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LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES

DANS LA SOCIETE ANONYME EN DROIT MAROCAIN


INTRODUCTION
La société anonyme est la forme capitaliste de concentration de
pouvoir par excellence, dans laquelle les actionnaires sont liés à leur
société par la détention d'un titre négociable. Leur intervention dans la
vie sociale ne s'effectue que par le biais des assemblées au sein
desquelles les décisions se prennent à la majorité. A savoir que
la majorité n'est en principe qu'une fraction mathématique des
participants à un vote, qu'il s'agisse de l'assemblée ou des organes de
gestions[1]. Elle est en réalité l'actionnaire ou les actionnaires qui, grâce
au nombre d'actions qu'ils détiennent, soient assurés de dominer le vote
et par conséquent, faire passer toutes les décisions qu'ils proposent et
auxquelles tous les actionnaires doivent s'incliner.
L’intervention des différents actionnaires, et leur participation à la
vie sociale de la société peut générer un déséquilibre et des abus. Car les
actionnaires étant majoritaires, peuvent user de leurs pouvoirs d’une
façon abusive et léser les actionnaires minoritaires qui de par leurs faible
participation dans la société, ne jouent pas un rôle décisionnel important
durant les assemblées, n’ont pas de contrôle sur la société et
craignent que les majoritaires abusent de leur pouvoir et dirigent la
société dans leur seul intérêt personnel. . C’est ainsi qu’on parle d’abus
de majorité qui se constitue par un vote contraire à l’intérêt sociale et qui
est émis dans  l’unique dessein de favoriser la majorité au détriment des
autres associés ou actionnaires. L'abus de majorité suppose donc un
préjudice subi par la minorité, soit sous la forme de la privation d'un
avantage réservé aux seuls majoritaires, soit en un désavantage subi par
les seuls minoritaires. L’abus de majorité, minorité ou d’égalité, génère
des conflits allant jusqu’à paralyser le fonctionnement de la société. D’où
l’importance de se pencher sur ce sujet, dans le but de garantir la
continuité de la société tout en protégeant les différentes parties.

Soucieux de la continuité de la société et conscient du rôle des


actionnaires minoritaires, le Maroc a tenté de l'entourer d'une protection
spéciale les actionnaires minoritaire par un arsenal  juridique non
négligeable, mais perfectible, afin de leur accorder de plus en plus de
poids dans la gestion des sociétés. Et ce conformément aux dispositions
de la loi n° 20-05 modifiant et complétant la loi 17/95 relative aux
sociétés anonymes.
En droit Allemand, l’idée d’abus de majorité est également
présente[2], néanmoins les actionnaires jouissent de droits plus étendus
qu’en droit marocain, notamment relatifs au contrôle et à la gestion de la
société anonyme.
Le droit anglais quant à lui a prévu deux types de protection afin de
protéger les associés du risque d’abus de majorité. La première a été
développée par le droit judiciaire, la seconde par la loi[3].
Aux États-Unis, l’abus de majorité n’est  pas soumis à des critères
fondamentalement différents que dans d’autres législations. Les
véritables points de résistance s'observent au stade des sanctions : plus
variés qu'en France, les remèdes mis en place par les tribunaux
américains sont également plus efficaces[4].
L’on constate que  la protection de l’actionnaire minoritaire
préoccupe toutes les législations dans le monde entier, dans le but de
protéger la pérennité de la société, et d’éviter la rupture d’égalité entre les
différents actionnaires.
Ainsi, l’intérêt de notre sujet porte sera d’étudier la protection des
actionnaires minoritaires, en répondant à la question suivante :
Comment sont protégés les actionnaires minoritaires ? Quelle
appréciation de l'évolution du droit marocain en la matière, et quelle
évaluation de ses avancées et retards par rapport à d’autres pays ?

PLAN
Introduction

I-           Les garanties légales des actionnaires minoritaires


A.  Les droits des actionnaires minoritaires 
1.   Le droit à l'information
a- L'information
    comptable et
financière 
b- L'information sur la gestion 
   

2.   Le droit des actionnaires minoritaires aux assemblées 


a.  L'accès des actionnaires
minoritaires aux assemblées 
b.  L'expression des  minoritaires au
sein des assemblées 
B.  L’ineffectivité  et les carences de la protection légale des
actionnaires minoritaires 

II-         Les garanties judiciaires des actionnaires minoritaires


A.  Les recours judiciaires ouverts aux  actionnaires minoritaires
1. Les fondements des actions judiciaires 
a. L’abus de majorité
b. L’intérêt social
2- La mise en œuvre de l'action 
a. Devant le juge des référés 
    

b. Devant le juge du fond 


   

B.  Les insuffisances judiciaires et les mesures alternatives


                           1-la difficulté de mise en œuvre de l’action judiciaire
a.    La qualification du juge
b.   La difficulté de preuve
c.    L’intérêt des actionnaires minoritaires
                           2- Les alternatives au recours judiciaire
a.    Les mesures préventives
b.   Les mesures extrajudiciaires

CONCLUSION
I-            Les garanties légales des actionnaires minoritaires

A-  Les droits des actionnaires minoritaires 


Pour garantir une participation active des actionnaires aux
assemblées, la loi sur la société anonyme a organisé un véritable droit à
l'information que doivent recevoir les actionnaires, en définissant les
informations qui doivent être diffusées et même le contrôle de la fiabilité
de cette information. C'est ce qu'on va aborder lors du premier point (A)
de ce paragraphe tandis que le deuxième point sera consacré aux droits
des actionnaires de participer aux assemblées générales (B).
1-   Le droit à l'information
L'information sous toutes ses formes, générales ou spéciales,
permanente ou périodique, a pour finalité de permettre à l'actionnaire de
prendre connaissance de la marche des affaires au sein de la société. Elle
est aussi un moyen de protéger l'investissement fait par l'actionnaire car
c'est à partir de l'image qu'elle lui donne de la vie sociale qu'il décidera de
céder, conserver ou accroître les valeurs qu'il détient[5].
Le droit à l'information a été organisé par la loi 17-95 sur la société
anonyme dans les articles 140 à 156, dans ces articles le législateur
détermine un certain nombre d'informations qui doivent être diffusées et
à quel moment cela doit se faire. Ainsi deux types d'information peuvent
être dégagés de ces textes, d'une part l'information comptable et
financière (a) et l'information sur la gestion (b) d’autre part.
a-   L'information comptable et financière 
L'information comptable et financière doit couvrir tous les
événements marquants de la vie sociale et tous les domaines d'activité de
la société, de telle sorte que l'actionnaire peut facilement faire les
comparaisons d'une année à l'autre ou d'un exercice à l'autre.
A noter qu’il existe deux types d’informations : l’information
permanente et l’information préalable.
 
b-L'information sur la gestion 
L'information sur la gestion a été pendant longtemps considérée
comme l'un des secrets des affaires qui doit être l'apanage des seuls
dirigeants, ceux-ci se contentaient de publier des informations vagues
destinées aux actionnaires minoritaires.
L’information sur la gestion peut être procurée aux actionnaires
soit par les dirigeants grâce notamment au rapport de gestion, soit par le
commissaire aux comptes. De même que les actionnaires peuvent
provoquer cette information grâce à la demande de désignation d'un
expert en gestion.

2- Le droit des actionnaires minoritaires aux assemblées 

Qu'il soit minoritaire ou majoritaire, tout actionnaire a   le droit de


participer aux assemblées et de manière générale de participer à la
gestion commune de la société comme le prévoit l'article 1015 du Doc qui
stipule que «le droit d'administrer les affaires sociales appartient à
tous les associés conjointement et nul ne peut l'exercer séparément,
s'il n'y est pas autorisé par les autres ». Bien plus, l'article 387 de la
loi sur la société anonyme sanctionne d'un mois à 6 mois de prison et/ou
amende allant jusqu'à 8000 DH quiconque interdise intentionnellement à
un actionnaire de participer à l'une des assemblées d'actionnaires.
 Vu leur situation fragile, les actionnaires minoritaires sont plus
que les autres soucieux de l'intérêt social, et c'est pour valoriser leur
participation aux différentes assemblées que le législateur a pris soin
d'organiser aussi bien le droit d'accès aux dites assemblées (a) que celui
de s'exprimer en leur sein (b).

a- L'accès des actionnaires minoritaires aux assemblées 


 

Qu'ils décident d'assister à l'assemblée personnellement ou  par la


représentation d'une tierce personne, les actionnaires doivent au
préalable et sans   distinction être avertis de la date et de lieu de la
réunion de l'assemblée  à laquelle ils entendent participer, chose qui ne
se réalisera qu'à travers une convocation.

1- Le  droit de se faire représenter aux assemblées 

Si le droit de se faire représenter aux assemblées est reconnu


légalement aux actionnaires sa valeur n'en est pas moindre en fonction
du choix du mandataire (a) et de l'exercice du mandat (b). C'est pour
cette raison qu'il y a une réglementation très précise.

- Le choix du mandataire 

L’article 131 de la nouvelle sur les sociétés anonymes dispose


« qu'un actionnaire peut se faire représenter par un autre
actionnaire, par son conjoint ou par un ascendant ou descendant»
et pas au-delà. Et d'ailleurs cette attitude est parfaitement justifiée en
égard au fait qu'elle permet d'éviter l'intrusion des professionnels au sein
de la société, lesquels ont tendance plutôt à spéculer au lieu de discuter
réellement des problèmes de la société.

- L'exercice du mandat 

L'exercice du mandat suppose tout d'abord l'existence d'une


procuration. Ainsi l'article 132 de la loi 17/95 dispose dans son premier
alinéa que : «  la procuration donnée pour se faire représenter à une
assemblée par un actionnaire est signée par celui-ci et indique ses
prénoms, nom et domicile ». Egalement étant donné que le mandat est
basé sur la considération de la personne surtout que le sens du vote
dépend de celle-ci, le même article a ajouté que le mandataire ne peut
recourir à une autre personne pour exécuter son mandat.
L'article ajoute que le mandat donné pour une assemblée vaut pour
les assemblées successives convoquées avec le même ordre du jour.
Toutefois, ceci ne prive nullement le mandat de révoquer son
mandataire, au contraire, il peut à tout instant le faire, car son droit est
d'ordre public et aucune clause ne peut le lui ôter. Evidemment, cette
révocation suit le régime du droit commun, et elle peut être tacite
notamment par la présence effective du mandat à l'assemblée, mais ne
concerne que les résolutions non encore votées. Il faut aussi signaler que
la révocation n'est opposable à la société qu'à compter de la date où lui
parvient cette information[6].

b- L'expression des  minoritaires au sein des assemblées 

Comme on l’a signalé ci-dessus, permettre à l'actionnaire d'accéder


et voter à l'assemblée n'est pas en soi une garantie suffisante ; car ce
vote doit exprimer exactement son choix. D’où la nécessité de sa
participation aux débats (a) et sa liberté de voter (b).

1- La participation des minoritaires aux débats 

Il faut dire que les débats restent une condition nécessaire pour
forger la volonté commune des actionnaires[7]. Laquelle ne peut
s'instaurer qu'après un débat ouvert et démocratique en ce sens que
celui qui dirige le débat, à savoir le président de l'assemblée, est obligé de
laisser le temps nécessaire à tout actionnaire pour expliquer son point de
vue et justifier sa position.
Les débats permettent également une information complémentaire
pour les actionnaires; ainsi, aux termes de l'article 119 de la loi 17/95
l'auteur de la convocation doit établir et présenter à toute assemblée, un
rapport sur les questions inscrites à l'ordre du jour les résolutions
soumises au vote. Les actionnaires minoritaires peuvent formuler toutes
les questions estimées utiles par eux, ils peuvent contester le rapport de
gestion, formuler des réserves pour telle ou telle opération. Certaines
sociétés usent actuellement des techniques modernes (projection de
diapositives ou des films,  réceptions à la suite de la réunion au cours
desquelles une discussion informelle peut avoir lieu avec les
dirigeants…).
2- Le droit des actionnaires de voter librement aux assemblées 

Avant d'entamer la question de l'exercice de vote et son impact sur


les minoritaires, nous traiterons tout d'abord, le principe de la liberté du
droit de vote.
§  Le principe de la liberté de vote
De prime abord, il faut relever à ce sujet que l'article 387 alinéa 3
sanctionne de prison et d'amendes ceux qui se seront fait accorder,
garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens, ou
pour ne pas participer au vote. Ainsi que ceux qui auront accordé,
garanti ou promis ces avantages.
§  L'exercice du droit de vote
L’article 259 de la loi sur la société anonyme dispose que : « sous
réserve des dispositions des articles 257, 260, et 261, le droit du
vote découlant des actions de capital ou des actions de jouissance,
est proportionnel à la quantité du capital qu'ils représentent et
chaque action donne une voix au moins. Et toute clause contraire
est réputée non écrite », et il ajoute : « qu'il est interdit d'émettre
d'autres actions autres que celles prévue à l'article 157 de la même
loi ». En conséquence, il paraît clair de cet article que le législateur est
attaché à une certaine égalité entre les actionnaires de peur de voir que
les majoritaires usent de leur influence pour s'attribuer des voix au-delà
de ce que permet leur participation au capital.

          B. L’ineffectivité  et les carences de la protection légale des


actionnaires minoritaires 
         L’inégalité est au cœur de la société anonyme. Les actionnaires qui
ne participent pas à son administration et à sa gestion y sont dépourvus
de la maîtrise de leur investissement. Les majoritaires se trouvent alors
tentés d'abuser de ce rapport de force fortement déséquilibré en leur
faveur.
Le législateur marocain  a mis en place un dispositif adéquat pour
mieux protéger les actionnaires minoritaires. En effet, les dispositions
traitées en première partie démontrent clairement le souci pour le
législateur  de compatir à leur impuissance. In jure,  les actionnaires
minoritaires  disposent désormais de plusieurs armes pour remettre en
cause les décisions prises par les majoritaires et pour sanctionner les
fautes commises par les dirigeants sociaux dans l'exercice de leurs
fonctions.
In facto, le non-respect de la loi et  l’abus de pouvoir  est toujours
omniprésent. La raison du plus fort est toujours la meilleure. Une raison
que l'on ne peut pas rationnellement rejeter parce qu'elle est réelle.
Puisque les droits des actionnaires minoritaires  sont toujours lésés. Que
ce soit au niveau de l’information, de participation aux assemblées
générales, au vote …
Certes le droit de l'information est un droit qui se trouve en bas de
la pyramide et sans lequel la société ne saurait exister longtemps. C’est
l’un des grands piliers du bon fonctionnement de la société.
La loi a assuré aux actionnaires une meilleure information afin
d'obtenir une participation active à la vie sociale et permettre à ceux-ci
d'être pleinement éclairés pour exprimer leur droit de vote.
Mais ce droit se voit toujours lésé même si la loi lui conféré
plusieurs disposition, et qu’elle est claire sur ce sujet. Nous pouvons
illustrer notre travaille par un exemple parmi des milliers d’autre.
L’américain Pepsi Co sur Danone, qui a fait bondir de 27% l’action
du groupe français en deux semaines, alimente les soupçons d’une
action de délit d’initié orchestrée par Danone. L’information est parue
dans un magazine où Christine Mital, la sœur de Frank Riboud, PDG de
Danone, est éditorialiste. Bien que la rédaction ait nié que la journaliste
soit à l’origine de cette information, une enquête a été ouverte par
l’autorité des marchés financiers suite à une plainte de l’association des
actionnaires minoritaires (Adam) pour “manipulation de cours” du titre
Danone. Par cette action, les actionnaires minoritaires font valoir leur
droit à l’information juste et équitable, dans le sens où le groupe Danone
n’a pas réagi immédiatement pour infirmer les informations qui ont fait
grimper son cours.
Des sociétés cotées,  impactent anormalement leurs cours
boursiers, sans que leurs dirigeants ne daignent réagir pour les corriger.
Plusieurs exemples peuvent être cités dans ce sens: CIH, DiacSalaf, Diac
Equipement, La Marocaine-Vie, Samir… Les procédés de recours et de
protection des actionnaires minoritaires face à de telles abus sont
présent certes, mais insuffisants et fonctionnent très mal dans la
pratique.
Les actionnaires minoritaires peuvent provoquer une demande de
désignation d’un expert en gestion. Mais les résultats produits par
l’expertise sont décevant. Puisqu’il présente un rapport qui est
communiqué au commissaire au compte et à la prochaine assemblée
générale. Mais celle-ci dominée par les majoritaire ne peut en aucun cas
être satisfaisante.

On sait très bien que nul ne peut exercer les fonctions  de


commissaire aux comptes s’il n’est pas inscrit au tableau de l’ordre des
experts comptables. Ce qui fait qu’il ne peut pas être compètent de
manière générale sur les prérogatives juridiques.
Un autre cas existe, notamment dans les sociétés cotées en Bourse.
Les sociétés faisant appel public à l’épargne ont, en effet, l’obligation
légale de rendre publics leurs pactes d’actionnaires. Car la logique veut
que les sociétés et particuliers ayant nouvellement acquis des parts aient
le droit de prendre connaissance de l’ensemble des informations relatives
à leurs titres. Mais cette mesure, qui vise à rétablir l’équilibre, ne serait-
ce qu’en termes d’information, s’avère d’une efficacité toute relative dans
la pratique.
Les principes fondamentaux de la société anonyme sont ceux de
transparence et d’égalité de l’information des actionnaires quel que soit le
montant de leur participation.
La loi leur confère  les mêmes droits et leur attribue les mêmes
moyens de défense de leurs intérêts. Cependant, cette égalité n'est
qu'une apparence parce que, dans la pratique, c'est la majorité qui
impose sa volonté même au préjudice des droits des actionnaires
minoritaires. La rupture d’égalité suppose un dommage subi par
l’ensemble des actionnaires. Lorsque actionnaires majoritaires
commettent des abus, les actionnaires minoritaire peuvent subir des
préjudices.
Le préjudice peut résider dans le seul fait pour les actionnaires
minoritaires de ne pas profiter des avantages retirés par les
majoritaires .Mais les minoritaire  doit prouver que l’acte mis en cause
lui a causé un préjudice.
L’abus de pouvoir de vote suppose aussi l’existence  d’une rupture
d’égalité entre les actionnaires. Il s’agit en fait pour chaque actionnaire
de privilégier son intérêt propre.
L’intérêt social se trouve  méconnu lorsqu’ un acte ou une décision
des dirigeants sociaux satisfait l’intérêt personnel de ceux-ci ou de celui
des autres actionnaires au détriment de la société ou des actionnaires
minoritaires. Ces derniers, enfreignent à leur devoir de loyauté et
concomitamment la loi.
La participation des actionnaires minoritaires à l’assemblé générale
est certes un droit que leur accorde la loi. Et le rôle de celle-ci  est 
fondamental. Mais la pratique correspond mal à la théorie. On sait de
longue date en effet que, surtout dans les sociétés d'une certaine
importance, de nombreux actionnaires s'abstiennent de prendre part
personnellement aux assemblées. Souvent la masse nécessaire pour la
validité des délibérations n'est pas atteinte lors des assemblées
extraordinaires où ne l'est que grâce au système des pouvoirs en blanc.
Dans ce cas, les décisions de l'assemblée générale n'expriment en fait
que l'opinion du groupe, limité  plus ou moins, des actionnaires
disposant du contrôle de la société.
Toutefois, l’état actuel de cette situation commence à évoluer, dans
de nombreuses sociétés, les actionnaires minoritaires détenant un
certain capital social qui  peuvent intervenir dans la marche de la
société,  ont pris conscience du poids que pouvaient prendre leurs
interventions aux assemblées et de la pression qu'ils pouvaient ainsi
exercer sur les dirigeants sociaux et sur les actionnaires majoritaires.
Les actionnaires minoritaire ne peuvent avoir la faculté de requérir
l’inscription d’un ou plusieurs projets de résolution à l’ordre du jour, que
s’ils détiennent un pourcentage de capital fixé par la loi au  moins 5% du
capital social.
Les actionnaires détenant au moins 10% du capital peuvent
demander au tribunal de nommer un mandataire chargé de convoquer
l'assemblée générale des actionnaires si le conseil d'administration ou le
conseil de surveillance omet de le faire.
Mais toute fois  il reste encore la contrainte du  pourcentage
minimal, pour exercer les droits cités par la loi.
La loi ne précise pas plus le contenu des questions mais la relation
entre l’assemblée générale et ce droit, les questions posées doivent être
en rapport avec l’ordre du jour de l’assemblée générale.
Ainsi la loi énonce que le conseil d’administration répond aux
questions au cours de l’assemblée générale, mais le problème c’est
comment savoir si la réponse est suffisante à la question posée ?

Au niveau de la distribution des dividendes c’est la majorité de


l’assemblée qui décide et estime la part des bénéfices à distribuer. Et si
elle décide de placer en réserve une partie des dividendes, les
actionnaires minoritaires se trouvent dans l’obligation  de céder à cette
décision, sauf s’ils démontrent un abus de majorité devant les tribunaux.
En général, les actionnaires minoritaires n'exercent pas pleinement
leurs droits et se contentent d'assister aux assemblées générales et
d’encaisser leurs dividendes normalement, parce qu’ils n’ont pas  d’autre
choix que de suivre les décisions de la majorité, sauf que si ces
dernières  sont  arbitraires ou peuvent être nuisible à la société.
In fine ces critique des dispositions  de loi relatives à la protection
des actionnaires  minoritaires dans la société anonyme, tel le droit à
l’information, le droit de vote, la participation aux assemblées, ou encore 
la diffusion d’informations fausses ou insuffisantes. Tout ceci démontre
les carences de la réglementation. La plus importante concerne la prise
en compte des intérêts des actionnaires minoritaires, que leurs droits 
sont en général  délaissés par les organes dirigeants. Spécialement au
niveau des assemblées générales, qui doivent prendre en compte leurs
décisions, remarques et observations. Pour une participation active aux
décisions concernant des changements fondamentaux pour la société.
Tout ceci  incite les actionnaires minoritaires à se tourner vers la justice.

II.          Les garanties judiciaires des actionnaires minoritaires

A.  Les recours judiciaires ouverts aux  actionnaires minoritaires


Les principes d’égalité entre actionnaires et d’intérêt social, paraissent
régir le droit des sociétés et en sont donc les fondements (a). Cependant,
il arrive que les actionnaires majoritaires, ne témoignent d’aucun égard à
ces principes. La loi a donc ouvert aux actionnaires minoritaires, deux
catégories d’actions judiciaires leurs permettant de faire valoir leurs
droits et ceux de la société (b).

1.   Les fondements des actions judiciaires 


·        L’abus de majorité 
En l'absence d'une définition législative, la théorie de l'abus de
majorité est une création jurisprudentielle inspirée de la théorie civile de
l’abus de droit. En effet, c’est dans un arrêt de principe[8], que sa
définition et les conditions de sa mise en œuvre ont été prévues.
Cette théorie d’abus de majorité s’articule autour d’une autre théorie
encore plus large, celle de l’intérêt social.
·        L’intérêt social 
L’intérêt social constitue une notion essentielle du droit des
sociétés tant elle conditionne la licéité de la plupart des décisions prises
au sein des sociétés commerciales. Bien qu’il ne fasse l’objet d’aucune
définition légale, l’intérêt social est utilisé à de nombreuses reprises par
le droit des sociétés qui en fait un critère de référence, notamment, en
matière de responsabilité des dirigeants.
Ainsi nous nous apercevons qu’abus de majorité et intérêt social ne
sont que les deux facette d’une même pièce, l’une servant à mettre en
œuvre l’autre.

Au regard de la jurisprudence luxembourgeoise[9], il y’a abus de


majorité que si la décision prise est contraire à l’intérêt social et dans
l’unique dessein de favoriser la majorité.

La question qui pourrait être posée, est que moyennant le recours à


cette théorie d’abus de majorité combinée à celle d’intérêt social, la
minorité pourrait-elle imposer une décision positive contre la
volonté de cette majorité, au seul motif que la volonté minoritaire
serait conforme à l’intérêt social ?

On ne peut imaginer que le juge puisse interférer de façon directe


dans la gestion d’une société en imposant une vision minoritaire à la
majorité ; la raison est que la sanction de l’abus de majorité, (outre la
condamnation pénale en droit Marocain) consiste en une indemnisation
ou une annulation de la décision litigieuse. 

Pour qu’il en soit autrement, le juge devrait adopter une attitude


beaucoup plus active en se substituant pratiquement aux organes de la
société, pour imposer la décision conforme à l’intérêt social. Néanmoins
si les tribunaux sont réticents à imposer une certaine façon d’agir contre
la volonté de la majorité, ils ont la possibilité de le faire indirectement
moyennant l’institution d’un administrateur provisoire ou d’un
administrateur ad hoc, investi d’une mission plus ou moins précise.

De manière significative, les actionnaires et administrateurs


majoritaires avaient fait valoir en l’espèce qu’ « il n’y aurait pas lieu à
intervention du juge des référés au motif que les organes de la société
sont en état de fonctionner normalement ;  que le demandeur étant
minoritaire dans la société, est tenté d’obtenir par voie judicaire ce qu’il
ne peut pas obtenir en vertu de la loi sur les sociétés » à cela le juge
répond, que «  l’évolution de la jurisprudence devient de plus en plus
favorable à la désignation des administrateurs provisoires et il échait
actuellement de s’inspirer des intérêts sociaux par préférence aux
intérêts personnels de certains actionnaires fussent-ils majoritaire ». [10]
                                            
       En définitive l’approche autant belge que luxembourgeois opte pour
perspective large d’intérêt social en y incorporant tous les acteurs de la
vie sociale d’une société, En  effet, cette notion  est  la traduction de la
conception de la société  ,étant l'intérêt de l'entreprise organisée comme
personne morale avec une autonomie juridique poursuivant ses fins
propres, dans l'intérêt général commun des actionnaires, des salariés,
des créanciers et autres personnes intéressées pour en assurer la
prospérité et la continuité[11].
La jurisprudence française quant à elle est l’illustration même de
l’oscillation de la doctrine entre conception restrictive et extensive[12]. 
Nous ne nous attarderons donc pas à son étude, étant donné qu’elle ne
nous sera d’aucune plus-value. D’où l’intérêt d’étudier la position nord
américaine, qui Après avoir défendu pendant longtemps que l’intérêt de
la société se résumait à l’intérêt des actionnaires, la construction
juridique nord-américaine a modifié sa position. Dans l’arrêt de la Cour
Suprême Magasins à rayons Peoples Inc. (Syndicde) c. Wiserendue en
2004, les magistrats rejettent la thèse de la primauté de l’intérêt des
actionnaires au profit de la théorie des parties prenantes.
En effet, les législateurs canadiens ont préféré ne pas se prononcer
sur le sens à donner à l’expression « intérêt social » souhaitant laisser
aux tribunaux le soin de l’interpréter et de la faire évoluer[13].  La
réponse traditionnelle du droit canadien consistait en une prédominance
de l’intérêt des actionnaires, la construction juridique canadienne suivait
en cela la position américaine.[14]
Rompant avec la tradition ancestrale capitalise, favorisant la
maximisation des intérêts des actionnaires, l’arrêt de la Cour suprême
du Canada Magasins à rayons Peoples Inc. (Syndic de) c. Wise  a
bouleversé de nombreuses idées reçues en droit des sociétés
reconnaissant  la pertinence des intérêts de toutes les parties prenantes.
En faisant de la société l’unique bénéficiaire du devoir de loyauté
des administrateurs, cette décision écarte le courant jurisprudentiel de la
House of Lords britannique qui permet aux créanciers d’agir à l’encontre
des administrateurs, ceci en leur reprochant d’avoir dilapidé l’actif de la
société.[15]
Par ailleurs, cette position de la Cour suprême canadienne
concorde avec une certaine interprétation économique qui conceptualise
la société par actions comme un réseau de contrats.

         Selon la théorie du réseau de contrats, la société par actions est


une créature législative artificielle qui sert de structure d’accueil pour
l’établissement de relations contractuelles entre les différents
participants à la production[16].
Ainsi après avoir analysé les fondements des actions judiciaires
ouvertes aux actionnaires minoritaires, nous verrons dans quelle mesure
ces derniers disposent de moyen de recours devant le juge du fond, avant
de nous atteler aux procédure d’urgence que la loi prévoit. 
2- La mise en œuvre de l'action 
         La loi a permis aux actionnaires minoritaires de s'adresser à la
justice pour faire valoir leurs droits, et ils ont à cet égard le choix entre
solliciter l'intervention du juge des référés en cas d’urgence. De la même
façon, ils ont la possibilité de recourir au juge de fond.
a.   Devant le juge des référés 
·        Le domaine d'intervention du juge des référés
A juste titre les dispositions de l'article 116-3 de la loi 17/95 et qui
permet dans son troisième alinéa, à tout intéressé [17] en cas d'urgence de
se pourvoir devant le président du tribunal, en tant que juge des référés.
On peut citer aussi les dispositions de l'article 165 ou l'article 148 de la
même loi.
A l'opposé de ces cas, la loi a prévu d'autres situations où l'exigence
d'un pourcentage du capital social est de rigueur, comme ce fut le cas
pour les dispositions de l'article 164-1 et 157.

De la comparaison de ces deux ordres de situations, l'on est amené


à dire que le législateur a tenu en compte la nature des intérêts en jeu,
de la sorte, l'intéressé n’est pas tenu de représenter cette quotité du
capital lorsque la gravité de la situation et son extrême urgence exige
cette intervention. Si au contraire, il s'agissait uniquement de faciliter à
une catégorie d'actionnaire de participer à la gestion de cette société, la
loi exige une quotité du capital social afin notamment d'éviter que le
fonctionnement de celle-ci ne soit perturbé par des demandes abusives.
·        Les conditions de saisine du juge des référés
Pour ce qui est tout d'abord des conditions exigées du demandeur,
on peut relever, en premier lieu, la qualité qui est  prévue par l'article
premier du code de procédure civile.  comme c'est le cas pour les
demandes relatives à la prolongation du délai de réunion de l'assemblée
prévu par l’article 115 de la loi 17/95 ou également le cas prévu à
l'article 112.
En outre, nous pouvons voir dans la limitation de certaines actions
à un ou plusieurs actionnaires représentant, une quotité du capital
comme étant une illustration de cette condition qui est la qualité.
En effet, s’estimant lésés, des actionnaires minoritaires possédant
11,72 % des actions ont dénoncé l’opération, en sollicitant devant le
Président du Tribunal de Commerce de Casablanca, le report de
l’assemblée générale extraordinaire qui doit statuer sur le projet de
fusion.
Il ressort des attendus du présent arrêt que la Cour d’Appel de
Commerce [18]a estimé la décision du Président du Tribunal de Commerce
de Casablanca ordonnant le report est fondée et justifiée non pas par
l’article 157 précité mais par l’article 21 de la loi instituant les
juridictions de commerce. 
Il est de jurisprudence constante que l’intervention du juge des
référés en cas d’urgence, soit recevable sans que la décision soit
préjudiciable au fond du litige. [19]
c-   Devant le juge du fond 
Aux termes de la loi 17/95, deux types d'actions sont mises à la
disposition des actionnaires minoritaires pour faire prévaloir leurs droits,
soit qu'ils intentent une action en nullité (a) contre la décision qui leur
fait grief, soit qu'ils optent pour l'action en responsabilité (b) pour obtenir
dédommagement du préjudice souffert par eux.
·        L'action en nullité 
L’action en nullité recouvre deux catégories fort différentes l’une est
l’application du droit commun des nullités des décisions de société.
L’autre est la création prétorienne d’une jurisprudence propre à protéger
les minoritaires contre un abus des majoritaires.
Les articles 337 et 338 de la loi 17/95, ont  posé les principes
généraux de nullité. Ces deux articles conduisent à distinguer entre
décisions modificatives des statuts et les autres décisions.
Pour s’en tenir aux seules causes de nullité des assemblées
générales ordinaires, une délibération peut être annulée pour incapacité,
vice de consentement, objet illicite par application des lois qui régissent
les contrats. Le droit des sociétés étant technique, ce sont les vices de
forme qui sont plus nombreux. Dans certains cas, la loi ne laisse au juge
aucun pouvoir d’appréciation 
On peut à cet égard citer comme exemple les cas énumérés par
l'article 139 de cette loi qui sanctionne de nullité les délibérations des
assemblées faites en violation des articles 110-111-113/3, 117-118/2-et
134.

Dans d’autres cas, la nullité n’est encourue que si l’irrégularité est


de nature à influer sur la décision, tel le vice qui peut résulter du
caractère irrégulier de l’assemblée générale ou du défaut de
communication aux actionnaires des information qui doivent être tenue
à leur disposition. Ces différents cas sont visés par des textes, mais
d’autres cas de nullité peuvent simplement résulter, des principes de
l’article 337 et 338 de loi 17/95.
Face à ces situations,  il y en a d'autres où le juge reconquiert cette
liberté d'appréciation. Ainsi et dans une logique d'éviter que soient
prononcées de façon fréquente les nullités, l'article 340 de la même loi
affirme qu'il est permis au tribunal de fixer même spontanément un délai
où les parties peuvent régulariser la situation [20]
D'ailleurs au sens du même article, il ne peut trancher qu'après
écoulement de deux mois au moins après l'introduction de la demande
en justice. Egalement, si la régularisation nécessite la convocation d'une
assemblée générale pour se réunir ou la consultation d'actionnaires, le
juge doit accorder aux parties un délai suffisant pour effectuer ces
démarches et ne peut statuer qu'à la fin de ce délai et en l'absence de
toute décision prise par les actionnaires concernés.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le vice
n'est pas réparable en raison de son caractère illicite en vertu des
dispositions de l'article 341 qui renvoie aux articles 984 et suivants du
DOC ce qui est tout à fait évident vu le caractère d'ordre public de ces
dispositions.
Enfin il y’a lieu de distinguer entre nullité absolue et relative. En
effet, si la nullité est la sanction d’une règle protectrice des intérêts
propres d’un actionnaire déterminé (incapacité, vice de consentement,
défaut de convocation, …) l’action est réservée à l’actionnaire intéressé,
c’est une nullité relative.  C’est seulement quand la règle de droit violée
est d’intérêt général (majorité, quorum, ..) que tout actionnaire peut agir
en justice. La jurisprudence a tenté de résoudre à la question essentielle,
de savoir si la recevabilité de l’action en nullité est conditionnée par le
pouvoir réel de vote du minoritaire.
La jurisprudence a été mitigée à ce sujet, puis a admis que l’action
en nullité puisse être exercée par un actionnaire qui ne l’était pas au
moment de la décision critiquée [21]. Le juge a été soucieux de permettre à
un nouvel actionnaire de s’intéresser à la vie de société.
·        L'action en responsabilité 
Le substitut de la class action en matière de société en France est
une action dite sociale, ainsi qualifiée par opposition à une action
individuelle.
L’action sociale est naturellement exercée par les représentants de
la société. Mais elle peut aussi être exercée par un ou plusieurs
actionnaires agissant pour la société : on dit alors que l’action est une
action sociale exercée personnellement ou « ut singuli ».  C’est bien sûr
dans cette hypothèse qu’elle fournit une arme de choix aux minoritaires. 
Ainsi, la loi a donné aux actionnaires le droit de l’intenter eux-
mêmes (article 353 loi 17/95), à condition que la société soit
régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants
légaux. Il est également possible aux actionnaires de donner mandant à
certains d’entre eux pour les représenter.
En réalité la voie de l’action collective n’est ouverte que pour des
raisons économiques. Que décider alors quand peu après l’introduction
de l’action sociale des minoritaires, la société introduit à son tour, une
action sociale ?  La cour de cassation française[22] a décidé alors que
l’action exercée par un actionnaire n’est pas éteinte par l’action sociale
exercée postérieurement par la société.
L’action individuelle quant à elle est une action d’usage beaucoup
plus limité, dans la mesure où elle est ouverte à toute personne lésée par
la faute d’un dirigeant (article 352 loi 17/95). Cette action est assez rare,
dans la mesure où il est rare qu’un dirigeant ait agi directement à
l’encontre d’un minoritaire. Il est de jurisprudence ferme de la cour de
cassation française, que le préjudice de l’actionnaire n’est alors que la
conséquence directe d’un préjudice causé à la société, qui ne peut être
réparé que par l’action sociale.

B- Les insuffisances judiciaires et mesures alternatives 

L'autorité judiciaire, en raison de sa mission de garante du respect


de la loi et des droits des individus, est considérée comme un élément
essentiel assurant la protection des actionnaires minoritaires.
Néanmoins, sous peine d'irrecevabilité, le recours de l’actionnaire
minoritaire au juge est subordonné à l’existence d’un intérêt et, assez
souvent, à la détention d’une certaine quotité représentative de son
participation au capital social.
Ainsi, en est-il des demandes, ayant pour objet la nomination d'un
expert en gestion pour élucider certaines opérations précises
conformément à l'article 157 de la loi 17/95.
Toutefois, il faut remarquer à cet égard que la jurisprudence milite
vers l'assouplissement de ces conditions, notamment lorsqu'il existe un
danger imminent dont la réalisation affectera sérieusement la société ou
une catégorie d'actionnaires.
Mais cette intervention du juge dans la vie sociétaire a été critiquée
par la doctrine pour la difficulté de sa mise en œuvre. Ainsi, des mesures
alternatives au règlement des conflits sont proposées. 

I-            La difficulté de mise en œuvre du recours judiciaire


 La doctrine remet en cause la compétence du juge en matière de
protection des actionnaires minoritaires et évoque la difficulté de preuve
et l’opportunité d’agir de ces actionnaires.
a-   La qualification du juge
La question qui se pose, est ce que le juge a les compétences
requises pour juger le fond du contentieux de gestion des SA ?
En effet, les juges n'ayant pas une formation de gestionnaires,
d'entrepreneurs ou d'économistes, il leur serait assez difficile de se
prononcer sur l'utilité d'une décision pour la société, ou encore de
contrôler la conformité des comptes aux exigences légales et à la réalité
de la situation financière et technique de la société.

Si les juges n’ont pas à s’immiscer dans la gestion sociale, nous


pensons qu’une formation approfondie en droit des affaires leur
permettrait d’être davantage impliqués dans la gestion et le contrôle des
SA à l’effet de préserver l’intérêt social, que de prendre des décisions
sans en mesurer la portée. 
Aux Etats-Unis, à titre d’exemple, des procureurs généraux se sont
spécialisés dans la défense des droits des minoritaires et ont joué ainsi
un rôle bouleversant en la matière.
Au Maroc, malgré la possibilité de désignation d’experts en gestion,
la doctrine a affiché sa réticence à l'intervention des juges dans les
affaires sociales. Il a été invoquée l'immixtion des juges de fond dans la
gestion sociale, en imposant aux actionnaires leur interprétation de
l'intérêt économique et financier de la société, alors que chaque société a
ses modes de gestion, ses contraintes et surtout son historique qui
rendent ses dirigeants indispensables.
b-   La difficulté de preuve
Afin de pouvoir sanctionner et réparer l’abus, il faudra tout d’abord
le prouver. Pour cela, il faudra que l’action réponde à deux conditions :
ü  Que la décision soit contraire à l’intérêt social, et qu’elle soit émise dans
le seul dessein de favoriser les actionnaires majoritaires. Il en découle
que l’union de ces deux conditions est impérative pour que l’on puisse
qualifier un acte d’abus de majorité. Il existe toutefois des situations où
l’atteinte à une société ait des conséquences graves sur sa pérennité et
continuité sans que cela soit dans le but de servir un intérêt d’un ou
plusieurs actionnaires.
ü  Se rajoute à la difficulté de preuve, la définition de l’intérêt social vu
l’absence de définition légale et l’existence de deux courant doctrinaux ;
le premier reposant l’intérêt social sur celui de l’entreprise (personne
morale) dans une approche économique, le second le reposant sur
l’intérêt commun de tous les associés.

c-   L’intérêt des actionnaires minoritaires


Entre la bonne cause, l’indifférence et la mauvaise foi, l’intérêt des
actionnaires minoritaires est tributaire de plusieurs facteurs, donnant ou
non une certaine légitimité « morale » à leur action en justice. A ce titre, il
faut distinguer trois types de minoritaires :
ü  les actionnaires qui ne s’intéressent qu’aux dividendes dans un but
purement lucratif et cherche à se procurer des actions pour en tirer une
plus-value à court terme sans se soucier du mode de gestion. Ils ne
veulent jouir que de leurs droits pécuniaires. Le recours à la justice est
largement écarté même en cas de perte de ces droits. 
ü  Entre les deux, se situe une minorité « de blocage ». Les mesures de
protection des minoritaires et les prérogatives qui leur sont octroyées,
notamment dans le domaine judiciaire, peuvent conduire à des dérives
qualifiées par la jurisprudence et la doctrine de «harcèlement des
majoritaires par les minoritaires».  
ü  Le vrai minoritaire qui a pris une participation dans l’entreprise
s’inscrivant dans une vision à long terme, et qui n’est minoritaire que
parce que sa surface financière ne lui permet pas d’avoir plus de parts. Il
vise à augmenter ses actions pour mieux se positionner dans le futur.
C’est particulièrement cette catégorie qui est concernée et
intéressée par le concept de protection des actionnaires minoritaires. Son
recours à la justice est très justifié.
Par ailleurs, le juge est censé être très vigilant là-dessus, La
jurisprudence marocaine n’est pas suffisamment développée en matière
d’abus de majorité pour l’être en matière d’abus de minorité. Elle est
nuancée, mais tend à considérer que l’abus se caractérise
essentiellement par une méconnaissance de l’intérêt social entrainant
une rupture de l’égalité entre les actionnaires. Cela laisse évidemment
place à une assez grande marge d’incertitude. Mais il est impossible de
l’éviter dans une théorie qui, comme celle de l’abus de droit en droit civil,
cherche à pallier les conséquences injustes d’une application littérale du
droit positif.
Ce qu'’il faut retenir c’est que la protection des minorités n’est pas
une fin en soi, mais plutôt un meilleur fonctionnement de la société.
d-   Les alternatives au recours judiciaire
Le juge, en disposant de la faculté de prendre des décisions
affectant la gestion des SA au nom de la défense des droits des
actionnaires minoritaires, risque de mettre en péril l’ordre public
économique, dont le ministère public est le principal gardien. D’où
l’intérêt de renforcer les mesures préventives et opter pour des
alternatives au recours judiciaire.
1.   Les mesures préventives
Pour garantir les droits des actionnaires minoritaires, en plus du
droit à l’information et des droits aux assemblés, il serait judicieux de
renforcer le poids de la minorité à travers trois mécanismes :   
ü  L’action collective
Il ’agit  d’une action en justice ou une procédure qui permet à un
groupement d’actionnaires minoritaires de faire un recours collectif en
justice. Cette procédure est née aux États-Unis en 1950, pour être
ensuite adoptée au Canada et dans d’autres pays européens comme
le Portugal ou l'Italie.
Par exemple, les pertes subies par des milliers d'actionnaires d'une
société cotée en bourse peuvent être trop faibles pour justifier des
requêtes individuelles séparées, tandis qu'un recours collectif peut être
effectué de manière efficace au nom de tous les actionnaires.
ü  L’association de défense des actionnaires minoritaires
Pour renforcer la protection des actionnaires minoritaire, 
l’association Marocaine pour la Défense des Actionnaires Minoritaires
(AMDAM) doit faire preuve de plus de réactivité pour prouver que les
petits porteurs ont un rôle qu'’il faut prendre en considération dans la
gestion des SA.

ü  La convention entre actionnaires


C’est un complément aux lois, aux statuts et aux règlements
généraux d’une société qui permet de garantir davantage les droits des
actionnaires minoritaires en y insérant des clauses spéciales adaptées.
Cette mesure est très développée au Canada[23],  elle s’intéresse
principalement aux individus, non à la structure et permet, entre autre,
de :
§  favoriser la détention proportionnelle d’actions ;
§  protéger les actionnaires contre l’intrusion de tiers à l’actionnariat ;
§  prévenir les désaccords pouvant survenir entre les actionnaires et établir
certains mécanismes visant à régler rapidement les litiges ;
§  édicter certaines des règles relatives au soutien financier et à la
distribution des profits de la société.

2.   les mesures extrajudiciaires


N’est-il pas judicieux que le juge agit comme conciliateur entre les
antagonistes que de s’immiscer dans la gestion, en substituant ses
propres décisions à la politique menée par les dirigeants ayant la
confiance de la majorité ?
Sur le plan judicaire, la gestion des conflits d’actionnaires ne trouve
pas de solution «standardisée».Les négociations et le retour à une
discussion sont des instruments efficaces quant au règlement amiable
des litiges avant tout recours à la justice.  
C’est ainsi qu'’il faut mettre en place des systèmes de règlement
professionnel des litiges entre actionnaires, à même de prendre en
considération les clauses du contrat objet du litige, les usages et
coutumes commerciaux.
Ainsi, il existe des modes alternatifs de règlement des
conflits[24] qui doivent être initiés et mis en place par des comités
instaurés à cet effet, dont la composition et le fonctionnement varient
fonction de la nature de l’affaire objet du litige et les parties concernées :
§  négociations directes ;
§  conciliation ;
§  médiation ;
§  expertise ;
§  audit interne ;
§  audit externe.
En outre, l’arbitrage, conformément aux dispositions de l’article 5
de la loi instituant les juridictions de commerce[25] qui dispose que les
litiges entre associés d’une société commerciale peuvent être soumis à la
procédure d’arbitrage.
C’est dans ce sens que la loi n° 08-05 a prévu les cas où l’arbitrage
est autorisé et peuvent ainsi faire l'objet d'un arbitrage, entre autres, les
litiges relevant de la compétence des tribunaux de commerce[26].
Par voie de conséquence, les justiciables potentiels évitent
l’encombrement des tribunaux par les affaires qui sont, en majorité, en
instance de jugement. Et les solutions négociées seront plus riches et
plus efficaces. Ainsi, les  litiges seront résolus de façon :
§  non conflictuelle ;
§  rapide ;
§  secrète ; 
§  impartiale ;
§  professionnelle.
Toutefois, en cas de non aboutissement à un règlement d’un litige à
l’amiable, la voie de recours juridictionnelle demeure toujours ouverte,
pourvu d’analyser soigneusement avec un conseiller juridique les recours
les plus appropriés dans les circonstances, à la lumière des faits et des
droits qui peuvent y donner ouverture.

Conclusion
La tyrannie de la majorité est une conséquence indésirable de la
démocratie, certes, l’un des meilleurs et des plus équitables des systèmes
c’est celui qui ne connait pas d’abus.
En conclusion, il semble que les droits des minoritaires n’ont pas
atteint au Maroc un état stable et définitif, dans la mesure où celui-ci
s’inspire d’un modèle qui n’est pas une référence de choix en droit des
sociétés, en l’occurrence, le droit français. Si l’on continue de s’interroger
sur les manières de canaliser certains excès des sociétés à l’encontre des
actionnaires minoritaires des SA, le droit marocain s’est surtout occupé
de limiter les pouvoirs des dirigeants. Il est concevable que devant le
constat de cette insuffisance, que l’on investisse un peu plus en droit et
en pratique à l’effet de contrôler et neutraliser l’abus de majorité.

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