Professional Documents
Culture Documents
9782307527343
9782307527343
Si
Centre Interuniversitaire
d'Etudes Méditerranéennes
Université de Poitiers
BARATHON JEAN-JACQUES
FASCICULE 13
ETUDES MEDITERRANEENNES
1989
Coordination frappe et dessin BARATHONJean Jacques
/
Planches photographiques Imprimerie GERBAUD
MONTMORILLON
Tirage BARRIQUAULTGérard
Technicien Univ. POITIERS
I.S.S.N. 0766-51 56
Couverture : le littoral des Beni-Saïd à l'ouest de Sidi Mekhfi.
(Vue du Quaternaire moyen et récent).
AVANT-PROPOS
(*) Les figures et les tableaux sont numérotés en chiffres romains pour indiquer le chapitre
et en chiffres arabes pour donner l'ordre à l'intérieur du chapitre.
Ce trait n'a plus rien de rifain et l'on peut alors penser aux vastes horizons des pays de
la moyenne Moulouya. Si la comparaison est possible, il faut cependant remarquer que
les plaines et les bassins plus ou moins perchés du Maroc du N.E. ne connaissent jamais
l'ampleur de ceux des pays de la Moulouya. Plus ramassés, ces bassins sont aussi un peu
moins arides. La proximité de la mer, avec ses brumes côtières fréquentes, rend la
chaleur de l'été plus supportable et adoucit notablement les hivers. Enfin, les rosées
presque quotidiennes en été dans les franges littorales, expliquent peut -être aussi
l'intense peuplement de la façade maritime.
Car l'originalité du Rif oriental est aussi d'ordre humain. Partie de l'ancien
Protectorat espagnol, ce pays a souffert de cette situation et les relations avec le reste
du Maroc étaient particulièrement difficiles. Depuis l'Indépendance toute une politique
de désenclavement et de mise en valeur essaie de rattacher cette région densément
peuplée au Maroc occidental. Les efforts ont porté sur la réalisation de liaisons
routières qui permettent de rejoindre la route principale d'Oujda à Fès. La liaison
Nador-Taourirt par Mechra Homadi est la plus ancienne. La route de Nador à Taza par
Midar et Aknoul reste difficile. Enfin, une nouvelle voie est en cours d'aménagement qui
traverse le Guerrouaou pour rejoindre Saka et Guercif. Le projet de bretelle
ferroviaire en direction du S. devrait aussi se réaliser. Enfin, le port de Beni Enzar
permet, en théorie, l'ouverture de la région au commerce maritime méditerranéen
tandis qu'un aéroport international doit être construit entre Monte'Arrouit et Zelouane.
Les réalisations les plus spectaculaires l'ont été dans le domaine agricole et
la région de Nador se distingue sur ce plan non seulement de la montagne rifaine mais
aussi des autres régions de l'Oriental, à l'exception de la plaine des Triffa. En effet, le
développement de l'agriculture irriguée a façonné de nouveaux paysages dans les plaines
du Zebra, du Boû-Areg et maintenant du Gareb. Le Rif oriental disposait de vastes
territoires plans aux sols limoneux qui, grâce aux travaux hydrauliques réalisés sur la
Moulouya, ont pu être gagnés à une agriculture intensive. Ainsi de pauvres pâturages,
domaine d'un nomadisme traditionnel, sont devenus aujourd'hui de riches champs de
betteraves ou de canne à sucre ou bien encore, de beaux vergers d'agrumes.
Cependant ces activités agricoles nouvelles ne suffisent pas à employer une
population de plus en plus nombreuse et d'ailleurs peu préparée aux techniques de
l'agriculture irriguée. Un projet d'industrialisation a été élaboré depuis très longtemps
et sa réalisation est actuellement en cours. Toutefois ses objectifs paraissent bien
modestes. Aussi le Rif oriental est encore un pays d'émigration. Comme le montre R.
BOSSARD (1978), il s'agit d'une vieille tradition. Durant l'entre-deux-guerres, les
départs durables se sont faits vers l'Algérie occidentale voisine. Depuis l'Indépendance
de cet état, le courant migratoire a traversé la Méditerranée avec de nombreux départs
vers l'Europe de l'W. et du N.W. Les conséquences sur l'économie régionale en sont de
premier ordre et les manifestations les plus évidentes se retrouvent dans l'habitat
(croissance urbaine effrénée, multitudes des constructions nouvelles dans les
campagnes) et la recherche du confort (automobile, télévision, groupes électrogènes ou
éoliennes).
Disposant de ressources en eau, de terres irrigables et d'hommes, cette
région du Maroc se distingue donc bien des montagnes rifaines où l'agriculture moderne
ne connaîtra jamais un essor aussi remarquable, mais aussi des pays de la Moulouya
caractérisés par un vide démographique. Ce Rif oriental constitue donc une véritable
entité géographique. C'est d'ailleurs ce qu'a remarquablement démontré J. F. TRION en
1967 dans un article de la Revue de Géographie du Maroc, réservant à cette région le
nom de Nord-Est marocain. Par son relief et son climat ce domaine constitue une
transition entre la haute montagne rifaine et les vastes étendues sèches de l'Oriental. En
ce sens on peut dire qu'il n'est ni Rif ni Oriental mais une véritable combinaison des
deux milieux. Originale, cette région l'est aussi par son histoire, sa démographie, son
économie qui malgré quelques efforts reste encore en deça de ses possibilités. Depuis
près de 20 ans les relations avec le reste du Maroc ne se sont guère améliorées et à cet
isolement physique s'ajoute celui des mentalités et l'on garde le souvenir vivace du
héros de la Nation Rifaine, Abdel Krim el Khattabi.
L'appellation N.E. marocain paraît donc totalement justifiée. Cependant,
afin de ne pas créer de confusion avec le travail d'A. LAOUINA qui s'intéresse à une
région voisine, à l'E. de la Moulouya, j'utiliserai ici l'expression Rif oriental ou plus
simplement province de Nador pour désigner le territoire envisagé dans mon étude.
Après avoir ainsi affirmé la personnalité de ce Rif oriental, il est plus aisé
de définir les limites du terrain étudié, figure 1-1. A l'E., j'ai arrêté mon travail à la
vallée de la Moulouya. Au S., ce sont les hauteurs des Beni Snassene occidentaux, du J.
Fezzene, du J. Bou Slah et du J. Mazgout qui serviront de limite entre les grands bassins
de Taourirt et de Guercif et les cuvettes plus modestes du Rif oriental. Al'W. enfin, c'est
le méridien de Boudinar qui bornera mon domaine. Tout le piémont de la haute montagne
rifaine à l'W. de l'oued Chemmar se trouve ainsi exclu. En effet, structure, relief et
climat de cette région sont déjà montagnards. De plus, les nappes marneuses
profondément lacérées par un réseau hydrographique dense constituent un véritable
désert morphologique et humain entre une montagne forestière relativement peuplée et
des plaines parcourues par les nomades Metalsa, éleveurs de moutons, de chèvres et de
dromadaires. La région ainsi définie s'étire sur 110 km environ du S.W. au N.E. et sur
60 km en moyenne du N. au S. Elle correspond approximativement à la province de
Nador.
Toutefois, à l'intérieur de ce domaine, j'ai choisi de n'étudier que les
bassins et les littoraux car, par la modestie de leurs reliefs, les montagnes ne
présentent pas de formes caractéristiques. Le climat semi-aride et la raideur des
pentes expliquent qu'elles n'ont pas conservé de témoignages nombreux de l'évolution
géomorphologique récente. En revanche, elles ont nourri les bassins et les piémonts où
l'on rencontre une grande variété de formations qui s'y sont déposées depuis le Néogène
supérieur. On peut alors reconstituer l'histoire morphologique de cette province au
cours des 6 à 8 derniers millions d'années. La mobilité lithosphérique récente, les
variations climatiques et eustatiques ont pu être enregistrées parfois avec une assez
bonne précision. Ces bassins et ces littoraux sont donc des milieux privilégiés pour
l'établissement d'une chronologie détaillée des principaux événements ayant contribué à
l'élaboration des paysages. Mais, comme le comportement tectonique de ces régions est
loin d'être uniforme, il paraît possible de proposer une typologie des différents bassins
du Rif oriental.
Je dois signaler que les noms de lieu et leur transcription sont empruntés
aux cartes topographiques au 1/50 000 qui couvrent l'ensemble de la région. Les
domaines les plus méridionaux correspondent aux éditions les plus anciennes et la carte
de Mechra Homadi (1958) est sans doute la plus imprécise. Les feuilles de Meg el
Ouidane, Saka et Aïn Zora éditées en 1964 appartiennent au contraire au même type que
l'ensemble septentrional réalisé à partir de 1967 et ces cartes constituent de précieux
documents de travail. Il faut pourtant noter que les transcriptions des noms berbères ne
correspondent pas toujours à la réalité phonétique comme le prouve l'exemple suivant :
Itounet (douar proche de Kebdani) est en fait prononcé Touhount par les autochtones. La
nouvelle carte au 1/100 000 publiée entre 1971 et 1974 présente certaines
restitutions différentes (Guerrouaou devient Ayarwaou mais Itounet ne change pas).
L'échelle de ces cartes et le plus petit nombre de toponymes expliquent pourquoi j'ai
préféré utiliser essentiellement les indications des coupures au 1/50 000.
En dehors de ces documents cartographiques publiés d'abord par l'I.G.N.
français puis maintenant par le Service Topographique dépendant du Ministère de
l'Agriculture, à Rabat, on dispose d'une couverture complète de photographies
aériennes au 1/45 000 environ établie lors des missions de 1958 (NI 30 XV-XVI et NI
30 XXI-XXII. Je n'ai pas utilisé les couvertures à plus grande échelle qui n'intéressent
que les périmètres irrigués et qui n'étaient d'ailleurs pas disponibles au début de mes
recherches.
Les travaux de Géologie concernant la région sont encore peu nombreux et
de qualité fort inégale. Les anciennes cartes espagnoles que j'ai pu consulter n'ont
qu'une valeur historique et ne peuvent malheureusement pas être utilisées pour un
travail sérieux. La feuille d'Oujda au 1/500 000 (1954) demeure aujourd'hui l'un des
deux documents cartographiques de base couvrant toute la région. Les deux cartes
réalisées par G. SUTER et publiées en 1980 (carte géologique et carte structurale de la
chaîne rifaine au 1/500 000) sont particulièrement précieuses. La carte de Tistoutine
au 1/100 000 (1971) couvre une bonne partie du S.W. de la région. Enfin, des thèses
de 3ème cycle ont étudié les secteurs septentrionaux et rifains (bassin de Boudinar
pour J. P. HOUZAY, région de Melilla et de Nador pour M.GUILLEMIN, bassin d'Arbaâ de
Taourirt pour D. FRIZON DE LAMOTTE) et elles ont été récemment publiées sans faire
l'objet d'une véritable synthèse dans le n° 314 des Notes et Mémoires du Service
Géologique de Rabat (1982) sous le titre "Etudes géologiques sur la chaîne rifaine : III".
Ces recherches avaient donné lieu à des levés cartographiques et trois cartes au 1/50
000 viennent d'être publiées. Il s'agit des cartes de Melilla, de Kebdani et de Boudinar.
Les récents travaux entrepris pour réaliser les périmètres irrigués ont
été précédés d'assez nombreuses études spécialisées. C'est le cas par exemple, des
recherches hydro-géologiques réalisées dans les plaines du Gareb, du Boû-Areg mais
aussi dans la région de Driouch. Les travaux de Ph. CARLIER ont ainsi donné lieu à une
publication en 1973, dans la série Notes et Mémoires de la Carte Géologique du Maroc.
Il s'agit de la notice explicative de la carte hydrogéologique au 1/50 000 de la plaine du
Moyen Kert, n° 250 bis.
Des études pédologiques ont été menées dans les périmètres irrigués du
Zebra, du Boû-Areg et plus récemment du Gareb. Certains résultats ont ainsi été
repris dans la thèse de A. RUELLAN et publiés en 1971. On dispose aussi d'une carte
pédologique au 1/20 000 de la plaine du Zebra levée par Ch. MASSONIet A. RUELLANet
publiée en 1963 par l'Office National des Irrigations. De la même année date aussi la
carte pédologique au 1/50 000 de la plaine du Gareb d'après les travaux de Ch. MASSONI.
Ces deux derniers documents forts intéressants ont connu une diffusion limitée et il est
bien souvent difficile de les consulter. C'est d'ailleurs le cas de nombreux rapports
multigraphiés que l'on peut retrouver, au hasard des archives, dans tel ou tel service.
En raison de la grande dispersion de la documentation, il est très probable que certains
travaux aient échappé à mes recherches documentaires. Je ne prétends donc pas faire
ici un état exhaustif des diverses publications concernant le Rif oriental.
Pour terminer, j'ajouterai que deux thèses de doctorat d'Etat m'ont apporté
nombre de renseignements. C'est tout d'abord le travail de R. RAYNAL, "Plaines et
piémonts du bassin de la Moulouya, (Maroc oriental). Etude géomorphologique", publié
en 1961 et qui intéresse les marges orientales de mon domaine. C'est ensuite l'ouvrage
de G. MAURER " Les montagnes du Rif central. Etude géomorphologique" (1968) qui
aborde l'étude des régions les plus occidentales de la province de Nador. En fait, ces deux
publications ont un intérêt bien plus grand encore. Elles ont pu me servir de références
et elles m'ont aussi permis de poser un certain nombre de problèmes qui ont rendu
encore plus attrayante pour moi l'étude qui suit. *
Celle-ci est divisée en trois grandes parties. Le Livre 1présentera l'unité
morphostructurale et bioclimatique du Rif oriental. Dans le Livre Il sera envisagée
l'évolution morphoclimatique régionale depuis le Miocène supérieur. Enfin, le Livre III
insistera sur l'instabilité tectonique de la province de Nador et analysera ses
conséquences sur la répartition régionale des paysages.
LIVRE I
AuS. de ce bassin le long bourrelet montagneux des Beni Touzine et des Beni
Saïd voit ses altitudes décroître de l'W. (1450 m au-dessus de Tafersit ) vers l'E.
puisque le petit volcan du Boû Ziza qui repose en partie sur les plateaux schisteux ne
dépasse guère 500 m. Bien que très continue, cette barrière escarpée présente deux
ensellements qui facilitent sa traversée. C'est tout d'abord l'abaissement de la ligne de
crêtes à une altitude de 700 menviron et qui se situe à la jonction des deux massifs. La
route de Ben Tieb à Boudinar emprunte d'ailleurs ce passage. C'est ensuite tout le
domaine oriental des Beni Saïd dont l'altitude est comprise entre 4 et 500 mmais qui,
localement, ne dépasse pas 320 m. Au contraire, la partie occidentale du même massif
atteint souvent 800 met culmine à 922 m.
Ce bourrelet montagneux long d'une soixantaine de kilomètres, présente
une dissymétrie caractéristique. Son versant S. très court puisqu'il ne se développe que
sur 2 à 3 km dans les meilleurs cas, se dresse avec vigueur au-dessus des bassins du
Kert moyen. Son versant N., au contraire, étire ses serres étroites sur 8 à 10 km en
direction de la mer lorsque les massifs atteignent leurs plus grandes largeurs. D'une
manière générale, et pour une section donnée de la ride montagneuse le rapport entre
versants S. et N. est toujours compris entre 1/3 et 1/2.
Vers l'E., au-delà de l'étroite vallée du bas Kert, on peut rattacher à ce
premier alignement le massif du Gourougou, lui-même dissymétrique et dont l'altitude
approche 900 m. Cet énorme volcan est flanqué à l'W. et au N. de vastes tables
subhorizontales dont l'altitude est voisine de 500 malors que vers l'E. le volcan domine
avec vigueur la Mar Chica dans laquelle ses coulées paraissent plonger.
Il faut enfin faire une place particulière à la longue façade littorale du Rif
oriental qui se développe sur près de 150 km depuis le Cap Quilates (Ras Tarf) à l'W.
jusqu'au Cap de l'Eau (Ras Kebdana) à l'E. Celle-ci se compose de deux grands arcs de
cercle de longueur à peu près identique et qui se rejoignent au Cap des Trois Fourches.
Cette véritable péninsule qui s'avance d'une vingtaine de km vers le N. délimite en fait
deux régions bien différentes.
Le littoral occidental souvent rocheux et entaillé en falaises vives, présente
un étagement remarquable de plates-formes entre le bassin de Boudinar et le petit cap
de Punta Negri. C'est dans le secteur côtier des Beni Saïd orientaux que cet étagement
est le plus complet puisque l'on peut compter sur une même verticale jusqu'à 5
replats s'échelonnant de +5 mà + 140 m. Tous ne présentent pas une égale continuité
ni une largeur identique. Le plus important par son extension s'élève à une soixantaine
de mètres et on peut le suivre sans interruption majeure des environs de l'embouchure
du Kert jusqu'au bassin de Boudinar. Ce véritable balcon qui domine parfois
directement la mer, a été aménagé dans les schistes ou les marnes et il constitue le
système morphologique essentiel sur ce littoral occidental. En revanche, il disparaît au
N. de Punta Negri et la Péninsule des Trois Fourches ne possède jamais la même
richesse en formes étagées.
Sur son flanc occidental, cette longue péninsule prend l'aspect d'un long
versant concave très régulier qui se termine localement par un replat assez discontinu.
Ce replat est encore plus discret sur la côte orientale où l'on rencontre surtout des
falaises vives, parfois grandioses, jusqu'aux portes de Melilla.
Brutalement, à partir de ce préside espagnol, un nouveau paysage littoral
apparaît qui rappelle par de nombreux traits le littoral languedocien. La Mar Chica,
improprement nommée Sebkha Boû-Areg sur certaines cartes, n'est rien d'autre qu'un
vaste étang séparé de la mer par un long cordon de sables. Le grau qui permet aux
pêcheurs de Nador de sortir en mer ne se situe pas comme l'indique la carte d'Oujda au
1/500 000 près de Beni Enzar mais au droit de Nador. Cette passe est d'ailleurs
entretenue assez régulièrement pour empêcher sa fermeture.
A. l'E. de cette lagune, la côte est de nouveau escarpée. Les falaises vives
sont d'ailleurs de plus en plus élevées en direction de Ras Kebdana. Elles constituent de
véritables murs verticaux de 60 à 70 mde haut qui peuvent s'écrouler par pans entiers
en raison de la faible résistance des formations détritiques dans lesquelles elles sont
entaillées. Ala différence des régions occidentales on ne trouve ici aucun étagement de
plate-forme, ce qui en fait un domaine morphologique relativement pauvre.
La variété des paysages littoraux qui vient d'être évoquée reflète en fait la
diversité des unités structurales que recoupent les deux grands arcs côtiers. Ces
différences de structure sont aussi responsables de la variété des formes du relief en
domaine continental en dépit de certains traits communs propres aux bassins ou aux
montagnes.
(*) Pour plus de détails concernant les types de temps générateurs des précipitations et de la
sécheresse, se reporter à l'article détaillé de F. COUVREUR - LARAICHI (1972).
b) Un climat chaud qui ne connaît pas de températures extrêmes.
Les statistiques dont on dispose sont nettement moins nombreuses que pour les
précipitations car l'agriculture est bien plus dépendante de l'humidité atmosphérique
que des températures.Le tableau 1-2, p. 28 reprend les données de quelques stations
mais, à l'exception de Zaïo, on constate des températures moyennes annuelles
identiques et légèrement inférieures à 18°. Cela tient d'une part à une chaleur modérée
des étés mais surtout à la douceur des hivers. La moyenne des minima de janvier est
de 4°6 à Driouch et Midar, stations continentales, et le gel y est exceptionnel. Il est
inconnu sur les littoraux. Son rôle géomorphologique actuel est donc tout à fait
négligeable, même si les chaînons montagneux les plus élevés peuvent connaître des
températures négatives en hiver. Encore faut-il que ces coups de froid surviennent
après des précipitations pour que le gel ait une action notable.
D'une manière générale, les bassins connaissent donc des températures
douces durant toute la saison fraîche et l'hiver n'entraîne pas toujours un arrêt de
l'activité végétative. En revanche, les températures estivales assez élevées (les
moyennes de juillet et d'août sont de l'ordre de 23 à 24°) peuvent ralentir la croissance
de certaines plantes. Le bilan hydrique est alors nettement déficitaire ainsi que le
soulignent les diverses études réalisées pour les projets d'irrigation des plaines du Rif
oriental. Ce déficit est de 600 mm à Monte'Arrouit et de 460 mmà Nador selon A. M.
DEREKOY et F. MORTIER (1961), l'évaporation potentielle dépassant 860 mm à
Kariat Arekmam selon Ph. CARLIER (1971). Le nombre de mois secs calculé selon la
formule de GAUSSEN, P inférieur à 2 T, varie entre 6 et 7 selon les stations, figure
I-3, p.26.
Dans de telles régions l'agriculture est donc bien souvent une loterie si l'on
ne peut apporter un complément d'eau indispensable pour assurer la croissance des
végétaux. L'irrigation est d'autant plus nécessaire que le climat de la province de Nador
est assez fantasque et qu'il a, certaines années, des caractères franchement arides
contrastant avec l'humidité relativement élevée d'autres périodes.
Ces excès ne sont pas d'ordre thermique nous l'avons vu car les véritables
coups de froid sont encore plus rares que les chaleurs caniculaires qui peuvent se
manifester chaque année. Des températures supérieures à 40° sont enregistrées
presque chaque été par temps de Rharbi (*) mais ce type de temps ne dure jamais plus
de quelques jours. Par contre le problème de l'eau est beaucoup plus aigu car celle-ci
peut tomber en véritables déluges ou bien faire totalement défaut. Les conséquences sur
le milieu sont alors d'une importance fondamentale.
(*) Rharbi : vent d'W. qui prend des caractères de foehn lorsqu'il franchit les crêtes du haut
Rif central. En hiver, ce vent apporte douceur et une certaine sécheresse, et en été il est
particulièrement desséchant et les températures deviennent alors torrides.
Un autre caractère des années anormalement humides réside dans le
nombre important de jours de pluie. Il s'est élevé à 75 à Kariat durant l'année agricole
1962-1963 (moyenne 41) et a dépassé 50 à Midar pour 1952-1953. Les pluies sont
donc plus fréquentes mais elles sont aussi plus copieuses et si l'on reprend l'exemple de
Kariat Arekmam de 1962-1963, les précipitations supérieures à 30 mm par 24
heures ont dépassé 56 %du total en 9chutes.
Les averses violentes ne sont donc pas inconnues dans le Rif oriental. On a
pu enregistrer 188 mm d'eau le 13 avril 1954 à Kariat et 116 mm à Midar le 16 mai
1962. D'une manière générale les pluies torrentielles (*) représentent le 1/3 des
hauteurs d'eau enregistrées à Midar et le 1/4 de celles mesurées à Kariat. De plus, ces
pluies surviennent soit au début de l'automne soit le plus souvent au cours du
printemps (**). Elles ont pour origine la cyclogenèse qui accompagne le front polaire
mais leur intensité résulte aussi de l'arrivée d'air froid en altitude (vallée froide ou
goutte froide). L'instabilité atmosphérique est alors suffisante pour déclencher de
fortes précipitations.
A ces printemps exceptionnellement pluvieux succède une sécheresse
estivale particulièrement marquée. Celle-ci peut ne sévir que 3 ou 4 mois mais elle
peut aussi se prolonger beaucoup plus longtemps.
(*) Sont considérées comme torrentielles les pluies qui dépassent 30 mm en 24 heures.
(**) Les conséquences de tels abats d'eau sont évidentes. Lorsqu'ils ont lieu en début
d'automne l'essentiel alimente un ruissellement généralisé. Cependant les infiltrations le long
des fentes de dessication sur substrat argileux peuvent déclencher des mouvements de masse.
Ceux-ci se produisent aussi à la fin du printemps si celui-ci a été suffisamment humide. Les
sols peu épais sont alors saturés et sensibles selon les conditions locales au ruissellement
concentré ou aux glissements de terrain.
b) Des conditons arides peuvent régner certaines années.
En effet, la traditionnelle sécheresse estivale peut se prolonger plus qu'à
l'habitude et elle devient alors catastrophique. Durant l'année agricole 1965-1966
on a enregisté 106 mm d'eau seulement à Kariat tandis qu'à Midar le record de
sécheresse semble remonter à 1944 -1945 avec 81 mm (*).
Alors que les excès d'humidité ne se répètent pas nécessairement plusieurs
années consécutives, en revanche, la succession d'années sèches est tout à fait possible.
L'exemple récent qu'a connu le Maroc est particulièrement démonstratif. La moyenne de
précipitations calculée pour les 7 années 1977-1983 reste nettement en dessous de la
moyenne établie pour la station de Nador-Taouima (230 mm contre 313 mm pour la
période 1942-1959 ou 370 mm selon F. COUVREUR - LARAICHI). L'année 1983 a
même été d'une sécheresse exceptionnelle puisque les pluies n'ont apporté que 116 mm
d'eau. Si l'on s'en tient à cette année on constate en utilisant la formule de GAUSSEN que
11 mois sont effectivement secs, seul le mois de février faisant exception avec 30,9
mm pour une température moyenne de 12°.
Cette sécheresse de longue durée a été particulièrement dommageable pour
le Rif oriental où les ressources en eau sont relativement pauvres. Le niveau des nappes
phréatiques a beaucoup baissé et certaines étaient improductives. La végétation a aussi
été particulièrement touchée et le figuier de Barbarie notamment, pourtant très
robuste, a eu du mal à résister. Les milieux littoraux, mieux lotis grâce aux brumes
fréquentes et aux rosées nocturnes, ont eux aussi fortement souffert de ce déficit
accentué du bilan hydrique et finalement toute la province de Nador a été véritablement
sinistrée.
Les effets de la sécheresse peuvent être encore aggravés par les vents
fréquents qui balayent les bassins du Rif oriental.
(*) Les conséquences démographiques de cette sécheresse qui dura de 1943 à 1946 ont été
analysées par R. BOSSARD (1978). D'une part, de nombreux départs ont eu lieu vers le Rif
occidental plus humide et, d'autre part, les taux de mortalité ont progressé avec un
maximum de 67 0/00 en 1945-46 chez les éleveurs nomades Metalsa.
c) Des vents fréquents qui peuvent accentuer le déficit des
bilans hydriques en augmentant l'évaporation.
Un premier examen de la rose des vents réalisé à la station de
Nador-Taouima (toutes forces des vents confondues) montre que deux orientations
prédominent très nettement, figure 1-5 A, p. 34. Ces directions majeures
correspondent très exactement aux principaux types de temps qui intéressent la
province de Nador durant l'année. La circulation cyclonique est responsable de la
branche W. de la rose tandis que la présence d'anticyclones hivernaux ou l'existence de
basses pressions relatives au sol en domaine continental pendant l'été rendent compte de
la seconde branche orientée à l'E. N.E. en raison notamment de l'établissement quotidien
durant la saison chaude d'une brise de mer.
Il ne faut cependant pas oublier que le Rif oriental connaît aussi des
périodes de temps calmes (vents inférieurs à 2m/s). Leur fréquence varie avec les
périodes d'observation considérées. Si l'on se reporte aux années 1977-1982, ils
correspondent au quart des relevés tandis que pour une période plus courte allant de
1980 à 1982 (les observations sont aussi beaucoup plus nombreuses : 26 239
relevés), ils constituent 31 %des cas. Si l'on se réfère à la première série de données,
on peut noter une variation saisonnière de la fréquence de ces temps calmes. En janvier
et février, ils représentent 33 à 35 % des relevés contre 18 % environ en juillet et en
août. Ce phénomène s'explique aisément compte tenu de la situation barométrique de
chacune de ces périodes. Les calmes de saison fraîche correspondent au stationnement de
l'anticyclone nord-atlantique sur une partie de la Méditerranée occidentale. En
revanche, les mois de juillet et d'août et même de septembre qui sont les mois les plus
chauds connaissent un régime de brise de mer quasi quotidien. De plus, la disposition
générale des principaux reliefs accentue encore l'orientation générale du flux d'E. N.E.
(47,1 %des vents de juillet, 47,8 %de ceux du mois d'août et 48,2 %de ceux du mois
de septembre). C'est durant ces trois mois que les vents sont les plus réguliers et
fréquents et par conséquent que les temps calmes sont les plus rares.
34
Le tableau 1-3, p. 36 et la figure 1-5 B, p. 34 montrent aussi la
répartition mensuelle des flux. Trois types de situations apparaissent nettement.
Durant 6 mois consécutifs, d'avril à septembre, les flux d'E. (E. N.E. plus
précisément) l'emportent de façon incontestable, en particulier de juillet à septembre.
Al'opposé, et seulement durant 2 mois, décembre et janvier, ce sont les vents d'W. qui
prédominent franchement. Toutefois les temps calmes sont fréquents à cette époque.
Enfin, il existe des régimes que l'on peut qualifier de transition en février-mars et
octobre-novembre, mois pendant lesquels les courants perturbés d'W. sont encore
nombreux. Mais en définitive, ce sont bien les vents du secteur N.E. qui sont les plus
fréquents (52,8 %des observations pour les vents compris entre N. N.E. et E. contre
38,1 %pour ceux venant de S. S.W. à W.).
Ces vents de secteur E. N.E. prédominants ne sont pourtant jamais les plus
violents. Les observations faites durant la période 1980-1982 montrent que les vents
dont la vitesse est supérieure à 16m/s (57,6 km/h) sont exclusivement des vents de
secteur W. Ils sont certes rares et ils sont liés au passage des cyclones mobiles venus de
l'océan Atlantique. La situation est à peu près identique pour les vents dont la vitesse est
comprise entre 12 et 16 m/s (3 %des vents). Le secteur W. représente 82 %des cas.
En revanche, la part des vents venus de l'E. devient presqu'aussi importante que celle
des vents de secteur W. (44 %des observations contre 50 %) pour les vents compris
entre 8 et 11 m/s. Ainsi, les vents égaux ou supérieurs à 8 m/s (environ 40 km/h)
qui ont un rôle géomorphologique notable représentent 18% des vents enregistrés à
Nador. Parmi eux les plus violents sont liés à la cyclogenèse d'W.
Al'inverse, les vents modérés à faibles sont plutôt des vents d'E. N.E. et
s'ils n'ont pas la force des précédents, ils ont en revanche une beaucoup plus grande
régularité. Ils apportent avec eux une certaine fraîcheur et un peu d'humidité dans les
régions littorales ce qui tempère
les chaleurs estivales. Par contre, dès qu'ils ont franchi les premiers chaînons leur
souffle devient desséchant et ils aggravent encore le déficit du bilan hydrique des
cuvettes intérieures.
(*) Selon cet auteur les espèces végétales ont une plus ou moins grande plasticité. Certaines
peuvent donc permettre de rendre compte du milieu climatique régional. Le matorral à
jujubiers se rencontre aussi bien dans l'étage aride que semi-aride. Il en va de même de l'alfa.
Le chêne vert colonise les milieux allant du semi-aride à l'humide. En revanche, le thuya de
Berbérie ne pousse exclusivement que dans les régions semi-arides. L'existence de cette
essence sur les principaux reliefs du Rif oriental montre que la pluviosité est un peu plus
élevée sur ces chaînons que dans les bassins pour lesquels nous disposons de mesures.
(**) Matorral : selon Ch. SAUVAGE (1961) "il s'agit d'une formation ligneuse qui dérive
directement ou indirectement d'une forêt, donc d'une formation ligneuse".
Enfin, le haut du versant voit prospérer une forêt de chênes verts. La densité du couvert
végétal surprend mais il faut signaler que tout ce domaine a été mis en défens et l'on
mesure mieux ainsi l'impact de l'occupation humaine dans ces milieux de climat sec. La
surexploitation des formations végétales en particulier ligneuses entraîne leur
disparition complète. La régénération n'est possible que si l'observation stricte des
réglementations forestières est effective.
Si quelques massifs ont pu garder leurs couronnes de forêts claires, tous
les bassins et piémonts ont été largement défrichés malgré les conditions steppiques que
l'on peut y rencontrer. Rares sont les domaines où l'on peut trouver aujourd'hui des
formations naturelles assez continues et lorsqu'elles existent elles se situent encore
une fois dans des secteurs protégés. Ainsi, sur le piémont sud-oriental des Kebdana, sur
les glacis de la région de l'oued Metslili (voir le chapitre V) pousse un matorral à
oléastres. Dans les collines à fort encroûtement calcaire du S.W. de la Péninsule des
Trois Fourches se développe une garrigue relativement opulente avec de belles touffes
de lavande.
Cependant, les formations que l'on rencontre le plus souvent dans les
régions déprimées appartiennent aux associations steppiques. Les affleurements
conglomératiques ou les domaines à encroûtement épais sont les terres d'élection de
l'alfa. Il occupe par exemple une partie des vastes plateaux qui dominent vers le S. le
bassin de Kebdani. On le retrouve aussi sur les principaux cônes torrentiels du piémont
N. des Kebdana et il arrive jusqu'à la mer où il colonise d'anciennes dunes lapidifiées.
Les groupements à asphodèles sont aussi fréquents sur les formations
caillouteuses et se mélangent à l'armoise dans les bassins les plus continentaux. Enfin,
les zones d'épandage de limons récents portent une steppe à jujubiers tout à fait
caractéristique de ces domaines à sols profonds.
Ces formations steppiques, souvent fortement dégradées, ne constituent pas
une protection efficace et les sols des principaux bassins sont aujourd'hui menacés
comme nous le verrons au chapitre VI. Toutefois, prenant conscience des dangers que
représentait l'érosion, les hommes ont entrepris dès avant l'Indépendance des travaux
de restauration des sols et de reboisement.
Parmi les domaines concernés, il faut citer les littoraux où l'on a cherché
à fixer les sables par l'installation de gigantesques clayonnages et la plantation
d'acacias. C'est ainsi que 7 km de plage ont été traités au N.E. de l'embouchure du Kert.
Des travaux semblables ont efficacement fixé les dunes à l'W. de la plage de Kariat.
En domaine continental, les interventions ont revêtu diverses formes. Sur
les pentes fortes soumises aux ravinements comme au S. de Kebdani la plantation
d'eucalyptus ou d'amandiers a été réalisée après aménagement de banquettes. Les
eucalyptus qui avaient d'ailleurs assez mal poussé ont été coupés durant la dernière
période de sécheresse. Cette espèce ne semble pas avoir beaucoup mieux réussi sur le
piémont de l'oued Irane à l'W. de Tistoutine alors que dans la plaine de Sepsa les arbres
avaient meilleur aspect.
Dans d'autres régions on a réintroduit le pin d'Alep qui paraît prospérer à
l'W. N.W. de Melilla où il poussait de façon naturelle. Le chêne Kermès vient d'ailleurs
accompagner les résineux pour donner une formation relativement fermée qui assure
une protection efficace aux formations superficielles.
Acôté de ces aménagements organisés par l'administration, les particuliers
ont entrepris aussi de sérieux efforts pour développer l'arboriculture. Les vergers
d'amandiers et les plantations d'oliviers colonisent aujourd'hui certains versants des
montagnes fortement peuplées des régions septentrionales. Ces initiatives ont sans nul
doute des effets tout à fait positifs dans la lutte contre le ruissellement. Cependant, les
grands bassins steppiques, en dehors des périmètres irrigués du Zebra, du Boû-Areg et
du Gareb, n'ont pas bénéficié de réalisations particulières et leurs sols exploités de
manière extensive (céréaliculture sèche, élevage ovin et caprin) sont soumis aux aléas
climatiques. Finalement de nombreuses régions se trouvent aujourd'hui soumises aux
agressions des agents météoriques et l'absence de couvert végétal favorise un
écoulement rapide des précipitations, accentuant encore le caractère spasmodique des
régimes hydrologiques.
Ce développement n'a pas pour but de décrire de manière détaillée les traits
structuraux caractéristiques des chaînes atlasiques et rifaines. De nombreuses
synthèses ont déjà été réalisées. Le Congrès Géologique International d'Alger en 1952
par exemple a été l'occasion de réaliser une présentation générale du Rif. Dix ans plus
tard (1962) dans le livre publié à la mémoire du Professeur FALLOT, un nouvel
état des recherches a fait l'objet d'une note collective dont les signataires étaient M.
DURANT-DELGA,L.HOTTINGER,J. MARCAIS, Y.MILLIARD,M.MATTAUERet G.SUTER.
G. MAURER (1968) dans sa thèse "Les montagnes du Rif central. Etude
géomorphologique" propose de son côté un tableau structural de la chaîne rifaine
illustré par une carte que lui ont emprunté par la suite certains auteurs. Plus
récemment A. MICHARD (1976) dans ses "Eléments de Géologie marocaine" a fait un
nouveau bilan des recherches tant dans le domaine rifain qu'atlasique. En 1980, M.
DURAND-DELGAdans son article "La Méditerranée occidentale : étapes de sa genèse et
problèmes structuraux liés à celle-ci" replace le système rifain dans un contexte
beaucoup plus vaste. Enfin W. WILDI (1983) vient de consacrer, dans un numéro
spécial de la Revue de Géologie Dynamique et Géographie Physique un remarquable
article à "La chaîne tello-rifaine (Algérie, Maroc, Tunisie) : structure, stratigraphie
et évolution du Trias au Miocène".
Malgré l'abondance des publications consacrées aux systèmes alpins
d'Afrique du Nord et plus particulièrement à "L'Arc de Gibraltar", le Rif oriental tel
qu'il a été défini au début de ce travail n'a pas donné lieu à la réalisation d'une synthèse
géologique régionale et ceci malgré l'ancienneté des recherches menées dans ce secteur.
Les premières explorations scientifiques furent réalisées par L. GENTIL puis par P.
RUSSO et les géologues espagnols comme A. DEL VALLE et plus récemment J. DE
LIZAUR. Ce dernier a notamment collaboré avec J. MARCAIS et G. SUTER pour la
réalisation du Livret-Guide de l'excursion A31 - C 31 du XIX ème Congrès Géologique
International d'Alger (1952). Depuis un numéro spécial de la série Mines et Géologie
publié par le Service de la Carte Géologique du Maroc a été consacré à la présentation
géologique du Rif oriental (*). Des études plus ponctuelles ont aussi été réalisées par
des pédologues en vue de l'extension des périmètres irrigués sur la rive gauche de la
Moulouya. Certains de ces travaux sont restés inédits comme ceux portant sur les
plaines du Gareb ou du Boû-Areg. D'autres ont été intégrés dans des thèses. C'est ainsi
qu'A. RUELLAN (1971) a utilisé ses recherches sur le périmètre du Zebra dans son
étude des sols méditerranéens des plaines de la basse Moulouya. Ch. HAMELa levé une
carte géologique au 1/100 000, celle de Tistoutine. Ce document accompagne en fait sa
thèse soutenue en 1965, "Etude géologique de la terminaison occidentale de la chaîne du
Gareb (avant-pays du Rif oriental)".
Plus récemment encore, J.P. HOUZAY(1975) a soutenu une thèse de 3 eme
cycle sur la " Géologie du bassin de Boudinar" tandis que M. GUILLEMIN (1976) a
étudié, dans un travail similaire, "Les formations néogènes et quaternaires des régions
de Mellila-Nador et leurs déformations (Maroc nord-oriental)". D'autres thèses de 3
ème cycle ont abordé les marges occidentales de la province de Nador. C'est par exemple
l'étude de la terminaison N.E. de l'accident du Nekor réalisée par E. BRAUD-CAIRE
(1975) et celle de D. FRIZON DE LAMOTTE (1979) concernant le même accident,
mais dans la région d'Arbaâ de Taourirt. Le haut Kert a été l'objet des recherches de J.L.
MOREL (1980) tandis que J. HERNANDEZ a étudié le volcanisme de la région de Nador
(1 984).
Il faut ajouter à cette série de travaux récents regroupés en partie dans
le numéro 314 des "Notes et Mémoires du Service Géologique", Rabat 1982, d'assez
nombreuses notes publiées dans les Comptes-rendus de l'Académie des Sciences de Paris
ou le Bulletin de la Société Géologique de France et signées soit des auteurs déjà cités
soit de nouveaux chercheurs comme G. CATTANEO,Y. HERVOUETet P. DELUCA qui se
sont notamment intéressés au domaine dit d'avant-pays, qu'il soit atlasique ou rifain.
(*) (Numéro spécial de Mines et Géologie (Rabat) n° 14, 4 ème année 1961)
En dépit de l'apparente abondance de documents, il est encore difficile
d'avoir une idée très précise sur ces régions nord-orientales du Maroc, l'interprétation
des faits variant souvent selon les auteurs. La carte structurale, figure 11-1, p. 47 et la
carte hors-texte qui accompagnent cette présentation reprennent la synthèse
cartographique réalisée par G. SUTER et publiée par le Service de la Carte Géologique du
Maroc en 1980. Elle est l'oeuvre d'un spécialiste de la chaîne rifaine et si certains
points de détail peuvent être discutés ou modifiés, elle n'en demeure pas moins un
document de référence. Les divergences d'interprétation seront signalées dans l'exposé
afin d'en informer le lecteur.
L'accord est cependant réalisé pour reconnaître dans le Rif nord-oriental
un carrefour structural entre deux grandes unités de la marge continentale de l'Afrique.
Pour reprendre l'expression de R. TRUMPY (1983), "elle (la marge) comprend une
partie proximale atlasique, et une partie distale, la vasière du Rif externe et du Tell
externe", cette marge africaine étant à son tour limitée au N. par "ce curieux
microcontinent disloqué d'Alboran...".
Plus précisément, les géologues distinguent dans la région, un domaine
véritablement rifain au N. et à l'W., essentiellement constitué d'unités dites du domaine
externe, les nappes provenant des zones les plus internes de l'orogène étant très peu
représentées dans ce secteur, et un avant-pays atlasique et rifain. Cet avant-pays
occupe les régions du S., du centre et de l'E. de la province de Nador. Enfin, comme le
souligne la figure 11-1, p. 47 l'évolution tectonique récente a morcelé ces structures
majeures. La distension du Néogène supérieur a donné naissance à de vastes bassins
subsidents tandis que les chaînons montagneux ont acquis leur volume actuel. Une
intense activité volcanique postérieure à la mise en place des nappes rifaines a aussi
contribué à la création de reliefs parfois imposants comme c'est le cas pour le
Gourougou. Ces nouvelles structures constituent un trait d'unité pour la région mais
elles masquent bien souvent les contacts entre les domaines atlasiques et rifains. Dans
les cuvettes nées de la distension récente la variété des formes et des dépôts néogènes et
quaternaires permet de retracer avec une certaine précision l'évolution
géomorphologique du Rif oriental.
Avant d'envisager cette étude il est souhaitable d'examiner plus en détail les
grandes unités structurales qui constituent l'ossature de la région.
Prochaine édition :
MAGAGNOSC Jean-Sylvain : Le Dahra occidental (ALGERIE). Cartographie
Géomorphologique, séismique et néotectonique. 150 x 80 cm.
Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.
Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.
*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.