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COMMENT RECONNAITRE UN SOL EXPANSIF

A.DJEDID, S.M.AISSA MAMOUNE, .A.BEKKOUCHE


Département de Génie Civil, Faculté des Sciences de l’Ingénieur,
Université Aboubakr Belkaid, B.P. 230, Tlemcen
Tél-Fax : 043.28.56.85
E-mail : a_djedid@mail.univ-tlemcen.dz

Résumé
De nombreux cas pathologiques relevés sur des ouvrages de la wilaya de Tlemcen sont
attribués à la présence de sols gonflants. Or, il se trouve que ces sols n’ont pas été identifiés
comme tel au départ ce qui a conduit aux conséquences connues.
Le travail réalisé ici et qui a consisté en la réalisation d’une campagne d’essais au laboratoire
sur des échantillons de sols provenant de la région de Tlemcen, vise à montrer qu’il est
possible d’identifier les sols gonflants à l’aide uniquement de paramètres déterminés par des
essais simples réalisés lors de la phase de reconnaissance préliminaire. Cette identification
servira à mieux orienter les reconnaissances ultérieures et notamment confirmer la présence
de sols gonflants en mesurant directement ses paramètres.
Les résultats de cette étude montrent que cette identification est possible, elle est même utile
mais ne peut jamais remplacer les mesures directes.

Mots clés : Sols gonflants, reconnaissance, identification, prévision, mesures, pression,


amplitude.

1. INTRODUCTION
Bien qu’un nombre important de facteurs y participent et à des degrés divers, c’est la variation
de la teneur en eau des argiles qui est la cause principale du phénomène du retrait et du
gonflement. Toute la difficulté réside dans la recherche d’indices déterminés à partir des
essais d’une campagne de reconnaissance classique et qui permettent aux géotechniciens de
soupçonner si le sol est potentiellement gonflant. Bien sûr, se prémunir contre les effets de ce
phénomène suppose que les différents acteurs de la construction disposent des outils
nécessaires qui leurs permettent :

• Identifier les sols potentiellement gonflants à partir d’essais géotechniques


simples.
• Estimer indirectement les paramètres de gonflement à partir des modèles
statistiques établis à cet effet.
• Mesurer directement les paramètres de gonflement des sols.
• Maîtriser la construction sur ce genre de formation.

Le présent article présente la démarche nécessaire à adopter lorsqu’il s’agit de mener une
campagne d’essais pour identifier les sols gonflants.

2. LE CARACTERE GONFLANT DES ARGILES


A l’échelle microscopique, la particule argileuse est constituée par un ensemble de paquets de
feuillets, le paquet étant formé par un empilement de feuillets, eux même constitués par la
superposition alternée de silicate et d’alumine. Ces paquets de feuillets et ces feuillets sont
liés entre eux par des forces électriques qui peuvent avoir des grandeurs relatives différentes.
Ainsi et en fonction de l’importance de ces forces, l’eau peut s’introduire uniquement entre
les paquets de feuillets et provoquer un gonflement dit interparticulaire comme elle peut
s’introduire aussi entre les feuillets et provoquer un gonflement dit interfoliaire.
Le gonflement interfoliaire est spécifique à la famille des montmorillonites et se manifeste
très rapidement. Il est dû au fait que les feuillets élémentaires de cette famille d’argile sont
faiblement liés entre eux. Le gonflement interparticulaire concerne toutes les familles
d’argiles. Il est dû au fait que l’eau s’incruste uniquement entre les particules argileuses, il se
manifeste très lentement. Toutes choses égales par ailleurs, le gonflement interparticulaire
produit des soulèvements des structures plus modérés que le gonflement interfoliaire.

3. IDENTIFICATION DES SOLS GONFLANTS


L’identification des sols gonflants peut s’effectuer à l’échelle microscopique, les formes et les
assemblages de la structure de ces matériaux sont très particuliers. Seulement, cette
reconnaissance est très coûteuse et n’informe pas sur les paramètres du retrait-gonflement.
Une identification primaire, à partir des résultats d’essais simples, peut présenter un intérêt
considérable puisqu’elle permettra de mieux orienter les reconnaissances ultérieures. Bien sûr,
toute la difficulté réside dans la définition de ces paramètres et surtout leurs poids dans le
caractère gonflant des sols. Un consensus est entrain de s’établir sur le fait que les paramètres
physico-chimiques les plus représentatifs du caractère gonflant d’un sol sont dans l’ordre la
surface spécifique totale (reliée à la valeur du bleu), l’activité (qui est le rapport entre l’indice
de plasticité et le pourcentage de la fraction argileuse), l’indice de plasticité et la fraction
argileuse.
Le tableau 1 donné ci-après regroupe ces paramètres déterminés sur dix-neuf échantillons de
sol provenant de quelques quartiers de la ville de Tlemcen.

(%) des IP Vb S.S.T


Sites Activité
fines (%) [cm3 /g] [m2 /g]
Bouhannak 43 à 69 35 à 50 0,6 à 0,8 5,60 à 8,60 118 à 180
Bab El Djiad 33 à 45 15,6 à 24,5 0,47 à 0,54 7,33 à 8,13 154 à 171
Kifane 43 à 51 19,6 à 36,7 0,41 à 0,83 4,4 à 6,4 92,4 à 134,4

Chetouane 23 à 66 12,64 à 43 0,48 à 0,81 3,34 à 6,5 70 à 136,56

Tableau 1 : Paramètres physico-chimiques des sols étudiés.


En utilisant les nombreux tableaux ou abaques disponibles dans la littérature, il est possible
d’identifier qualitativement les sols gonflants. Il faut préciser que ces classifications, dont une
synthèse est présentée dans la référence (Djedid1 et col., 2001), ne se basent pas sur les
mêmes paramètres ce qui les conduit à donner le plus souvent des identifications différentes
voir même contradictoires.
On donne ci-après sur la figure 1, à titre d’exemple, l’abaque de Williams et Donaldson qui se
base sur l’activité pour identifier les sols gonflants et sur laquelle sont positionnés les points
représentatifs des échantillons provenant des sols examinés. On remarque que le nuage de
points se répartit dans la zone où la tendance au gonflement est qualifiée de moyenne à
élevée.
On donne aussi dans le tableau 2 les identifications qualitatives obtenues par l’application
d’autres classifications disponibles. On s’est limité aux classifications qui se basent sur les
paramètres cités auparavant.
Abaque de Williams et Donaldson
10
090
80
PE=1 Très élevé
70
Ip (%)

40 PE=1 Elevé
30
20 PE=0,5 Moyen
10
PE=0 Faible
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 10
0
Fraction argileuse (%)

Figure 1 : Abaque de Williams et Donaldson pour l’identification des sols gonflants.

Holtz, Williams
Snethen Vijayvergia Holtz et
Sites B.R.E Dakshanamurthy et
et Ghazaly Gibs
et Raman Donaldson
Elevé à Elevé
Bouhannak Très élevé Très élevé
Très à Très Gonflant Très fort à faible
à faible à élevé
élevé élevé
Bab El Non
Elevé à faible Très élevé Elevé à
gonflant à Moyen à faible
Djiad faible à élevé à faible moyen
gonflant
Très Non
Kifane Moyen Très élevé Moyen à
élevé à gonflant à Très fort à faible
à élevé à faible élevé
moyen gonflant
Non
Chetouane Faible à Très élevé Elevé à
gonflant à
très élevé Moyen Très fort à faible
à faible moyen
gonflant
Tableau 2 : Identification qualitative des sols étudiés.

Deux remarques essentielles se dégagent de ce tableau :


• Les classifications ne donnent pas la même identification pour le même sol
parce qu’elles ne se basent pas sur les mêmes paramètres.
• Les sols examinés de la région ont une tendance de gonflement de moyen à
élevé, même si on relève quelques identifications donnant les sols comme
étant faiblement gonflant.
4. PREVISION DU GONFLEMENT DES SOLS ARGILEUX
Les résultats des études expérimentales sur les sols gonflants convergent tous vers le fait que
le taux de gonflement d’un sol devrait augmenter avec son poids volumique, avec sa valeur du
bleu (sa surface spécifique totale) et avec sa teneur en argile (relié à l’indice de plasticité et à
l’activité).
Partant de ces remarques, certains auteurs ont proposé des modèles statistiques donnant ce
taux et cette pression du gonflement en fonction des paramètres physico-chimiques (Derriche
et col., 1998, Bekkouche et col., 2000).
L’application des modèles disponibles dans la littérature a montré que ces derniers ne sont
applicables qu’aux sols pour lesquels ils ont été établis. C’est pourquoi, et en se basant sur la
banque de données en notre disposition qui est constituée à l’heure actuelle de 93 points
d’observation, une recherche de modèles propres aux argiles de la région de Tlemcen a été
effectuée. Les modèles retenus pour la pression de gonflement sont donnés dans le tableau 3
et ceux retenus pour l’amplitude sont donnés dans le tableau 4 (Mahboub et col., 2002).

Erreur Domaine
N° Expression mathématique R
standard d’application
1 LogPs=0,015WL – 0,00048Wn.Ip + 0,116M- 0,457 0,72 55% 0 – 6 bars
2 LogPs=0,0177Z+ 0,0101C + 0,102M+ 1,325γh -3,145 0,66 57% 0 – 6 bars
3 LogPs=0,027Z+0,009C-0,021WR+0,10M+1,35γh -2,889 0,65 61% 0 – 10 bars
4 LogPs=0,001Z.Ip + 0,007C + 0,10M + 1,597γh -3,587 0,72 59% 0 – 8 bars
Tableau 3 : Modèles retenus pour la pression de gonflement des sols de la région.
Erreur Domaine
N° Expression mathématique R
standard d’application
1 Sp=39,21γh - 0,0175Z.Ip + 0,0054 Wn.Ip-74,674 5,22 52% 0 – 10 %
2 Sp =0,0834A.C+30,363γh -0,478Z-55,572 5,31 47% 0 – 10 %
3 Sp =0,029Wn.Ip-0,419Z+33,99γh -62,714 5,37 49% 0 – 10 %
4 Sp =0,0026Wn.Ip-+ 0,379Z- 0,043TCa + 32,83γh -59,434 5,75 48% 0 – 8 bars
Tableau 4 : Modèles retenus pour l’amplitude de gonflement des sols de la région.
Dans les relations ci-dessus, A, C, Z, Wn, WL, WR, Ip, γh et TCa représentent respectivement
l’activité, la teneur en argile (en %), la profondeur (m), la teneur en eau naturelle (%), la
limite de liquidité (%), la limite de retrait (%), l’indice de plasticité (%), le poids volumique
(kN/m3 ) et la teneur en carbonate de calcium (%). Le paramètre M est un facteur qui
caractérise le poids de la procédure utilisée pour mesurer le paramètre en question. Ce
paramètre est égal à 1 pour la procédure du gonflement libre, à. 2 pour la procédure du
gonflement à volume constant (DTU 11.1), à 3 pour la procédure du gonflement sous
contrainte constante (AFNOR), à 4 pour la procédure du gonflement à volume constant
(LCPC) et à 5 pour la procédure avec variation de volume (LCPC).
Pour la pression de gonflement, les valeurs obtenues par les modèles sont assez voisines de
celles mesurées. Par contre, pour l’amplitude de gonflement, les écarts constatés restent
importants.

5. MESURE DES PARAMETRES DE GONFLEMENT DES SOLS ARGILEUX


Pour confirmer les identifications qualitatives effectuées sur les sols examinés, quarante-huit
essais de mesures au laboratoire de la pression et/ou de l’amplitude de gonflement ont été
effectués. Les cinq procédures suivantes ont été utilisées :
5.1. La méthode C.E.B.T.P
L’essai consiste à laisser gonfler librement l’échantillon lors de l’humidification. Une fois le
gonflement maximal atteint, la pression de gonflement sera la contrainte normale à appliquer
sur l’échantillon pour le remettre aux dimensions initiales.
5.2. La méthode D.T.U.11.1
Le principe de cette méthode est de charger l’échantillon à la contrainte de service en passant
par la contrainte due au poids des terres. Après stabilisation, on humidifie l’échantillon en
empêchant le gonflement par chargement jusqu’à la nouvelle stabilisation.
5.3. La méthode AFNOR
L’essai s’effectue sur plusieurs éprouvettes provenant d’un même échantillon. Chaque
éprouvette est placée dans un oedomètre puis chargée par un effort axial maintenu constant.
On mesure la déformation axiale correspondante à deux phases : sans ajout d’eau puis avec
ajout d’eau.
5.4. la méthode LCPC
Le laboratoire central des ponts et chaussée a mis au point deux procédures pour mesurer les
paramètres de gonflement des sols : avec ou sans changement de volume. Cette procédure
adopte dans les deux cas la correction due à l’extraction de l’échantillon en appliquant à ce
dernier un cycle et demi de chargement-déchargement pour l'amener à la contrainte qui
régnait in situ, c’est à dire du poids des terres.
Dans la procédure sans variation de volume, l’échantillon est humidifié en bloquant son
expansion. Une fois que ce dernier ne présente plus de tendance au gonflement, il est
déchargé pour le remettre sous la contrainte du poids des terres en respectant au moins trois
paliers égaux. La pression de gonflement est donnée par la contrainte appliquée sur
l’échantillon quand ce dernier ne présente plus de tendance au gonflement.
Dans la procédure avec variation de volume, deux sous variantes sont proposées. Si la
contrainte de service est inférieure à la contrainte des poids des terres, la procédure adoptée
consiste à charger l’échantillon avec un taux de chargement de 0,2 jusqu’à ce qu’il retrouve sa
hauteur initiale puis le laisser gonfler. Une fois l’amplitude du gonflement maximale atteinte,
l’échantillon est déchargé par palier régulier. La pression de gonflement est déterminée par
extrapolation.
Si la contrainte de service est supérieure à la contrainte des poids des terres, la procédure
adoptée consiste à charger l’échantillon toujours avec le taux de 0,2 jusqu’à ce qu’il retrouve
sa hauteur initiale puis le laisser gonfler. Une fois l’amplitude du gonflement maximale
atteinte, l’échantillon est chargé pour le remettre aux dimensions qu’il avait sous la contrainte
du poids des terres. La pression de gonflement est la contrainte qui permet ce retour.
A partir des carottes des sondages, soixante-seize éprouvettes ont été soumises aux essais. Les
résultats sont regroupés dans le tableau 5 donné ci-après. De ce tableau, deux remarques
essentielles se dégagent :

• Pour le même sol, la pression et l’amplitude de gonflement varient selon la


procédure utilisée. La recherche d’une méthodologie unifiée notamment pour
les praticiens est souhaitable.
• Les tendances dégagées lors de l’identification qualitative se retrouvent
relativement bien respectées à quelques exceptons près puisqu’on trouve des
pressions plus élevées dans l’ordre pour Bouhannak, pour Kiffane puis pour
Bab Djiad. Les cas où cet ordre n’est pas respecté ne doit pas nous étonner
dans la mesure où les échantillons n’ont pas le même degré de
surconsolidation.
Pression de gonflement Amplitude de gonflement
LCPC LCPC LCPC
Procédures CEBTP DTU AFNOR CEBTP AFNOR
(var) (const) (VV)
1,86 à 3,2 à 2,2 à 6 4,83 à 5,43 à 10,2 à 7,02
Bouhanak
2,5 7,0 5,77 7,73 11,2 8,57
0,36 à 1,35 à 1,50 à 1,87 à 2,70 à 0,25 à 3,96 à 0,62 à
Bâb Djiad
0,59 6,73 7,15 3,98 3,39 9,31 17,33 2,82
1,73 à 1,64 à 6,75 à 7,15 à 6,03 à 4,31 à 2,19 à 6,07 à
Kiffane
7,21 6,73 7,15 11,13 8,88 9,31 7,00 6,78
Tableau 5 : Résultats des mesures directes des paramètres de gonflement des sols examinés.

6. CONCLUSION
Le mouvement alterné retrait-gonflement des sols argileux de la région de Tlemcen a
provoqué des dégâts importants. La plus part du temps, il n’a pas été tenu compte de ce
phénomène lors des études et des réalisations des projets (Benyelles et col., 1994 ; Djedid2 et
col., 1996).
Identifier les sols gonflants dans la phase préliminaire des reconnaissances est très utile
puisque cette identification permettra d’adapter les reconnaissances ultérieures en fonction du
degré d’expansivité du sol et de donner du temps au bureau d’étude pour concevoir un
système de fondation adéquat. Cette identification qui reste qualitative est possible à l’aide
des classifications disponibles dans la littérature. C’est ce qui a été montré dans ce travail. Ce
caractère gonflant a été ensuite confirmé par les mesures directes au laboratoire des
paramètres de gonflement.
Les estimations indirectes des paramètres de gonflement à partir des modèles statistiques
doivent être utilisés uniquement à titre indicatif, les mesures directes au laboratoire sont
incontournables pour les études détaillées de tout projet.

BIBLIOGRAPHIE
1. DJEDID 1 A., BEKKOUCHE A., AISSA MAMOUNE SM (2001) « Identification et
prévision du gonflement de quelques sols de la région de Tlemcen (Algérie) », Bull.
LCPC, N° 233, Réf 4375, Juillet-Aout 2001, pp 67-75, Paris, France.
2. DERRICHE Z., KEBAILI M. (1998) « Prévision du gonflement des argiles d’In-
Aménas », Bull. LCPC N°218. Ref. 3865, Paris, France.
3. BEKKOUCHE A, DJEDID A., AISSA MAMOUNE SM (2000) « Prévision du
gonflement des sols argileux », Conférence Internationale de Geoengineering,
U.S.T.H.B Alger, Algérie.
4. MAHBOUB L., GUEROUACH N. (2002) « Mesure des paramètres de gonflement
des sols argileux », Projet de fin d’étude d’Ingéniorat, Département de Génie Civil,
Faculté des Sciences de l’Ingénieur, Université Aboubakr Belkaid, Tlemcen.
5. BENYELLES Z., BEKKOUCHE A. (1994) « Aspects géotechniques dans
l’aménagement et l’urbanisme du groupement Chetouane, Tlemcen et Mansourah »
Rapport d’expertise, Agence Nationale d’Aménagement du Territoire, Tlemcen.
6. DJEDID 2 A., BEKKOUCHE A. (1996) « Expertise des bâtiments de l’Usine des
briques rouges de Remchi », Rapport d’expertise, Bureau d’études ETHYC, Tlemcen.

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