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Ty ale paysage décor, marchandise esthé- tigue. Et il y a 'autre, le paysage profond, essentiel, nécessaire. Un paysage certes reflet et dépot des dégradations que lui inflige activité humaine ; mais, néanmoins, dans le méme temps, miroir d’aspirations, de pratiques et de désirs pour ’habitabilité du monde. Les signes se multiplient aujourd’hui de nouveaux rapports a la campagne et 4 la ville. Des formes de vie différentes cherchent & s'expérimenter, des géogra- phies alternatives apparaissent, ouvrant des horizons nouveaux 4 la pensée du paysage et A sa conception. Crest de ce contexte et de ces perspectives que ce livre et la collection éponyme qu’il inaugure entendent témoigner, dans une démarche résolument pluridisciplinaire. A ce premier opus d'une série de monogra- phies et d’essais théoriques, il revient d’établir que le paysage est une donnée constitutive et ineffagable de existence humaine ; qu'il en est une condition, une absolue nécessité. Jean-Mare Besse est directeur de recherche au CuRS et directeur détudes Ecole des houtes études en sciences sociales. lest également co-drecteur de reve Les Comets pasage. ens ty le nationale supérieure de poysoge de Versailles. tons: Le Godt du monde (2008) et ‘mon image (2013) nécessité Copyright © 2018, ations Porenthéses, Marslle \wunsditionsporentheses.cam IS@N 978.2-86364-400-2 _ Lattention gu paysage Nous parlons mal du paysage. Nous en parlons beaucoup pourtant, mais pour le plus souvent Foublier dans nos actions et nos pensées, Nous nly prétons pas une attention véritable, alors qu'il nous couche de toutes parts, quil nous entoure et d'une certaine fagon nous, regarde, Nous en parlons comme d'un décor plus ou moins agréable A regarder, comme d'un cadre pittoresque propice & la réverie et & la nostalgie, comme s'il était une amabilité du monde. Ou bien nous: le voyons comme le thédtre repoussant de nos déjections indus- les. Nous l'aimons et nous le dénongons. Et puis nous Youblions, us passons 4 autre chose. Nous oublions le plus important en fait: que le paysage, sil nous entoure, certes, sil nous environne, fest aussi en nous, non pas comme une simple pensée, un souvenir, fou une image mentale, mais comme une impression, une sensa- tion & a fois puissante et diffuse. Nous oublions que le paysage est "u qui nous affecte et dans lequel nous baignons, ms, vons aussi. Il est une des conditions agissons, pensons, déc sensibles et émotionnelles de notre existence. Nous ne sommes pas Seulement «dans» le paysage. 1 est une dimension constitutive de Une des questions m: Thumanité en tant qu’espéce et en tant que soc che naite a condition écologique de son devenir, Elle est en crise, ie connait de profonds et vastes bouleversements : modificaions climatiques majeures, réduction effrayante de la biodiversité vege iesurée et en apparence inréversible et dappauvrissement des sols, de au, élévation du niveau moyen des océans, auxquels tion des catastrophes naturelles 5 que rencontre aujourd'hui est celle qui ‘enfrichement abandon de sites industriels, ete, ces faits désor n établis provoquent dores et déja des transformations considérables dans les modes de vie humains. Tous ces éléments Se traduisent dans les paysages et leurs dégradations, qui en sont Comme le refer et le dép6c. C’est Fexistence humaine, dans ves fendltions et dans ses formes économiques, sociales, spatilen, Sanitaies, qui est touchée par les bouleversements écologiques contemporains. rurd'hui denvisager ces données ive. Mais non pas seulement en fone- tion de leurs conséquences, Les observations sur dégradation de aysages, n, sont multiples et précises et ecaut& alt nécessaire d'approfondir Venguéte et de développer is réflexion sur Vétatréel des paysages dans lesquels les soidvén Contemporaines sont amenées & vivre. Je voudraistoutefois, dane ce livre, orienter Fattention vers le paysage en consid ‘ton comme tne conséquence m: ‘part de Vexistence humaine. de poser la question de Tétat du p ie vais mietforcer de est une donnée constitu- tive et ineffagable de la vie individuelle et sociale. On parle bean. Coup aujourd'hui, & Yépoque de Vanthropocéne, de la nécesseg ou de retrouver le sol terrestre de histoire humaine’. Nous sommes entré, dit-on, dans la geohistoire Plus Sie cnt motte épogue est celle de la géographie. De la géogra- Phie comme écrture de Fhistoire sur la terre, géographie des lines et des espaces, et aussi des actions, des usages, des pensées ot dee sographie des hommes, des guerres, de la violence et Dabs géographie des plantes et des bétes, de Iai, de Yeau, de ére et des diverses fagons dont ils sont pergus, transforynés st wécus. Le visage coneret de cette géographie, est le paysoge Nous ne pouvons plus nous contenter de regarder les Paysages comme de beaux décors et des marchandises consom- iubles, Nous devons sortir des conceptions classques qui les Fedulsent & ne que des objets esthétiques, issus, directement on indirectement, du regard porté par les peintres sur vérit riches. ur organisa- tion et ion possible. lls sont des miroirs des conditions matérielles et morales bien sur un pla Paysage doit désormais devenir centrale *s contemporaines, tant du point de vue écologique que des points de vue économique, culture Pavtage est une condition nécessaire pour la reformulation d'une écologie pol Sexpriment fortement,reflets de pratiques et de désing Tenouvelés du monde. Le souci de développer de nouveaux farbots & ts nature et a la ville, les perspectives ouvertes par la transition énergétique et la critique de la not mn de croissance, la urilisés quotidiennement, la promotion des circuits courts dans ‘mentation, Vessor des pratiques de jardinage, le retour de la ‘Question des communs, etc, sont autant de signes que, aussi dans le public que chez les professionnels, des formes de vie diffé- yentes cherchent& s'expérimenter, de nouvelles maniéres @habiter {es paysages naturels et urbains se font jour, des formes alternatives organisation et de pratique de Vespace apparaissent. Crest dans ce contexte qu’émerge, chez les paysa- sistes, les architectes et dans les sciences humaines et sociale, june volonté de redéfinir la question du projet et de penser autre ‘ment les métiers du projet, Ia théorie et la pratique dela concep- ifs dans le monde des jeunes "affirmation du réle central des pratiques locales et =xigence de la participation des hal expertise surplombante au nom d'une considération renouvelée des biens communs et des exigences Morales et politiques du développement de la personne humaine, de souci de Ia préservation des milieux vivants, la recherche de 4a sobriété, et peut-étre tout simplement le souci des lieux, sont autant de caractéristiques nouvelles des métiers du paysage et de architecture, et de signes de Youverture horizons nouveaux pour la transformation des paysages et des espaces. Ce livre, qui se veut propédeutique et reéflexif, se compose de trois parties, dans lesquelles je mefforce de répondre & trois séries de questions : 1 De quoi parlons-nous quand nous parlons du Paysage ? Quel est, & ce moment, «objet» Ascours, de nos pensées et de nos projets ? Quel est le paysaye de ‘os actions ? Que visons-nous quand nous lenvisageons ? Et, au fond, de quelle nécessité humaine, sociale et politique, mais auset ‘morale, procédent le paysage et l'intérét que nous y portons ? 2/ Comment pouvons-nous déterminer une modalité action vis-a-vis du paysage ? Ou, plus précisémen vais essayer de l'établir, le paysage est une dimension esse de la definition deta vie humaine, comment peut-on agir avec fants et la remise en est un, de nos Plueét que seulement sur tui comme on le dit habituellement ? Quelles sont les directions que devrait prendre une tele action au sein des sociétés ? 3/ Comment pouvons-nous enseigner le paysage ? Eduquer au paysage ? Quels dispositifs didactiques appelle-t-il de fagon générale? Et quelle épistémologie réclame-t-il? Comment le paysage pourra sécole des arts de I devrait contribuer ? Cese & Pin et pratique d'ensemble, oi se croise >istémologie et la didactique, qu'il me semble que la néces- étre aujourd hui reconnue t parcourue. re est le premier d'une fournit ses axes directeurs, Cette co ine, Paysagistes, fectes, artistes, historiens, sociologues, philosophes, anthro Pologues, historiens d'art permettront de développer et dappro- fondir les perspectives dans les trois directions qui vien! esquissées : théorique, pratique et didactique. Ce qui réunira ces ouvrages sera cependant un souci commun: celui d'écablir et diillustrer la place fondamentale Gu paysage dans Jes cultures contemporaines de Vespace et de fonnement, et une volonté commune: celle de montrer en quoi Fattention au paysage est devenue une nécessité pour cell ct ceux qui se prévecupent de dé conditions pour une meil- leure habitation du monde. Ce sont, au bout du compte, les paysages de rhabiter quil Sagira de dessiner, Définir séographie, histoire, ranthropologie, le droit entre autres, développent des représentations et des théories parfois trés différentes & son et le but n'est pas ici d’en parcot commentaire’, au préalable ce qui va étve Pobjet di roposerai done, dans les pages qui suivent, une approche progres- sive de la notion de paysage, en la confrontant a des notions qui lui Cette analyse distin: en évidence ce qui con: le caractére essentiel dur paysage, & savoir sa dynami Le paysage est avant ut constitué de relati est espace des ¥ métamorphoses : dans le paysage la nature, le territoire, la vue fables au coeur desquell is participent, contient effectivement des n'est pas seulement «la nature ». ‘ments «naturels», le paysage Ce sont ces deux idées qu'il faut ‘enir ensemble, et dont il faut poser et penser la rel Plusieurs des «éléments naturels» de la physique traditionnelle sont des données premiéres de Yexpérience que nous faisons du plus ou moins léger que nous respitons, le vent tagne, la terre qui hous nous enfongons, le sol ‘ui nous porte, le sable, la roche qui parfois gronde et sa aussi Ia lumiére, la chaleur et le froi dinsupportable sécheresse, ' plantes, leurs odeurs, leurs couleurs, plus déplacent... lesquelles nos vies terrestres sont mises au contact et aussi 2 Teépreuve de réalités extérieures que nous appelons «naturelles» ¢* qui nous semble que nous constatons, que nous subissons, que ous navons pas voulues mais qui nous accompagn blement. Dans sa générosité méme ou bien dans sa violence, «la ‘ature, dans le paysage, est le nom que nous donnons & ce qui est. au niveau de la famille ou du quartier. Ces Paysages habituels que Yon traverse sans y penser, mais dont om depuis nos fenétres dans leurs sono- stallent et entretiennent par leur Par leur permanence le plus souvent discréte, comme un familier du monde, voire une ambiance dint ions sociales durables, et peuvent dans une histoire collective. diidentité, Jn dimension tertitoriale ne recouvre pas la total du paysage. Plus généralement, comme Ia ét ippe faut soutigner que toute relation la surface terrestre pas de Tordre du territoire et de appropriation territoriale. Le cept de territoire n'est pas universel et n'est pas nécessairement ‘plus approprié pour rendre compte des relations a la terve et des ‘ayes de la terre qui sont mis en ceuvre dans des sociétés qui nvont adopté le dualisme naturaliste caractéristique des sociétés occi- entales modernes ni développé une conception «productiviste » lo Faction humaine vis-a-vis de la «nature » : De fait, plusieurs aspects de la réalité, de Vexpérience, ‘#tde la pratique paysagéres viennent contester cette réduction & _ tenitorialité et conduisent, au contraire, a dégager des situations, des moments et des mouvements de Je ne sais pas si Ton peut arrive que des territoires s‘usent jusqu’a l’effacemes se dispersent, se et cette disparition lente ou rapide de l'éner~ érieurement les conduit vers une sorte de une entropie du terri- toire, qui vient défaire son organisation si l'on n'y prend garde, si Yon ne 'entretient pas. Alors on perd le territoire. On entre dans tun espace indécis. I] faudrait faire la géographie de ces lieux usés, s'évanouissant presque sous le regard jusqu’a perdre leur sens, dans une désertion de I'écriture territo Pour autant, Veffacement du territoire niest pas néces- sairement synonyme de la perte du paysage. Gilles Clément appelle Tiers paysage «ensemble des lieux délaissés par homme». Tiers paysage n'est pas un territ Résultat d'un enfrichement agri ou bien reste d’une exploitation impossible, c'est un espace qui n’ plus, ou pas, de fonction. tion, comme le reflet d'un abandon. C’est pourtant dans ces marges, au ceeur de ces espaces délaissés, que se réfugie gique, végétale et ani ‘Aux marges des territoires anthropisés, le Tiers paysage, qui n'a pas. de forme déte Une des legons les plus riches des débats contemporains en faveur d'une réévaluati inée ni précongue, est un milieu vivant, espéce et comme société doit composer. Il n'est pas un simple spec- tacle, un décor & contempler, ou seulement le territoire produit par tun projet social, économique, technique, il est également travers centre espéces vivantes, et les humains ne sont qu'un élément, certes parfois prédomi- nant, dans ces rencontres et dans les ensembles qui en résultent, Considéré en ce sens, & savoir comme un mi ‘est traversé par des ve 1e projetée par les humains, Se pose alors la que: assemblages, dans les paysages, entre humains et non-humains, animaux et végétaux, et des modalités de ces assemblages. Les lement, Manifested Tiers-paysage, Rennes, jucommun, 2016. est désaffecté, déserté et sans affecta- “if faut se mettre dans la cond #6 bes temps des paysages ne se confondent pas et ne se espaces et aux temps humains, on Ya dé dit: paysoge conduit au-deli des stratéies occupa Jon proprement territorial déployées pa les uenaines, Mas ce qui vaut sur le plan des objectivités paysagéres des pratques et des expriences de fs tervtoriaux les plus dérermi il reste toujours la possbiité de Tétendue, de Vaileurs, de (dela transgression, du passage de la oh des signes de propriété Jean-Francois Lyotard fait naitre d'un moment particulier dans le rapport que le sujet W avec le monde et avec soi-méme, moment aysemenc, et qui est rien dautre que lr ain indestination premire et fondamentale, «Une anse mari- tun lac de montagne, un canal dans une métropole peuvent i¥@ ainsi suspendus en dega de toute destination, humaine, divine, falssés la» Le paysage, dans cete perspective, n'est pas Aésinvesti des sign est d’abord la rencontre de tension originaire au sein de laquelle té de Nexpérience, Dioii cette relation profonde, fondamentale, entre le ‘paysage et le voyage, ou le nomadisme. Pour accéder au paysage mn estrangement dont parle Montaigne : voir le monde comme s ays comme un étranger, dans une posture dextériorité et d’ Fité qui suspend en quelque sorte les habitudes visuel significations attendues, et ainsi resti nly @ pas de paysage sans cette espéce d'étonnement qui nous s face a la contingence, la sul ‘ui se développent dans les lieux que nous visitons. Cet éronne ment est la suspension du jugement nécessaire a paysage, et Yon réve alors de renco neurs silencieux, stupéfaits devant létrangeté des mondes quis arcourent et découvrent. Comme sil fallat se déplacer physique: ment dans espace, le traverser, pour mieux en sentir la grandeur et les largesses Ainsi, le paysage se trouve en deg ou au-dela du te ot des différents priation quile définissent. Peut envisagerle paysage comme faisant partie des «choses communes», des «choses sans rmaitres», a savoir des «choses» qui n'appartiennent personne et dont usage est commun & tous, pour reprendre la formule du Code civil frangais. I ser peut pas étze compl ‘nous rappeler que nous ne pouvons pas disposer du monde terrestre A notre guise, et que cel trouvent, ne peuvent pas étre considérés uniquement comme des biens appropriables. I faudrait au contrare, comme nous y invite le paysage, penser positivemen Vue On ne peut contester Ia relation intime que le paysage entretient avec la vue, Historiquement, culturellement, et pas seulement en Europe, nous héritons d'une mn du paysage qui en fait un monde de leil, un univers visuel (une vue sur Ie pays disent les dictionnaires). Il serait utile, toutefois, de préciser et de nuancer cette affirmation, insi que les choses et les étres qui s'y ct la complexité des organisa: tions sociales, des pratiques territoriales et des manidres d'habiter sur le chemin des prome- visuels au sein desquels Ia relation Wiviwe a &té élaborée, Différentes formes de regard ‘do voir» se sont succédé et coexistent encore dans spaynayéres A la surface de la planéte. Ces regards diffé- ‘paysaye entrainent sans doute différentes facons de le # ide le comprendre, conférant ainsi aux cultures paysa- est important d’établir et de faire recon- ‘le paysage est atteint au ceeur de multiples expériences, ‘pas, ou pas seulement, visuelles. Les contacts avec le fers les autres sens. Autrement ialité et, 1a aus: jmes, notamment en Europe, les héritiers d'une tradi le qui nous invite a défi Jquement et sociale- rérature et les sciences jouent un a peinture, la photographie, le cinéma ont insti- set de techni- ‘intérieur des onga Ahniques que celui-ci a 6cé désigné et défini comme «paysage>. : ‘voquer les débats contemporains sur les es et les localisations historiques et culturelles des repré- ms paysagéres, on peut accorder que le monde terreste lére générale, est devenu un paysage dés lors quill a é ‘et représenté comme t ‘egurd, artistique ou non, Autrement di correspond a une histoire et & une géographie soci ‘nniques et culturelles, du regard. cence du paysage regard sont sans aucun doute des con guaient trois types de vues la catoptique, l'anoptique, . ire paysagére. Savoir la vue frontale, la vue de haut et la contre plongée, Chacune © Néanmoins, le paysage ne peut pas étre réduit Ala de ces modalités visuelles engage, o , 4 les simplement efficaces sur le plan difference au réel et, au fond, cond: EF eon ne doic pas non plus se contenter de le ranger parm suits sles arts de la représentation, Il porte séme de la visibilité du monde terrestre qu’ une teneur affectives et morales pons avec notre monde. Aux regards qui viennent d'étre évoques, | dilleurs, Phistoire des cultures et des pratiques vis Sraphiques en a ajouté beaucoup autres. Ain 4 sur les paysages, depuis la fenétre d'un train ou dune automobile la tristesse, le dégoit, la colére, le mépris ott la traversant Fespace, a été insérée dans la gamme des ex 7 is heureux, tous les paysages eptives du monde, et de méme, q peut aimer voir la Terre, on é contemplative, na ajouté, au cours du q jal détester découvrir ce qu'elle est ou qu'elle est devenue, 1a possibitité concréte du parcours syt : maniére qu'un visage longtemps adoré peut désormais mobile du paysage depuis un objet w Jn répugnance. Cette ambivalence affective traverse Crest done a Yintérieur d : age et en un certain sens le dénonce comme prot ‘echniques de Ia perception, de la représentation et de la pratique {gas soelal et politiqne Fl signale et souligne la responsabilité qu'il faut envisager la question du paysage, en tenant tache au fait de regarder. Regarder n'est pas un acte indif- compte dela diversité, du renouvellement aussi, de ces techniques, ‘et neutre. Cest un engagement dans le monde, une émotion et de leur impact sur les expériences et la notion méme de ussi une prise de position. Le paysage, monde de la vue, nous Pat exemple, sux regards distants, comme en retrait duu monde, ‘et nous affecte de multiples maniéres. Postés immobiles sur une hauteur, quiils soient regards admiratifs oubien scrutateurs, on doit opposer les regards cliniques, impliqués etrapprochés, attentifs aux détails mimuscules, de Vobservateur qui * ce rest pas seulement une ‘examine pas 4 pas, au fil de son chemin de promenade, les accidents ‘emotion paysagéres, qu’elles du visible et les traces dispersées sur le sol. Crest dans la circula- ent également nos autres tion entre ces modalités visuelles, naviguant entre la proximité loie simultanément distance, Foblique et Ia frontalité, Vattention scrupuleuse et Fatten- Mlottante, qu'un véritable art dobserver s'éléve et stexerce. : aa anthropologue, du géographe, : res sens. Aux paysages visuels s'ajoutent les paysages sonores, 4 paysagiste, entre autres, participent tous dune méme aptitude des paysages olfactifs, les paysages tactiles, les paysages gustatif 4 toucher le monde par les yeux, pour ainsi dire. Cette du eau, le vent, la pluie, les oiseaux) et istruit du nacuraliste, celui d s sur le trottoir, les voix humaines), fabriquent des paysages, ailleurs modifiables dans l'histoire en relation avec les transformations de la vie sociale et des possibilités techniques. 11 y @une histoire et une géographie sonores du monde. Les paysages ne sont pas seulement visibles, ils sont audibles également. Les le bruit des tel point quil est possible de parler d'une sorte d’organisation olfac- del'espace dans es paysages naturels et urbains, ont on peut tenter de fare la cartographie, aussi épisodique et frag évoquer également une dimension gustative du paysage ? Ce n'est pas seulement le godt du fruit ou de la plante que nous eueillons au bord du chemin qu'il faut invoquer ici, mais aussi la sensualité d'une couleur, d'une surface, d'une matiére qui nous invite, comme y passer la langue : «fl y a bien des années résidence D.L,James & Carinel (Califor Henry Greene, je me suis senti poussé & magenouiller pour toucher de la langue le seuil de marbre brillant de Ventyée. Les matériaux sensuels et les détails délicatement ouvragés de architecture de Carlo Scarpa, ainsi que les couleurs sensuelles des maisons de Luis Barragin, évoquent souvent des expériences buccales. Les surfaces aux couleurs délicieuses du stucco lustro, une teinte ou une surface de bois bien polie soffrent aussi a 'appréciation de la langue.» Et Vauteur d'insister : «L’origine la plus archaique de l'espace archi- tectural est dans la eavité buceale.» Au total, le paysage peut étre considéré comme une composition de ces variables affectives que nous procurent nos sensations corporelles, pour peu qu’on en soit conscient et qu'on y soit attentif. Toutefois, la polysensorialité du paysage est plus ou moins riche, elle peut étre réc sens ou de nos organes perce} ) congue par Charles et saa Le Regard des ens {2005}, Ps 2010, P67. naturelles ow par manque d'ducation. Cet appauvrissement de notre expérience, qui peut étre véritablement appelée une pauvreté en monde ou en paysage, est aussi parfois la conséquence directe ou Indirecte d'un état réel, ’est-a-dire social, technique et économique, du monde. Quelles que soient les raisons (subjectives et objectives) de cet appauvrissement sensoriel, celui-ci nous signale cependant tune chose décisive : que le paysage est une donnée essentielle de notre culture sensor plus précisément, quil y a une condi- tion sensible, corporelle et affective de Pexistence humaine, dont le paysage est une composante déterminante. L'idée d’une nécessité du paysage est aussi celle d'une nécessité de la con des sociétés, et elle conduit a interroger de fagon ct é, Cest-a-dire les engagements du corps dans le monde, Cette remarque nous permet daller au-dela de la conception du paysage comme simple «cadre de vie», ou plutdt ‘elle nous permet 'approfondir cette notion, Plus qu'un cadre, ou un contexte, de nos existences humaines, il faut eomprendre que le paysage en est une forme sensible. Ses rythmes et ses intensi- tésspatiales et temporelles, ses matiéres et ses qualités, constituent les formes sensibles de In présence humaine au monde terrestre, ‘Autrement dit le paysage n'est pas un théitre vide et inerte que nos de Fextérieu, remy riques et personnels, et animer de sigifications affetives, sociales ‘1 politiques. Ni simple dépot de nos histoires ni dépotoir de nos ‘éyorements. Il y a une énergie dans le paysage, et elle ne se réduit pas la notion de ressources énergétiques. Elle est plutot une puis tance formatrice propre, qui joue ‘existences viendr dévénements histo- des ordonnancements sen: lement notre entrée dans le monde, en fournissant les formats et Jes contenus premiers de ce qu’est pour nous le monde. Il existe quelque chose ‘comme une «santé» du paysage, ou, tout d bbon droit poser la question des relations entre la santé humaine et Je paysage. Celui-ci, comme forme de la sensibilité humaine plus comme cadre extérieur et impassible de son déploiement, est ins, 'on pourrait & Venveloppe préalable et non réfléchie qui nous accompagne lorsque ‘nous nous élangons vers la surface de la Terre et ses espaces. IL est comme la couleur ou Phumeur premiéres de nos actions, de nos pensées, de nos imaginaires méme. Autrement dit, le paysage fest un milieu sensoriel complet oit se déploient les échanges pas toujours conscients et réfléchis des individus et des sociétés avec les endroits du monde cerrestre ot ils se sont instalés. Ce nest pas seulement la question de la «qualité» du paysage qui est & envisager. Certes la dimension qualitative y est Je paysage exprime tout simplement ‘en est une condition. Mais il ne faudrait pas pour autant oblitérer la dimension quantitative, cou, plus précisément il faudrait saisir que dans Vexpérience que nous faisons du paysage, les quantités sont également des qual je déterminant dans la défi tence. Les bruits assourdissants incontournable et essenti du confort, ou non, de notre e3 qui envahissent notre paysage sonore auprés dune artére surchar- ée d'automobiles, les luminosités excessives de nombreuses zones urbaines, les odeurs pénibles qui imprégnent jusqu’ nos pensées lorsque nous approchons de certains espaces agricoles ou indus: signalent avec précision et vigueur impact qualitatif des ifs de nos paysages. L’enjeu, notamment pour les aménageurs, est alors celui de la détermination de la bonne dire celui de l'ajustement entre le désirable et «mesure», ces le supportable, Réglage qui ne peut étre effectué que dans V'expé- rience sensible, et qui ne peut étre prédéfini et prédéverminé dans un bureau d’études. Ambiance Leespace du paysage, entrelacement vivant de Thumain et du monde, est un espace pré-subjectf et pré-objectif. Cest Fespace d'une relation, mais d'une ion qui précéde les termes qu'elle telie, Crest Vespace de Thabiter qui se vit avant toute prise de istance réflexive, si Yon entend par la que la réflexivité sera Yopération «postérieure» qui va séparer ontologiquement le sujet et Fobje érieur. Cet espace, cependant, posséde deux faces, deux aspects distinets et concomitants : une face active, qui correspond l'ensemble des gestes habituels par lesquels nous ‘aissons dans le monde, nous pratiquons le monde et en usons, et lune face réceptive, qui correspond aux différentes maniéres dont ctés par le monde oii nous nous tenons, Lespace Ia fois actif et affectif se de cété Faspect « ‘oncentre surla dimension affective Daysage, est dabord véeu comme un état ou partir d'un & hhumeur, dune situation affective ou d'une émotion, qui au moi autant, Yaffect ou T'émotion ne sont pas ici des sentiments «inté- Hleurs», subjectifs, qui seraient provoques par la représentation 0 Texpérience d'une situation externe, objective, Ils sont plutée a __ envisager phénoménologiquement comme des états pré-personnels le Vétre humain, au sens od ils répercutent en lui et pour lui une fertaine maniére d'étre traversé, voire d'étre envahi, par la teneur «di monde a un moment donné. Get état, ou humeut, ou émotion, ou plutét espace de je Vappelle papsage. Essayons de faire apparaitre pment ce qui caractérise, du point de vue phénomé- nologique, cet espace émotionnel ou «tonal Avrai dire, le mot espace est peut-étre déja trop fort, ‘Gop appuyé, par rapport la situ Acre, et qui est marquée par onfusion. Le paysage, phénoménologiquem¢ ‘gomme une zone aux bords flous, comme un nuage au sein duguel ‘ous serions jetés sans y percevoir immédiatement des formes et es ‘e quelque chose semble posséder une réalité objective, sau sens pas purement intérieur 4 nous, comme une simple feprésentation mentale : il nous traverse, stale ‘#8 nous, nous touche, nous pousse, bref c'est une expérience que ‘nous faisons, et qui nous affecte d'une fagon ou d'une autre. Mais en aiéme cemps ce quelque chose ne se présente pas & nous comme un ‘momentanément, le «ton» de cet espace, sa tonalité, Pour objet physique usuel, solide, dont nous pourrions saisir les contours jons décrire comme une chaise ou un rocher. Il est ertes, mais pour ainsi dire une réalieé inobjec- tive. Une réalité qui n'est pas celle d'un objet tel que nous Venten- mcontrons hal présence et la puissance, en nous. Le paysage serait la rl touche et nous affecte. Nous sentons cette réalité «non objectale», nous y participons & notre maniére. L'inobjectif nest pas le vi rien, Nous sommes affeetés par quelque chose qui ne ressemble pas s physiques auxquels nous avons affaie habituellement, avec leur substance et leur forme, mais qui nest pas rien: c'est une réalité sans substance, et ajouterais quelle nest pas représentable. Er pourtant elle nous touche. La philosophie contemporaine nomme ambiance ou sphere cette articulation entre un sentir non subj réalité non objectale. Ces mots nous permettent de caractériser plus précisément le paysage comme sentiment spatial ou sentiment sographique. Les choses qui nous entourent et dont nous faisons expérience ne se présentent pas & nous enfermées dans une forme strictement délimitée ni réduites leur pure et simple matéralité Elles nous viennent dans une sorte de halo de sonorités, de couleurs, de lumigres réfléchissantes, dombres, ou dodeurs. Les choses viennent & nous d’abord au sein de cette zone qualitative quelles projettent aucour et au-devant d'elles-mémes. Le philosophe alle- mand Gernot Bahme parle des extases des choses, pour désigner ‘ces maniéres que les choses ont de se tenir au-dela d'elles-mémes, dans leurs couleurs, leurs sonorités ou leurs textures apparentes. Plus encore, les couleurs se répondent et se mélent dans Tombre et lalumiére, les sons s'enchainent & autres sons, les couleurs et les sonorités se détachent des choses matérielles et eréent ensemble tun espace presque sol Cet espace qui flotte autour des choses et qui leur donne leur relief et leur apparence, est Fatmosphére ou ambiance. 6 de cette inobjectivité qui nous Juoique non chos: L’atmosphére est ce que le philosophe allemand Hermann Schmitz appelle une semi-chose. Blle n'est pas, comme ‘on vient de le voir, une chose physique dans le sens usuel que nous donnons a ce mot, cest-i-dire dotée d'une matérialité substan- tlelle et d'une forme circonscrite. Elle n'est pas non plus une simple | qualité extérieure des choses physiques. L'atmosphére posséde lune sorte d'indépendance et une relative permanence, disons une ‘continuité ou une du tent celle que I'on trouve dans les choses, sans quelle soit pourtant identique aux choses. C'est lune réalité effective, quoique non physique ou chosale. Atmos est Fair ou Vespéce de vapeur qui envelope les choses et qui leur donne en méme temps leur aspect si Crest cet aspect, ce relief, cette espéce de profondeur au sein de laquelle et par laquelle t tres ont cherché & repré- ‘enter sur leurs toiles. Merleat-Ponty, parlant de Cézanne, rappelle ‘que le peintre ne peint pas le contour d'une pomme, car «le contour des objets, concu comme une ligne qui les cerne, nlappartient pas au monde visible, mais & la géométrie™>. Le peintre suit dans ‘une modulation colorée le renflement de Tobjet et en rend ainsi Ia profondeur, cest-a-dire «la dimension qui nous donne la chose, ais comme pleine de réserves et shoses se présentent & nous que les ps non comme étalée devant no comme une réalité inépuisable Dans Je méme temps, exactement dans le méme temps, les qualités ou valeurs atmosphériques des choses, leurs appa- ité que parce qu‘elles me touchent, paree que je les sens, ou plutot parce que mon corps est disposé A les recevoir. Crest cette réceptivité sensorielle qui rend effec- tive la présence de cette phénoménalité. Autrement dit c'est parce ‘que mon corps s’expose, ou parce que je suis exposé par mon corps, que je suis touché, affecté par ces extases des choses, cest-A-dire par atmosphere qui les enveloppe et dans laquelle je les recois. Au bout du compte, c'est la relation, ce nouage, cette réversibilité entre exposition corporelle et extase phénoménale qui constituent l'ambiance, ou encore la spatialité du paysage comme icé tonale ou émotionnelle. Rappelons-le encore une fois, sur ce plan phénoménologique, rest pas de physiques ou macérielles», il nest pas un objet au sens usuel dir terme. Il n'est pas non plus une idée, une image ou une représenta tion mentale. Il est le nom d'un état, une émotion, d'un sentiment particulier qui n'est pas localisable & proprement parler mais qui est 13, lottant dans tout espace, c'est-&-dire présent en nous et autour de nous, dans une maniére d’étre et un mouvement uniques”. La question qu'il faudrait alors poser est la suivante comment est-il possible de déterminer cette unité entre nous et le monde que nous avons appelé paysage ? Comment, de quelle maniére cette unité est-elle effectuée ? Par quels moyens ? Nous savons que cette unité n'est pas objective, au sens oi elle ne se trouve dans les choses matérielles. Nous savons quelle n'est pas non plus le résultat dune opération synthétique de la conscience, que ce soit au niveau du concept ou au niveau de image. Autrement di 6 du paysage tel que je viens de le définir n'est pas de Fordre de la représentation mentale. Cet nité n'est ni objective ni subjective. Point décisif, qui signifie que Yunité du paysage est d’abord et en premier lieu vécue, éprouvée, sentie par le corps, et que nous devons chercher a identifier cette cexpérience d'unité au niveau de la corporéité, et plus exactement ‘au niveau d'une corporéité la fois vivante et véeue. Un rapprochement avec la musique nous permé peut-étre de mieux saisir les enjeux de cette question, Parmi les différents moyens qui permettent de produire l'unité dans le temps musical, &c6té du tempo et de la mélodie, se trouve le rythme. Le rythme est une maniére de définir les relations entre les durées musicales, c'est une maniére organiser la durée. Mais cette régle rythmique, qui certes peut étre représentée graphiquement et conceptualisée, est d'abord vécue, qu’elle soit ressentie & 'audition paysage, envisagé wrdre des «choses pour sa part la notion de jon CEM Rosa, ois Le musical s6e dans le jeu. En deg méme de toute volonté musi- rythme est une sorte de structure fondamentale a cet dans laquelle on pergoit le monde environnant -x¢on agit sur hui, Rythme nacurel des saisons, des jours et des nuits, rythmes humains de nos routines sociales : c'est d'abord la que se et au temps. Sur ce méme mode, musical, on dira que le paysage ‘est dabord vécu et il se présente 4 nous immédiatement comme lan rythme spatial c'est-i-dire comme une organisation ressen- ‘the de Vespace, comme une mesure des lieux et des distances que "ous éprouvons en nous et autour de nous. Habiter cst entrer dans ce rythme, c'est y participer et le vivre, ou plutét c'est donner lune forme & notre existence en fonetion de ce rythme. De la méme Jaaniére que le rythme musical est une maniére Porganiser la durée vécue, le paysage comme rythme est une maniére d'orga- inser Vespace vécu. De la méme maniére quill y a une temporal ‘gation de la durée brute (et une régle de cette temporalisation), de Vétendue indéterminée (et une régle ile cette spatialisation). Habiter espace et le temps c'est étre en. ‘gonversation permanente avec ce rythme ou cette mesure. C'est au hiveau de ce que j'appelle le rythme du paysage que seffectue, du ‘poinc de vue phénoménologique, la synthése affective ou émotion- pelle entre nous et le monde qui nous entoure et dans lequel nous sommes situés, et non au niveau d'une représentation intellectuelle ‘ou imaginaire Le paysage et les métamorphoses ‘Au terme du parcours qui vient d’étre effectué, le paysage appa want cout comme une entité relationnelle. Ces deux termes, surs, doivent étre commentés, « Entivé», car le paysage es jer est un affect autant quill est un espace, mais aussi un territoire organisé, prati- est un mouvement, ou plut6t un ensemble plus ou. moins ordonné de mouvements qui se cri ‘eux-mémes changeants et provisoires, il n'est pas complétement cen forme nos relat une chose que Ion peut poser face soi et encore moins tenir entre ses mains. Bt pourtant il nous touche comme le ferait une chose, comme une chose il présente des opacités, des relief, des ouver- tures, des faces, des textures. Il est une «quasi-chose», autrement dit une entité qu, sans étr elle-méme une chose au sens ordinaire de ce terme, provoque chez les humains des sensations, évelle des sentiments, et conduit a des actions comme le ferait une chose. Le paysage engage une ontologie particuligre. Le paysage est constitué de relations. Ce ne sont pas seulement des relations entre un sujet et un objet et encore moins 4es relations uniquement visuelles. Car le paysage, comme on vient de Tindiquer, nest pas un objet mais un assemblage d’étres et de mouvements divers, assemblage qui est lui-méme traverse par plusieurs processus de transformation. Ainsi le paysage accom- pagne et souligne les transformations de Ia nature en territoire est Fespace dans lequel la nature est transformée en histoire et dans lequel Yhumanité, ses valeurs et ses actions, deviennent le de la géohistoire, Le paysage est le d'une autre série de transformations, qui conduisent le territoire & déborder pour ainsi dire au-dela de lui-méme, et Vouvre en horizon, en chemins de départs, en transgressions de frontires, en expérience directe d'un espace indéterminé. A Vintérieur du territoire, le paysage est Ja possibilité toujours ouverte de bien des voyages. Des voyages qui ne sont pas seulement visuels, et q engagent au contraire toute la personne, corps et esprit eonfon- dus, dans une suite ou une dispersion d'expériences oi tous les sens sont mis en mouvement et intensifiés. Le paysage est une activa- tion de nous-mémes dans le contact que nous avons avec les choses, les étres et Fespace. I est véritablement une activation de nos pui sances sensibles,cest-irdire de nos capacités& tre touches, sas rus par le monde autour de nous. Le paysage, dit-on parfois, est ation de Vespace. II faudrait prendre cette formule au sérieus, car elle porte plus loin qu’an simple propos d’aménage- ‘ment : e paysage correspond a une expérience (et cette expérience nature. pace ete tervitoire #epitrent de nouvelles qualités, ou renforcent leurs qualités dé} pentose effectves. Lexpérience paysagdre transfigure espace ‘6b torvtoire en révélant en eux les puissances affectives et signi- ene Is contiennent. ‘Payiagistes quedela préparer) dans laquell ‘Ainsi, au-dela du systéme des relations entre la nature, ire et le regard humain, le paysage doit étre compris _ sete un espace et un temps de transformations, de déplacements int de la nature a Vhistoire et de Vhistoire & Vexpérience {quelque chose a chaque fois passe et subsiste. La nature nature dans le territoire et les pratiques de territorialisation la ceaversent, le territoire ne disparait pas dans les regards qui le serichit et se - @ fe debordements qui en font une entité instable, dynamique, ve. Plus encore : dans ces opérations de transformations qui int en nous. act du paysage. Aucrement dit, le paysage est un ensemble § wétamorphoses. C’est sans doute cette expression de «méta- earphose» qui le caractérise le mieux. Dans la métamorphose en piven fir, quoique sous une autre forme et une autre appa- “Gage, Letre transformé existe toujours, quoique autrement et Bee sure manire. La riviére, méme canalite ne disparate pas ni Ss pusvance agi Ex isa dynamique i ae AL agit encore au cceur méme du terrtoire, li oft sa forme et son ‘apparence semblent s'étre effacées. Le paysage est le milieu et le " sfaultat toujours changeant des métamorphoses qui le traversent. Aces relations et ces échanges, & ces métamor phoses, les humains participent, comme acteurs animés dinten- ‘hans parfois puissantes, et comme sujets affectés, touchés, mis en ent au contact du monde, Toute une tradition subjectiviste s'est efforcée de placer létre humain au centre du paysage, devant ou au-dessus de lui, le paysage étant présenté (et vécu) comme le contac des perceptions, des représentations et des pratiques entendu, de remettre en cause ontologique, morale et épistémologique de la présence humaine. Les humains pergoivent, ant, transforment le Paysage et ils le projettent. Toutefois ils nen sont pas nécessai rement le centre fondateur et constitut avec et dans le paysage, comme un de ses foyers métamorphique comme des acteurs transigeant avec d'autres acteurs, en connexion les autres puissances d'agir, habitant un théatre d animé ex dont se sont pas les auteurs, Pour employer une auste métaphore, Vespace du paysage est celui d'un tissage, Cest-d-di su. qui en résulte et le processus de sa fabrication, qui siinstalle et se développe au long des rapports quotidiens et ordi naires que les étves humains entretiennent avec le lieu od ils vivent. Les étres humains et le monde sont pris dans 'entrelacement de ce tissu qui s'autoproduit en quelque sorte. Dans cet espace les distinctions a ‘extérieur sont effacées ou bien ne sont pas encore appartics, Ni extérieur ni intérieur ou bien les deux en méme temps, espace du paysage est une zone de pa de homme au monde et de la présence du monde en homme. Reconnaitre la nécessité du paysage, c'est accepter ce déplacement, intellectuel et pratique. Le paysa par la société de transformer le pays avec de m OHAPITRE DEUX Agir avec le paysage ‘Les relations humaines au paysage se déploient en une large gamme attitudes. Ainsi, sur le plan de la perception, des usages et des affects; la contemplation esthétique et/ou 5 attentive, l'éducation au regard, la vue distraite, la présence affai- ‘he ou de simple loisir, la promenade qui fait de Vexpérience des aysages une jouissance désintéressée. Ou encore, sur le plan de la pratique et a : Fintervention, Yaménagement, rentretien, a réparacion, la fabrication, Autrement dit les paysages ne sont pas seulement sentis et vécus émotionnellement, ils sont également \uilisés, pratiqués, et transformés de fagon plus ou moins consciente, Crest sur les modalités de ces transforma- juées, que j'aime mnt. Les sociétés isqu'd un certain rraduisent des Labsence de volonté paysagere, cest-a-dire le manque ion, de consideration pour les paysages et pour la relation, entretient avec eux, est encore lexpression d'une volonté,

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