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Ranime Gallouz

Julie Montesinos. La Boétie, extrait du Discours de la servitude volontaire. 


Benariba Hanady
Chaix Clémence

Etienne de La Boétie est un auteur et philosophe du XVIème siècle, époque qui voit apparaître un
nouveau mouvement littéraire et culturel : l’humanisme. Ce courant de pensée est un mouvement
philosophique et prône des valeurs que l’on appellerait aujourd’hui humanistes. Il s’agit en effet de
promouvoir un esprit de tolérance, et l’humanisme se montre soucieux d’améliorer les conditions de vie
des individus ; il propose une pensée centrée sur l’homme.
Étienne De La Boétie (1530-1563) rédige le discours de la servitude volontaire, son œuvre la plus célèbre,
à l’âge de 18 ans. Ce discours analyse et dénonce les mécanismes de la tyrannie en remettant non
seulement en cause la légitimité de l’autorité des souverains tyranniques, mais surtout en prenant le peuple
à partie pour le faire à prendre conscience de sa propre soumission. `

Dans l’extrait que nous allons étudier, le ton se fait polémique et accusateur. La Boétie interpelle ici le
peuple avec véhémence pour l’aider à sortir d’un aveuglement qui le mène à sa perte.

Nous nous demanderons par quels procédés l’auteur écrit et combat ici contre la servitude volontaire.
Notre extrait est composé de cinq mouvements. Le premier s’étend de la ligne 1 à 4 et développe les
accusations de la Boétie adressées au peuple. Le second mouvement littéraire (l.4 à 8) durcit cette
accusation du peuple comme responsable de ses propres malheurs tout en désignant le tyran comme cause
principale de la souffrance du peuple. Le troisième mouvement (l. 8 à 12) a pour but d’impliquer
directement le peuple pour le mettre face à ses responsabilités, puisque c’est lui-même qui rend le tyran
puissant. Le quatrième mouvement (ligne 12 à 17) rappelle au peuple toutes les erreurs qui lui sont fatales.
Enfin, le dernier mouvement (ligne 17 à 21) livre la solution pour échapper à la tyrannie .

Le texte commence à la manière d’un discours, avec, à la ligne 1, trois apostrophes  : « Pauvre gens
misérables, peuples insensés, nations opiniâtre ». Ce procédé permet d’impliquer directement le
destinataire (ici le peuple) et donne au texte une véritable force oratoire. La gradation « gens »/ « peuple »/
« nation » rythme le texte et indique bien que l’auteur ne s’adresse pas à un peuple en particulier, mais à
l’humanité entière : c’est un défaut humain qui est ici déploré, celui qui consiste à accepter trop facilement
l’oppression et la tyrannie. Ces quatre premières lignes relèvent donc entièrement du genre du réquisitoire,
de l’accusation, soulignés par les points d’exclamation qui semblent traduire chez l’auteur un sentiment
d’indignation mêlé de pitié. Mais cette tonalité pathétique se trouve ensuite progressivement remplacée
par des pointes d’ironie aux lignes 3 et 4. L’emploi de l’antithèse « grand bonheur », l. 4 « qu’on vous
laissât seulement la moitié de votre famille, de votre bien, de vos vies », l. 4, et donc le recours à
l’absurde, fait ainsi basculer le texte dans le ton du sarcasme, de l’ironie mordante  : il s’agit de ne pas
laisser l’interlocuteur, le peuple, se complaire dans cette situation, mais de le secouer en lui renvoyant de
lui-même une image fidèle à la réalité.

Les lignes 4 à 8 s’attachent ensuite à démontrer l’absurde passivité du peuple face au tyran.
L’épanorthose «[…] pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi » (l.5) permet d’éveiller la conscience
du peuple : c’est bien le tyran qui agit en criminel, le souverain lui-même. Le ton est ici polémique, car il
s’agit de montrer au peuple, souvent fasciné par le tyran, son erreur. L’emploi réitéré du pronom personnel
démonstratif « celui-là » insiste sur l’identité entre « l’ennemi » (l.5) qui est la cause du malheur et de la
ruine du peuple, et le souverain tyran. Mais il importe aussi et surtout de souligner que cet ennemi, le
tyran, n’est qu’un être humain, et que tout son pouvoir ne lui est donné que par le peuple lui-même. Le
pronom personnel « vous » dans les lignes 5 et 6 souligne la responsabilité du peuple et le présente comme
responsable de ses propres souffrances par sa complicité avec le tyran. A la ligne 7, l’emploi de la
négation restrictive « n’… […] que », ainsi que le lexique du corps : « deux yeux, deux mains, un corps et
rien de plus » mettent en évidence le fait que le maître n’est qu’un simple être humain seul face à toute
une population.
Les lignes 9 à 12 intensifient l’accusation, La Boétie montre l’implication directe du peuple dans sa
propre soumission, son propre malheur en multipliant les questions rhétoriques : « D’où tire-t-il tous ces
yeux qui vous épient, su ce n’est de vous ? Comment […] emprunte ? Les pieds […] les vôtres ? « A-t-il
[…] vous-même ? ». Ceci augmente la dimension persuasive du texte : en prenant le lecteur directement à
partie avec ces nombreuses phrases interrogatives, l’auteur invite le lecteur à raisonner avec lui pour lui
faire admettre sa thèse : le tyran, à lui seul, n’a en réalité aucun pouvoir. Le lexique du corps, déjà utilisé à
la ligne 7, corrobore cette idée. Ici, ces termes sont utilisés dans un sens figuré, « mains, yeux, receleurs,
complices, traîtres » et sont qui métonymies désignent le peuple lui-même, cette image démontre avec
efficacité que les sujets d’un tyran sont eux aussi responsable de leur propre servitude.
Les lignes 12 à 17 remémorent au peuple toutes les erreurs qui lui sont fatales. L’utilisation des
pronoms possessifs « vos » et des pronoms personnels « vous » implique directement le lecteur dans cette
accusation pour provoquer une prise de conscience. Dans ces lignes apparaissent aussi une série de verbes
antithétiques : « semez/ dévaste » « meublez/ pillerie » (l.13). Il s’agit d’actions constructives, attribuées
au peuple, et opposées directement aux actions destructives du tyran, mettant en évidence l’injustice et les
méfaits dont celui-ci se rend coupable. Les champs lexicaux de la violence et de la perversité « luxure »
(l.14) , « boucherie » (l.15) , « se vautrer » (l.16) , « sales plaisirs » (l.16) force le peuple, par des termes
« chocs », à admettre la culpabilité du tyran, qui est présenté, sans filtre, dans toute sa noirceur

Le dernier mouvement de cet extrait, l. 17 à 21, propose la solution pour libérer le peuple de la
tyrannie et du joug du despote. La Boétie prépare son lecteur sur le plan rhétorique en utilisant à nouveau
des termes forts, la comparaison avilissante du peuple avec des animaux : « les bêtes elles-mêmes… »
(l.17-18) et « indignité » (l.17). Il adopte ensuite une tonalité inverse pour présenter la solution en
question. L’épanorthose : « vous pourriez vous délivrer (…) seulement de le vouloir » aux lignes 18 et 19,
qui est une reformulation, insiste ici sur la facilité de cette entreprise de libération, facilité également
soulignée, et de façon insistante, par l’adverbe « seulement » . La comparaison filée « tel un grand colosse
(…) » (l. 21) entre le tyran et une simple statue parachève ce raisonnement et montre la toute capacité
potentielle du peuple à déstabiliser et renverser le tyran.

Dans cet extrait, l’auteur dénonce ainsi la servitude volontaire grâce à une tonalité fortement
polémique et accusatrice visant directement la victime, c’est-à-dire le peuple. Ce réquisitoire contre la
passivité du peuple face au despote vise à démontrer que cette inertie est la cause de tous les tourments du
peuple, et surtout, que celui-ci est le seul à pouvoir agir. La Boétie mène donc dans ce passage du
Discours de la servitude volontaire un véritable combat pour la libération des hommes. Nous pourrons
retrouver cette même posture chez l’écrivaine Olympe de Gouge, dans sa Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne. Dans ce manifeste, cette auteure développera elle aussi, deux siècles plus tard,
un réquisitoire contre les femmes pour les inciter à se libérer de leur soumission vis-à-vis des hommes.

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