Cameroun, Antoine Ndzengue anticipe un tournant décisif Après s’être imposé dans la distribution de produits pétroliers, entre autres, le fondateur du groupe camerounais Neptune Holding envisage de passer de la commercialisation à la production de pneus dès 2025, le contenu local constituant la pierre angulaire du projet. Réservé 31 mai 2023 à 08:57 Par : Jeuneafrique Omer Mbadi - à Yaoundé Mis à jour le 31 mai 2023 à 18:10 2
Le 29 avril, Antoine Ndzengue a bien failli faire une
entorse à sa ligne de conduite. Au sortir d’une audience que lui accorde le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, il annule in extremis, sans donner de raison, une conférence de presse initialement prévue pour présenter son projet de fabrication des pneus. Réservé et habitué à évoluer sous les radars, le fondateur de Neptune Holding tient les médias à bonne distance des activités de son groupe.
Tout au plus préfère-t-il que les projecteurs soient
braqués sur ses activités associatives, notamment le financement des compétitions de tennis ou celui plus discret du RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir]. Il vient de se lancer dans le sponsoring d’une équipe de football de son département d’origine, la Lékié, qui borde Yaoundé.
De même a-t-il consenti à sortir de sa coquille, il y a
un an, lorsqu’il a fait venir à Douala Antoine Mulliez (l’un des héritiers la famille Mulliez ), dans le cadre de l’Association progrès du management (APM), dont Antoine Ndzengue préside l’une des deux branches locales.
Miser sur les producteurs locaux
Pour son nouveau chantier, ce parent de l’actuel
ministre du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, a décidé de voir grand. Car, en arrière- plan, le dirigeant veut booster la filière hévéa en misant sur les producteurs locaux que sont la 3
Cameroon Development Corporation (CDC), Sudcam,
Plantations du Sud et Hevecam. « Cela montre à quel point il est un manager rigoureux, ambitieux et visionnaire », pointe Jean Perrial Nyodog, son ancien patron chez Tradex, avec lequel il continue de disputer des parties de tennis.
IL AIME SE DONNER DES
DÉFIS La construction de l’usine de Bomono, dans la banlieue ouest de Douala, d’une capacité de production annuelle de 4,6 millions de pneus de marque « Afri Star » devrait démarrer en octobre prochain. En attendant la sortie des premières roues en 2025, Cameroon Tyres Factory (CTF), la filiale de Neptune Holding dévolue au projet, commercialise celles de la marque « Double Star » de l’allemand Double Star Industry.
Pour structurer cet investissement de 400 milliards de
F CFA (600 millions d’euros), qui va générer 2 500 emplois, le patron camerounais a fait appel à Structure Finance Group (SFT), une filiale de Société générale. Il compte sur l’accompagnement technique du finlandais Black Donuts, et financier de la Banque de développement de États de l’Afrique centrale (BDEAC) et des banques locales (Société générale, BGFI, Banque Atlantique, Ecoank et Afriland First Bank). 4
Capacité à saisir les opportunités
« Il aime se donner des défis. Ce qui met en lumière
son aptitude à entreprendre », souscrit Jean Perrial Nyodog. Celui qui a fait de Tradex, filiale de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), un poids lourd de l’importation et de la distribution des produits pétroliers au Cameroun, derrière Total, repère Antoine Ndzengue, qui évolue au sein de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), au début des années 2000, alors qu’il constitue ses équipes.
« Nous avions remarqué sa manière de travailler et
l’avons ciblé. Il a très rapidement été promu directeur commercial, en révélant sa capacité à comprendre l’activité et à saisir les opportunités », insiste-t-il. « Il a souvent su tirer son épingle du jeu lors des appels d’offres concurrentiels pour l’importation des produits pétroliers destinés au marché intérieur », ajoute un ancien employé de l’entreprise de trading.
Fort de l’expérience acquise, cet ingénieur formé dans
le nord du pays, à l’université de Ngaoundéré, et titulaire d’un doctorat en administration des affaires de l’université de Douala, décide en 2009 de voler de ses propres ailes, en fondant Neptune Oil avec le suisse Optima Energy. Ce dernier se retire au bout de neuf années, laissant ainsi le contrôle intégral au Camerounais. 5
Troisième réseau de stations-service
Mais Neptune a déjà pris son envol, au point de
détenir aujourd’hui le troisième réseau de distribution avec 46 stations-service. Suffisant pour s’emparer de la présidence du Groupement des professionnels du pétrole (GPP), qui représente à ce jour 80 % de parts de marché de l’aval pétrolier local. Ce qui lui vaut de siéger au conseil d’administration de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), qui régule le domaine.
À 50 ans, ce taiseux, également présent au conseil
d’administration du Groupement Inter-Patronal du Cameroun (Gicam), est la tête d’un groupe s’étant diversifié dans le stockage des produits pétroliers et gaziers (Neptune Oil Storage Company), le transport de marchandises (Petro Services et Logistique), la logistique portuaire (Medlog Cameroon) et la santé (Curaday), même si l’on peine à saisir le poids en termes de chiffre d’affaires. Mais ce patron effacé n’a pas fini d’embrasser de nouveaux challenges.