UN ARGOT FRANCAIS
DE MOTS MALGACHES
(CONTRIBUTION A L’ETUDE DE LA SOCIETE COLONIALE)
par
Jacques DEZ,
Quand deux sociétés sont en contact, il s’opére entre elles des
échanges de nature ct d’importance variées en rapport avec le
degré plus ou moins étendu d’interpénétration. Ces influences
réciproques peuvent (ailleurs ne point s’exercer également de
part et d’autre.
Tel est le cas en ce qui concerne les échanges linguistiques
qui se sont opérés entre la langue malgache et les langues
curopéennes. Dans de précédents numéros de ces Annales (1),
nous avions examiné les emprunts fails par Je malgache aux
langues européennes. La cause comme l’objet de ces emprunts
étaient assez bien connus pour que nous n’ayions pas eu a insister
a leur sujet.
Mais ce phénoméne n’a pas été a sens unique. En retour, la
langue malgache a fourni un certain nombre de mots au
Francais, plus exactement au parler francais local 4 Madagascar.
Nous en étudierons, d’abord les procédés de francisation et les
caractéristiques du vocabulaire emprunté, ensuite les causes et
Yusage de ces emprunts,
Précisons préalablement le champ exact de nos investigations.
M. L.-F, Flutre a fait une étude sur « L’apport de Madagascar
(1) Voir Annales de la Faculté des Lettres de Madagascar, n° 3, 1964, p. 19-46
et n° 4, 1965, pp. 63-86,130 JACQUES DEZ
au vocabulaire frangais @’Outre-Mer aux 17° et 18° siécles » (2).
Malgré le titre, ces recherches ont été poussées jusqu’a la période
contemporaine a l’aide exclusivement d’ouvrages publiés.
Nous nous penchons sur une période toute récente que nous
connaissons pour l’avoir vécue; ce que nous décrirons, ce seront
des aspects du parler frangais local en usage 4 Madagascar en
gros pendant la décade 1950-1960. Ce qui va suivre résultera de
nos observations personnelles. Ce travail constituera une contri-
bution écrite 4 ’examen d’un phénoméne en voice de disparition
actucllement ct qui n’a pratiquement pas fait l'objet de témoi-
gnages écrits.
Nous devons ici apporter une précision qui sera en méme
iemps une restriction. Souvent des Frangais sachant plus ov
moins le malgache ont adopté dans les communications avec
des Malgaches des mots malgaches qu’ils n’auraient pas utilisés
avec des Francais. Certains tentaient ainsi de manifester 4 leurs
interlocuteurs une connaissance générale du malgache qu'ils ne
possédaient pas en fait, @’autres pensaicnt sincérement pouyoir
faciliter ainsi l’intercommunication. Ces éléments accidentels
relévent de particularités purement personnelles. Nous ne les
retiendrons pas, sinon nous serions exposé 4 devoir passer en
revue une bonne partie du vocabulaire usuel malgache (a cc
compte-la, il vaudrait micux préciser les mots malgaches qui
n’ont jamais été enfendus dans la bouche d’un Frangais) et nov
perdrions de vue des caractéristiques qui ont fait que les Francais
a Madagascar ont adopté Pusage de certains mots malgaches.
Nous nous limiterons done aux termes malgaches employés par
les Francais entre eux en y incluant ceux que les Francais
employaient rarement entre eux mais qu’ils connaissaicnt et
considéraient d’une fagon générale comme devant étre utilisés
dans leurs relations avec les Malgaches pour faciliter l’inter-
compréhension ou manifester de la compréhension a leur égard.
Ces mots sont reproduits dans le lexique qui suit. Une question
se posait: comment orthographier les mots malgaches francisés?
Nous l’avons résolue de la fagon suivante. Nous nous sommes
inspirés des habitudes orthographiques du Francais en adoptant
toutefois le principe d’une correspondance réguliére entre
chaque son ct chaque signe (ou combinaison de signes) graphique
le représentant. Sauf en ce qui concerne la palatale occlusive
sourde, transcrite par K en malgache, mais le K n’étant pas une
graphie habituelle en frangais, nous lui avons fait correspon-
dre QU devant E et I et C devant les autres voyelles. La gra-
phie CH transcrit réguli¢rement la chuintante sourde. Le lexique
2) Voir Aunates de la Faculté des Lettres de Madagascar, n° 1, 1963, pp. 3-20.
Les mots cités par M. Fi.urae et qu’on ne retrouve pas dans notre lexique étaient
sortis de l'usage parlé que nous décrivons. Toutefois « rabane », cité par lui,
encore ch usage, ne nous apparait pas comme un mot malgache, En tout cas,
nous n’en retrouvons pas Torigine malgache.ARGOT FRANGAIS DE MOTS MALGACHES 131
indique pour chaque mot francisé : sa signification, son origine
malgache (la signification du mot malgache est indiquée seule-
ment par « -id- > si elle est la mémce), les observations que Yon
peut faire & propos de cc mot, ct des exemples demploi.
Ce lexique est suivi de deux annexes. Le premicr annexe
énumére les mots francisés entendus mais qui n’étaient compré-
hensibles que pour quelques initiés Francais. On est ici a
mi-chemin entre Pemprunt définitif (que nous cherchons &
décrire) et l'usage accidentel de mots malgaches (que nous avons
écarté). Un deuxiéme annexe contient des indications sur la
francisation des noms de lieu.
L PROCEDES DE FRANCISATION
CARACTERISTIQUES DU VOCABULAIRE EMPRUNTE
Les systémes phonologiques malgache ct frangais ne sont pas
identiques, il y a done eu de nécessaires adaptations en passant
dun langage A Vautre. Nous avons déja indiqué le systeme
phonologique du Merina (1), nous supposons celui du Frangais
suffisamment connu pour ne pas avoir 4 l’expliciter.
On remarquera tout d’abord l'importance de l’accentuation.
Le Frangais ne lui accorde par une importance particuliére, par
contre tout mot malgache posséde une syllabe accentuée et la
suite du mot tend a s’assourdir. Le Francais percoit suivant la
méme infensité la voyelle accentuée, celle qui la précéde, et ne
percoit pas, ou plutét percoit comme avec un E muet, celle qui
suit. Dans les mots malgaches accentués sur l'antépénultiéme,
les consonnes K et TR des syllabes finales sont pergues parce que
les Francais sont habitu: percevoir Jes sourdes K ect T, par
contre Ia consonne N de la syllabe finale, assourdie, n’est pas
pergue.
C’est ainsi que l’on dit « foucounoule » pour fokonolona. C’est
pourquoi on appelait la reine de Madagascar Ranavale ou
Ranavalo quand le nom exact était Ranavalona.
Ces caractéristiques de francisation constituent des défauts de
prononciation habitucls des Francais qui apprennent le
malgache.
La francisation des consonnes simplcs du Merina ne pose pas
de problémes particuliers, 4 part celle du S, intermédiaire entre
la sifflante et la chuintante frangaises. Généralement, il est pere!
comme une sifflante. Lorsqu’on rencontre la chuintante, celle-ci
peut provenir d’un emprunt non au Merina mais a un dialecte
ott le correspondant du S Merina est une chuintante trés nette.
Les phonémes affriqués nasalisés du malgache n’ont pas leurs
correspondants en francais. La nasalisation de la consonne est
(1) Voir Annales... n° 3, p. 22.132 JACQUES DEZ
pergue comme affectant la voyelle qui précéde et la consonne
est percue comme orale.
Par exemple « filanzane » avec un premier A nasalisé tandis
que le malgache articule filanjana avec des A oraux et une
affriquée NJ. Par exemple encore, la francisation caractéristique
de ce nom de quartier de Tananarive, Ambanidia, prononcée
« Ambandi » par les Francais avec deux A nasalisés.
La mouillure qui, en Merina, affecte les palato-vélaires lors-
qu’elles suivent un I n’est pas pergue. On entend ainsi « bib-
quéle » et non « bibquiéle » qui scrait plus approchant de la
prononciation Merina de biby kely.
Parfois, les mots déformés par la francisation deviendraicnt
incompréhensibles aux Malgaches si, par l'usage, ils n’acqué-
raient la connaissance de la prononciation de ces mots dans
la bouche des Frangais. Mais cette déformation leur 6te toute
poésie. Un Malgache sait reconnaitre la connaissance qu'un
Frangais a du malgache 4 la facgon dont il prononce soit un sec
« veloume » soit un veloma normalement accentué.
Un autre probléme se pose: celui du genre 4 donner aux mots
francisés. En malgache, il n’y a pas de genre grammatical.
En frangais, il faut en exprimer un.
Sauf pour les mots qui désignent une personne du sexe féminin,
ce genre est toujours le masculin qui tient lieu en quelque sorte
de l’expression en frangais du neutre grammatical qui pourrait
étre considéré comme le genre des mots malgaches. Ainsi on
dira « une nénéne », « un filanzane » (qu’on définit cependant
comme étant une chaise a porteurs). Le mot « vade », qui peut
désigner un homme ou une femme, est de l'un ou l'autre genre
suivant le contexte. Deux exceptions sont a relever, ce sont celles
présentées par le mot « soubique » oi le rapport établi avec
« corbeille » dans le subconscient parait assez fort pour que ce
mot soit affecté du genre féminin, ct le mot « tanéte » sans
doute par analogie trés forte avec « colline ». Il y a hésitation
pour les mots « lavaque » (généralement du masculin, parfois
entendu au féminin, sans doute par analogic avec « ravine »)
et « savouque » (plutét entendu au féminin, sans doute par
analogie avec « forét », mais parfois au masculin).
Le vocabulaire a généralement été emprunté au Merina qui,
quoique non reconnu alors comme langue officielle, constituait
de fait la langue malgache reconnue par l’administration.
Cependant la forme de certains emprunts conduit a leur
reconnaitre une origine dialectale. Tel est le cas des mots
« chacaye », « chacafe » (ce dernier, doublet de « sacafe »),
« manafe », « tave », etc.
Les termes empruntés sont presque toujours des noms ou des
adjectifs utilisés comme tels a la place de leurs correspondants
francais. Certains prennent V’allure d’une interjection, @un
ordre; « aléfe », « ambane », « malaque ». D’autres entrentARGOT FRANCAIS DE MOTS MALGACHES 133
dans la formation de locutions ou forment par eux-mémes une
locution. Par exemple, le passif babena qui a servi 4 former
la locution « & babéne ». Le terme andafy, francisé « andafe »,
était utilisé sans préposition de lieu vraisemblablement parce
que AN a été percu comme EN. En fait, ce n’était pas « andafe »
que disaient les Francais car la plupart pensaient « en dafe ».
Il faudrait ajouter & ces expressions quelques locutions
francaises usitées localement et qui étaient la traduction
dexpressions malgaches : payer la carte (c’est-a-dire : payer
Yimpot (1)), voir le canton (voir le chef de canton), voir le
district (voir le chef de district).
Les termes francisés n’ont généralement pas donné lieu a
dérivation, saw! deux. D’une part, « cabare » qui a donné
« cabarer » ct « cabareur », d’autre part, « tave » qui a donné
par dérivation sur la forme passive favasina (dont la syllabe
finale n’était pas pereue), « tavacher », « tavacheur », « tava-
chage », et la forme plus récente dérivée directement de « tave »,
« taviste » (synonyme de « tavacheur »).
On relévera enfin la francisation de certains mots malgaches
eux-mémes empruntés précédemment A une langue euro-
péenne (2), Ce sont: « bourjane », « déca », « gache » (peut-
étre), « maqui », « mompére », « quinine ».
Il. — CAUSES ET USAGE DES EMPRUNTS
Les causes des emprunts nous paraissent pouvoir sc ramener
aux points suivants :
1° Satisfaction au besoin de désigner des objets ou des faits
qui surprennent l’expérience d’un Francais non informé de
Madagascar et constituent comme autant de réalités malgaches
pour lesquelles le francais n’a pas de mots particuliers. Les pré-
cisions nécessaires sont données au lexique. Citons simplement
quelques exemples : « angade », « soubique », « foucounoule »,
« foumbe », ete.
Nous rangeons dans la méme catégorie les termes empruntés
pour désigner des éléments qui pourraient étre signifiés en
francais mais dout la connaissance n'est pas usuelle pour la
majorité des Francais. Par exemple: « calalo », « babéne »,
« papangue ». Par contre, des éléments dont ils avaient une
expérience journalitre ou a peu prés demeuraient notés par des
mots frangais. Ainsi, si le milan s’est trouvé désigné par
« papangue », le corbeau (a cause de son cri, dont se rapproche
également celui de la corneille — combien de Frangais n’ont
jamais entendu le cri du corbeau ?), malgré une différence nette
(1) Voir Annales..., n° 3, p. 40.
(2) Voir le lexique in Annales..., n° 4.134 JACQUES DEZ
daspect avec le corbeau francais, a été désigné par le mot
frangais. Egalement, si le cancrelat a été désigné par « calalo »,
Ja puce, la punaise, le moustique sont demeurés désignés par
leurs noms frangais.
2° I] existe des termes pour lesquels le francais dispose sans
difficulté dun équivalent mais qui signifient des faits qui se
produisent avec une grande fréquence. Les cmprunts répondent
alors généralement et directement a des préoccupations utili-
taires. C’est un vocabulaire a usage des activités administratives
et des relations avec salariés ou employés, ou méme un vocabu-
Jaire & l'usage des relations avec la domesticité et ayant trait
aux opérations ménagéres. Par exemple : « amboune », « bour-
jane », « maloute », « madiou », ete.
3° Parfois aussi il s’est agi d’exprimer certains types de
comportements conseillés ou déconseillés. Les mots se sont alors
chargés dune certaine affectivité. Dans ce cas, ce sont les
croyances de la société coloniale qui ont conduit & leur adoption.
Par exemple : « maléme », « ratsfana », « tsarfana », ete.
Ce sont ailleurs les croyances de la société coloniale qui
expliquent la péjoration de certains mots. Par exemple :
« boute », « racoule », « ramatou », ete.
On relévera absence de vocabulaire sexuel. Un tel vocabulaire
n’entre pas dans la conversation usuelle ni dans la société
frangaise, ni dans la société malgache.
A_ces motifs se combinait également un besoin d’exotisme
analogue a cclui qui fait garnir les intéricurs de produits de
Yartisanat local pour la satisfaction des curicux et par besoin
d@ajouter 4 son dépaysement tout en affectant de marquer une
connaissance du milicu (plus apparente que réclle) qui fait dir
« Il en connait des choses ! ».
Ressortit, nous semble-t-il, au méme besoin, celui @habiller
sa pensée en termes inusités comme si on avait peur de passer
pour impoli ou mal édugué, d’user dun langage relaché, en
Vexprimant directement en francais. C’est ce qui nous a paru
expliquer lemprunt de termes comme « adale », « mate »,
« quibe », « tabatabe ». Alors, le malgache tendait 4 jouer le
réle qu’autrefois dans la société policée on reconnaissait au latin.
A tout cela, le véritable besoin (intercommunication avec
les Malgaches ne trouvait guére son compte qui n’edt été satisfait
vraiment que par l’'apprentissage systématique du malgache par
les Francais.
Certains Pécartaient a priori; c’était une langue primitive,
sans intérét (comme si on n’apprenait pas une langue, non pour
savoir, mais pour pouvoir communiquer). D’autres, aprés unc
curiosité vite décuc, le trouvaient trop difficile. Personne n’avait
le temps (ce qui n’empéchait pas cependant quelques-uns de le
trouver et non parmi les moins occupés). D’ailleurs, tous lesARGOT FRANGAIS DE MOTS MALGACHES 135
is, affi
Malgaches ne savaient-ils pas le frang:
donner bonne conscience.
Nous pensons que les emprunts ont été généralement le fait
des hommes par suite de leurs contacts fréquents pour les besoins
de Padministration ou des affaires avee les Malgaches. Une partie
du vocabulaire ayant trait A la domesticité a pu étre acquise par
les femmes. L’ensemble, en tout cas, formait les éléments dun
langage que la société coloniale transmettait ensuite aux
nouveaux arrivés avec ses croyances. Les Frangais en arrivaient
a employer les mots francisés sans méme plus penser qu’ils
utilisaient des mots d’originc malgache. Ceux-ci faisaient désor-
mais partie de leur langage usucl, comme en toute partie de
la France il y a des particularités de langage, méme si tout le
monde parle le francais.
Les mots qui ont été relevés au lexique étaient utilisés dans la
société civile francaise (nous excluons la société militaire qui
vivait assez a part d’ellc), compris en tout cas de tous ses
membres pour peu quils fussent arrivés depuis quelque temps
dans le pays. Les mots ayant aisément des équivalents francais
étaicnt plus souvent utilisés dans les relations avec les Malgaches
quwentre Francais. Généralement, les hommes utilisaient plus
souvent les mots francisés entre cux ou a loceasion de leurs
relations avec la société francaise que les femmes qui recouraient
plutét, dans la mesure du possible, aux mots francais, sauf en
s’adressant 4 leur domesticité. L’origine de cette différence doit
se trouver dans le fait que les hommes avaient plus de relations
avec les Malgaches que les femmes
Quel était done Vobjet de cet usage des mots francisés ?
Nous lui trouvons deux aspects essenticls.
Dune part, il s’agissait d’affirmer que l’on possédait une
connaissance du milieu malgache, entre Francais résidant a
Madagascar, Wabord, et aux yeux des nouveaux arrivants dans
la Grande Ie, ensuite. La société coloniale s’était ainsi créé un
Jangage particulier tendant a4 manifester son contact avee le
pays. Ce langage était un argot, argot de « spécialistes » de
Madagascar dont la connaissance était réservée aux initiés,
cest-a-dire & ceux qui avaient déja séjourné depuis quelque
temps dans la Grande Ile.
D’autre part, vis-a-vis des Malgaches, il s’agissait <’affirmer
cette méme connaissance pour impressionner les interlocuteurs
malgaches. Un Francais qui connaissait cet argot était quelqwun
qui avait déja séjourné 4 Madagascar. De cette connaissance, il
tirait une certaine supériorité morale par rapport a celui dont
on pouyait penser quil était un « vévd ». Certains croyaient
bien se faire mieux comprendre ainsi. En réalité, si leurs inter-
lJocuteurs Ies comprenaient, c’était parce qu’ils savaient plus de
frangais qu’eux-mémes ne sayaient de malgache ainsi. Quant a
ceux qui ne savaicnt pas beaucoup de francais, ils avaient
-on pour se136 JACQUES DEZ
souvent bien de la peine a reconnaitre des mots malgaches dans
cet argot. D’un autre cété, bien des membres de la société
coloniale vivaient dans l’inquiétude que les Malgaches n’ironisent
sur leur propre compte en leur présence, profitant de leur
ignorance du malgache. La possession de cet argot était un
moyen dinviter les ironisants éventuels 4 se méfier. On conseil-
lait méme aux nouveaux arrivants (apprendre quelques mots
de malgache 4 prononcer lorsqu’ils se trouveraient entourés de
Malgaches pour faire croire aux assistants a leur connaissance
de la langue malgache.
En retour, des Malgaches parlant frangais avec des Frangais
employaient parfois certains mots malgaches dont ils connais-
saient J’usage par les Francais.
Remarquons que certains mots malgaches ont acquis droit de
cité dans les dictionnaires francais. Indiquons-les.
Le mot « filanzane » est indiqué par A. Davzar comme un
emprunt « a un parler de Madagascar » datant de la fin du
XIX® siécle (1). Il est encore inconnu de Védition du Littré
de 1883, son acquisition est due a la colonisation.
Le mot « maki » (que nous avons écrit : maqui) est daté par
Dauzat (2) de 1756. Il est cité par le Grand Dictionnaire universel
Larousse de 1872.
Le mot « tanguin » (voir FLuTRE, op. cit.) n’a pas été indiqué
dans notre lexique. Sa nature faisait qu’on n’en parlait pas.
C’est le fruit d’un arbre servant a préparer un poison d’épreuve
dont administration a été relatée par de nombreux auteurs du
XIX siécle. Cette pratique a disparu avec la christianisation.
Le mot est cité sous les formes « tanghen, tanghin, tanghuin »
avec Vindication de l’origine malgache par le Larousse de 1872.
Lorthographe « tanghin » a é(é retenue par Littré (1883) et
par Larousse. Le récent Grand Larousse Encyclopédique retient
le terme « tanghinia » qui est le nom latin de la plante. Ce nom
est dérivé, non du Merina fangena, mais de la prononciation
Betsimisaraka fangen avec un E nasalisé et un N presque
inaudible.
CONCLUSION
Qu’est devenu cet argot, que tout le monde r’utilisait pas
(encore que le fait de n’y point recourir fat considéré comme
une affectation d’attitude), sauf pour exprimer des éléments
(1) A. Dauzar, Dictionnaire étymologique de la langue francaise, Larousse,
rééd., 1958.
(2) A. Davzar, op. cit., supplément étymologique.ARGOT FRANCAIS DE MOTS MALGACHES, 137
absolument dépourvus de signifiants frangais simples, mais qu’il
fallait comprendre ?
Les profondes transformations politiques intervenues depuis
1958 et leurs conséquences en ont entrainé la disparition presque
compléte pour diverses raisons.
Dune part, la structure de la société francaise & Madagascar
s’est transformée, cette transformation n’étant d’ailleurs pas
encore acheyée. De nombreux éléments de l’ancienne société
coloniale ont quitté le pays, un certain nombre demeurent, mais
ils sont de plus en plus isolés au milieu de gens qui viennent
dans la Grande Ile pour la premiére fois et généralement pour
peu de temps.
D’autre part, la restauration de l’indépendance malgache a
été funeste aux croyances de la société coloniale qui ont été de
plus en plus librement démenties. Elle a contraint leurs tenants
a plus de réserve et de modération dans leurs jugements et de
retenue dans leurs paroles. Plus personne n’oserait dire aussi
ouvertement « gache », « racoute », ni désigner n’importe quelle
femme malgache du nom de « ramatou ». On n’y penserait pas,
méme. Car la disparition de la connaissance et de usage de ces
termes ou acceptions péjoratifs favorise celle des concepts
correspondants.
Cet argot aurait peut-étre pu subsister cn s’épurant sans se
réduire & quelques mots répondant 4 des nécessités de la vie
courante si un autre fait ne jouait encore en faveur de sa
disparition.
La société frangaise 4 Madagascar est de plus en plus formée
de gens qui y resteront relativement peu de temps. i fallait
une certaine durée de présence dans I’Ile pour qu’un groupe
d’ « initiés » ait pu en venir a se constituer un Jangage et a le
transmettre. Et cependant, au contraire de ce qui s’est passé
pendant la premiére moitié du XX° siécle, les circonstances ne
pourraient-elles étre considérées comme plus favorables a
Pacquisition d’un vocabulaire malgache par les Francais ?
A vrai dire, 4 l’époque coloniale, nombreux étaient ceux d’entre
eux qui avaient tenté d’apprendre le malgache, pensant faire
une carriére entiére & Madagascar, puis avaient renoncé a cette
étude. De cet effort, il leur était resté tout de méme quelque
chose, méme si ceci ne nous apparait pas trés brillant: cet argot,
dont ceux qui savaient vraiment le malgache n’usaient pas.
Les Frangais qui viennent maintenant savent qu’ils ne resteront
pas ct ne désirent pas, généralement, accomplir Teffort
dapprendre le malgache.
D’un autre cété, les contacts administratifs nécessaires a
Vépoque coloniale mettaient en contact les hommes francais
avec des éléments trés variés de la population, ce qui pouvait
en conduire un certain nombre 4 éprouver le besoin de se servir
de cet argot, faute de mieux, et les placait dans une ambiance138 JACQUES DEZ.
ot certains mots leur rebattaicnt les oreilles et ils ne pouvaient
pas ne pas les retenir. Actuellement, les contacts ne se situent
pratiquement plus qu’au niveau le plus élevé avec des Malgaches
gui connaissent fort bien le frangais et le manient parfois avec
plus d’élégance que bien de nos compatriotes, ce qui exclut pour
Jes Francais en contact avec eux toute idée de se créer des
formations argotiques.
En conséquence, si ambiance psychologique peut étre devenue
meilleurc, les formes nouvelles de la société frangaise et la
nature de ses contacts excluent toute tentalive d’apprentissage.
La tradition se perd avec la dislocation de Vancienne société
coloniale ct les éléments favorables 4 Ja formation de cette
tradition disparaissent. Toul cela contribuc a expliquer Youbli
trés rapide de cet argot.
Qu’en reste-t-il présentement ? pas grand chose, semble-t-il.
Nous entendons parler de « foucounoule », de « maqui », de
« nénéne », de « ramatou » (qui, 4 nouveau, ne sert plus a
désigner que la femme de ménage}, de « soubique », de « vaza »,
de « zouma », de « tave ». Quelques termes particuliers pour
Madagascar subsisteront. Ne regrettons pas la disparition de ce
langage dont nous pouvons affirmer qu'elle n’dte ricn aux
possibilités @interecommunication avee les Malgaches.LEXIQUE DES MOTS MALGACHES FRANCISES
ACHA
ADALE
ALEFA
ALEFE
AMBANE
AMBOUN'
ANDAFE
Je ne sais pas. ignore. je n’en sais rien (asa :
Obs. : réponse fréquente chez les Malgaches vis-a-vis d
péens & des questions jugées génantes ou ennuyeuses.
Echappataire pour esquiver une responsabilité. Dans
Tusage intermalgache. ce terme est presque impoli. Repris
dans lusage interfrancais avec une pointe d’humour.
Fou, idiot (adala ; fou).
Obs. : explication fréquente donnée par un Malgache dun
comportement qui lui parait incompréhensible. ou qu’il ne
veut pas ou ne peut expliquer. Repris dans Pusage frangais
pour éviter lemploi du mot « fou >.
Ex.: il est complétement adale.
Envoyez, faites partir, allez-y { (alefa: que Yon cnvoie, prét
a envoyer).
Obs. : entendu fréquerment dans la bouche des Malgaches
pour indiquer que tout est prét ct qu'il faut passer &
Faction (celle-ci variant suivant Ta nature des cireonstan-
ces). Sans doute retenu par les Francais par une assimila-
alement inconseiente A « Allez! Va!» dont
s croient que le terme malgache est une déforma-
Déposez-moi (terme utilisé en s'adressant aux porteurs de
filanjana), en bas (ambany ; en bas, en position inférieure,
en position basse, de condition inférieure),
Obs. : retems du langage des porteurs de filanjana. C'est
pourquoi seule sa signification matérielle a été util
Ex. ; il est ambane = il est en-dessous, & Vétage inféricur,
Levez le filanjana ! en haut (ambony : en haut, en po:
supérieure, de condition supérieure).
Obs. : mémes remarques que pour « ambane »,
Ex. il est amboune = il est en-dessus. A l’étage supérieur.
de Vautre c6té de...).
Obs. : terme utilisé par les Malgaches avee la signification
de « de l'autre coté de la mer » pour désigner la France
ct repris dans V'usage interfrancais au point que le mot
« France » était rarement prononeé,
Ex. il est parti andafe = iJ est parti pour la France
il est on congé andafe = 1 est en congé en France
du café expédié andgfe café expedié en France.
t
France (andafy :140
ANGADE
ANSE
BABENE
BE
BETSACA,
BETSAQUE
BIBE
BIBLAVE
BIBQUELE
BOURBOURE
JACQUES DEZ
béche (angady : — id. —).
Obs. : ce terme désigne la béche malgache A fer long et étroit.
La différence d’aspect avec la béche francaise est telle qu'il
ne vient pas 4 un Francais Vidée d’utiliser le terme de
« béche » pour la désigner, tout_au plus par un souci
danalogie, dit-on « une sorte de béche » dans la recherche
inconsciente dun terme plus approprié. Terme retenu
parce qu'il désigne une réalité spécifiquement malgache,
voir Fiore, op. cit.
voir HANSE.
— (babena : que V’on porte sur le dos).
Obs. : ce terme désigne l'enfant que tant de méres malgaches
portent sur leur dos. Pour un Frangais, i désigne une
réalité spécifiquement_ malgache, une telle fagon de tenir
un enfant est pour lui inhabituelle, surprenante. Ce terme
wétait dailleurs utilisé que dans Vexpression.
Ex. ; porter A babéne = porter sur le dos.
Obs, ; cette expression elle-méme donne lieu & certaines
observations. Si elle a été retenue, c'est non seulement
parce qu’elle exprime une réalité malgache, mais aussi
parce qu'elle évite les confusions douteuses avec des expres-
sions francaises plus ou moins chargées de significations
dériyées et ironiques « sur le dos >, « dans le dos >. Cet
usage était tellement généralisé chez _les Francais que
certains Maigaches ont pu croire que Francais et Malge
ches s’exprimaient normalement de la méme fagon 4 cet
égard.
Trés, beaucoup (be ; — id. ~).
Obs. » employé seulement avec des adjectifs malgaches fran-
cisés (voir ceux-ci).
Beaucoup (betsaka : — id. —
Obs. : utilisé par les Frangais sans tenir compte de sa signi-
fication exacte en malgache ot il sert A désigner Vabon-
dance d’une chose non constituée d’éléments dénombrables.
Utilisé isolé seulement.
Ex. : betsaca = beaucoup (mais « beaucoup de sel » et non
‘« betsaca de sel » — sauf pour ceux qui, ayant déja ume
certaine connaissance du malgache disaient parfois : « du
sel betsaca >).
animal (b%by = — id. —).
Obs. : utilisé par tes Frangais avec la signification vague qui
serait celle de « chose ». mais uniquement pour désigner
des animaux.
Ex. : il y a des bibes dans la ri
dans la riviére
il_y a des bibes ici = il y a des moustiques, il y a des
insectes
il a des bibes = il est parasité.
serpent (biby lava : — id. —)
Obs.: utilisé par les Frangais pour éviter, semble-t-il,
Vemploi du mot serpent chargé d’une affectivité désagréa
ble. Souvent employé avec une pointe d’humour.
= il y a des crocodiles
insecte, parasite, vermisseau (biby kelg : insecte).
Obs. : utilisé par les Frangais d’une facon analogue & celle
de bibe.
Ex. : protéger le riz contre les bibquéles = protéger le riz
contre ses parasites (insectes, vers, etc.).
~- @oribory : rond).
Obs. : semble n’avoir été en usage que dans le Jangage des
instituteurs. Entendu seulement dans Iexpression.
Ex. ; zéro hourboure = zéro tout rond, zéro pointé.BOURJANE
BOUZAQUE
CABARE
CALALO
CAPOC
CARANE
ARGOT FRANGAIS DE MOTS MALGAGHES. 141
Porteur de filanjana, par extension : personne de basse
condition (avec une nuance péjorative accusée) (borizany :
id. —).
Obs. : voir FLurre, op. cit.
Ex. : est un simple bourjane = ¢
tance, guelqu’un de rien du tout.
— (boto: petit gargon),
Obs. : voit Fiurre, op. cit., remplacé dans la signification de
« serveur, domestique » par « hoy » subsistait dans
Tusage avec une nuance péjorative pour désigner entre
Frangais un individu astreint pour le compte d’un autre &
des hesognes variées lassimilant A une sorte de « bon a
tout faire >.
Ex. : il est le boute du Chef de Province = le Chef de Pro-
ince Je charge de toutes ses commissions
c’est son boute = son valet, son homme A tout faire.
est quelqu’un sans impor-
Herbe (bozaka : herbe séche qui recouvre les collines).
Obs: le bozaka est une réalité malgache, les prairies de
rance n’ont pas le méme aspect que les prairies malga-
ches, souvent les Maisons sont cowvertes en bozaka, ces
faits ont conduit les Francais A retenir ce mot dont ils
ont dailleurs élargi la signification jusqu’a Ini faire dés
gner toute espéce d’herbe, alors qu’en malgache un mot part
culier (ahitra), difficile 4 prononcer, désigne Pherbe vert
Discours, palabres (kabary : discours public, proclamation).
Obs. : voir Fuurre, op. cit., il n'est guére de circonstances
qui ne soit l'occasion dun kabary, Cette habitude a frappé
les Frangais qui ont retenu le mot avec une nuance péjo-
rative plus ou moins accusée dans Vidée qu’ils se faisaient
de Pinutitité de ces kabary considérés par eux comme des
actes purement ostentatoires, Ce mot a méme donné nais-
sance & un dérivé: « cabarer », c’est-a-dire ; « raconter
des histoires sans fin, faire des remontrances sans fin ».
« Cabareur », celui qui cabare, a été rarement entendu.
.: faire un cabare = faire un discours
faire des cabar chercher des histoires, faire des
remontrances
bien cabarer = savoir faire un discours
il_n’a_pas fini de cabarer, il n’a pas fini de faire des
cabares = on n'a pas fini de Wentendre faire des histoires.
Cancrelat (kalalao : — id. de
Obs. : pour La plupart des Frangais, le canerelat est un ani
mal qu'ils apprennent A connaitre & Madagascar, ils en
retiennent done le nom malgache avee Vexpérience qu’ils
prennent de cet insecte. On notera, par contre, que les
homs malgaches de Ja puce, de la punaise et du mous!
n'ont pas été retenus, parce que ces insectes sont plus
généralement connus en France.
s
— tkapoaka ; nom donné a une mesure de capacité du
volume de ta hoite de Lait concentré Nestlé).
Obs, ; mesure malgache usuelle, retenue pour cette raison.
Ex. ; un capoe de riz = 1a quantité de riz que peut contenir
une boite de Lait concentré Nestlé (sensiblement 300).
Salaire (Karama : ~~ id. —
Obs. ; mot usucl retenu parce qu’entendu souvent, utili
entre Francais.
Ex.: il n’a pas un gros carame = son salaire est faible
toucher un bon carame = toucher un bon sala’
Indien (de Vinde) (karana : — id. —).
Obs. ; mot retenu vraisemblabiement parce qu’en France on
a bien peu d'occasion de voir des Indiens alors qu’ Mada-
é142,
CHACAFE
CHACAYE,
CHOUGUE
DABE
DECA
FADE
FALE
FANAFOUDE
JACQUES DEZ
gascar c'est le contraire. II s'agit done 1a d'une réalité
malgache,
Ex.: un Carane = un indien
un commergant Carane = un commergant indien
il a Yair d’un Carane il ressemble & un Indien
ce doit étre un Indien.
voir SACAFE.
Piment (sakay : — id. —).
Gbs.; mot vraisemblabiement emprunté au langage de 1a
Cate Est par les colons Réunionnais et diffusé par eux
dans le milieu francais (si le mot avait été empranté sur
les Plateaux, on aurait sacaye).
Toile écrue (soga s — id. —).
Obs. : pendant longtemps, la toile éerue a été un article de
grande vente 4 Madagascar, mais la dénomination exacte
de « toile éerue » était presque inconnue des Francais non
pécialisés dans le commerce des textiles qui en sont venus
A utiliser Péquivalent malgache.
— (aba: nom donné a une mesure de capacité du
volume du bidon de pétrole de 18 litres).
Obs. : mesure malgache usuelle, retenue pour cette raison.
Ex.: un dabe de café vert = un bidon de café vert (une
bonne quinzaine de kilos de café vert).
— (deka : aide de camp).
Obs. mot retenu dans des conditions qui sont pour nous
obscures pour désigner un fonctionnaire remplissant des
fonetions de chef ou d’attaché de cabinet. Parfois wu!
sur Je mode ironique ou avec une légére nuance péjorative.
st le déca du Chef de Province = il remplit les
fonctions de chef de cabinet du Chef de Province.
Interdit fadg : — id. —).
Ob: pir FLUTRE, op. cit. le terme malgache désigne les
interdits religieux. Le mot a été retenu pour désigner une
réalilé malgache qui p'a pas son correspondant dans la
vie courante en France. Le mot est utilisé comme substan-
tif et comme adjectif.
Ex.: un fade = un interdit
c'est fade = c'est interdit.
Obs. : Vusage francais généralise parfois indiment ce terme
4 la signification de tout interdit, méme non religieux.
Ex. ilest fade de se servir d’un yéhicule administratif pour
des besoins personnels = il est interdit, ete.
Content (faly : — id. —).
Obs. ; entendu seulement dans Vexpression
Ex. : pas fale du tout = en colére.
Reméde, et par extension péjorative : sortilége, phillre
(fanafody = reméde).
Obs. : Vorigine de Vemprunt nous demeure obscure, tout
comme sa. péjoration. Utilisé dans Pune ou Vautre signi-
fication par les mémes personnes, fe contexte seul étant
éclairant.
acheter un fanafoude chez le pharmacien = acheter
un reméde, un médicament chez le pharmacien
on lui a donné un fanafoude = on lui a donné un
reméde, un philtre (signification indéterminée)
(parfois on précise) un bon fanafoude
un fanafoude Va rendu matade = un philtre, un sorti-
lége Ya rendu malade.
Obs. ; dans les croyances de la société coloniale, une femme
malgache ne pouvait attirer el retenir un Francais qu’enFANEQUENE,
FANI
FANJACANE
FANZACANE,
FARTANE
FIANGOUNE
FIRE
ARGOT FRANGAIS DE MOTS MALOACHES. 143
se servant de fanafoudes. On ne désignait jamais la chose
autrement, car on efit été bien embarrassé, et pour cause,
de définir en quoi elle consistai
Convention, contrat (fanekena : accord).
Obs, : le fanekena est usage fréquent pour régler les situa-
tions litigieuses; le terme a cependant dQ étre emprunté a
la pratique, tres répandue, des fanekem-pokonolona (con~
ventions collectives), mais ce terme était trop compliqué
pour des Frangais. On n’a jamais dit fanéquéne de foukou-
noule ou fanéquémpoukounoule, on a toujours dit conven-
tion de foukounoule.
.; faire un fanéquéne = passer un contrat, se mettre
@accord.
Chauye-souris (fanihy : — id. —).
Obs. : terme entendu dans ja bouche de personnes ay
Vhabitude de chasser les chauve-souris.
Ex,: aller a la chasse aux fanis.
Administration (fanjakana ; — id. —).
Obs. : le terme malgache a une signification trés large, plus
large et _plus imprécise que celle du terme dadministra-
tion en Francais. I désigne toute intervention étatique ou
simplement daliure para-¢tatique, toute intervention de
gens appartenant & Vadministration ou qui paraissent y
appartenir. Retenu parce qu’entendu trés fréquemment
dans la bouche des Malgaches. La pronpnciation « fanza-
cane » reproduit tant bien que mal la_ prononeiation
malgache, 1a ytononeiation « fanjacane » semble influencée
par la graphie du mot.
Ex, : c'est une décision du fanzacane = c'est une décision de
administration
il appartient au fanzacane
nistrative, c’est un fonctionnaire,
c’est une propriété admi-
Territoire, pays d'origine (faritany: étendue délimitée de
terrain).
terme administratif malgache repris par l'administra~
tion coloniale.
Ex. : le fartane du village = }e tevritaire du village
quel est son fartane dow vient-il ?
oO
Eglise, femple (fiangonana ; lieu de réunion cultuelle, dans
la pratique désigne plus généralement le temple aciuelle-
ment).
Obs. : mot varement utilisé par les Frangais et avec une
nuance plutot péjorative, pouy marquer que dans leur
esprit. ces réunions cultuelles & Madagascar wavaient pas
la méme élévation spirituelle que ces réunions en France.
Ex. : on va au fiangoune pour chanter et entendre chanter =
‘on va au temple (a Péglise), ete.
Chaise & porteurs (filanjana : — id. —),
Obs. : moyen de transport Mune utilisation fréquente, surtout
A V’époque ott la circulation automobile était pas aussi
éveloppée que maintenant, Ce mot caractérisait done pour
Jes Francais une réalité malgache. Le terme « filanze » ne
nous parail pas étre une abréviation de « filanzane »
(encore que ce ne serait pas impossible) mais une franci
sation de filania (méme signification que filanjana, mais
Wun _emploi plus rare et plus atchaique), voir FrvtRe,
op. cit.
Combien ? (firy s — id. —).
Obs. : le terme malgache exprime une interrogation portant
sur une quantité d’objets. Il est utilisé par les Frangais
aver cette signification ainsi que pour demander un prix144
FOUCHE
FOUCOUNOULE
FOUMBE
FOUTAQUE
GACHE
GADRALAVE
HANSE
LAMBE,
JACQUES DEZ
(au marché, par exemple), alors que dans ce cas le Malga-
che dit ohdfrizona, A Tananarive, les vendeurs du Zoma
qui savent usage vicieux que les Francais font du mot
firy les comprennent malgré leur erreur, mais il n’en est
pas toujours de méme ailleurs.
Ex. : fire combien ? (quelle quantité ? quel prix ?).
— (osu: eryptoprocta ferox, improprement appelé
souvent « renard »).
Obs. : cet animal est particulier A Madaga
Vappellent, tantat renard, tantot fouche.
car. Les Francais
Collectivité villageoise (fokonolona : -).
Obs. : Vorganisation des collectivités est une des originalités
de Madagascar.
Ex, : réunir le foucounoule = convoquer les membres de la
collectivité villageoise.
Coutume, ef par extension : habitude (fomba : coutume).
Obs. : le respect des fomba, la justification des comporte-
ments en invoquant les fomba, sont choses courantes A
Madagascar. Ce qui a frappé les’ Frangais et les a conduits
A retenir ce mot de préférence 4 Yemploi de « coutume »
qui, au reste, 2 une signification plus restreinte que le
fomba malgache, D’autre part, en France, le mot « cou-
tume » est plutét d'un emploi restreint 4 des cercles de
spécialistes.
Ex. : le respect des foumbes = le respect des coutumes
cest son foumbe = e’est son habitude.
Boue (fotaka : — id. —).
la boue, & Madagasea
', boue argileuse généralement,
ssante, collante, ou boue noire des riziéres, est un élé-
ment le plus souvent inhabituel_ pour un Frangais. Mot
retenu comme désignant une réalité malgache.
Ex. : le chemin est plein de foutaque = le chemin est plein
de boue
k j'ai marché dans le foutaque = j'ai marehé dans la
boue.
Malgache (gasy : — id. —).
Obs. : nous ne chercherons pas & nous prononcer sur Vori-
gine du mot < Malgache >. Le mot « gache » peut étre une
abréviation frangaise de ce terme ow une francisation de
Vabréviation gasy A moins que les deux formations n’aient
été paralléles. Le mot gasy peut avoir une signification
péjorative, le mot « gache » Vavait toujours, méme quand
ce n’était’ pas conscient. Expression typique du racisme
colonial, on regardait toujours avec ‘surprise celui qui
affectait’ de dire « Malgache > quand les autres disaient
tout naturellement « Gache ».
Prisonnier, détenu (gadratava ; —~ id. —).
Obs. : mot retenu du vocabulaire pénitentiaire. Employé
entre Frangais en concurrence avec le mot « prisonnier >.
Coupe-coupe (antsy : — id. —).
Obs. : instrument d’attaque et de défense des populations
forestiéres. La francisation ne devrait pas comporter de H
(voir ANSE), mais nous en écrivons un parce que dans
usage francais l'élision de la voyelle de l'article précé-
dant Ie mot ne se faisait généralement pas.
Ex. : il se sert d’un hanse = il se sert d'un coupe-coupe
il porte te hanse (mieux venu a loreille que ; il porte
Vanse) = i} porte le coupe-coupe.
Piéce @habillement couvrant les épaules (lamba: — id. —,LAMBA
LAVAQUE
LOULE,
MACHIEQUE
MADIOU
MADITRE
MAFANE
MAFE
MALAQUE
MALEME
MALOUTE
MANAFE
ARGOT FRANCAIS DE MOTS MALGACHES M45
a également Ja signification plus large d’étoffe),
Obs. : voir Fiurre, op, cit, Particularité du vétement malga-
che, mot retenu comme la désignant. La prononciation
lamba semble infuencée par Vorthographe du mot.
Ravin (lavaka ; trou, fosse, cavité).
Obs. : forme d’érosion torrenticlle rencontrée un peu partout
& Madagascar et inhabituelle pour des Francais qui vivent
généralement dans des pays ou ces formes ne se voient
pas. L’origine du transfert de sens nous échappe.
Esprit, revenant (/olo ; esprit méchant).
Obs. : utilisé lorsqu’il est fait allusion aux croyances mal-
gaches A ces étres surnaturels. Signification étendue a celle
de « revenant » rendue en malgache par angatra par
confusion des deux concepts favorisée par leur confusion
chez les Franga
on dit qu'il y a des Joules = on dit qu’
Méchant (masiaka : — id. —).
Obs, : entendu dans expression
Ex, : machiéque bé (masiaka be) = trés méchant, qui a sale
caractére,
Ex. ¥ a des esprits,
Propre (madiv : — id. —).
Obs. ; mot retenu du vocabulaire de la domesticité,
Ex. ; c'est madiou ? = c'est propre ? c'est nettoyé ?
Entété, quia ta téle duce (maditra : — id. —
Obs. ; mot utilisé avec une pointe d'ironie.
Ex. : i] est maditre = il ne veut rien entendre.
Chaud (mafana : — id. —).
's mot retenu du vocabulaire de la domesticité.
Ex, : ‘est bien mafane ? = c'est bien chaud ?
brédes mafanes = brédes piquantes (ce que les Malga-
ches désignent_ généralement par anamalaho, nourriture
appréciée des Européens).
Fort, dur (mafy : — id. —)
Obs. ; retenu vraisemblablement pour pouvoir opposer a
mouramoure.
Ex. : vas-y mafe = vas-y hardiment,
Vite (toujours avec une nuance impérative) (malaky :
rapide).
Obs, : retenu vraisemblablement pour les mémes raisons que
mafe. Utilisé entre Francais.
Ex.: malaque = !
ite t
allez-y malaque = faites vite.
Qui manque d’énergie (malemy : mou, faible).
Obs. ; retenu par opposition 4 machiéque. Suivant la croyance
de la société coloniale, les Malgaches distinguaient deux
genres de caractores différents: ceux qui étaient
machiéques, auxquels il fallait obéir (et cette allure
machiéque ‘était proposée comme modéle) et ceux qui
Gaient malémes, avec lesqucls on pouvait faire ce qu'on
voulait (ce qu’il ne fallait pas étre). Signification péjo-
rative.
Ex. : il est maléme = il est faible, manque d’énergie. ne sait
pas s’imposer.
Sale (matoto id, —).
Obs. ; mot retenu du vocabulaire de la domesticité.
Travailleur, mancuvre (manofo : jeune homme).
Obs. : mot retenu du vocabulaire des régions cétiéres dési-
gnant les jeunes hommes recrutés comme travailleurs par