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PATHOLOGIES CARDIO-VASCULAIRES GRAVIDIQUES

Cours pour étudiants 4eme année de médecine


Module de cardiologie
Année universitaire 2022/2023
Fait par Dr BENNAOUM H.A.
Maitre-assistant en cardiologie

Objectifs pédagogiques : à la fin de ce cours l’étudiant doit être capable de :


1. Décrire les modifications cardio-vasculaires physiologiques induites par la grossesse.
2. Citer les modifications cliniques et para-cliniques physiologiques de la grossesse.
3. Décrire les risques fœto-maternels de la grossesse chez les patientes cardiaques et leurs
étiologies.
4. Enumérer les complications cardio-vasculaires liées à la grossesse.
5. Enumérer les traitements cardio-vasculaires contre-indiqués pendant la grossesse et planifier
la gestion des anticoagulants pendant la grossesse.
6. Citer les moyens de planification de la grossesse chez la cardiaque.

Plan du cours :
1. Introduction.
2. Modifications physiologiques au cours de la grossesse normale.
3. Conséquences de la grossesse sur un cœur normal.
4. Conséquences de la grossesse sur cœur pathologique.
5. Cardiopathies et risque d’accidents gravido-cardiaques.
6. Prévention et traitement des accidents gravido-cardiaques :
I. Introduction :
La grossesse s’accompagne de modifications hémodynamiques qui s’accentuent lors de
l’accouchement et peuvent décompenser une cardiopathie sous-jacente connue ou non,
bien tolérée ou non antérieurement.
Les progrès réalisés dans le traitement médical, instrumental et chirurgical des
cardiopathies ont amélioré le pronostic de ces grossesses
II. Modifications physiologiques au cours de la grossesse normale :
A. Modifications hémodynamiques :
1. Pendant la grossesse :
 Le débit cardiaque :
Il augmente rapidement, d’environ 30 % à la fin du 1er trimestre, et atteint les valeurs les
plus élevées (supérieur à 40 %) vers le 6 ème mois.
Cette augmentation est due à plusieurs mécanismes :
- Augmentation de la fréquence cardiaque (tachycardie) : sous l’effet du tonus
sympathique.
- Augmentation du VES : Hypercontractilité myocardique sous l’effet du système
sympathique et par l’action directe des œstrogènes sur les protéines contractiles.
- Augmentation de la volémie : de l’ordre de 30% au 4 eme mois, 40 % au 8 eme mois, 50
% à terme, due à la stimulation de la sécrétion l’aldostérone par les œstrogènes et de la
progestérone.
- Diminution des résistances artérielle systémiques : sous l’effet des œstrogènes et de la
progestérone, elle débute au 1 er trimestre et persiste jusqu’au 6 eme mois pour revenir
progressivement a des valeurs normales a l’approche du terme.

 Les pressions intravasculaires :


La PAS et la PAD diminuent dès le début de la grossesse et tendent à revenir aux chiffres
antérieurs à la fin de la grossesse.

2. Pendant le travail et la délivrance :


L’accouchement par voie basse représente un stress hémodynamique supplémentaire.
Le débit cardiaque augmente jusqu'à 11 l/’, lors des contractions.
Lors de la délivrance la levée de la compression de la VCI par l’utérus ainsi que le transfert de
sang du placenta et de l’utérus dans la circulation veineuse entraine une augmentation ultime
du débit cardiaque.
Ce dernier va baisser de façon progressive pour se normaliser après quelques semaines.
B. Modifications biologiques : On observe :
- Une anémie physiologique (normocytaire normrochrome) par hémodilution.
- Une Vs augmentée.
- Une augmentation des facteurs de la coagulation et une diminution de l’activité
fibrinolytique.
- Hypo protidémie et hyperlipémie.

III. Conséquences de la grossesse sur un cœur normal :


1. Modifications cliniques :
- Hyperventilation par élévation du diaphragme (parfois sensation de gêne respiratoire).
- Œdèmes des membres inférieurs par compression de le VCI et par vasodilatation
veineuse.
- Signes physiques : Tachycardie, Choc de pointe étalé et dévié à gauche, BDC accentués,
souffles systoliques, souffles diastoliques (IT ET IP)
- Baisse de la pression artérielle.

2. Modifications électrocardiographiques :
- Tachycardie sinusale.
- Déviation axiale gauche du QRS.
- Diminution du PR et du QT (dues à la tachycardie).
- Parfois onde Q profonde en D3.
- Parfois des ESA et ESV isolées sans critères de gravités.

3. Modifications échocardiographies :
- Hyper contractilité myocardique.
- Augmentation modérée des diamètres du VG.
- IT modérée.
- Parfois un épanchement péricardique minime en fin de grossesse.

IV. Conséquences de la grossesse sur cœur pathologique :


1. Pronostic maternel :
La survenue de complications (Accidents gravido-cardiaques) dépend de la cardiopathie sous-
jacente et de l’âge de la patiente.
Les complications peuvent être :
- Apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque.
- Survenue d’une thrombose veineuse et/ou d’une embolie pulmonaire, en per mais
surtout en post-partum ou en post-abortum.
- La survenue d’une endocardite infectieuse, surtout en post partum.
- L’apparition d’un troubles du rythme (ACFA par ex.)

2. Pronostic fœtal :
- Mort in utero, avortement spontané.
- Accouchement prématuré.
- Mortalité périnatale.
- Risque de malformations liées à la prise médicamenteuse.

V. Cardiopathies et risque d’accidents gravido-cardiaques :


A. Cardiopathies acquises :
1. Rétrécissement mitral :
Cardiopathie la plus fréquente chez les femmes en âge de procréation. Quand la sténose est
serrée, il est en général mal toléré durant la grossesse. La dyspnée apparait généralement à
partir du 2eme trimestre. Un OAP ou un accident thromboembolique (sur ACFA
généralement) peut être révélateur de la maladie.

Traitement : si mal toléré, fait appel au traitement médicamenteux en premier lieu


(Diurétiques, bétabloquants) et traitement curatif après accouchement. Si échec du
traitement médical, une commissurotomie mitrale percutanée (CMP) peut être tentée au
cours de la grossesse.
Le traitement anticoagulant est formellement indiqué lorsque le rétrécissement mitral
s’accompagne d’une fibrillation auriculaire.
L’interruption thérapeutique de la grossesse peut être discuté si le RM est serré et
symptomatique avant la grossesse et âge gestationnel de moins de 12 SA.
2. Insuffisance mitrale :

En général, l’IM chronique est bien tolérée (Baisse des résistances systémiques). En cas de
dyspnée ou d’OAP le traitement médical fait appel aux diurétiques et vaso-dilatateurs. Le
traitement chirurgical sera envisagé en post-partum et la chirurgie conservatrice est
privilégiée (Plastie mitrale, pour éviter la pose de prothèse avec anticoagulation obligatoire
chez une femme jeune en âge de procréer) sauf en cas d’IM aigue mal tolérée. L’ITV peut être
discutée si grossesse sur IM sévère avec dysfonction VG sévère.
3. Rétrécissement aortique :
Rare chez les femmes jeunes. Une surveillance régulière est nécessaire tous les mois durant
les deux derniers trimestres mais le plus souvent, aucun traitement médical n’est nécessaire.
L’accouchement est à risque et doit être étroitement surveillé, en évitant en particulier toute
hypovolémie secondaire à des pertes sanguines ou à une vasodilatation lors d’une analgésie
péridurale. Certaines équipes recommandent une césarienne afin d’éviter les risques
d’instabilité hémodynamique lors du travail.
Les patientes symptomatiques doivent être mises sous traitement diurétique. Si elles restent
symptomatiques, le risque de décompensation peut conduire à une césarienne ou à une
intervention durant la grossesse.

4. Insuffisance aortique :

Généralement bien tolérée (même si volumineuse). L’examen clinique doit rechercher


systématiquement des signes dysmorphiques de maladie de Marfan. Le traitement médical
n’est indiqué que si l’insuffisance aortique est symptomatique et il repose essentiellement sur
les diurétiques. Le traitement bêtabloquant est indiqué durant toute la grossesse en cas de
maladie de Marfan. L’accouchement par voie basse est privilégié, à l’exception de la maladie
de Marfan s’accompagnant d’une dilatation de l’aorte > 40 mm.
La grossesse est contre-indiquée en cas de maladie de Marfan avec IA dystrophique (Risque
de dissection).
5. Valvulopathies opérées :

La grossesse chez une patiente opérée d’une valvulopathie a généralement un bon pronostic
hémodynamique lorsque la fonction VG est conservée avec bon fonctionnement de la
prothèse.

Le risque est celui d’une endocardite infectieuse et celui des traitements anticoagulants. Le
problème n’est pas tant le risque hémorragique que le risque thromboembolique accru en
raison des modifications de l’hémostase survenant durant la grossesse et des inconvénients
des différents traitements anticoagulants. :
- L’héparine ne traverse pas le placenta et n’expose donc pas à un risque d’embryopathie
mais les doses doivent être ajustées de façon continue et leur effet anticoagulant est peu
stable
- Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont un effet plus stable mais leur utilisation
nécessite une surveillance biologique de l’activité Anti-Xa.
L’utilisation des héparines au long cours pose des problèmes d’acceptabilité et à des effets
secondaires comme l’ostéoporose et la thrombopénie.
Les antivitamines K traversent le placenta et comportent un risque d’embryopathie
(malformations surtout faciales avec une hypoplasie nasale) d’environ 5 %, surtout en cas
d’exposition entre la 6 ère et la 12e semaine d’aménorhée.
Les antivitamines K ont une demi-vie plus longue chez le fœtus que chez la mère et exposent
à des complications neurologiques hémorragiques fœtales en cas d’accouchement par voie
basse.
La dose d’anti vitamines K semble conditionner le risque d’embryopathie et d’avortement
spontané, qui sont moins fréquents lorsque la dose de Sintrom est ≤ 2 mg/24 h.
La thrombose de prothèse est une complication redoutable car elle nécessite une chirurgie
cardiaque en urgence ou une thrombolyse en cas d’impossibilité de la chirurgie, ce qui
s’associe à une mortalité maternelle de 30 % durant la grossesse.

B. Cardiopathies congénitales :

Représentent 7% des cardiopathies de la femme enceinte.


Les cardiopathies mineures ou complètement corrigées n’exposent pas, en général, a un
risque maternel ou fœtal. (Ex. CIA fermée)
La CIV et la PCA (surtout si importants) exposent au risque d’IC et d’EI.
Les cardiopathies avec obstacle à l’éjection :
- Coarctation de l’aorte : risque de dissection (surtout lors du travail)
- Rao valvulaire et sous valvulaire : selon degré de sténose.
- Rétrécissement pulmonaire : risque d’IC Droite
Les cardiopathies cyanogènes et le syndrome d’eisenmenger : sont mal tolérées et la
grossesse est contre-indiquée.

C. Cardiomyopathies :
1. Cardiomyopathie hypertrophique (CMH):
La grossesse est généralement bien tolérée en cas de CMH non obstructive sans critères de
gravité, le risque est celui de la survenue d’une endocardite infectieuse ou de troubles du
rythme menaçants. Les bêtabloquants doivent être poursuivis pendant la grossesse. La
césarienne doit être privilégiée.

2. Cardiomyopathie dilatée (CMD) :


La grossesse est généralement contre-indiquée surtout si la dysfonction VG est sévère. Les
accidents gravido-cardiaques sont fréquents (Insuffisance cardiaque, troubles du rythme…).

3. La cardiomyopathie du post-partum (Syndrome de Meadows) :


Définie par la survenue d’une insuffisance cardiaque au cours du dernier mois de la grossesse
ou durant les 05 premier mois après l’accouchement en l’absence d’autres causes
identifiables d’insuffisance cardiaque. La physiopathologie est encore mal élucidée. Le risque
de la maladie est augmenté avec l’âge maternel, la parité, la multiparité, la préeclampsie,
l’HTA gravidique et la race noire. Le pronostic est bon chez la moitié des patientes avec
amélioration de la FE VG. Il existe un risque de récidive lors des grossesses ultérieures. Le
traitement est celui d’une dysfonction VG.

D. L’insuffisance coronaire :
La prévalence de l’athérosclérose et des facteurs de risque est faible chez les femmes en âge
de procréer. Les IDM de la femme enceinte sont en rapport le plus souvent avec occlusion
thrombotique, un spasme ou une dissection coronaire, sans sténose coronaire significative.
Le traitement de l’IDM chez la femme enceinte est délicat (Contre-indication relative à la
thrombolyse) mais ne diffère pas trop du traitement habituel de l’IDM.

E. L’HTA gravidique :

Elle devient la première cause de mortalité maternelle au cours de la grossesse.


Elle se définit par une PAS>140mmHg et/ou PAD>90 mm Hg, qui apparait après la 20 SA en
l’absence d’ATCD, sans ou avec protéinurie (Préeclampsie). La préeclampsie est souvent une
indication à une délivrance en urgence.
L’éclampsie et le HELLP syndrome sont des complications rares mais graves qui peuvent
mettre en jeu le pronostic vital de la gestante et du fœtus.
Objectif du traitement : éviter les complications maternelles et fœtales, les cibles de pression
artérielle ne sont pas très claires (Préserver une perfusion utérine sans complication
maternelles).
Une PAS ≥ 170 mmHg ou une PAD ≥ 110 mmHg chez une femme enceinte est une urgence et
une hospitalisation est recommandée.
Médicaments : Alpha-methyldopa, Inhibiteurs calciques (IEC et ARA2 contre-indiquées)
Risque de récidive lors de grossesses ultérieures, risque élevé d’HTA chronique.
VI. Prévention et traitement des accidents gravido-cardiaques :
A. Prévention :
- Il est recommandé d’évaluer le risque chez toutes les femmes qui ont une maladie
cardiaque en âge de procréer, avant la conception, en utilisant la classification modifiée
de l’OMS du risque maternel (Voir le tableau)
- Planification des grossesses chez les cardiopathes.
- Respect des contre-indications de la grossesse en cas de cardiopathie évoluée.
- Les femmes qui sont en classe II-III ou plus de la classification modifiée de l’OMS sont à
“haut risque” et leur prise en charge doit être discutée dans des centres spécialisés par
une équipe pluridisciplinaire : l’équipe cardio-obstétricale.
- Prophylaxie de l’endocardite infectieuse.

B. Traitements des accidents gravido-cardiaque :


- Repos et hospitalisation en milieu obstétrical (GHR) pendant les dernières semaines de la
grossesse.
- Régime désodé en cas d’insuffisance cardiaque.
- Les traitements qui peuvent être utilisés en cas d’insuffisance cardiaque : Bétabloquants,
digitaliques, Inhibiteurs calciques, diurétiques de l’anse.
- Anticoagulants : AVK à éviter le 1 er trimestre, substitution par l’héparine en fin de
grossesse (36 SA).
- Les médicaments contre-indiqués : IEC, ARAII, Amiodarone, propafénone.
- Le choc électrique externe n’est pas contre-indiqué.
- Le traitement instrumental peut être proposé en cas d’échec du traitement médical (CMP,
fermeture d’un cana artériel…).
Classification modifiée de l’OMS du risque maternel en cas de grossesse avec cardiopathie.

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