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LES IDOLES DU CŒUR ET
LA FOIRE AUX VANITÉS
LES
IDOLES
DU
CŒUR
ET LA FOIRE AUX VANITÉS

DAVID POWLISON
Publié en anglais sous le titre :
Idols of the Heart and “Vanity Fair”
© 1995 par The Christian Counseling and Educational Foundation
Tous droits réservés. Traduit et publié avec permission.

Pour l’édition française :


Les idoles du cœur et la foire aux vanités
© 2021 Publications Chrétiennes, Inc.
Publié par Éditions Impact
230, rue Lupien, Trois-Rivières (Québec)
G8T 6W4 – Canada
www.editionsimpact.org
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Louise Denniss


Mise en page et couverture : Rachel Major

ISBN (broché) : 978-2-89082-453-9


ISBN (eBook) : 978-2-89082-454-6

Dépôt légal – 1er trimestre 2021


Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

« Éditions Impact » est une marque déposée de Publications Chrétiennes, Inc.

À moins d’indications contraires, toutes les citations bibliques sont tirées de


la Bible à la Colombe (Nouvelle version Segond révisée, 1978) de la Société
biblique française. Avec permission.
TABLE DES MATIÈRES

Introduction
L’actualité de la Bible en ce qui a trait
au counseling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1 La motivation individuelle et le
conditionnement sociologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2 La contrefaçon spirituelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

3 Une tension tridimensionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

4 Les pulsions et les besoins selon


l’optique biblique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

5 Étude de cas et analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

6 Autres perspectives diagnostiques reliées à


l’Évangile : différentes pistes d’interprétation . . . 59

7 L’idolâtrie et le ministère de l’Évangile


de Jésus-Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

6
Introduction

L’ACTUALITÉ DE LA BIBLE EN CE
QUI A TRAIT AU COUNSELING

L es chrétiens faisant carrière en sciences sociales et en


relation d’aide doivent jongler avec plusieurs questions.
Notamment, comment établir un lien pertinent entre le contenu
conceptuel de la Bible et la tradition chrétienne d’une part,
et le jargon spécialisé des sciences béhaviorales et la richesse
de leurs observations d’autre part ? Deux volets particuliers
de cette question ont suscité mon intérêt et m’ont longtemps
laissé perplexe.
Le premier volet concerne le caractère actuel de la Bible.
Pourquoi l’idolâtrie y occupe-t-elle une place si importante ?
C’est de loin le problème le plus fréquemment abordé dans les

7
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

Écritures1. Et alors ? Est-il encore approprié de le souligner


de nos jours ? Ce sujet se rapporte-t-il uniquement à certains
champs missionnaires, là où les adorateurs se prosternent tou-
jours devant des images ?
Le deuxième volet est lié au counseling. C’est par consé-
quent une question de « psychologie ». Comment donner un
sens à cette multitude de facteurs importants qui façonnent et
déterminent le comportement humain ? En particulier, est-il
réellement possible de donner un sens satisfaisant au fait que
les gens soient en même temps guidés de l’intérieur et modelés
par la culture ambiante ?
Ces questions, de même que leurs réponses, finissent par
s’entrecroiser. Or, cet entrelacement a été fructueux à la fois
dans ma vie personnelle et dans ma pratique de counseling
auprès de personnes troublées.

1. Le « premier grand commandement », tout comme les deux ou trois


premiers commandements du Décalogue, met en contraste la fidélité au
Seigneur et les infidélités. La guerre ouverte contre l’idolâtrie apparaît de
façon éclatante dans le récit du veau d’or et se manifeste tout au long de
l’histoire des Juges, de Samuel, des Rois, ainsi que dans les prophètes et
les Psaumes.

8
Chapitre 1

LA MOTIVATION INDIVIDUELLE
ET LE CONDITIONNEMENT
SOCIOLOGIQUE

L a pertinence actuelle de vastes sections des Écritures


dépend de notre compréhension de l’idolâtrie. Ainsi, un
verset précis du Nouveau Testament m’a longtemps déconcerté :
« Petits enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jn 5.21). Pour quelle
raison ce commandement inattendu tient-il lieu de déclaration
finale dans un traité de 105 versets sur la communion vitale avec
Jésus, le Fils de Dieu ? S’agit-il de l’annotation d’un copiste ?
Est-ce une maladresse de la part d’un auteur qui, normalement,
emploie un langage simple et répétitif pour tisser des tapisse-
ries de mots bien structurées et riches de sens ? S’agit-il d’une
application pratique liée à la culture, apposée à la toute fin

9
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

d’une des épîtres les plus intemporelles et sublimes qui existent ?


Ces hypothèses ne tiennent pas compte de la globalité et de la
puissance des dernières paroles de Jean.
L’apôtre nous communique plutôt la question la plus fonda-
mentale que Dieu pose sans cesse au cœur humain. Une chose
ou une personne autre que Jésus, le Christ, s’est-elle emparée de
votre cœur ? S’est-elle approprié votre confiance, vos préoccu-
pations, votre loyauté, votre service, votre crainte et votre joie ?
Cette question porte sur la motivation immédiate qui influence
le comportement, les pensées et les sentiments.
Ainsi, selon la conception biblique, la motivation est une
question de seigneurie. Qui « gouverne » mon comportement :
est-ce le Seigneur ou un substitut ? La réponse à cette question
risque d’être embarrassante puisqu’elle éclaire notre compréhen-
sion de « l’idolâtrie ». Elle est présentée de manière très explicite
dans 1 Jean 2.15-17 ; 3.7-10 ; 4.1-6 ; 5.19. Il est frappant de
constater à quel point ces versets décrivent une convergence des
points de vue « sociologique », « psychologique » et « démono-
logique » en ce qui a trait à la motivation idolâtre1.
D’une part, la motivation intérieure est contrôlée par les
désirs orgueilleux et démesurés de la chair (1 Jn 2.16), par l’apa-
thie que produit l’égocentrisme, de même que par les envies,
les espoirs, les craintes, les attentes et les « besoins » qui se
bousculent dans nos cœurs. D’autre part, le « monde » exerce

1. Cette confluence entre le monde, la chair et le diable n’a rien d’éton-


nant, puisqu’elle est présente dans toutes les Écritures. Pour des exemples
particulièrement concentrés, voir Éphésiens 2.1-3 et Jacques 4.1-7.

10
La motivation individuelle et le conditionnement sociologique

sa séduction sur la motivation extérieure (1 Jn 2.15-17 ; 4.1-6).


Il encourage, façonne, renforce et conditionne une telle apathie
et il enseigne des principes mensongers. L’emprise qu’exerce
le diable sur le comportement (1 Jn 3.7-10 ; 5.19) constitue la
dimension « démonologique » de la motivation. Il règne sur le
royaume de la chair et du monde. En contrepartie, se « garder
des idoles » consiste à vivre la foi en Jésus avec un cœur entier.
C’est être maîtrisé par tout ce qu’évoque l’expression « petits
enfants » (voir notamment 1 Jn 3.1-3 ; 4.7 – 5.12). Toute solu-
tion de rechange qui se substitue à Jésus parmi la multitude
d’options qui s’offrent à nos cœurs, qu’elles proviennent de la
chair, du monde ou du Malin, constitue une idolâtrie.

Un problème intérieur
La notion d’idolâtrie émerge le plus souvent lors de discussions
relatives à l’adoration réelle d’images physiques ou à la créa-
tion de faux dieux. Mais les Écritures abordent au moins deux
grandes perspectives du thème de l’idolâtrie qui sont pertinentes
à la présente analyse.
Tout d’abord, la Bible intériorise le problème. « Les idoles
du cœur » sont dépeintes explicitement dans Ézéchiel 14.1‑8.
L’adoration d’idoles tangibles est l’expression inquiétante d’un
cœur qui a déjà abandonné l’Éternel, son Dieu2. La métaphore

2. Le « cœur » est le terme biblique le plus complet en ce qui a trait


à la direction de notre vie, notre comportement, nos pensées, etc. Voir
Proverbes 4.23, Marc 7.21-23, Hébreux 4.12s, etc. La métaphore de « la

11
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

des « idoles du cœur » en est une parmi tant d’autres qui


décrivent l’usurpation du trône qui appartient à Dieu seul dans
le cœur humain. Cette métaphore établit un lien indissoluble
entre les caractéristiques particulières du cœur et celles du com-
portement : mains, langue, et tous les autres membres.
De même, le premier grand commandement qui consiste à
« aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa
pensée, et de toute sa force » illustre l’aspect intérieur essentiel
de la loi en ce qui a trait à l’idolâtrie. Le langage de l’amour, de
la confiance, de la crainte, de l’espérance, des aspirations et du
service, termes qui dépeignent tous une relation avec le Dieu
véritable, est constamment employé dans la Bible pour décrire
nos amours illégitimes, nos faux espoirs et nos faux maîtres,
ainsi que nos confiances, nos craintes et nos quêtes illusoires.
L’Ancien Testament utilise le mot « idolâtrie » pour définir
notre éloignement de Dieu. Le Nouveau Testament emploie
plutôt le terme « désirs » (epithumiai) pour décrire ce même
éloignement3. Les deux termes résument l’ultime problème
des êtres humains. Ainsi, le langage de la problématique des
« désirs » dans le Nouveau Testament est un prolongement spec-
taculaire du dixième commandement qui interdit la convoitise

circoncision ou de l’incirconcision du cœur » est similaire à celle des « idoles


du cœur » : une activité religieuse extérieure est employée pour dépeindre
la dynamique motivationnelle intérieure que reflètent les actes extérieurs.
3. Voir les déclarations sommaires de Paul, Pierre, Jean et Jacques, dans
Galates 5.16s ; Éphésiens 2.3 et 4.22 ; 1 Pierre 2.11 ; 4.2 ; 1 Jean 2.16 ;
Jacques 1.14s, où epithumiai est le terme fourre-tout pour décrire ce qui
constitue notre problème.

12
La motivation individuelle et le conditionnement sociologique

(epithumia). En outre, le dixième commandement intériorise le


problème du péché et le rend « psychodynamique ». Il met à nu
la nature cupide et exigeante du cœur humain que Paul décrit
de manière puissante dans Romains 7. Par conséquent, il n’est
pas étonnant que le Nouveau Testament fusionne le concept de
l’idolâtrie et celui des désirs immodérés qui régissent l’existence.
L’idolâtrie est un problème du cœur, une métaphore qui
illustre la convoitise de l’être humain, ses envies insatiables,
ses désirs ardents et ses exigences cupides4.

Un problème social
Deuxièmement, la Bible aborde l’idolâtrie comme un élément
central du contexte social, c’est-à-dire « le monde » qui nous
façonne et nous modèle. Le monde est une « foire aux vanités »,
tel que l’exprime de façon remarquable John Bunyan dans Le
voyage du pèlerin5. Le livre de Bunyan en entier, et plus pré-
cisément la section qui évoque la foire aux vanités, dépeint
l’interaction entre de puissants modèles sociaux séduisants et
intimidants qui exercent leur influence sur le comportement,
et l’autodétermination caractéristique du cœur de Chrétien. Ce
dernier servira-t-il le Dieu vivant ou se laissera-t-il subjuguer par
l’une ou l’autre des idoles parmi la multitude changeante de faux
dieux que fabriquent sa femme, ses voisins, ses connaissances,

4. Éphésiens 5.5 et Colossiens 3.5.


5. John Bunyan, Le voyage du pèlerin, La Bégude de Mazenc, France,
Croisade du Livre Chrétien, s.d.

13
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

ses ennemis, ses congénères issus de la même société humaine


idolâtre… et enfin, son propre cœur6 ?
Or, les implications des questions contemporaines associées
au counseling suscitent des tensions puisque l’idolâtrie est à la
fois générée de l’intérieur et inspirée par l’extérieur. Bien sûr,
la Bible n’aborde pas nos problèmes contemporains dans le
jargon de la psychologie ou en se référant aux résultats de nos
observations7. Par exemple, la Bible ne fait aucune allusion aux
éléments caractéristiques que les psychologues décrivent de nos
6. Mon commentaire concerne ici uniquement l’impact des influences
sociales « négatives » qui nous communiquent leurs idoles et incitent nos
cœurs à produire des idoles. Si l’on réagit contre moi avec rage, j’apprendrai
probablement l’importance suprême d’obtenir ce que je veux, de même que
quelques trucs et méthodes pour parvenir à mes fins. J’aurai aussi instincti-
vement tendance à générer des idoles compensatoires afin de me venger, de
me défendre ou de fuir. Nous avons tendance à répondre au mal par le mal.
Je pourrais également parler de l’impact des influences sociales « positives »,
à la fois dans l’œuvre de John Bunyan et dans la vie, qui communiquent et
encouragent la foi et nous incitent à nous repentir de l’idolâtrie.
7. Les sociologues, les anthropologues et les historiens de la psychiatrie
ont décrit comment la plupart des symptômes et tous les diagnostics sont liés
à la culture. C’est particulièrement vrai dans le cas des problèmes fonction-
nels (par opposition aux problèmes strictement organiques) qui constituent la
plus grande part de la misère humaine et des mauvais comportements. Cette
observation, puisqu’elle relativise, indique que les étiquettes diagnostiques
apposées ne sont ni « scientifiques », ni « objectives ». Ces étiquettes sont
parfois utiles du point de vue heuristique si nous les reconnaissons pour ce
qu’elles sont : un classement taxonomique rudimentaire d’observations. Mais
les étiquettes sont des éléments au sein de schèmes de valeurs et d’interpré-
tation. Parce que les diagnostics sont « chargés » sur les plans philosophique
et théologique, un chrétien qui cherche à être fidèle au système de valeurs
et d’interprétation biblique doit établir des catégories bibliques et aborder
les catégories séculières avec un extrême scepticisme.

14
La motivation individuelle et le conditionnement sociologique

jours comme une « relation familiale ou conjugale dysfonction-


nelle ». Elle ne les mentionne pas, simplement parce qu’elle ne
place pas ces fragments particuliers du comportement humain
et de l’influence réciproque sous le microscope. Cette « lacune »
ne concerne que l’application spécifique.
Par ailleurs, les catégories bibliques englobent la manière
dont les individus s’influencent mutuellement, soit pour le bien,
soit pour le mal, à l’intérieur d’un système familial ou d’un
autre groupe, quelle qu’en soit la taille. Par exemple, il serait
plus juste de nommer « idolâtrie affective » le modèle auquel
on appose souvent l’étiquette de « dépendance affective ». Dans
le cas d’une « relation d’idolâtrie affective », le modèle typique
d’idolâtrie de l’un renforce celui de l’autre et ils rivalisent l’un
avec l’autre. Ils s’harmonisent de manière étrange, créant des
boucles de rétroaction extrêmement destructrices.
Ainsi, le mari alcoolique typique et sa femme qui tente de le
sauver sont les esclaves d’un système d’idolâtrie dont les compo-
santes ne se complètent que trop bien. Il existe de nombreuses
configurations possibles pour ce modèle courant de faux dieux.
La consommation d’alcool par le mari renferme une constella-
tion d’idoles, notamment l’asservissement au plaisir, l’évasion
par la recherche d’un faux sauveur capable de le délivrer des
douleurs et des frustrations de sa vie, le rôle du juge arrogant
et irritable qui méprise l’attitude subordonnée et dépendante
de sa femme, l’autoflagellation périodique liée aux remords…
À cette liste s’ajoute la confiance en l’être humain, qui pousse

15
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

cet homme à chercher sa valeur personnelle dans l’acceptation


de ses compagnons de bar, et ainsi de suite.
D’autre part, le modèle d’idolâtrie que dénote le compor-
tement de sauvetage de la femme pourrait combiner les rôles
du sauveur martyr de son mari et de sa famille et celui du
juge orgueilleux et présomptueux de l’iniquité de son mari.
Une confiance démesurée en l’être humain l’amène à sures-
timer l’opinion de ses amies. De plus, la crainte de l’homme
génère chez elle un désir excessif pour l’amour et l’affection
d’un homme, ce qu’elle considère comme essentiel à sa survie.
Et l’énumération pourrait se poursuivre encore longtemps.
Chacune de leurs idoles (de même que les comportements,
pensées et émotions qu’elles génèrent) est « logique » au sein
de ce système d’idolâtrie. La foire aux vanités miniature dans
laquelle ils vivent est composée de séductions et de dangers de
toutes sortes. Leurs idoles sont parfois incarnées, inculquées et
renforcées par l’autre ou les autres personnes concernées. La
critique incessante de la femme et la colère du mari se reflètent
et s’amplifient l’une l’autre. Les compagnons de bar du mari et
les amies de la femme encouragent leur suffisance et leur api-
toiement sur leur sort respectif. Les idoles sont parfois réactives
et compensatoires pour l’autre : il réagit à ses remarques désobli-
geantes en consommant de l’alcool, elle réagit à sa consomma-
tion d’alcool en tentant de le sauver et de le changer. La foire
aux vanités constitue un très séduisant… enfer sur terre !

16
Chapitre 2

LA CONTREFAÇON SPIRITUELLE

L es idoles imitent des aspects de l’identité et du caractère


de Dieu, comme l’illustre le portrait du mari alcoolique
et de sa femme au chapitre précédent. Ainsi, elles se font tour à
tour juge, sauveur, source de bénédiction, porteur du péché de
l’homme, objet de la confiance, auteur d’une volonté à laquelle
il faut obéir, et ainsi de suite. Chacune des idoles regroupées en
un système fait de fausses promesses et donne des avertissements
erronés : « si seulement… alors… »
Par exemple, le comportement « facilitant » de la femme
exprime l’attitude idolâtre d’une personne qui assume le rôle de
sauveur. Cette idole lui fait la promesse suivante, doublée d’un
avertissement : « Si seulement tu pouvais lui donner la bonne
chose et parvenais à faire mieux, alors ton mari changerait. Mais
si tu ne le protèges pas, une catastrophe se produira. » Puisque
ces promesses et ces avertissements constituent des mensonges,

17
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

le culte rendu à chacune de ces idoles entraîne des lendemains


de veille de misère et de récrimination. Les idoles mentent,
asservissent et assassinent. Ces mensonges sont continuellement
insinués par celui qui est menteur, maître d’esclaves et meurtrier
depuis le commencement. Les idoles demeurent sous la colère
immédiate de Dieu. D’ailleurs, il permet souvent que de tels
procédés échouent dans son monde1.

1. Il est évident que si l’idolâtrie est le problème de la « dépendance


affective », alors la foi repentante en Christ est la solution. Cet énoncé
contraste fortement avec les solutions présentées dans la littérature qui traite
de la dépendance affective, qu’elle soit laïque ou ponctuée d’expressions
chrétiennes. Cette littérature décrit souvent avec perspicacité les modèles
d’idoles dysfonctionnelles, c’est-à-dire les accoutumances et les dépendances
qui affligent et asservissent les gens. Les idoles qui asservissent à la fois le
« sauveur » et le buveur compulsif s’avèrent inefficaces pour eux.
La littérature peut même employer « l’idolâtrie » comme une métaphore,
sans lui donner le sens de « l’idolâtrie contre Dieu, qui exige par conséquent la
repentance ». La solution, sans exception, consiste alors à proposer des idoles
différentes et qui semblent plus appropriées, plutôt que la repentance envers
le Christ de la Bible ! Les thérapies séculières enseignent aux gens comment
adopter des idoles qui leur conviennent mieux. Ces idoles « répondent » et les
« bénissent » en leur offrant une vie momentanément plus heureuse (Ps 73).
Par exemple, on nourrit l’estime de soi qui se substitue au fait de chercher
à plaire à des personnes intransigeantes, plutôt que de cultiver l’estime envers
l’Agneau immolé pour moi, un pécheur. L’acceptation et l’amour provenant
de nouvelles personnes importantes inclut bien sûr ceux du thérapeute :
cette dynamique engendre des modèles tout à fait réussis de la crainte de
l’homme et de la confiance en l’homme. Or, elle n’enseigne pas la foi en
Dieu pourtant si essentielle. La confiance en soi est stimulée alors qu’on
enseigne à l’individu à définir pour lui-même des attentes réalistes qu’il peut
atteindre par lui-même. Le fruit semble bon, mais il est fondamentalement
contrefait. Il arrive parfois que ceux qui croient en ces faux évangiles pros-
pèrent pour un temps.

18
La contrefaçon spirituelle

Cette illustration simple de l’idolâtrie, un adorateur pros-


terné devant une figure de bois, de métal ou de pierre, est
dépeinte avec force et à de nombreuses reprises dans la Bible.
Or, l’idolâtrie devient un concept qui permet de comprendre les
subtilités à la fois de la motivation individuelle et du condition-
nement social. Les idoles du cœur nous amènent à abandonner
Dieu de plusieurs manières. Elles se manifestent et s’expriment
partout, jusque dans les moindres détails de la vie intérieure
et extérieure. De plus, ces idoles du cœur s’accordent parfai-
tement avec les marchandises proposées à la foire aux vanités
de la vie sociale. Les invitations et les dangers que comporte
notre existence en société nous trompent en nous incitant à la
désertion et à l’idolâtrie. Ces thèmes présentent une perspective
fondamentale concernant les « mauvaises nouvelles » dont la
Bible est remplie.
En somme, les péchés comportementaux sont toujours décrits
dans la Bible comme « motivés » ou régis par un « dieu » ou des
« dieux ». Le problème de la motivation humaine, ou la question
de l’allégeance pratique à une alliance avec Dieu ou avec tout
autre substitut, est fréquemment présenté comme le problème de
l’idolâtrie. Or, l’idolâtrie est un problème profondément enraciné

Les thérapies qui à la base ne proposent pas la repentance laissent le


système d’idolâtrie inchangé. Ils ne font que le réhabiliter et le rebâtir afin
qu’il fonctionne mieux. Le modèle d’idolâtrie décrit dans la Bible tient
compte du fondement autodestructeur sur lequel les gens heureux, sûrs
d’eux-mêmes et en bonne santé (idoles fonctionnelles) construisent leur vie,
tout comme il reconnaît celui des gens malheureux, qui est plus directement
et plus manifestement autodestructeur (idoles dysfonctionnelles).

19
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

dans le cœur de l’homme : elle exerce une puissante emprise sur


nous à partir de notre environnement social.
Cela nous amène directement au deuxième volet de la ques-
tion mentionnée au début. Il concerne le counseling. Comment
est-il possible de concilier les trois énoncés suivants ?
Premièrement, les gens sont responsables des péchés asso-
ciés à leur comportement. Qu’on les appelle péchés, problèmes
personnels ou mode de vie dysfonctionnel, les gens sont res-
ponsables des pensées, des sentiments et des actes qui les
détruisent2. Si je suis violent ou craintif, c’est mon problème.
Deuxièmement, ceux qui ont des problèmes proviennent de
familles, de couples ou de sous-cultures où les autres personnes
impliquées ont également des problèmes. Les gens souffrent,
sont victimisés et abusés par les choses destructives que les autres
pensent, veulent, craignent, admirent, ressentent et font. Il peut
s’agir d’influences subtiles de l’entourage : l’apprentissage social
par l’intermédiaire de modèles d’attitudes, par exemple. Il peut
s’agir d’influences extrêmement traumatisantes qui incluent la
défaite et la victimisation. Nos problèmes sont souvent intégrés
à ceux des autres dans un étroit circuit de réactions. J’aurai
tendance à riposter quand on m’attaque, ou encore à m’éloigner
par crainte. Le problème de l’autre influe sur mon problème.

2. Bien sûr, la terminologie n’est pas neutre. Les « problèmes dysfonc-


tionnels » et le « mode de vie dysfonctionnel » impliquent une responsabilité
première uniquement envers soi-même, la famille et la société. Le « péché »
implique une responsabilité d’abord envers Dieu qui est le Juge, et des
responsabilités personnelles et sociales comme conséquences secondaires.

20
La contrefaçon spirituelle

Troisièmement, le comportement est motivé de l’intérieur


par des modèles complexes et presque inconscients de pensées,
de désirs, de craintes, de visions du monde et d’autre chose
encore qui régissent notre vie. Il est possible de se tromper soi-
même au plus haut point sur ce qui dirige et motive réellement
nos vies. Un comportement de violence ou d’évitement laisse
entrevoir les attentes qui me dominent. « Vous pourriez me bles-
ser… alors je ferais bien de garder mes distances, ou d’attaquer
en premier. » Mon comportement est une stratégie qui exprime
ma motivation : ma confiance, mes désirs, mes craintes, mes
« besoins ressentis ». De tels motifs s’inscrivent dans un éventail
qui va de la machination consciente à la compulsion aveugle.
Comment est-il possible que nous soyons tous simultané-
ment conditionnés par le tissu social, bernés par nos propres
raisonnements et responsables de notre comportement, sans
qu’aucun de ces facteurs ne puisse annuler les autres ?! Voilà
la question fondamentale que soulèvent les sciences sociales et
comportementales et c’est sur ce point qu’elles trébuchent toutes
quand elles font abstraction de Dieu.
C’est également la question cruciale à laquelle tout conseil-
ler chrétien doit tenter de répondre tant en théorie que dans
la pratique, et d’une manière qui reflète la pensée de Christ.
Par conséquent, la vision biblique de l’homme, à la fois dans
sa vie individuelle et sociale, est la seule qui relie ces diverses
dimensions en un tout.

21
Chapitre 3

UNE TENSION
TRIDIMENSIONNELLE

L es motifs sont ce qui nous aiguillonne : ils sont la cause ou


l’incitation qui nous pousse à l’action. Ils constituent tant
« la source » causale que « l’objectif » télique de la vie1. La notion
de motivation englobe la nature à la fois mue de l’intérieur et
orientée vers un but de la vie humaine, dans ses caractéristiques
les plus essentielles et les plus troublantes. Toutes les formes
de psychologie béhaviorale se heurtent à ces problèmes. Mais

1. Le mode biblique d’observation de la vie quotidienne décrit les pres-


sions liées à la motivation humaine comme des perspectives complémentaires.
Les diverses formes de psychologie ont tendance à imposer une perspective
axée sur les pulsions ou une perspective orientée vers les buts. L’idolâtrie est
une catégorie conceptuelle fertile et flexible qui reste près des réalités de la
vie, à la différence des spéculations abstraites que présentent les explications
alternatives et non bibliques.

23
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

aucune d’elles ne possède les ressources conceptuelles adéquates


pour comprendre le lien entre un comportement responsable,
l’influence du milieu social et le cœur qui d’une part s’abuse
lui-même et d’autre part détermine le cours de la vie.
Voici quelques exemples. Le moralisme, psychologie qui
semble logique au proverbial monsieur Tout-le-Monde, se
cantonne dans le comportement responsable. Les causalités
complexes y sont totalement mises en sourdine. Les formes de
psychologie béhaviorale voient à la fois les motivations et les
récompenses, mais misent sur le milieu, percevant les pulsions
comme des facteurs inaltérables. Le comportement responsable
et un cœur à demi-conscient mais renouvelable sont tous deux
passés sous silence. Les psychologues humanistes considèrent
l’interaction entre le désir intérieur et l’épanouissement exté-
rieur (ou la frustration), mais s’appuient en fin de compte sur
l’autodétermination humaine. Tant le comportement respon-
sable que le pouvoir de forces extrinsèques sont muselés. La
psychologie de l’égo voit le conflit tordu qui oppose le désir du
cœur et les accidents de parcours sociaux intériorisés. Or, le
milieu présent et le comportement responsable sont absents du
discours. À vrai dire, il est difficile de garder l’équilibre entre ces
trois dimensions qui semblent pourtant simples à première vue.

Le Dieu « unidimensionnel »
La Bible (en d’autres termes, la voix du Créateur de l’humanité !)
parle du même ensemble de problèmes avec une vision unifiée

24
Une tension tridimensionnelle

et unique. Il ne fait aucun doute que nous sommes moralement


responsables : nos œuvres ou notre fruit ont de l’importance.
De toute évidence, le fruit provient d’une racine intérieure que
bien souvent nous ne voyons pas.
Ainsi, les « idoles du cœur », les « désirs de la chair », la
« crainte de l’homme », « l’amour de l’argent », les « poursuites »,
« l’attachement aux choses terrestres », « l’orgueil », et une foule
d’autres descriptions imagées dépeignent bien le point de vue
biblique en ce qui a trait aux pulsions intérieures. Ces dernières
s’imposent faussement à nous comme des besoins ou des objec-
tifs évidents. Il va sans dire que nous expérimentons également
de puissantes pressions exercées par les forces sociales qui nous
entourent. Le « monde », la « foire aux vanités », le « conseil des
méchants », les « faux prophètes », les « épreuves et tentations », et
d’autres choses encore illustrent les influences exercées sur nous.
Qui plus est, d’autres personnes incarnent ces fausses normes
et valeurs, et les alimentent. Elles définissent mal ce qui mérite
l’estime ou la réprobation, la bénédiction ou la malédiction, la
voie qui conduit à la vie et celle qui conduit à la mort. De telles
personnes pèchent contre nous. Or, Dieu juxtapose de manière
tout à fait naturelle ces trois dimensions simples qui ont ten-
dance à voler en éclats dans les formulations humaines. Je suis
responsable de mes péchés : « Jean est un mauvais garçon. »
Ma volonté est asservie : « Jean ne peut s’en empêcher. » Je suis
trompé et berné par les autres : « Jean fréquente de mauvais
compagnons. » Comment toutes ces réalités peuvent-elles être
vraies en même temps ?

25
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

La réponse que négligent toutes les formes de psychologie et


de sociologie est en réalité fort simple : la motivation humaine
concerne toujours Dieu. Les sciences sociales et comportemen-
tales passent à côté de cette « intentionnalité », parce qu’elles
sont elles-mêmes motivées par l’idolâtrie. De manière on ne
peut plus ironique, elles intègrent à leurs grilles d’évaluation et
à leur méthodologie l’aveuglement à la nature même de l’objet
de leur étude.
La motivation humaine n’est intrinsèque ni à l’individu ni à
la société humaine. Elle n’est jamais strictement psychologique,
psychosociale ou psychosomatique. Elle n’est jamais simplement
psychodynamique, sociologique ou biologique, ni même une
combinaison de ces facteurs. Ces termes constituent tout au plus
des métaphores pour décrire les composantes d’un phénomène
unitaire essentiellement religieux ou fondé sur une alliance.
Ainsi, la motivation est toujours associée à la relation avec
Dieu. Par conséquent, la motivation humaine n’est pas le genre
de phénomène unitaire étendu à toute l’espèce que recherchent
avant tout les sciences humaines. On peut la trouver et l’ob-
server dans la vie réelle comme un phénomène foncièrement
binaire : la foi ou l’idolâtrie. Le seul point unitaire dans les
motifs humains est cette ancienne formulation théologique : les
êtres humains sont essentiellement des adorateurs. Ainsi, seule
la vision biblique est en mesure d’unifier les trois dimensions qui
semblent contradictoires dans l’explication du comportement.

26
Chapitre 4

LES PULSIONS ET LES BESOINS


SELON L’OPTIQUE BIBLIQUE

L a question profonde et ultime de la motivation n’est pas :


« Qu’est-ce qui me motive ? », mais plutôt : « Qui est le
maître de ce modèle de pensée, de sentiment et de comporte-
ment ? » Selon la vision biblique, nous sommes des créatures
religieuses inéluctablement liées à un dieu ou à un autre. À
vrai dire, nous n’avons pas des besoins. Nous avons plutôt des
maîtres, des seigneurs, des dieux, que ce soit nous-mêmes, les
autres, les objets auxquels nous attachons de l’importance,
Satan. L’image d’un cœur et d’une société idolâtres illustre le
fait que la motivation humaine comporte forcément une relation
à Dieu : qui, hors du vrai Dieu, est mon dieu ? Ci-dessous, deux
exemples : l’un cher au cœur des béhavioristes, et l’autre cher
au cœur des psychologues humanistes.

27
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

La faim en tant qu’idolâtrie


Quand « l’envie de manger » gouverne totalement ou partielle-
ment ma vie, il s’agit en réalité d’un comportement religieux. Moi,
« la chair », je suis devenue mon propre dieu, et la nourriture est
devenue l’objet de ma volonté, de mes désirs et de mes craintes.
La Bible observe le même ensemble de motifs que les sciences
béhaviorales appellent les « pulsions primaires ». Bien sûr, un
phénomène biologique est enclenché, de même qu’un phénomène
psychologique et sociologique. Mais la conceptualisation de la
Bible diffère radicalement. Je ne suis pas « dominé par la faim ».
Je suis « dominé par la faim plutôt que dominé par Dieu ».
Notre relation à la nourriture devrait être caractérisée par le fait
de manger avec gratitude ce que nous reconnaissons avoir reçu,
et de partager généreusement. Or, les désirs normaux tendent
à devenir excessifs et à nous asservir : je me livre activement à
l’idolâtrie lorsque la sensation normale de la faim est à la source
d’un problème de comportement et d’attitudes. L’emprise qu’exerce
sur mon cœur une telle idole peut se manifester par divers péchés
qui en sont les conséquences logiques : la gourmandise, l’anxiété,
l’ingratitude, les obsessions alimentaires, les « troubles de l’ali-
mentation », l’irritabilité quand le repas n’est pas servi à l’heure,
la convoitise pour la plus grosse part de la tarte, l’avarice, le fait
de manger pour se sentir bien, et ainsi de suite1. La racine du

1. Matthieu 4.1-4 ; 6.25-34, Jean 6 et Deutéronome 8 sont quatre


passages parmi tant d’autres qui abordent ces thèmes de manière pratique
et détaillée. Remarquez comment le langage qui se rapporte à Dieu peut

28
Les pulsions et les besoins selon l’optique biblique

comportement problématique se situe dans le cœur et a un lien


avec Dieu.
Toutefois, les idoles qui peuplent notre relation à la nourri-
ture sont tout aussi sociales que biologiques et psychologiques.
Il est possible que mon père ait eu des attitudes similaires. Ma
mère s’est peut-être tournée vers la nourriture pour recevoir
de l’amour et calmer son anxiété. Ils ont peut-être traversé la
Grande Dépression et vécu de graves privations qui ont laissé
leur marque et fait de la nourriture un sujet d’anxiété particu-
lier. La nourriture a peut-être toujours constitué la drogue de
prédilection de ma famille : le moyen par lequel s’expriment
l’amour, le bonheur, la colère et le pouvoir. Il se peut que je sois
bombardé de publicités alimentaires évocatrices. Les variantes et
les permutations sont presque infinies dans cette problématique.
Notre appartenance à la société des filles et des fils déchus
d’Adam fait en sorte que nous serons tous, d’une manière ou
d’une autre, idolâtres de la nourriture2. L’adhésion à la société
de consommation nord-américaine confère une image typique
à cette idolâtrie. Un système complexe de valeurs idolâtres peut
être relié à l’alimentation. Par exemple, nous convoitons nor-
malement une grande variété de produits alimentaires. Les
aliments jouent un rôle dans l’image de la beauté et de la force
que nous servons, dans notre désir d’être en santé et notre peur
de la mort. La nourriture, avec ses quantités et ses types de mets,

être appliqué à notre relation avec la nourriture : aimer, se confier, craindre,


espérer, rechercher, servir, se réfugier, etc.
2. Matthieu 6.32 : « Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. »

29
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

ses modes de préparation et de consommation, s’inscrit dans la


position sociale. Ainsi, l’appartenance à une société éthiopienne
affamée aurait typiquement influencé cette idolâtrie générique
de manière différente. L’appartenance à la microsociété que
représente ma famille donne un style encore plus particulier à
l’idolâtrie alimentaire. Par exemple, il est possible que la faim
ait justifié l’irritabilité dans notre système familial et que le
fait de manger ait été salvifique : la nourriture a délivré notre
famille de la destruction par la colère. Toutefois, dans tous ces
niveaux de participation sociale, mon individualité est préser-
vée. J’appose mon propre sceau idiosyncrasique sur l’idolâtrie
alimentaire. Par exemple, je suis peut-être particulièrement
asservi aux grignotines Fritos quand je suis tendu. En même
temps, cette habitude m’inquiète, notamment parce que je sais
que les colorants alimentaires rouges sont cancérigènes !

La sécurité en tant qu’idolâtrie


D’une part, les béhavioristes parlent de « pulsions » et ont ten-
dance à « réduire » leur champ d’intérêt aux similitudes les plus
frappantes entre l’humain et l’animal. D’autre part, les huma-
nistes et les existentialistes parlent de « besoins » et tendent à
se concentrer sur des objectifs sociaux et existentiels uniques à
l’homme. Cependant, la même critique s’applique aux uns et
aux autres. Quand un « besoin de sécurité » gouverne ma vie
en entier ou en partie, il s’agit en réalité d’un comportement
religieux. Plutôt que de servir le Dieu véritable, je sers le dieu

30
Les pulsions et les besoins selon l’optique biblique

du respect et de l’approbation des hommes, que ce soit les miens


ou ceux de mon entourage.
Je suis idolâtre. Ce n’est pas « un besoin de sécurité » qui
me motive. Je suis d’abord « dominé par une puissante soif de
sécurité plutôt que d’être gouverné par Dieu ». Puisque le désir
et la crainte constituent des perspectives complémentaires de
la motivation humaine, je crains l’homme au lieu de craindre
Dieu et de lui faire confiance.
Ainsi, les théories centrées sur les besoins de même que celles
centrées sur les pulsions n’incluent jamais la dimension « plutôt
que Dieu ». Cependant, cette dimension est toujours encastrée
dans la question de la motivation humaine. Ces théories ne par-
viennent pas à cerner le problème fondamental de l’idolâtrie : les
choses qui nous régissent la plupart du temps sont en réalité des
désirs immodérés de la chair qui constituent carrément des solu-
tions de rechange au fait de se soumettre aux désirs de l’Esprit.
Bien sûr, nos désirs de sécurité sont à la fois dictés et spon-
tanés. La « foire aux vanités » opère aussi efficacement dans ce
domaine qu’elle le fait dans le cas de la faim. Des individus
puissants et persuasifs nous séduisent et nous intimident pour
susciter tour à tour notre confiance ou notre crainte. En nous
reprochant d’avoir mis notre confiance au mauvais endroit et
en nous amenant à reconnaître la force des pressions exercées
sur nous, les Écritures nous offrent l’alternative libératrice de
la connaissance du Seigneur3.

3. Proverbes 29.25 ; Jérémie 17.5-8.

31
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

Les idoles : un développement secondaire ?


Lorsque des chrétiens adoptent les structures conceptuelles de
la psychologie humaniste, ils perdent de vue les éléments fon-
damentaux à la base de la motivation humaine qui tentent de
se substituer à Dieu. Par exemple, plusieurs conseillers chrétiens
donnent un caractère absolu au besoin ou désir d’amour. En fins
observateurs de la nature humaine, ils perçoivent avec justesse
que des êtres déchus et condamnés sont poussés à rechercher la
stabilité, l’amour, l’acceptation et l’affirmation. Ils admettent
que nous cherchons ces bénédictions dans de vaines idoles.
Puisqu’ils sont des chrétiens engagés, ils souhaitent la plupart
du temps amener les gens à faire confiance à Jésus-Christ plu-
tôt qu’à leurs idoles. Cependant, ils ont tort d’utiliser l’a priori
du besoin relationnel universel, la notion du désir inné et du
réservoir d’amour qui est vide pour décrire la réalité d’un cœur
partagé entre la foi et l’idolâtrie.
Ils nomment ce « besoin » et prétendent qu’il a été créé
par Dieu. L’idolâtrie devient ainsi une manière inappropriée
de répondre à un besoin légitime, et notre incapacité à aimer
les autres est perçue comme le résultat de besoins inassouvis.
L’Évangile de Christ est redéfini comme étant la façon adéquate
de répondre à ce besoin. Par conséquent, selon cette théorie,
l’idolâtrie ne constitue qu’un développement secondaire : nos
idoles sont un moyen inapproprié de répondre à des besoins
légitimes. Se repentir de l’idolâtrie devient également secon-
daire, puisqu’elle sert à la satisfaction de nos besoins. Cette

32
Les pulsions et les besoins selon l’optique biblique

satisfaction est interprétée comme étant le contenu principal


de la bonne nouvelle de Dieu en Christ.
La Bible affirme cependant que l’idolâtrie constitue le fac-
teur principal de la motivation. Nous ne parvenons pas à aimer
les gens parce que nous sommes des idolâtres qui n’aiment ni
Dieu ni leur prochain. À vrai dire, notre sentiment d’insécu-
rité vient du fait que nous demeurons sous la malédiction de
Dieu et que les autres sont tout aussi égocentriques que nous
le sommes. Nous sommes déconnectés à la fois de Dieu et des
autres, et nous créons nous-mêmes cette séparation. L’amour
de Dieu nous enseigne néanmoins à nous repentir de notre
« besoin d’amour » et à le considérer comme de la convoitise.
Il nous invite à recevoir l’amour véritable et miséricordieux, et
à apprendre comment aimer plutôt que d’être consumés par
notre désir d’être aimés.
Les humains éprouvent de la convoitise à l’égard de toutes
sortes de faux dieux et même à l’égard de bonnes choses, comme
l’amour. Ils tentent ainsi d’échapper à la domination de Dieu.
Les divers domaines de la psychologie axés sur le besoin d’amour
conservent intact le jardin secret de l’idolâtrie qui se situe au
fond du cœur. Dans les faits, la logique qui sous-tend la notion
du besoin d’amour est analogue aux faux « évangiles de la santé
et de la prospérité », où Jésus comble vos aspirations profondes
sans remettre en question ces aspirations.
Il n’est pas étonnant de constater que la psychologie centrée
sur le besoin d’amour n’attire qu’un certain type d’individus
parmi ceux qui sont en recherche de counseling. À l’évidence,

33
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

ces individus sont particulièrement branchés sur ce qu’on pour-


rait appeler les idoles de l’intimité.
En réalité, de telles théories perdent leur attrait et leur effica-
cité dans un cadre « transculturel », auprès de gens pour qui les
idoles dominantes ne sont pas celles de l’intimité, mais plutôt
des idoles du pouvoir, du statut social, des plaisirs sensuels, de
la réussite ou de l’argent, par exemple. Un système axé sur le
besoin d’amour doit interpréter de telles idoles de façon réduc-
tionniste. Il les considérera comme des versions indirectes et
compensatoires du « vrai besoin » qui motive les gens.
La Bible est plus simple. En effet, toute idole peut exercer
une emprise indépendante sur le cœur de l’homme. Les idoles
peuvent également se fondre en partie l’une dans l’autre. Par
exemple, un homme aux prises avec un problème tenace de
pornographie et d’impudicité peut expérimenter une délivrance
s’il admet avec repentance que sa convoitise exprime sa colère
et sa frustration concernant son célibat. Il n’avait jamais vu le
désir de se marier comme idolâtre. À vrai dire, les idoles peuvent
être composées d’un amalgame d’idoles. Toutefois, la convoitise
sexuelle dans son existence première est elle-même une idole.
L’interprétation biblique du thème de l’idolâtrie permet de
comprendre pourquoi les modèles axés sur les besoins semblent
plausibles. Elle repense aussi complètement ce modèle. Selon la
réalité biblique (autrement dit, selon la réalité tout court !), il
n’y a rien à l’origine de la motivation humaine qui se rapproche
de cet a priori, de ce besoin neutre et normal d’amour.

34
Les pulsions et les besoins selon l’optique biblique

Le thème biblique de l’idolâtrie fournit un outil pénétrant


pour comprendre à la fois les sources du comportement pécheur
et ce qui l’alimente. Il est possible de comprendre en profondeur
les causes de certains péchés quand on les considère du point
de vue de l’idolâtrie : les pulsions biologiques, les forces psy-
chodynamiques provenant de l’intérieur, le conditionnement
socioculturel, ou les tentations et les attaques démoniaques.
Cette compréhension prépare le terrain pour que le counseling
chrétien devienne chrétien tant dans sa pratique que de nom.
Ainsi, le counseling devient le ministère aux multiples facettes
de la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

35
Chapitre 5

ÉTUDE DE CAS ET ANALYSE

L ’étude du cas d’une personne blessée, craintive et en colère


montrera plus en détail la relation entre le « monde » et le
« cœur » dans le développement de comportements complexes
et dysfonctionnels, ses réactions émotionnelles, son processus
cognitif et ses attitudes. Wally1 est un homme de 33 ans, marié
à Ellen depuis huit ans. Ils ont deux enfants. Il est un chrétien
très engagé. Il travaille à mi-temps pour son Église locale à

1. La ressemblance entre « Wally » et tout être humain réel n’est que


le produit d’une pure coïncidence de similitudes fondamentales existant
entre nous tous. Les détails extérieurs de cette étude de cas sont fabriqués à
partir de bribes et de modèles provenant de plusieurs vies différentes. Tous
les détails fournis quant au comportement, au sexe, à l’âge et à l’arrière-plan
ont été modifiés. De même, l’analyse des diverses formes d’idolâtrie dérive
d’une analyse biblique du cœur humain, incluant mon propre cœur, plutôt
que de celui d’un seul individu. En fait, Wally est monsieur Tout-le-Monde,
et il manifeste de manière idiosyncrasique la nature idolâtre de l’être humain.

37
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

titre d’administrateur et de responsable du bâtiment et aussi à


mi-temps en tant que diacre dans un ministère de compassion
auprès des pauvres de la ville. Le couple a été suivi en counseling
à la suite d’une explosion survenue dans leur relation souvent
tendue. Wally s’était mis en colère au point de battre sa femme.
Il s’est ensuite enfui en menaçant de ne jamais revenir. Il est
réapparu trois jours plus tard, plein de culpabilité, de remords
et d’un sentiment généralisé d’échec.
Les problèmes actuels du couple sont la version exacerbée de
problèmes de longue date : colère, dépression, inaptitude à se
réconcilier réellement, menaces de violence alternant avec des
menaces de suicide, travail compulsif alternant avec la fuite,
habitude de consommation modérée d’alcool en présence de
stress, communication généralement médiocre, recours à la
pornographie, et enfin, solitude. Wally n’a aucun ami proche.
Il y a plusieurs années, il s’est engagé dans une relation
sexuelle illicite avec une femme avec qui il œuvrait dans son
ministère de diaconat : « C’est mal, je le sais. Mais je me sentais
si triste pour elle et pour la vie dure qu’elle avait connue que j’ai
cherché à la consoler physiquement. » Il a rompu avec elle et
Ellen lui a pardonné. Toutefois, ils reconnaissent tous les deux
qu’il subsiste un résidu de culpabilité et de méfiance.
Il oscille entre deux attitudes opposées : « le lance-flammes
et le congélateur ». D’une part, il peut se montrer abrasif, mani-
pulateur, coléreux et impitoyable. D’autre part, il se tient à
l’écart, se sent blessé, anxieux, coupable et il craint les gens.
Certaines circonstances suscitent sa colère : « le comportement

38
Étude de cas et analyse

autoritaire d’Ellen, ses remarques désobligeantes, son désir de


me contrôler, le fait qu’elle ne m’accorde aucun soutien, aucune
écoute ». En même temps, ses propres péchés le mènent à la
dépression. Ses attitudes typiques et celles de sa femme créent
un système de réactions dans lequel chacun a tendance à faire
ressortir et à renforcer le pire chez l’autre.
Wally a grandi dans une famille juive laïque de la classe
ouvrière. Son père était âgé de 52 ans et sa mère de 42 ans
quand il est né. Après de longues heures de travail acharné et
d’habitudes parcimonieuses, ils sont parvenus à acheter une
maison peu après la naissance de Wally. Cette propriété était
située dans une banlieue relativement aisée dont la popula-
tion était majoritairement composée de blancs anglo-saxons
protestants. Le père de Wally était un homme impossible à
satisfaire qui critiquait sans arrêt. « À l’école, j’obtenais des A
dans toutes les matières, mais si par malheur j’obtenais un seul
B, je l’entendais me dire : “Mais qu’est-ce que c’est que ça ?” Si
je tondais la pelouse ou ratissais les feuilles mortes, il me disait :
“Tu as oublié un coin derrière le garage.” »
Après sa retraite à l’âge de 70 ans, le père de Wally s’est
adouci quelque peu. « Le fait que je sois devenu chrétien et que
j’aie tenté de lui pardonner a fait en sorte que notre relation
est devenue plus clémente dans les cinq dernières années de sa
vie. Ma mère était bien intentionnée, gentille, mais inefficace,
puisqu’elle était totalement intimidée par mon père. » Wally était
un type plutôt bizarroïde à l’école secondaire : « Je n’ai jamais
été à la hauteur des valeurs bourgeoises de mes compagnons.

39
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

J’étais trop intelligent, trop désordonné, trop laid, trop timide,


trop maladroit et trop pauvre pour me démarquer à l’école. »
Wally est devenu chrétien au cours de sa première année
d’université et s’est immédiatement orienté vers le travail
auprès des pauvres et des démunis. « J’ai peu de sympathie
pour les riches chrétiens des banlieues, mais j’aime les pauvres,
les parents célibataires, les anciens toxicomanes, les patients
psychiatriques, les ex-détenus, les orphelins et les veuves, les
personnes handicapées et les ratés. » Son engagement chrétien
est intense et domine sa vie. Il aime Jésus-Christ. Il croit à
l’Évangile. Il désire partager Christ avec les autres. Il connaît
les péchés associés à son comportement, mais il se sent pris au
piège. « Je réagis instinctivement. Ensuite, je me sens coupable.
Vous voyez le genre ! »
Financièrement, Wally et Ellen ne sont pas riches. Ils ne sont
pas du genre à faire des dépenses extravagantes, mais ils doivent
continuellement faire face à des décisions financières : avons-
nous les moyens d’offrir des appareils dentaires aux enfants ?
Devrions-nous acheter une maison ? Devrions-nous prendre des
vacances ou chercher un travail d’appoint pour gagner un peu
d’argent supplémentaire ? Combien d’heures par semaine Ellen
devrait-elle travailler à l’extérieur de la maison ? Pouvons-nous
vraiment nous permettre de donner la dîme ? Devrions-nous
céder au désir des enfants et acheter un lecteur DVD ? Ils
dépensent au fur et à mesure ce qu’ils gagnent pour subvenir à
leurs besoins. À vrai dire, le cycle des factures engendre pério-
diquement une bonne dose de stress. Comment les conseillers

40
Étude de cas et analyse

chrétiens doivent-ils interpréter la situation de Wally de manière


à pouvoir l’aider ?

La « foire aux vanités » : la sociologie de l’idolâtrie


Les idoles conçoivent le bien et le mal de manière contraire aux
définitions de Dieu. Elles proposent un lieu de maîtrise rattaché
aux choses terrestres : certains objets (par exemple, l’argent), les
autres (« je dois plaire à mon père intransigeant »), soi-même
(s’appuyer sur soi dans la poursuite d’objectifs personnels), etc.
Ces faux dieux créent de fausses règles, de fausses définitions
de la réussite et de l’échec, et déterminent les valeurs à préconi-
ser de même que les marques d’infamie. Les idoles promettent
des bénédictions et menacent de malédictions tous ceux qui
obéiront ou désobéiront à ces règles : « Si vous épargnez suffi-
samment pour votre retraite, vous connaîtrez la sécurité. Si je
peux obtenir l’estime et le respect de certaines personnes, ma
vie aura de la valeur. » Plusieurs valeurs idolâtres ont influencé
Wally et continuent à exercer de la pression sur lui. Elles le
séduisent, l’effraient, le contrôlent, le contraignent et l’asser-
vissent. Les exigences perfectionnistes de son père constituaient
une des idoles prédominantes qui ont marqué l’histoire person-
nelle de Wally : « Tu dois me plaire de la manière dont je l’aurai
décidé. » Wally a cru aux exigences pécheresses et mensongères
de son père.
La « crainte de l’homme » décrit le phénomène du point de
vue psychologique de l’équation, celle d’une idole particulière

41
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

du cœur. « L’oppression et l’injustice » décrivent les exigences


élevées de son père du point de vue sociologique. Le style de
leadership dominateur adopté par son père était celui d’un
roi-tyran et non celui d’un roi-serviteur qui cherche à pro-
mouvoir le bien-être de son fils2. À vrai dire, il lui a menti, l’a
intimidé, asservi et condamné. « Je me souviens d’un jour où
j’étais allongé sur mon lit alors que mon père me sermonnait
en vociférant, dans un délire interminable. » Wally a été condi-
tionné à se préoccuper au plus haut point de ce que pensaient
de lui les personnes importantes de sa vie. En même temps,
il a cru au mensonge de l’idole. Il est à la fois la victime et le
coupable. Il a été berné par de puissantes idoles qui exerçaient
leur influence au sein de sa famille. Il a aussi instinctivement
opté pour ces mêmes idoles tout en produisant ses propres
idoles rivales.
Les relations sont rarement statiques. L’opinion critique de
son père revêtait divers aspects et a généré plusieurs phases dans
sa relation avec ce dernier. Il arrivait parfois que Wally réussisse
temporairement à plaire à son père et il avait alors une bonne
opinion de lui-même. À d’autres moments, il échouait aux yeux
de son père et s’attirait alors son mépris et des commentaires tels
que : « Tu n’es qu’un crétin, une femmelette pleurnicharde ! »
Tantôt, il s’efforçait de façon obsessive et presque maniaque
de plaire à son père. Un été, il a passé tout son temps à essayer
d’apprendre à dribler un ballon de basket de manière à « ne

2. Marc 10.42-45.

42
Étude de cas et analyse

pas ressembler à une fillette de six ans ». C’est dans ce creu-


set qu’ont été déterminés certains des modèles typiques de sa
« faible estime de soi ».
Tantôt, Wally se rebellait contre son père et contre ses exi-
gences implacables. Il opposait sa volonté à celle de son père.
Sa grande intelligence faisait de lui un rebelle redoutable et
créatif. Au cours de son adolescence, il a réussi à rendre son
père à moitié fou en élaborant un système de valeurs contraires
au sien (en servant des idoles opposées) : musique rock, accou-
trements et coiffures ridicules, politique de gauche, consom-
mation de marijuana. « Je dois plaire à mon père » est l’idole
qui l’a conduit vers une autre : « Je ferai ce que je veux et je
m’opposerai à mon père3. »
Certains éléments de la conversion au christianisme de
Wally pourraient même être interprétés comme faisant partie
de cette tendance à se définir en opposition aux valeurs de son
père. Il s’est en quelque sorte opposé à la culture ethnique juive
et laïque d’un homme qui aspirait à gravir les échelons sociaux.
D’ailleurs, il aurait pu à l’occasion se servir du christianisme
pour tourmenter son père. À vrai dire, les idoles sont plutôt
flexibles et malléables. Par conséquent, cette attitude rebelle
est devenue à long terme l’engagement prédominant de Wally

3. Jean Calvin, dans sa remarquable analyse de la nature de l’homme


dans la section d’ouverture de son Institution, énonce la manière dont les
idoles sont « en ébullition à l’intérieur de nous ». On pourrait également dire
qu’elles sont en ébullition tout autour de nous. Il existe toujours à portée de
main un objet dans lequel nous pouvons mettre notre foi.

43
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

et elle soutient un certain ressentiment qu’il ressent toujours


lorsqu’il se rappelle son père, décédé cinq ans plus tôt. Toutefois,
la rébellion est un mélange qui peut être teinté de regrets, de
l’impression d’avoir échoué, ou même de tendances miséricor-
dieuses et douces. « Parfois, je pense que j’ai vraiment fait la
paix avec mon père : une paix honnête et pleine de grâce que
Christ a minutieusement forgée en moi. À d’autres moments,
je sais que je perds les pédales et que je réagis comme l’animal
blessé et fier que j’étais auparavant. »
Or, l’attitude de son père n’était pas statique non plus. Dans
ses dernières années, il s’est adouci considérablement. La foi
chrétienne de Wally et l’évolution de son père en un homme
plus doux se sont combinées pour produire une bonne mesure
de bienveillance et de pardon dans leur relation. Cette rela-
tion est devenue paisible, mais n’a jamais été chaleureuse. Les
idoles ont une histoire, une « durée de vie sur les tablettes4 ».
La foire aux vanités est constamment en mouvement. Ainsi,
un père intraitable est devenu moins exigeant et avec le temps,
il a choisi une idole plus conviviale. Il a cherché à se prélasser
à la chaleur bienfaisante de la « famille » et de la retraite. De
même, nos cœurs sont constamment en mouvement. Un ado-
lescent qui éprouvait un désir compulsif de plaire est devenu
un jeune homme partagé entre le désir de plaire et la rébellion.
En conséquence, le jeune homme est devenu un homme d’âge
mûr conditionné et hanté par certains modèles compulsifs

4. Je suis redevable à Dick Keyes, de L’Abri Fellowship, pour cette


heureuse expression.

44
Étude de cas et analyse

contradictoires, même après le décès de son père terrestre. Wally


convoite l’approbation et le respect des gens et pourtant, il se
rebelle et s’isole dans son orgueil.

Les idoles multiples


Nous sommes infestés d’idoles. Les modèles idolâtres dans la
relation entre Wally et son père se manifestent également dans
d’autres relations. Il a d’ailleurs connu des conflits constants
avec des figures d’autorité à l’école, dans l’armée, au travail
et dans l’Église. Il a eu le même type de problèmes avec sa
femme, ses amis et même ses enfants. Naturellement, le pro-
fil est le même dans sa relation de counseling, avec tous les
défis que comporte l’établissement de la confiance dans une
relation saine. Il continue à manifester un mélange typique
de problèmes connexes : un désir servile d’être approuvé, une
profonde méfiance et une indépendance obstinée.
De toute évidence, les exigences de son père ont constitué
un système d’idolâtrie qui a revendiqué l’affection de Wally.
Les autres influences dans sa vie seront traitées avec moins de
détail, mais chacune d’elles pourrait être examinée de la même
manière. En effet, la passivité de sa mère devant le conflit a
façonné un modèle qui, souvent encore, déteint sur sa relation
avec Ellen. À l’école, ses pairs le considéraient comme un raté
parce qu’il ne correspondait pas aux critères de leurs « valeurs
bourgeoises » : rendez-vous galants, athlétisme, prouesses
sexuelles, apparence, vêtements, argent, attitude « cool ». Or,

45
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

cette étiquette d’échec qu’on lui a apposée a également contribué


à alimenter sa rébellion, de même que son sentiment de honte et
d’impuissance. Il n’a pas été à la hauteur des valeurs bourgeoises
qu’il avait embrassées. Par conséquent, il s’est rebellé contre elles
et a adopté les valeurs alternatives de la culture de la drogue où
il a connu du succès. Il s’est ensuite rebellé contre tout le monde
pour s’isoler dans un monde à part. Cette formule fonctionnait
plutôt bien à l’occasion, mais pas toujours.
Toutes ces choses se sont produites tantôt simultanément,
tantôt successivement. Même les valeurs contre-culturelles de
sa sous-culture « chrétienne radicale » peuvent être interprétées
en partie comme une réduction idolâtre de la vie chrétienne en
réaction à l’équation opposée, également idolâtre, du christia-
nisme empreint du rêve américain. Certaines valeurs bibliques
sont idéalisées au détriment d’autres valeurs tout aussi bibliques.
À vrai dire, Wally continue à vivre selon un thème en trois
volets. D’abord, il se rebelle de manière générale contre cer-
taines cultures dominantes de « gens qui réussissent ». Ensuite,
il trouve sa valeur dans l’affirmation d’une sous-culture de
« laissés-pour-compte ». Enfin, il continue simultanément à se
comporter selon son orgueil caractéristique pour créer sa propre
sous-culture dans laquelle il joue le rôle incontesté du roi et où
son opinion sur tous les sujets, du dîner à l’eschatologie, tient
lieu de vérité évidente.
« Qui peut sonder le cœur de l’homme ?! » Et qui peut
comprendre le monde qui négocie avec ce cœur ?! Wally et
les innombrables forces qui influent sur lui échappent à une

46
Étude de cas et analyse

analyse exhaustive et rationnelle. Cependant, nous sommes


en mesure de déceler juste assez de ce qui se produit dans ce
cœur et ce monde complexes pour pouvoir exercer un ministère
utile envers lui. Le Wally auquel nous avons affaire est celui
d’aujourd’hui et non pas celui d’une époque ancienne de son
parcours personnel. Nous pouvons lui offrir le conseil de la
Bible, c’est-à-dire la pensée de Christ, concernant sa façon de
vivre. Ainsi, la sagesse qui émane d’une langue édifiante et
douce comme le miel peut donner un sens à la fois satisfaisant
et persuasif aux circonstances de sa vie. Wally peut apprendre
à vivre, à penser et à agir selon cette sagesse.
De nombreux autres systèmes et sous-systèmes d’idoles
envahissent la vie de Wally. Certaines ont déjà été décrites
par John Bunyan dans sa foire aux vanités : attitudes, valeurs,
craintes et opportunités culturelles centrées sur l’argent, la
sexualité, la nourriture, le pouvoir, la réussite ou le confort.
Certaines idoles d’apparence amicale, comme les médias de
masse, les sports professionnels et l’industrie de l’alcool, le
séduisent en lui procurant des compensations temporaires.
Elles constituent autant de faux sauveurs qui l’incitent à fuir
les pressions générées par l’asservissement à d’autres idoles plus
dures et plus terrifiantes. Ces dernières le soumettent parfois à
un joug pénible et le font avancer à coups de paroles cinglantes :
« Je dois performer. Je dois prouver qui je suis. Tous ceux que je
respecte doivent m’aimer. Qu’arrivera-t-il si j’échoue ? »
C’est également dans le cadre conjugal et familial qu’opèrent
certains des systèmes d’idoles qui ont un impact quotidien sur

47
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

Wally. Les valeurs et les désirs d’Ellen et des enfants l’incitent à


modifier sa manière d’agir. En effet, il arrive qu’Ellen s’inquiète
à propos de l’argent, qu’elle lui fasse la morale et le nargue avec
ses attentes d’un changement de comportement. Les enfants
s’emportent aussi à l’occasion et se plaignent quand ils n’ob-
tiennent pas ce qu’ils veulent. Wally est alors tour à tour inquiet,
furieux, conciliant, déprimé ou en déni total. Il adopte une
attitude défensive ou autre chose encore, dépendamment de la
manière dont il interagit avec la microsociété qui le contraint5.
Voilà une manière « sociologique » d’explorer la question :
« Qu’est-ce qui me domine ? » Les faux dieux sont extrêmement

5. Où commencer dans le counseling ? Y a-t-il une hiérarchie d’in-


fluences à respecter ou des relations influentes « clés » à examiner ? Il se
peut bien que ce soit le cas. Plus précisément, la relation de Wally avec ses
parents est-elle la clé d’un counseling efficace ? Pas forcément, bien que la
psychologie psychodynamique soit fortement partiale quand il s’agit des
relations parent-enfant. On ne trouve pas ce genre de propos subjectifs
dans la Bible (elle ne se prononce ni en faveur, ni contre la considération
des relations avec les parents).
Je ne crois pas que dans la présente situation de counseling, la relation de
Wally avec son père et sa mère soit la plus importante à traiter pour l’instant.
En principe, nous pourrions aborder n’importe quelle relation troublée de la
vie de Wally et nous y retrouverions généralement les mêmes problèmes, les
mêmes idoles et les mêmes péchés. Mon instinct m’indique que les questions
à aborder au cours du counseling seraient celles qui concernent Ellen et les
enfants. C’est là que se situent la plupart des problèmes épineux. Sa relation
avec son père pourrait être mentionnée, tout comme les autres relations
importantes, quand surviennent des problèmes qui y sont directement reliés.
Toutefois, pour que Wally grandisse et soit renouvelé, pour qu’il se repente
avec intelligence et que son cœur aussi bien que son comportement soient
transformés, il n’est pas nécessaire d’examiner la relation parentale.

48
Étude de cas et analyse

séduisants ! À juste titre, la Bible entière abonde en avertisse-


ments contre le fait de prendre part aux cultures païennes et
de s’associer aux idolâtres, aux insensés, aux faux docteurs, aux
hommes coléreux, et ainsi de suite. Non seulement nos ennemis
nous font du mal, mais ils essaient également de nous inciter
à leur ressembler. D’ailleurs, ces voix mensongères ne sont pas
le produit de la fiction ou une simple hallucination de l’âme.
Le « monde » s’associe à la « chair » pour constituer, tel un bloc
monolithique, une œuvre mauvaise : la fabrication d’idoles au
lieu de l’adoration du Dieu véritable.
Or, pour aider les gens à voir et à entendre Dieu, nous
devons bien connaître les autres dieux qui réclament leur atten-
tion. Ces forces et ces influences qui nous façonnent ne déter-
minent ni n’excusent nos péchés. Cependant, elles alimentent
et intensifient notre nature pécheresse et la canalisent vers une
direction particulière. Ces influences sont souvent ambiantes,
invisibles et inconscientes. La repentance consciente se produit
à partir du moment où je commence à voir les distorsions qui
jaillissent de l’intérieur et celles qui m’assaillent de l’extérieur.
Les deux me tentent, et je dois les combattre toutes les deux.
Les Écritures sont sensibles aux forces sociologiques sans
toutefois faire de compromis au sujet de la responsabilité
humaine. En effet, les idoles se trouvent également à l’intérieur
de notre propre cœur et déterminent le cours de notre vie. Le
cœur de Wally est en constante réaction à son environnement,
c’est-à-dire à ses idoles. Ces dernières s’insinuent dans tous les
domaines de sa vie. À vrai dire, il est impossible de les dissocier

49
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

de manière absolue. Néanmoins, la section suivante examinera


plus en détail la dimension psychologique de l’idolâtrie.

Les idoles du cœur : la psychologie de l’idolâtrie


À première vue, disons que Wally est imbibé des idoles aux-
quelles il a été exposé et qu’il a également conçu les siennes avec
beaucoup d’ingéniosité. Il a tour à tour réussi ou échoué. Il s’est
rebellé contre divers systèmes de valeurs, mais dans tous les cas,
il a cultivé et embrassé de nombreuses valeurs non bibliques.
Par sa vie, il a implicitement validé plusieurs mensonges. Par
conséquent, son cœur est profondément partagé entre le Dieu
véritable et les idoles. Est-il chrétien ? Bien sûr. Toutefois, il doit
être sensibilisé aux modèles particuliers d’idolâtrie qui, dans la
pratique, se substituent à la foi en Christ. Seule l’œuvre continue
de renouvellement du cœur peut véritablement susciter une telle
prise de conscience. Il y a eu une part de fruit authentique dans
sa vie. Cependant, dans une certaine mesure, il a également
tenté de conformer la volonté de Dieu au programme de la chair.
De toute évidence, les idoles sont rarement solitaires. Nos
vies en sont infestées. Wally est psychologiquement dominé
par une abondante variété de faux dieux. Notamment, il oscille
constamment entre « l’orgueil » et « la crainte de l’homme »6.

6. « Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine »


(1 Co 10.13). Cette oscillation entre l’orgueil et la crainte de l’homme est
caractéristique de la nature humaine. Elle se manifeste dans une variété
infinie de formes.

50
Étude de cas et analyse

D’une part, l’orgueil, ou le fait de jouer le rôle de Dieu, génère


un ensemble de péchés : colère, manipulation, désir compulsif
de dominer les gens et les circonstances, « personnalité de type
A », rébellion contre les parents et les bourgeois. D’autre part,
la crainte de l’homme, ou le fait de considérer les autres comme
des dieux, produit un autre ensemble de péchés : obsession de
l’image, craintes, dépression, échec, anxiété, retrait, sentiment
lancinant d’infériorité, comportement caméléon. Ainsi, l’orgueil
et la crainte de l’homme travaillent main dans la main pour
produire son « perfectionnisme » tant dans son aspect anxieux
que dans son aspect exigeant : « ma performance à vos yeux,
votre performance à mes yeux ».
Plusieurs autres dieux attendent dans les coulisses et jouent à
l’occasion de petits rôles dans le drame de la vie de Wally. Parfois,
le dieu de Wally est une soif d’évasion et de confort, loin de cette
pression qu’il a lui-même créée. L’abus d’alcool, la télé, les jeux
vidéo et la pornographie lui procurent une évasion éphémère.
Par ailleurs, il lui arrive parfois d’être possédé par le désir
« d’aider » les gens. Il devient alors obsédé par son ministère
et se met en colère contre tout ce qui l’entrave. Il a tendance à
se prendre pour le messie (et même à devenir adultère) et jus-
tifie toute action douteuse de sa part en fonction de la valeur
suprême de « son ministère ». Bien entendu, il ne s’agit là que
d’un échantillon. En effet, des dizaines de dieux de moindre
importance peuvent surgir dans le temple de son cœur selon les
conditions de la circulation, la météo, la manière dont sa femme
le traite, les résultats scolaires des enfants, etc. Le vrai Wally

51
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

est irréductiblement complexe ! Alors que je brosse à grands


traits un portrait de Wally, il est évident que sa vie émerge
d’une mosaïque mouvante constituée de fausses allégeances.
À ce propos, existe-t-il une hiérarchie d’idoles ou des idoles
dominantes qui détiennent une importance hors du com-
mun dans le cas de Wally ? Oui, tout à fait. Sa vie est sans
doute un exemple de thèmes typiques maintes fois répétés.
Il est un « type » au sens large du terme, mais on ne pourra
jamais le réduire à un type de diagnostic rigide à cause des
innombrables idoles qui l’asservissent. Certaines idoles me
semblent prédominantes chez Wally. L’orgueil (je joue le rôle
de dieu) et la crainte de l’homme (je vous proclame dieu)
sont déterminants.
Ainsi, « je veux faire à ma tête » et « comment évaluez-vous
ma performance ? » sont des thématiques qui se répètent
constamment avec quelques variantes dans la vie de Wally.
Les exigences et la crainte se relaient tour à tour sous les projec-
teurs. D’autres idoles habituellement dominantes ont certaine-
ment leur mot à dire dans sa vie : le plaisir sexuel, l’argent, etc.
Cependant, leur présence est moins évidente et moins tenace
qu’elle pourrait l’être chez d’autres patients en counseling.
Il est frappant de constater à quel point les catégories
bibliques, en l’occurrence, le thème de l’idolâtrie, se rap-
prochent des détails concrets de la vie sans se perdre en
spéculation sur des typologies abstraites. Les similitudes
fondamentales entre les individus y sont mises en lumière.
Or, notre culture axée sur la psychologie nous a habitués

52
Étude de cas et analyse

à des analyses typologiques arrêtées concernant les Wally


ou d’autres personnes. Il a une personnalité de type A. Il
cherche constamment à plaire. C’est un individu contrôlant.
Son tempérament est à la fois mélancolique et colérique. Il
est un enfant adulte d’un alcoolique et provient typiquement
d’une famille dysfonctionnelle. La source de son péché est
la colère. Il a une faible estime de lui-même. Selon l’outil de
classification DSM-III, il appartient à la catégorie…, et ainsi
de suite. De telles affirmations passent en général pour une
connaissance approfondie de la question. À vrai dire, elles
n’expliquent rien. Elles constituent simplement des manières
de décrire des regroupements courants de symptômes.

Les idoles à la source de l’idolâtrie


Compte tenu de la tendance persistante à évaluer les gens selon
des types, on pourrait éventuellement entendre ce genre d’af-
firmation : « Son idole racine est… » Toutefois, les données sur
l’idolâtrie n’appuient pas de manière générale ce genre de com-
préhension réductionniste du cœur humain7. Dans le meilleur

7. Bien sûr, à des moments précis dans le temps, il sera nécessaire de


nommer et d’affronter des idoles précises. Le counseling biblique sage aborde
des sujets précis. Jésus a interpelé le jeune homme riche concernant son
adoration de Mammon. La parabole du semeur place les gens devant leur
incrédulité, leur conformisme social, leur recherche du plaisir, leurs princi-
paux soucis : tous peuvent être reformulés par des expressions qui décrivent
le modèle idolâtre. Dans l’Ancien Testament, Élie s’oppose directement
au culte de Baal. Ainsi, Wally devra faire face à l’impulsion qui le pousse

53
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

des cas, le commentaire pourrait être atténué : « L’idole la plus


caractéristique chez lui est… habituellement… cependant, à
d’autres moments… ! » À des fins purement heuristiques, il est
sans doute utile de noter qu’une personne est particulièrement
encline aux idoles associées à l’intimité, une autre aux idoles
de l’évitement, une autre aux idoles du pouvoir, du confort,
du plaisir, de la religiosité, et ainsi de suite.
Le style de péché d’une personne, « la chair caractéristique »,
selon le terme explicite de Richard Lovelace8, peut avoir ten-
dance à se regrouper autour d’idoles prédominantes précises.
Cependant, le péché est aussi inventif qu’il est tenace ! Le réduc-
tionnisme que la Bible présente constamment n’est pas une
typologie qui distingue les individus les uns des autres. C’est
plutôt un résumé analytique qui souligne nos traits communs :
tous se sont détournés de Dieu, « chacun suivant sa propre
voie », « faisant ce qui est juste à ses propres yeux »9. De toute
évidence, selon cette catégorisation maîtresse, le temple du cœur
regorge de formes possibles d’idoles et de faux dieux. Les désirs
(pluriel) de la chair prolifèrent et sont envahissants. Ils s’op-
posent à l’Esprit et revendiquent notre foi et notre obéissance.
Ainsi, les typologies constituent de fausses explications. Elles
sont descriptives et non analytiques, bien qu’en tant qu’outils

à performer aux yeux des autres à mesure que la question sera élaborée au
cours du counseling.
8. Richard Lovelace, Dynamics of the Spiritual Life, trad. libre, Downers
Grove, Ill., InterVarsity Press, 1979.
9. Ésaïe 53.6 et Juges 21.25.

54
Étude de cas et analyse

conceptuels dans diverses approches psychologiques et psycho-


thérapeutiques, elles prétendent détenir un pouvoir explicatif.
Au mieux, les typologies décrivent des « syndromes », des
modèles de résultats et d’expériences de vie qui surviennent
couramment ensemble10. Or, les typologies actuelles ne sont pas
utiles pour exposer les problèmes réels dans la vie de gens réels.
Elles sont tout au plus redondantes dans leur description et leur
connaissance intime d’un individu particulier. Au pire, elles
sont porteuses de données conceptuelles qui peuvent induire en
erreur puisqu’elles évitent d’aborder la question de l’idolâtrie.
Comment expliquer que nous ne sommes pas tous exactement
comme Wally, alors que nous partageons en général le même
ensemble de tendances idolâtres ? Notamment, par les nom-
breuses formes d’orgueil et de crainte de l’homme, les inquiétudes
au sujet de l’argent, l’obsession des plaisirs sensuels, la tendance à
nous appuyer sur nous-mêmes en ce qui concerne nos opinions,
nos aptitudes, nos projets. À cela s’ajoutent la création de fausses
conceptions au sujet de Dieu basées sur notre expérience ou nos
désirs, le désir d’être foncièrement juste, digne, estimable, et ainsi
de suite. Jay Adams a commenté de manière perspicace l’aspect
collectif inhérent à tous les styles individuels du péché :

Ainsi, le péché dans toutes ses dimensions est de toute


évidence le problème contre lequel le conseiller chrétien

10. Le mot « syndrome » devrait être dépouillé de ses prétentions cli-


niques à un pouvoir explicatif d’importance. Il est purement descriptif. Il
signifie littéralement : « choses qui tendent à aller ensemble ».

55
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

doit se battre. Ce sont les dimensions secondaires, les


diverses variantes des thèmes courants, qui rendent le
counseling si difficile. Tandis que tous les hommes sont
nés pécheurs et qu’ils s’engagent tous dans les mêmes
pratiques et fraudes pécheresses, chacun développe sa
propre manière de pécher. Les styles (ou combinaisons de
péchés et de machinations) sont propres à chaque individu.
Cependant, ils comportent tous des thèmes communs
sous-jacents. C’est le travail du conseiller de découvrir
les points communs dissimulés sous ces individualités11.

« Le voisinage » de la foire aux vanités


Comment ces styles individuels se développent-ils ? À l’évi-
dence, la proximité de divers environnements particuliers de
la foire aux vanités peut renforcer diverses formes d’idoles. Il
n’y a rien d’étonnant dans la corrélation qui existe entre le père
exigeant et désagréable de Wally et la forme particulière de
« crainte de l’homme » qui constitue une idole importante de
son cœur. Toutefois, il existe une interaction constante entre le
cœur fabricant d’idoles et le milieu qui adore ces mêmes idoles.
Ainsi, en raison de cette interaction, un autre enfant pourrait
tout aussi bien grandir entouré de parents très ouverts et la
« crainte de l’homme » serait alors renforcée dans son cœur par
la soif de ne jamais connaître le rejet ou l’échec. D’une part, nos

11. Jay Adams, Christian Counselor’s Manual, trad. libre, États-Unis,


Presbyterian and Reformed Publishing Co., 1973.

56
Étude de cas et analyse

idoles convoitent ce que nous n’avons pas. D’autre part, elles


s’accrochent à ce que nous avons déjà et que nous chérissons.
Bon nombre des nuances de nos idolâtries sont façonnées
socialement par les valeurs de notre entourage et les occasions
qui s’offrent à nous. Par exemple, il n’est pas étonnant que plus
d’individus deviennent homosexuels (ou adultères, ou por-
nographes, ou quoi que ce soit d’autre) dans une société où
certaines formes de péchés sexuels sont accessibles, normalisées
et légitimées. Pour sa part, Wally a grandi dans une famille
modérément obsédée par la réussite scolaire et professionnelle.
Son voisin pourrait avoir grandi dans une famille obsédée par les
plaisirs d’évasion et avoir été conditionné à ne vivre que pour la
bière et les sports télévisés. Les idoles communes présentes dans
tous les cœurs peuvent porter différents fruits chez différentes
personnes. Ainsi, le culte à Baal ne menace aucunement de
devenir une forme d’idolâtrie « religieuse » de nos jours, mais
le mormonisme, oui.
Une grande partie des variantes qui existent parmi nous
est simplement renforcée par les « accidents » de l’existence :
tragédies ou vie sans embûche, handicaps ou santé, richesse ou
pauvreté, vie dans un grand centre urbain, dans un milieu rural
ou dans différentes parties du monde, le niveau d’éducation, le
rang dans la famille, homme ou femme, l’époque, etc. Plusieurs
variantes individuelles sont causées par des différences hérédi-
taires et le tempérament : formes d’intelligence, coordination
et capacités physiques, divers talents ou aptitudes, différences
métaboliques et hormonales, et plus encore. Somme toute, le

57
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

choix idiosyncrasique parmi les diverses possibilités et options


qui se présentent à chacun explique la gamme presque infinie
d’individualités au sein des « traits communs » que les catégories
bibliques discernent chez l’être humain.
Les catégories diagnostiques qui transparaissent au travers
des traits communs sont celles que nous utilisons ici, telles que
« l’idolâtrie par opposition à la foi ». Ce sont les seules qui
peuvent englober à la fois la fluctuation et la relative stabilité du
cœur de Wally en présence du monde, de la chair et du diable, et
qui peuvent aussi embrasser le Dieu véritable qui l’a sauvé. Elles
s’appliquent à chaque personne de manière simple, mais jamais
simpliste, et tiennent compte de toutes les complexités. Ainsi,
malgré toutes nos différences, la Bible s’adresse à chacun de nous.

58
Chapitre 6

AUTRES PERSPECTIVES
DIAGNOSTIQUES RELIÉES
À L’ÉVANGILE

Différentes pistes d’interprétation

I l est possible de comprendre dans leurs moindres détails


l’ensemble des comportements, émotions, influences, atti-
tudes, cognitions et jugements de valeur de Wally en ayant
recours à la notion biblique de l’idolâtrie. Le désordre dans
sa vie est produit par l’interaction entre ses idoles du cœur
particulières et celles de son environnement social. Le péché
se produit lorsque convergent les motifs d’un cœur désorienté
et les divers systèmes socioculturels, quelle que soit leur taille.

59
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

Cet essai tente d’explorer certaines connexions obscures entre la


chair et le monde. Toutefois, il existe d’autres façons d’aborder
ces sujets et il est important de les reconnaître.
Notamment, nous n’avons accordé aucune attention à la
relation tout aussi obscure qui existe entre le diable, le monde et
la chair dans le développement du mode de vie dysfonctionnel
et pécheur de Wally. « Qui me gouverne ? » Cette question
incite à prendre conscience de la présence de puissances spi-
rituelles. Les idoles et les démons travaillent main dans la
main à l’adoration concrète de faux dieux. Il n’est pas étonnant
de constater que la seigneurie fonctionnelle de Satan est tout
aussi évidente dans les idolâtries plus subtiles qui asservissent
Wally. Cela signifie-t-il que Wally est « possédé du démon »
et que le remède de choix est l’exorcisme ? Certainement pas.
Cependant, chaque fois que nous éprouvons une crainte ou
une colère injustifiée, pour ne mentionner que ces deux fruits
particulièrement mauvais, nous sommes transformés à l’image
de Satan plutôt qu’à celle de Christ. À vrai dire, la stratégie
qui s’avère efficace dans la lutte contre le monde et la chair
l’est également dans le combat contre le diable. Ultimement,
la réponse se trouve dans une foi intelligente en l’Évangile
de Jésus-Christ. Par conséquent, la prise de conscience de la
présente guerre spirituelle souligne le fait que le counseling
chrétien est un ministère de prière1. La perception du combat

1. Actes 6.4 est un texte classique pour définir le ministère en matière


de vérité et de prière. Éphésiens 6.10-20 est un texte classique concernant
le mode de combat : la foi dans toutes ses dimensions et tous ses moyens

60
Autres perspectives diagnostiques reliées à l’Évangile

spirituel contribue également à nous secouer et à nous distan-


cier de la mentalité béhavioriste qui nous incite à considérer
les personnes sur un plan psychosocial plutôt que sur celui de
leur relation avec Dieu.
Les stratagèmes du seigneur des ténèbres visent tous à établir
sa domination sur les individus. Satan désagrège systémati-
quement les relations de Wally. Il le conduit à commettre des
péchés répugnants et trompe son esprit en lui présentant des
perceptions résolument tordues et sélectives. De plus, il l’accuse
au point de le mener au désespoir et il le décourage. Il entrave
sa vie par toutes sortes de liens imaginables, il attise des désirs
normaux pour en faire des dépendances et des « besoins » déme-
surés, et ainsi de suite. Cet essai a surtout traité de la question
« du monde et de la chair ». Le « diable » vient compléter cette
triade monolithique de la perspective biblique au sujet de la
motivation et des problèmes de comportement.
L’aspect détaillé des influences somatiques sur Wally est
également absent de la discussion. Ses problèmes sont exa-
cerbés par des allergies, une fatigue excessive, un régime ali-
mentaire comportant trop de malbouffe, des frustrations sur
le plan sexuel et un mode de vie sédentaire. Une attention
particulière portée à certains phénomènes, dont l’irritabilité,
les tensions conjugales, la convoitise sexuelle et la dépres-
sion, révélerait sans doute une composante somatique. Les
symptômes de Wally pourraient être atténués s’il surveillait sa

d’expression triomphe des puissances démoniaques. Jacques 3.13 – 4.12


ajoute le fait que la repentance est cruciale pour vaincre Satan.

61
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

consommation de caféine et de sucre, avait plus d’heures de


sommeil, avait plus de relations sexuelles et faisait de l’exer-
cice. De tels symptômes dénotent de toute évidence certaines
influences somatiques. Or, les facteurs somatiques exercent
dans une moindre mesure une influence quant à la « quan-
tité » de problèmes de Wally, bien qu’ils ne changent rien à
la « qualité » de ses problèmes. Un tempérament irritable et
tendu peut s’échauffer et conduire à de la rage et des jurons.
Un coup de cafard peut empirer et se transformer en sombre
désespoir. Une tendance à lorgner les femmes peut dégénérer
et l’amener à acheter des revues pornographiques. De plusieurs
manières, le corps de Wally peut amplifier ou modérer l’inten-
sité de ses péchés. Cependant, il ne suscite pas de nouveaux
genres de péchés.

Le rôle de la volonté
Notons également que cette discussion n’a pas tenu compte de
la mesure dans laquelle le comportement de Wally est voulu
et par conséquent, directement contrôlable. Comme cela a
été souligné plus tôt, le fait de prêter une attention biblique
aux motifs du cœur et au monde ne constitue pas un moyen
détourné pour ignorer avec quelle force la Bible accentue la
responsabilité humaine. Wally choisit, même lorsqu’il plonge
dans de vieilles ornières usées, là où une bifurcation sur sa route
semble inexistante. En effet, il a progressé dans l’autodiscipline
à divers moments de sa vie. Il sait ce qui est bien et ce qui est

62
Autres perspectives diagnostiques reliées à l’Évangile

mal. Il peut relater plusieurs moments où il a foncé tête baissée


vers le mal. Il peut également décrire de nombreuses occasions
où, par la foi en Christ, il a délibérément choisi de faire le bien.
Or, reconnaître que le choix existe n’exclut pas le pouvoir
du monde, de la chair et du diable. Plus Wally apprend à se
connaître et à connaître son environnement, plus il admet
qu’il a toujours fait des choix. Travailler avec le modèle de
l’idolâtrie (ou ses équivalents plus pertinents culturellement :
désirs idolâtres, espoirs, peurs, attentes et buts qui régissent
les individus) a entre autres objectifs d’élargir la sphère dans
laquelle Wally est conscient des choix implicites qu’il a faits.
La sanctification élargit la sphère des choix conscients et de la
maîtrise de soi biblique.
Il n’a pas été question non plus de la providence de Dieu
dans cette discussion. Elle a pourtant suscité d’intenses expé-
riences transformatrices. La conversion de Wally est « tombée
du ciel » et lui a procuré pendant plusieurs mois la joie en
Christ, la délivrance du péché et un amour croissant envers
les autres. Il a connu d’autres « temps forts » en tant que
chrétien : une vision accrue, l’amour et la liberté que suscitent
une bonne prédication, une retraite ou quelque inexplicable
ouverture de son cœur à Dieu, à un moment inattendu de la
vie quotidienne.
Toutefois, les changements dans la vie de Wally, qu’ils soient
le produit de victoires au cours de combats spirituels conscients,
d’altérations physiologiques, d’un engagement volontaire ou
d’une expérience « de sommet », semblent « survenir » par

63
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

hasard. Ces quatre paradigmes alimentent souvent la manière


dont il envisage les problèmes et le changement dans sa vie.
Wally doute que sa vie s’oriente vers un changement cohé-
rent, intelligent, souhaitable et dans lequel son âme entière est
engagée. Sa vie en général semble être un malheureux chaos,
ponctué d’occasionnels moments de soulagement symptoma-
tique et temporaire. L’un des objectifs de cet essai consiste
entre autres à décrire plusieurs éléments qui peuvent rendre le
changement plus constant, plus intériorisé, plus conscient et
véritablement transformateur. Selon mon expérience, les Wally,
à la fois ceux qui sont dans l’Église et à l’extérieur, ont tendance
à être très aveuglés aux choses qui dictent leur conduite. Le
fait qu’une personne qui connaît aussi bien les Écritures que
lui ne saisisse pas quelles sont les idoles de son propre cœur
et les tentations de la foire aux vanités particulières qui l’en-
toure est un curieux phénomène2. Néanmoins, il est courant.
Wally est tout en actions, en impulsions et en émotions. Il
ignore à peu près tout sur ce que Dieu observe dans son cœur
et dans son monde. Lorsque je commence à comprendre les
thématiques qui interagissent dans ma vie, je peux répondre
avec une certaine assurance à la question : « Quel est le plan
de Dieu pour ma vie ? »

2. La Bible en indique la raison et qualifie de trompeurs nos désirs


démesurés. Satan est le père du mensonge. Nous avons tendance à nous
conformer aux impostures du milieu socioculturel ambiant. Les idoles sont
si vraisemblables et si instinctives qu’une personne peut même les décrire,
sans réellement apercevoir le problème crucial de sa vie.

64
Autres perspectives diagnostiques reliées à l’Évangile

Mon analyse a été principalement « psychosociale » (psycho-


sociale au sein d’une alliance, bien sûr !). Une analyse complète
et biblique des problèmes de Wally serait une analyse3 « psy-
chosociale, spirituelle, somatique, volitive, expérientielle ». De
toute évidence, la compréhension de la portée exacte de chaque
variable constitue une quête qui (du point de vue humain,
nonobstant l’intention des sociologues !) est tout à fait insaisis-
sable. Toutefois, la réponse de la Bible est toujours puissamment
applicable. Elle incite à l’abandon des idoles pour se tourner vers
le Dieu vivant et au renouvellement de l’esprit et du cœur dans
la vérité. Ces activités correspondent, en somme, à l’expression
« la repentance et la foi ».

La question de la seigneurie
Il est sans doute utile de démêler ces deux composantes de
la motivation humaine. Toutefois, n’oublions pas que nous
nous concentrons sur plusieurs perspectives à l’intérieur d’un
ensemble unique. La Bible accorde une très large part aux
deux volets sur lesquels je me suis concentré, soit le cœur et le
milieu social. Néanmoins, la question de la motivation humaine
demeure en définitive la question à perspectives multiples de

3. Il existe sans doute plusieurs autres manières de découper la tarte


de la motivation humaine. Voir l’article de Tim Keller intitulé « Puritan
Resources for Biblical Counseling », dans Journal of Pastoral Practice, 9:3,
1988, p. 11-44. Il dépeint de manière stimulante la subtilité des divers points
de vue de la génération précédente de conseillers chrétiens.

65
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

la seigneurie, c’est-à-dire la foi dans les idoles et les faux dieux


qui s’oppose à la foi vitale dans le Dieu véritable. Cette notion
peut être observée sous plusieurs angles :

• La seigneurie sous l’angle du cœur : la voie de l’Esprit


empreinte de grâce, étroite et resserrée par opposition aux
désirs latents et idolâtres de la chair.
• La seigneurie sous l’angle des influences sociales : le façon-
nement social favorisé par le royaume de Dieu et le corps
de Christ par opposition à l’absorption des modèles et des
valeurs du monde constitué de divers microroyaumes. Ces
derniers incluent le système social du couple et de la famille,
puis la sphère plus large des relations avec les pairs, la culture
ambiante de l’école, du quartier, du lieu de travail, du groupe
ethnique, de la classe socioéconomique, de la nationalité, etc.
• La seigneurie sous l’angle des maîtres spirituels : Jésus, le
roi bienveillant, par opposition à Satan, le tyran.
• La seigneurie sous l’angle des influences somatiques : vivre
avec des douleurs physiques et des frustrations dans l’espoir
en la résurrection par opposition à être préoccupé par le sou-
lagement instantané de mes douleurs au ventre et dans mon
corps, ou par mes plaisirs, mes privations et mes besoins.
• La seigneurie sous l’angle des choix et de la volonté : la
foi consciente dans les promesses de Dieu et l’obéissance
à la volonté de Dieu par opposition aux choix basés sur ma
volonté spontanée, mes désirs, mes opinions, « la voie qui
paraît droite à un homme ».

66
Autres perspectives diagnostiques reliées à l’Évangile

• La seigneurie sous l’angle de la providence expérientielle :


apprendre à se réjouir en Dieu au milieu des bénédictions,
et à se repentir et lui faire confiance au sein des épreuves
par opposition à devenir présomptueux, orgueilleux et auto-
satisfait quand les choses vont comme nous le voulons, et
dépressif, coléreux et effrayé devant la douleur, la frustration
et l’insécurité.

Bien que cet essai ait commenté plus précisément l’inte-


raction entre ces deux premiers angles, mon intention dans
l’ensemble consiste à élargir notre vision de Wally, plutôt qu’à
la restreindre. En effet, au sein du cadre conceptuel biblique, il
est possible de mettre en lumière tout ce qui concerne Wally et
son monde. La notion du comportement gouverné nous permet
de conserver en un tout homogène des paradoxes apparents.
Wally est entièrement responsable de ses actes. Sa vie intérieure
regorge d’habitudes étranges, de distorsions et de compulsions
aveugles. Il est continuellement conditionné de l’extérieur,
tenté, éprouvé et trompé. Or, Wally est également chrétien.
L’Esprit et la Parole peuvent travailler puissamment pour le
réorienter de l’intérieur et le libérer de tout ce qui exerce une
emprise sur lui.

67
Chapitre 7

L’IDOLÂTRIE ET LE
MINISTÈRE DE L’ÉVANGILE
DE JÉSUS-CHRIST

A u cours de cette discussion, j’ai porté une attention sou-


tenue à la question du diagnostic : comment comprendre
les gens dans une optique biblique ? Or, le diagnostic biblique
mène directement au traitement biblique. La compréhension
de l’être humain telle que nous la présentons ici permet une
application pertinente du message de l’Évangile aux problèmes
d’individus troublés.
L’un des défis principaux des conseillers chrétiens consiste à
appliquer l’Évangile de l’amour de Dieu de manière perspicace. À
vrai dire, il existe plusieurs manières erronées, tordues ou inadé-
quates de s’y prendre. Il est facile de tronquer ou d’amortir l’effet

69
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

de l’Évangile quand les idoles du cœur et la foire aux vanités ne


sont pas décelées ou qu’elles sont mal perçues. Toutefois, lorsque
les gens comprennent précisément le lien étroit qui existe entre
le comportement responsable, les motifs intérieurs trompeurs
et les puissantes forces extérieures, les richesses de Christ leur
semblent alors pertinentes. Ce qui n’était auparavant qu’une
simple connaissance intellectuelle et une « doctrine sèche » pré-
sente maintenant une sagesse, une pertinence, un attrait, un
espoir, une joie et la vie. Les gens voient alors que l’Évangile
constitue beaucoup plus qu’un simple billet pour le ciel et le
pardon répétitif de péchés comportementaux récurrents.
Combien de Wally et d’Ellen sont aux prises avec une vague
culpabilité au sujet de modèles destructeurs et en apparence
inexorables ? Cependant, lorsque Wally entrevoit le véritable
besoin de son cœur et la nécessité d’être délivré de tout ce qui
a le pouvoir de l’asservir, il voit aussi son besoin désespéré de
Christ. Christ comble avec puissance les besoins de ceux qui
constatent à quel point ils ont besoin de son aide1. Il arrive
fréquemment que nous, conseillers chrétiens, n’appliquions
pas l’Évangile de manière directe et sans équivoque, à la fois
dans nos propres vies que dans notre pratique. Deux grandes
tendances se dégagent parmi les chrétiens qui cherchent à aider
leurs semblables : la psychologie et la morale.

1. Hébreux 4.12-16 ; Matthieu 5.3-6 ; Luc 11.1-3 ; Matthieu 11.28-30 ;


2 Corinthiens 12.2-10, à vrai dire, la Bible entière ! De toute évidence, la
force de Christ est notre véritable besoin devant les compulsions de l’intérieur
et les pressions de l’extérieur.

70
L’ idolâtrie et le ministère de l’Évangile de Jésus-Christ

Les conseillers chrétiens qui dérivent vers la psychologie


manifestent en général un intérêt authentique pour la motiva-
tion qui sous-tend un comportement problématique. Ils tentent
de composer avec les forces à la fois intérieures et extérieures
qui déterminent et façonnent le comportement. Cependant,
les problèmes du cœur sont souvent mal interprétés. Ainsi, les
catégories de « besoins » tendent à remplacer celles qui sont
bibliques et qui relient directement le cœur à Dieu, telles que
l’idolâtrie, les désirs de la chair, la crainte de l’homme, etc.
Ces chrétiens ont également tendance à accorder aux ques-
tions qui ont trait à l’environnement, comme les antécédents
de mauvais traitements, le fait d’avoir de mauvais exemples et
une famille dysfonctionnelle, une position plus déterministe
que ne le fait la Bible.
Ces points de vue de la motivation intérieure et extérieure
s’accordent parfaitement pour fournir une explication aux pro-
blèmes comportementaux et affectifs. « Tu te sens horriblement
coupable et tu te comportes mal parce que tes besoins n’ont pas
été comblés par ta famille. » La logique de la thérapie coïncide
avec la logique du diagnostic : « Je t’accepte, et Dieu t’accepte
réellement. Tes besoins peuvent être comblés, et ta manière de
penser et d’agir peut changer. » La responsabilité du compor-
tement est passée sous silence. Ainsi, le processus de transfor-
mation concerne avant tout la satisfaction des besoins et non
pas une repentance (metanoia) consciente et un renouvellement
de l’esprit orienté vers Christ.

71
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

Qu’est-ce que l’Évangile ?


Qu’advient-il de l’Évangile si la thématique de l’idolâtrie n’est
pas décelée ? « Dieu vous aime » devient typiquement un outil
pour répondre à un besoin d’estime de soi chez les personnes
qui se sentent comme des ratés. Le contenu particulier de
l’Évangile de Jésus-Christ est alors atténué ou même tordu.
« La grâce pour les pécheurs et la délivrance pour ceux qui ont
été offensés » devient alors « une acceptation inconditionnelle
pour les victimes du rejet des autres ». Si toutefois le message de
« l’Évangile » est communiqué, l’idée véhiculée ressemble un
peu à celle-ci : « Dieu vous accepte tel que vous êtes. Dieu a pour
vous un amour inconditionnel. » Cependant, il ne s’agit plus de
l’Évangile. L’amour de Dieu n’a rien d’une estime rogérienne
inconditionnelle et positive au sens large. Contrairement à la
théorie de l’idolâtrie, la théorie de la motivation centrée sur les
besoins tord la solution présentée par l’Évangile pour en faire
un « autre évangile » qui est essentiellement faux.
L’Évangile est meilleur et plus efficace que l’amour incondi-
tionnel. Il déclare : « Dieu vous accepte tel que Christ est. Dieu
éprouve pour vous un amour “contreconditionnel”. » Christ a
porté la malédiction que je méritais. Il est parfaitement agréable
au Père et m’accorde sa propre bonté parfaite. De plus, Christ
règne avec puissance et fait de moi un enfant du Père. Il s’ap-
proche de moi pour changer ce qui, dans ma vie, est inaccep-
table aux yeux de Dieu. À vrai dire, Dieu ne m’accepte jamais
« comme je suis ». Il m’accepte « tel que je suis en Jésus-Christ ».

72
L’ idolâtrie et le ministère de l’Évangile de Jésus-Christ

Le centre de gravité est différent. Le véritable Évangile ne per-


met pas que l’amour de Dieu soit aspiré dans le tourbillon de
la convoitise de l’âme pour l’affirmation et la valorisation de
soi. Au contraire, il décentre radicalement l’individu pour qu’il
regarde à l’extérieur de lui-même. C’est ce que la Bible appelle
« la crainte du Seigneur » et « la foi ».
Les conseillers chrétiens à l’approche psychologisante sont
normalement très soucieux de présenter l’amour de Dieu à des
personnes qui le perçoivent comme le plus sévère des critiques
à qui il est impossible de plaire. Cependant, ils échouent à
conceptualiser les problèmes des gens dans les termes explorés
par cette discussion et cela génère inévitablement une tendance
à enseigner un Évangile libéral. Ainsi, la croix est réduite à une
simple démonstration du fait que Dieu m’aime. Elle perd donc
la puissance substitutive de l’expiation accomplie à ma place
par l’Agneau parfait. Ce sacrifice exige de ma part une totale
repentance du péché qui envahit mon cœur. Par conséquent,
de tels conseillers « soignent à la légère la blessure de la fille de
mon peuple2 ».
Quant aux conseillers chrétiens à tendance moralisatrice,
ils font face à un autre type de problème. Lorsque l’approche
moralisatrice donne le ton au counseling chrétien, le pardon
de Christ est généralement appliqué uniquement aux péchés
liés au comportement. Le contenu de l’Évangile y est norma-
lement plus orthodoxe que celui de l’Évangile psychologisé,

2. Jérémie 8.11 (voir aussi 23.16s).

73
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

mais l’étendue de son application peut être restreinte. Ceux


qui ont tendance à tout psychologiser remarquent au moins
les complexités intérieures et extérieures de notre souffrance,
même s’ils déforment systématiquement ces deux aspects. D’une
certaine manière, la tendance moralisatrice représente une com-
préhension inadéquate des genres de « mauvaises nouvelles »
explorés dans cet essai.
De façon générale, le christianisme moralisateur ne mani-
feste pas beaucoup d’intérêt pour les pressions et les souffrances
du milieu social. Ces conseillers craignent qu’un tel intérêt
puisse alimenter l’accusation et le rejet du blâme sur les autres
qui émanent si facilement de nos cœurs. Selon eux, la res-
ponsabilité humaine serait ainsi compromise. Toutefois, ils
ne tiennent pas compte du mal que produit dans la vie d’un
individu cette foire aux vanités qui bat son plein. Or, la compré-
hension de ce mal est une partie essentielle d’une appréciation
plus vaste et plus profonde de Christ.
Les forces qui ont exercé une pression sur moi en vue de
m’inciter à faire ce qui est mal m’ont façonné et elles continuent
à me façonner. L’observation attentive de cette dynamique me
permettra de réagir de manière intelligente, responsable et
compatissante. Comme les Psaumes le démontrent tous, nos
souffrances sont le contexte dans lequel nous expérimentons
l’amour de Dieu, à la fois pour nous consoler et nous trans-
former. Ainsi, nous sommes consolés dans nos afflictions alors
que nous apprenons à connaître les promesses et la puissance
de Dieu. Et nous sommes transformés dans nos afflictions

74
L’ idolâtrie et le ministère de l’Évangile de Jésus-Christ

alors que nous apprenons à nous réfugier en Dieu, plutôt


qu’en de vaines idoles.
La faiblesse des moralisateurs réside également dans le fait
qu’ils accordent peu d’importance à l’aspect intérieur de la moti-
vation. Il est vrai que l’examen des motifs du cœur s’effectue
quelquefois au moyen d’une prise de conscience de « soi » et de
« la chair ». Cependant, la solution proposée n’admet en général
aucune nuance : c’est tout ou rien. Dans ce cas, la conversion,
de même que l’appel à « l’abandon total » ou à « lâcher prise et
laisser Dieu agir » sont des tentatives de résoudre les problèmes
de motifs par un seul acte visant à faire un grand ménage du
cœur. En outre, le christianisme moralisateur restreint l’Évan-
gile. Il l’associe essentiellement au début de la vie chrétienne
ou à un acte spectaculaire de consécration. Par conséquent, il
fait peu de cas du processus de renouvellement intérieur dont a
besoin le patient, qu’il s’agisse d’un individu comme Wally ou
de chacun de nous. Par ailleurs, Jésus nous dit de prendre notre
croix chaque jour, de mourir aux faux dieux que nous fabriquons
et d’apprendre à marcher en communion avec Celui qui, rempli
de grâce, peut nous aider. La réceptivité à l’amour de Dieu est
la condition indispensable pour toute forme active d’obéissance
à Dieu3 : « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. »

3. L’amour actif est le fruit d’une foi réceptive. Le Psaume 23, comme
de nombreux passages des Écritures, constitue une promesse pure à laquelle
s’abreuver. D’autres passages décrivent en détail la transition du don vers la
gratitude et de la racine vers le fruit. Ils dépeignent comment la foi mène aux
œuvres, et comment le fait de demeurer en lui produit du fruit (Galates 5
et 1 Jean 4.7 – 5.12 représentent deux des expositions les plus soutenues).

75
Les idoles du cœur et la foire aux vanités

J’ai examiné deux façons courantes d’amputer l’Évangile de


Jésus-Christ. Elles témoignent toutes deux d’une compréhen-
sion insuffisante de la déviation de nos cœurs et, par conséquent,
de notre vulnérabilité aux influences extérieures. Nous sommes
tous des fabricants d’idoles, des acheteurs d’idoles et des mar-
chands d’idoles4. Nous évoluons dans une ville mouvementée
remplie de fabricants, d’acheteurs et de marchands d’idoles.
Il nous arrive tour à tour d’acheter et de vendre, de courtiser,
d’acquiescer, d’intimider, de manipuler, d’emprunter, d’im-
poser, d’attaquer ou de fuir. Néanmoins, il existe un Évangile
plus grand. Aux portes de la foire aux vanités, Chrétien et son
compagnon ont rencontré un homme qui les suppliait avec
instance en ces mots :

Que le royaume des cieux soit constamment devant


vos yeux, et croyez fermement aux choses qui sont invi-
sibles. Ne vous laissez pas préoccuper par les choses de

Tout comme Wally, ceux qui sont axés sur la performance, autrement dit
dominés par des idoles, s’abreuvent rarement de l’eau vive et se nourrissent
rarement du pain de vie venu du ciel.
4. Nous n’avons pas mentionné de quelle manière le système d’inter-
prétation et d’évaluation déformé de Wally influence son entourage et la
manière dont ce système est « vendu » à ses enfants, à sa femme, à ses amis
et à ses parents. De toute évidence, il se produit une série de réactions et
d’effets réciproques, c’est-à-dire un cercle vicieux. À l’inverse, puisque Wally
est en mesure de changer de cœur et de comportement, il peut également
créer un cercle gracieux d’influences positives sur sa famille et dans l’Église.
Nous avons souligné l’aspect négatif de l’influence sociale, mais la foi est
tout aussi contagieuse que l’idolâtrie.

76
L’ idolâtrie et le ministère de l’Évangile de Jésus-Christ

ce monde ; et, avant tout, veillez sur votre propre cœur


et ses convoitises, car « il est tortueux par-dessus tout,
et il est méchant ». Fortifiez-vous; vous avez avec vous
toutes les puissances de la terre et du ciel5.

Chrétien parvient à traverser la foire aux vanités et en res-


sort ensanglanté, mais plus pur de cœur. Au milieu de son dur
combat avec le monde, la chair et le diable, il s’est souvenu de
la cité céleste qui était sa destination, et du Seigneur Jésus qui
l’appelait à la vie.
L’Évangile biblique délivre à la fois du péché personnel et des
tyrannies situationnelles. D’une part, la notion biblique de l’ido-
lâtrie du cœur permet aux êtres humains de voir leur besoin de
Christ comme le Sauveur miséricordieux qui purifie de grands
péchés, tant ceux du cœur que du comportement. D’autre part,
les dimensions à la fois socioculturelle, familiale et ethnique de
l’idolâtrie permettent aussi de voir Christ comme un puissant
libérateur de l’emprise de faux maîtres et de faux systèmes de
valeurs par lesquels nous nous laissons instinctivement berner.
Le counseling chrétien, c’est-à-dire centré sur Christ, expose
nos motifs, ceux du cœur et ceux du monde, de telle sorte que
l’Évangile authentique constitue la seule réponse possible.

5. Bunyan, op cit., p. 105.

77
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