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rs Hl Nouvelle formule Collection dirigée par Gérard Vigner Janine Courtillon Elaborer un cours de FLE HACHETTE rigs langue étrangive www.hachettefle.fr ous decoumir nog noua, cansulter noire catalogue en ligne, contacter apg dfuseurs, ou nour écrine, rendep wus sur tnteret www.hachettefle.fr Collection F Titres parus ou a paraitre Nouvelle formule dirigée par Gérard Vigner lig s'adresse aux enselgnants et aus formteurs de BLE Elle se propose darliculer otatiques de terrain et flexion thfatique en aidan les enselgmares & faite fare 4 la varlete ge8 situations Gensegrenenta eta la recherche de solutions pedagogiaues. Apprendre et enseigner avec le multimédia, W. Hirschprung. Lenseignement bifingue, J, Duverger Le Francais suc objectif spéeifique, J.-M. Mangiante et Ch. Parpette Elaborerun cours de FLE, J, Courtillon (Cévaluation ent FLE, C.Veltcheff, S. Hilton La grommoire en FLE.G. Vigner Certifications et outils dévalvation en FLE,F Nodi-lothy et B. Sampsonis Pratiques de classe ‘le este aux provesueuts et aus formateurs de FRE hunts ou rontirmés Pe pdsente sais foeme pratique des prepositions de démmarches et des activitee qui sont le résultat de Texpenence acteurs du champ i ME Techniques dramatiques, A, Carmanski De la vidéo a Internet : 80 activités thématiques, T. Lancien Exercices systématiques de prononclation francaise (nouvelle éditian), M. Léon Photos-Expressions, F Yaiche Jouer, communiquer et apprendre, F Weiss Lo prononctation dy francais, B. Lauret Et toujours disponibles dans la collection F Séries F, Références et Autoformation tes Dimensions cultures des enselgnements de iangue,J-Cl, Bracco La Tradwection aujourd'hui, Mi. Lederer (es Activites dagrertissage en classe de longi. Pendanx Conception graphique et couverture + Arriarante Realisation Secrétariat d'éditian : Catherine de Bernis ISN O78-2-0r-155214+3 Hachette Unre 2003.43 qual te Grenel le. 75505 Paris Cade 15 ‘ous es dratts de repraduetion, de traduction et d'adaptation eéseewis pour tous pay Le code de Ia peopndéte intellectuelle Wautorisait, tux termes des articies Laz-q et Liaz-s dune part, que « les ropies aus mproductians stfietement réserntes & Tusage privé du soplste et non destinged a une utiisation cot. lective » et, Cavtre part, que « les analyses et les courtes citations « ans un but exemple et «illustration, + toute representation Du reproduction intégiale ou partielle faite sans le consentement de auteur ou de sez ayants dent ou ayants cause, est Mite «, ‘Catt representation ou reproduction, par quelque procédé qe cx soit sans autortsation de Téditewr ourdu Centre feangalk de Texplortatioey du deat de copie (20, ue dea Grands Auggustins 75008 Parls), carstitueralt dane une ‘Sontrefasan sanctionnée par les articles azs et sulvants du Code penal SOMMAIRE Introduction Te ee ee eR ud u ari 2 1. Les caractéristiques du public un. Lage 12, ta situation velontalre ou involontaire d sppentissage 13. Uarrlere-plan culturel 2. Les objectifs, attentes et besoins 21. Déceler les objectifs et créer la motivation 22. Les attentes et attitudes 23) Les besoins .......... 3. Lerapport langue rater lagi ci -Le) 3... Tenlr compte de la perception .. 32. Tenir compte de fa mémorisation ... 5 bh. Lorganisation de l'unité d’enselgnement __ u 1. Lesdonnées de départ ooo 1. Les objectifs et les données 1.2. Les données et le rapport L. M-L.C. 2. Létablissement dune progression 21. Lesimple et le complexe... 2.2, Que penserde la notion de dlifficulté linguistique ? 2.3. Que penser des « progressions minimales »?, aut. Peut-on se passerde progression ? 3. Penser ‘evaluation... i 3.1. Evaluer lacompréhension .. 3.2. Evaluer la production 32 FRE eed Ht 1. Faclliter la compréhension .. 11. Les aspects du processus de comprehension 12. Les éléments qui aident @ fa compréhension 13, Comment procéder en classe . 2, Alder la mémorisation 23. Comment mémorisons-nous ? _........ 2.2. Le contrdle dela mémorisation . 3, La phase de production 34. Lexpression en classe de langue 32. Les aspects de la production et leur séveloppement 33, La stratégie délaboration 3.4. Les techniques de classe 35 Linton des ete et arse ingusiaee. i 4. La production €crite 00... 1. La question des objectifs et des niveaux 2. Choisirune progression discursive. - Easiness sven 33. Savoirlire......... 3.2. Savoir ecrire 33. Savolrstexprimer & fora. (STi ees 102 1. Comment travailler en grand groupe ? 13, Adapter la méthodologie .. f 1.2, Proposer le travail en giopomie) partielle si cascallaaectheaedseieee OB 2. Que signifie « apprendre a apprendre 2? ooo st OT 21, Apprendre a comprendre 22, Apprendre a parler ..... : % Comment faire parler les éléves ? 34, ambiance de la classe et sa finalité .. ga. La méthede . fi (Gornment illite un.rmpruael de Lange #2 24: ee) 42. Le manuel est peu COMMUNICARIF cess esneeesnenieceeenene TD 4.2. le manuel est trop = grammatical... lai sts +5 5. Comment enseigner la grammaire ? sale co 6 54. la notion de grammaire...... 16 52 Comment enseigner la grammaire dune iangue étrangére ? xsocrne Comebaston eee a ARES 126 Documents annexes 2 = waa Bibliographie 160 INTRODUCTION Uidée de former lenseignant 4 élaborer un cours de langue peut paraitre surprenante 4 une époque ob le marché regorge de prodults denseignement : manuels de langue, cahiers dexercices divers, cutils multimeédias sophistiqués, exploitation de |'Internet, etc. S'il existe une telle demande de la part des enseignants, il faut en chercher les raisons. Jen propose deux, déduites de !'observation sur le terrain et de la lecture des préfaces des manuels qui reflétent juste- ment les préoccupations des enseignants. La premiére raison pourrait étre la sulvante : la meilleure formation des enseignants 4 des techniques nouvelles et a la multiplicité des outils qui leur sont offerts a un rythme accéléré peut a la fois les rendre plus exigeants, mals aussi plus perplexes. Comment utiliser au mieux tout ce qui existe 7 Comment faire te ban chaix ? Un manuel chois! en fonction de certains critéres de qualité répondra-t-4] nécessalrement aux besoins d'un contexte donne ? Peut-on adapter ? Et comment ? La seconde raison - quiest liée 4 la premiére — ne se trouve-telle pas dans le discours didactique ambiant, tendant a recornmander l'éclec- tisme - cancu par beaucoup denseignants comme l'utilisation d'une grande diversité de moyens —et contribuant ainsi a dévaloriser la notion de méthode ? || faut reconnaitre que, dans le passe, la méthode a parfois été incarnée dans des méthodologies rigoureuses, pouvant avoir un aspect monalithique. Mais refuser une méthadologie rigou- reuse et en méme temps abandonner la notionde méthode ne méne a rien, La méfiance vis-a-vis de la méthode ne peut que renforcer la nerplexité de lenseignant qui se retrouve sans fil conducteur pour le guider dans lorganisation des activités de son cours. Car cest bien la que réside la nécessité d’awair une méthode : elle permet de comprendre dod fon part et a4 on arnive, et de suivre un certain chemin plutét que de wagabonder au risque de reveniir sur ses pas. Queiques remarques, prises au hasard, mals récurrentes dans les préfa- ces des manuels, révélent des demandes opposdes, sans liens entre elles —« Prendre en compte les difficultés par un ensemble trés struc- turé et une démarche trés progressive » ; —« Une wraie méthode pour débutants » ; =« Une progression grammaticale rigoureuse et solide » ; —« Une démarche notionnelle-fonctionnelle, pour développer une féelle competence de communication »; «La maitrise de savoir-faire permettant de faire face 4 des situa- tlons de communication variées ». \Lest évident que la maitrise dela structure et celle de la communi- cation concourent 4 définir la compétence, mals avoir une méthode, ce nest pas les considérer comme des abjectifs juxtaposés et les enseigner séparément, c'est trouver le moyen de les integrer et d’enseigner la pratique de la structure 4 travers la pratique de la communication, |I suffit-de peu de changements pour intégrer les abjectifs, mais il faut le vouloir et sen donner les moyens, Cest pourquai la méthode demeure indispensable. Mais que faut-ibentendre par méthode ? Essentiellernent un outil adapté aux buts poursuivis, Dans le domaine de |'apprentissage des langues, il faut évidemment avoir une conception de l'objet d'apprentissage, c’est-3-dire de |a langue, et une conception de ls fagon de I'apprendre nour farger cet outil nde la langue La conception de la languea évolué au cours du x siécle. Pendant les années 1950, la pensée portant sur la languea été une pensée de type structural : la langue se définissait comme un ensemble de structures dont i! faut connaitre les régles de combinaison pour pouvoir utiliser. On a donc enseigné majoritairement la structure. Un changement radial de pensée a séparé cette période de celle dans laquelle nous wivons actuellement, A partir des années 1970, la pensée sur la langue 2 été orientée par le concept de communication ; la langue sert 4 tranamettre des messages, donc a exprimer des inten- tlons dé communication 4 des partenaires avec lesquels on se trouve en interaction, d'od |'importance du choix de la forme linguistique gui doit étre adaptée au message et a l'interiocuteur, Cest la théorie des actes de parole. Utiliser |a langue, ce n'est pas seulement manipuler des structures, cest aussi véhiculer des sens conformes a |'intention de communication et adaptés linguistiquement 4 la situation de commu- nication dans laquelle on se trouve. Enseigner une langue définie ainsi peut paraitre une tache complexe —j[ nen est rien, Le changement de base qu'implique cette définrtion dela Jangue se résume dans |'idée sulvante:: le fait d’@tre plonge demblée dans une communication, méme trés réduite, est le principal moteur d’acquisi- tion de la langue, cest-a-dire que la structure s‘apprend par la communi- cation, et non avant elie. Cela suppose dladopter une technique de base relativement simple que nous décrirans tout au long de cet ouvrage: Nous montrerans que chaque aspect de l'apprentissage (comprendre~memori- ser—se corriger) peut'se faire en interaction, d'une part, entre les dléves et le professeur et, d’autre part. entre les éléves eux-mémes et non a travers des exercices rigoureux et contralgnants. Cet apprentissage est plus effi ace parce quill correspond au penchant naturel de l'etre humain qui app- rend a parler en communiquant et non en lisart des livres de grammaire, Certains penseront quesi l'on apprend en communiquant,on négligera la'structure et on ne saura jamais parler correctement, Dod la demande d'une « progression rigoureuse », d'un « ensemble trés siructuré », Cette demande révéle une angoisse ou une peur de lerreur ou de la « faute #, et indique surtout qu'on ne prend pas en compte le temps de maturation nécessaire a integration d'une structure. On ne peut sexprimer correcte- ment en début d'apprentissage, mals plus on sexprime, mains on fait derreurs, si une technique d’autocorrection a été mise en place. En résumé, le changement fondamental qu'a apporté |‘approche communicative de la langue (A.C) doit se penser a travers la formule s apprendre la structure en communiquant et non apprendre la structure avant de communiquer », Le pourquoi et le comment de cette demarche nous condulsent a envisager la conception de lapprentissage en tenant compte des recherches actuellement menées en neurosciences. Une conception de I’apprentissage Tout enseignant a une conception plus ou moins Implicite de l'ap- prentissage, qu'il s'est forgée par son expérience, la formation quill a regue, ses lectures et ses rencontres pédagogiques. En général, on évo- jue au cours d'une carriére, le monde pedagogique évolue, on se recycle, on « bouge », mais sait-on toujours pourquoi et sur quoi est fondée cette évolution 2 S'l'on veut se forger une idée valide dela maniére dont on apprend une langue, || faut pouvoir étre informé des recherches faites en psychologie de 'apprentissage Pour!'instant, le domaine scientifique de la psychologie de l'appren- tissage semble réservé aux spécialistes (enseignants chercheurs, auteurs de méthodes et didacticiens). Si la lingulstique et partiellement la sociologie ont pénétré |e champ de la didactique et ont été considé- fees. comme objets de formation dans des stages, il nen est pas de méme de la psychologie de l'apprentissage qui, a de rares exceptions prés, rest pas au programme des stages de formation. | ne faut pas confondre la psychologie de l'apprentissage et la psycholinguistique. Celle-ci. a pour objet des recherches trés ponctuelles sur des microdamaines dacquisition linguistique, parfois ts pointus, tels que lacquisition d'un phonéme ou d'un morphéme, En revanche, la psychologle de l'apprentissage et les neurosciences apportent des observations sur les processus cognitifs de base qui sont 4 loeuvre quand an apprend un savoir ou un savoir-faire en général, ou lorsque se développe l'intelligence chez enfant (cf les travaux de Piaget, Vigatsky, Bruner, Varela pour ne citer que les plus connus), Aune époque ai l'information circule en abondance et rapidement, il devient souhaitable que les enseignants aient accés non seulement aux innovations pédagogiques, telles quielles ant é€é pensées par des spécialistes, mais aussi aux sources et aux fondements qui les ont ren- dues possibles. Un recours, non pas 4 la théorie en sol, mais aux décou- vertes issues de recherches fondées sur des hypotheses, comme le sont toutes les recherches, peut permettre d'expliquer, de renforcer ou de nuancer ses propres conceptions pédagagiques. Cela constitue pour Venseignant une étape réflexive, propice 4 faire le point sur le bien- fondé de ses pratiques. Crest dans cet esprit que cet ouvrage a été concu, Grace a un va-et- vient entre ‘observation de pratiques qui 4 la fois apportent des résut- tats et motivent les apprenants. Par la prise en compte des recherches en psychologie de lapprentissage. on peut se forger une démarche rai- sannée ou lenseignement devient un engagement motivant dans la problématique de lapprentissage et non la simple application d'‘idées ou de prinelpes issus de la formation reque. Concrétement, cela revient 4. comprendre l'utilité de telles pratiques, pourquol on l'utilise a tel moment, et 4 observer comment les apprenants {a recoivent, bref 2 enseigner en connaissance de cause. Se constituer une méthode Lorsqu’on parle denseignement des langues, on évoque souvent le pro- bleme de formation, en distinguant les -enseignants qui ont recu une banne fermation et ceux qui ont une formation insuffisante. Il faudrait aller plus loin et admettre que les enseignants peuvent se farmer contl- nueliement en opérant des choix raisonnés parmi les activites pedago- giques proposées dans les méthodes ou initices par euxcmémes, en observant les résultats, en élaborant en quelque sorte leur propre « recherche-action’ », cest-d-dire en se constituant petit a petit leur propre méthode. ‘Quels sont les fils conducteurs permettant d’opérer des « choix raisonnés »? @ Le premier concerne la définition de la langue, En effet, la représen- tation qu'on a dela langue influence profoncément son enseignement : Yon considére avant tout qu'elle est un ensemble de structures a acque- rir, ou bien un instrument de communication. Dans le premier cas, (importance sera donnée 4 la forme, cest-a-dire a la grammaire et 4 la correction des erreurs. Dans le second cas, |'accent sera mis sur le sens, ja situation de communication et |a motivation de Iléve @ prendre la parole. On cherchera donc des techniques qui le permettent, alors que danse premier cas, on privilégiera plutét les exercices linguistiques. Be méme, sil’on est canscient que l'on doit enseigner des savoir-faire communicatifs et non des savoirs purement linguistiques, on privilégiera les notions de discours et d'acte de parole ains| que ce qu’ils impliquent. Ce premier fil conducteur constitu d’apports de la linguistique prag- matique et de la sémantique permet de mieux orienter les cholx néda- pogiques en privilégiant le sens et non la forme, ce qui est primordial. lorsqu’on veut enseigner 4 communiquer. @ [¢ second fil conducteur est I prise en considération des efforts cognitifs que l'apprenant doit déployer pour acquérir une nouvelle langue ; s‘agit-ll d'une langue trés différente (langue Icintaine) ou d'une langue volsine ? Dans chacun des cas, comment faciliter la compréhension d'un texte, celle de la grammaire # Comment assurer ia mémorisation des différents éléments de Ia langue : lexique, morpho- logie, syntaxe ? Sont-ils mieux mémorisés a travers des exercices ou 4 travers des pratiques semi-libres ov dirigées ? Comment évaluer lacquisition de chacun de ces éléments ? 1, En s‘insptrant de fa pratique deta « rechenche-action », telle quelle a éte definie dans Vrauvrage Farcours et procédures de formation des enseignants, De Boeck Universita, 2003, par M-1. de Wriendé et J, Courtillan, an peut donner les grandes lignes d'une conduite de recherche en classe : —se donner un objectif fondé sur une hypathése petmettant de comparer deux modes acquisition - par exemple, apprendre la grammaire 4 travers des exercices déductifs (imitation d'un modgle et application} ou @ travers une méthode Inductive sulvle Feutocortection = dvalver les résultats t-en titer des conclusions. choix méthadolegiques iniportants. Par exemple, lenseignement 4 un publica captif », peu conscient de ses motifs d'apprentissage (les eleves de sixiéme d'un collége francais), devrait avant tout étre orienté par la nécessité de motiver les éléves. Tandis que le public d'une classe terminale de lycée, od Tabjectif est ‘examen, peut étre considéré comme « non-captif », 4 condition toutefois que cet examen soit note avec un coefficient suffisant pour motiver les éléves a ¢tudier. Une autre variable a une influence profonde sur |'acquisition : le caractére voisin ou éloigné de la LM. et de la LC. Sil mest pas pris en compte au niveau des débutants, il peut canduire lenseignement 4 une impasse, en retardant indéfiniment l'acquisition satisfaisante de ta lan- gue (c'est le cas des langues lointaines) ou en démotivant Vapprenant d'une langue voisine qui ne peut étudier avant plusieurs années des textes d'une certaine complexité, alors qu'lls lul seraient accessibles trés tht. Le point de départ de l'apprentissage d'une L. £. nest pas le méme selon qu'll s'agit une langue voisine ou d'une langue lointaine. Les caracteristiques du public Afin de tenir compte de la diversité des publics tout en demeurant « opérationnel », cest-4-dire sans s‘enliser dans des différenciations peu ou non pertinentes, on ne s‘intéressera qu'aux criteres sulwants = @Olige: @ls situation volontaite ou involontaire d’apprentissage (public « captif » ou « non captif »); @ Varrigre-plan cutturel, Ear Lenfance est ge privilégié pour 'apprentissage d'une langue étran- gre. Michéle Garabédian, auteur de l'ensemble pedagogique Les Petits Lascars (Didier, 1986), nous en donne les raisons : « Claude Hagége, écrit- elle, éveque les blocages de l'adulte et les graces de l'enfant lorsqu’il parle c’apprentissage " précoce” des langues et des aptitudes des jeunes enfants dans ce domaine de perception de fa parole. Les recherches récentes en psycholinguistique et en psychologie du développement de lerfant mettent en évidence les capacités perceptives précoces du trés jeune enfant [..], ce qui conduit certains chercheurs 4 penser que les enfants ont une “capacité universelle” leur permettant de discriminer tout type de contraste phonetique de toute langue naturelle [..J. Au fur et a mesure du développement, le structuration des langues va se faire a partir de organisation du systéme de référence, celul de la premiére: langue, et les capacités précoces vont progressivement disparaitre, » Les autres paramétres propres 4 enfant et facilitant !apprentissage d'une langue sont, poursuit M. Garabédian, le besoin de communiquer, 'environ- nement sacio-affectif et ‘absence de blocage cognitif et «inhibition. Ces facultés, 4 de rares exceptions prés, n’existent plus chez l'adulte, du mains au méme niveau. D’ou |'impérieuse nécessite de refiéchir 3 tout ce qui peut faciliter l'apprentissage chez l'adulte, d'observer com ment l'apprenant passe d'un niveau de competence a un autre. Dire que «toutes les méthodes se valent » signifie en fait négliger l'apprenant, ‘Au contraire, essayer de comprendre ce dont Il a besoin pour progresser et pour aimer faire ce qu'il fait en apprenant conduit 4 prendre en compte l'intérét d'avoir une « méthode», cest-a-dire de choisir des modes denseignement répandant a des besoins reels de lapprenant. En effet, les besoins ressentis ne correspondent pas toujours aux besoins réels, Par exemple, ce n'est pas-en accumulant des exercices de gremmaire qu'on apprend a parler ;on peut le constater tous les jours. Répondre aux besains réels de l'apprenant adulte en utilisant, aprés en avoir constaté lefficacité, les moyens les plus adéquats revient en fait & faciliter 'apprentissage. Satisfalre 4 cette exigence signifie étre attentif aux besoins concernant la perception {avoir des hypotheses fortes pour |a faclliter), |a mémorisation (tout faire pour ja mettre en ceuvre) et |a production (lever les inhibitions). Enseigner une langue 4 des enfants, c'est respecter les spécificités de leur apprentissage, profiter en quelque sorte des « graces » dont lls disposent, tandis que l'enseigner 4 des adultes oblige 4 rechercher les moyens les plus « facilitateurs », moyens qui ne peuvent étre jugés quien fonction de leurs résultats et non a prion, Cela exige de |‘ensel- gnant une attitude pragmatique, un esprit dexploration de la méthode utilisée, On désigne généralement par captits les publics qui sont « prison- niers » d'une institution dans laquelle lls sant placés obligatoirement pour apprendre. Le public non-captif est en situation dapprentissage de par sa propre volonté, du moins peut-on l'espérer, Mais il peut aussi se sentir captif si la méthode ne lui convient pas. Le public captif n'a pas le chalx; un enfant de moins de 16 ans est obligé d'apprendre une langue 4 lécole, a: moins — cas rarissime —que ses parents ne la lul enseignent 4 la maison, ce qui implique diallleurs aussi un certain degré de « captivité », On mesure la difference qu'il peut y avoir prior entre une personne qui choisit un enseignement et celle 2 qui an I'Impose. Ce qui nexelut pas que des éléves, doués en langues, soient ravis d'apprendre 4 lécale une langue qu'lls n'ont pas forcément choisie, ni que des adultes qui ont obligatoirement choisi un cours s'y sentent captifs parce quills n'y trouvent pas les résultats escomatés. Mais eux peuvent abandonner le cours, Enseigner 4 des apprenants « captifs » Quelies que saient les raisons du sentiment de « captivité » éprouvé par les apprenants, il semble bien que le grand défi auquel se trauvent. confrontés les enseignants est celui de la motivation. Certains croient quelle est inhérente 3 lapprenant et qu'il n'y a rien 4 falre. Cest un jugement beaucoup trop hatif. La motivation peut se créer en cours d'apprentissage. Mais cela exige parfais quelques remises en question. Les facteurs qui créent la motivation sont : = |'Intérét du travall, sa nouveauté, la conscience qu'on est en train diapprendre une nouvelle culture, des informations différentes et nan de« nouvelles structures» ; le sentiment d'étre plongé dans un autre monde devrait primer sur celui de Veffort a faire pour apprendre fa grammiaire ; = Vactivité qu'on peut déployer en classe, grace a laquelle on ne voit pas le temps passer; —le sentiment de progresser, dobtenirdes résultats. Chacun peut étre plus ou moins sensible a ces aspects de la classe de langue. Cest pourquoi ils devraient étre tous présents: Uintérét dépend des textes (oraux et écrits) abordes. Il faut donc les négacier dans une certaine mesure (le sujet ou le theme} et sefforcer de ne pas présenter de textes neutres, Cest-d-dire dont les significations culturelles sont tres peu marquées, des textes « passe-partout » [appar tant Je méme type d'information dans toutes les cultures : 'hdpital. le travail de bureau). Ces textes dewraient permettre aux étudiants de découvrir les aspects culturels qu’lls contiennent. lis ne dewraient étre ni trop difficiles ni trop longs, pour que l'attention ne solt pas exagere- ment captée par la forme ou la prammuaire, au détriment du contenu. Certains s‘inquiéterant de ce qui peut apparaltre comme un « vouloir ignorer la grammaire ». Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de la placer su service de la communication ef non linverse, Croire qu'on peut apprendre ia grammaire a part, comme une entité détachée du discours, est une erreur. La grammaire ne s'acqulert qu’s travers la pratique du discours. Ilya la une occasion de motiver les étudiants qui ne voient pas Nintérét de la grammaire en soi, mais qui le comprennent lorsqu'ils se © fendent compte, gece & une méthodologie appropriée, cornment ils peuvent l'acquérir d'une maniére trés active, vivante, tout en communi- quant (cf chapitre 3}. Choisirdes textes qui mativent les étudiants peut trés blen se canci- lier avec des progressions fonctionnelles. Nous en discuterons aux chopitres 2 et 4. Si des textes sont choisis en tant que descriptions ou narrations, ou ‘toute autre grande fonction du langage, cela permet aux étudiants d'y découvrir la grammaire d'une maniére rationnelle. Pour décrire un objet, lis reconnaitront et s'approprieront dans ces textes tous les moyens grammaticaux de description : V'adjectif, le complément de nom, le participe passé, des formes verbales et une syntaxe approprice, Et tous ces éléments seront percus et appris dans leur fonction, a |'inté- fleur du discours, de préférence de qualité. Ces découvertes grammati- cales seront danc beaucoup plus efficaces que si elles avaient été ensel- gnées 4 travers des exemples de phrases hors discours qui constituent lessentiel des exercices grammaticaux tant prisés. Uactivité en classe dépend naturellement de la méthode choisle. Plus elle est directive et guidée, moins létudiant s'implique, Mais Il ya diffé- rents types de directivité, On peut etre directif sur les procédures, mais non sur les contenus. On se reportera au chapltre 3 pour une discussion de la méthode: Le sentiment de progresser est lié d'une part 4 !a méthode employée ot) 'éléve a de nombreuses occasions de comprendre, parler, se corriger et constater Intultivement des progrés et, d’autre part, aux evaluations périodiques qu'on pourra lui proposer et qui ne devront pas porter seulement sur ses connaissances en langue mais également sur ses capacltés ou san savoir-faire (of 2:3, Penser 'évaluation), On |e salt, le made dévaluation a une importance majeure pour la détermination des contenus d’enseignement. On enseigne en pensant plus cu mains consclemment au mode d'évaluation que subirant les éléves. Nous sommes donc confrontés au probléme suivant :les évalua- tions classiques ne correspondent pas aux motivations profondes d'un grand nombre dapprenants de langue qui se trouvent captifs sans le savoir, Mais les contenus d’enseignement daivent étreconformes aux évaluations attendues. Les éléves les moins motivés par le besoin d’'acquérir des connaissances solides en langue abandonnent, faute de trouver une réponse 4 leurs demandes. On incrimine les conditions éco- nomiques, mais que fait-on pour faciliter |'amorce de l'apprentissage d'une ou deux langues de culture internationale autres que l'anglais, apprentissage qui serait davantage centré sur les valeurs culturelles que sur la langue ? Quand les attentes d'un apprenant ne sont pas tres précises, ce qui est le cas pour une partie importante des publics adultes, on nese maintient-en classe que sion'y trouve plaisir ou interét, selan son tempérament, Or tout se joue au niveau des débutants. lime semble que cette réalité de bonssens n'est pas priseencompte Penser a l'spprenant plutot qu'au programme, se tourner vers lul pour savoir ce qu'il attend, plutét que justifier tes choix de |'institution... ne serait-ce pas la candulte 4 adopter pour résoudre le difficile probléme de la motivation ? On'se reportera au chapitre 1, 2. Les objectifs, attentes et besains pour y trouver quelques suggestions. Enseigner a des apprenants « non-captifs » \l parait inutile de développer longuement le theme concernant f'en- seignement 4 des apprenants en situation volontaire d'apprentissage, venant dans un but précis, professionnel. C'est en effet dans ce cas que ies demandes sont en général le mieux satisfaites. La régle d'or étant, aprés une analyse sérieuse des besoins, de fournir les. mayens linguis- tiques adaptés aux situations de communication of la langue sera exercée, d'utiliser une pédagogie essentiellement fondée sur les savolr- faire 4 acquérir et dévaluer les résultats a aide d'instruments canfor-: mes aux compétences recherchées. || n'est cependant pas inutile de rappeler que la simple satisfaction d'une demande strictement professionnelle n'est sans doute pas suffi- sante pour assurer le bon fonctionnement d'une classe de langue : ('apprentissage ne dépend pas uniquement d'activites intellectuelles, || dépend aussi de laffectivité. Le réle important que joue laffectivite dans lapprentissage est reconnu depuis longtemps. Aujourd’hul, les chercheurs en neurosdiences ant mis en évidence la zone cervicale ob ce processus est inserit : le cerveau limbique, si¢ge des émotions et de lappartenance au groupe. Or les Informations que pergoit 'apprenant passent d'abord par le cerveau limbique avant d'arriver au néocortex, Cest pourquoi, si ce cerveau est sollicité 4 travers des activites de groupe Impliquant la personne dans sa globalité (ses intéréts — ses émotions -son plaisir), une meilleure perception et rétention de l'infor- mation sont assurées, ce qui facilite |'apprentissage. foe eae Nous utiliserons ici le terme « culturel » dans son acception anthro- pologique banale, cest-a-dire : qui a trait aux comportements et mades de pensée (représentations) hérités de la société dans laquelle on vit, N’étant pas du tout spécialiste de la question, je me contenteral de commenter ce qui, a mes yeux, est important pour l'apprentissage 3 parmi ces comporterments et représentations, et de suggérer des options progressives, laissées 4 initiative des enseignants leur permet: tant de passer d'unesituation mains favorable a une situation qui serait propice a 'apprentissage, Il me semble que les deux aspects ayant les incidences les plus importantes sur V'apprentissage et qui peuvent se retrouver a des deprés divers dans toutes les sociétés sont les suivants : @ 1a relation enselgnant-enselgné, parce qu'elle conditionne la pedagogle | @ |2 représentation de ce qu'est l'spprentissage d'une langue, parce quielle conditionne tes techniques de classe et privilégie certains exercices Li ion enseignant-enseigné la relation enselgnant-enselgn¢ est sans doute l'aspect fondamen- tal, celui qui conditionne latitude des partenaires de la classe. Elle peut se caractériser par deux attitudes extrémes a lintérieur desquelles se situe une zone intermeédiaire comportant des degrés ; —la soumission de l'apprenant au maitre ; la participation de 'apprenant a son apprentissage. La soumission suppose leffacement de individu qui ne peut avoir d'initiative. Sa fonction est détre attentif, d'obéir et de répondre au maitre. La situation intermédiaire, la plus courante en Europe, est celle of Vapprenant existe théoriquement comme individu. Mais le rdle du maitre étant de fournir l'information, initiative de findividu mest pas toujours bien tolérée, Sa situation en classe est beaucoup plus passive que celle du maitre, ce qui entraine des comportements de mauvaise wolonté, de désintérét qui expriment une sorte de rébellian contre limpossibilité c'agir qui caracterise cette situation denseignement. Cest pourquei l'autre attitude exteéme, celle de participation, est souhaitable car elle canalise les volontés de rébellion. Le role du maitre est celui d'aide a 'apprentissage. + Les pensées ou principes qui révélent l'attitude de soumission : — Le maitre est id pour menseigner la langue. ~Je ne peux rlen comprendre de ce texte puisque je ne Val pas encore étudlé, —Je ne connais pas la régle, le maitre ne la pas encore expliquée, —Je dois farire Je moins de fautes possible, te maitre niaime pas ca. — Plus je seral attentif, mieux je révssirai, + Les pensées qui révélent ‘attitude de participation : — Le moitre va maiden Je vais Voir ce que je peux comprendre de ce texte. —Je vais essayer de deviner ce que je ne comprends pas. — Pus tard, je cornprendrai miaux. — ty ades régles qu'on peut trouver faciement en observant les phrases. — On peut aussi en discuter avec les camarades. —Sije fais des foutes, ce west pas grave, petit @ petit Je me corrigeral, Ces deux types d'attitudes opposées ne sont pas Immuables:On peut passer de la soumission 4 un certain degré de participation, Mais l'in- verse est vrai aussi. Cela dépendra des conduites de classe qui seront tolérées ou instaurées, {| faut d'abord s'intéresser aux marquas-de initiative, La série des comportements spontanés suivants est classée en fonction des degrés dinitiative, du degré le plus faible au plus fort : 1. (lever Ia main) pour répondre au maltre ; 2.lever la main) pour dire qu'on n'a pas compris; 3. (lever la main) pour demander si une phrase est correcte ; 4, (lever ia main) pour apporter une réfiexion personnelle (jaime ov Je n'sime pas, je pense que.) ; 5, faire une suggestion (est-ce qu'on pourrait relire / reecauter / faire tel type dexercice f..) ; 6. poser une question a un autre éléve, faire un commentaire ; 7. dire ce quion a compris d'un texte, racanter ce qui est arrive, donner un point de vue. Selon les situations (grands ou petits groupes}, on peut au non lever fa main. Lensemble de cette série de comparterents est habituel dans les situations de participation, Un professeur qui enseigne dans un autre contexte peut décider quels comportements le climat de sa classe per- met.S'll sen tient habituellement aux comparternents 1,2 ¢t3,il peut ten- ter de voir jusqu’sU il peut aller sans compromettre ce climat. Pour obte- nirle cormportement 4, il peut avoir sollicité au préalable: « Vous direz oe que, dans cet exercice ou ce texte, vous aitmez, ou vous n’aimez pas,ce que vous en pensez. » Il peut demander aux étudients quel type d'exercice ils préférent et pourquoi, |I peut graduellement introduire un certain degre d‘initiative, a moindres frais, Cest-a-dire sans risquer dentreindre les régles de létablissement. Méme la participation peut étre programmeée. La représentation de ce qu’est |'apprentissage d'une langue Naturellement, elle est lige a la relation enseignant-enseigne. On peut décrire les diverses représentations sur un axe qui va du plus passif au plus actif en ce qui concerne l'apport personnel de ltudiant. Dans le domaine des techniques de compréhension, cet axe vade la traduction par le maitre 4 la découverte par les éléves, en passant par explication magistrale, Pour la production orale, il wa de ja récitation de phrases au jeu de réles, en passant par les questions / réponses. En ce qui concerne la grammaire, 'axe va de ‘explication @ priaria ladécouverte par les éléves, en passant par la grammaire implicite extraite d'un minitexte et « fixde » pardes exercices, Cest la technique la plus répandue. Si le professeur pense que l'information ne peut venir que de lui, i traduira ou expliquera. S'il cherche 4 développer 'indépendance de ses étudiants, il leur enseignera les strategies qui permettent peu a peu d'ac- quérir cette indépendance -comment essayer de deviner (inférer) le sens. des mots grace au contexte, comment mémoriser ce quion vient de cam- prendre en se le répétant mentalement, comment verifier des hypathe- ses de sens en posant des questions, comment tolérer ambiguité dans un texte en relisant, réécoutant, Jusqu’a ce que fe degré de compréhen- sion augmente, comment travailler en groupe de fagon a s‘nabituer a prendre la parole sans angoisse, etc, Et surtout, s'il veut éviter la mano- tonie des explications et des exercices prammaticaux, || leur fere décou- vriren petits groupes des régles simples de grammaire en observant des phrases judicieusement rassemblées. Découvrir la place des pranoms objets, des adjectifs, 'emplai des prépositions est alors un jeu et non plus un pens. Uenseignant peut décider du degré c'activité qu'il veut introduire dang sa démarche : faire paser des questions et y répondre plutot que réciter des phrases toutes faites. | peut au bout d'un moment tenter |e Jeude réies et le travail de groupe parce que la classe y aura été amenée progressivement. || peut aussi se contenter d'un travail par paires (groupes de deux), sans bauleversements dans la classe. Les conditionnements culturels sont parfois trés prafonds et ne relé- vent pas de la didactique. Mais ce ne sont parfois que des habitudes que l'on peut changer. On est souvent surpris de ce qu'on peut obtenir d'une classe, dans un lieu-o0 on pensalt que les habitudes. socioculturelles Hinterdisaient. Ceci est \’affaire de chacun. Tenir compte des pesanteurs culturelles ne signifie pas nécessairementt « ne rien faire pour que cela change ». Cela peut aussi donner envie d'introduire des changements progressifs pour améliorer une situation qui n'est pas satisfaisante, et de tenter des experiences. Cela ne peut mener qu’ la satisfaction de constater le plaisir des etudiants. 2. Les objectifs, attentes et besoins ll apparait utile de définir ces termes pour éclairer la perception que peut avoir un enseignant des participants de son groupe-classe afin de mieux decider de ses choix pédagogiques, mee Les objectifs et les besains sont parfals confondus, dans la mesure ob le besoin est défini comme le moyen nécessaire pour atteindre un

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