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Séquence 2 – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791

Olympe de Gouges,
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791

Préambule
Introduction
En pleine période révolutionnaire, alors qu’a déjà été écrite la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen, dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, écrite en
1791, Olympe de Gouges revendique l’égalité des sexes et dénonce les injustices dont les femmes
sont victimes. Déjà, en 1786, dans l’Homme généreux, son premier ouvrage, elle écrivait :
« Voilà comment notre pauvre sexe est exposé. Les hommes ont tous les avantages, on en a
vu qui, sortis de la plus basse origine, sont parvenus à la plus grande fortune et quelquefois
aux dignités ; et les femmes sans industrie, c’est-à-dire si elles sont vertueuses, restent dans
la misère. On nous a exclues de tout pouvoir, de tout savoir ; on ne s’est pas encore avisé de
nous ôter celui d’écrire, cela est fort heureux ! »[2]
Il est vrai que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen* de 1789, qui énonce un
ensemble de droits naturels individuels et communs et les conditions de leur mise en œuvre,
n’évoque jamais explicitement les femmes et les citoyennes. C’est pourquoi Olympe de Gouges
décide d’écrire sa propre Déclaration, en reprenant quasiment mot pour mot celui de
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ce qui permet, par comparaison, de dénoncer
ses manques. C’est ce que nous allons tenter de mettre en évidence en nous demandant comment
ce préambule s’affirme comme un plaidoyer pour l’égalité des sexes. (= problématique)

Le préambule peut se diviser en trois mouvements :

1- Le premier = la première phrase. > Introduction qui précise qui sont les demandeurs
et les énonciateurs de la déclaration.
2- Le deuxième = la phrase suivante. > Présentation de l’objet de la demande.
3-Le troisième = dernière phrase. > Conclusion qui annonce les articles.
 
 
1er mouvement : l’affirmation des « demandeuses »
 
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation, demandent d’être constituées en
assemblée nationale. 
- Olympe de Gouges prend la parole au nom des « mères, filles, sœurs, représentantes de la
Nation ». On constate d’emblée que les hommes ne sont pas concernés et que le terme « épouse »
n’apparaît pas.

- Les trois premiers termes génériques renvoient aux liens familiaux qui apparentent toutes les
femmes, dans un esprit universel d’union communautaire. La gradation descendante « mère, filles,
sœurs » souligne les relations générationnelles qu’entretiennent les femmes et leur filiation. Elle
s’adresse ainsi aux femmes, au nom de toutes celles qu’elle représente : en tant que mère, fille et
sœur.

- La périphrase (qui résume les trois termes précédents) « représentantes de la Nation » donne
aux femmes un rôle politique et national qui témoigne de la volonté de l’autrice de les affirmer
comme les égales de l’homme.

Remarque : cette périphrase fait écho à l’expression de la Déclaration des droits de l’Homme,
« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale ».
- Le verbe « demandent » exprime clairement l’objectif du texte : exiger que les droits des femmes
soient respectés au même titre que celui des hommes et la proposition complétive « d’être
constituées en assemblée nationale », conjuguée au féminin (« constituées »), permet de
revendiquer leur droit à gouverner la France et à faire partie intégrante de la vie politique française
(ce qui n’était absolument pas le cas).
 

2e mouvement : l’expression de la revendication


 
Les Hommes responsables des désordres politiques  
- féminisation de la Déclaration des droits de l’Homme : « de la femme » remplace « de
l’Homme », « citoyennes » remplace « citoyens ». La femme se place au cœur de la déclaration. Le
texte affirme ainsi qu’elle doit avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’homme. Ceci
permet en même temps d’affirmer que ce n’est pas encore le cas et que la Déclaration des droits de
l’Homme est donc incomplète.
 
- La dénonciation de l’infériorité de la femme apparaît dans l’énumération de termes péjoratifs :
« ignorance, oubli, mépris ».

- Ce manque de reconnaissance est présenté comme LA seule explication au mauvais état de la


société : « les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements »
  Olympe de Gouges dit clairement que c’est parce qu’on a ignoré les femmes, que la vie
publique est corrompue… forcément par des hommes qui sont donc seuls responsables des
désordres.
Cette première modification du texte originel met en valeur la volonté d’Olympe de Gouges
de dénoncer la domination des hommes sur les femmes. Le champ lexical du malheur dénonce la
domination masculine dont la tyrannie gangrène le corps social.

Les objectifs de cette revendication égalitaire  : égalité devant la loi pour le bonheur
de tous.

- Trois objectifs sont visés comme l’indiquent les trois propositions circonstancielles de but
introduites par « afin que » :

1/ : « afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social,
leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs »
Insiste à la fois sur les droits des individus, mais aussi sur leurs responsabilités.

2/ « afin que les actes du  pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes  pouvant
être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus
respectés »
« du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes » remplace « du pouvoir
législatif, et ceux du pouvoir exécutif  (DDH)». Ceci montre que pour Olympe de Gouges,
davantage que l’égalité entre « exécutif » et « législatif », c’est l’égalité des sexes qui est
demandée.

3/ « afin que les réclamations des  citoyennes, fondées désormais sur des principes simples
et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au
bonheur de tous »
  Le bonheur et le respect de la morale apparaissent (ce qui sous-entend que ce n’était pas le
cas). La présence des citoyennes aux responsabilités doit donc assurer la quête du bonheur
(nouveau au XVIIIème s.)
 
Le bonheur social passe donc, selon l’autrice (on peut écrire aussi « l’auteure »), par l’égalité
hommes/femmes et par une société juste et équitable.

 
3e mouvement : une transition
 
- « En conséquence » indique la fin du préambule et annonce ce qui va découler du principe
d’égalité Hommes/Femmes rappelé plus haut : c’est une transition vers les articles.

- La périphrase « le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances


maternelles » pour désigner la femme remplace « L’Assemblée Nationale » du texte de la DDH et
prend à contrepied, avec le groupe nominal « le sexe supérieur », l’expression « sexe faible »
utilisée généralement pour désigner les femmes.
  La femme n’est plus le sexe faible.

- « en présence et sous les auspices du l’Être suprême » est une formule caractéristique du style
juridique dans une société où la religion conserve encore une place centrale.

- le participe présent « suivants », employé ici comme adjectif, sert à annoncer « les droits de la
femme et de la citoyenne » qui, comme pour la DDH, sont au nombre de 17.

En conclusion, on peut dire que ce pastiche de la Déclaration des Droits de


l’Homme et du Citoyen (préambule et articles qui reprennent en les modifiants les
termes du texte originel de 1889), en reprenant le style juridique de son modèle,
apparaît comme une tentative sociale et politique de reconnaissance des droits des
femmes. C’est bien un plaidoyer pour l’égalité des sexes.
Après avoir affirmé qu’elle parlait au nom de toutes les femmes, Olympe de
Gouges nie l’infériorité du sexe dit « faible » et dénonce le mépris de la domination
masculine. Elle énonce ensuite que l’objectif de cette reconnaissance de l’égalité
Homme/Femme doit permettre une société juste et heureuse.
Le préambule permet donc de comprendre, par les différences qu’il instaure
avec le préambule du teste de la DDH, que le texte d’Olympe de Gouges sera à la fois
un complément au texte originel, mais aussi une critique de ce-dernier puisque, s’il
avait été suffisant à assurer l’égalité de tous (et de toutes !), elle n’aurait pas eu
besoin de l’écrire. On peut considérer ce texte comme une œuvre qui relève d’un
engagement « féministe » (terme qui n’existe pas à l’époque et n’apparaîtra qu’au
XIXème siècle, et de manière péjorative d’abord).

*Pour rappel 
Préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que
l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et
de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits
naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous
les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du
pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de
toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées
désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution
et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être
suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

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