 2015.
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une stratégie asset light/asset rigth19, en vendant une part de ses hôtels bien
que conservant le contrôle des revenus par le biais de franchises ou de contrats
de gestion dont la proportion s’est accrue (Tableau 1).
Exercices 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Chiffre d’affaires
7562 7607 8121 7593 5490 5948 6100 5649 5536 5454 5581
HT (CA)
Revenus (fran-
chises et gestion) 174 200 208 222 202 248 267 511 603 520 624
(1)
Flux de
Trésorerie d’Acti- 1082 1196 1415 1050 383 665 642 709 855 875 886
vité (FTA)
Revenus (1)/CA 2,3% 2,6% 2,6% 2,9% 3,7% 4,2% 4,4% 9% 10,9% 9,5% 11,2%
Revenus (1)/FTA 16,1% 16,7% 14,7% 21,1% 52,7% 37,3% 41,6% 72,1% 70,5% 59,4% 70,4%
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des revenus de franchises qui prennent une part croissante et significative des
flux nets de trésorerie d’activité.
19 Stratégie que l’on retrouve chez des groupes comme Club Med ou Pierre et Va-
cances par exemple.
20 Voir par exemple la déconsolidation massive réalisée par le groupe Gaumont en
2001, créant à cet effet une entité ad hoc contrôlée par le groupe Pathé (66 %) et détenue à 34 %
par Gaumont. Le montage passe sous silence que les pdg des deux groupes étaient aussi frères.
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
à mesure que la solution des comptes consolidés s’est installée, les groupes
ont évolué, avec des filiales plus difficiles à cerner et intégrer au modèle. Le
Tableau 2 propose une synthèse simplifiée des grandes étapes qui ont émaillé
le 20ème siècle et le début du 21ème siècle21.
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Questions Valorisation Valorisation et conso- Débats sur la Traitement Quelle(s) enti-
comptables des titres lidation des filiales consolidation des entités té(s) ?
classiques (proches des filiales particulières et Les groupes sont-
de 100%) atypiques des montages ils des entités ?
déconsolidants
Cadres Absence de règles Structuration des règles nationales… Quel cadre
comptables structurées comptable ?
pour les Avènement IAS…
groupes
Cristallisation IFRS
Pratiques, Coût vs One line consolidation Non conso- Mise en équi- Prééminence d’une
arbitrages juste (proto consolidation lidation, valence vs comptabilité de
et règles valeur/ par Mise en équiva- intégration intégration bilan ?
prise en lence, Nobes, 2002). proportion- proportionnelle,
compte des Intégration globale nelle, mise en avènement SIC
résultats vs ou proportionnelle équivalence 12, IFRS 10,
dividendes des filiales directes et 11, 12
nationales
21 Voir Walker (1978) pour une histoire détaillée des comptes de groupes avant IAS.
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questions sont alors débattues sur l’identité des groupes, le statut des filiales
particulières (financières, étrangères, partenaires, co-entreprises). Cette période
de pratiques peu encadrées et très disparates aboutit à la naissance de l’IASC
et des normes internationales et l’avènement de la 7ème directive UE qui, avec
décalage, vont poser le cadre d’une normalisation des modèles et pratiques
comptables des groupes. Pourtant (4), l’évolution des groupes n’a cessé de
complexifier la réalité, portant le modèle IFRS à ce qu’il est aujourd’hui. À l’aune
de cette perspective (colonnes 1 à 4), la question devient alors de savoir si le
modèle IFRS, centré sur l’entité, élargi à outrance pour tout prévoir, pétri et
figé dans sa lourdeur conceptuelle et opératoire, sera à même de restituer de
nouvelles configurations et notamment l’évolution des combinaisons (colonne
5) que les groupes peuvent entretenir, développer avec les formes hybrides
d’organisation soulignées en section 2. Finalement Moonitz (1951, page 1)
l’avait dit peut-être de manière prémonitoire dès son introduction22 : « les
comptes consolidés n’existent pas coupés du monde. Ils ont été développés pour
remplir un véritable besoin qui a émergé de conditions historiques spécifiques ;
ils reflètent au niveau comptable le modèle distinctif adopté dans ce pays (USA)
par le combination movement. Quand ces conditions se modifieront suffisamment,
les comptes consolidés seront supplantés par d’autres formats de comptes plus
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adaptés ». Il est donc possible que le modèle consolidé IFRS puisse être mis en
défaut s’étant déconnecté de la réalité et de la complexité stratégique de groupes
jouant désormais sur des combinaisons subtiles entre la firme réseau, la firme
virtuelle, la firme écosystème, le tout centré sur le groupe structuré classique
et l’animation (et le contrôle) d’une frange de partenaires et entités associés.
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groupes
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entité associée, filiale, puis à nouveau associée et enfin, déconsolidée par un
spin off ou autre montage de cession, nous paraît devoir être envisagée pour
redonner de la perspective à ce qui n’en a pas beaucoup. Il est notable que les
normes restent focalisées sur la qualification des entités et non sur leur place
dans un processus global de création de valeur. Dans un contexte différent,
la réflexion sur le contour et la consolidation des comptes publics faite par le
CNOCP23 mérite d’être soulignée car elle privilégie l’idée que ce qui compte c’est
la mission, les droits et obligations d’une entité (publique), plus que sa forme
à un instant t. Ainsi, celle-ci pourrait changer, disparaître mais les aspects de
ce pour quoi elle a été créée (obligations, engagements, missions) demeurent.
Cependant, ces remarques soulèvent le spectre d’une entité sans cesse élargie
et dont les limites seraient circonscrites par des critères de plus en plus qua-
litatifs, à la substance complexe, et peu opératoires ou vérifiables, ouvrant la
voie à une masse d’informations qualitatives. Or, il faut noter que la concep-
tualisation du contrôle, clé de détermination du périmètre en IFRS, rend déjà
très délicat le contrôle des comptes par les auditeurs. Elle permet au groupe
de documenter et justifier la consolidation d’entités qui ne seraient pas sous
contrôle de capital, mais à l’inverse, elle délègue aux auditeurs la responsabilité
d’identifier les entités qui seraient sous contrôle en substance, alors qu’elles ne
sont pas consolidées, ouvrant la porte à une déformation de l’image comptable…
Or, les auditeurs ne peuvent en général auditer que ce qui leur est accessible.
Par ailleurs, les Normes de l’Exercice Professionnel sont plutôt évasives sur
les aspects liés à l’étendue possible de l’entité et les critères opératoires de
contrôle entre entités. Pourtant, la question du contrôle des comptes, de la
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des contraintes fiscales et sociales qui s’imposent à eux. Ce sujet dépasse d’ail-
leurs le seul cadre des IFRS. Ainsi, l’organisation de McDonald reposant sur un
réseau de franchisés versant des redevances à une société sise au Luxembourg
est-elle suspecte… D’autres montages récents, comme le rapprochement des
groupes pharmaceutiques Pfizer et Allergan, permettant de délocaliser le nou-
veau holding (après fusions inversées) en Irlande, ont beaucoup agité le Trésor
américain et il sera intéressant de voir quels seront les impacts du projet Base
Erosion Profit Shifting de l’OCDE notamment dans son Action 13 : Country by
Country Reporting (CbCR) s’il s’appuie sur des données consolidées. Il est aussi
courant que la structure de groupe soit un levier de gestion sociale permettant
de maintenir sous les seuils sociaux une activité pourtant démultipliée, ou
de dissimuler sous un format commercial ce qui devrait relever du droit du
travail : l’Unité Economique et Sociale est rarement respectée et ce d’autant
que son caractère opératoire reste un sujet de discussion.
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La consécration du modèle de l’entité par les IFRS : perspectives
critiques après un siècle d’évolution des modèles de consolidation des
groupes
Conclusion
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tance des liens qui unissent les entités. Pourtant, les normes ne retiennent dans
leur représentation qu’une partie des éléments qui permettent la concentration,
l’exercice du pouvoir et la déclinaison du modèle économique des groupes
(ou des holdings) : elles éludent les liens contractuels ou de personnes qui de
facto assurent une domination. De même, elles semblent aborder de manière
incomplète l’entité en omettant nombre d’éléments de dimension sociétale et
immatérielle. Pourtant on peut se demander s’il y a plus de légitimité à activer
des contrats de location simple (IFRS 16 en devenir), qu’à activer le capital
humain ou intégrer les engagements du groupe en matière sociale et environ-
nementale, ou qu’à consolider de simples partenaires sous domination mais
réputés juridiquement indépendants : le vieux serpent de mer sur l’étendue
réelle et l’essence des groupes réapparaît. L’achèvement du modèle comptable
international, en figeant la représentation des groupes de manière complexe et
définitive, souligne de manière aigüe ce qui venait de loin en loin émailler les
écrits d’auteurs sous forme d’objections de principe, mais peu sous forme de
développements critiques : on a toujours su et objecté que les groupes étaient
autre chose que leur périmètre comptable, mais cela en forme de conclusion
rhétorique. Si IFRS 3 (§43c) aborde les regroupements par le biais de contrats
seuls, cela reste très anecdotique dans la norme (et non illustré) et peu nou-
veau au regard des règles de la 7ème directive. De même, si IFRS 10 mentionne
le cas des franchises (§B29-B33), c’est pour mieux le classer hors sujet, noyé
de toute façon dans une masse d’exemples reposant essentiellement sur des
liens de capitaux ou sur des exemples d’entités structurées très financières.
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Le modèle IFRS s’est développé comme un modèle ad hoc, toujours plus com-
plexe, polarisé sur l’idée de tout décrire en privilégiant largement une repré-
sentation bilancielle. Si les normes internationales envisagent de manière très
large toute configuration de regroupement (et donc en théorie potentiellement
adaptable à tout cas réel), elles restent tributaires de deux facteurs clés. Tout
d’abord, elles sont engoncées dans le concept d’entité qui sclérose la représen-
tation des groupes tout en maintenant une relation ambiguë avec les intérêts
des actionnaires majoritaires. Ensuite, l’applicabilité même des règles qu’il
énonce constitue un frein : la qualification des liens de substance (autres que
de capital ou autres que les cas flagrants d’entités structurées déjà identifiées)
entre les parties requiert une analyse délicate, en admettant que les éléments
probants soient accessibles aux auditeurs. Pourtant, la compréhension des
flux opérationnels et des supports/véhicules juridiques par lesquels ils sont
maîtrisés, semble au moins aussi essentielle pour éclairer le fonctionnement
de ce qui nous paraît être plus un système qu’une entité. Peut-être faut-il parler
de système groupe et non d’entité groupe pour proposer un modèle comptable
en phase avec la complexité qu’il cherche à représenter.
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