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Scent CHAPITRE DEUX Agir avec le paysage Les relations humaines au paysage se déploient en une large gamme dattitudes, Ainsi, affects : la contemplation esthétique et/ou spirituelle, Yobservation attentive, l'éducation au regard, la vue distraite, la présence affai- sur le plan de la perception, des usages et des rée ou de simple loisir, la promenade qui fait de l'expérience des paysages une jouissance désintéressée. Ou encore, sur le plan de la pratique et de 'action : I'intervention, l'aménagement, I'entretien, laréparation, la fabrication. Autrement dit les paysages ne sont pas seulement sentis et vécus émotionnellement, ils sont également utilisés, pratiqués, et transformés de fagon plus ou moins consciente, programmée et explicite. C’est sur les modalités de ces transforma- tions, et sur les types d’activités qui y sont impliquées, que j’aime- rais attirer attention dans les pages qui suivent. Les sociétés humaines transforment leurs paysages : ceux-ci, jusqu’a un certain point (qu'il faudrait d’ailleurs pouvoir déterminer), traduisent des volontés. L'absence de volonté paysagére, c’est-d-dire le manque attention, de considération pour les paysages et pour la relation qu’on entretient avec eux, est encore I’expression d'une volonté, 7 pao cane ix individu san ex indi dun ra wolonté(@t aes e120 olonaires visas tu paysage metten Leste elles acters: Tes intentions soc jade fan coins als), ls représentatons ( {économique Pa ae niveau d'information et de con; ences et valeurs ct capacités techniques (forme experience acquis les acquerir et de les mo lective des dysfonctionnements sance, ‘ puissance des out P TeV edna amsage 00 oi santas et) Su de a maura cae ds deve entre ates. Aces différentes dimension neers on doit en outre ajouter un autre élément, qj steht ea forme daction qui est adoptée pour intervenir dans tes paynges. Car action humaine ne secaractrise pas seulement ‘on but), par son objet (son contenu), et par sa force ‘mais aussi par sa forme (sa modalité). Ces diffe id objet, force et forme) ineragissent nécesss rement, ce qui veut dre par exemple, que la forme choiste pour une action aura des effets diectsetindirects sur le type de puissance auielle mobs, le contenu sur lequel elle se met en ceuvr. elle se fie, vi déplie. e, comme nous le verrons, la temporalité qu'elle Or, du point de vue de la forme adoptée, on peut repérer schématiquement deux types daction vis-i-vis du paysage, qu'on ‘peut résumeren deux expressions: agir sur le paysage et agir avec Jepaysage. Autrement dit, placées dans les paysages et en relations multiples et constantes avec eux, les sociétés humaines agissent une par sur les paysages et autre part avec eux. Crest cet Aistnetion entre agir sur etagir avec quil faut éclairer. L'en} art considrable, car il conduit, comme je (Net 4 une réévaluation de la notion de projet A Tactvité de projet dans les éeoles qui it : sak dn dui en ont fait Paxe de leurs - 1e mte058106 du poysage za Jaborderai cet enjeu a partir de trois questions Quiest-ce quiagir avec le paysage et quest-ce qui caractérise ce type d'action? 2/ Pour quelles raisons la perspective dun agir avec le paysage apparait-elle nécessaire? 5/ Quelles sont les directions que doit prendre un agir ‘avec le paysage et quels sont les contenus de cette action ? Deux formes d'action dans le paysage : ¥ agir sur et agir avec Les expressions agir sur et agir avec correspondent a deux types de relations techniques que les sociétés humaines entretiennent avec leur environnement matériel, y compris naturel. Ces deux modiles, qui sont la plupart du temps combinés dans les actions effectives sur le éel, traduisent en fait deux attitudes différentes vis-i-vi re et peut-étre deux conceptions différente: De fagon simplifige, on peut dire qu A agir sur se caractérise par deux dualismes, Diune part, cette attitude présuppose une espéce dexté- riorité entre la matiére sur laquelle Taction humaine s'exerc, et action lle-méme, plus précisément animent intérieurement cette action et lui donnent sa finalité. Et, autre part, agir sur, C'est fabriquer, ou tout du moins se placer dans la perspective de la fabrication. Autrementdit cestchercher produire des objets en appliquant méthodiquement sur une matiére ve un schéma mental préalablement élaboré (et jet fabriqué « merge en quelque sorte de des opérations de prod la matiére au terme existait pas avant, rogrammé et prévu. Il a énergie du fabricant, pour que objet apparaisse, comme le produit ‘un enchainement coordonné de plusieurs opérations (des opéra- tons qui peuvent étre parfois standardisées). La forme, énergie satire (pas seulement la cation, sans étre 4 exclure, tro Crest 4 ce moment que rhypothése d’ trouve au contraire une pertinence. Cette autre perspec ‘matiére une sorte d’ani presque intégralement, ou en tout cas ‘és sociales consciemment démiungiques (fabriquer un espace pou en méme temps, fabriquer une société nouvelle). Aux Eta 2 Union sovitique, en Isral ou en France se sont mani 2u cours du xx" siécle, ces conceptions productivistes et pl tices de espace géographique, reduisant ce dernier & n'étre qu'une congue comme inert. Ell surface d'action, une sorte de plateau de thédtre vide, en attente ments, les courbures es projets d aménagement etd équipement portés par les pouvoi comme doté = en effet, reconnait dans la et Venvisage comme un espace cae A la dérwsene du payroge vernaculire Ate, Ate Saeaay noag om ema 3003. 40 poysoge ‘une régle posés a l'avance ‘rmation se définit au co st de corrections sransformatrice est par conséquent erg, en jeu lacapacité des humains forces présentes dans la situs cette action ive. Bl dire, avec les ‘on peut e wre dans de nombreuses spheres srps humaines, qui est mise eF Cu : ation’, Yéducation, la tactigue, iotage ou Ia navigs jandinage, entre autres. Atticude ¢t + Vexpérience accumulée et Yraction qui reposent SU "est rencontré, qui en Outre S vmaniére aussi précise que possible aux lene et, de facon eréatrice, & laborer Tes solu- ie résoudre les problémes posés par fio sation, Cette espe diteligence, qui est avant tout yne mee pratique, est véritablement de Yordre de Tart: cet sone reigence du savoir-faire, une aptitude, voire un talent dui perettent aller lus Toin que la regle générale et préconsue Pott veren inventer, déinir avec précision la réponse adaptée & le iére et non totalement comparable dans mn eoneréte, se déploie. application sans nuances, quasi mécanique, abstraite, une rigle elle-méme abstraite, sur des cas & chaque fois parte caliers et différents, ne fait que refléter, au fond, un gence des situations conerétes, La régle d'action devient alors une formule générale, voire un formulaire, 18.0 plutét mettre ‘en ceuvre de maniére coordonnée une série de gestes attentifs &t quelque chose comme une tactilité, épousant les aspérités, les reliefs, les souplesses et les fragi singuliére, offre et oppose a action. Que ce soit dans l'éducation 08 2 Get Lartire, Penser etagirave 2, Git lai, ser ett avea acre, Psis nm Ta nécessité du poysoge vations et de longues descriptions Tout projet de paysage déploie, dans les différentes dimensions qui viennent d'étre évoquées et de fagon variable ot les formes présentes fait, souigne Ti san associ ses propes Goten et mouvements, sa vie me, aux deve des marraux sane aux forces et aux fx quil applique & sive et qu Ti permettent de réaliser son oeuvre.» Car il ne s'agit pas seulement de faire ou de refaire (ire de produ ou de re-produire) un paysage, quit sit urban sn, ow agricole. I est nécessaire aussi dlengager une espe fe «dialogue» avec la matiére du site, cest-i-dire les forces et les formes du paysage tel quil est dé 1, donné et vivant de svi “e vie pourrait étre meilleure. Les proprietés Ta taille d'un espace, Ténergie tle cours d'une tuaversent ety interviennent, ete autres encore, plus ou moins pulssants eta peuvent donner, ‘Comment agir dans un paysage gut ire qui oppose, & ani, possédant une forme est propre? , mobile, quest x ot vivant, qui présente, contexte matériel et social fluide et oF et une dynami faut apprendre & fai i arcologie. mt ts ehors. 2017. Ph — 1, ce quil propose, C€ Ul refusy nee ce WN rire aorse. Hl faut tenir compte gy che 30 comm ceses et de 5 MELE, de fore os, de ses erosté, de SS pares, ve gu paysage, 4 plutot de agir avg quer abstraitement les régl, paysage pour étre paysage, Ie lire, a Fobserver longuemen, lets, pour Vaid; e,avecce qu conten ext ene 5 pentes, de #5 see dee ‘pire de ses pingreries: 8 Tui te paysage, ce sera n00 2S Merce que dix ere en genta un apprendre d'abord vies deeni. Tout comme le sculpteur observe longue sappuyeret pet-etre les expl ‘de la pierre au sein desquels app: féme découvrir mesure quiil a fait. siste[-J non pas A imposer une forme sur une ‘brute, mais dessiner ou délivrer les potentia i. Dans le monde phéro- ouvre un chemin ou une sménal, chaque matériau est en deve ctoie dans un dédale de traject i avec, par conséquent, pour que quelque chose qui cst dj I arvve. Agir avec ce nest pas tout faire, ce nest pas briquer. Le but n'est pas de fabriquer to de le dessiner complétement d'avance, de planifier ses rmouvements, ses formes et ses contenus comme sls devaient sortir ‘un moule prédéfini. I faut agi certes, de tele sorte que le paysage se fase et se tran it pourtant possible de déter- miner a Tavance ce q Un jardinage, ailleurs, qui dépasse de loin le du jardin tel qu'on Fenvisage habituellement, et qui se propose de facon extensive comme une modalité de T'action vis-a-vis du ion indirecte, qui consiste a mettre e1 des disposi metre en place de préparation et ie icipation, mais aussi ‘aration et dattente, de captation, d’anticipation, mais aussi =_.- — de suivi, observation, d'entretien et de soin, qui permettent au paysage de se transformer. I faut s. Le paysagiste erée des bler les forces présentes éparses dans le paysage, d'une part, et autre part, de provoquer I'émergence de formes et de forces ies. En cela ils sont comme des opérateurs dé peuvent Jatente dans les variations de la mat énergie, de tension et de compression» ‘Ainsi & Genéve, pour le projet de «renaturation» de ka qui est en fait un projet de reconfiguration de tout le e, Georges Descombes et le groupe: de losanges, qui s’étend en une longue bande prés de cet constitue ainsi un dispositif quia la fois capte les forces cet leur permet de se déployer pour faire une riviére. «La dimension des losanges, Gcrit Georges Descombes, fut déterminée en super- posant le nouveau diagramme aux cartes des anciens méandres, de maniére a ce que le diagramme soit capable de les “ Le résultat est spectaculaire et rappelle les dis du land are réalisant des ceuvres clairement ‘contexte naturel, et qui sont ensuite aissées & la merci des forces diagramme trice» par laquelle une force invisible ci elle sincorpore en une forme. Cette structure géométrique concentre de fagon exemplaire un geste de projet qui unit deux directions qui pourraient paraitre opposées (et quien réalité ne le sont pas): celle de Tintervention et celle du laisse dre. Intervenit 4 Tngld op ce p.108, + G Bescon «Dessine un jadi» 0 “aire Laide et ron double, Zurich, Pak Books 2018, pas, 4s s futurs, avec et dagi faut bien admettre ce paradoxe pu aire se sent libre etal sy Les raisons d'agir avec le paysage aisons qui conduisent & metere en avant la perspective d'un esi cts aun pense ve aya “ tconcerent, une par, la nature méne Se ela pace gy oecupent es humains aus +r yng urlaviehumain, se contenu eal nes qui suivent, je voudrais souligner en relation qui est d'échanges et de transformations réciproques, et quion résumera avec la formule les hum: vvivent de paysoge ‘Non seulement le paysage fait partie de la vie humaine, mais il en estune condition, voire une dimension, déterminante. Rappelons ce quia dé été avancé é ene umn e a ‘avancé dans les pages préct rempli par Yims real ion radon tes actions humaine, Hest enIu-méme ee it Tim Ingold, au sens ot s'y trouvent et SY ine multitude d'tres animés de divers élans, de ‘mouvements, porteurs d'intenti Porteurs d'intentions et q’histoires, qui en font une + a. 4 poysoge ‘humains ng de $0 vassocient, ‘ent, se séparent, se choquent, se superposent dans un (Bruno Latour) plus que dans un systéme bi ¥y a.une histoire sociale du paysage, mais son histoire n’est pas uniquement socal. Il faut sinsaller, pour la saisiz, au croisement de Técologie et d sociale pour tappeler sans cesse que existence humaine est irémédiablement temrestre, que la terre, comme le dit Hannah Arendt, est «la quin- essence de Phumanité», que les humains proviennent de la terre et {yretournent. Le paysage este sige, le toin etl prewvede cette histoire terrestre des sociétés humaines, y compris dans les dénis dont ils sont parfois les reflets malheureux. ‘La généalogie du concept de paysage est complexe. Qu’ soit relié A histoire des représentations artistiques de Ta nature, & celle des formes d'organisation politique et territoriale, ou encore a ies géographiques, le paysage ne sinserit pas facilement dans les cadres intellectuels et méthodologiques mis ‘en ceuvre a la suite de ce qu’on 2 appele la «révolution scien moderne» : entendons par lle des catégs ine «cadre» pas avec les visions du monde issues des théories de Copernic, de G et de Newton. Joachim Ritter, dans un article fameux, avait caractérisé le paysage ‘comme la survivance et la reformulation, au sein méme des concep- tions modemes de T'univers, du géocentrisme ptoléméen et de Yattitude contemplative antique (la theoria grecque),elle-méme prise en charge désormais parla sensibilitéet sous es espéces d'une recherche de la «vérité esthétique». «La nécessite dune vérité médiée par Testhétique est [..] fondée par le rapport & la nature “copemicienne” de la science nat le, Cest-adire & une nature “objective” coupée du contexte de existence et de jon |] Le CF odeurs, saveurs et plus génér ites et chatoy et pre cope 11 4 la fois comme une figure de sare dune théorie des deux nat opie, les sciences sociales de méme que les sciences de la ¢ du climat revisitent largement aujourd'hui cette 1 remettent en cause 4a pertinence au pr ‘approches qui ve ‘acterivet pluttt par les notions hybridation et de connexi es savy et des teres et ¥efforcent de faite recon ae rentionnaités et des p wien vee les apparences du monde terre ‘ rathqué de fagon ordinaire par les humal Lenjevest eta de mise opus, extenng cn nt Pelt de nouvelles perspectives ont cee eotteprine Pratques. Le paysage peut contribuer } al Rate Penoge.F stad ertion de ethéigue dans nein gy Pe Benge, Les Eton de 0 ds pep des événements despace et de temps et sot par celle ou celui qui observent dans un état de disponibilite corporelle et yet de communiquer sans médiation avec le paysage avec atte leur perm approche tact Evidence le fait que les éléments et les relations qui composent un paysage sont porteurs de sign les», Ces significations ne passent pas par une repre ne image ou un langage quel qu'il sot. Elles ne peuvent séparées des vécus sensibles oi elles apparaissent. Dans ces mélanges du co space, quelque chose passe et se passe, qui ext le paysage. Loin détre un objet spectacu Iaire posé face & un sujet, le paysage est Fexpérience dune traver sée, ou plutdt d'une immersion quia le met dans un certain état (ly des tats d'esprit), voire une certaine bume fons qui ne sont pas toujours de corps comme ilya des une certaine disposition ont omenme é du point de vue igne. Iest aliment et “ chose qu'un simple spectacle sétendant devant nos yet qe Tinscrument de la satisfaction de besoins quotidi comme on va le voir, fenvisager comme une dimension de note siscésorté», Deutre part, vivre du monde est étre dans un contact secsbleavee hi, c'est plus exactement, rappelle Corinne 2 C Pectom Les Nout el ae Neus, Pspte core cen systme- Elles se de se trouvent dans lespace, dans Le milieu a une épaisseur pr partir duquel elles me viennen essentiellement, Jes transforme pas pour autant en mination des éléments malgré la pré «que Ton peut connaitre et enseigne. {guile contiennent.[-] Ilse déploie dans sa propre dimension —la profondeur. [=] Par la maison notre relat rmme étendue se substitue Mais la relation adéquate ave ment le fait de baigner™.» pour Ia satisfaction des besoins) qu'un milieu de quali taires oi I'on baigne. Que signifie cette espace de lig sorte d'épaisseur liquide posée par Levinas comme primordiale dans la relation humaine au monde ? Et, si nous appliquons cette réflexion au paysage igner dans le paysage? Comment comprendre I pas une chose devant laquelle on se tient ou qu’ jsage d'utiliser, mais avant tout un milieu dans lequel on bai Cette question d’antériorité est une question dintério~ rité. Suivons d’abord la comparaison : nous sommes, nous dit-on, dans le paysage comme nous sommes dans un milieu oi nous © ELLerinas op-ce,p.104-105- | es dans ce milieu nous commu; es aoa ses profondeurs, les cour I pe mee FE 0 4 done pas seulement dans le paysage comme déposés, n lorsque nous Tenvisageons comme nourriture, le paysage nous tout simplement, parce que nous vivons dans un mon: ‘qui est. comme nous venons de le voi equel nous communiquons de corps 4 pourrait étre, oud evi sans paysage? Pour envisager une réponse & ces questions, essayor, de prolonger ici la perspective ouverte par Corinne Pelluchons.- le monde comme nourriture. Le paysage nous ali ows rd au sens littéral de ce terme qui aliments que nous mangeons, leur q un sens plus étendu et plus imma nérosité ou de largesse du monde & notre enéreit ces de Tar, de la lumiére, des gotits, des od autres personnes que nous rencontrons, et en général des matires ‘en monde et en paysage dans une perspective sociale, éthique et politique. Nous pouvons légitimement nous poser la question ‘vons-nous besoin de paysages ? Nous pourtions tr [peeeeesaa eee contenus matériels de lex alité et de la richesse des ¢ Quest-ce que le pay plan des sie sur le - de Ja qué rrement dit uum plan mat aie a pesonne apporte la vie humaine ? Comment ‘ senric immergée en CUS. e Tr ies questions qui dérivent de la cones, ‘ame nourriture, et qui conduisent directemen; wm sur les modalités de Vaction hums, tune nouvelle interrogation wi dvi da pasage Les dimensions de l'action paysagere ‘une activité qui pose la question de la durée des étre des actions, et des situations. On alimente une personne, un fe: ‘ou une conversation, en leur fournissant des matiére, jent, pour leur permettre de subsister, pour le: Nour est prolonger, vol rendre soin, soceuper de, entretenir, et done recor ‘un étre qu état déja 18, vivant. Crest s'accorderi oeuvre et en mouvement etsinsérer en y participant asa emporaltédéja ordonnée. Cette fagon dlagir correspond & que Ingold appelle «la perspective de Thabitant», autrement celui qu «de Vintérieu,paricipe au monde en train de se faire. Habiter lest pas dabord fabriquer, produire, construire, mai ‘uote placer dans la durée partiuldre de Yusage et du sin des orf rpg eee Sree ant quis sont en nous, dans t pratiques plus ou moins intenses la nécessite gy Paysage ee Dire quill faut agir avec le paysage et pas seulement sur tui, Cest faire de lu‘ un postulat éthique, et lui atribuer le pouvoir le définie des régles pour lorganisation des pensées, des conduites ar des actions dans la société et vis-i-vis du monde environnant, fadopte ici, le paysage est par conséquent tions fondatrices de nos orientations intel dans le monde. C'est Ia question des orientat Et qui en outre engage plutét un ensemble de réflexions sur économie, le droit et la technique. Les sciences sociales sont impliquées nécessairement dans la mise en ceuvre de ces questionnements, dans la mesure oii les cadres maté- riels et sensibles, c'est-a-dire paysagers, de lexistence humaine sont profondément traversés, agis et transformés par des logiques économiques, des normes jt fs techniques et des habitudes sociales. (r, envisager le paysage & partir du concept de nourri- ture, cst affronter directement la question : de quoi vivons-nous ? Avec quoi, et avec qui, vivons-nous ? Quels sont les éléments ‘composent les paysages de nos existences individuelles et collec- tives, et avec lesquels nous sommes de fagon incessante engagés dans des relations ’échanges, comme nous Vavons vu? Ily a une substantialité des paysages, comme I'a rappelé Kenneth Olwig"* et au fond comme le savent les paysagistes et les habitants qui se quent tous les jours avec les supports et les cadres maté les de leurs existences. Agir avec le paysage, consiste done & intégrer dans les actions, et en particulier dans les actions d’aména- sement des espaces, les différents éléments de cette substantialité: les sols et plus généralement les contextes abiotiques, les vivants, les autres acteurs humains, les structures spatiales et les pratiques Is et 4% _K Olwig, «Rediscovering the substantive nature of landscapes, Annals AAG, vol 86, n° 4.1996. P-650°655- 5 meme geurs, des acteurs ceny intégran! aqui font des paysages plus que ‘ornements pittoresques de simples vues décoratives ey Agir avec le sol Ccexte expression résume Ia péatonsdaménagement, des données issues de la topography Gla péaloge dela gélogie, de Thydrographi, ete, des lew. Ly, ins fortes des sols naturel, leurs reli renforcements dont 2s traversent en profondeur ou en surface, ete, tou jence qui serait indissociablement naturelle « lesol est aussi une affair soci port mt viel de leur existence et de leurs actions. On pourrait parler lef timement dune «pédohistoire» de atohistoire. Les perspectives aujourd’ jumanité, autant que de fait allusion au début de ce aujourd hui existence lire la prise de consci fevenue nécesstire des conditions geographies & vumaine dans ses déploiements personnels et dans _ To nbeessité du poysoge métaphore. ‘aux supports ma que Veffort dan gbographique. paysagére et archit économiques, pol de support maté paraitre abstrate destruction des 5 une société a-t-elle besoin ? La question peut absurde. Les phénoménes cet les paysagistes peuvent collaborer, En vérité ce qui vaut ici pour le sol vaut également pour nous respirer ? tions, certes, politiques, scientifiques, techniques, voire éthiques. Ce sont aussi des questions pratiques essentielles au paysagist, Agi avec les vivants Car le paysage est animé sein duque les société 50 s§ssenc constamment, brutalement ou avec dil ‘un instant sur la question des so curelle et ware ecturale» qui espaces organiques, formés, enrichis, entretenus par une pédofaune le pour maintenir les sols en tant avec le paysage, es a ppm eee sols. De fagon plus générale, c'est iimension fondamentale de te des étres vivants, vég ser de Ia biologie des neger comme ue wisn pu formes de vie, de leurs spat vegiiques. Les paysages hab on ow autanttavest, ay Te animaux qui le composen et du proj de leurs ss varies et par les hum: tes et dans la grande géopoli er de Saccorder «diplomatiquement» avec vax sauvages des arbres qui communiquent, des sols vi ses du potager permacole, pour: ‘qui tavallent, des plantes a gor leurs yeux et se rendre sensible leurs us et courumes, & leu perspectives irrductbles sur Te cosmos, pour inventer de mi leures pective, pa nt au-deld de la sphére strictement humaine, pourrait s‘étendre as monde des vivants™. Jai évoqué plus hau la puissance de ces dynamiques de circulation et de métamorphoses qui constituent les paysages. aussi bien les relations entre les sociétés humaines stentourent et dont ils sont jours. Et, sil’on peut a bon environnementale, c'est, d'une part, en dé paysage comme lespace-temps concret de cette hist grant et dautre part en le comprenant non seulement comme 1a mati festation de la présence du vivant dans l'histoire humaine, mais symétriquement comme Fexpression du réle des humains dass Jes transformations que connaissent les étres vivants. Le paysté® 1% B-Morizx Surla piste cnimole, Arles, Actes Sud, 8.26. .— 10 ndcessité du poysoge onverger en une histoire commune, quoique histoire humaine de la ‘comme on Ta Agir avec les autres humains Le paysage est une relation interhumaine a seulement cohabiter avec trer un ensemble pas toujours ordonné, qu consistant ec trés puissant, de normes et dobligat pratiques et de valeurs sociales, usages, habitudes, de volontés, d'attentes, de projets, de représentations, opinions, de réves, qui sont portés de fagon parfois trés active par des acteurs aux identités et aux positions de pouvoir trés diferentes. Dans le ppaysage on rencontre des habitants, des routes, des maisons, des plantes et des bétes, certes, comme on vient de le voir, mais aussi des machines, des techniques, des savoirs, des experts aux compé- ux attributions diverses (le paysagiste est l'un de ces cient ets'affrontent selon le tés poursuivies également. Le paysag aqui met en jeu la question des poss collective. Question de gouvernement, done. Le mot «paysages, dans une de ses origines euro- péennes, nordique en fait (Landschoft), correspond avant tout A ensemble des régles de droit et de gouvernement que se sont Je reduite locales, et quelles ont paysage est moins une représentation vs facon, pour une communauté, d’organiser un «vivre-ensemble» &¢ que la traduction spatiale de ce vivre-ensemble dans des pratiques, coriales. Ce vivre-ensemble donnant naissance a des peut étre envisagé & plusieurs éct 59 aie avec les voloatés et les interdes poitiq avtons dieses et est done agi non seule si peu que ce soit agiravecles autres. Agir avec lespace Le paysage est une géographie. Pourtant, 4 la différence de ce qui est souvent entendu dans les écoles d’architecture et de paysage, le mot géographie ne désigne pas ici, de fagon réductrice. : ie» et «géométrie», La géographie dont il est (goestion ici se déploie dans des structures spatiales objectives, des KM Besse Le Gost nonce Eeeracts op ce vera oP 3 “Le parage.cacre ie pen ce versace) ont omenme aqualtés du paysage. Lontologie spatiale du paysage est quaiay, tt es operations de «mesure. qui sont ala fois de description ey, transformation des espaces sont nécessairement qualitatives, Agir avec le temps Le paysage nouvre pas seulement existence humaine 41a géographie. Il est. comme nous Vavons déja vu, Vexpression concréte et sensible de Thistoire humaine. Les sites d'interve, tion des paysagistes doivent étre, par conséquent, également cons, déxés comme des témoignages historiques de Vaction des sociétéy du passé. Le paysage ouvre la dimension du temps, de ses épais seurs sédimentaires, de ses rythmes, de ses lenteurs. Il pose la ques. tion de Veffacement et de la survivance, de la disparition et de ly mémoire Peut-on parler de ge des paysages ? De jeunesse et de ‘icillsse& leur propos ? Certains paysages (existent-ils vraiment ces jeunes paysages ? il faudrait poser la question) se prése 4 nos regards et nos promenades comme des élans de nouveauté, comme des promesses davenir, des espoirs, des possibilités qui ‘contraire, leur apparence trahit le passage portent les marques, les traces, les empreintes des les Edifcations, des décisions passées, dont ils trans ‘mettent Iheritage, un héritage parfois non désiré. Les paysages sont re et en marge des nouveaux espaces s sous eux comme sous une dalle. IIs sont ‘ces dépéts de ruines, qui, comme des inscriptions & moitié effacées animées parla curiosité du voyageur ou ive de s paysages historiques. Plus préci de penser un double mécanisme. leur historicité propre : effacement et la survivance. cont ysagessffacent soit par une destruction brut cat mment par un manque d'entretien et dans une sorte d'usure, Satabement, ‘a Timage de V'altération des choses quand elles ¢ leur éne plus» ou eest& bout de force». Si comme le dit Frangois Julien, le Faysge ext un echamp tensionnel™», sil est avant tout un prin- cipe et un espace inte jon des énergies, & 'inverse la perte dispersion des énergies, sont des marqueurs de la arition des paysagt ine sont jamais totales. A minima, la notion de survivance, fi désigne dans les paysages la persis tance dobjets, de formes, d'usages, qui, quoique passés, font durer ces paysages dans leur inertie méme et leur conférent une dimen- sion de continuité. Le passé résiste. Les restes des paysages anciens ne disparaissent pas si facilement, et méme lorsquiils sont appa- remment effacés leur présence et leur force se laissent encore aper- ‘evoir et sentir. Comme pour les vieux manuscrits, il est possible, d'un dispositif de lecture adapté, de saisir les traces de ces, couches de passé sous les paysages présents. Autrement dit il ya ‘un présent de ce passé dans les paysages, et cest un présent actif, comme une mémoire des futurs passés. intérieure, comme une défaite par abandon, impseste conduit & une image verticale, sédimentaire et presque géologique de la succession des couches de temps dans le paysage. Or, cette vision stratigraphique me permet as dapercevoir Ia puissance formatrice des formes spatiales ftablies dans le passé, formes qui, quoiqu'apparemment dispa- ‘ues, continuent dorienter, «horizontalement» si Yon peut dire, tde structurer de fagon quasi inconsciente les paysages contem- Porains. C'est d'une morphologie historique dont les analyses ont ‘4alement besoin. D'autre part, et corrélativement, sur le registre sxe pat erop statigue Ct trop agg, ferles unes sur Tes AUS, et Ja. paisseur des PAYSAEES, en deri g qapuissance analytique d'un wer que le cemps du paysage ng 1. Contestant la pertinence les dans I de egret sve 10800 ay, draen partic sate “Tune dimension uchonique dans les paysag, ae ifune latence et d'une résilience qui font dy we comme un «temps potenti oa ue Ls get as estes ea ps nai dmieinenent Une hoe icone ar cng ent et nonin quent ene de cancience dela diversité de ce régime de temporaté di. en oneal usu’ Ta prise en compte des «ors on stemen husanes. Les namniques psp sear ean ulemen ducts nx holies soc. alement selon d'autres nécesstés, of es legos a loi dea gologe, del biologie tout comme cells de la démographie pointent vers les échelles de la longue, voire de tas longue durée Le temps du paysage nest pas un temps seue tent bum dor compris plutt comme assemblage ama complétement cohérent des temps humains, eux-mémes ifféren- tlésconme on vent dele ore des temps des choses, des des esuces dnt les modatésdexstence et les rythmes de deve loppement échappent en grande partie & la volonté et méme a conscience humaines. Le paysage comme assemblage hybride de rrhmes tempore vars, dnt le tmpe sci st qu'un asp lust qu comme le dou continu de Thistoire humaine, ou 0 their impale etimmusbe, oe a nécessité du poysage ee Le paysage et les mondes possibles Les paysagistes et les architectes partagent avec les artistes et les hereheurs la volontéet Ie goat de découvrir et d'inventer, de eréer fet de faire. Faire fabriquer, instal des situations, des disp vite avant tout pratique, méme si fence et de réflexion, dela culture, voire dela thor, Paysagistes ararchitectes réalisent des espaces et des temps qut seront habités far autres, Ils sont des fascurs de mondes, ils composent Jes mondes et les transforment, Is font des objets, des dispositis, dies processus, spaiaux, matériels, sociaux, cemporels, etc qui sont sisi Févocation ou le commencement dautres mondes possibles, dee mondes nouveaux, voire inconnus auparavant. Autrement dit, iis rendent possibles des expériences nouvelles. Crest a partir de mondes précédents que les mondes waveaux sont fabriqués, par bricolages, corrections, réagence- is des mondes disponibles. Ily a, comme nous favons jel et humain, non seulement un , composer, créer des objets, fs d'espace et de temps, 'est un le mobilise beaucoup d no rents successi vu, un deja sepassé», mais une base ont de Via cet de la pensée. Les variations, les variantes, les versions qui révélent la présence dun univers de pos ne proviennent pas simplement d' alors déceler ce qui, dans le réel méme, permet et justfie Texploration et Vexploitation de ses diverses possibi- lités internes. Quiest-ce qui «motive» apparition de ces di rentes versions de monde, de ces nouvelles propositions ? Doi les? Comment accéde-t-on a ces «réels possibles», proviennent Aces horizons ? Selon Tim Ingold, «tout acte de connaissance est un processus d'accompagnement qui consiste & se mectre en chemin vee ce que Ton cherche & connaitre™*». On étude et on apprend ‘avec, et non pas sur. Nous faisons partie du monde, nous partici pons ses devenirs, et c'est depuis cet intérieur que nous apprenons 2 T Ingold, Fire, op.cie, p20. 65 —— de nous-mémes. La prise «, gevona>.comme on dit SETS fare arecce 1 faudrait done séinsérer toe scone 80 ps one tx ros ae 8 iihation abstat, mais comme des ets pense Terbel, des puissances, des potentials des ores a tai. La mate du Payage eee nedat pts fomme un champ inerte sur lequel une action pour ee Eclaques réel elle est de suivre dan quil contient, pour « monde en devenir™” des matériaux, aux fe réglages qui ne sont pas anti lution méme des choses qui sont. 7 hid,p.e. ° | SS snéme temps UNE ma rajustement st a les situations ue de Tajuer fs eases et les situa ae une pensé' Gexte pratia de penser et les orientations. Faire avec, face auquel ons, sri ew auguel on partcipe et ob Tom agit. Les choy, ven sons avec elles. s,des eves et des actions quil faudrait se diriger. Les pay, . ers de ce genre de pensée : il ny apy ‘euvres, dans espace et dans le temps, Ih rement quil faut penser. Et peut-étre voul tnonde que des processus et des devenirs, des trajectoires, de rmouvements et non des objets inertes, nous sommes conduits cenvisager le monde non comme un ensemble d’étres, mais comm: un rassemblement et une succession d'actions, d’événements ede mouvements, Le monde est une somme d'actes au cours desque les choses se font. Nous nfobtenons que des ébauches au bout compte, rout est toujours & faire, a défaire et & refaire, Ou plutit tout se fit, avec et sans nous. Nous habitons des mouvements ex des processus : void ce que les paysagistes constamment nost rappellent. yn. Crest cet inact. Leenjeu est done non pas simplement de penser « représenter les possibles, il est phatot de penser avec les possi avec les virtualités présentes et agissantes dans le réel, avec le horizons interes qui sont comme déja la en quelque sorte, t= ae Ja nécossité du poysoge a. vex mouvement 618 forces qu a # d’abord de les recuc monde, €0 i Les paysagistes connaissent n, En ce sens, par exemple, il semble nécessaire aujourd hui de rééva- quer la place du chantier et des opérations de chantier par rapport au projet et la conception. La valeur des pratiques de chanter doit dure reconnue, en tant que situations créatives, comme si quelque tieux mémes et dans le temps méme de la fabrication, Plus généra- sment, il s‘agirait de réévaluer ces moments et ces gestes pratiques ‘qui ne peuvent étre décidés projets de paysage et architecture. Le chantier revi des savoir-faire, dans leur dimension d'expérimentation créatrice. Ce qui vaut pour les concepteurs et les projeteurs vaut tout aussi bien pour les eréateurs et les chercheurs de fagon géné- ves & se mettre & la legon des choses et de leurs de observation attentive de ce qui nous fait signe, et elle demande dela patience. 2 CEB. Morizot,op.cit, 69

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