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CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DE L'INDÉPENDANCE DE CHACUN DES ÉPOUX

Historiquement le désir d'accroitre le rôle des femmes mariées dans la vie du ménage a
conduit à favoriser ces mesures d'indépendance d'un époux par rapport à l'autre. Cela passe aussi
par l'indépendance de chaque époux à l'égard des tiers.
Le mouvement d'autonomie s'est intensifié, et le régime primaire s'est accru, et a favorisé
l'indépendance dans les régimes de biens.
Cette indépendance est régie par des règles de fond, et aussi des présomptions de pouvoir
qui vont conduire l'époux comme s'il était célibataire.
Ces règles vont concerner l'indépendance dans la vie courante du ménage, ensuite dans la
vie professionnelle, et enfin dans la gestion de ses biens personnels.

Section 1 : L'indépendance dans la vie courante du ménage

Cette indépendance est d'abord assurée dans les opérations ménagères qui découlent de l'Art
220-1 al 1 « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien
du ménage et l'éducation des enfants ».
Les époux sont à égalité, c'est un effet de la loi, irrévocable, c'est donc une règle de fond.

§1 L'indépendance dans les opérations financières (Art 221)

A- Ouverture d'un compte

C'est un principe de liberté qui est posé, c'est une règle de fond. Les banquiers hésitaient
à autoriser l'ouverture d'un compte pour les femmes mariées malgré la reconnaissance de la capacité
de 1938, ils demandaient l'autorisation du mari.
Aujourd'hui chacun des époux peut se faire ouvrir sans le consentement de l'autre un
compte de dépôt ou de titres en son nom personnel. Cette liberté concerne les comptes ouverts
dans les établissements financiers. Le banquier peut demander le régime matrimonial du conjoint
pour des raisons tenant au passif mais il ne peut pas refuser l'ouverture en raison du type de régime.
Si un époux ouvre un compte joint ou un compte indivis avec un tiers cela est possible.
L'ouverture n'a pas d'intérêt si on ne peut pas faire fonctionner le compte. Les banquiers étaient
méfiants car les fonds déposés sur un compte pouvaient être communs. Donc il a fallu poser des
règles concernant le fonctionnement du compte.

B- Fonctionnement du compte

Art 221 al 2 a recourt aux présomptions de pouvoir. Le texte prévoit qu'à l'égard du
dépositaire (la banque) le déposant est toujours réputé avoir la libre disposition des fonds et
titres en dépôt. « Est réputé » c'est donc une présomption de pouvoir qui est utilisée.
Ne sont couverts que les opérations bancaires ou boursières qui se font au travers d'un
compte de dépôt ou de titres.
Les ventes ou achat de titres ou emprunt sont exclus du domaine de la présomption.
Cela s'explique par la volonté faite d'interdire l'établissement de perturber le fonctionnement du
compte. La règle dégage le professionnel de toute responsabilité quand bien même les titres ou
liquidités ne pourraient pas être gérés par l'époux titulaire du compte. L'un dépose des deniers sur le
compte de l'autre, le banquier est libéré de tout soucis la présomption est que l'origine vient du
titulaire.
La présomption est-elle applicable dans les rapports entre époux ? Cela revient à se
demander si la présomption est opposable à un époux qui entendrait empêcher le fonctionnement du
compte de l'autre. La meilleure solution est d'appliquer la présomption même dans les rapports entre
époux mais qu'elle est simplement simple. Cela revient à dire que l'époux qui voudrait empêcher
le fonctionnement du compte de l'autre devra prouver en justice que l'époux titulaire du
compte n'a aucun pouvoir sur les deniers déposés ou les valeurs mobilières.
Il y a 2 voies judiciaires possibles pour bloquer le fonctionnement d'un compte :

– Prouver l'absence de pouvoirs du disposant.


– Utiliser les mesures de sauvegarde du régime primaire (Art 220-1) ou d'autres dispositions
du régime de communauté s'ils sont en communauté (Art 1426 et 1429).

S'est posé la question de savoir quand prenait fin cette présomption de l'Art 221 notamment
cesse-t-elle à la mort d'un époux ? Ce qui a comme inconvénient si c'est le cas de priver le survivant
de tout pouvoir sur le compte même sur les comptes joint au moins temporairement le temps que le
survivant fasse la preuve de ses droits.
Après un arrêt de la Cour de cassation, la loi de 1985 est venue faire un ajout à l'Art 221
prévoyant que le disposant est toujours réputé même après la dissolution du mariage avoir la
libre disposition des fonds et titres en dépôt sur ses comptes. Afin qu'il ne soit pas bloqué et qu'il
n'ait pas à amener la preuve que les deniers lui appartiennent personnellement (généralement ils
sont indivis avec les héritiers du décédé).

§2 L'indépendance dans les opérations mobilières

Art 222. Jusqu'en 1965 malgré la reconnaissance de sa capacité depuis 1938 les femmes se
heurtaient à la méfiance des tiers avec lesquels elles contractaient.
Il est réputé avoir le pouvoir de faire seul cette opération.

A- Le domaine de l'indépendance mobilière

→ Le type de biens visés : ce sont d'abord les biens meubles, exclusion des immeubles. Les
biens meubles peuvent être les biens corporels. Art 222 al 2 prévoit 2 exceptions qui conduisent à
l'indépendance mobilière :

– Les meubles meublants garnissant le logement familial. La présomption qui permet à


l'époux de faire tout seul le contrat sans avoir à démontrer de titres ne joue pas concernant
ces meubles. La règle de cogestion l'emporte sur la présomption de l'Art 222 al 1.
– Les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété personnelle. Ce sont
des biens attachés à la personne ou ce sont des instruments de travail d'un époux. Il n'y a pas
la condition de la détention individuelle dans cette hypothèse.

Concernant les meubles incorporels une controverse s'était développée sur la question de
savoir s'ils étaient concernés. On parlait de détention et ce terme renvoie aux meubles corporels. Les
travaux préparatoires ont avancé qu'il fallait les intégrer (surtout avec le développement de ces
meubles incorporels).

→ Le type de détention : il faut que le bien mobilier soit détenu individuellement. Le


législateur a voulu que la présomption de pouvoir ne s'applique pas si la détention est conjointe. Par
exemple pour les meubles qui se trouvent dans n'importe quelle résidence (principale ou
secondaire). Si la détention est équivoque la présomption ne jouera pas.

→ Les actes concernés : la formule utilisée par l'Art 222 al 1 est très large, ce sont non
seulement des actes d'administration et de disposition que va pouvoir faire seul un époux sur les
biens meubles mais aussi les actes de jouissance. Pour les actes de jouissance le législateur a voulu
lever toute ambiguïté en matière d'acte locatif (prendre en location un des époux seul un bien
meuble que celui ci détiendrait).
B- La portée de l'indépendance mobilière

→ À l'égard des tiers : ce sont les cocontractants d'un époux mais cela peut aussi être un
notaire. Les parties et le notaire seront mis à l'abri de toute responsabilité, si un époux passe seul un
acte sur un bien meuble qui remplit les conditions de l'Art 222 quand bien même cet époux n'aurait
pas de pouvoirs.
Cette présomption est irréfragable. Pour que l'acte soit inopposable voire nul, à l'autre
conjoint, il ne suffit pas de prouver que l'époux qui a fait l'acte n'avait pas de droits sur ce bien ou
n'avait que des droits insuffisants. La responsabilité du tiers ne peut pas être engagée. Il y a
toutefois 2 cas de figure où le tiers pourrait être inquiété :

– Si la condition relative à la détention individuelle n'est pas remplie.


– Si la mauvaise foi du tiers serait prouvée.

→ Entre époux : la question est de savoir si le conjoint de celui qui a fait l'acte peut exercer un
recours soit durant le mariage soit après si son époux a excédé ses pouvoirs à propos d'un acte
portant sur un bien meuble. Ce recours ne peut être destiné qu'à obtenir une indemnité. L'acte qui
a été passé ne peut plus être remis en question, le tiers acquéreur ne peut pas être inquiété
donc il garde le bien meuble objet de l'acte. Donc entre époux on ne peut régler ce problème
qu'avec des indemnités.
La présomption joue, mais elle est simple, donc peut être combattue par la preuve contraire.
L'époux plaignant pourra rapporter la preuve d'un excès de pouvoir et pourra obtenir une indemnité.

Section 2 : L'indépendance professionnelle (Art 223)

§1 Le choix d'une profession

Chaque époux peut librement exercer une profession, c'est le contexte historique qui
explique cette règle. La loi de 1907 a opéré une double réforme pour la femme mariée exerçant une
activité professionnelle différente de son mari : le droit de percevoir librement ses salaires et la loi a
isolé la masse des biens acquis par la femme et les a réservé à son administration et à sa jouissance.
Malgré ces deux avancées, la loi de 1907 n'avait pas abandonné l'exigence d'une autorisation
maritale pour que la femme exerce une profession. La loi de 1938 a renversé ce principe, mais une
opposition du mari pouvait être faite dans l'intérêt de la famille. Ce n'est que la loi du 13 juillet 1965
qui a supprimé ce droit d'opposition. Il a fallu attendre 1985 pour avoir un texte faisait aucune
allusion au sexe.
Cette liberté était-elle absolue ? En doctrine on explique que l'activité professionnelle
doit être compatible avec l'accomplissement des obligations du mariage, la sanction serait le
divorce.

§2 La libre disposition des gains et salaires

Depuis 1985, l'Art 223 dispose que chaque époux peut exercer une profession, percevoir des
gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage.
Ce n'est qu'une fois le devoir matrimonial réalisé (l'obligation aux charges du mariage),
que la liberté est totale. Il y a une affectation prioritaire des gains et salaires aux charges du
mariage, et la liberté est seconde.
Cette liberté de disposer des gains et salaires peut parfois provoquer des compensations
pécuniaires entre les masses. Dans le régime de communauté, on peut avoir des restrictions de
pouvoir opérées sur certains biens communs or les gains et salaires ont été jugé appartenir à la
communauté. Or l'administration de certains biens communs peut être subordonnée parfois à des
contraintes telle que la cogestion. C'est notamment le cas lorsque l'un des époux veut donner un
bien commun. La question s'est posée de savoir quel texte doit primer lorsqu'un époux entend
donner des gains et salaires ?
Doit-on faire primer l'Art 223 qui permet à un époux seul d'agir, ou bien faut-il respecter 1422 et
opérer une cogestion ? Arrêt Civ 1ere du 29 février 1984 la jurisprudence a retenu que le régime
primaire, l'Art 223 l'emportait, la donation même faite sans l'accord du conjoint est belle et
bien valable, mais les gains et salaires étant communs, l'un des époux a disposé de biens
communs dans son intérêt personnel donc la communauté aura droit à une récompense à la
dissolution c'est-à-dire au remboursement de la somme qui a été prélevée (Art 1437).

Section 3 : L'indépendance dans la gestion des biens personnels

L'Art 225 dispose que « chacun des époux administre oblige et aliène seul ses biens
personnels ». La place de la règle dans le régime primaire peut surprendre car c'est plutôt une règle
de fond au sujet des régimes de biens. En matière de communauté il y a un parallèle avec l'Art
1428.
Cette règle protège une valeur essentielle : l'autonomie pour chaque époux dans la
gestion de ses biens personnels. Dans le régime de communauté il s'agit des biens propres. Dans
un régime de séparation de biens sont visés les biens personnels de chacun des époux donc en
réalité tous les biens sauf les biens acquis en indivision.
Quelques tempéraments :

– Un époux peut donner mandat à l'autre de gérer ses biens propres ou personnels (Art
218). En régime de communauté, ce mandat est visé par l'Art 1431 et l'Art 1439 pour le
régime séparatiste. Ces biens peuvent faire l'objet d'une gestion d'affaire (Art 219).
– Il est prévu qu'un époux peut s'immiscer dans la gestion des biens de l'autre au vue et
sus de l'époux propriétaire. Cela peut constituer un mandat tacite présumé. Pour la
communauté (Art 1432) et pour le régime séparatiste (Art 1540).

L'Art 225 interdit d'introduire dans le contrat de mariage une clause d'unité
d'administration c'est-à-dire qui donnerait l'administration des propres de l'un à l'autre
époux en raison du caractère impératif de l'Art 225 qui se recoupe avec l'art 218 (mandats entre
époux ne doivent pas être irrévocables).

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