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L'IVT TOROTRAK

BREF HISTORIQUE

Breveté par Charles Hunt en 1877, amélioré par Frank Hayes dans les années 20, produit
à 600 exemplaires par Austin vers 1930 pour son modèle Seven, perfectionné par
Perbury entre 1960 et 1980, donnant entière satisfaction sur les Hawker-Siddeley Harrier
à décollage vertical pour l'entraînement d'un générateur de 25 kW entre 7000 et 17000
t/mn, développé par Leyland Trucks, repris en 1986 par British Technology Group (BTG)
dont la branche Torotrak devint indépendante en 1998, le système toroïdal est désormais
fiabilisé et capable de passer des couples imposants pour un poids et un volume
concurrentiels.

Ceci est dû, d’une part, aux huiles « de traction » qui se vitrifient quelques
microsecondes lorsqu’elles sont fortement coincées entre deux rotors lisses et qui
transmettent le couple sans contact des pièces métalliques, par un film d’une épaisseur
de 0,05 à 0,4 microns (le diamètre d'un cheveu est de l'ordre de 100 µ).

D’autre part, la maîtrise des tolérances d’usinage et des qualités d’aciers supportant de
hauts stress de surface – qualités semblables à celles utilisées pour les roulements – par
les firmes japonaises NSK et Koyo-Seiko leur permet de produire des disques toriques et
galets durables. Koyo-Seiko fournit Torotrak alors que NSK livre ces composants pour la
CVT semi-toroïdale Extroïd de Jatco.

Le variateur à double cavité comprend 2x3 galets disposés à 120°, ce qui assure
une excellente rigidité structurelle. Confinés dans le tore, les galets ne suscitent
guère de réaction sur leurs paliers. La mise en charge axiale est hydraulique,
régulée électroniquement en fonction du couple à transmettre.

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Le plus grand des nombres n'est rien par rapport à l'infini et mieux vaudrait
prendre garde à l'usage que l'on fait de ce terme. Si l'on parle de " transmission
à variation continue " (CVT) pour une transmission qui change de rapports en
continu à l'intérieur d'une plage finie à ses deux extrémités, on peut alors
réserver l'usage du terme " transmission à variation infinie " (IVT) à un concept
qui assure une plage de variation infinie.
Aujourd'hui, l'IVT de Torotrak admet aisément les 475 Nm du V8 Ford de 5,4
litres et lui assure un gain de consommation de l'ordre de 20 à 24 %. Quel
constructeur nous proposera cette transmission idéale que l'auteur fut l'un des
premiers journalistes à tester ?

L'inclinaison des galets (bleus) détermine le rapport du variateur. Les disques


verts sont entraînés par le moteur, les jaunes entraînent le pignon solaire du
train planétaire de regroupement de puissance

Un variateur toroïdal est constitué de deux disques concentriques se faisant face et


présentant une cavité torique. Ils tournent en sens inverse, connectés par des galets
dont l'inclinaison détermine le rapport. Tout comme NSK /Jatco sur l'Extroïd, Torotrak
exploite un variateur à double cavité mais la similarité s'arrête là car il s'agit d'un type
toroïdal et non semi-toroïdal.

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POINT MORT ENGRENÉ (1/3)

Torotrak utilise le variateur en division de puissance sur une plage basse allant graduellement de la
marche arrière à l'avant en passant par l'arrêt. Une ouverture infinie est ainsi obtenue. En plage haute
le train planétaire de regroupement est verrouillé et toute la puissance est transmise directement par
le variateur.

Le moteur entraîne le porte-satellites et également le planétaire, mais par l'intermédiaire du variateur,


la couronne étant reliée aux roues motrices. Lorsque le variateur est en surmultiplication maxi, le
planétaire tourne beaucoup plus vite que le porte-satellites si bien que la couronne est entraînée en
sens inverse, procurant une marche arrière rapide. En diminuant le rapport de surmultiplication, la
couronne ralentit puis s’immobilise avant de repartir en avant. Dans cette plage, la vitesse maxi est
atteinte quand le variateur est en réduction extrême !

Si le train planétaire est alors verrouillé et la liaison vilebrequin/porte-satellites débrayée, le


fonctionnement en division de puissance cesse et le variateur repart en sens ordinaire pour une
nouvelle plage allant jusqu’à une surmultiplication extrêmement élevée, qui abaisse la consommation
moyenne de 19 à 24 %. Le passage d'une plage à l'autre s'effectuant à régimes synchrones, il est
absolument imperceptible [i].

Note: La chaîne représentée ici dans un schéma pour moteur transversal peut bien entendu être
remplacée par un train d'engrenages.

[i] : Pour chaque puissance demandée un moteur thermique présente un point de fonctionnement où
son rendement est optimal. Avec une transmission d'un nombre de rapports limité, il tourne la plupart
du temps à un régime et sous une charge éloignés de l’idéal. Il doit alors être surdimensionné pour
disposer d'une réserve de couple suffisante. En outre, les changements de rapports causent des
surcharges dynamiques, des interruptions de la traction, des chutes de pression de suralimentation.
Tout ceci lèse la consommation, les émissions et les performances.

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POINT MORT ENGRENÉ (2/3)

Un rapport de démultiplication infini est atteint lors de l'arrêt "point mort engrené". Cette
situation est une "singularité" analogue au "big bang", car un rapport de démultiplication
infini engendre théoriquement un couple infini. Un système de contrôle gérant le rapport
conduirait à de grandes difficultés, difficultés qui sont évitées en ne contrôlant pas le
rapport, mais le couple transmis.

1. Disques moteurs

2. Galets à inclinaison
variable

3. Disques récepteurs

Les pistons contrôlent le couple transmis en poussant ou tirant les axes des
galets tangentiellement par rapport à la ligne d'arbre. Le rapport change en
continu en fonction de l'angle que prennent spontanément les galets.

Notes:
a. Selon les configurations, la disposition des disques moteurs et récepteurs
peut être inversée.
b. L'angle "de chasse" procure la réponse souhaitée.

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POINT MORT ENGRENÉ (3/3)

En effet, les galets disposent d’un total degré de liberté, s'inclinant ainsi d’eux même à
l’angle exact nécessaire pour un « point mort ». Car les dispositifs mécaniques sont
paresseux : ils ne consentent à travailler, tout comme les humains, que lorsqu'ils y sont
contraints… Si l’accélérateur est actionné, la gestion électronique ordonne la montée en
pression de l’huile sur les pistons de commande. Ceux-ci poussent alors les axes des
galets tangentiellement par rapport à la ligne d’arbre, créant une force de réaction.
Dérangés dans leur repos, les galets cherchent un nouvel équilibre composant avec cette
force parasite. Ce faisant, ils transmettent un couple d’autant plus élevé que la poussée
des pistons augmente.

Le changement de rapport peut être fulgurant : un demi-tour de vilebrequin suffirait pour


passer d’un extrême à l’autre, quel que soit le régime ! Le variateur évite ainsi
spontanément au centième de seconde toute surcharge dynamique, par exemple lors
d’un blocage des roues motrices.

L’électronique intègre la gestion du moteur à celle de la transmission et les prototypes


sont dotés d'un papillon motorisé. N’importe quel comportement peut être programmé,
que ce soit celui d’un convertisseur hydrodynamique ou d’une boîte mécanique à
rapports distincts.

Vu d'un disque démonté

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AU VOLANT (1/2)

Moteur à 1200 tr/min, le gros Ford Expedition avance ou recule à volonté cm par cm sur
la pente de 25%. Il semble pouvoir le faire jusqu'à la panne sèche sans surchauffe ni
usure de sa transmission. Plein gaz: il s'élance en avant cependant que le régime monte
rapidement à 3600 tours avant de se stabiliser progressivement à 4200, régime où le
gros V8 donne déjà toute sa puissance.

L'auteur fut parmi les 4 premiers journalistes à essayer l'IVT Torotrak.

Sur l'autre versant, la descente s'effectue aussi


lentement que souhaité, sans les freins, levier sur
R, le Ford repartant même volontiers
progressivement en arrière à la demande.

Puis, sur l'ovale de la piste d'essai du Leyland


Technical Center, il accélère comme un avion au
décollage, ses 265 ch ne faiblissant pas tant que
la vitesse désirée n'est atteinte.

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AU VOLANT (2/2)

En levant le pied à 130 km/h, le régime tombe alors à 1100 tr/min. Il remonte aussitôt à
nouveau en fonction de la puissance demandée, mais sans que l'on sente le moindre
délai de réponse dans la force de traction.

Ici, la surmultiplication maxi permet 130 km/h à 1100 tr/min


avec un rapport de pont de 3.73.

Torotrak n'as pas l'intention de réapprendre la conduite aux conducteurs. Le prototype


essayé ne comporte qu'un seul programme qui simule le comportement d'un
convertisseur hydrodynamique. Un rampement identique à celui de la boîte Ford AOD
d'origine a été programmé. Cependant le passage de D en R ou inversement ne produit
bien entendu aucun choc.

Le levier de commande sous le volant reste celui de série, et comporte les positions P-R-
N-D-2-1. Ces deux dernières procurent un frein moteur efficace, la rétrogradation
s'effectuant avec une progressivité souveraine. Que ce soit dans le trafic ou sur piste, la
transmission Torotrak est extrêmement agréable. Ce n'est que si l'on demande une forte
puissance que le moteur monte en régime. La plupart du temps il tourne à moins de
1500 tr/min et devient quasi inaudible, mais reste prêt à bondir instantanément comme
un félin aux aguets si nécessaire. L'ordinateur choisit continuellement le rapport optimal
et le conducteur est débarrassé de tout souci concernant ce que fait ou va faire la
transmission. En un mot : sensationnel !

Evidemment, l'électronique pourrait programmer n'importe quel nombre de rapports


distincts pour un mode séquentiel, comme sur toutes les CVT actuelles.

BIENTOT EN PRODUCTION ?

9 constructeurs et équipementiers ont acquis des licences, dont Getrag, puis, en 2002,
Aisin-Warner (désormais Aisin AW) et ZF. La firme britannique a équipé en 2001 une
douzaine de Ford Expedition et Chevrolet Suburban/Tahoe, SUVs de 2,3 T propulsés par
des V8 de 5 à 5,4 litres, pour évaluation par leurs constructeurs. Plus de 350 ingénieurs
et cadres de divers constructeurs et équipementiers ont pris le volant de ces prototypes
lors de démonstration en Allemagne, au Japon et à l'usine même. Leurs essais ont été
satisfaisants en tous points. GM a déclaré le concept mûr pour la série, mais préfère
laisser la production à un sous-traitant spécialisé tel qu'Aisin-AW.

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Les essais de versions de présérie se poursuivraient chez Getrag alors que chez Aisin AW
on s'active au développement de prototypes. Une équipe d'ingénieurs de ZF a
longuement séjourné à Leyland et il semble que cette firme aurait elle aussi lancé l'étude
de ses propres versions.

Le développement se poursuit. Ce graphique montre que la série 3a (optimisée)


surclasse la transmission de série (4AT) entre 11 et 90 km/h. La courbe de couple de la
version que j'ai essayée est en rouge. La puissance transmise par le variateur ne dépasse
désormais plus la puissance momentanée du moteur qu'en dessous de 20 km/h. Or à
cette vitesse le moteur ne délivre pas sa puissance maximum car il n'a pas encore atteint
son régime nominal. Le résultat est que même s'il y a bien recirculation de puissance,
celle en transit par le variateur n'est jamais supérieure à la puissance nominale du
moteur.

QUELQUES CHIFFRES, AVANTAGES ET INCONVENIENTS

En diminuant la recirculation de puissance en plage lente, la version 3a a pu être


optimisée pour procurer des performances supérieures. Elle admet une puissance de 320
ch et un copieux couple d'entrée de 550 Nm avec une vitesse maximum par 1000 t/mn
de 100 km/h (légèrement réduite par rapport aux 119 km/h -1000 t/mn du prototype
que j'ai essayé).

Le gain en consommation par rapport à la boîte Ford AOD à 4 rapports et pontage du


convertisseur atteindrait 24 % sur le cycle US combiné metro-highway. A 80 km/h
stabilisés, la consommation du groupe motopropulseur d'origine s'établit à 406 g/kW/h,
alors que la simulation montre 341 g/kW/h pour la Série 3a. Le rendement du variateur
dépasse 90% dans la majorité des conditions de fonctionnement.

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Finalement le type 3 e qui serait basé sur une configuration coaxiale en cours de
développement aurait des dimensions analogues à une transmission automatique
conventionnelle.

AVANTAGES
- Progressivité absolue
- Performances supérieures
- Aptitude exceptionnelle au rampement en montée et en descente
- Réponse transitoire fulgurante
- Conduite relaxante
- Très bas régime en croisière
- Exploitation optimale du moteur
- Consommation en forte baisse
- Stabilité intrinsèque du variateur
- Variateur tournant véhicule arrêté
- Le variateur n'est pas en réduction extrême au démarrage

INCONVENIENTS
- Pas encore en production
- Pas de prise directe

TOROTRAK

Fondée en 1988 en tant que département de BTG, la firme du Lancashire occupe


actuellement une centaine de personnes hautement qualifiées et détient plus de 250
brevets. Elle reprit la technologie développée séparément par diverses équipes –
notamment Perbury et Leyland Trucks – rassembla les ingénieurs et les cadres
compétents, investit dans un bâtiment et des installations flambant neufs comportant
notamment un atelier équipé pour assembler simultanément 10 transmissions, 7 bancs
d'essai de boîte, 2 bancs d'essai à rouleaux pour véhicules, 4 lifts et un hall
d'assemblage. Ses fonds proviennent principalement des 50 millions de £ obtenus en
1998 lors de sa flottaison en bourse à sa séparation de BTG.

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Le bâtiment de Torotrak (toit blanc) est au premier plan, a proximité immédiate
de la piste d'essai du Leyland Technical Centre.

Pour en savoir plus :


http://www.torotrak.com/press/ivt5litresuv.pdf
http://www.torotrak.com/technical_papers.html

L'auteur remercie Geoff Soar et Matthew Burke de Torotrak pour les renseignements
fournis ainsi que Peter Burn pour les photographies.

Auteur : François Dovat, rédacteur technique.

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