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Histoire Du Judaisme Et Du Christianism
Histoire Du Judaisme Et Du Christianism
Équipe éditoriale:
José Costa (Université de Paris-III)
David Hamidovic (Université de Lausanne)
Pierluigi Piovanelli (Université d’Ottawa)
© BREPOLS PUBLISHERS
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LES JUDAÏSMES DANS
TOUS LEURS ÉTATS
AUX Ier-IIIe SIÈCLES
( LES JUDÉENS DES SYNAGOGUES,
LES CHRÉTIENS ET LES R ABBINS)
2015
© 2015, Brepols Publishers n.v., Turnhout
All rights reserved.
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D/2015/0095/117
ISBN 978-2-503-55465-5
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TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Introduction
Simon C. Mimouni
Histoire du judaïsme et du christianisme antiques. Remarques épis-
témologiques et méthodologiques . . . . . . . . . . . . . 13
Bogdan Bucur
Early Christian Exegesis of Biblical Theophanies and the Parting
of the Ways : Justin of Neapolis and Clement of Alexandria . . . 245
Benjamin Bertho
Judaïsme, historiographie et apologétique chez Théophile d’Anti-
oche : d’Abraham à Flavius Josèphe . . . . . . . . . . . . 275
Bernard Pouderon
Le judaïsme tel que perçu dans la littérature patristique, de l’Athé-
nien Aristide à Clément d’Alexandrie . . . . . . . . . . . 297
Claire Clivaz
Pratiques de lecture, identités et prise de conscience : la question
des miniatures et du βιβλαριδιοη d’Apocalypse 10, 2.9-10 . . . . 325
Charlotte Touati
Le purgatoire dans les textes égyptiens entre le Ie et le IIIe siècle . 349
Ron Naiweld
The Discursive Machine of Tannaitic Literature : The Rabbinic
Resurrection of the Logos. . . . . . . . . . . . . . . . 405
Conclusion
Hervé Inglebert
Les jeux d’autorité dans le monde judéen romain des IIe-Ve siècles :
rabbins, patriarche et communautés synagogales . . . . . . . 437
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AVANT-PROPOS 1
10.1484/M.JAOC-EB.5-108065
8 AVANT-PROPOS
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AVANT-PROPOS 9
dérer la diversité des mouvements chrétiens comme de ceux des rabbins
tout au long du IIe siècle, voire bien après, jusqu’au IVe siècle, en prêtant
attention au dialogue tout aussi constant que conflictuel que les uns
nouent avec les autres. C’est ainsi que les chrétiens comme les rabbins vont
durant plusieurs siècles tenter d’imposer en leur sein une unité utopique,
tout aussi improbable qu’impossible, en définissant leurs frontières à partir
de concepts comme l’hérésie ou le canon. Ils parviendront, les uns comme
les autres, à réduire progressivement l’influence du judaïsme synagogal et,
par endroit, à le laminer au point de le faire disparaître de manière appa-
remment durable.
C’est en fonction de ces changements de perspectives que les organi-
sateurs de ce colloque se sont proposé de revenir sur toutes les formes de
judaïsmes d’après 70, afin de faire un bilan d’étape dans une recherche
performante dont les résultats sont de plus en plus abondants et évolu-
tifs. Pour ce faire, ils ont envisagé de considérer ensemble les trois formes
de judaïsmes du Ier au IIIe siècle, une période fondatrice à tout point de
vue (y compris identitaire) : celle des Judéens synagogaux, celle des mouve-
ments chrétiens et celle des mouvements rabbiniques. Puis, ils ont défini
une problématique qui prenne en compte non pas les origines de ces trois
ensembles, qui s’ancrent de toute façon dans le judaïsme d’avant 70, mais
leur développement et leur coexistence aux IIe et IIIe siècles au sein de
l’empire romain, à partir de leurs documentations respectives (« sacrées »
ou « mystiques ») et de leurs caractéristiques culturelles par rapport à un
environnement gréco-romain.
Nous arrêtons ici cette brève introduction pour vous laisser la parole, et
nous vous souhaitons à toutes et à tous, durant ces trois jours, un excellent
et studieux colloque.
Simon C. MiMouni
École pratique des Hautes études – Section des sciences religieuses, Paris
Summary
These epistemological and methodological remarks on the issues raised by the
Early Jewish and Early Christian studies are notably focused on the conti-
nuity and discontinuity phenomena, that can lead to « redoubtable » effects
in the contemporaneous ideological elaborations. Beside general assessments
on Judaism and Christianity in classical and late Antiquity, the argument
focuses particularly on a general presentation of a underestimated Juda-
ism form, called « synagogal Judaism ». Relationship between Judaism and
Christianity at a time where Christianity is only a movement among others
will be studied also, as well as questions about legitimacy, that have lead
to conflicts producing the distinction or the separation and the progressive
establishment of the two religions.
Résumé
Dans ces quelques remarques épistémologiques et méthodologiques sur les
problèmes que posent les études historiques du judaïsme et du christianisme
antiques on se penche notamment sur les phénomènes de continuité et de dis-
continuité dont les incidences peuvent être « redoutables » dans les élabora-
tions idéologiques contemporaines. Outre des propos généraux sur le judaïsme
et le christianisme dans l ’Antiquité classique et tardive, on donne surtout une
présentation générale d’une forme méconnue du judaïsme que l ’on appelle
« judaïsme synagogal ». On parle aussi des rapports entre judaïsme et chris-
tianisme à l ’époque où ce dernier n’est qu’un mouvement parmi d’autres
dans le cadre du premier, et des questions de légitimités qui ont débouché
sur des conflits engendrant la distinction ou la séparation et la mise en place
progressive de deux religions.
10.1484/M.JAOC-EB.5-108066
14 INTRODUCTION
Tous les problèmes qui vont être abordés ici reposent sur une question
essentielle : « Comment produire une histoire scientifique du judaïsme et
du christianisme antiques en déconstruisant les représentations confes-
sionnelles et en reconstruisant l’émergence et l’évolution de ces religiosités
mises en contexte ? » Pour ce faire, on a tendance à se situer plutôt du
côté de la méthode historique « positiviste », fondée sur la philologie et
l’histoire, et non du côté de la méthode historique « comparatiste », fon-
dée sur l’anthropologie et la sociologie, mais sans opposer nécessairement
ces deux méthodes qui ont tendance à se compléter quand on les utilise à
bon escient.
Cette déconstruction et cette reconstruction doivent évidemment se
faire dans le respect mutuel que se doivent deux disciplines aussi diffé-
rentes que le sont l’histoire et la théologie qui, pourtant, se croisent en
permanence dans le monde chrétien catholique et protestant, parfois de
manière heurtée, pour ne pas dire plus.
Observations introductives
Dans le cadre de ces observations introductives, à des fins de démons-
tration, il paraît nécessaire d’attirer l’attention sur les phénomènes bien
connus de continuité et de discontinuité qui sont des facteurs importants
en histoire, notamment quand il s’agit de l’histoire antique de ce que l’on
appelle, pour faire bref, le « judaïsme » et le « christianisme » 1.
On propose ici de penser que la continuité relève de la fiction et la dis-
continuité de la réalité, surtout afin de rompre avec une dichotomie éla-
borée par Aristote contre Démocrite, notamment en mathématique et en
physique, qui est plus favorable à la continuité qu’à la discontinuité, et sur
laquelle on vit toujours depuis – conditionnant ainsi les idéologies et le
retour aux origines fatalement meilleures que le présent 2 .
Observons que la théologie fonctionne en général sur la continuité
et dissimule souvent les discontinuités : c’est pourquoi l’histoire, en tant
que « science » et non en tant que « littérature », en tant que discours
« scientifique » et non en tant que discours « rhétorique », devrait avoir
pour fonction essentielle de mettre en évidence ces discontinuités – ce qui
n’est pas toujours le cas actuellement dans les recherches dites historiques.
1. On développe ici des éléments déjà abordés dans S.C. M iMouni, « Sur la
question entre “jumeaux” et “ennemis” aux Ier et IIe siècles », dans S.C. M iMouni
– B. Pouderon (éd.), La croisée des chemins revisitée. Quand la « Synagogue » et
l ’« Église » se sont-elles distinguées ? Actes du colloque de Tours, 18-19 juin 2010,
Paris, 2012, p. 7-20, spécialement p. 12-13.
2. Voir M. Carion, « Continuité et discontinuité. Un faux problème ? », dans
F. WorMS – J.-J. Wunengurger (éd.), Bachelard et Bergson : continuité et disconti-
nuité ? Une relation philosophique au cœur du XXe siècle, Paris, 2008, p. 3-25.
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INTRODUCTION 15
En effet, l’histoire ne devrait pas entrer nécessairement dans la démarche
de la continuité et devrait mettre constamment en évidence les disconti-
nuités car, en principe, cette discipline travaille plus sur les différences que
sur les ressemblances : les premières apportant plus d’informations que les
secondes. Sans compter que, sur la durée, les discontinuités, particulière-
ment plurielles et diverses, apparaissent comme correspondant plus aux
réalités humaines que la continuité, au singulier, qui est un artifice, une
ruse, à des fins de légitimité tant théologique que politique – c’est-à-dire,
en un mot, idéologique. Ainsi, l’historien devrait être constamment à la
recherche des discontinuités dans le temps et dans l’espace : c’est à cette
fin qu’il devrait mettre en œuvre des questions et des concepts propres à
sa discipline, les seuls qui peuvent lui permettre la mise en évidence des
ruptures dans le temps et dans l’espace.
Les phénomènes de continuité et de discontinuité n’ont pas toujours été
bien pensés et ont souvent été inversés afin, consciemment ou inconsciem-
ment, de tromper non seulement les adversaires mais surtout les partisans
de telle ou telle position. Ainsi, par exemple, on a considéré durant long-
temps que le bolchévisme d’une part et le fascisme et le nazisme d’autre
part sont des idéologies en opposition et donc en déconnexion certaine,
voire absolue. Il s’est avéré depuis qu’il n’en a rien été : en effet, comme
déjà en son temps Marcel Mauss l’a souligné avec perspicacité et justesse,
la connexion entre l’idéologie dite de gauche et les deux idéologies dites de
droite doit apparaître comme évidente, à cause notamment de l’influence
des écrits du théoricien politique Georges Sorel, dont se sont réclamés tout
à la fois Lénine, Mussolini et, indirectement (à travers Mussolini), Hitler
également 3. La mise en continuité de ces trois idéologies, alors qu’elles se
donnent en discontinuité, permet ainsi de comprendre les influences réci-
proques qui se sont exercées sur elles.
C’est pourquoi, en histoire, les phénomènes de continuité et de discon-
tinuité devraient être étudiés de manière plus approfondie qu’ils ne le sont
aujourd’hui : ils devront l’être, si tant est qu’on s’en donne la peine, du point
de vue sociologique et anthropologique, car ils pourraient constituer ainsi
la clef d’une conception historique plus ou moins « neutralisée », désamor-
cée si l’on préfère, notamment des commencements du christianisme et du
rabbinisme dans un judaïsme qu’ils ont tant absorbé et imbibé qu’ils s’en
sont tous deux prétendu être les successeurs légitimes alors qu’ils ne le sont
pas nécessairement. Pour ce faire, le christianisme comme le rabbinisme,
chacun à sa manière, ont mis en place des stratégies de dissimulation des
discontinuités tellement élaborées que l’historien peine à les démasquer.
En ce qui concerne le judaïsme au sens large, incluant le christianisme et
tous les autres rameaux qui en ont poussé en son sein à toutes les époques,
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INTRODUCTION 17
rieures. Disons déjà que ce postulat est représentatif d’« un » judaïsme, le
rabbinisme, mais qu’il en existe d’autres, de nombreux autres.
On sait que les reconstitutions du passé n’ont guère de place dans les
traditions religieuses en général. C’est notamment le cas dans la tradition
rabbinique qui fonctionne sur la mémoire et non sur l’histoire, et que
les travaux de l’historiographie depuis toujours – les livres bibliques dits
historiques sont plutôt des ouvrages prophétiques – y sont dépourvus de
fonction : les thèses historiques sont habituellement considérées comme des
spéculations plutôt mouvantes à caractère idéologique. C’est pourquoi, la
tradition rabbinique préfère se situer depuis l’Antiquité – à partir du Ier ou
du IIe siècle – dans un ahistoricisme plus ou moins absolu 4 . Il est évident
que le travail de l’historien ne saurait reposer sur ces paramètres qui sont
de l’ordre des représentations théologiques fonctionnant sur le concept de
vérité « absolue », et non de la reconstitution historique, laquelle repose
plutôt sur le concept de réalité « plausible ».
La construction de l’histoire du judaïsme, reprise souvent sur celle du
christianisme ou même de certains états européens en quête d’une identité
commune (comme par exemple l’Allemagne), a été marquée par les idéo-
logies des XIXe et XXe siècles, notamment le nationalisme et le sionisme,
qui n’en est qu’un des avatars.
On doit observer que le peuple judéen, comme de nombreux autres dans
l’Antiquité, est un peuple « théocratique » : en ce sens qu’il a constam-
ment été représenté comme conduit par son dieu, avec ses prêtres et ses
cultes – et ce, en dépit de brouilles passagères entre le peuple et son dieu
interprétées comme des « infidélités », d’ailleurs bien souvent aussitôt
pardonnées. Réciproquement, la religion du peuple judéen est représen-
tée comme « temporelle » : en ce sens que la déférence ou la négligence,
qui sont manifestées à l’égard de son dieu, ont constamment été conçues
comme conditionnant et expliquant le déroulement du passé du peuple,
notamment pour légitimer la possession de la terre. C’est ainsi que s’est
établi progressivement un rapport dialectique entre le passé du peuple et
le passé de sa religiosité, entre le passé des Judéens et le passé du judaïsme
– en relation avec le temps présent et le temps futur.
Ces précisions générales étant entendues, on peut avancer que pour un
scientifique faire l’histoire du judaïsme ancien, c’est avant tout faire l’his-
toire d’une religion, mais pas uniquement, car c’est aussi faire l’histoire d’un
peuple installé sur sa terre (la Judée) et dispersé hors de sa terre (la Dias-
pora) – c’est dire la complexité de cette histoire dont l’appréhension n’est
pas plus évidente que la compréhension à cause du brouillage de la tradition
qui transmet ses textes. Sans compter que, quand on s’intéresse à l’histoire
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INTRODUCTION 19
Judéens qui n’appartiennent pas aux deux grands mouvements de l’époque,
celui des pharisiens ou plus tard des rabbins et celui des nazoréens ou plus
tard des chrétiens. Il s’agit donc d’une troisième entité judéenne dont les
membres ne relèvent pas en principe des deux autres groupes composant le
peuple judéen – on laisse de côté ici la question des esséniens qui consti-
tuent plutôt une secte, ou celle des sadducéens qui constituent plutôt un
parti, ainsi que les divers mouvements messianiques ou prophétiques et bap-
tistes qui n’ont eu qu’une existence limitée dans le temps ou interstitielle.
De fait, ce judaïsme est celui qui est le plus commun. Il ne faudrait
d’ailleurs pas trop forcer les frontières entre lui et les autres mouvements,
car, de par leurs porosités, on peut y rencontrer en effet aussi bien des
rabbins que des chrétiens.
Cette entité judéenne pour l’époque d’après 70, qui est actuellement
l’objet d’une « mise au jour », est désignée, faute de mieux, par l’expres-
sion « judaïsme synagogal », car il est à la fois de langue et de culture hel-
lénistes comme de langue et de culture araméennes : raison pour laquelle
il est difficile de le désigner par les expressions « judaïsme helléniste » ou
« judaïsme araméen », comme on tente parfois de le faire.
L’existence de ce judaïsme pose le problème de la portée de la culture
helléniste et de la culture araméenne sur les Judéens de Palestine à l’époque
grecque et à l’époque romaine, sa diffusion et son influence sur l’ensemble
du peuple, et pas seulement sur ses érudits sacerdotaux et ses élites aristo-
cratiques. On sait, en effet, qu’au i er siècle de notre ère, un certain nombre
de Judéens de Palestine appartiennent à la culture grecque : une situation
qui remonte assurément à la conquête d’Alexandre le Grand et aux domi-
nations lagide et séleucide.
On va fournir quelques éléments qui relèvent plutôt d’un état des
recherches, des sources et des questions que d’une réelle présentation syn-
thétique.
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INTRODUCTION 21
montrent de plus en plus qu’il paraît préférable de considérer qu’après 70,
en Palestine, au moins deux mouvements religieux, et non un seul, ont
survécu à la catastrophe : un premier dans la perspective des anciens pha-
risiens, celui des rabbins ; un second dans la perspective des anciens nazo-
réens, celui des chrétiens. Ces mêmes critiques insistent ensuite et surtout
sur l’existence d’une troisième catégorie qui a aussi survécu à la destruction
du sanctuaire et à ses conséquences et qui n’a pas constitué un mouvement
proprement dit : c’est celle formée par l’immense majorité des Judéens
de langue et de culture grecques mais aussi de langue et de culture ara-
méennes qui ne sont ni pharisiens, ni nazoréens. Il s’agit tout simplement
des Judéens qui partagent l’existence et l’activité politiques et civiques des
Grecs et autres au milieu desquels ils vivent, sans nécessairement avoir été
« déjudaïsés » comme on l’affirme parfois, peut-être à des fins de dénigre-
ment ou de délégitimation.
Comme l’observe avec justesse José Costa, dans un travail encore inédit
et en cours de publication à partir d’une habitation à diriger des recherches
soutenue en 2011 6, la nouvelle historiographie estime que l’ancienne his-
toriographie a commis une double erreur en considérant que (1) les seuls
documents judéens pour les IIe-IVe siècles étant issus du mouvement rab-
binique, c’est donc que celui-ci est le seul judaïsme existant, et que (2)
comme dans ces documents les rabbins semblent parler du mouvement
rabbinique comme du judaïsme, c’est qu’il ne peut y en avoir d’autre. Ainsi
que le souligne José Costa dans ce même travail, l’idée d’un patriarche,
issu du mouvement rabbinique et reconnu par les autorités romaines, qui
dirige sur le plan politique et religieux l’ensemble des Judéens de Palestine
et dont l’autorité s’étend aux Judéens de Diaspora, est également remise en
cause comme le montrent notamment l’étude des tensions entre les rab-
bins et les patriarches, ou encore la reconnaissance officielle du patriarcat
par Rome à une époque tardive.
Certains critiques comme Shaye J.D. Cohen ou David Goodblatt se
situent à mi-chemin entre ce que l’on peut appeler l’ancienne et la nouvelle
historiographie. Ils refusent notamment de distinguer le judaïsme syna-
gogal (helléniste et araméen) des autres formes existantes et estiment que
le « judaïsme » repose (1) soit sur un caractère ethnico-religieux fondé sur
l’ancienneté et sur la culture, (2) soit sur un caractère identitaire qualifié
de national élaboré sur la torah, la langue hébraïque et un personnel sacer-
dotal approprié. Il s’agit pour la plupart de ces critiques de conserver la
primauté au rabbinisme, comme selon l’ancien paradigme, et de renvoyer
les autres dans les marges de l’hérésie.
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INTRODUCTION 23
ethnicité et encore moins à leur appartenance traditionnelle – les faits de
vivre à la grecque et d’utiliser la langue grecque ne sont pas nécessairement
significatifs pour parler d’une « déjudéisation » et d’une « paganisation ».
Il n’est pas sûr non plus que parler de paganisation des Judéens, comme
on le fait parfois, ne soit pas une manière de reprendre le discours du mou-
vement rabbinique qui manifeste une tendance à vouloir ainsi disqualifier
ses opposants judéens, notamment en les assimilant aux « païens ».
En tout cas, cette hellénisation des Judéens des ii e-iii e siècles permet de
comprendre pourquoi le mouvement chrétien à cette époque, dont l’auto-
nomie par rapport au mouvement rabbinique ne saurait être mise en doute,
s’est développé dans le cadre de la culture et de la pensée grecques non
sans rapport avec le judaïsme hellénistique dont on dit, plus à tort qu’à
raison, qu’il aurait disparu avec la grande révolte de la Diaspora orientale
contre Rome en 115-117.
- R écapit u lati f
Bref, ce qu’il faut surtout retenir c’est que le judaïsme d’après 70 ne se
réduit pas au seul judaïsme rabbinique mais que, comme celui d’avant 70,
il est constitué de plusieurs variétés, mouvances majoritaires ou marginales.
Il n’est évidemment pas question dans ce scénario de nier l’originalité
du christianisme et du rabbinisme, mais de montrer, qu’après 70, ils ne
représentent nullement le judaïsme majoritaire.
c’est le cas par exemple de Justin de Néapolis avec son Dialogue avec Try-
phon qui date du milieu du ii e siècle mais aussi d’Hégésippe, vraisembla-
blement un chrétien d’origine judéenne, dont l’œuvre, les Hypomnemata,
n’est accessible que par des fragments conservés chez Eusèbe de Césarée.
Les sources archéologiques, épigraphiques et papyrologiques purement
« judéennes » sont encore rares pour les Ier-IIe siècles, en tout cas pour
celles qui sont identifiables comme telles. Elles n’en sont pas moins de plus
en plus importantes et signifiantes à partir des iii e-iv e siècles.
Les sites de Sepphoris et de Tiberias n’ont pas livré de synagogues
datant du ii e ou du iii e siècle : celles qui ont été mises au jour ne sont, en
effet, que du iv e et du v e siècle. Aucune trace judéenne n’a apparemment
été découverte lors des fouilles du site de Beth-Shéan, l’ancienne Scytho-
polis, dont l’hellénisation semble avoir été importante.
On doit toutefois mentionner la nécropole de Beth-Shéarim, en Basse-
Galilée, qui a livré de nombreuses inscriptions funéraires en grec, en ara-
méen et en hébreu. Ce site, fouillé de 1935 à 1940 et de 1953 à 1959,
paraît avoir été le cimetière principal de notables judéens originaires de
Palestine et de Diaspora, ceux ayant appartenu au judaïsme synagogal
comme au mouvement rabbinique, mais seulement à partir du iii e siècle
et durant tout le iv e siècle – la ville a été détruite en 351 par les troupes
romaines lors de la révolte judéenne contre Gallus.
Des inscriptions relativement tardives, sur pierre ou mosaïque, portent
la mention de « rabbi » : selon certains critiques, elle ne renverrait qu’à
un titre honorifique en usage dans les synagogues, mais, selon d’autres,
elle attesterait la présence du mouvement rabbinique dans ces mêmes lieux
de cultes : la question demeure extrêmement discutée, mais il est probable
qu’il ne s’agisse que d’un titre honorifique que l’on rencontre d’ailleurs
aussi dans la littérature chrétienne pour désigner Jésus (notamment dans
l’Évangile selon Jean).
Les émissions monétaires en bronze des villes de Lydda, de Sepphoris
et de Tiberias, datant des ii e-iii e siècles, qui utilisent des motifs judéens,
comme la branche de palmier, sur leurs revers, montrent que les Judéens, à
cette époque, sont largement intégrés dans la vie civique.
En ce qui concerne les sources littéraires du judaïsme synagogal, une
prudence critique est nécessaire car, pour la plupart, elles ont été récupé-
rées et transmises ensuite par leurs opposants et successeurs, qu’ils soient
chrétiens ou rabbins. Il en a été ainsi de la Bible, du Targoum et de la
liturgie des Judéens (les prières comme les poèmes) synagogaux que l’on
retrouve soit chez les chrétiens soit chez les rabbins.
Tout ce que l’on peut savoir de précis sur la Bible du Second Temple
vient soit par la voie de la langue grecque ou araméenne, soit par la voie de
la langue hébraïque ou araméenne. Il semble qu’il convienne d’accorder de
plus en plus de considération à la première voie, car elle paraît renvoyer au
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INTRODUCTION 25
judaïsme synagogal qui est de langue et de culture hellénophones comme
de langue et de culture araméophones, en opposition à la seconde voie qui
provient exclusivement du mouvement rabbinique. Il faut être tout aussi
prudent avec la première voie qu’avec la seconde, car si la première a été
récupérée et transmise par le christianisme, la seconde l’a été par le rabbi-
nisme. En effet, par exemple, pour ce qui est du judaïsme synagogal ara-
méophone, il a été trop souvent confondu avec le mouvement rabbinique
qui a d’ailleurs, plus tard (pas avant le VIIe siècle), récupéré sa littérature
liturgique (notamment les targoumim et les piyyoutim) et ses lieux de culte
(la synagogue).
que les Judéens ont reporté sur les synagogues nombre des attributs du
temple, notamment la sainteté : ce qui a conduit certains critiques à parler
de « templisation » des synagogues et à établir un parallèle avec le phéno-
mène des églises pour le mouvement chrétien.
Ce judaïsme synagogal, au même titre que le mouvement rabbinique, a
comporté des tendances mystiques. Ce qui n’impose pas nécessairement
d’opposer ces deux formes de mysticisme, surtout sur des critères unique-
ment linguistiques. En tout cas, ce pourrait être dans la forme de mysti-
cisme en provenance de ce judaïsme synagogal que s’enracinerait l’Évangile
selon Jean ou la littérature chrétienne gnosticisante dont l’Évangile selon
Philippe est un éminent représentant.
Le motif des deux lumières, celle du dieu d’Israël et celle de son éma-
nation, est central dans le judaïsme hellénisé, ainsi que l’a montré Erwin
R. Goodenough dans son étude intitulée précisément By Light, Light.
Une centralité qui est attestée dans la mystique judéenne mais aussi dans
la pensée paulinienne comme dans la pensée johannique, et encore dans
l’art synagogal, notamment avec l’utilisation du symbolisme astral. Ce
motif a été préservé dans des traditions midrashiques sur le « manteau de
lumière » commentant le Ps 104, 2, suscitant parfois des réticences chez
certains rabbins.
Vers 360, l’empereur Julien affirme dans son Contre les Galiléens, frag-
ment 72, que « les Judéens se conduisent comme (les autres) ethnicités,
sauf qu’ils ne reconnaissent qu’un dieu. Il s’agit là de quelque chose qui
leur est particulier et qui nous est étranger. Car le reste nous est d’une
certaine manière commun : temples, sanctuaires, autels, rituels de purifica-
tions, certaines injonctions où nous ne divergeons pas les uns des autres, ou
bien seulement de façon insignifiante ». Une description qui correspond à
ce que l’on sait par ailleurs des Judéens non rabbiniques et non chrétiens
et dont cet empereur a dû se sentir assez proche, à l’opposé des rabbiniques
et des chrétiens. C’est sans doute à ces Judéens hellénisés, comportant dans
leurs rangs des prêtres, que Julien a dû proposer de reconstruire le temple
de Jérusalem, en aucun cas aux rabbiniques et aux chrétiens, qui se sont
opposés à ce projet dans la mesure où il donnait trop de pouvoir à l’ancien
sacerdoce et à ses pratiques sacrificielles.
En tout cas, c’est dans ce contexte, sans doute consécutif à cet échec de
restauration de l’ancien sanctuaire de Jérusalem, que le mouvement rabbi-
nique va commencer à asseoir de plus en plus son autorité en définissant
ses frontières, les identifiant avec celles du judaïsme, et en disant qui est
judéen et qui ne l’est pas – même si c’est vers cette époque que la charge
patriarcale disparaît. Paradoxalement, il apparaît que c’est avec la christia-
nisation de l’empire romain et la transformation de la Palestine en terre
sainte chrétienne que les rabbins vont imposer progressivement leur auto-
rité sur l’ensemble des Judéens.
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INTRODUCTION 27
On doit se demander ce qu’est devenu le judaïsme synagogal qui, selon
toure apparence, contrairement aux mouvements des chrétiens et des rab-
bins, n’a pas survécu aux aléas du temps.
Les recherches les plus récentes sur le mouvement rabbinique posent
la question de la durée exacte de la période qui a permis aux rabbins de
passer d’une situation marginale à une position d’autorité dans la société
judéenne antique. Selon certains critiques, les rabbins ne deviennent domi-
nants que vers la fin du IIe ou le début du IIIe siècle. Selon d’autres cri-
tiques, l’hégémonie rabbinique a mis beaucoup de temps à se mettre en
place, et elle doit être localisée plus en Babylonie qu’en Palestine et datée
soit du IVe siècle (la constitution hégémonique du christianisme ayant
conduit aussi à celle du rabbinisme) soit du VIIe siècle (avec l’émergence et
la conquête des Arabes musulmans), voire du VIIIe siècle (avec la mise en
place du califat abbasside à Bagdad).
Les conflits entre le mouvement des rabbins et le mouvement des chré-
tiens avec le judaïsme synagogal ont été nombreux et se sont traduits, à
une date difficile à déterminer avec précision, par la victoire des descen-
dants des pharisiens/rabbins et des nazoréens/chrétiens et par la dispari-
tion du groupe majoritaire dont les membres rejoindront sans doute les
vainqueurs, rabbins ou chrétiens, à l’exception peut-être de certains d’entre
eux qui maintiendront leurs traditions ancestrales dans l’empire byzantin
durant tout le Moyen Âge, et dont on retrouve des traces dans la liturgie
du judaïsme romaniote, qui a survécu bien après la chute de Constanti-
nople en 1453.
Récapitulatif
C’est donc une histoire à trois voix (judaïsme synagogal [helléniste
ou araméen], mouvement des rabbins, mouvement des chrétiens) et non
à deux (mouvement des rabbins, mouvement des chrétiens), voire à une
seule (mouvement des rabbins), qu’il convient dorénavant de prendre en
considération dans toute histoire du judaïsme ancien après 70. Les rab-
bins comme les chrétiens n’ont constitué encore à l’époque que des mou-
vements relativement minoritaires.
Par conséquent, il apparaît erroné de confondre « judaïsme » et « rab-
binisme » : ce dernier n’ayant constitué durant plusieurs siècles qu’une des
composantes du peuple judéen dans le cadre d’un mouvement. Il serait
tout aussi erroné de considérer que le « christianisme » est déjà à distin-
guer du « judaïsme » : même si ses relations avec le « rabbinisme » ont été
conflictuelles au moins depuis le milieu du Ier siècle.
Ceci étant, cette tri-répartition du judaïsme est évidemment une créa-
tion des chercheurs actuels qu’on ne retrouve jamais telle quelle dans la
documentation, même si de chaque groupe subsiste une documentation.
Cette perspective, si elle est forcée, est risquée : elle peut, en effet, débou-
28 INTRODUCTION
cher sur la réification de chacun des trois groupes jusqu’à les concevoir
comme des entités distinctes dont l’existence idéologique et politique est
au moins dans une certaine mesure fictive.
Observations conclusives
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INTRODUCTION 29
tient là dans les limites de l’Antiquité classique et tardive. Tous font partie
du peuple juif et revendiquent la figure d’Israël, tous se veulent le Verus
Israel, mais tous s’en excluent réciproquement avec opiniâtreté et parfois
férocité pour cause de déviance (minout selon la terminologie rabbinique)
ou d’hérésie (hairesis selon la terminologie chrétienne).
Ce n’est qu’après l’émergence de l’islam, dont les origines sont peut-être
à situer dans certaines mouvances du judaïsme chrétien (l’ébionisme), que
les rabbins de Babylonie, qui vivent proches du pouvoir abbasside de Bag-
dad, commencent à ambitionner une hégémonie sur l’ensemble du peuple
juif et à utiliser l’appellation de « judaïsme » pour désigner leur mouve-
ment – une appellation qui, du moins en hébreu et en araméen, n’est appa-
remment pas antérieure au VIIIe siècle. Face à ce que l’on peut appeler un
demi-échec, puisque tous les Juifs ne se sont pas ralliés à leur mouvement,
ils semblent abandonner l’appellation « peuple juif », très peu usitée dans
leurs textes, pour l’appellation « judaïsme », surtout utilisée par les chré-
tiens pour désigner leurs opposants juifs, plus d’ailleurs les synagogaux que
les rabbiniques.
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INTRODUCTION 31
que les rabbins comme les chrétiens sortent du même moule, que les uns
et les autres sont originaires du peuple judéen vivant en Palestine ou en
Diaspora entourés de leurs sympathisants ou de leurs catéchumènes non
judéens – ce sont ces derniers qui formeront, de plus en plus, la foule des
communautés croyant en Jésus.
Le christianisme, à travers ses théologiens, ceux qu’il va estimer comme
« orthodoxes », a voulu se distinguer du judaïsme et notamment du rabbi-
nisme : il n’y parviendra réellement qu’au IVe siècle, même si les prémisses
de cette distinction remontent déjà au IIe siècle.
Les chrétiens, contrairement aux rabbins, croient au Messie et observent
la Torah – cette dernière n’étant pour eux nullement abrogée –, qu’il rela-
tivise par divers procédés qui permettent de la rendre acceptable aux Grecs
(notamment par l’allégorisation de la circoncision). De plus, ils récupèrent
l’héritage sacerdotal, qu’ils interprètent de manière sensible, mais sans
tellement s’en écarter. Ils n’ont pu le faire que par le biais des chrétiens
d’origine judéenne, ceux de langue et de culture araméennes, mais aussi
ceux de langue et de culture grecques car c’est à eux que les chrétiens
d’origine grecque doivent cet héritage.
On constate combien le conflit entre chrétiens et rabbins a été inévi-
table, il en a été de même avec le judaïsme synagogal, qui revendiquait lui
aussi le même héritage.
Cette perspective, tracée à grands traits et sans doute trop simplifiée
pour ne pas dire caricaturée, montre que le christianisme et le rabbinisme
sont issus du même monde religieux, à savoir : les croyances et pratiques du
peuple judéen, autrement dit le judaïsme.
des scribes babyloniens, puis des pharisiens et enfin des rabbins dont l’ori-
gine babylonienne est souvent soulignée dans les textes (= sages tannaïtes
et sages amoraïtes).
Le mouvement rabbinique cherche à réduire une certaine discontinuité
avec la période du Second Temple en établissant une continuité avec la
Torah de cette époque qui dépend des prêtres et non pas des rabbins,
lesquels n’existent pas encore – du moins sous la forme qu’ils prendront
plus tard. Les pharisiens trouvent leur légitimité dans la Torah d’Esdras
et, ce faisant, ils renvoient leurs origines à l’époque des prêtres du Second
Temple : il est évident cependant que l’émergence de leur mouvement n’est
pas antérieure à l’époque hasmonéenne et qu’il est composé de scribes qui
ont tendance à s’opposer aux prêtres de cette famille prétendant représen-
ter le grand sacerdoce, alors qu’ils ne sont que d’une maison modeste dans
la hiérarchie sacerdotale. Il s’agit de deux discontinuités qui s’opposent
pour la détention du pouvoir religieux et donc politique, car à l’époque les
deux pouvoirs sont inséparables et inconcevables l’un sans l’autre.
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