You are on page 1of 61

i.

Si
Centre Interuniversitaire
d'Etudes Méditerranéennes
Université de Poitiers

BARATHON JEAN-JACQUES

BASSINS ET LITTORAUX DURIF ORIENTAL


(Maroc)

Evolution morphoclimatique et tectonique

depuis le néogène supérieur

PUBLIE AVEC LE CONCOURS DE L'UNIVERSITE DE POITIERS

FASCICULE 13

ETUDES MEDITERRANEENNES

1989
Coordination frappe et dessin BARATHONJean Jacques
/
Planches photographiques Imprimerie GERBAUD
MONTMORILLON

Conceptionet réalisation couverture Laboratoire deCartographie


DptdeGéographie - POITIERS

Impression cartes A3et hors-texte, Imprimerie MARTINEAU


couverture et reliure POITIERS

Tirage BARRIQUAULTGérard
Technicien Univ. POITIERS

Responsable dela publication MAGAGNOSCJean Sylvain

I.S.S.N. 0766-51 56
Couverture : le littoral des Beni-Saïd à l'ouest de Sidi Mekhfi.
(Vue du Quaternaire moyen et récent).
AVANT-PROPOS

C'est après un séjour de deux ans au Maroc, pays qui m'avait


particulièrement séduit par la diversité de ses paysages, que ce travail a été entrepris
sous la direction de G. MAURER.
Je tiens à lui exprimer ici toute ma gratitude car, non seulement il a guidé
mes premières recherches dans un milieu totalement inconnu pour moi (le Rif oriental
se situe à l'écart des circuits touristiques traditionnels), mais il a, par la suite, su
m'encourager à continuer mon travail alors que le doute aurait pu m'amener à
renoncer. Je le remercie aussi pour ses nombreux conseils qui m'ont beaucoup aidés
lors de la rédaction de ce mémoire ainsi que de la patience dont il a fait preuve durant de
si longues années.
Mes remerciements vont aussi aux personnes qui ont bien voulu
m'accompagner quelques jours sur mon terrain d'étude. Leur séjour, à mon gré trop
bref, a été très fructueux et j'ai ainsi bénéficié des observations de G. BEAUDET,
d'A. WEISROCK, d'A. LAOUINA et de G. COUVREUR. J'ai eu l'occasion de parcourir
certains domaines en compagnie de M. GUILLEMIN avec qui j'ai échangé des
informations et discuté de certaines coupes. Je dois ajouter que, lors de certaines
missions, j'ai été accompagné par de jeunes chercheurs comme A. DUTOUR, H. EL
ABBASSI et A. EL BOUZIDI. Leur présence était stimulante car elle m'a obligé à
approfondir ma réflexion et à affiner mes observations.
Ce travail doit aussi beaucoup à l'aimable collaboration des responsables du
Service de la Géologie de Rabat qui m'ont toujours accueilli avec courtoisie et m'ont
accordé des autorisations de recherche. Sans les interventions de M.M. BOUDDA,
BENSAID et DAHMANI, mes missions dans le Rif oriental n'auraient pas été possibles.
Grâce à eux, j'ai bénéficié de l'aide des autorités provinciales qui ont facilité mes
séjours dans la région de Nador, en me procurant notamment un logement à Kebdani et à
Aïn Zora.
Lors de mes passages au Service Géologique à Rabat, j'ai rencontré à de
multiples reprises G. SUTER, remarquable connaisseur de la chaîne rifaine, avec qui
j'ai eu de fructueuses discussions. Qu'il trouve ici l'expression de mes
remerciements qui vont aussi à J.C. VIDAL, J.P. HOUZAY et R. WERNLI
micropaléontologue qui examina de nombreux échantillons de sédiments marins
néogènes ramenés des bassins du Rif oriental.
Je tiens aussi à dire ma gratitude à l'égard d'A. GODARDqui accepta que le
L. A. 141 du C.N.R.S. se charge de l'étude de quelques échantillons d'argiles (M.
GUEZ) et de pollens (J. COHEN). Les déterminations de gastéropodes marins
réalisées par Ph. BREBION m'ont été précieuses ainsi que les datations fournies par G.
DELIBRIASet J. M.CANTAGREL.
A Poitiers, j'ai pu compter sur les services du Laboratoire de
Sédimentologie puisque de nombreux prélévements ont été préparés par G.
BARRIQUAULTet examinés par R. FACON. Le Laboratoire de Cartographie a aussi réalisé
une partie de l'illustration de ce travail et je remercie S. DONNEFORT, F. DEMONSet C.
BRUNET.
Enfin, j'ai bénéficié à plusieurs occasions d'aides financières du C.N.R.S.,
soit à titre individuel, soit dans le cadre de la R.C.P. 249 (Ch. SAUVAGE) ou de la R.C.P.
461 (G. BEAUDET). De son côté, le C.I.E.M. de Poitiers a pris en charge certains
déplacements ainsi que des frais d'analyse d'échantillons mais il m'a aussi apporté
l'amitié de mes collègues à qui je tiens à rendre hommage.
J'ai aussi une pensée pour les différents guides qui m'ont accompagné sur le
terrain et tout particulièrement pour Mohamed de Tount qui fut un compagnon dévoué et
un précieux traducteur lors des rencontres avec de nombreux fellahs dont je n'oublie
pas l'amabilité.
INTRODUCTION GENERALE

LERIFORIENTAL, UNEENTITE REGIONALE.

La région que je me propose d'étudier se situe aux confins de la haute


montagne rifaine et des pays de la Moulouya méditerranéenne. Elle correspond, en
grande partie, à la région appelée autrefois Rif et qui, comme le souligne G. MAURER
(1968), comprenait le littoral et "son arrière pays immédiat" de la région limitée par
le bas oued Kert à l'E. et, par l'oued Mestassa à l'W. des Bokkoya. Le fait historique
paraît donc, à lui seul, justifier l'appellation Rif oriental. De plus, les études
géologiques menées à l'époque du Protectorat espagnol et surtout depuis l'Indépendance
montrent bien que les structures rifaines se prolongent vers l'E., par une série de
massifs isolés, jusqu'à la Moulouya.
En fait, la chaîne charriée vient buter contre les plis atlasiques et tel
anticlinal autochtone peut être chapeauté d'un lambeau de nappe rifaine. Mais c'est la
trame du bâti atlasique qui, reprise lors des crises tectoniques récentes, donne le plus
souvent les orientations majeures de la région. Ainsi, le Rif oriental apparaît comme un
carrefour structural.
L'originalité régionale s'affirme aussi dans l'organisation du relief. Comme
le montrent la figure 1-1, p.13 (*) et la carte hors-texte, nous sommes bien dans
un pays de bassins séparés par d'étroits chaînons dont les altitudes modestes
n'atteignent qu'exceptionnellement 1000 m. En première approximation, plaines, bas
plateaux et collines occupent un espace équivalent ou même supérieur à celui des
montagnes et cela explique le caractère aéré de la région où la circulation ne pose pas de
gros problèmes.

(*) Les figures et les tableaux sont numérotés en chiffres romains pour indiquer le chapitre
et en chiffres arabes pour donner l'ordre à l'intérieur du chapitre.
Ce trait n'a plus rien de rifain et l'on peut alors penser aux vastes horizons des pays de
la moyenne Moulouya. Si la comparaison est possible, il faut cependant remarquer que
les plaines et les bassins plus ou moins perchés du Maroc du N.E. ne connaissent jamais
l'ampleur de ceux des pays de la Moulouya. Plus ramassés, ces bassins sont aussi un peu
moins arides. La proximité de la mer, avec ses brumes côtières fréquentes, rend la
chaleur de l'été plus supportable et adoucit notablement les hivers. Enfin, les rosées
presque quotidiennes en été dans les franges littorales, expliquent peut -être aussi
l'intense peuplement de la façade maritime.
Car l'originalité du Rif oriental est aussi d'ordre humain. Partie de l'ancien
Protectorat espagnol, ce pays a souffert de cette situation et les relations avec le reste
du Maroc étaient particulièrement difficiles. Depuis l'Indépendance toute une politique
de désenclavement et de mise en valeur essaie de rattacher cette région densément
peuplée au Maroc occidental. Les efforts ont porté sur la réalisation de liaisons
routières qui permettent de rejoindre la route principale d'Oujda à Fès. La liaison
Nador-Taourirt par Mechra Homadi est la plus ancienne. La route de Nador à Taza par
Midar et Aknoul reste difficile. Enfin, une nouvelle voie est en cours d'aménagement qui
traverse le Guerrouaou pour rejoindre Saka et Guercif. Le projet de bretelle
ferroviaire en direction du S. devrait aussi se réaliser. Enfin, le port de Beni Enzar
permet, en théorie, l'ouverture de la région au commerce maritime méditerranéen
tandis qu'un aéroport international doit être construit entre Monte'Arrouit et Zelouane.
Les réalisations les plus spectaculaires l'ont été dans le domaine agricole et
la région de Nador se distingue sur ce plan non seulement de la montagne rifaine mais
aussi des autres régions de l'Oriental, à l'exception de la plaine des Triffa. En effet, le
développement de l'agriculture irriguée a façonné de nouveaux paysages dans les plaines
du Zebra, du Boû-Areg et maintenant du Gareb. Le Rif oriental disposait de vastes
territoires plans aux sols limoneux qui, grâce aux travaux hydrauliques réalisés sur la
Moulouya, ont pu être gagnés à une agriculture intensive. Ainsi de pauvres pâturages,
domaine d'un nomadisme traditionnel, sont devenus aujourd'hui de riches champs de
betteraves ou de canne à sucre ou bien encore, de beaux vergers d'agrumes.
Cependant ces activités agricoles nouvelles ne suffisent pas à employer une
population de plus en plus nombreuse et d'ailleurs peu préparée aux techniques de
l'agriculture irriguée. Un projet d'industrialisation a été élaboré depuis très longtemps
et sa réalisation est actuellement en cours. Toutefois ses objectifs paraissent bien
modestes. Aussi le Rif oriental est encore un pays d'émigration. Comme le montre R.
BOSSARD (1978), il s'agit d'une vieille tradition. Durant l'entre-deux-guerres, les
départs durables se sont faits vers l'Algérie occidentale voisine. Depuis l'Indépendance
de cet état, le courant migratoire a traversé la Méditerranée avec de nombreux départs
vers l'Europe de l'W. et du N.W. Les conséquences sur l'économie régionale en sont de
premier ordre et les manifestations les plus évidentes se retrouvent dans l'habitat
(croissance urbaine effrénée, multitudes des constructions nouvelles dans les
campagnes) et la recherche du confort (automobile, télévision, groupes électrogènes ou
éoliennes).
Disposant de ressources en eau, de terres irrigables et d'hommes, cette
région du Maroc se distingue donc bien des montagnes rifaines où l'agriculture moderne
ne connaîtra jamais un essor aussi remarquable, mais aussi des pays de la Moulouya
caractérisés par un vide démographique. Ce Rif oriental constitue donc une véritable
entité géographique. C'est d'ailleurs ce qu'a remarquablement démontré J. F. TRION en
1967 dans un article de la Revue de Géographie du Maroc, réservant à cette région le
nom de Nord-Est marocain. Par son relief et son climat ce domaine constitue une
transition entre la haute montagne rifaine et les vastes étendues sèches de l'Oriental. En
ce sens on peut dire qu'il n'est ni Rif ni Oriental mais une véritable combinaison des
deux milieux. Originale, cette région l'est aussi par son histoire, sa démographie, son
économie qui malgré quelques efforts reste encore en deça de ses possibilités. Depuis
près de 20 ans les relations avec le reste du Maroc ne se sont guère améliorées et à cet
isolement physique s'ajoute celui des mentalités et l'on garde le souvenir vivace du
héros de la Nation Rifaine, Abdel Krim el Khattabi.
L'appellation N.E. marocain paraît donc totalement justifiée. Cependant,
afin de ne pas créer de confusion avec le travail d'A. LAOUINA qui s'intéresse à une
région voisine, à l'E. de la Moulouya, j'utiliserai ici l'expression Rif oriental ou plus
simplement province de Nador pour désigner le territoire envisagé dans mon étude.
Après avoir ainsi affirmé la personnalité de ce Rif oriental, il est plus aisé
de définir les limites du terrain étudié, figure 1-1. A l'E., j'ai arrêté mon travail à la
vallée de la Moulouya. Au S., ce sont les hauteurs des Beni Snassene occidentaux, du J.
Fezzene, du J. Bou Slah et du J. Mazgout qui serviront de limite entre les grands bassins
de Taourirt et de Guercif et les cuvettes plus modestes du Rif oriental. Al'W. enfin, c'est
le méridien de Boudinar qui bornera mon domaine. Tout le piémont de la haute montagne
rifaine à l'W. de l'oued Chemmar se trouve ainsi exclu. En effet, structure, relief et
climat de cette région sont déjà montagnards. De plus, les nappes marneuses
profondément lacérées par un réseau hydrographique dense constituent un véritable
désert morphologique et humain entre une montagne forestière relativement peuplée et
des plaines parcourues par les nomades Metalsa, éleveurs de moutons, de chèvres et de
dromadaires. La région ainsi définie s'étire sur 110 km environ du S.W. au N.E. et sur
60 km en moyenne du N. au S. Elle correspond approximativement à la province de
Nador.
Toutefois, à l'intérieur de ce domaine, j'ai choisi de n'étudier que les
bassins et les littoraux car, par la modestie de leurs reliefs, les montagnes ne
présentent pas de formes caractéristiques. Le climat semi-aride et la raideur des
pentes expliquent qu'elles n'ont pas conservé de témoignages nombreux de l'évolution
géomorphologique récente. En revanche, elles ont nourri les bassins et les piémonts où
l'on rencontre une grande variété de formations qui s'y sont déposées depuis le Néogène
supérieur. On peut alors reconstituer l'histoire morphologique de cette province au
cours des 6 à 8 derniers millions d'années. La mobilité lithosphérique récente, les
variations climatiques et eustatiques ont pu être enregistrées parfois avec une assez
bonne précision. Ces bassins et ces littoraux sont donc des milieux privilégiés pour
l'établissement d'une chronologie détaillée des principaux événements ayant contribué à
l'élaboration des paysages. Mais, comme le comportement tectonique de ces régions est
loin d'être uniforme, il paraît possible de proposer une typologie des différents bassins
du Rif oriental.
Je dois signaler que les noms de lieu et leur transcription sont empruntés
aux cartes topographiques au 1/50 000 qui couvrent l'ensemble de la région. Les
domaines les plus méridionaux correspondent aux éditions les plus anciennes et la carte
de Mechra Homadi (1958) est sans doute la plus imprécise. Les feuilles de Meg el
Ouidane, Saka et Aïn Zora éditées en 1964 appartiennent au contraire au même type que
l'ensemble septentrional réalisé à partir de 1967 et ces cartes constituent de précieux
documents de travail. Il faut pourtant noter que les transcriptions des noms berbères ne
correspondent pas toujours à la réalité phonétique comme le prouve l'exemple suivant :
Itounet (douar proche de Kebdani) est en fait prononcé Touhount par les autochtones. La
nouvelle carte au 1/100 000 publiée entre 1971 et 1974 présente certaines
restitutions différentes (Guerrouaou devient Ayarwaou mais Itounet ne change pas).
L'échelle de ces cartes et le plus petit nombre de toponymes expliquent pourquoi j'ai
préféré utiliser essentiellement les indications des coupures au 1/50 000.
En dehors de ces documents cartographiques publiés d'abord par l'I.G.N.
français puis maintenant par le Service Topographique dépendant du Ministère de
l'Agriculture, à Rabat, on dispose d'une couverture complète de photographies
aériennes au 1/45 000 environ établie lors des missions de 1958 (NI 30 XV-XVI et NI
30 XXI-XXII. Je n'ai pas utilisé les couvertures à plus grande échelle qui n'intéressent
que les périmètres irrigués et qui n'étaient d'ailleurs pas disponibles au début de mes
recherches.
Les travaux de Géologie concernant la région sont encore peu nombreux et
de qualité fort inégale. Les anciennes cartes espagnoles que j'ai pu consulter n'ont
qu'une valeur historique et ne peuvent malheureusement pas être utilisées pour un
travail sérieux. La feuille d'Oujda au 1/500 000 (1954) demeure aujourd'hui l'un des
deux documents cartographiques de base couvrant toute la région. Les deux cartes
réalisées par G. SUTER et publiées en 1980 (carte géologique et carte structurale de la
chaîne rifaine au 1/500 000) sont particulièrement précieuses. La carte de Tistoutine
au 1/100 000 (1971) couvre une bonne partie du S.W. de la région. Enfin, des thèses
de 3ème cycle ont étudié les secteurs septentrionaux et rifains (bassin de Boudinar
pour J. P. HOUZAY, région de Melilla et de Nador pour M.GUILLEMIN, bassin d'Arbaâ de
Taourirt pour D. FRIZON DE LAMOTTE) et elles ont été récemment publiées sans faire
l'objet d'une véritable synthèse dans le n° 314 des Notes et Mémoires du Service
Géologique de Rabat (1982) sous le titre "Etudes géologiques sur la chaîne rifaine : III".
Ces recherches avaient donné lieu à des levés cartographiques et trois cartes au 1/50
000 viennent d'être publiées. Il s'agit des cartes de Melilla, de Kebdani et de Boudinar.
Les récents travaux entrepris pour réaliser les périmètres irrigués ont
été précédés d'assez nombreuses études spécialisées. C'est le cas par exemple, des
recherches hydro-géologiques réalisées dans les plaines du Gareb, du Boû-Areg mais
aussi dans la région de Driouch. Les travaux de Ph. CARLIER ont ainsi donné lieu à une
publication en 1973, dans la série Notes et Mémoires de la Carte Géologique du Maroc.
Il s'agit de la notice explicative de la carte hydrogéologique au 1/50 000 de la plaine du
Moyen Kert, n° 250 bis.
Des études pédologiques ont été menées dans les périmètres irrigués du
Zebra, du Boû-Areg et plus récemment du Gareb. Certains résultats ont ainsi été
repris dans la thèse de A. RUELLAN et publiés en 1971. On dispose aussi d'une carte
pédologique au 1/20 000 de la plaine du Zebra levée par Ch. MASSONIet A. RUELLANet
publiée en 1963 par l'Office National des Irrigations. De la même année date aussi la
carte pédologique au 1/50 000 de la plaine du Gareb d'après les travaux de Ch. MASSONI.
Ces deux derniers documents forts intéressants ont connu une diffusion limitée et il est
bien souvent difficile de les consulter. C'est d'ailleurs le cas de nombreux rapports
multigraphiés que l'on peut retrouver, au hasard des archives, dans tel ou tel service.
En raison de la grande dispersion de la documentation, il est très probable que certains
travaux aient échappé à mes recherches documentaires. Je ne prétends donc pas faire
ici un état exhaustif des diverses publications concernant le Rif oriental.
Pour terminer, j'ajouterai que deux thèses de doctorat d'Etat m'ont apporté
nombre de renseignements. C'est tout d'abord le travail de R. RAYNAL, "Plaines et
piémonts du bassin de la Moulouya, (Maroc oriental). Etude géomorphologique", publié
en 1961 et qui intéresse les marges orientales de mon domaine. C'est ensuite l'ouvrage
de G. MAURER " Les montagnes du Rif central. Etude géomorphologique" (1968) qui
aborde l'étude des régions les plus occidentales de la province de Nador. En fait, ces deux
publications ont un intérêt bien plus grand encore. Elles ont pu me servir de références
et elles m'ont aussi permis de poser un certain nombre de problèmes qui ont rendu
encore plus attrayante pour moi l'étude qui suit. *
Celle-ci est divisée en trois grandes parties. Le Livre 1présentera l'unité
morphostructurale et bioclimatique du Rif oriental. Dans le Livre Il sera envisagée
l'évolution morphoclimatique régionale depuis le Miocène supérieur. Enfin, le Livre III
insistera sur l'instabilité tectonique de la province de Nador et analysera ses
conséquences sur la répartition régionale des paysages.
LIVRE I

UN PAYS DE BASSINS SEMI-ARIDES NES

DE LA DISTENSION DU NEOGENE SUPERIEUR


CHAPITRE I

UNPAYS DEBASSINS STEPPIQUES.

Un bref examen de la figure 1-1, p. 13 et de la carte hors-texte confirme


bien la place fondamentale qu'occupent les régions basses, cuvettes au relief de plaine,
bas plateaux ou bien encore collines dans le Rif oriental. Les montagnes aux altitudes
médiocres ne constituent que d'étroites cloisons assez discontinues séparant tout un
ensemble de bassins aux altitudes différentes. Cette impression de vastes étendues
planes, monotones, est celle que l'on éprouve lorsque l'on observe les paysages depuis
l'un des nombreux cols empruntés par les routes ou par les pistes et qui permettent de
franchir aisément les rides montagneuses. On est surtout frappé par ces immenses
étendues de terres rouges ou jaunes piquetées d'une maigre steppe et que les
tourbillons de poussière balayent en été. La rareté des lignes d'arbres montre bien les
limites de la colonisation en dehors des périmètres nouvellement irrigués. Seuls
quelques versants reboisés en eucalyptus constituent des taches sombres au milieu des
tons ocres de ces régions déprimées. Les montagnes les plus hautes et les plus humides
ont conservé un couvert végétal plus dense et de véritables forêts, souvent
reconstituées et toujours protégées, recouvrent les massifs les plus occidentaux. Le
contraste est alors saisissant avec les bassins où l'on rencontre de maigres touffes d'alfa
ou d'armoise.
1- L'IMPORTANCE DES BASSINS DANSL'ORGANISATION
REGIONALE DURELIEF
Si les différences d'altitude ne sont jamais considérables, les contrastes ne
manquent pourtant pas de vigueur et les chaînons montagneux s'élèvent brusquement
au-dessus des plaines et des bas plateaux. Ces reliefs s'organisent selon des directions
principales qui prolongent celles du Moyen Atlas et les rides et les cuvettes se succèdent
de façon assez régulière du N. vers le S.

1° LATRAMEDES PAYSAGES DURIF ORIENTAL, FIGURE1-1, p. 13.

a) Une orientation privilégiée, l'orientation E.-W.


Cette orientation marque toute l'organisation régionale du relief.
Schématiquement on peut dire que les rides montagneuses et les bassins se disposent en
bandes parallèles selon cet axe. Les massifs les plus septentrionaux, Beni Touzine,
Temsamane et Beni Saïd ont bien une direction générale N.E.-S.W. mais elle ne diffère
pas fondamentalement de celle des autres ensembles montagneux.
Vers le S. apparaît un autre axe de relief qui est cette fois subméridien.
C'est le cas des chaînons qui cloisonnent le Guerrouaou et le bassin de Hassi Berkane. Il
faut ajouter que la Péninsule du Cap des Trois Fourches appartient aussi à cette famille.
Mais cette région de hauts plateaux ou de collines constitue un élément de relief un peu
particulier qu'il est difficile de classer avec les autres unités topographiques de la
province de Nador.
Mise à part cette région originale, l'organisation du relief du Rif oriental
est relativement simple puisque l'on voit se succéder de façon régulière et du N. au S.
bourrelets montagneux étroits et amples dépressions.
b) Les principales unités orographiques.
At'extrême N.W., le bassin de Boudinar se présente comme une dépression
triangulaire largement ouverte vers la mer . Il s'encastre vers le S. et l'E. entre les
hautes terres des Beni Touzine et des Beni Saïd et il est dominé à l'W. par le massif
Temsamane. En raison de l'importance des masses montagneuses qui le ceinturent, il
apparaît plutôt comme une région de transition avec le Rif central et c'est à ce titre que
G. MAURERl'a inclus dans son étude concernant la haute montagne rifaine.

AuS. de ce bassin le long bourrelet montagneux des Beni Touzine et des Beni
Saïd voit ses altitudes décroître de l'W. (1450 m au-dessus de Tafersit ) vers l'E.
puisque le petit volcan du Boû Ziza qui repose en partie sur les plateaux schisteux ne
dépasse guère 500 m. Bien que très continue, cette barrière escarpée présente deux
ensellements qui facilitent sa traversée. C'est tout d'abord l'abaissement de la ligne de
crêtes à une altitude de 700 menviron et qui se situe à la jonction des deux massifs. La
route de Ben Tieb à Boudinar emprunte d'ailleurs ce passage. C'est ensuite tout le
domaine oriental des Beni Saïd dont l'altitude est comprise entre 4 et 500 mmais qui,
localement, ne dépasse pas 320 m. Au contraire, la partie occidentale du même massif
atteint souvent 800 met culmine à 922 m.
Ce bourrelet montagneux long d'une soixantaine de kilomètres, présente
une dissymétrie caractéristique. Son versant S. très court puisqu'il ne se développe que
sur 2 à 3 km dans les meilleurs cas, se dresse avec vigueur au-dessus des bassins du
Kert moyen. Son versant N., au contraire, étire ses serres étroites sur 8 à 10 km en
direction de la mer lorsque les massifs atteignent leurs plus grandes largeurs. D'une
manière générale, et pour une section donnée de la ride montagneuse le rapport entre
versants S. et N. est toujours compris entre 1/3 et 1/2.
Vers l'E., au-delà de l'étroite vallée du bas Kert, on peut rattacher à ce
premier alignement le massif du Gourougou, lui-même dissymétrique et dont l'altitude
approche 900 m. Cet énorme volcan est flanqué à l'W. et au N. de vastes tables
subhorizontales dont l'altitude est voisine de 500 malors que vers l'E. le volcan domine
avec vigueur la Mar Chica dans laquelle ses coulées paraissent plonger.

Une troisième grande unité orographique prend place au S. de ces régions


montagneuses. C'est un long couloir de plaines ou de bas plateaux qui s'allonge depuis
Ezlef à l'W. jusqu'à Ras Kebdana à l'E., sur près de 120 km.
Cet ensemble déprimé et à peu près continu se subdivise en plusieurs
unités séparées par des seuils à peine marqués. Seules les hauteurs d'ailleurs
discontinues des Beni bou Ifrour forment une limite entre les pays du Kert à l'W. et les
plaines et les piémonts orientaux.
Les pays du Kert moyen présentent les paysages les plus variés. A
l'extrémité occidentale de la région le petit bassin d'Ezlef décrit par G. MAURER
(1968) est encore par certains aspects, montagnard. Il est séparé de la plaine de Sepsa
par un seuil complexe que le Kert contourne par le S. tout en entaillant une gorge
profonde. En 15 km l'oued descend ainsi de 600 menviron à 350 maux portes de Midar.
C'est alors que s'ouvre la vaste plaine de Sepsa aux contours
quadrangulaires. Les paysages changent brutalement et le Kert rejeté sur la bordure
méridionale du bassin coule dans une large vallée entre des berges de limons gris ou
jaunes. Au N. de l'oued un long plan incliné se relève vers le N. avec une régularité
remarquable, la pente restant de l'ordre de 10 mpar km. Cette surface fondamentale de
la plaine n'est jamais entaillée par les oueds descendus des Beni Touzine ou des Beni
Saïd occidentaux, à l'exception de l'oued Ouardane qui longe le talus fermant le bassin
vers l'E. L'organisation des paysages devient plus complexe dans ce domaine et des
étagements de niveaux topographiques apparaissent près de la confluence de cet oued
avec le Kert dont la vallée est alors plus encaissée. A l'aval de la confluence, le Kert
emprunte un couloir étroit et rectiligne dominé par de vastes plateaux caillouteux au N.
et par un véritable bourrelet de collines aux formes lourdes au S. Celles-ci isolent
l'oued du piémont oriental des "Sierras de Driouch" (Ch. HAMEL, 1967). Après un
brusque coude qui lui permet de contourner par l'E. les plateaux septentrionaux le Kert
gagne la mer, laissant sur sa rive droite tout un monde de collines disposées de façon
plus ou moins anarchique. En revanche, sur sa rive gauche s'ouvre un profond bassin
d'érosion dans des séries marneuses et les paysages du bassin de Kebdani contrastent de
façon remarquable avec ceux de la plaine de Sepsa. Ici les étagements de formes sont
multiples et l'intensité des ravinements montre la fragilité de ce domaine.
A l'E. des bassins du Kert, le couloir de plaines s'élargit et s'ouvre
largement vers la mer. La figure 1-1 n'en donne pas une image très précise car de
faibles dénivellations existent et l'ensemble se subdivise en petites unités
morphologiques séparées par des seuils à peine marqués.
La plaine monotone du Gareb quelque peu étranglée par le J. Tistoutine,
annexe méridionale des Beni bou Ifrour, se prolonge jusqu'au piémont de l'oued Irane.
Ce vaste ensemble ne possède pas de réseau hydrographique organisé. Al'W., l'oued
Irane traverse le piémont en étranger. A l'E., près de Monte'Arrouit, l'oued Zelouane
sort avec peine de la cuvette dont il ne draine qu'une infime partie. Dans cette région
orientale, un alignement de buttes marque les limites de la plaine. En effet, une région
de seuil relie vers l'E. le bassin du Gareb. Large d'une dizaine de km ce secteur voit
souvent affleurer des roches calcaires et n'est piqueté que d'une maigre steppe.
Par delà ce seuil, au N.E. de Zelouane, la plaine du Boû-Areg s'abaisse
régulièrement vers la Mar Chica, grand étang peu profond séparé de la mer par un long
cordon de dunes. Au S., dominée par les dernières pentes des Kebdana, la curieuse
dépression semi-circulaire d'El Maouadine montre un étagement assez régulier de
niveaux topographiques. Enfin, vers l'E., on passe progressivement de la plaine du
Boû-Areg au piémont septentrional des Kebdana. Relativement court, ce plan incliné
vers la mer est entaillé avec vigueur par de nombreux oueds parallèles qui le découpent
en lanières.
Cet ensemble de plaines et de plateaux qui se succèdent depuis le haut Kert
jusqu'à Ras Kebdana constitue l'unité morphologique la plus importante et la plus
continue du Rif oriental.

Au S. de ce vaste domaine déprimé un alignement de chaînons forme une


barrière assez discontinue. Les montagnes les plus élevées (1200 m) se situent dans la
partie occidentale des "Sierras de Driouch", à l'W. de l'oued Chemmar. Vers l'E., les
chaînons se dédoublent et on les franchit sans peine par des cols peu élevés. Aux barres
vigoureuses de la "Sierra de Driouch" s'opposent les formes lourdes du J. Kerker et du
J. Ziata aux altitudes modestes. Décalée vers le N.E., la chaîne des Kebdana est un
obstacle beaucoup plus continu et quasiment infranchissable. Cette montagne prend
d'ailleurs des aspects imposants avec des barres très redressées de calcaire massif qui
dominent de près de 900 mla mer toute proche.

Un dernier ensemble de bassins bien délimités forme vers le S. la dernière


grande unité morphologique appartenant au Rif oriental. Ces diverses cuvettes
présentent un étagement caractéristique puisque l'on passe à l'E. de 100 md'altitude
dans les pays du Zebra de 5 à 600 mà l'W. dans le bassin d'Aïn Zora-Bou Beker.
La dépression occidentale est à la fois la plus vaste et la plus complexe.
Deux oueds principaux se partagent son drainage avant de rejoindre le Kert au prix de
percées impressionnantes à travers les chaînons qui ferment ce bassin vers le N. La
variété des formes et des dépôts singularise cette région. On peut en effet l'opposer à la
cuvette endoréïque du Guerrouaou très uniforme que la longue échine du J. ben Hidour
sépare de la région d'Aïn Zora.
Par delà la cloison peu élevée mais massive du J. Bou Yahi, se développe le
bassin de Hassi Berkane mal relié au réseau hydrographique de la Moulouya. Un de ses
émissaires rejoint d'ailleurs la cuvette du Zebra que draine à l'E. ce grand fleuve
pérenne. Une partie de cette plaine est aujourd'hui irriguée mais les aménagements
hydrauliques s'interrompent dès que les formations encroûtées du piémont méridional
des Kebdana viennent à l'affleurement.

Il faut enfin faire une place particulière à la longue façade littorale du Rif
oriental qui se développe sur près de 150 km depuis le Cap Quilates (Ras Tarf) à l'W.
jusqu'au Cap de l'Eau (Ras Kebdana) à l'E. Celle-ci se compose de deux grands arcs de
cercle de longueur à peu près identique et qui se rejoignent au Cap des Trois Fourches.
Cette véritable péninsule qui s'avance d'une vingtaine de km vers le N. délimite en fait
deux régions bien différentes.
Le littoral occidental souvent rocheux et entaillé en falaises vives, présente
un étagement remarquable de plates-formes entre le bassin de Boudinar et le petit cap
de Punta Negri. C'est dans le secteur côtier des Beni Saïd orientaux que cet étagement
est le plus complet puisque l'on peut compter sur une même verticale jusqu'à 5
replats s'échelonnant de +5 mà + 140 m. Tous ne présentent pas une égale continuité
ni une largeur identique. Le plus important par son extension s'élève à une soixantaine
de mètres et on peut le suivre sans interruption majeure des environs de l'embouchure
du Kert jusqu'au bassin de Boudinar. Ce véritable balcon qui domine parfois
directement la mer, a été aménagé dans les schistes ou les marnes et il constitue le
système morphologique essentiel sur ce littoral occidental. En revanche, il disparaît au
N. de Punta Negri et la Péninsule des Trois Fourches ne possède jamais la même
richesse en formes étagées.
Sur son flanc occidental, cette longue péninsule prend l'aspect d'un long
versant concave très régulier qui se termine localement par un replat assez discontinu.
Ce replat est encore plus discret sur la côte orientale où l'on rencontre surtout des
falaises vives, parfois grandioses, jusqu'aux portes de Melilla.
Brutalement, à partir de ce préside espagnol, un nouveau paysage littoral
apparaît qui rappelle par de nombreux traits le littoral languedocien. La Mar Chica,
improprement nommée Sebkha Boû-Areg sur certaines cartes, n'est rien d'autre qu'un
vaste étang séparé de la mer par un long cordon de sables. Le grau qui permet aux
pêcheurs de Nador de sortir en mer ne se situe pas comme l'indique la carte d'Oujda au
1/500 000 près de Beni Enzar mais au droit de Nador. Cette passe est d'ailleurs
entretenue assez régulièrement pour empêcher sa fermeture.
A. l'E. de cette lagune, la côte est de nouveau escarpée. Les falaises vives
sont d'ailleurs de plus en plus élevées en direction de Ras Kebdana. Elles constituent de
véritables murs verticaux de 60 à 70 mde haut qui peuvent s'écrouler par pans entiers
en raison de la faible résistance des formations détritiques dans lesquelles elles sont
entaillées. Ala différence des régions occidentales on ne trouve ici aucun étagement de
plate-forme, ce qui en fait un domaine morphologique relativement pauvre.
La variété des paysages littoraux qui vient d'être évoquée reflète en fait la
diversité des unités structurales que recoupent les deux grands arcs côtiers. Ces
différences de structure sont aussi responsables de la variété des formes du relief en
domaine continental en dépit de certains traits communs propres aux bassins ou aux
montagnes.

2° LA SECHERESSE DU MILIEU CONTRIBUE A FAIRE RESSORTIR


LES CONTRASTES DU RELIEF ENTRE MONTAGNES ET BASSINS.

En raison de l'ambiance climatique méditerranéenne semi-aride de la


région, la vigueur de l'érosion imprime sa marque aux paysages effaçant dans une
certaine mesure les influences structurales. La variété du potentiel lithologique
introduit pourtant de multiples nuances dans les modelés de détail et les montagnes
présentent toujours des formes assez finement sculptées qui s'opposent à la grande
uniformité de celles des bassins.

a) Des montagnes profondément marquées par l'aridité.


Ce sont évidemment les montagnes qui en portent les témoignages les plus
nets. La vigueur des pentes et l'agressivité des ruissellements expliquent l'intense
décapage des versants souvent mal protégés par une trop rare végétation. La roche à nu
affleure fréquemment et les inégalités de résistance du matériel rocheux sont alors
mises en valeur. Les formes structurales sont donc nombreuses dans les montagnes où
alternent marnes et calcaires. Chevrons, barres et crêtes soulignent alors les
plissements. Toutefois, ces formes ne sont pas aussi nettes que l'on pourrait l'imaginer
dans un milieu au climat sec. En effet, le caractère assez émoussé des formes, la
relative lourdeur des sommets calcaires méritent d'être évoqués dès maintenant. Seules
les structures les plus redressées donnent de beaux reliefs aux escarpements rocheux
vigoureux comme c'est le cas de certains sommets de la Sierra de Driouch ou du flanc N.
desKebdana.
Les vallées, même lorsqu'elles sont importantes, ont rarement conservé des
niveaux étagés et, à la différence du Rif central, il est exceptionnel de retrouver les
traces d'anciennes topograhies perchées comme G. MAURER(1968) en signale dans sa
thèse. Seuls les dépôts récents et actuels jalonnent le cours des oueds.
Les piémonts, contact entre les bassins et les chaînons qui les dominent, se
présentent comme de grands versants concaves sculptés dans la roche en place. Unvoile
de débris en transit masque fréquemment le substrat rocheux et ces tabliers de versant
s'épaississent notablement au bas de la pente. Les plus anciens peuvent être
puissamment encroûtés et se trouvent ainsi à l'abri des incisions actuelles. Aces
formes d'ablation se juxtaposent des formes construites, systèmes de cônes emboîtés ou
coalescents qui contribuent aussi à donner aux piémonts leur belle régularité. Enfin,
au pied de certaines montagnes se sont accumulées des quantités considérables de
formations détritiques et l'on a alors de véritables piémonts construits.

Si la marque climatique est indéniable, les conditions structurales


majeures confèrent cependant aux reliefs leur originalité. On peut ainsi distinguer
trois principaux types de montagnes aux caractères morphologiques particuliers.
Le massif volcanique du Gourougou et ses annexes constituent un premier
ensemble où se développent de hautes tables de lave (latite et andésite) aux couleurs
sombres tandis que des pitons parfois hardis semblent percer le coeur du volcan. De
profondes vallées découpent la montagne en un réseau plus ou moins rayonnant. Les
entailles les plus importantes se situent sur le versant méridional, à proximité de
Segangane, et au sein de ces déchirures apparaissent les séries claires des roches acides
qui constituent la base de l'édifice. Tout aussi raviné et tout aussi blanc d'aspect est le
massif volcanique du Cap des Trois Fourches que la mer vient affouiller en falaises
vives.
Unsecond type de paysage caractérise le massif des Béni Saïd où le réseau
hydrographique particulièrement dense découpe en serres étroites la montagne
schisteuse aux longs versants dénudés. Vers l'W., le massif s'élève et s'élargit,
présentant alors des escarpements subverticaux. C'est que de puissants bancs de
calcaire métamorphisé s'intercalent dans les schistes et donnent au relief une vigueur
nouvelle.
Enfin, les principaux chaînons et massifs situés au S. du Kert et de
l'ensemble déprimé du Gareb et du Boû-Areg, constituent un troisième domaine
morphologique. D'altitude médiocre, à l'exception du massif méridional du
Terni-Mazgout, ces montagnes associent des pentes fortes et des sommets aux formes
lourdes et parfois planes comme le J. Ziata ou le J. Kerker. Rares sont les
dépressions qui les accidentent ou les vallées importantes qui les recoupent. Si
structure et lithologie sont facilement identifiables, c'est en raison de la répartition des
formations végétales buissonnantes qui exploitent les principaux bancs marneux et les
joints de stratification, les contrastes topographiques de détails étant nous l'avons déjà
soulignés relativement émoussés.
Les influences structurales sont donc indéniables pour rendre compte de la
personnalité des principaux reliefs montagneux. Toutefois, au-delà de ces différences
morphologiques fondamentales, la marque de l'aridité imprime à ces grands ensembles.
orographiques des traits particuliers : densité des formes de dissection, rareté des
couvertures végétales continues et, partant, des formations superficielles. Il est
probable que ces caractères ont été accentués par des interventions humaines
intempestives tant dans les montagnes qui ont été largement déboisées que dans les
bassins qui ont été abusivement défrichés.
b) La richesse des formes de terrain dans les bassins.
Les témoignages de l'aridité sont tout aussi évidents dans les bassins. Les
paysages steppiques sont fréquents et, selon la nature des substrats et les conditions
topographiques, on dénombre diverses formations végétales. Les sols limoneux et
profonds portent des bouquets de jujubiers. Les sols parfois très minces et caillouteux
sont le domaine de l'alfa ou de l'armoise qui couvrent alors de vastes territoires. Cette
végétation est caractéristique des grands éléments de plateaux au profil longitudinal
tendu et aux surfaces fortement encroûtées. La steppe est alors particulièrement rase
comme dans l'E. du Gareb, au centre du Zebra ou bien encore sur certaines bordures du
Guerrouaou. Les oueds ont aussi parfois creusé d'étroites vallées dans ces surfaces
monotones. Leur encaissement peut atteindre une quinzaine de mètres comme on peut le
constater aux confins du Gareb oriental et du piémont N. des Kebdana. Ces vallées sont
chichement alimentées en eau par quelques sourcins et forment des rubans de verdure
où les troupeaux viennent pâturer fuyant les surfaces à peu près nues des plateaux.
D'autres bassins présentent des paysages plus variés. C'est le cas par
exemple de la région de Kebdani où l'on rencontre des formes fort diverses. Des reliefs
collinaires voisinent avec des éléments de plateaux découpés en lanières étroites et
parfois très allongées. Des vallées amples et profondes peuvent être dominées par des
restes de glacis et, lorsque les marnes affleurent largement, ce sont d'immenses espaces
qui sont ruinés par des bad-lands. Ce type de bassin où prédominent les formes
d'érosion est assez rare dans le Rif orîental. Pourtant le bassin de Boudinar appartient à
cette famille ainsi que la beaucoup plus modeste cuvette d'El Maouadine excavée à
l'extrémité nord-occidentale de la chaîne des Kebdana. Des reliefs assez comparables
avec des étagements de niveaux topographiques se retrouvent aussi dans le vaste bassin
d'Aïn Zora et dans une moindre mesure dans celui de Hassi Berkane.
Le long des principaux oueds, s'étagent des niveaux de terrasses. Les
systèmes les plus bas et par conséquent les plus récents sont bien représentés, même le
long des organismes les moins importants. En revanche, les vestiges des nappes
alluviales anciennes manquent de continuité comme le révèle l'exemple du Kert, alors
que le long d'un fleuve comme la Moulouya ils sont carrément absents.
Cette variété de la disposition des nappes alluviales mais aussi plus
simplement la variété des paysages ne sont décelables qu'au prix d'observations
minutieuses. Le voyageur pressé qui se contente de parcourir la province de Nador sur
les routes principales (route de Nador à AI Hoceïma ou de Nador à Oujda) ne retiendra
de son passage qu'une impresssion de monotonie et d'uniformité de ces régions de
bassin. Ce sentiment sera sans doute renforcé par l'aridité du milieu qui n'a pas
favorisé les implantations humaines traditionnelles.

Il - UN CLIMAT CAPRICIEUX MARQUE PAR L'ARIDITE.


La sécheresse du Rif oriental tient d'une part à son appartenance à la zone
des climats méditerranéens et à sa localisation méridionale et, d'autre part, à sa
position d'abri à l'E. de la haute montagne rifaine. Comme dans toutes les régions sèches,
la variabilité interannuelle des conditions météorologiques est particulièrement
marquée. Les conséquences en sont multiples puisque ces variations ont des
répercussions sur les écoulements des eaux, l'érosion des sols et ce qui reste de la
couverture végétale naturelle à la suite des interventions humaines.
1° LE CLIMAT DU RIF ORIENTAL APPARTIENT A LA CATEGORIE
DES CLIMATS MEDITERRANEENS SEMI-ARIDES A HIVER TEMPERE OU
CHAUD.

a) De faibles précipitations au rythme saisonnier


méditerranéen.
La figure 1-2, p. 24 rassemble les moyennes annuelles de précipitations de
la plupart des stations de la province de Nador. Ces chiffres varient quelque peu selon
les périodes considérées et selon les sources mais, dans l'ensemble, ils paraissent assez
homogènes, traduisant très nettement la position d'abri des différents bassins du Rif
oriental dans l'ombre pluviométrique de l'arc rifain.
Quelques nuances existent cependant qui soulignent la double influence de
l'altitude et de la continentalité. Kandoussi, Driouch ou Midar n'atteignent pas les 300
mm car le bassin du Kert moyen est encastré dans les massifs occidentaux relativement
élevés. En revanche, les pluies semblent un peu plus généreuses à Boudinar, Melilla,
Nador ou Kariat Arekmam qui ont une position littorale. De même l'altitude tend à
corriger les effets de la continentalité comme le montrent les 400 mm d'eau recueillis au
poste d'Aïn Zora situé à 820 mau pied de la haute muraille du J. Terni.
Ces précipitations ont un rythme méditerranéen tout à fait classique comme
le prouvent le tableau 1-1, p. 25 et la figure 1-3, p. 26 avec des courbes présentant
deux pointes à peu près équivalentes, l'une d'automne et l'autre de printemps. Le
minimum de février est assez général et correspond au stationnement fréquent de
l'anticyclone nord-atlantique sur le Maroc. En revanche, les fortes pluies liées aux
dépressions d'W. et de S.W. peuvent commencer dès le mois d'octobre et se poursuivre
jusqu'en mai. Ces pluies tombent en une quarantaine de jours avec parfois de fortes
averses. De leur côté les étés sont parfaitement secs et assez chauds (*).

(*) Pour plus de détails concernant les types de temps générateurs des précipitations et de la
sécheresse, se reporter à l'article détaillé de F. COUVREUR - LARAICHI (1972).
b) Un climat chaud qui ne connaît pas de températures extrêmes.

Les statistiques dont on dispose sont nettement moins nombreuses que pour les
précipitations car l'agriculture est bien plus dépendante de l'humidité atmosphérique
que des températures.Le tableau 1-2, p. 28 reprend les données de quelques stations
mais, à l'exception de Zaïo, on constate des températures moyennes annuelles
identiques et légèrement inférieures à 18°. Cela tient d'une part à une chaleur modérée
des étés mais surtout à la douceur des hivers. La moyenne des minima de janvier est
de 4°6 à Driouch et Midar, stations continentales, et le gel y est exceptionnel. Il est
inconnu sur les littoraux. Son rôle géomorphologique actuel est donc tout à fait
négligeable, même si les chaînons montagneux les plus élevés peuvent connaître des
températures négatives en hiver. Encore faut-il que ces coups de froid surviennent
après des précipitations pour que le gel ait une action notable.
D'une manière générale, les bassins connaissent donc des températures
douces durant toute la saison fraîche et l'hiver n'entraîne pas toujours un arrêt de
l'activité végétative. En revanche, les températures estivales assez élevées (les
moyennes de juillet et d'août sont de l'ordre de 23 à 24°) peuvent ralentir la croissance
de certaines plantes. Le bilan hydrique est alors nettement déficitaire ainsi que le
soulignent les diverses études réalisées pour les projets d'irrigation des plaines du Rif
oriental. Ce déficit est de 600 mm à Monte'Arrouit et de 460 mmà Nador selon A. M.
DEREKOY et F. MORTIER (1961), l'évaporation potentielle dépassant 860 mm à
Kariat Arekmam selon Ph. CARLIER (1971). Le nombre de mois secs calculé selon la
formule de GAUSSEN, P inférieur à 2 T, varie entre 6 et 7 selon les stations, figure
I-3, p.26.
Dans de telles régions l'agriculture est donc bien souvent une loterie si l'on
ne peut apporter un complément d'eau indispensable pour assurer la croissance des
végétaux. L'irrigation est d'autant plus nécessaire que le climat de la province de Nador
est assez fantasque et qu'il a, certaines années, des caractères franchement arides
contrastant avec l'humidité relativement élevée d'autres périodes.

2° LES EXCES DU CLIMAT DU RIF ORIENTAL.

Ces excès ne sont pas d'ordre thermique nous l'avons vu car les véritables
coups de froid sont encore plus rares que les chaleurs caniculaires qui peuvent se
manifester chaque année. Des températures supérieures à 40° sont enregistrées
presque chaque été par temps de Rharbi (*) mais ce type de temps ne dure jamais plus
de quelques jours. Par contre le problème de l'eau est beaucoup plus aigu car celle-ci
peut tomber en véritables déluges ou bien faire totalement défaut. Les conséquences sur
le milieu sont alors d'une importance fondamentale.

a) Des années exceptionnellement humides.


Selon les sources dont je dispose, les totaux pluviométriques sont soit ceux
des années civiles soit ceux des années agricoles (octobre à septembre pour les relevés
effectués dans les caïdats pour le compte des services du Ministère de l'Agriculture).
La nature des statistiques utilisées ici sera donc précisée.
Si l'on se reporte à la figure 1-4, p. 30 réalisée à partir des chiffres des
années agricoles des stations de Midar (situation continentale) et de Kariat Arekmam
(situation littorale), on constate que 13 années sur 28 ont connu des précipitatons
égales ou supérieures à la moyenne à Midar et que 9 sur 20 ont reçu plus de 385 mm à
Kariat. On compte donc une année sur deux environ où les précipitations peuvent être
assez abondantes. Cependant les années exceptionnellement humides sont rares.
Parmi elles, l'année agricole 1962-1963 mérite d'être signalée puisque
l'on a recueilli plus de 950 mm d'eau à Kariat et 600 mm environ à Midar. Dans les
deux cas, les quantités d'eau mesurées représentent au moins le double de la moyenne
annuelle. Une telle humidité est évidemment exeptionnelle mais des hauteurs d'eau de
400 à 450 mmsont nettement moins rares.
Ces années bien arrosées voient généralement les pluies arriver dès le mois
d'octobre avec des chutes abondantes : 139 mmen octobre 1969 à Midar et 240 mmà la
même époque à Kariat Arekmam. La saison se prolonge jusqu'à la fin du mois de mai et
même au début du mois de juin. C'est ainsi qu'il a plu jusqu'au 18 juin 1967 à Midar
et on a pu recueillir ce mois-ci 173 mm d'eau.

(*) Rharbi : vent d'W. qui prend des caractères de foehn lorsqu'il franchit les crêtes du haut
Rif central. En hiver, ce vent apporte douceur et une certaine sécheresse, et en été il est
particulièrement desséchant et les températures deviennent alors torrides.
Un autre caractère des années anormalement humides réside dans le
nombre important de jours de pluie. Il s'est élevé à 75 à Kariat durant l'année agricole
1962-1963 (moyenne 41) et a dépassé 50 à Midar pour 1952-1953. Les pluies sont
donc plus fréquentes mais elles sont aussi plus copieuses et si l'on reprend l'exemple de
Kariat Arekmam de 1962-1963, les précipitations supérieures à 30 mm par 24
heures ont dépassé 56 %du total en 9chutes.
Les averses violentes ne sont donc pas inconnues dans le Rif oriental. On a
pu enregistrer 188 mm d'eau le 13 avril 1954 à Kariat et 116 mm à Midar le 16 mai
1962. D'une manière générale les pluies torrentielles (*) représentent le 1/3 des
hauteurs d'eau enregistrées à Midar et le 1/4 de celles mesurées à Kariat. De plus, ces
pluies surviennent soit au début de l'automne soit le plus souvent au cours du
printemps (**). Elles ont pour origine la cyclogenèse qui accompagne le front polaire
mais leur intensité résulte aussi de l'arrivée d'air froid en altitude (vallée froide ou
goutte froide). L'instabilité atmosphérique est alors suffisante pour déclencher de
fortes précipitations.
A ces printemps exceptionnellement pluvieux succède une sécheresse
estivale particulièrement marquée. Celle-ci peut ne sévir que 3 ou 4 mois mais elle
peut aussi se prolonger beaucoup plus longtemps.

(*) Sont considérées comme torrentielles les pluies qui dépassent 30 mm en 24 heures.
(**) Les conséquences de tels abats d'eau sont évidentes. Lorsqu'ils ont lieu en début
d'automne l'essentiel alimente un ruissellement généralisé. Cependant les infiltrations le long
des fentes de dessication sur substrat argileux peuvent déclencher des mouvements de masse.
Ceux-ci se produisent aussi à la fin du printemps si celui-ci a été suffisamment humide. Les
sols peu épais sont alors saturés et sensibles selon les conditions locales au ruissellement
concentré ou aux glissements de terrain.
b) Des conditons arides peuvent régner certaines années.
En effet, la traditionnelle sécheresse estivale peut se prolonger plus qu'à
l'habitude et elle devient alors catastrophique. Durant l'année agricole 1965-1966
on a enregisté 106 mm d'eau seulement à Kariat tandis qu'à Midar le record de
sécheresse semble remonter à 1944 -1945 avec 81 mm (*).
Alors que les excès d'humidité ne se répètent pas nécessairement plusieurs
années consécutives, en revanche, la succession d'années sèches est tout à fait possible.
L'exemple récent qu'a connu le Maroc est particulièrement démonstratif. La moyenne de
précipitations calculée pour les 7 années 1977-1983 reste nettement en dessous de la
moyenne établie pour la station de Nador-Taouima (230 mm contre 313 mm pour la
période 1942-1959 ou 370 mm selon F. COUVREUR - LARAICHI). L'année 1983 a
même été d'une sécheresse exceptionnelle puisque les pluies n'ont apporté que 116 mm
d'eau. Si l'on s'en tient à cette année on constate en utilisant la formule de GAUSSEN que
11 mois sont effectivement secs, seul le mois de février faisant exception avec 30,9
mm pour une température moyenne de 12°.
Cette sécheresse de longue durée a été particulièrement dommageable pour
le Rif oriental où les ressources en eau sont relativement pauvres. Le niveau des nappes
phréatiques a beaucoup baissé et certaines étaient improductives. La végétation a aussi
été particulièrement touchée et le figuier de Barbarie notamment, pourtant très
robuste, a eu du mal à résister. Les milieux littoraux, mieux lotis grâce aux brumes
fréquentes et aux rosées nocturnes, ont eux aussi fortement souffert de ce déficit
accentué du bilan hydrique et finalement toute la province de Nador a été véritablement
sinistrée.
Les effets de la sécheresse peuvent être encore aggravés par les vents
fréquents qui balayent les bassins du Rif oriental.

(*) Les conséquences démographiques de cette sécheresse qui dura de 1943 à 1946 ont été
analysées par R. BOSSARD (1978). D'une part, de nombreux départs ont eu lieu vers le Rif
occidental plus humide et, d'autre part, les taux de mortalité ont progressé avec un
maximum de 67 0/00 en 1945-46 chez les éleveurs nomades Metalsa.
c) Des vents fréquents qui peuvent accentuer le déficit des
bilans hydriques en augmentant l'évaporation.
Un premier examen de la rose des vents réalisé à la station de
Nador-Taouima (toutes forces des vents confondues) montre que deux orientations
prédominent très nettement, figure 1-5 A, p. 34. Ces directions majeures
correspondent très exactement aux principaux types de temps qui intéressent la
province de Nador durant l'année. La circulation cyclonique est responsable de la
branche W. de la rose tandis que la présence d'anticyclones hivernaux ou l'existence de
basses pressions relatives au sol en domaine continental pendant l'été rendent compte de
la seconde branche orientée à l'E. N.E. en raison notamment de l'établissement quotidien
durant la saison chaude d'une brise de mer.
Il ne faut cependant pas oublier que le Rif oriental connaît aussi des
périodes de temps calmes (vents inférieurs à 2m/s). Leur fréquence varie avec les
périodes d'observation considérées. Si l'on se reporte aux années 1977-1982, ils
correspondent au quart des relevés tandis que pour une période plus courte allant de
1980 à 1982 (les observations sont aussi beaucoup plus nombreuses : 26 239
relevés), ils constituent 31 %des cas. Si l'on se réfère à la première série de données,
on peut noter une variation saisonnière de la fréquence de ces temps calmes. En janvier
et février, ils représentent 33 à 35 % des relevés contre 18 % environ en juillet et en
août. Ce phénomène s'explique aisément compte tenu de la situation barométrique de
chacune de ces périodes. Les calmes de saison fraîche correspondent au stationnement de
l'anticyclone nord-atlantique sur une partie de la Méditerranée occidentale. En
revanche, les mois de juillet et d'août et même de septembre qui sont les mois les plus
chauds connaissent un régime de brise de mer quasi quotidien. De plus, la disposition
générale des principaux reliefs accentue encore l'orientation générale du flux d'E. N.E.
(47,1 %des vents de juillet, 47,8 %de ceux du mois d'août et 48,2 %de ceux du mois
de septembre). C'est durant ces trois mois que les vents sont les plus réguliers et
fréquents et par conséquent que les temps calmes sont les plus rares.
34
Le tableau 1-3, p. 36 et la figure 1-5 B, p. 34 montrent aussi la
répartition mensuelle des flux. Trois types de situations apparaissent nettement.
Durant 6 mois consécutifs, d'avril à septembre, les flux d'E. (E. N.E. plus
précisément) l'emportent de façon incontestable, en particulier de juillet à septembre.
Al'opposé, et seulement durant 2 mois, décembre et janvier, ce sont les vents d'W. qui
prédominent franchement. Toutefois les temps calmes sont fréquents à cette époque.
Enfin, il existe des régimes que l'on peut qualifier de transition en février-mars et
octobre-novembre, mois pendant lesquels les courants perturbés d'W. sont encore
nombreux. Mais en définitive, ce sont bien les vents du secteur N.E. qui sont les plus
fréquents (52,8 %des observations pour les vents compris entre N. N.E. et E. contre
38,1 %pour ceux venant de S. S.W. à W.).
Ces vents de secteur E. N.E. prédominants ne sont pourtant jamais les plus
violents. Les observations faites durant la période 1980-1982 montrent que les vents
dont la vitesse est supérieure à 16m/s (57,6 km/h) sont exclusivement des vents de
secteur W. Ils sont certes rares et ils sont liés au passage des cyclones mobiles venus de
l'océan Atlantique. La situation est à peu près identique pour les vents dont la vitesse est
comprise entre 12 et 16 m/s (3 %des vents). Le secteur W. représente 82 %des cas.
En revanche, la part des vents venus de l'E. devient presqu'aussi importante que celle
des vents de secteur W. (44 %des observations contre 50 %) pour les vents compris
entre 8 et 11 m/s. Ainsi, les vents égaux ou supérieurs à 8 m/s (environ 40 km/h)
qui ont un rôle géomorphologique notable représentent 18% des vents enregistrés à
Nador. Parmi eux les plus violents sont liés à la cyclogenèse d'W.
Al'inverse, les vents modérés à faibles sont plutôt des vents d'E. N.E. et
s'ils n'ont pas la force des précédents, ils ont en revanche une beaucoup plus grande
régularité. Ils apportent avec eux une certaine fraîcheur et un peu d'humidité dans les
régions littorales ce qui tempère
les chaleurs estivales. Par contre, dès qu'ils ont franchi les premiers chaînons leur
souffle devient desséchant et ils aggravent encore le déficit du bilan hydrique des
cuvettes intérieures.

3° LES CONSEQUENCES DE L'ARIDITE : UNE COUVERTURE


VEGETALE TRES DEGRADEE FAVORISANT UNE HYDROLOGIE AUX EXCES
DEVASTATEURS.

a) Les forêts des montagnes et les steppes des bassins


n'assurent plus une protection efficace des sols, figure 1-6, p.38.
A l'hostilité des conditions climatiques il faut d'ailleurs ajouter les
conséquences d'un intense peuplement pour rendre compte de la dégradation très
avancée du couvert végétal naturel. Toutefois les espèces qui ont pu se conserver sont
de bons révélateurs du milieu climatique régional comme le signale A. METRO (1958)
C).
Les montagnes septentrionales pourtant les plus humides mais aussi les
plus peuplées sont des montagnes sans arbres. On peut retrouver les restes de
l'ancienne forêt claire de thuyas sous la forme de quelques bouquets d'arbres protégés
par les traditions religieuses. Ainsi les Beni Touzine, les Beni Saïd ou les Kebdana sont
des reliefs presque totalement déforestés.
Ce sont les montagnes du centre et de l'W. S.W. de la région qui ont conservé
les couvertures forestières les plus denses. Le J. Kerker est coiffé d'une belle pinède
naturelle de pins d'Alep. Au S. de Midar, le versant N. de l'Adrar Mohând ou Fârs
présente un véritable étagement de formations végétales. Sur les basses pentes nappées
de cônes caillouteux parfois encroûtés pousse la steppe à alfa. Au sommet de ces cônes
quaternaires se développe un matorral (**) particulièrement dense ou se côtoient de
nombreuses plantes dont le genévrier et le thuya.

(*) Selon cet auteur les espèces végétales ont une plus ou moins grande plasticité. Certaines
peuvent donc permettre de rendre compte du milieu climatique régional. Le matorral à
jujubiers se rencontre aussi bien dans l'étage aride que semi-aride. Il en va de même de l'alfa.
Le chêne vert colonise les milieux allant du semi-aride à l'humide. En revanche, le thuya de
Berbérie ne pousse exclusivement que dans les régions semi-arides. L'existence de cette
essence sur les principaux reliefs du Rif oriental montre que la pluviosité est un peu plus
élevée sur ces chaînons que dans les bassins pour lesquels nous disposons de mesures.
(**) Matorral : selon Ch. SAUVAGE (1961) "il s'agit d'une formation ligneuse qui dérive
directement ou indirectement d'une forêt, donc d'une formation ligneuse".
Enfin, le haut du versant voit prospérer une forêt de chênes verts. La densité du couvert
végétal surprend mais il faut signaler que tout ce domaine a été mis en défens et l'on
mesure mieux ainsi l'impact de l'occupation humaine dans ces milieux de climat sec. La
surexploitation des formations végétales en particulier ligneuses entraîne leur
disparition complète. La régénération n'est possible que si l'observation stricte des
réglementations forestières est effective.
Si quelques massifs ont pu garder leurs couronnes de forêts claires, tous
les bassins et piémonts ont été largement défrichés malgré les conditions steppiques que
l'on peut y rencontrer. Rares sont les domaines où l'on peut trouver aujourd'hui des
formations naturelles assez continues et lorsqu'elles existent elles se situent encore
une fois dans des secteurs protégés. Ainsi, sur le piémont sud-oriental des Kebdana, sur
les glacis de la région de l'oued Metslili (voir le chapitre V) pousse un matorral à
oléastres. Dans les collines à fort encroûtement calcaire du S.W. de la Péninsule des
Trois Fourches se développe une garrigue relativement opulente avec de belles touffes
de lavande.
Cependant, les formations que l'on rencontre le plus souvent dans les
régions déprimées appartiennent aux associations steppiques. Les affleurements
conglomératiques ou les domaines à encroûtement épais sont les terres d'élection de
l'alfa. Il occupe par exemple une partie des vastes plateaux qui dominent vers le S. le
bassin de Kebdani. On le retrouve aussi sur les principaux cônes torrentiels du piémont
N. des Kebdana et il arrive jusqu'à la mer où il colonise d'anciennes dunes lapidifiées.
Les groupements à asphodèles sont aussi fréquents sur les formations
caillouteuses et se mélangent à l'armoise dans les bassins les plus continentaux. Enfin,
les zones d'épandage de limons récents portent une steppe à jujubiers tout à fait
caractéristique de ces domaines à sols profonds.
Ces formations steppiques, souvent fortement dégradées, ne constituent pas
une protection efficace et les sols des principaux bassins sont aujourd'hui menacés
comme nous le verrons au chapitre VI. Toutefois, prenant conscience des dangers que
représentait l'érosion, les hommes ont entrepris dès avant l'Indépendance des travaux
de restauration des sols et de reboisement.
Parmi les domaines concernés, il faut citer les littoraux où l'on a cherché
à fixer les sables par l'installation de gigantesques clayonnages et la plantation
d'acacias. C'est ainsi que 7 km de plage ont été traités au N.E. de l'embouchure du Kert.
Des travaux semblables ont efficacement fixé les dunes à l'W. de la plage de Kariat.
En domaine continental, les interventions ont revêtu diverses formes. Sur
les pentes fortes soumises aux ravinements comme au S. de Kebdani la plantation
d'eucalyptus ou d'amandiers a été réalisée après aménagement de banquettes. Les
eucalyptus qui avaient d'ailleurs assez mal poussé ont été coupés durant la dernière
période de sécheresse. Cette espèce ne semble pas avoir beaucoup mieux réussi sur le
piémont de l'oued Irane à l'W. de Tistoutine alors que dans la plaine de Sepsa les arbres
avaient meilleur aspect.
Dans d'autres régions on a réintroduit le pin d'Alep qui paraît prospérer à
l'W. N.W. de Melilla où il poussait de façon naturelle. Le chêne Kermès vient d'ailleurs
accompagner les résineux pour donner une formation relativement fermée qui assure
une protection efficace aux formations superficielles.
Acôté de ces aménagements organisés par l'administration, les particuliers
ont entrepris aussi de sérieux efforts pour développer l'arboriculture. Les vergers
d'amandiers et les plantations d'oliviers colonisent aujourd'hui certains versants des
montagnes fortement peuplées des régions septentrionales. Ces initiatives ont sans nul
doute des effets tout à fait positifs dans la lutte contre le ruissellement. Cependant, les
grands bassins steppiques, en dehors des périmètres irrigués du Zebra, du Boû-Areg et
du Gareb, n'ont pas bénéficié de réalisations particulières et leurs sols exploités de
manière extensive (céréaliculture sèche, élevage ovin et caprin) sont soumis aux aléas
climatiques. Finalement de nombreuses régions se trouvent aujourd'hui soumises aux
agressions des agents météoriques et l'absence de couvert végétal favorise un
écoulement rapide des précipitations, accentuant encore le caractère spasmodique des
régimes hydrologiques.

b) Des régimes hydrologiques d'oued.


Les seules statistiques dont je dispose concernent le Kert (seul oued
pérenne de la province de Nador avec la Moulouya) à la station de jaugeage de Driouch.
Ces relevés ne couvrent que la période sans doute trop brève pour être tout à fait
significative allant de février 1969 à avril 1984. De plus, ces chiffres sont des débits
instantanés réalisés tous les 15 jours ou tous les mois car les variations de l'abondance
sont ordinairement négligeables. En revanche, lors des crues, ces relevés deviennent
quotidiens et ils peuvent même être effectués plusieurs fois par jour. Cela permet de se
faire une idée, certes peu précise, des décrues.
L'exemple suivant montre cependant que ces décrues sont très rapides,
confirmant ainsi le caractère spamodique des écoulements :
- le 17/04/73 deux relevés : 141,3 m3/s
152,8 m3/s
- le 18/04/73 quatre relevés : 77,9 m3/s
: 76,9 m3/s
40,1 m3/s
8,0 m3/s

On peut penser que le 19 ou le 20 avril le débit était redevenu voisin de celui du


02/04/73 (0,214 m3/s) ou du 08/05/73 (0,303 m3/s).
Les débits instantanés sont en général bas ou très bas depuis 1979 en
raison de la sécheresse persistante qu'a connu le Rif oriental, comme le montre le
tabeau 1-4 , p. 42. Pour ces dernières années, les débits sont mêmes souvent
inférieurs à 50 I/s, le minimum étant de 23 I/s. Il ne coule donc ordinairement qu'un
maigre filet d'eau dans un lit encombré de galets. Cette faiblesse de l'écoulement est
constante mais on remarque cependant que les débits les plus bas ne se situent pas
durant les mois d'été mais au début d'octobre, juste avant le retour des quelques pluies
d'automne.
Les crues, quant à elles, se produisent le plus souvent au printemps. Sur
quinze crues ayant des débits supérieurs à 5 m3/s recensées depuis 1968, 3 ont eu
lieu en avril (1973 152,8 m3/s et 1975 216 m3/s) et 4 en mai. Elles sont plus
rares en hiver (aucune en janvier, 2 en décembre et 1 en février) mais elles peuvent
aussi se produire dès le mois de septembre (1972 22,8 m3/s) à la suite d'orages
violents comme ce fut les cas les 25 et 26/09/72.
Les chiffres dont je viens de faire état ne diffèrent pas fondamentalement
de ceux qui sont fournis par Ph. CARLIER (1973). En effet, les débits moyens mensuels
du Kert pour la station montagnarde de Telat Ezlef (période de 1943 à 1955) sont
compris entre 3,38 m3/s en avril et 0,10 m3/s en août. Le minimum moyen de débit
journalier est de l'ordre de 0,04 m3/s (août et mai) tandis que les crues les plus
importantes ont atteint 272 m3/s en janvier 1951 et 53 m3/s en avril 1955.
Le même auteur signale aussi des mesures réalisées sur l'oued Irane à la
station "d'Igan Bajo" située à proximité de la confluence de cet oued avec le Kert. Les
débits mensuels varient de 2,95 m3/s en octobre à 0 m3/s en juillet et août, pour la
période 1944-1955. Les crues peuvent présenter des débits considérables avec un
maximum de 232 m3/s en mars 1953. En revanche, les minima des moyennes
journalières sont égaux à 0 et ce, tous les mois de l'année. L'oued Irane a donc un
véritable régime d'oued puisqu'il est ordinairement sans écoulement. Seules les ondes de
crues empruntent de temps à autre son lit mais je n'ai jamais eu l'occasion de voir
fonctionner cet organisme. Il est en fait le prototype des oueds moyens et petits du Rif
oriental dont les écoulements épisodiques sont essentiellement dépendants de la
pluviosité. Leur action géomorphologiques est donc très discontinue et bien souvent les
berges de ces oueds paraissent figées à l'image d'ailleurs des paysages des vastes
cuvettes steppiques de tout le Rif oriental.
Le climat semi-aride confère donc à cette région du Maroc du N.E. un cachet
original. Les contrastes du relief sont souvent accentués entre les vastes espaces
découverts des cuvettes steppiques et les pentes vigoureuses des chaînons montagneux.
La rareté de la couverture végétale et l'intense décapage des sols montrent l'ampleur de
la tâche de restauration du milieu naturel qui s'impose. Cette dégradation alarmante
favorise pourtant les observations des Géologues et des Géomorphologues. L'abondance de
coupes naturelles est une véritable aubaine pour entreprendre des études
stratigraphiques et structurales dans une région qui était encore mal connue il y a une
vingtaine d'années.
CHAPITRE II

L'UNITE STRUCTURALE DURIFORIENTAL EST NEEDE


LADISTENSION DUNEOGENESUPERIEUR

Ce développement n'a pas pour but de décrire de manière détaillée les traits
structuraux caractéristiques des chaînes atlasiques et rifaines. De nombreuses
synthèses ont déjà été réalisées. Le Congrès Géologique International d'Alger en 1952
par exemple a été l'occasion de réaliser une présentation générale du Rif. Dix ans plus
tard (1962) dans le livre publié à la mémoire du Professeur FALLOT, un nouvel
état des recherches a fait l'objet d'une note collective dont les signataires étaient M.
DURANT-DELGA,L.HOTTINGER,J. MARCAIS, Y.MILLIARD,M.MATTAUERet G.SUTER.
G. MAURER (1968) dans sa thèse "Les montagnes du Rif central. Etude
géomorphologique" propose de son côté un tableau structural de la chaîne rifaine
illustré par une carte que lui ont emprunté par la suite certains auteurs. Plus
récemment A. MICHARD (1976) dans ses "Eléments de Géologie marocaine" a fait un
nouveau bilan des recherches tant dans le domaine rifain qu'atlasique. En 1980, M.
DURAND-DELGAdans son article "La Méditerranée occidentale : étapes de sa genèse et
problèmes structuraux liés à celle-ci" replace le système rifain dans un contexte
beaucoup plus vaste. Enfin W. WILDI (1983) vient de consacrer, dans un numéro
spécial de la Revue de Géologie Dynamique et Géographie Physique un remarquable
article à "La chaîne tello-rifaine (Algérie, Maroc, Tunisie) : structure, stratigraphie
et évolution du Trias au Miocène".
Malgré l'abondance des publications consacrées aux systèmes alpins
d'Afrique du Nord et plus particulièrement à "L'Arc de Gibraltar", le Rif oriental tel
qu'il a été défini au début de ce travail n'a pas donné lieu à la réalisation d'une synthèse
géologique régionale et ceci malgré l'ancienneté des recherches menées dans ce secteur.
Les premières explorations scientifiques furent réalisées par L. GENTIL puis par P.
RUSSO et les géologues espagnols comme A. DEL VALLE et plus récemment J. DE
LIZAUR. Ce dernier a notamment collaboré avec J. MARCAIS et G. SUTER pour la
réalisation du Livret-Guide de l'excursion A31 - C 31 du XIX ème Congrès Géologique
International d'Alger (1952). Depuis un numéro spécial de la série Mines et Géologie
publié par le Service de la Carte Géologique du Maroc a été consacré à la présentation
géologique du Rif oriental (*). Des études plus ponctuelles ont aussi été réalisées par
des pédologues en vue de l'extension des périmètres irrigués sur la rive gauche de la
Moulouya. Certains de ces travaux sont restés inédits comme ceux portant sur les
plaines du Gareb ou du Boû-Areg. D'autres ont été intégrés dans des thèses. C'est ainsi
qu'A. RUELLAN (1971) a utilisé ses recherches sur le périmètre du Zebra dans son
étude des sols méditerranéens des plaines de la basse Moulouya. Ch. HAMELa levé une
carte géologique au 1/100 000, celle de Tistoutine. Ce document accompagne en fait sa
thèse soutenue en 1965, "Etude géologique de la terminaison occidentale de la chaîne du
Gareb (avant-pays du Rif oriental)".
Plus récemment encore, J.P. HOUZAY(1975) a soutenu une thèse de 3 eme
cycle sur la " Géologie du bassin de Boudinar" tandis que M. GUILLEMIN (1976) a
étudié, dans un travail similaire, "Les formations néogènes et quaternaires des régions
de Mellila-Nador et leurs déformations (Maroc nord-oriental)". D'autres thèses de 3
ème cycle ont abordé les marges occidentales de la province de Nador. C'est par exemple
l'étude de la terminaison N.E. de l'accident du Nekor réalisée par E. BRAUD-CAIRE
(1975) et celle de D. FRIZON DE LAMOTTE (1979) concernant le même accident,
mais dans la région d'Arbaâ de Taourirt. Le haut Kert a été l'objet des recherches de J.L.
MOREL (1980) tandis que J. HERNANDEZ a étudié le volcanisme de la région de Nador
(1 984).
Il faut ajouter à cette série de travaux récents regroupés en partie dans
le numéro 314 des "Notes et Mémoires du Service Géologique", Rabat 1982, d'assez
nombreuses notes publiées dans les Comptes-rendus de l'Académie des Sciences de Paris
ou le Bulletin de la Société Géologique de France et signées soit des auteurs déjà cités
soit de nouveaux chercheurs comme G. CATTANEO,Y. HERVOUETet P. DELUCA qui se
sont notamment intéressés au domaine dit d'avant-pays, qu'il soit atlasique ou rifain.

(*) (Numéro spécial de Mines et Géologie (Rabat) n° 14, 4 ème année 1961)
En dépit de l'apparente abondance de documents, il est encore difficile
d'avoir une idée très précise sur ces régions nord-orientales du Maroc, l'interprétation
des faits variant souvent selon les auteurs. La carte structurale, figure 11-1, p. 47 et la
carte hors-texte qui accompagnent cette présentation reprennent la synthèse
cartographique réalisée par G. SUTER et publiée par le Service de la Carte Géologique du
Maroc en 1980. Elle est l'oeuvre d'un spécialiste de la chaîne rifaine et si certains
points de détail peuvent être discutés ou modifiés, elle n'en demeure pas moins un
document de référence. Les divergences d'interprétation seront signalées dans l'exposé
afin d'en informer le lecteur.
L'accord est cependant réalisé pour reconnaître dans le Rif nord-oriental
un carrefour structural entre deux grandes unités de la marge continentale de l'Afrique.
Pour reprendre l'expression de R. TRUMPY (1983), "elle (la marge) comprend une
partie proximale atlasique, et une partie distale, la vasière du Rif externe et du Tell
externe", cette marge africaine étant à son tour limitée au N. par "ce curieux
microcontinent disloqué d'Alboran...".
Plus précisément, les géologues distinguent dans la région, un domaine
véritablement rifain au N. et à l'W., essentiellement constitué d'unités dites du domaine
externe, les nappes provenant des zones les plus internes de l'orogène étant très peu
représentées dans ce secteur, et un avant-pays atlasique et rifain. Cet avant-pays
occupe les régions du S., du centre et de l'E. de la province de Nador. Enfin, comme le
souligne la figure 11-1, p. 47 l'évolution tectonique récente a morcelé ces structures
majeures. La distension du Néogène supérieur a donné naissance à de vastes bassins
subsidents tandis que les chaînons montagneux ont acquis leur volume actuel. Une
intense activité volcanique postérieure à la mise en place des nappes rifaines a aussi
contribué à la création de reliefs parfois imposants comme c'est le cas pour le
Gourougou. Ces nouvelles structures constituent un trait d'unité pour la région mais
elles masquent bien souvent les contacts entre les domaines atlasiques et rifains. Dans
les cuvettes nées de la distension récente la variété des formes et des dépôts néogènes et
quaternaires permet de retracer avec une certaine précision l'évolution
géomorphologique du Rif oriental.
Avant d'envisager cette étude il est souhaitable d'examiner plus en détail les
grandes unités structurales qui constituent l'ossature de la région.

1 - AVANT-PAYS ATLASIQUE ET AVANT-PAYS


RIFAIN.

Traditionnellement les géologues distinguent ces deux grands types


d'avant-pays. L'avant-pays atlasique n'est en fait qu'une portion du Moyen-Atlas
contre laquelle viennent buter les nappes du Rif externe. L'avant-pays rifain se
distingue du précédent car il a subi des contraintes tectoniques beaucoup plus
importantes qui expliquent la schistosité et même l'épimétamorphisme relevés dans
les chaînons septentrionaux s'étendant de la région de Midar à celle de Ras Kebdana.
Il faut ajouter que nous ne connaissons que partiellement ces deux types
d'avant-pays car seules les structures anticlinales affleurent, émergeant de vastes
bassins sédimentaires du Néogène supérieur.

A/ L'AVANT-PAYS ATLASIQUE : LES MONTAGNES


DU S. ET DE L'E.
La plupart des auteurs rattachent ces chaînons et massifs montagneux au
domaine atlasique. En effet, on peut considérer qu'ils prolongent vers l'E. - N.E. le
Moyen Atlas plissé au delà de Taza et du Jebel Tazeka. De son côté W. WILDI (1983)
en fait l'avancée occidentale du domaine des "Hauts Plateaux", unité structurale
s'étendant de la région de "Tiaret à l'E. jusqu'au massif du Terni-Mazgout à l'W.". En
fait les structures ne sont pas fondamentalement différentes de celles de l'Atlas car
les séries mésozoïques sont tantôt tabulaires et tantôt assez violemment déformées
pour donner naissance à de vastes voûtes anticlinales ou à de larges cuvettes
déprimées. Ces massifs et ces chaînons qui appartiennent à l'avant-pays sont
orientés de l'W. S.W. à l'E. N.E. et forment le massif du Terni-Mazgout au S.W., le
massif des Beni Bou Yahi au centre, moins élevé et plus tabulaire que le premier.
Orienté du N. au S. le Jebel ben Hidour sépare les bassins d'Aïn Zora et du
Guerrouaou. Enfin, les Beni Snassene occidentaux se prolongent sur la rive gauche de
la Moulouya par des montagnes peu élevées et aux formes lourdes comme le Jebel
Bessem qui domine Hassi Berkane.
Tous ces massifs et chaînons dont certains manquent parfois de vigueur
présentent des caractères stratigraphiques communs et on peut en faire une zone de
transition entre le véritable domaine atlasique méridional et l'orogène rifain.

1° L'ENSEMBLE DU TERNI-MAZGOUT : UN HAUT BASTION


DETACHE DU MOYEN ATLAS, FIGURE 11-2, p. 50.

Cette montagne massive culmine à plus de 1800 met ses altitudes se


maintiennent le plus souvent vers 1400-1500 m dominant alors avec vigueur le
bassin de Guercif au S. et celui d'Aïn Zora au N.
Il s'agit d'un vaste anticlinal d'orientation subméridienne encadré par
des failles de même direction sur les flancs E. et W. du J. Mazgout. Al'W., la
structure plus tabulaire du J. Terni donne une haute surface assez monotone. Dans la
partie méridionale de la montagne, à la faveur d'une boutonnière affleure le socle
primaire avec ses schistes et ses grès arkosiques probablement d'âge viséen. Un
granite intrusif hercynien métamorphise localement ces assises sédimentaires
paléozoïques. On retrouve donc ici un peu la même disposition structurale qu'au S. de
Taza, dans le J. Tazeka dont le socle primaire perce ses enveloppes sédimentaires
secondaires. En discordance sur ce socle affleurent les couches du Trias (autrefois
Permo-Trias) avec ses gypses et ses séries marno-gréseuses. Les formations du
Lias comprennent des dolomies, des calcaires et des schistes. Dans le Dogger
inférieur et moyen, schistes, marnes et calcaires alternent. La partie supérieure du
Dogger et le début du Malm sont caractérisés par d'importantes séries terrigènes,
"pélites et arénites turbiditiques" (W. WILDI et R. ENAY, 1979) "équivalent des
ferrysh du domaine rifain externe" (W. WILDI 1982). Le Callovien est
essentiellement constitué "d'arénites deltaïques" (W. WILDI et R. ENAY 1979) "en
bancs épais à stratifications entrecroisées et à bioturbation". La faune indique un
"delta néritique". Ch. HAMEL note dans cette région que l'Oxfordien sableux et
gréseux est épais de 500 m. La série sédimentaire mésozoïque se termine par les
puissants calcaires subrécifaux du Kimméridgien et à l'W., dans les hautes terres du
J. Terni, par des dolomies du Kimméridgien-Tithonique. Enfin, il faut signaler sur
le flanc N. du massif la présence d'une série discordante marno-gréseuse attribuée au
Miocène anté-nappe et vigoureusement déformée. Des épanchements andésitiques et des
rhyolites affleurent sur le versant S. du J. Mazgout.
On peut remarquer à la suite d'A. MICHARD (1976) qu'à la différence du
domaine atlasique méridional, la sédimentation se poursuit dans la région jusqu'au
Jurassique supérieur alors que les régions méridionales sont définitivement émergées
depuis la fin du Bathonien. Nous sommes donc bien ici dans un domaine de transition de
la marge africaine entre le sillon rifain externe et le domaine atlasique. On retrouve
d'ailleurs ce caractère dans les montagnes orientales.

20 CHAINONS ET MASSIFS ORIENTAUX.

a) Le Jebel ben Hidour.


Après les travaux de Ch. HAMEL(1967) on connaît assez bien cette voûte
anticlinale allongée du S.E. au N.W. sur près de 20 km. Il s'agit d'une structure plissée
simple en dépit de quelques écailles signalées sur son flanc sud-occidental. L'armature
du chaînon est constituée par les épaisses séries carbonatées (600 m) du
Kimméridgien-Tithonique. Toutefois l'érosion a réussi à dégager quelques combes dans
les marno-calcaires, les grès et les marnes sableuses de l'Oxfordien supérieur (200 m
visibles).
Le Miocène anté-nappe discordant sur les assises précédentes enveloppe
assez régulièrement la montagne et il est affecté par la dernière crise tectonique qui le
redresse notablement. Contrairement à ce qu'indique le Livret-guide des excursions A
31 et C31 du Congrès d'Alger, les marnes de Sidi Lahsen n'appartiennent pas au
Miocène post-nappe. Ch. HAMELles attribue au Miocène anté-nappe et sa cartographie
montre très clairement l'absence de Miocène supérieur dans le Guerrouaou et le bassin
d'Aïn Zora (carte au 1/100 000 de Tistoutine). Il existerait cependant des séries
marneuses messiniennes sur le piémont oriental du J. ben Hidour selon G. SUTER et J.
C. VIDAL (renseignement oral).

b) Les massifs des Beni Bou Yahi et des Beni Snassene


occidentaux, figure 11-3, p. 52.
Dans ces montagnes orientales, seules les formations attribuables au Malm
affleurent. Là aussi, les reliefs sont armés par les calcaires du dont l'épaisseur devient
ETUDES MEDITERRANEENNES
Fasc. 14 : PAGAND Bernard : La Médina de Constantine (ALGERIE) : de la ville
traditionnelle au centre de l'agglomération contemporaine. 1989. 300 pages,
nombreuses figures, planches photographiques et 2 cartes couleurs 120 F
Fasc. 13 : BARATHON Jean-Jacques : Bassins et littoraux du Rif Oriental (MAROC) :
évolution morphoclimatique et technique depuis le Néogène supérieur. 1989.
532 pages, 114 figures, 18 planches de photographies et 1 carte A3 hors-texte 150 F
Fasc. 12: Géomorphologie et dynamique des bassins-versants élémentaires en
régions méditerranéennes. 1988. 402 pages, 9 planches photographiques et 3 cartes
couleurs hors-texte 140 F
Fasc. 11 : Hommage à Gérard MAURER —Les milieux et les hommes dans les pays
méditerranéens. 1987. 576 pages, 7 planches de photos hors texte 170 F
Fasc. 10 : BOULIFAAbdelaziz : Mutations et organisation d'un espace péri-urbain : le
Fans de Tanger et ses bordures. 1986. 359 pages, 60 tableaux, 49 cartes, 11 photos 130 F
Fasc. 9 : MIGRINTER —Les réseaux associatifs des immigrés en Europe Occidentale.
1985. 85 pages 60 F
Fasc. 8 : DUTOUR Alain : Etude géomorphologique de là partie occidentale de la
Haute Moulouya (Maroc). 1985. 280 pages 70 F
Fasc. 7 : MIGRINTER —Marchands ambulants et commerçants étrangers en France
et en R.F.A. 1984. 147 pages 50 F
Fasc. 6 : MIGRINTER —Villes et migrations internationales de travail dans le Tiers-
monde. 1984. 357 pages 100 F
Fasc. 5 : TUNISIE. 1983. 132 pages 50 F
Fasc. 4 : Les travailleurs émigrés et le changement urbain des pays d'origine. 1983.
137 p Epuisé
Fasc. 3 : TRAYSSAC Jacques : Etude géomorphologique du bassin-versant de l'oued
Djelfa-Melah (Monts des Ouled Nail, ALGERIE). 1981. 241 pages 60 F
Fasc. 2 : Mélanges de géomorphologie. 1980. 87 pages 30 F
Fasc. 1 : Mélanges de géographie physique et humaine. 1978. 145 pages.
Réédition ....................................................................................................... 50 F

Pour les commandes, s'adresser à :


CIEM - Département de Géographie
95, avenue du Recteur Pineau - 86022 POITIERS - FRANCE
Le règlement (participation aux frais d'édition, franco de port)
doit être à l'ordre de l'AIEM - CCP 1413-80 LIMOGES

Prochaine édition :
MAGAGNOSC Jean-Sylvain : Le Dahra occidental (ALGERIE). Cartographie
Géomorphologique, séismique et néotectonique. 150 x 80 cm.

Imp. Martineau, tél. 49.47,95.07


Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections


de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

You might also like