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Charlemagne (742 - 814) L'empereur du renouveau occidental

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Charlemagne est l'héritier d'une illustre famille franque originaire des environs de Liège (Belgique actuelle), les
Pippinides. Il va consolider et porter à son apogée le royaume quelque peu barbare reçu de son père Pépin le
Bref, lui-même fils de Charles Martel et petit-fils de Pépin de Herstal.

Ce royaume, qui s'étend des Pyrénées à la Rhénanie correspond à peu de


chose près au royaume fondé trois siècles plus tôt par Clovis, sur les ruines de
l'empire romain d'Occident. Pour cette raison, on l'appelle royaume des Francs
(en latin, regnum Francorum).

En près d'un demi-siècle de règne, dont la moitié consacré à la guerre,


Charlemagne, assisté par des clercs passionnés, va creuser les fondations d'un
nouveau monde, le nôtre. À ce titre, il fait partie des rares personnalités qui ont
pesé sur le cours de l'Histoire universelle.

André Larané
La formation de l'empire carolingien

Charlemagne restaure un semblant d'État sur un territoire d'environ un million de km2, peuplé
d'une quinzaine de millions d'habitants, de l'Èbre (Espagne) à l'Elbe (Allemagne) et au Tibre
(Italie).
De cette construction éminemment fragile, simplement unie par la foi catholique et
l'allégeance au pape, vont surgir les grands États qui vont faire la grandeur de la civilisation européenne au
millénaire suivant...

«Carolus, Magnus Rex»

À la mort de leur père, en 768, Charles et son jeune frère Carloman héritent chacun d'une part du royaume,
selon la tradition germanique du partage des héritages, qui sera fatale à la dynastie. Heureusement, si l'on
peut dire, la mort prématurée de Carloman, trois ans plus tard, permet à Charles (29 ans) de refaire l'unité du
royaume des Francs.

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Le nouveau roi des Francs est un Barbare qui ne parle que
le francique, la langue des Francs. Intelligent et énergique, il n'a
de cesse de s'instruire. Il apprend le latin auprès des meilleurs
clercs de son temps, dont le plus connu est le moine
anglais Alcuin. Ce moine sera à l'origine de la «renaissance
carolingienne» et du retour en force du latin dans la culture
occidentale.

Du fait qu'il n'y a plus depuis longtemps d'administration fiscale


ni d'impôts, Charles subvient à ses besoins et à ceux de sa cour
en se déplaçant de l'une de ses résidences à la suivante et en
vivant sur les ressources locales.

À la fin de sa vie, comme il souffre de rhumatismes, le roi établit


sa résidence principale près d'une source thérapeutique, en
Rhénanie, au coeur de son royaume, en un lieu qui s'appellera
Aix-la-Chapelle (Aachen en allemand).

Son palais s'inspire de celui des rois lombards, à Pavie, avec


une chapelle palatine à une extrémité, une grande salle de
réunion à l'autre et un tribunal royal au milieu. L'ensemble est
proprement grandiose mais le roi n'en profite pas beaucoup. Il
voyage sans arrêt pour inspecter ses représentants et combattre ses ennemis.

Charles restaure un semblant d'administration dans l'Occident européen ravagé par les guerres intestines. Il
unifie le système monétaire autour du denier d'argent qui concurrence dès lors le sou d'or byzantin.

Il divise son royaume en comtés, sous l'autorité d'un compagnon du roi (du latin comes, comitis, dont nous
avons fait comte) et en 250 entités de base du nom de «pagi», d'après le mot latin pagus qui désigne une
circonscription rurale (en France, beaucoup de ces pagi sont devenus à la Révolution des départements).

Les régions périphériques, soumises à la pression des ennemis, sont appelées Marches (du francique marken,
frontière). Elles sont confiées à des comtes de la Marche (en francique, markgraf, dont nous avons
fait marquis). Dotés des pleins pouvoirs civils et militaires, ils sont parfois aussi appelés ducs (du
latin dux, général).

Les habitants des pagi, surtout des travailleurs de la terre, sont désignés sous le termepagenses, d'où nous
viennent les mots paysan... et païen, car ces ruraux ont généralement tardé à adopter la foi chrétienne des
citadins et des élites.
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Pour éviter les abus de pouvoir des seigneurs locaux, Charles délègue fréquemment ses proches dans
les pagi. Ces représentants, ou missi dominici (en latin, envoyés du maître) vont deux par deux et se
surveillent l'un l'autre ! L'un est un comte et l'autre un évêque.

Le roi légifère beaucoup, pour améliorer la gestion quotidienne des


domaines agricoles, pour imposer les réformes ecclésiastiques et
conformer les moeurs - en particulier le mariage - aux canons
chrétiens.

En rupture avec la tradition orale antérieure, il a soin de mettre par


écrit les lois et ordonnances pour mieux en assurer l'application.
Ses textes juridiques sont appelé «capitulaires» parce qu'ils sont
divisés en articles ou chapitres - comme les lois actuelles -.

Ainsi publie-t-il près de cinquante capitulaires après l'an 800, parmi


lesquels le capitulaire De villis dans lequel il rappelle avec une
précision maniaque les principes de gestion d'un domaine rural.

Afin de garder un semblant de lien avec le peuple, le roi réunit tous les ans, avant de partir à la guerre, une
assemblée ou «plaid» (du latin placere, plaire) censée réunir tous les hommes libres, en fait seulement les
personnages principaux du royaume.

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Au service de Dieu

Attentif aux affaires religieuses, Charles, très pieux, s'honore de soutenir l'évêque de Rome, autrement dit
le pape, qu'il va ériger définitivement en chef spirituel de l'Église d'Occident, autrement dit de la catholicité.

Les papes qui se succèdent à Rome pendant son règne répondent avec faveur à ses avances car ils ont
besoin d'être protégés contre les Lombards, des Germains christianisés établis au siècle précédent dans la
plaine du Pô.

Or, ils ne peuvent compter sur leur protecteur habituel, le basileus qui règne à Constinople sur l'empire romain
d'Orient, car celui-ci a bien d'autres préoccupations en tête (agressions arabes, querelles autour de
l'iconoclasme, luttes de palais...). D'ailleurs, depuis les années 770, les papes ne prennent même plus la
peine de faire valider par le basileus leur élection par le peuple de Rome.

Lecteur assidu de La Cité de Dieu, l'ouvrage majeur de saint Augustin (Ve siècle), le roi des Francs constitue
une vingtaine d'archevêchés pour favoriser l'évangélisation de l'Occident.

Il encourage saint Benoît d'Aniane, de son vrai nom Witiza, qui a entrepris de rénover et étendre la règle
bénédictine dans les monastères.

En 809, il réunit dans sa résidence d'Aix-la-Chapelle un concile qui introduit le«Filioque», une subtilité
théologique qui participera au malentendu religieux entre Grecs et Latins : selon les premiers, le Saint Esprit
procède «du Père par le Fils» ; selon les seconds, il procède «du Père et du Fils» !

Des guerres sans fin

Le règne personnel de Charles 1er, très long (44 ans), est une suite incessante de guerres, en premier lieu
contre les fils de son frère Carloman et leurs partisans, en second lieu contre les Saxons païens de
Germanie, les Bretons et les musulmans d'Espagne, qui menacent son royaume sur ses frontières, ainsi que
contre les Lombards qui menacent le pape. Le roi ne passe pratiquement pas un été sans combattre et ce,
dans toutes les directions.

De l'Aquitaine, peu sûre, il fait un royaume vassal confié à son fils Louis. C'en est fini de l'antique supériorité
du Midi gallo-romain sur le Nord barbare... Beaucoup plus tard, vers 790, le roi constitue une Marche de
Bretagne confiée à son fils Charles le Jeune pour protéger le royaume contre les agressions des Bretons de la
péninsule.

- Charles fait la guerre aux Lombards :

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À l'appel du pape Adrien 1er, menacé par ses voisins lombards,
il franchit les cols alpins et, le 16 juin 774, après un très long
siège, entre dans Pavie, la capitale des rois lombards (près de
Milan).

Il dépose le roi Didier - dont on lui avait fait épouser la fille ! - et


ceint la «couronne de fer» des rois lombards (ainsi appelée
parce que son armature intérieure viendrait d'un clou en fer de
la croix du Christ).

Il prend dès lors le titre de «roi des Francs et des Lombards» et


donne à l'un de ses fils, Pépin, le titre inédit deroi d'Italie.

Il profite de l'occasion pour effectuer son premier pèlerinage à


Rome, histoire d'entretenir les bonnes relations entre sa
dynastie et le Saint Siège. Bien entendu, il est reçu avec tous
les égards par le pape dans son palais du Latran.

- Charles fait la guerre aux Saxons :


Comme le roi des
Francs dispose
d'une armée redoutable mais peu nombreuse, au maximum
50.000 à 100.000 combattants pour tenir un territoire grand
comme deux fois la France actuelle, il se montre impitoyable
avec ceux qui lui tiennent tête, pour leur ôter l'envie de
continuer, et conciliant avec ceux qui se soumettent.

En 772, Charles se jette sur les Saxons, redoutables guerriers


germains - et païens - qui, depuis l'époque de Clovis, n'en
finissent pas de harceler le royaume des Francs. Ils peuplent les
forêts qui s'étendent entre la mer du Nord et l'Elbe (ce qui
correspond au Land actuel de Basse-Saxe).

Dès sa première campagne, il détruit l'Irminsud, un arbre sacré


que vénèrent les Saxons. Une deuxième campagne en 775
aboutit à un baptême de masse à Paderborn, au coeur de la
Saxe, où le roi des Francs établit l'une de ses résidences.

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Mais cela n'y fait rien. Un chef prestigieux, Widukind (le Vercingétorix saxon !), soulève son peuple en 778.

Les Francs reprennent le chemin de la guerre. Pour ne pas perdre leur avantage, ils restent sur place certains
hivers au lieu de se démobiliser comme de coutume, profitant de ce que les marais sont pris par les glaces et
les forêts dénudés et impropres à cacher les ennemis.

Surtout, ils pratiquent des méthodes de plus en plus brutales. En 782, après qu'une armée franque eut été
écrasée au pied du Süntelgebirge, sur la rive orientale de la Weser, Charles fait décapiter 4.500 prisonniers
saxons à Verden, au sud de Brême.

En dépit de la reddition de Widukind en 785, les rébellions continuent. Elles ne prendront fin qu'en 804 après
plusieurs campagnes supplémentaires et des déportations de populations.

Par un capitulaire publié en 785, après le baptême de Widukind (Capitulatio de partibus Saxoniae), le roi des
Francs annonce : «(...) Tout Saxon non baptisé qui cherchera à se dissimuler parmi ses compatriotes et
refusera de se faire administrer le baptême sera mis à mort». Dont acte.

Mais Charles manifeste parallèlement le souci de développer la Saxe. Il multiplie les fondations urbaines et
publie en 793 un édit de pacification. Pour consolider l'intégration de la Saxe à son royaume, il annexe aussi
en 775 la Frise voisine, une région pauvre qui a l'avantage d'être en liaison étroite avec les îles britanniques.

- Charles fait la guerre aux Arabes d'Espagne :


Au sud des Pyrénées, Charlemagne intervient contre l'émir de Cordoue Abd al-Rahman à l'appel de son rival,
le gouverneur de Barcelone. Mais après la prise de Pampelune et un échec devant Saragosse, en 778, il doit

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rentrer dare-dare en raison d'une nouvelle sédition saxonne. Son arrière-garde essuie un revers dans le col
de Roncevaux.

Le roi des Francs arrive néanmoins à constituer une Marche d'Espagne tout au long des Pyrénées, afin de
simplement protéger son royaume contre les agressions musulmanes. C'est le début de
la «Reconquista» espagnole.

- Charles fait la guerre aux Avars :


Le roi des Francs se confronte à la sédition du duc de Bavière Tassilon III, fils d'une fille naturelle de Charles
Martel et cousin de Charlemagne. Il finit par le déposer en 788. Tassilon continue cependant de comploter
avec les Avars, des nomades d'origine turque établis dans la plaine du Danube.

En 796, l'armée franque fond sur le «Ring», la résidence de leur chef, le Khagan. Cela leur vaut de récupérer
de fabuleux trésors : quinze chariots remplis d'objets en métal précieux qui vont décorer Saint-Pierre de Rome
et d'autres grandes églises, et surtout rémunérer les compagnons du roi.

La consécration

Lors d'un nouveau voyage en Italie, à la Noël 800, le pape confère à Charles le titre inédit d'«Empereur des
Romains». Pour les contemporains, il s'agit rien moins que de restaurer l'empire romain, après une longue
parenthèse (en Occident) et à un moment où (en Orient) le trône de Constantinople est vacant ou tout comme.
N'est-il pas occupé par une femme, une usurpatrice, l'impératrice Irène ?

Les clercs de la cour de Charles 1er prennent dès 773 l'habitude de désigner le roi des Francs du qualificatif
latin de Carolus Magnus. Il s'agirait d'une abréviation de «Carolus, Magnus Rex» (Charles, le grand Roi),
devenue «Charlemagne» dans la langue populaire et, en allemand, Karl der Grosse (*).

Mais en dépit de son prestige et de la reconnaissance par ses pairs, le calife de Bagdad et le basileus de
Constantinople, l'empire carolingien laisse déjà entrevoir des signes de faiblesse.

Avec la pacification des frontières et l'arrêt des conquêtes, il n'y a plus de butin pour assurer la fidélité des
seigneurs. Qui plus est se font jour de nouvelles menaces avec les premières incursions de Vikings sur les
côtes de la mer du Nord.

Charlemagne meurt dans son palais d'Aix-la-Chapelle le 28 janvier 814, à 71 ans. Il est inhumé dans la
chapelle palatine le jour même. Sous ses successeurs, dépourvus de poigne et de charisme, les seigneurs
prennent très vite leurs distances vis-à-vis du pouvoir central, n'ayant pas de plus pressant souci que de
protéger leurs domaines, leur unique source de revenus.

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L'embryon d'État qu'a fondé Charlemagne disparaît peu après sa mort. De ses cendres va surgir la société
féodale... et une légende épique qui s'est prolongée jusqu'à nous.

Charlemagne, père de l'Europe ?


De la fin du Moyen Âge à la Seconde Guerre mondiale, Français et Allemands
tentent chacun de leur côté de «naturaliser» à leur profit l'empereur, pour
s'approprier une page glorieuse de l'Histoire européenne et justifier aussi la
possession de la Rhénanie et de la rive gauche du Rhin.
Le mythe de Charlemagne, père de l'Europe, est né au XIXe siècle, notamment
à l'initiative de Victor Hugo (La Légende des Siècles). Après la Seconde Guerre
mondiale, les fondateurs de la Communauté européenne tentent de le relancer.
Il est à noter que l'empire carolingien coïncide assez exactement avec les six
pays signataires du traité de Rome : Allemagne, Belgique, France, Hollande,
Italie et Luxembourg.
C'est le constat que fait l'historien Emmanuel Berl :«L'Europe carolingienne
commence vers Brême. Elle suit l'Elbe, puis la Saale ; elle rejoint le Danube ;
elle le descend jusqu'aux premiers contreforts des Carpathes ; elle suit les Alpes
jusqu'à Venise, s'arrête au sud de Rome et longe ensuite la côte méditerranéenne jusqu'à Barcelone. Cette
ligne a longtemps tracé, elle trace encore, une frontière culturelle. Au Nord et à l'Est, elle coïncide à peu près
avec les limites de la catholicité ; sur la rive droite de l'Elbe et en Angleterre, le protestantisme a vaincu»(*).
Faut-il pour autant voir en Charlemagne le père de l'Europe ? Ce n'est pas l'avis du grand historien médiéviste
Jacques Le Goff : «L'empire fondé par Charlemagne est d'abord un empire franc. Et c'est un véritable esprit
patriotique qui le fonde. Charlemagne envisagea même, par exemple, de donner des noms francs aux mois du
calendrier. Cet aspect est rarement mis en valeur par les historiens. Il est important de le souligner, parce que
c'est le premier échec de toutes les tentatives de construire une Europe dominée par un peuple ou un empire.
L'Europe de Charles Quint, celle de Napoléon et celle de Hitler, étaient en fait des anti-Europe, et il y a déjà
quelque chose de ce dessein contraire à la véritable idée d'Europe dans la tentative de Charlemagne»(*).

612 à 771
Des Pippinides aux Carolingiens
Les Pippinides (nom dérivé du prénom Pépin) sont une illustre famille franque des VIIe et VIIIe siècles, qui
prospère dans l'ombre des rois mérovingiens, les descendants de Clovis. Ces derniers règnent sur les
royaumes issus du partage du Regnum Francorum (le royaume des Francs) ; principalement l'Austrasie, la
Neustrie, la Bourgogne et l'Aquitaine.
Des Pippinides sont issus Charles Martel, maire du palais d'Austrasie, son fils Pépin le Bref, roi des Francs,
et surtout Charlemagne, empereur d'Occident. Du fait de ce dernier, les souverains de la famille sont plus

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communément connus sous le nom deCarolingiens. Se substituant aux rois mérovingiens, ils règneront sur
l'Europe occidentale jusqu'à l'approche de l'An Mil.

Avec eux, le centre de la civilisation occidentale se déplace des rivages de la Méditerranée vers le Rhin. C'est
en bonne partie la conséquence des invasions musulmanes qui ont brisé l'unité du monde antique, selon la
formule de l'historien belge Henri Pirenne : «Sans l'islam, l'Empire franc n'aurait sans doute jamais existé, et
Charlemagne sans Mahomet serait inconcevable».

André Larané
De Pépin le Bref à Charlemagne

Les Pippinides vont rénover l'ancien royaume franc de Clovis, qui s'étendait des Pyrénées à
la Rhénanie. Leur plus illustre rejeton, Charlemagne, va jeter aux orties ce qui restait en Occident de l'héritage
romain et, sans en avoir conscience, engendrer dans la douleur un monde nouveau, tourné vers la mer du
Nord, appuyé sur l'Église de Rome et dirigé par une noblesse guerrière unie par un vigoureux réseau de liens
familiaux et vassaliques.

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Une prudente et irrésistible ascension

À l'origine du lignage se trouvent Saint Arnould, évêque de Metz, et Pépin de Landen. Le premier est
possessionné dans le pays de Woëwre, entre Metz et Verdun. Il vit comme «domesticus» à la cour du roi
d'Austrasie Théodebert II, avant de devenir évêque en 612. Il marie son fils Ansegisel à la fille de Pépin de
Landen, Begga. Ce dernier est riche en terres dans les Ardennes, le Namurois et le Brabant. Il dispose aussi
d'une grande clientèle.

En 613, Arnould et Pépin font alliance avec la noblesse austrasienne et le roi de Neustrie Clotaire II. Ils
participent à la défaite et à l'exécution de leur ennemie commune, la vieille reine Brunehaut. En récompense,
ils deviennent conseillers deDagobert, fils de Clotaire II, lorsqu'il est nommé roi d'Austrasie par son père en
623. En 629, à la mort de Clotaire II, Dagobert 1er se fait également reconnaître roi de Neustrie par
les leudes (nobles) du royaume. Pépin et Arnould le suivent alors à Paris, sa nouvelle capitale.

Après la mort de Dagobert en 639, Pépin reprend en Austrasie sa fonction de maire du palais et la transmet à
son fils Grimoald. Celui-ci est déjà tenté par le titre royal. Il fait adopter son propre fils Childebert par le roi
Sigisbert II, fils de Dagobert, et à sa mort, en 656, tente de le faire admettre comme nouveau roi d'Austrasie.
La tentative échoue et Grimoald et Childebert sont livrés aux Neustriens.

Averti par ce précédent malheureux, Pépin II de Herstal, petit-fils d'Arnould et Pépin, consolide prudemment
ses positions autour de la basse Moselle et de la Sarre, en épousant Plectrude, la fille d'un comte influent de la
région. Peu après l'assassinat du maire neustrien Ebroïn (680), il participe à la victoire de l'aristocratie
austrasienne sur les Neustriens à Tertry, non loin de Saint-Quentin, en 687.

L'élimination des «rois fainéants»

Le Regnum Francorum étant provisoirement réunifié, Pépin II devient le maire du palais de Thierry II.
Énergique, il mène des campagnes contre les Saxons, les Frisons et les Alamans. Il gouverne avec ses fils
légitimes mais voit ceux-ci le précéder dans la mort !

Les héritiers de Clovis n'ont plus guère qu'une autorité symbolique si l'on en croit du moins un chroniqueur
carolingien postérieur : «Le roi n'avait plus, en-dehors de son titre, que la satisfaction de siéger sur son trône,
avec sa longue chevelure et sa barbe pendante (...). L'administration et toutes les décisions (...) étaient du
ressort exclusif du maire du palais» (Eginhard, Vie de Charlemagne, vers 830). De ce texte viendrait leur
surnom de «rois fainéants», sans doute quelque peu exagéré.

Quand meurt Pépin II, le 16 décembre 714, à Jupille, il n'a pas de fils légitime susceptible de lui succéder
comme maire du palais. Alors, les nobles neustriens décident de prendre leur revanche sur les Austrasiens. Ils
reçoivent le concours de Plectrude, veuve de Pépin II de Herstal, qui souhaiterait hisser sur le trône son petit-
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fils. Par précaution, elle fait enfermer un certain Charles, bâtard de Pépin II, mais celui-ci s'échappe et prend
les armes...

Les Neustriens tirent d'un couvent un prétendu mérovingien et le proclament roi sous le nom de Chilpéric II. À
sa mort, en 721, Charles en profite pour arracher un nouveau mérovingien d'un couvent et le proclamer roi de
Neustrie et d'Austrasie sous le nom de Clotaire IV. Le nouveau roi fait de lui le maire du palais.

Le nouvel homme fort du royaume des Francs justifie sa réputation en soumettant la Thuringe et la Bavière
puis en arrêtant en 732, entre Poitiers et Tours, une razziaarabe, enfin en soumettant brutalement la
Septimanie (le Languedoc) et la Provence. Il y gagne le surnom de Charles Martel (celui qui frappe comme un
marteau). Le maire du palais cultive par ailleurs de bonnes relations avec l'Église et encourage les efforts
missionnaires de Saint Boniface en Germanie.

À la mort du roi mérovingien, en 737, Charles ne se presse pas de lui désigner un successeur. Lui-même, à la
veille de sa disparition, le 22 octobre 741, dispose du royaume en faveur de ses fils Carloman et Pépin le Bref.
Le premier reçoit l'Austrasie, la Thuringe et l'Alémanie, le second la Neustrie, la Bourgogne et la Provence. En
743, les deux Pippinides se décident à installer un nouveau Mérovingien sur le trône, Chilpéric III. En 747,
Carloman se retire au monastère du Mont Cassin. Pépin n'a plus qu'à tendre la main pour ceindre la couronne.
C'est chose faite en 754. Le dernier Mérovingien est tonsuré et enfermé dans le monastère de Saint-Omer.

719 à 924
La société carolingienne

L'empire de Charlemagne nous renvoie aux périodes les plus obscures de notre Histoire, entre les invasions
barbares (Ve et VIe siècles), qui ont mis fin à l'empire romain, et l'An Mil, qui a vu les populations européennes
se constituer en États.

Cette époque qui s'étend sur deux siècles, les VIIIe et IXe, est dite carolingienne, d'après le nom latin de
l'empereur, Carolus. Elle est marquée par l'éclatement de l'ancien empire romain en trois blocs antagonistes :
l'empire arabo-musulman, l'empire byzantin, enfin, l'empire d'Occident ou empire carolingien.

Elle engendre dans la douleur un monde nouveau, tourné vers la mer du Nord - et non plus la Méditerranée -,
appuyé sur l'Église de Rome - et non plus Byzance -, dirigé par une noblesse guerrière unie par un vigoureux
réseau de liens familiaux et vassaliques - et non plus par une administration centrale -.

André Larané

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Les derniers feux de l'Antiquité

L'Antiquité s'est prolongée dans le monde occidental (l'Europe et les rives de la Méditerranée) jusqu'au VIIe
siècle. Sous Clovis et les premiers rois mérovingiens de sa descendance, la Gaule vit encore à l'heure
romaine.

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Les villes conservent toute leur importance, quoique l'insécurité et les invasions les aient considérablement
amoindries.

- Dans ces villes résident les détenteurs du pouvoir civil et religieux, comtes et évêques.

- Dans ces villes se concentrent aussi l'artisanat, le commerce et ce qui reste d'activité intellectuelle. Grâce à
elles se maintiennent des courants d'échanges entre l'Orient et l'Occident, via la mer Méditerranée.

Tout change au cours du VIIe siècle (après l'an 600). De la lointaine péninsule arabe surgissent des cavaliers
exaltés par une nouvelle foi, l'islam.

- En Orient, Héraclius transforme l'empire romain d'Orient en empire byzantin, grec et non plus latin.

- En Occident, au fil des successions et des partages à la mode franque, l'ancien royaume de Clovis se
partage entre trois«royaumes» rivaux, la Neustrie (bassin parisien), l'Austrasie (bassin du Rhin et de la Meuse)
et la Burgondie ou Bourgogne (bassin rhôdanien), sans compter les régions périphériques plus ou moins
autonomes : Aquitaine, Provence et pays d'Outre-Rhin.

Selon la thèse célèbre de l'historien Henri Pirenne, l'antagonisme entre les religions chrétienne et
musulmane, à partir du VIIe siècle, aurait rendu très périlleuse la navigation en Méditerranée et limité les
échanges commerciaux (*). Il serait à l'origine de la scission du monde méditerranéen en trois blocs :
– un monde arabo-musulman étendu des Pyrénées au coeur de l'Asie,
– un monde byzantin encore plein de vitalité, en Asie mineure et dans la péninsule balkanique, étendant son
influence au monde slave,
– un monde carolingien recentré sur les les régions situées entre Rhin et Meuse, en liaison étroite avec l'Italie.

Un monde nouveau
Dans les faits, le changement a sans doute d'autres causes, en particulier démographiques, voire climatiques.

Regain démographique et renouveau agricole

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Après l'essouflement de l'économie urbaine en Occident, au temps des Mérovingiens, un redressement
démographique s'amorce au début du VIIIe siècle, peut-être favorisé par un léger réchauffement climatique. Il
touche l'ancien «Regnum Francorum» ou royaume des Francs, un peu plus tard en Italie et en Aquitaine.

Les populations se relèvent lentement des violentes épidémies de peste qui les ont frappées au temps des
premiers Mérovingiens. La production agricole se redresse et de nouveaux courants d'échanges s'établissent
dans la mer du Nord et la Baltique, vers l'empire byzantin et les pays slaves. Ces courants n'ont rien à voir
avec le tropisme méditerranéen de l'Antiquité.

Disparition des grandes exploitations de type antique


La croissance de la population rurale et le regain des échanges entraînent la montée en puissance des
propriétaire fonciers.

Ceux-ci, généralement des chefs barbares dotés de terres par le roi, renoncent au système antique
des latifundia, autrement dit des grandes exploitations gérées en direct avec des masses d'esclaves. Ils
préfèrent installer (ou «chaser») les anciens esclaves sur une portion de leurs terres et les laisser libres de
l'exploiter à leur guise en échange de redevances en nature (céréales...) ou en argent ainsi que de services
sur le domaine que conserve le maître en propre (la «réserve»).

Ce système permet de dégager quelques surplus qui vont alimenter les marchés locaux. Il assure aussi à
l'aristocratie guerrière qui possède la terre des ressources pour entretenir ses fidèles et ses proches. Ainsi se
développent de puissants réseaux de solidarités familiales qui contrebalancent la déliquescence du pouvoir
royal.

Ils vont donner naissance à un maillage très fin de villages et de bourgs qui caractérise encore les
campagnes occidentales.

Christianisation des campagnes


La christianisation des campagnes de la Gaule du nord et des pays rhénans contribue au renforcement du
pouvoir de l'aristocratie. Ces campagnes n'avaient sous les premiers Mérovingiens qu'un vernis chrétien et
restaient attachées à leurs traditions païennes. Dès le VIIe siècle, elles sont parcourues par des missionnaires
souvent venus des îles britanniques ou encore d'Aquitaine.

Les aristocrates les soutiennent en construisant des églises où ils se retrouvent aux côtés de leurs dépendants
et en multipliant les fondations de monastères. Dans ces monastères généralement éloignés des villes tend à
se concentrer l'essentiel de la vie intellectuelle.

La montée des Pippinides

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Parmi les familles aristocratiques du «regnum Francorum» se détache celle de Pépin de Herstal. Ses
membres se feront connaître sous le nom de Pippinides et plus tard deCarolingiens.

Tout commence en 635, sous le règne du roi Dagobert, dernier des grands rois mérovingiens... Cette année-
là, Pépin de Landen, grand propriétaire foncier d'Austrasie, marie sa fille Begga à Anségise, fils de son ami,
l'influent et riche évêque de Metz, Saint Arnoul. C'est le début d'une irrésistible ascension familiale.

Le fils d'Anségise et Begga, Pépin de Herstal (Herstal est une localité proche de Liège), est appelé auprès du
roi mérovingien d'Austrasie, lequel mérite la réputation de «roi fainéant» qui lui sera faite plus tard par le
chroniqueur Grégoire de Tours. Il devient le maire du palais, autrement dit majordome ou chef des
domestiques et employés de la maison. En vérité, comme le roi lui laisse toute liberté de décider et agir, il
exerce des fonctions équivalentes à celles d'un Premier ministre.

En 687, par sa victoire de Tertry, près de Péronne, sur les Neustriens, il refait l'unité des trois royaumes francs
(Neustrie, Austrasie et Bourgogne).

Son fils bâtard Charles, plus tard surnommé Martel, poursuit son oeuvre en qualité de maire du palais. Une
nouvelle victoire sur les Neustriens et les Aquitains à Néry, en 719, consolide l'unité des trois royaumes
francs.

Un peu plus tard, après avoir donné un coup d'arrêt à la progression musulmane près de Poitiers, Charles
Martel soumet le duché de Thuringe, l'Aquitaine, l'Alémanie et la Bavière. Ces anciennes excroissances
du regnum Francorum s'étaient au fil des décennies émancipées. Les voilà de retour dans la famille.

En dépit de ses succès et de sa puissance, Charles Martel néglige de prendre le titre de roi. Il laisse ce soin à
son fils Pépin II le Bref. «Il vaut mieux appeler roi celui qui a plutôt que celui qui n'a pas le pouvoir», dit en
substance le pape Zacharie, condamnant définitivement la dynastie mérovingienne issue de Clovis.

Pépin le Bref meurt en 768 et partage son immense domaine entre ses deux fils à la mode germanique. Fort
heureusement, la mort du cadet permet au survivant de devenir seul roi en 771.

Pendant son long règne, jusqu'à sa mort en 814, Charles que la postérité connaît sous le nom de
Charlemagne (déformation du latin Carolus Magnus, Charles le Grand), va poursuivre la politique guerrière de
ses prédécesseurs dans une suite incessante de guerres, en premier lieu contre les fils de Carloman et leurs
partisans, en second lieu contre les Saxons païens de Germanie, les musulmans d'Espagne et les Lombards
qui menacent le pape.

La révolution militaire de l'étrier

15
Les succès militaires des Francs ne doivent rien au hasard. Qu'ils combattent à pied ou à cheval, ils
témoignent d'une discipline au combat qui impressionne leurs assaillants, tels les Arabes de l'émir Abd el-
Rahmann.

Ces «hommes de fer» sont généralement équipés d'un casque


métallique et surtout d'une «brogne», une tunique sur laquelle
sont cousus des plaques de métal destinés à les protéger. C'est
l'ancêtre des armures médiévales. Elle doit son succès à la
qualité de la métallurgie franque, réputée jusqu'au-delà de la
Méditerranée (elle est interdite d'exportation pour des raisons
stratégiques).

Ayant combattu les Avars, des nomades turcs qui se sont


établis en Pannonie (la Hongrie actuelle), les Francs leur ont
emprunté l'étrier. Cet équipement nouveau donne aux guerriers
à cheval une plus grande stabilité et leur permet de frapper leur
adversaire avec la lance à l'horizontale. Sous les Pippinides,
c'est à ces guerriers à cheval ou«chevaliers» que revient peu à
peu la prépondérance dans les combats.

C'en est pour longtemps fini des légions de fantassins à la


romaine. Les Pippinides restaurent le service militaire à
l'antique. Tout homme libre y est astreint. Charlemagne impose
de lourdes amendes à quiconque s'y refusera... Les
convocations se font habituellement en mars et les hommes
sont libérés en septembre. Heureusement, une petite partie seulement des conscrits sont appelés.

Les guerres rapportent beaucoup de richesses aux Pippinides et à leurs fidèles. Ces derniers sont
récompensés par une part du butin. Ils reçoivent également des terres qu'ils ont le devoir de protéger contre
les agressions extérieures et sur les habitants desquels ils peuvent prélever des impôts en contrepartie de
cette protection.

Les Pippinides, dès Charles Martel, rassemblent leurs fidèles par des liens de vassalité d'homme à homme.
Eux-mêmes multiplient les vassaux royaux qui leur font directement allégeance et leur confèrent
des «bénéfices» (terres ou revenus) en contrepartie des services qu'ils sont amenés à rendre. En 792,
Charlemagne impose à tous les hommes libres un serment de fidélité.

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Enfin, en 877, son petit-fils Charles le Chauve, par faveur royale, accorde à ses vassaux le droit de
transmettre à leurs héritiers les terres qu'ils ont reçues en dépôt. D'où l'émergence d'une noblesse héréditaire,
caractéristique de la société féodale.

Le pape et l'empereur

Dans leur irrésistible ascension, les Pippinides bénéficient de l'appui du pape, évêque de Rome, qui ne peut
plus compter sur la protection de l'empereur byzantin, trop occupé par ailleurs à guerroyer contre les
musulmans.

Les Pippinides eux-mêmes ne ménagent pas leur soutien à la papauté et, dès le règne de Pépin le Bref,
organisent de nombreux conciles pour réformer les institutions ecclésiastiques. Les évêques jouent un rôle
déterminant dans la société carolingienne car ils conseillent le souverain.

C'est ainsi qu'émerge chez certains clercs, tel le moine


anglais Alcuin, l'idée de restaurer un empire romain en Occident. Charlemagne se laisse convaincre et il
estcouronné par le pape Léon III à Rome en l'an 800.

À la différence de l'ancien empire romain, où les sujets se reconnaissaient par la soumission à une même loi,
ce qui fait l'unité du nouvel empire d'Occident est l'appartenance commune à la chrétienté occidentale, dirigée
par le pape.

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La diversité ethnique de l'empire n'est pas remise en cause et chaque groupe ou peuple conserve ses lois
propres. À noter aussi que l'empire reste dominé par les Francs. On qualifie même le peuple franc d'«élu de
Dieu», sans connotation raciste, sa supériorité militaire étant le fruit de sa piété.

Renaissance carolingienne et latin

Avec Charlemagne, pour la première fois au Moyen Âge, la culture est mise au service du pouvoir, à la faveur
de ce que le médiéviste Jean-Jacques Ampère (fils du physicien André Ampère) a appelé la «renaissance
carolingienne» (1839).

Bien qu'illettré et de langue germanique, l'empereur s'inquiète de la disparition du latin dans l'empire
d'Occident en lequel il veut voir une prolongation de l'ancien empire romain ! Il fait donc venir des lettrés de
tous horizons.

Le plus important est un moine d'Angleterre, le


savant Alcuin. Il impose la création d'une école
par diocèse et par monastère.

Il lance des programmes de copie des manuscrits


antiques.

Il réintroduit l'usage du latin à l'abbaye de Saint-


Martin de Tours, où les moines ne savaient même
plus lire le texte latin de laBible, la Vulgate, dans
la traduction de saint Jérôme du Ve siècle.

Les moines d'Irlande, qui ont pieusement


conservé la pratique du latin à l'abri des invasions
et des troubles, apportent leur concours à Alcuin
dans les différentes abbayes du continent.

C'est ainsi que le latin revient en force chez les


clercs de l'Église et des cours princières.

Son usage va à nouveau s'épanouir dans tous les


milieux cultivés d'Occident... jusqu'à l'aube du
XVIIIe siècle (le grand savant Isaac Newton, qui

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mourut en 1727, publiera ainsi ses premiers ouvrages en latin et les derniers en anglais).

On retrouve les traces de la renaissance du latin dans les langues modernes avec des mots à deux racines.
Par exemple, eau est une déformation populaire ancienne du latinaqua tandis qu'aquatique est une création
savante tardive de la renaissance carolingienne, plus proche de la racine latine.

Au VIIIe siècle, les copistes du monastère de Corbie, en Picardie, inventent aussi une écriture cursive qui leur
permet de travailler plus vite qu'avec l'écriture en capitale héritée des Romains. Cette écriture, dont dérivent
nos minuscules actuelles, est dite«caroline» en l'honneur de Charlemagne. Les serments de
Strasbourg (842) en offrent un bon exemple.

L'empire carolingien après Charlemagne


Cette carte montre l'empire carolingien à la mort de Charlemagne. Il couvre un million de
km2, avec une quinzaine de millions d'habitants, et s'étend de l'Èbre (Catalogne) à l'Elbe
(Saxe) et au Tibre (Italie).
Les grands États modernes vont naître de son partage entre les trois petits-fils du grand
empereur : France, Allemagne...

Empire carolingien
Du traité de Verdun au traité de Mersen

L'empire fondé par la famille des Pippinides et son plus illustre rejeton, Charlemagne, est l'héritier direct
du Regnum Francorum, le royaume franc de Clovis et des mérovingiens.

La règle germanique du partage entre les héritiers aboutit très vite à l'éclatement de cet empire carolingien et
conduit à l'émergence des grandes nations actuelles (France, Allemagne...).

Division de l'empire carolingien

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Les premiers conflits successoraux surviennent avec les petits-fils de Charlemagne. Charles le Chauve et
Louis le Germanique commencent par se liguer contre leur aîné, Lothaire, et font à Strasbourg, le 14 février
842, le serment de s'entraider. Le conflit s'achève provisoirement l'année suivante, en août 843, par un
compromis entre les trois frères conclu à Verdun.

- traité de Verdun (août 843) :


Par le traité de Verdun, Louis le Germanique s'assure la Francia orientalis (l'Allemagne actuelle) et Charles le
Chauve, son demi-frère, né de Judith de Bavière, la Francia occidentalis.

Lothaire, l'aîné, obtient le titre impérial, purement honorifique, et se contente de la partie centrale de l'empire,
la Francie médiane. Son domaine consiste en une frange de territoires étirée des bouches de l'Escaut à la
plaine du Pô, en Italie, en passant par le couloir rhénan et le sillon rhôdanien.

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Aucune considération ethnique n'intervient dans ce découpage à la hâche. Ainsi la Francie occidentale
s'approprie-t-elle la Flandre littorale de langue germanique, jusqu'aux bouches de l'Escaut...

- traité de Prüm (855) :


Lothaire 1er ajoute à la difficulté en partageant son domaine entre ses trois fils, à la veille de sa mort, en 855,
par le traité de Prüm (dans le massif de l'Eifel, à l'est des Ardennes).

- son fils aîné devient à son tour empereur sous le nom de Louis II et conserve l'Italie.

- le second, Charles, devient roi de Bourgogne. Ses territoires s'étendent en fait de la Méditerranée à la
Bourgogne actuelle, en incluant la Provence, Lyon et la Suisse.

- le troisième, Lothaire II, reçoit la partie septentrionale, située entre la Meuse et le Rhin. Il lui donne son nom.
C'est la «Lotharingie» (après moult déformations, ce nom deviendra... Lorraine). Cette province médiane et
indéfendable va dès lors susciter la convoitise de ses deux puissants voisins : la Francie occidentale et la
Francie orientale.

- traité de Mersen (août 870) :


À la mort de Lothaire II, en 870, Charles le Chauve et Louis le Germanique, toujours gaillards, se partagent
son royaume sans façon. Ainsi la Francie orientale et la Francie occidentale ont-elles désormais une frontière
commune qu'elles ne vont cesser de vouloir repousser dans un sens ou dans l'autre.

André Larané
842
Les serments de Strasbourg

Les serments de Strasbourg (14 février 842) nous sont rapportés par le chroniqueur Nithard, mort en
844, dans son Histoire des fils de Louis le Pieux. Ils témoignent de l'émergence des langues
européennes modernes à l'époque carolingienne...

Les serments en version originale (latin)

Les serments en français moderne


Les langues populaires ont commencé à être reconnues en Europe occidentale lors du concile de Tours de
813. à l'occasion de ce concile, sous le règne de Charlemagne, les évêques de l'ancienne Gaule ont
préconisé l'emploi des langues populaires dans les prêches et les homélies, en lieu et place du latin qui avait
depuis longtemps disparu de l'usage commun.

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Les serments de Strasbourg sont les premiers documents où le latin cède la place aux langues vulgaires, le
roman pour la partie occidentale du «Regnum francorum», le tudesque pour la partie orientale.

Le mot tudesque vient de l'adjectif germanique tiudesc, qui signifie «populaire». Cette racine se retrouve aussi
dans le mot tiudesc-Land qui signifie le «pays du peuple». Au fil du temps, il se transformera en Deutschland,
nom actuel de l'Allemagne ( *). Mais malgré l'épisode de Strasbourg, les langues populaires devront patienter
pendant sept siècles..... avant de connaître une consécration officielle !

Le manuscrit des serments de Strasbourg

Extrait du manuscrit de Nithard rapportant le serments de Strasbourg en langue romane. Le texte est rédigé sur parchemin,
en écriture dite caroline. Cette écriture cursive, plus simple que l'écriture en capitale des Romains, a été inventée par les
moines copistes du temps de Charlemagne, d'où son nom.

«Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro «Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut
commun commun,
salvament, d'ist di in avant, in quant Deus savir A partir d'aujourd'hui, en tant que Dieu me donnera savoir
et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fadre et pouvoir, je secourrai ce mien frère
Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si Charles par mon aide et en toute chose,
cum om per dreit son fadra salvar dift, in o comme on doit secourir son frère, selon l'équité, à condition qu'il
quid il mi altresi fazet et ab Ludher nul plaid fasse
nunquam prindrai, qui, meon vol, cist meon fadre de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec Lothaire aucun

22
Karle in damno sit» plaid
qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles.»

Les serments de Strasbourg en français moderne


Donc, le 16 des calendes de mars, Louis et Charles se réunirent en la cité qui s'appelait jadis Argentaria, mais
qui aujourd'hui est appelée communément Strasbourg, et prétèrent, Louis en langue romane et Charles en
langue tudesque, les serments qui sont rapportés ci-dessous. Mais avant de prêter serment, ils haranguèrent
comme suit le peuple assemblé, l'un en tudesque, l'autre en langue romane, Louis, en sa qualité d'aîné,
prenant le premier la parole en ces termes :

"Vous savez à combien de reprises Lothaire s'est efforcé de nous anéantir, en nous poursuivant, moi et mon
frère ici présent, jusqu'à extermination. Puisque ni la parenté ni la religion ni aucune autre raison ne pouvait
aider à maintenir la paix entre nous, en respectant la justice, contraints par la nécessité, nous avons soumis
l'affaire au jugement du Dieu tout-puissant, prêts à nous incliner devant son verdict touchant les droits de
chacun de nous. Le résultat fut, comme vous le savez, que par la miséricorde divine nous avons remporté la
victoire et que, vaincu, il s'est retiré avec les siens là où il a pu. Mais ensuite, ébranlés par l'amour fraternel et
émus aussi de compassion pour le peuple chrétien, nous n'avons pas voulu le poursuivre ni l'anéantir; nous lui
avons seulement demandé que, du moins à l'avenir, il fût fait droit à chacun comme par le passé.

Malgré cela, mécontent du jugement de Dieu, il ne cesse de me poursuivre à main armée, ainsi que mon frère
ici présent ; il recommence à porter la désolation chez notre peuple en incendiant, pillant, massacrant. C'est
pourquoi, poussés maintenant par la nécessité, nous nous réunissons, et pour lever toute espèce de doute sur
la constance de notre fidélité et de notre fraternité, nous avons décidé de prêter ce serment l'un à l'autre, en
votre présence.

Nous ne le faisons pas sous l'empire d'une inique cupidité, mais seulement pour que, si Dieu nous donne le
repos grâce à votre aide, nous soyons assurés d'un profit commun. Si toutefois, ce quà Dieu ne plaise, je
venais à violer le serment juré à mon frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que
du serment que vous m'avez prêté".

Et lorsque Charles eut répété les mêmes déclarations en langue romane, Louis, étant l'aîné, jura le premier de
les observer :

"Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut commun, à partir d'aujourd'hui, en tant que Dieu
me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère Charles par mon aide et en toute chose, comme on
doit secourir son frère, selon l'équité, à condition qu'il fasse de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec
Lothaire aucun plaid qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles."

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Lorsque Louis eut terminé, Charles répéta le même serment en langue tudesque :

"Pour l'amour de Dieu et pour le salut peuple chrétien et notre salut à tous deux, à partir de ce jour dorénavant,
autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère, comme on doit selon l'équité
secourir son frère, à condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire en aucun
arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable."

Et le serment que prononça chaque nation dans sa propre langue est ainsi conçu en langue romane :

"Si Louis observe le serment qu'il jure à son frère Charles et que Charles, mon seigneur, de son côté, ne le
maintient pas, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui
serons d'aucune aide contre Louis".

Et en langue tudesque :

"Si Charles observe le serment qu'il a juré à son frère Louis et que Louis, mon seigneur, rompt celui qu'il lui a
juré, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui prêterons
aucune aide contre Charles".

Cela terminé, Louis se dirigea sur Worms, le long du Rhin, par Spire, et Charles le long des Vosges, par
Wissembourg.

14 février 842
Les serments de Strasbourg
Le 14 février 842, à Strasbourg, Louis le Germanique et Charles le Chauve se prêtent serment d'assistance
mutuelle dans la lutte qu'ils mènent contre leur frère aîné Lothaire.

Ce grand moment de l'Histoire occidentale, qui voit l'émergence des langues européennes, nous a été
rapporté par le chroniqueur Nithard, mort en 844, dans son Histoire des fils de Louis le Pieux.

André Larané

L'héritage de Charlemagne

Tout a commencé avec Charlemagne, grand-père de Louis le Germanique, Charles le Chauve et Lothaire. Le
grand empereur avait réuni l'Occident sous son autorité, de l'Ebre (en Espagne) à l'Elbe (en Allemagne). Mais
il ne croyait pas que la dignité impériale lui survivrait et ne voyait pas d'inconvénient à se soumettre à la
coutume germanique du partage de l'héritage entre tous les fils.

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Le 6 février 806, à Thionville, Charlemagne prépare la division de son empire entre ses trois fils,
nommés «consorts du royaume et de l'Empire». Mais la disparition prématurée de deux d'entre eux permet au
survivant, Louis 1er le Pieux (ou le Débonnaire, traduction tardive et fautive du mot latin Pius, Pieux) de
récupérer l'intégralité de l'héritage à la mort de Charlemagne, en 814. Né en 778 (l'année de Roncevaux), ce
dernier a été nommé par son père roi roi d'Aquitaine dès l'âge de 3 ans et a géré ses terres avant de recevoir
la totalité de l'empire en héritage.

Ainsi, par le plus grand des hasards, l'empire rassemblé par Charlemagne en un demi-siècle de guerres échoit
intact entre les mains de son unique héritier. Mais la coutume germanique va reprendre le dessus et entraîner
la dissolution rapide de l'empire.

Le partage de l'empire

Louis le Pieux tente dans un premier temps de préserver l'essentiel de son héritage. Par un texte connu sous
le nom d'Ordinatio imperii, il promet en 817 la dignité impériale et la plus grande partie de l'empire à son fils
aîné Lothaire. Mais l'empereur se remarie ensuite avec Judith de Bavière et a un nouveau fils, Charles, qu'il
veut doter à tout prix. Devant une assemblée de la noblesse, à Worms, en 829, il lui attribue l'Alsace, la
Bourgogne et quelques autres terres. Ses autres fils n'apprécient pas la remise en cause de l'engagement de
817. Ils se révoltent contre leur père et le déposent.

Mais les trois compères ne tardent pas à se diviser. Irrités par l'autoritarisme de Lothaire, Pépin et Louis se
liguent contre lui et se rapprochent de leur père qui effectue un nouveau partage dont Charles, cette fois, est
exclu ! Le nouvel accord ne dure pas. Le 30 juin 833, les trois aînés, provisoirement réconciliés, convoquent
leur père au sud de Colmar, en un lieu plus tard nommé le «Champ du Mensonge». Ils le déposent à
nouveau, à nouveau se disputent et à nouveau, Pépin et Louis réinstallent leur père sur le trône.

Sur l'insistance de Judith, son époux l'empereur consent à rendre une part d'héritage à leur fils Charles. Et
voilà que meurt Pépin en 838. Tout le partage est à refaire... Louis, mécontent des négociations, s'apprête à
reprendre les armes contre son père. Quand celui-ci meurt le 20 juin 840, rien n'est réglé et les trois frères
survivants se disputent de plus belle.

Un serment bilingue

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Les deux cadets font cause commune contre leur frère aîné Lothaire et le 25 juin 841, le
défont à Fontenay-en-Puisaye, près d'Auxerre, en Bourgogne. Cette victoire les conduit huit mois plus tard à
confirmer leur alliance par les serments de Strasbourg.

À cette occasion, Louis le Germanique prononce son serment non dans sa langue mais en
langue romane(l'ancêtre du français), pour être compris des soldats de son rival et associé. Charles le Chauve
fait de même en languetudesque (l'ancêtre de l'allemand).

Le serment est repris par les soldats présents dans leur langue habituelle. C'est que les habitants
du «Regnum francorum» (le royaume des Francs) ont pratiquement oublié le latin et commencent à se
distinguer par leurs idiomes selon qu'ils se trouvent à l'ouest ou à l'est de la Meuse...

Aussi peut-on dire que les serments de Strasbourg traduisent l'émergence des langues modernes. C'est ce qui
fait leur importance historique, bien plus que leur aspect proprement politique.

L'empire s'émiette

Les serments de Strasbourg aboutissent l'année suivante à un compromis signé à Verdun et au partage en
trois de l'empire carolingien (843).

Lothaire conserve le titre impérial, purement honorifique, et se contente de la partie centrale de l'Empire. Mais
ses domaines feront l'objet d'un nouveau partage entre Louis le Germanique et Charles le Chauve par le traité
de Mersen (870).

Sur les ruines de l'empire carolingien émergeront deux ensembles nationaux distincts, la France et
l'Allemagne, ainsi que, plus tard, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse etc.

Sources :
http://es.calameo.com/read/000005419e38babb16c5c
http://www.herodote.net/14_fevrier_842-evenement-8420214.php

Alcuin (732 - 804) Notre maître d'école


Alcuin fait partie de cette poignée de clercs qui, dans la période sombre du haut Moyen Âge, ont jeté les bases
de la société européenne.

Rencontre heureuse entre le roi et le moine

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Ce moine anglais, originaire de Northumbrie (capitale : York), est né vers 732, à l'époque où meurt Bède le
Vénérable, une autre grande figure de la Northumbrie surtout connue pour son Histoire ecclésiastique du
peuple anglais, premier texte important daté à partir de l'Incarnation de NS Jésus-Christ (l'an I de l'ère
chrétienne).

En 768, Alcuin devient l'écolâtre de l'archevêque d'York. En 780, celui-ci l'envoie en mission à Rome, auprès
du pape, et, sur le retour, à Ravenne, le moine croise le roi des Francs.

Le futur Charlemagne, séduit par son intelligence, le convainc de le suivre à Aix-la-Chapelle. C'est ainsi
qu'Alcuin entre à l'école du palais (scola palatina) dont il devient le chef.

Selon l'usage chez les clercs de l'école, il se choisit un nom latin et se fait désormais appeler Alcuin
Albinus, Albinus étant le nom du poète latin Horace. Tout un programme ! Parmi ses collègues figurent Paul
Diacre, un Lombard, et Theodulf, un Wisigoth d'Espagne, qui deviendra abbé de Fleury-sur-Loire (aujourd'hui
Saint-Benoît-sur-Loire).

Alcuin se fait l'inspirateur de l'idéologie impériale, fondée sur le modèle de l'empire romain, celui des
empereurs chrétiens Constantin et Théodose. Ainsi suggère-t-il au roi Charles de se faire couronner
empereur d'Occident. Ce sera chose faite à la Noël 800.

Mais qui a donc inventé l'école ?...

Le but de l'empire est d'instaurer ici-bas la paix et la concorde, et


de conduire le peuple au salut dans l'au-delà. Pour cela, il faut un
clergé instruit. Cet objectif est inscrit dans le capitulaire fameux de
l'admonition générale (789).

Il y est dit au chapitre 72 que les ministres de Dieu (les prêtres)


doivent se signaler par leurs bonnes mœurs et doivent également
instruire les garçons les mieux disposés pour les préparer à la
carrière ecclésiastique.

C'est de là que vient la réputation faite à Charlemagne


d'avoir «inventé l'école», selon une formule populaire.

Alcuin lui-même enseigne les arts libéraux à la cour d'Aix-la-


Chapelle. Parmi ses élèves figurent les enfants des dignitaires mais aussi les dignitaires eux-mêmes, les
prélats et le souverain lui-même.

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Alcuin et ses principaux collaborateurs, d'origine barbare, ont appris le latin classique comme une langue
morte. C'est ce latin qu'ils vont remettre en vogue comme langue de l'administration civile et de l'église, au
détriment du latin abâtardi pratiqué autour d'eux par les descendants des Gallo-Romains. Ainsi, c'est en latin
classique que sont écrits les textes officiels, les capitulaires, destinés à être lus par des clercs et des gens
instruits.

Le peuple lui-même ne comprend rien au latin de cuisine des clercs ordinaires et encore moins au latin
classique de la scola palatina, aussi Alcuin a-t-il le souci de l'instruire dans sa langue usuelle. C'est ce que
recommandera le concile de Tours, en 813, neuf ans après sa mort.

Paradoxalement, le retour du latin classique comme langue de l'administration va donc s'accompagner en


parallèle du développement des langues vernaculaires (en particulier le roman et le tudesque à l'origine du
français et de l'allemand actuels).

Infatigable réformateur, le moine écrit au cours de sa longue vie pas


moins de 80 ouvrages et 350 lettres, avec le souci constant de la
correction des mœurs et de l'émendation des textes (émendation est le
synonyme savant de correction)...

Replié à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, il développe un atelier de


copistes qui va devenir le plus important d'Occident. Il va notamment
produire plus de cinquante exemplaires de la Bible enrichis de ses
propres commentaires.

C'est cette Bible, dans la traduction latine de Saint Jérôme, corrigée


par Alcuin (laVulgate), qui sera choisie par le concile de Trente, au
XVIe siècle, comme la référence officielle de l'Église catholique. Le
travail des copistes carolingiens, à Tours et ailleurs, va permettre par
ailleurs de conserver ou récupérer 150 œuvres originales issues de la
culture latine classique (sur un total de 700 titres connus).

Les copistes d'Alcuin, à Aix-la-Chapelle comme à Tours, abandonnent l'écriture à la romaine et adoptent la
minuscule caroline en prenant soin de séparer les mots, ce qu'on ne faisait pas auparavant. Leur écriture va
être adoptée par les premiers imprimeurs au XVe siècle de préférence à toute autre, et c'est encore elle que
nous utilisons tous les jours.

Comme leurs prédécesseurs mérovingiens, ils écrivent de préférence sur duparchemin (peau non tannée
d'agneau ou de veau). Ils se détournent du papyrus(ancêtre du papier), d'une part parce que ce produit

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d'origine orientale se fait rare en Occident depuis que les Arabes ont envahi le bassin méditerranéen, d'autre
part parce qu'il est difficile à conserver, relier et enluminer.

Ainsi, grâce à l'action d'Alcuin, on peut parler de «renaissance carolingienne», une expression inventée par
le médiéviste Jean-Jacques Ampère (fils du physicien André Ampère).

751
De Pépin le Bref à Charlemagne

Au VIIIe siècle, les Pippinides, une famille d'origine franque, rénove l'ancien royaume des Francs de
Clovis, le Regnum Francorum. Au fil des partages successoraux avaient émergé en son sein plusieurs
royaumes frères et rivaux à la fois : l'Austrasie, la Neustrie et la Bourgogne.

Pépin le Bref étend le royaume aux limites de l'ancienne Gaule en lui ajoutant l'Aquitaine et la Septimanie (le
Languedoc actuel). C'est le début d'un processus d'extension, la dilatatio regni, qui sera poursuivi par son fils
et successeur Charlemagne.

Celui-ci consolide le royaume et repousse ses frontières, lui ajoutant l'Alamannie (l'Allemagne actuelle), la
Provence, la Marche d'Espagne (la Catalogne actuelle), le royaume d'Italie (l'Italie du Nord), la Bavière, la
Frise et la Saxe... Les duchés lombards du sud de la péninsule italienne (Spolète et Bénévent) versent tribut
au roi des Francs.

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