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Ouafa Essalhi

Docteur en droit

L'application du code
marocain de la famille
sur le sol européen
(Cas franco-marocain)
Introduction

Les divergences paraissent profondes entre le système juridique


français et le système juridique marocain. Elles concernent le domaine
de statut personnel et la conception même des liens familiaux1.
Il est à craindre que la solution française : soumission de l’état et la
capacité de la personne à la loi nationale, ne soit qu’un voile.
Les « traquenards » de la subtile mécanique des conflits de lois, à
leur tête l’ordre public, feront que l’application de la loi étrangère de
statut personnel (loi marocaine) ne serait qu’exceptionnelle, les diver-
gences dans les conceptions étant profondes2.
L’on ne saurait s’en étonner. Le Maroc, pays musulman, s’est doté
dés son indépendance d’un Code en matière de droit de la famille
qui s’appuie sur ses données religieuses qui sont aussi sociologiques.
Contrairement à son homologue Tunisien, le Code marocain ne
constitue qu’une ébauche, un simple rappel des principes fondamen-
taux du droit musulman classique, tout en prescrivant à l’interprète
de se référer au rite malékite pour les questions qu’il n’envisage pas
expressément.
En effet, ce dit Code, ainsi que son prédécesseur, ont la même
source : la doctrine juridique musulmane connue sous le nom de fikh
et plus particulièrement le fikh malékite tel qu’il est appliqué au Maroc.
D’ailleurs, en sa qualité de commandeur des croyants (Amir-al-
Mouminine), le Roi du Maroc, a bien précisé dans ses directives à
la commission chargée de la préparation du texte qu’il est lié par les

1- F.LAROCHE-GISSEROT, « Le nouveau Code marocain de la famille : innovation ou


archaïsme ? » Rev.dr.inter et comparé, 2005, p.339.
2- B.AUDIT, « Le caractère fonctionnel de la règle de conflit (sur la « crise » des conflits de
lois) », Rec.cours Acad.dr.inter., 1984-III Vol.186, p.586.

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L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

principes de la religion musulmane et qu’il ne peut pas « autoriser ce


que Dieu a prohibé, ni interdire ce qu’il a autorisé ».
Le nouveau Code marocain de la famille est donc un texte qui ne
rompt pas avec les traditions du droit musulman relatives à la famille.
En cas de silence ou d’insuffisance de la règle écrite, le législateur invite
les juges à recourir, pour trouver la solution, au rite Malékite et à
l’effort jurisprudentiel (Ijtihad), terme purement islamique (art 400).
La monarchie marocaine a choisi d’orienter la réforme du Code
Marocain de la famille vers l’optique d’une interprétation moderniste
de la religion en faveur de la famille et de son bien-être. La nouvelle
version a présenté les transformations du droit comme étant le fruit
d’un processus interne de rénovation respectant les exigences de l’Islam
et les valeurs de la société marocaine3. En effet, cette respectabilité
religieuse a été présentée comme étant à la base de la réforme.
Le président de la commission, M.Boucetta, la souligne dans son
explication du projet : « Il s’agissait en outre de présenter à sa majesté
un projet qui respecte les fondements de l’Islam, et de trouver dans
‘Islam, ce qui permet à la société d’avancer et de se mettre au diapason
du monde »4. M.Boucetta a bien confirmé à plusieurs reprises dans
différents entretiens accordés aux quotidiens marocains5 qu’il s’agissait
de mettre en exergue le principe juridique « pas d’ijtihâd en présence
d’un texte écrit »6. Ce qui signifie que la pratique de l’ijtihâd ne doit
pas être appliquée à toutes les situations. Dès lors qu’une situation est
évoquée dans un verset carnique, cette pratique est à exclure.
Par ailleurs l’origine religieuse du Code Marocain de la famille a
été maintes fois soulignée par le roi pour légitimer son adoption : « il
est nécessaire de s’inspirer des desseins de l’islam tolérant, qui honore
l’homme et prône la justice, l’égalité et la cohabitation harmonieuse
et de s’appuyer sur l’homogénéité du rite malékite, ainsi que sur l’ijtihâd,
qui fait de l’islam une religion adaptée à tous lieux et à toutes les

3- Voire notamment, HAJJAMI (AICHA), « problématique de réforme du statut juridique


de la femme au Maroc : entre référentiel et procédure », in Revue de droit et d’économie, Fès,
n°19, 2002.
4- Entretien accordé à L’Essentiel, Mars 2003, Cité par CASEY(C), Débat autour de la réfor-
me du Code de Statut personnel au Maroc : vers une recomposition du champ politique ? Mé-
moire de DEA en science politique, Université Lumière 2, FERJANAI (M-Ch), dir., 2003.
5- Le Matin, el Bayane, Femmes du Maroc, d’Octobre 2003 à Mars 2004.
6- Voir notamment : PARI (S), La pérennité de l’Islam et l’influence occidentale dans l’ordre
juridique du Maghreb, (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie), thèse de doctorat,
Université de Nice Sophia-Antipolis, CHARVIN (ROBERT), dir ; 2004.

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Introduction

époques, en vue d’élaborer un Code moderne de la famille en parfaite


adéquation avec l’esprit de notre religion tolérante ».7
Dès lors, on peut déduire que le Code marocain de la famille est
resté fidèle à la religion musulmane et c’est précisément cette fidélité
qui fera son incompatibilité avec les concepts du droit de la famille
en France. Cette incompatibilité entre ce qui est convenue d’appeler
systèmes juridiques laïques et systèmes juridiques religieux. Autrement
dit, c’est sur le terrain du droit international privé que les différences
se font le plus sentir. « Le droit des relations familiales est la branche
du droit qui conserve les traces les plus nettes des origines culturelles
des divers peuples » écrivait M.RIGAUX8. Ces antagonistes offrent un
champ d’exploration inégalable à la science des conflits de lois. Certains
relèvent, à juste titre, qu’il en « constitue sans doute aujourd’hui le dernier
bastion »9.
C’est dans ce sens que différentes études ont été consacrées à cette
rencontre entre systèmes juridiques laïques et systèmes juridiques
religieux10, sans oublier les articles et les colloques portant sur la même
problématique. Cela illustre à quel degré la cohabitation juridique
des droits appartenant à des univers socioculturels différents, voire
contradictoires est actuellement dans toute l’Europe, la source d’innom-
brables tragédies.
En matière de droit international privé, le problème de conflit
de lois se manifeste essentiellement à travers le droit familial11. En
effet, avec l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et le flux
migratoire croissant, l’émigrant charrie avec lui sa religion sa culture
ainsi que les repères et usages qui forment sa personnalité.
Cette liberté de circulation des personnes a favorisé la croissance
et la multiplication des mariages mixtes ainsi que l’acquisition de la
nationalité du pays d’accueil par des milliers de Marocains établis à

7- Discours Royal du 10 Octobre 2003.


8- M.RIGAUX, préface du livre de M.TAVERNE, le droit familial maghrébin, Algérie, Maroc,
Tunisie et son application en Belgique, édition Larcier, Bruxelles, 1981, p.8.
9- M.-C. NAJM, principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisation,
Relations entre systèmes laïques et systèmes religieux, op.cit., n°8. p.10.
10- P.MERCIER, conflits de civilisations et droit international privé, polygamie et répudiation,
Librairie Droz, Genève, 1972. Aspects méthodologiques, les relations entre systèmes d’Eu-
rope occidentale et systèmes islamiques en matière de Statut personnel », Rec.Cours Acad.
dr.Inet.1988-IV, vol.211.
11- F.RIGAUX, préface du livre de M.TAVERNE, Le droit familial maghrébin, Algérie,
Maroc, Tunisie, et son application en Belgique, édition Larcier, Bruxelles 1981, p.8.

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L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

l’étranger. Cela a aboutit à la complication des litiges familiaux et à


la remise en cause de l’application du principe de la personnalité du
droit qui implique que la personne, là où elle se trouve, soit soumise
à son droit de la famille et que les tribunaux appliquent le droit du
justiciable.
Toutefois, dans la pratique, la gestion des litiges familiaux se com-
plique d’avantage lorsqu’ils sont considérés à l’international en ce sens
que les règles du droit international privé de la famille varient d’un
pays à l’autre12. Au fil des années, les problèmes des familles issues
de mariages mixtes et des Marocains établis à l’étranger n’ont cessé
d’empirer (notamment ceux en lien avec la conclusion du contrat de
mariage, la répudiation, la filiation et la polygamie)13. A cela s’ajoute
un autre problème, à savoir : les principes antérieurement adoptés par le
droit international privé ne sont plus appliqués. En effet, le principe de
la personnalité du droit familial ou de la nationalité a cédé la place pro-
gressivement à la loi du domicile et à la loi de résidence. En d’autres
termes, à la loi du juge saisi.
Cette nouvelle orientation se manifeste par le choix exprimé aussi
bien par les traités internationaux que par les textes internes ou par
les solutions jurisprudentielles dans les pays d’accueil, faisant prévaloir
leurs propres lois afin d’écarter les dispositions du Code marocain de
la famille. Pour argumenter, la Convention de la Haye du 14 mars
1978 s’inscrit dans cette même optique. Elle a retenu le critère du pre-
mier domicile conjugal des conjoints. Il y a lieu de noter également la
primauté constitutionnelle de la Convention européenne des droits de
l’homme et des libertés fondamentales évoquées souvent par les juges
français pour écarter l’application des dispositions du Code marocain
de la famille à la communauté marocaine, jugées comme incompatibles
avec les valeurs fondamentales françaises qui consacrent le principe
de l’égalité des époux. En raison de cette tendance internationale faisant
prévaloir la loi du for, les problèmes relatifs aux mariages mixtes ainsi
que ceux concernant la communauté marocaine établie à l’étranger
constituaient et constituent toujours l’un des points les plus litigieux
et les plus épineux en matière du droit familial.

12- J.DEPREZ, « mariage mixte, Islam et Nation (à propos d’une récente compagne contre
le mariage mixte des marocains) », Rev.algér.études jur.éco.pol., n°1, mars 1975, p.98.
13- J.DEPREZ, « mariage mixte, islam et nation (à propos d’une récente compagne contre
le mariage mixte des marocains) », Rev.algér.études jur.éco.pol., n°1, op.cit., p.9.

8
Introduction

Ainsi, pour les raisons citées plus haut, les juridictions françaises
trouvent souvent refuge dans leur propre législation nationale et se jus-
tifient par la réserve d’ordre public international et les lois de police14.
De ce fait, les principes du droit international privé ont profondé-
ment changé en faisant triompher le principe de la territorialité des
lois, ce qui laisse entendre que le principe de la personnalité des lois,
bien qu’il soit reconnu par le droit international privé, n’est pas facile
à concrétiser sur le plan de la pratique15.
Ce sont tous ces problèmes qui constituent des entravers majeurs à
l’application du Code marocain de la famille à la communauté marocaine
établie en France, objet de la présente étude.
Le premier constat qui s’impose, est d’étudier les origines religieuses
des institutions du Code marocain de la famille incompatibles avec le
système juridique français ce qui constitue un empêchement à leur
application aux marocains établis en France. Un meilleur éclairage
historique est sans doute la meilleure façon de comprendre le fonc-
tionnement d’une institution.
Le deuxième constat nous renvoie directement aux incidences
causées par le refus d’application du droit de la famille marocain par
le juge français et les raisons de ce refus.
L’objectif qui nous a déterminé à entreprendre la présente étude est
d’analyser les problèmes juridiques vécus par la population marocaine
en France en matière familiale. L’attention sera focalisée notamment
sur les conditions de forme concernant la conclusion du mariage dans
les cas des Marocains résidant en France, l’empêchement au mariage
pour disparité de culte, la filiation, la polygamie et la répudiation,
pour la raison que, c’est au niveau de ces matières qu’on relève la
grande incompatibilité entre le droit familial marocain et français,
d’où la difficulté de respecter le principe de la personnalité des lois
dans les cas relatifs à la population marocaine établie en France.
Seront successivement étudiées les conflits de lois relatifs au mariage
monogamique et polygamique (première partie) et ceux relatifs aux
effets du mariage et à sa dissolution (deuxième partie).

14- D.MAYER, « Evolution du statut de la famille en droit international privé », Clunet 1977,
p.477 et suiv.
15- Ibid.

9
Première partie :

Les conflits de lois


relatifs au mariage monogamique
et polygamique :

10
« Fonder une famille est un acte de volonté, parce que c’est un acte
de responsabilité. Chez nous du moins, la chose est ainsi comprise,
l’opposition étant, sur ce point, non pas tant entre maintenant et jadis
qu’entre l’occident et l’orient.
La famille tribale des sociétés orientales n’a pas à être fondée. Elle
émerge d’un passé indéfini, et elle est poussée vers un avenir dont elle
n’a pas souci de maîtriser la portion la plus immédiate ».
Ces lignes sont de M.Carbonnier16. L’auteur vise t-il également les
sociétés islamiques pour que ses propos concernent le cas marocain ?
L’ouverture sur le plan international exige l’acceptation de « L’autre »,
malgré les écarts dans les conceptions, qu’elles concernent la matière
du mariage monogamique (titre premier) celle du mariage polygamique
(titre deuxième) ou toute autre matière. Les relations internationales
sont à « ce prix ».

16- J.CARBONNIER, Flexible droit, paris, 1996, p.127.

11
Titre premier
Les conflits de lois relatifs au mariage
monogamique

L’Université de l’institution du mariage ne fait aucun doute. M.Le


Doyen Batiffol fait remarquer que « dans les cinq parties du monde et
à toutes époques, il y a eu des hommes et des femmes et le problème de
l’union des sexes s’est posé aux législateurs17. Qu’elle soit « Construite
sur une base religieuse ou simplement morale, elle ne se conçoit guère
sans une certaine homogénéité juridique autant que spirituelle ».18
Pourtant, sa définition varie avec le temps et les lieux19 et cette
homogénéité juridique ne peut, souvent, qu’être « altérée ». Les rela-
tions franco-marocaines en sont l’illustration. L’opposition des deux
systèmes qu’il s’agisse des questions de fond (chapitre II) ou de forme
(chapitre I) du mariage aboutira souvent à ce que l’on a pu qualifier
de : « Monstruosité juridique, à laquelle nul internationaliste ne devrait
se résigner, celle de deux époux mariés dans un pays et non dans
l’autre ».20

Chapitre I : la forme du mariage dans les relations


franco-marocaines :
Aux termes de l’article 14 du Code marocain de la famille : « Les
marocains résidant à l’étranger peuvent conclure leur mariage selon
les procédures administratives locales, pourvu que soient réunies les
17- BATIFOL : « Droit comparé, Droit international privé et théorie générale du droit », in
« choix d’articles rassemblés par ses amis », L.G.D.J 1976, p.340 paru originairement à la
revue internationale de droit comparé 1970 p.661.
18- NIBOYET : traité t.1.p.127.
19- Il s’agit là d’une diversité qui est familière au droit international privé. En ce sens PH.
MALAURIE, Mariage et concubinage en droit français contemporain. Archives de la phi-
losophie du droit. t.20, p.17.
20- GANNAGE, Le rôle de l’équité dans la solution des conflits de lois, thèse Lyon, 1947,
imprimée à paris en 1949,p. 62.

13
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

conditions de consentement, de capacité et de tuteur matrimonial le


cas échéant et qu’il n’y ait pas d’empêchements légaux et pas de renon-
ciation à la dot et ce en présence de deux témoins musulmans tout en
observant les dispositions de l’article 21 ».
Du point de vue théorique, le but de cet article est de prendre en
considération les conditions des marocains résidant à l’étranger, en
leur facilitant la procédure de mariage par le biais de la conclusion de
leur mariage conformément aux procédures administratives locales.
Quant aux conditions de fond, elles doivent être strictement observées.
De ce qui précède, on constate que les mariages célébrés devant l’officier
d’état civil (section I) restent ouverts aux Marocains en France.
Les dispositions de l’article 14 du nouveau Code de la famille dé-
montrent la volonté du législateur de surmonter les difficultés pratiques
rencontrées par la communauté marocaine résidente à l’étranger en
général et particulièrement en Europe concernant la forme de leur
mariage.
Toutefois, le chemin reste long et laborieux pour résoudre les pro-
blèmes et surmonter les difficultés dont souffre la situation juridique
de la famille résidente en Europe. A ce titre nous exposerons quelques
exemples qui illustrent ces difficultés concrètes (section II).

Section I : La célébration du mariage devant l’officier


d’état civil français

Plusieurs formalités doivent être observées par l’officier d’état civil


au moment de la réalisation du mariage (parg I), auxquelles s’ajoutent
des observations complémentaires et postérieures (parag II).
Ainsi l’officier de l’état civil appelé, en France, à célébrer un mariage
d’un Français et d’un étranger doit avoir à l’esprit l’existence de deux
législations : lois nationales parallèles distributives de chacun des
époux pour les conditions de fond et loi nationale du lieu de célébration
du mariage selon la règle « locus regit actum ».21

21- G.AUVIOLAT, « Les formalités applicables au mariage mixte célébré en France », AJ


famille, juin 2007, p.246 et suiv. J.KAHN, « Contrôle du parquet », AJ Famille, juin 2007,
p.250 et suiv.

14
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Parag I : Réalisation du mariage


Quant aux conditions de forme, l’officier de l’état civil français res-
pecte avant tout les dispositions prévues pour un mariage en France,
loi du lieu de célébration, après avoir avisé les futurs époux du risque
d’annulation ou de non – reconnaissance valable à l’étranger si les
conditions de leur loi nationale ne sont pas respectées.
A ce titre se retrouvent les prescriptions suivantes :
• Justification de la capacité matrimoniale de l’époux étranger
selon les dispositions de sa loi nationale22.
• Pas d’exigence d’une résidence en France depuis au moins un
mois pour le futur époux étranger, l’autre futur étant français23,
le caractère irrégulier du séjour ne faisant pas obstacle par lui-
même au mariage.
• Publication des bans en France ; publication à l’étranger par les
soins et à la diligence du futur époux étranger dans la mesure où
cette formalité est requise par la loi étrangère.
Cette formalité n’est apparemment pas requise au Maroc24.
• Application de la loi du 14 novembre 2006 (art.7-I-1°), contrôle
de la validité et de la régularité des documents étrangers (force
probante des actes de l’état civil, portée des éléments contenus :
examen du droit applicable à l’état et à la capacité).25
• Relevant de la loi nationale française, seront appliquées les dis-
positions générales concernant les formes de rédaction de l’acte
de mariage, les mentions à respecter et les modalités de signatures.
L’exigence d’un certificat prénuptial a été supprimée par la loi
n°2007-1787 du 20 décembre 2007, article 8-1.
• Prescription découlant de l’article 63-2° du code civil, audition
des futurs époux, ensemble ou séparément, par l’officier de l’état
civil avant la publication des bans sauf s’il apparaît qu’elle n’est
pas nécessaire (sincérité des futurs époux, intégralité de leur
consentement), ou si elle s’avère impossible26.

22- Les droits maghrébins des personnes et de la famille à l’épreuve du droit français, sous la
direction de J.POUSSON-PETIT, L’Harmattan, 2009, p.422.
23- V.LARRIBAU-TERNEYRE, note s/cons. const. 9nov.2006.
24- Instr.gén.n°539-1 et 541.
25- CH.BIDAUD–GARON, « Identité des parties et actes de l’état civil étrangers »,
dr.patrim, juin 2007, p.44 et suiv. ;M.REVILLARD, Le contrôle de la validité des mariages,
Defrénois, 2007, p.847, n°14 et suiv. et n°32 et suiv.
26- A.LAMBOLEY, J.cl. Répertoire Notarial, V°.Mariage, fasc.90 n°16 et suiv.

15
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Si l’un des époux est maghrébin et s’il réside à l’étranger, son audition
peut être réalisée par l’agent diplomatique ou consulaire compétent,
de manière à ne pas faire obstacle à l’audition prescrite. Mais l’impossi-
bilité d’une audition commune ne manquera pas de soulever de nom-
breuses difficultés.27

Parag II : Observations complémentaires et formalités


postérieures :
Seront respectivement analysées les observations complémentaires
dans une première étape (A) et dans une deuxième étape les formalités
postérieures (B).

A- Observations complémentaires :
Se retrouvent, avec une acuité accrue, les conditions de fond de
tout mariage : consentement vicié pour défaut d’intention conjugale,
absence de consentement erroné. Le non-respect entraîne une nullité
inévitable.
Lorsqu’il existe des indices sérieux d’annulation possible du mariage
(mariages blancs - mariages clandestins - mariages simulés ou de com-
plaisance) l’officier de l’état - civil peut saisir sans délai le procureur
de la république qui peut ordonner de surseoir ou faire opposition au
mariage28.
Les juges ont toutefois tendance à interpréter le texte légal d’une
manière assez restrictive. Ainsi, ni la situation irrégulière du futur
époux sur le territoire français, ni une importante différence d’âge (17
ans) avec la future ne constituent, a priori, des indices sérieux29. Le
procureur de la République doit donc justifier de l’absence d’intention
matrimoniale ou de l’existence du mariage frauduleux.
Bilatéralisation de l’impossibilité pour un Français et un étranger
de se marier à l’étranger devant les agents diplomatiques ou consulaires,
un consul étranger n’a pas compétence pour célébrer en France le
mariage d’une étrangère et d’un Français30.

27- Cass.civ. 1ére 9 janvier 2007, D. 2007, Act. juris., p.449, note C.DELAPORTE-CARRE ;
J.MASSIP note s/Cass.civ.6 février 2007, Defrénois 2007, p.535 et suiv.
28- A.LAMBOLEY,j.cl. Répertoire Notarial, v° Mariage, fasc.E1,n°58 et suiv.et fasc.90, n°15.
29- TGI paris 5 juillet 2002, Dr.fam.2002, n°138, note H.LECUYER.
30- TGI paris 22 décembre 1981 rapporté, Jcl Répertoire Notarial, V° Mariage, fasc. 140, n°94.

16
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

B- Formalités postérieures :
L’acte de mariage, pour produire effet au Maroc, fait l’objet d’une
transmission par les services consulaires.
Selon l’article 6, 3°al. de la Convention franco-marocaine du 10
août 1981, l’officier de l’état civil doit informer le ressortissant marocain
que la validité de l’union entre un époux marocain et un époux français,
au regard de la loi marocaine, est subordonnée à l’enregistrement de
ce mariage par les fonctionnaires consulaires marocains après justi-
fication de la célébration. Pour le professeur F.Sarehane il ne s’agit
pas d’un simple enregistrement mais d’une nouvelle célébration en la
forme marocaine31.
Ainsi, l’officier de l’état-civil, en présence de mariages mixtes, doit
délivrer des copies de l’acte de mariage pour remise aux époux et aux
services consulaires compétents et informer le conjoint marocain de
la faculté d’acquérir la nationalité française selon le décret du 20 août
1998.

Section II : Les difficultés pratiques relatives à la forme


du mariage des Marocains résidents en France

Plusieurs difficultés résultent de l’application des dispositions du


Code marocain de la famille concernant la conclusion du mariage des
Marocains résidents en France32. Les unes découlent de l’application
de l’article 14 (parg I) ; les autres en revanche sont relatives à l’article
17 (parg II).

Parag I : les difficultés relatives à l’application de l’article 14


Le nouveau Code marocain de la famille n’a pas omis les Marocains
résidents à l’étranger et dont il admet qu’ils puissent conclure le
mariage conformément aux procédures administratives de leur pays
de résidence (art.14). Mais pour que ce mariage soit valable au Maroc
(entre les parties) et opposable aux tiers dans ce pays, il devient néces-
saire de :
31- F.SAREHANE, j.cl., fasc.4, n°80 et 89.
32- Concernant ces difficultés, on s’est basé sur nos observations et analyses, à travers des
documents et rapports du Ministère de la justice et des affaires étrangers, élaborés par les
représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger. Aussi, nous avons eu l’occasion de
passer un séjour en France pendant les mois de juillet et août 2010 où nous avons mené des
enquêtes sur terrain.

17
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

- Remplir les conditions prévues à l’article 14 et qui sont les condi-


tions de fond du mariage en droit marocain, à savoir : l’échange des
consentements, dix-huit ans de majorité matrimoniale des futurs
époux, la présence d’un tuteur matrimonial en cas de besoin, l’ab-
sence d’empêchements au mariage, l’inexistence de clause excluant
la dot, la présence de deux témoins musulmans au moment de la
conclusion de l’acte, et, si l’un des fiancés a moins de 18 ans révolus,
le consentement du tuteur, conformément à l’article 21.
Déposer une copie de l’acte de mariage aux services consulaires
marocains dont relève le lieu de la conclusion du mariage, et ce, dans
un délai de trois mois, à compter de l’acte.
A défaut de ces services, envoyer une copie de l’acte de mariage,
dans le même délai, au ministère des affaires étrangères à Rabat. Le
législateur laisse à ce ministère le soin de faire parvenir la copie en
gestion à l’officier d’état civil et au service de la justice de famille du
lieu de naissance de chacun des époux. Il faudrait ajouter que si le
Marocain est résident dans un pays non francophone, l’acte doit à
tout le moins être traduit en français.
- Si l’un des époux n’a pas ou les deux époux n’ont pas leur lieu
de naissance au Maroc, la copie est envoyée (par le ministère des
Affaires étrangères) au service de la justice de famille à Rabat et au
procureur du roi prés le tribunal de première instance de Rabat33.
Cet ensemble de mesures, destinées en toute bonne foi à aider les
Marocains résidents à l’étranger à faire reconnaître leur mariage au
Maroc, va sans doute compliquer l’existence à certains, même sur le
très long terme. Car dans la pratique, certains Marocains en contact
avec des consulats peuvent leur demander le certificat de célibat exigé
à leur mariage dans le pays de résidence et par là même se renseigner
sur les dispositions indispensables à la validité de l’acte de mariage au
Maroc.
D’autres Marocains et Marocaines ne penseront pas forcément
à cette démarche et ignoreront tout du contenu de la Moudawana,
voire de son existence. Beaucoup ont pris la nationalité du pays de
leur résidence et ne se sentent plus dans le besoin de mettre à jour leur
dossier à l’ambassade ni de refaire leur passeport.

33- « Le nouveau Code marocain de la famille », Gazette du palais, spécial contentieux judi-
caire, n°247-248, 4 septembre 2004, p.3.

18
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Par conséquent, des Marocains vont se marier sans tenir compte


des exigences de l’article 14 de la Moudawana. L’épouse peut, par
exemple, avoir moins de 18 ans en France et pas de wali ; on ne pensera
pas forcément à la nécessité de deux témoins musulmans-peut être
introuvables-ni même à la dot, et, bien entendu, on peut ne pas penser
au dépôt d’une copie de l’acte de mariage au consulat marocain, ni
dans le délai des trois mois prévus par la loi, ni au-delà. Pareils cas de
figure se présenteront à tout le moins de temps à autre.
D’autres Marocains n’en arriveront même pas là. Le simple fait de
découvrir tant de conditions à remplir et de démarches compliquées à
faire peut les dissuader du mariage marocain. On ne peut pas passer
plusieurs mois à se marier !34
L’on pourrait arguer de ce que ces Marocaines ou Marocains d’ori-
gine pourraient toujours régulariser leur situation au Maroc. Or, qui
dit régularisation, particulièrement en l’absence de toute procédure
spécifique à ce cas d’espèce, dit à coup sûr marathon administratif et
judiciaire, avec des chances qu’il soit désespérément long et lent. Ces
époux abandonneront la course…Ils l’abandonneront d’autant que
dans leur pays de résidence en Europe, ils sont habitués à des procé-
dures administratives hypersimplifiées qui souvent n’exigent même
pas leur déplacement. Ils abandonneront aussi la course, simplement
parce qu’ils n’ont pas le temps. L’humanité a de plus en plus besoin
non pas d’une légalisation de délais, mais d’une législation de grâce.
Une autre observation sur les articles 15 et 16.35
Rappelons qu’aux termes de ces articles, le législateur fait au Maro-
cain qui se marie à l’étranger et voudrait que son mariage soit valable au
Maroc obligation de déposer, dans un délai de trois mois, une copie
de l’acte aux services consulaires marocains ; à défaut, cette copie doit
être envoyée, dans le même délai, au ministère des Affaires étrangers
à Rabat qui se chargera de la faire parvenir à l’officier d’état civil et
au service de la justice de famille du lieu de naissance de chacun des
époux, voire au service de la justice de famille de Rabat et au procureur
du Roi prés le tribunal de première instance de Rabat, si le Marocain
marié n’est pas né au Maroc.

34- F.LAROCHE-GISSEROT, « Le nouveau Code marocain de la famille : innovation au


archaïsme ? » Rev.dr.int et comparé, 2005, p.339.
35- Ibid.

19
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Outre qu’il s’agit, là encore, d’un marathon administratif indéchif-


frable pour le profane, le Code ne fait aucune obligation, ni au consulat
ni au ministère des Affaires étrangers, d’accuser réception de l’acte
de mariage envoyé par un Marocain résident à l’étranger, Le Code ne
fait aucune obligation à la justice marocaine d’informer ce Marocain-
ce qui est son droit- que l’acte envoyé par ses soins au Maroc a bien
été enregistré à tel état civil et que son mariage est reconnu au Maroc.
Que doit faire ce Marocain, une fois de retour au pays, pour vérifier
que cet acte de mariage est bien arrivé et bien enregistré ? Aurait-il
d’abord la présence d’esprit de prendre le temps de s’assurer de cet
enregistrement ? Combien de jours cela lui prendrait-il sur ses vacances à
la moindre maldonne ? Et surtout qu’en penserait-il ? Quelles conclu-
sions en tirerait-il, voilà le problème.36
Quand l’un des conjoints marocains ou d’origine marocaine marié
à l’étranger viendrait à mourir plus tard comme c’est le destin de tout
un chacun, le conjoint survivant pourrait avoir la désagréable surprise
de constater que la copie de l’acte de mariage remise par ses soins
au consulat ou envoyée à Rabat, plusieurs décennies auparavant, n’a
jamais été enregistré à l’état civil du lieu de sa naissance. Comment
pourrait-il prouver la remise ou l’envoi de cette copie alors qu’il n’a
jamais reçu d’accusé de réception ? Pas de mariage reconnu, pas de
qualité d’héritier et pas d’héritage. Comment ce conjoint survivant
pourrait-il régulariser sa situation et à quel prix ? N’importe comment
il le fera à fonds perdus. Le Code ne prévoit aucun règlement rapide
de pareils problèmes.37

Parag II : les difficultés relatives à l’application de l’article 17


L’article 17 du Code marocain de la famille traite des formes de la
célébration du mariage dans les cas où l’une des parties, dans l’impos-
sibilité d’être présente à la conclusion de l’acte, donne mandat à un
tiers pour contracter celui-ci en son nom.
Le mandat n’est pas neuf en droit international privé marocain.
L’article 10, ancien, autorisant le mandat. Le texte de l’article 17 du
nouveau Code est plus détaillé.

36- H.SELMAOUI, Le droit civil marocain : entre droit musulman et droit français, thèse
Toulouse 2006, sous la direction de M.B.BEIGNIER,p.50.
37- M.REVILLARD, contrôle de la validité des mariages : incidences de droit international
privé ; Defrénois, 15 juillet 2007, p.847.

20
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

En principe, le mariage entre époux marocains « […] est conclu en


présence des parties contractantes ».
Le Code prévoit toutefois que mandat peut être donné à cet effet,
sur autorisation du juge, moyennant le respect de six conditions qui
sont énumérées de façon précise à l’article 17 et peuvent se résumer
comme suit : circonstances particulières (1) ; écrit(2) ; mandataire majeur
(3) ; identification de l’époux (4) ;précision de la dot et d’autres éléments
du contrat(5) ; contrôle du juge (6).
L’article 18, nouveau, reprend intégralement le texte de l’ancien
article 10, interdisant au juge de se charger personnellement de
conclure, soit par lui-même, soit par ses ascendants ou descendants,
le mariage d’une personne soumise à sa tutelle.
Comment comprendre la condition posée à l’article 17, 1°, qui pré-
suppose, pour le mariage par procuration, « l’existence de circonstances
particulières empêchant le mandat de conclure le mariage en personne » ?
Cette hypothèse vise-t-elle la situation des Marocains résidents à
l’étranger en séjour précaire ? Peut-on considérer que la précarité,
voire l’absence de titre séjour, les empêche de rentrer au pays d’origine
et de conclure eux-mêmes le contrat de mariage ? Cette disposition
est maintenue pour les cas exceptionnels d’impossibilité absolue pour
l’une des parties d’être présente à la conclusion de l’acte. Il s’agit tou-
jours d’assouplir les formalités de mariage pour les Marocains résidant
à l’étranger38. Cette précision laisse entendre que le juge marocain,
saisi d’une demande d’autorisation pour les MRE de se faire mandater
pour conclure son mariage au Maroc, pourra accepter l’impossibilité,
pour les MRE sans titre de séjour en Europe, de rentrer au Maroc pour
contracter mariage, comme une situation au sens de l’article 17,1°39.
Ce motif particulier pour maintenir le mandat en droit interne
marocain risque à l’avenir de multiplier le nombre de mariages par
procuration engageant des MRE se trouvant en situation de séjour
précaire. L’exemple de la Belgique permet de l’illustrer. Le risque
découle de la combinaison de deux règles : d’une part , le droit belge
ne fait pas obstacle à la célébration au Maroc du mariage engageant
des MRE, d’autre part, l’article 47 du nouveau Code belge de droit

38- MARIE-CLAIRE FOBLETS et JEAN-YVES CARLIER, le Code marocain de la


famille, Incidences au regard du droit international privé en Europe, Bruylant, bruxelles,
2005, p.22.
39- Ibid , p.23.

21
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

international privé qui désigne le droit applicable aux formalités


relatives à la célébration du mariage, dispose que celles-ci sont régies
par le droit de l’État sur le territoire duquel le mariage est célébré. Il
en découle que les MRE qui retourneraient se marier au pays, seront
donc soumis aux modalités du droit interne marocain.
Il peut en aller de même pour les MRE qui ne retournent pas physi-
quement au Maroc pour se marier, mais s’y marient par procuration.
Moyennant le respect des six conditions mentionnées ci-dessus, y
compris l’obtention de l’autorisation du juge marocain compétent, rien
n’empêche donc que le mariage par procuration, engagé au Maroc par
des MRE, puisse être considéré comme parfaitement légal. L’article
47 du nouveau Code belge de droit international privé, en son dernier
alinéa, va même jusqu’à prévoir cette hypothèse : « […] le mariage
peut avoir lieu par procuration ». Cette dernière disposition pourrait
surprendre, elle semble effectivement aller à contre-courant de la politi-
que migratoire que mène un nombre croissant de pays européens ces
dernières années. Celle-ci est axée sur le renforcement du contrôle
des situations ouvrant le droit au regroupement familial, le mariage
constituant de loin la situation la plus fréquente40. Aujourd’hui en
Europe, on se méfie des demandes de regroupement familial, en par-
ticulier de celles qui, pour créer une situation matrimoniale donnant
droit au regroupement familial, ont recours à des figures juridiques
inconnues de la lex fori. Le mariage par procuration compte parmi
celles-ci, il est souvent considéré contraire à l’ordre public. Les autorités
administratives et judicaires se méfient des mariages contractés hors
Europe par l’intermédiaire de personnes mandatées41. En conséquence,
les effets de ces mariages, notamment en matière de regroupement
familial, sont contestés. Le législateur français, pour parer aux abus,
a introduit voici quelques années un article 146-1 dans le Code civil

40- Voyez notamment :S.VAN WALSUM, (Droit des étrangers et vie familiale, partie I :
droit international ;partie II :droit national), Migrantenrechet, 2004, n°4 et 5, p.136-146 et
180-190; H.U.JESSURU d’Oliveira, (Regroupement familial en Europe. Les travaux du
conseil de l’Europe et de l’U.E.), in migratie-en migrantenrecht (tomeVII), Bruges, La charte,
2002, p.251- 277.
41- Civ.Bruxelles, 18 décembre 1990, J.T ; 1991, p.242 ; voyez aussi : FR.RIGAUX et
M.FALLON , Droit international privé, 2005, n°12.50.

22
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

qui rend nul le mariage d’un Français à l’étranger hors sa présence42.


La Belgique a tranché en faveur d’une solution qui est à l’opposé de la
position française. Une lecture combinée de l’article 47 du nouveau
Code belge de droit international privé vient en quelque sorte brouiller
les cartes du combat mené par certains en Europe contre les mariages
par procuration. Cette lecture laisse entendre que les MRE désireux
de se marier au pays d’origine par l’intermédiaire d’un tiers jouissent
de la sollicitude du législateur tant au Maroc, qu’en Belgique. Cela
n’étonne pas de la part du codificateur marocain, qui par rapport au
mandat, n’a fait que proroger une situation existante. De la part du
législateur belge, le choix paraît moins évident : en Belgique, la loi belge
de droit interne interdit en effet les mariages par procuration.
Pour savoir si la position belge par rapport au mandat entraînera,
en pratique, une recrudescence des mariages par procuration entre
MRE, il faudra toutefois attendre de connaître l’application que feront
les juges marocains de la condition posée à l’article 17 : « […] l’exis-
tence de circonstances particulières empêchant le mandant de conclure
le mariage en personne », pour permettre à des MRE de déroger au
principe de la présence des deux époux à la célébration de leur mariage.

Chapitre II : Les conditions de fond du mariage


et les conflits de lois franco-marocaines

S’agissant de mariage mixte, il est une règle bien établie en droit


français : application distributive des deux lois nationales concernant
chacun des futurs époux43. Les conditions d’aptitude se vérifient au

42- La dernière loi sur l’immigration du 26 novembre 2003 (dite loi Sarkozy) a encore modifié
les textes du code civil (modification des articles 63 et 170 du code civil) sur le mariage pour
lutter contre les mariages forcés et les mariages de complaisance. Les deux époux doivent
être reçus par l’officier d’état civil (ou les services consulaires pour les mariages à l’étranger)
avant la célébration du mariage (voyez : D.TURPIN, « les nouvelles lois sur l’immigration
et l’asile dans le contexte de l’Europe et de la mondialisation », Rev. crit. dr. int. pr., 2004,
p.311 et 393, partie 323). En revanche, en Belgique, le nouveau code de droit international
privé prévoit expressément que c’est la loi du lieu de la célébration du mariage qui détermine
toutes les conditions de forme et notamment « selon quelles modalités le mariage peut avoir
lieu par procuration. »
43- M.REVILLARD, Droit international privé et pratique notariale, éd. Defrénois, 2004,
n°86 ; I.BARRIERE BROUSSE,JCL Répertoire Notarial, Droit international, V° Mariage,
fasc.130,n°29 et suiv.

23
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

regard de la législation de chaque époux44. Dans la pratique, ces règles


de conflit masquent la réalité des relations franco-marocaines.
Parmi les conditions de fond du mariage, certaines (âge, capacité,
consentement) concernent tout particulièrement l’aptitude de chaque
conjoint au mariage, ce sont les empêchements unilatéraux. Ainsi, pour
exprimer valablement son accord ou son consentement au mariage il
est renvoyé aux dispositions générales concernant la capacité.
Seules les personnes pouvant émettre un véritable et valable
consentement ont la possibilité de se marier, application normale de
la capacité civile (France 18ans-Maroc 18ans). Chaque époux doit
respecter la condition d’âge fixée par sa propre législation.
Le mariage suppose d’une manière générale le consentement des
deux futurs époux, mais les législations nationales peuvent diverger
s’agissant d’en apprécier l’objet et l’intégrité. Des conflits de lois peuvent
donc surgir à ce niveau. De plus, le consentement des époux n’est pas
toujours le seul requis, celui des parents a parfois à intervenir45.
Le principe ancien « consensus facit matrimonium » repris dans
l’article 146 du Code civil : «il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point
de consentement », affirme la dimension personnelle du mariage.
Le consentement solennisé des époux trouve place aussi bien en
droit français qu’en droit marocain et se retrouvent les mêmes alté-
rations : utilisation du mariage à des fins étrangères, consentement
altéré au voisinage de l’erreur ou de la fraude.
Outre ces conditions de fond du mariage qui constituent des
empêchements unilatéraux ; D’autres conditions comme l’empêchement
religieux vise les deux époux avec l’impossibilité d’une application distri-
butive de chaque loi nationale ; il s’agit d’un empêchement bilatéral.
Autrement plus sérieuse est la règle concernant les empêchements
au mariage pour disparité de culte entre les époux. En droit marocain,
traditionnellement, un musulman peut épouser une femme non musul-
mane pourvu qu’elle appartienne à une religion du Livre : christianisme,
judaïsme. En revanche, une femme musulmane ne peut épouser un
homme qui ne soit pas de confession musulmane46.
44- M.REVILLARD, op. cit., n°87 ; A.ARDILLIER, pratique notariale et droit international
privé, cridon ouest, 2006, p.20.
45- I.BARRIERE BROUSSE, op. cit., n°49 et suiv.
46- Code fam. marocain. art. 39 ; F.SAREHANE, J-Cl. Notarial Répertoire, législation com-
parée, « MAROC », le statut personnel : droit commun. Capacité. Mariage. Filiation , fasc.2-
1, n°134 ;H.SELMAOUI, le droit civil marocain : entre droit musulman et droit français,
thése Toulouse 2006, sous la direction de M.BEIGNIER,p.46 et suiv.

24
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Cet empêchement procède du Coran, II, 221 « Quant au mariage de


la musulmane avec le non-musulman, cela est considéré unanimement
comme une apostasie à moins qu’il n’embrasse réellement l’islam… »47
(Section I).
Doctrine et jurisprudence françaises voient dans ce cas d’empêche-
ment au mariage une disposition contraire à l’ordre public national et
comme heurtant l’égalité des personnes et la liberté matrimoniale48
(section II).
Ainsi, la disposition marocaine, qui interdit à la femme d’épouser
un non musulman, est écartée car elle a été jugée contraire à l’ordre
public international malgré la règle traditionnelle de droit international
privé imposant l’application cumulative des empêchements.49

Section I : Le fondement de l’empêchement au mariage


pour disparité de culte et ses effets

Le droit musulman est la source principale de la législation familiale au


Maroc. Ceci justifie la présence de l’interdiction tenant à la disparité
de culte précitée (parag I). En effet, la doctrine dominante classique
musulmane considère qu’il est totalement interdit à une musulmane
de se marier avec un non musulman. Parmi les effets qui découlent de
cette interdiction, on peut citer la possibilité de faire répudier la femme
musulmane de son mari apostat par le juge (parag II).

Parag I : L’empêchement au mariage pour disparité de culte dans le


Coran et appréhendé par le droit positif :

A- L’empêchement au mariage pour disparité de culte dans le


Coran :
Les arguments avancés par la doctrine dominante classique
musulmane sont multiples. On a considéré que les versets coraniques
suivants imposent explicitement cet empêchement :

47- Le Coran, traduction par le Dr SALAH ED-DINE KECHRID, éd. dar al-gharb al-
islami, Tunis, 2003, p.31, note2.
48- I.BARRIERE BROUSSE, op. cit., n°102 ; 9 juin 1995, D.1995, D.1996, Som.171, obs.
B.AUDIT.
49- C.A. paris 7 février 1990, JDI, 1990, p. 977.
- C.A. paris 7 juin 1996, D 1996, IR, 172.

25
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

• « Ne donnez pas en mariage vos filles à des associants, avant qu’ils


ne croient. Un esclave croyant vaut assurément mieux qu’un
associant, ce dernier vous plut-il50 » (verset 221 de la sourate II).
• « Croyants, quand les croyantes émigrées viennent à vous, exa-
minez les, mais Dieu connaît leur foi. Si vous les reconnaissez
croyantes, ne les renvoyez pas aux incroyants, elles ne leur sont
plus permises, ni eux ne le sont pour elles51 » (10 : LX).
Ces versets retiennent clairement l’interdiction du mariage de la
musulmane avec un non musulman. Mais, comment justifier cette
interdiction à sens unique ? par le fait que l’Islam a prévu une exception
en faveur de la Kitabia (femme appartenant aux gens du livre), répon-
dent certains, car celle-ci croit en « une religion divine » et possède un
livre comme « la Torah de Moïse ou la Bible de Jésus »52.
Un autre auteur écrit : « l’époux Kafir ne reconnaît pas la religion
de la musulmane, bien pire, il infirme son Livre et renie la mission de
son prophète. Aucun foyer ne peut être stable et aucune vie commune
ne peut survivre en présence de cette dissemblance»53.
Autrement dit, l’interdiction du mariage de la musulmane avec un
non-musulman est due principalement à ce que la femme suit générale-
ment son mari, et l’homme à d’habitude plus d’influence sur son épouse
que la femme sur son époux, ainsi que l’islam est une religion qui a un
certain nombre d’objectifs y compris les deux objectifs suivants :
• Le premier est que les gens le connaissent clairement sans confu-
sion ou ambigüité, une connaissance qui les mène à croire qu’il
s’agit de la vraie religion, pour cela elle a permis au musulman
d’épouser une non-musulmane à condition qu’elle soit des gens
Livre, c’est-à-dire une juive ou une chrétienne, car au moins elle
croit en Dieu et la révélation, indépendamment de la nature de
cette foi. Autrement dit, une juive ou une chrétienne est plus

50- Coran, Essaie de traduction, J. BERQUE, ALBIN MICHEL, 1995, p.56.


51- Le Coran, traduction de J. GROSJEAN, points 1979, p.322.
52- M. KACHBOUR, « Al_Wassit fi qanoun al_ah’ Wal al_chakhsiya » (précis de droit du
statut personnel), Matbâat Al_najah Al_jadida, 1999, p.153 et 154 ; A. CHAHBOUNE,
« Charh’ moudawanath al_ah’wal al_chakhsiya, al_zawaj, al_talaq, al_wilada wa nataîjouha »
(commentaire de la Moudawana du statut personnel marocain, mariage, répudiation, la nais-
sance et ses effets), Matba’ath al_Najah al_jadida 2000, t.I, p. 112 et 113.
53- A. SABIQ, « Fiqh al_Sunna », le droit issu de la Sunna) Dar al_Fikr, Beyrouth 1983,
t.II, p.92 et 94. Nombreux sont les auteurs qui avancent les mêmes arguments. Entre autres,
M.N.Al_SHAZILI, « A’hkam al_usra fi al fikh al_islami » (les lois de la famille dans la juris-
prudence musulmane), Dar al_nahda al_’arabiya, 1989, Le Caire, p.120 et 121.

26
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

proche que d’autre de la compréhension du message de l’islam,


surtout lorsqu’elle se marie avec un musulman pratiquant dans
ses paroles et dans ses actes, quand elle aperçoit de son mari
les mœurs de l’Islam et sa bonne conduite, son comportement
convenable envers elle comme l’islam a ordonné, cela peut causer
sa conversion en islam.
• Le deuxième objectif est de maintenir l’attachement de ses disci-
ples à lui, et donc il ne les expose pas à ce qui aurait un impact
sur leur foi en lui, c’est ce que l’islam appelle « La Fitna dans la
religion » (l’épreuve ou la tentation dans la religion).

B- L’empêchement au mariage pour disparité de culte appréhendé


par le droit positif :
L’article 29-5 de la Moudawana marocaine (39-4 du nouveau Code
de la famille), dispose que le mariage de la musulmane avec un non
musulman est nul et que la sanction nécessaire est la nullité54. La
prohibition du mariage de la musulmane avec un non musulman est
appliquée aux relations privées internationales par l’intervention de
l’ordre public.
Cette interdiction est appuyée par la promulgation en 1960 d’un
Dahir relatif au mariage entre Marocains et étrangers qui considère
comme obligatoire le respect des « conditions de fond et de forme pré-
vues par le Code de statut personnel du conjoint marocain » dans tous
les mariages mixtes55.
Toutefois, au Maroc, l’interdiction peut être levée par la conversion
du non-musulman à l’Islam et la satisfaction de quelques conditions
fixées par des circulaires du ministère de la justice56.
Les commentateurs des Codes de statut personnel dans les pays
musulmans, et qui sont dans leur grande majorité des fuqâha, adoptent
quasi unanimement le même raisonnement pour justifier les textes
de droit positif interdisant à la musulmane de se marier avec un non-
musulman57.

54- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, L’Harmattan,


2009, p.41.
55- KHALID BERJAOUI, Mariage mixte en droit international privé marocain, Le Matin,
19 avril 2005.
56- Ibid.
57- KHALID ZAHER. op. cit., p.46.

27
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

« La famille, écrivent-ils, -dans l’acte du mariage- est placé sous la


direction du mari. C’est lui qui l’influence, il occupe la première place
au foyer.
Il est le responsable de l’éducation et de l’orientation des enfants.
Ceux-ci prennent le nom du père et suivent sa religion. Le mariage
avec un non-musulman placerait la femme musulmane dans un rang
inférieur à celui de son époux Kaffir (incroyant, dénégateur) qui va
la dominer »58.

Parag II : L’apostasie
L’apostasie en Islam est le rejet de la religion islamique par un
musulman, par le fait de renier sa foi publiquement.
L’apostasie entraîne des conséquences civiles : dissolution du mariage,
enlèvement des enfants et privation du droit de succession.
Comme empêchement au mariage et à sa continuité, l’apostasie
n’entraîne pas les mêmes conséquences selon qu’il s’agit de l’homme
(A) ou de la femme (B).

A- L’apostasie de l’homme :
L’apostasie (celui qui renie sa religion) en droit musulman classique est
punie de la peine de mort59. Mais, s’il est vrai que cette peine n’existe
pratiquement plus, il n’en reste pas moins que l’apostat est considéré
par les fuqâha comme mort civilement60. Par conséquent, il ne peut se
marier. Son abondon de l’Islam entraine la dissolution du mariage si
celui-ci a déjà été conclu61.
Si l’article 141-1 du code KOWEÎTIEN dispose expressément que
l’abondon par le mari de l’Islam entraine la dissolution du mariage, les
autres législations ne contiennent pas toujours des règles similaires.
Il faut se garder d’en déduire que la règle est tombée en désuétude,
car, pour toutes les questions non prévues par les textes, les Codes de
58- A.SAQR , « Mawsu’ath al_usra thahtha ri’ayat al_ Islam » (l’encyclopédie de la famille
sous l’égide de l’Islam), Al_dâr al_misriya Lil Kitab, Le Caire 1989-1990, t.III, p.312.
59- Signalons d’emblée que cette règle ne trouve aucun fondement dans le Coran. Pour les
ulémas, la règle repose sur un (hadith) dire du prophète qui aurait dit « celui qui change de
religion, tuez-le ». Sur cette question, voir A. CHARFI, Islam Wa’hadatha (Islam et moder-
nité), 3ème édition, A dâr athunussiya linâach 1998, p.89 ; aussi Y.BEN ACHOUR, « Um-
mah islamique et droits des minorités », in Mélanges en l’honneur de M.CHARFI, centre de
publication universitaire, Tunis 2001, p.284.
60- La Mauritanie et le Soudan sont les deux seuls pays musulmans a avoir maintenu la règle
dans leurs droits respectifs.
61- KHALID ZAHER, op.cit., p.42.

28
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

statut personnel renvoient expressément au droit musulman classique62.


A ce titre, on peut citer l’article 400 du Code marocain de la famille
qui, aux termes duquel « tous les cas qui ne pourront être résolus en
application du présent Code seront réglées en se référant à l’opinion
dominante ou à la jurisprudence constante dans le rite malékite ».
Dans le même ordre d’idées, en Egypte où le Code officieux de
Qadri Pacha continue d’être la référence de la jurisprudence dispose
dans son article 303-1 que « l’apostasie de l’un des époux entraîne
immédiatement la dissolution du mariage et la séparation sans besoin
d’une décision judiciaire ».
Cette règle n’est pas sans inconvénients dans la mesure où elle peut
conduire à considérer tous ceux qui se font de l’Islam une conception
peu ou non conforme à l’orthodoxie d’apostats et, par conséquent,
détruire leurs foyers.

B- L’apostasie de la femme :
Dans le cas de l’apostasie de la femme, une distinction entre deux
situations s’impose.
La première est la conversion à l’islam de la femme qui emporte
d’office la dissolution de son mariage avec son époux resté non-mu-
sulman63. La deuxième situation est celle de l’épouse d’un musulman
qui abandonne l’Islam pour une autre religion ou pour devenir tout
simplement athée. Concernant le sort du mariage dans la deuxième
situation, celui-ci reste valable car le droit musulman autorise le musulman
à se marier avec une femme appartenant aux gens de l’écriture, si
en revanche l’épouse abandonne l’Islam et devient athée (ni juive ni
chrétienne), son mariage avec le musulman reste valable.
Cette solution est justifiée par le fait que la femme qui abandonne
l’Islam seulement dans le dessein d’obtenir la dissolution du mariage
est de mauvaise foi. La sanction de sa fraude, répondent certains, est
la maintenir dans les liens du mariage64.
62- Ibid.
63- M.BEN MA’AJOUZ, « A’hkam al_usra fi al_chari’a al_islamiya wifqa moudawanath
al_ ah’wal al_chakhsiya, al_khotba, al_zawaj : arkanouh wa atharouh ; torok inh’ilal mitak
al_zawaj wa al_athar al_motaratiba âla dalik » (le droit de la famille dans la chari’a islami-
que conformément à la Moudawana du statut personnel, fiançailles, mariage : conditions et
effets ; moyens de dissolution du pacte du mariage et les effets subséquents), t.I, Matba’ath
al_najah Al_jadida, 1998, p.82.
64- Entre autres, A. AL ALAOUI AL_MDAGHRI « Al_maraa bayna ahkam al_fiqh ma
ada’waila ataaghyir » (La femme entre les régles du fiqh et l’appel au changement), Matba’ath
Fadala 1999, p.50 ; M. BEN MA’JOUZ, op. cit., t.I, p.82.

29
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

En revanche, le mariage d’une femme non-musulmane à l’origine


mais par la suite convertie à l’Islam avec un non-musulman doit être
dissous.
Ces règles posées par les fuqâha ne sont pas compatibles avec la
réalité. Ainsi, malgré les dispositions législatives l’interdisant65, une
athée peut valablement épouser un homme musulman, pourvu qu’elle
soit d’origine musulmane. Elle ne tombe pas sous le coup de l’inter-
diction66. Ses propres convictions personnelles ne sont jamais prises
en considération, uniquement son origine musulmane qui compte. Sa
seule appartenance, proche ou éloignée, à une famille musulmane fait
systématiquement d’elle un membre de l’Oumma67. Comme le sou-
tiennent, certains, une croyante musulmane parfois malgré elle68.
L’empêchement au mariage pour disparité de culte ne s’applique pas à
elle puisque, par définition, une musulmane ne peut renier sa religion69.

Section II : L’empêchement au mariage pour disparité


de culte et conflit de lois franco-marocaines

L’application du Code marocain de la famille par le juge français


s’avère difficile lorsqu’il s’agit d’affirmer un principe considéré comme
fondamental par l’ordre juridique français à savoir la liberté du mariage
pour s’opposer à l’application de toutes les lois qui instaurent des em-
pêchements au mariage de nature religieuse.
Les mécanismes du droit international privé en France permettent
de surmonter les obstacles posés par l’empêchement au mariage pour
disparité de culte.

65- A titre d’exemple, les articles 33 du code de la famille jordanien, 18 du code de la famille
Koweïtiens .La Moudawana marocaine, quant à elle, est restée silencieuse. Ce silence était
tombé par les écrits des fuqâha qui enseignent qu’il ne faut pas en déduire une autorisation
à l’homme marocain de se marier avec une polythéiste ou tout autre femme que juive ou
chrétienne. Un tel mariage étant, selon eux, interdit par l’Islam. A.CHAHBOUNE, op.cit.,
t.I, p.113 ; M.BEN MA’JOUZ, op.cit., t.I, p.81 et 82. Désormais, l’article 39, alinéa 4, du
nouveau Code marocain de la famille le prévoit expressément.
66- KHALID ZAHER, op.cit., p.44.
67- Le mot « Oumma » désigne la « communauté des croyants ».
68- A.MEZGHANI s’interroge : « Est-ce que le simple fait de s’appeler MOHAMED ou
FATIMA (dirons nous) et d’être né(e) de parents musulmans implique d’une manière irré-
fragable l’appartenance à la religion musulmane ? quelle est la religion de celui (ou de celle)
qui est né (e) d’une mère juive est d’un père musulman ? », Réflexions sur les relations du
Code de statut personnel avec le droit musulman classique », Rev. tun. dr. 1975, p.71.
69- Le taux d’athéisme atteint 25% au Maghreb. Information sur « http ://athéisme.free.fr/
votre espace/resultats.html ».

30
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Le mariage en France d’une étrangère musulmane avec un non-


musulman ne pose pas de difficultés particulières (parag I). En revanche,
si les deux époux retournent dans le pays d’origine de l’épouse, des
problèmes sont susceptibles d’apparaître (parag II).

Parag I : Le Droit applicable en France :


Les conditions de fond du mariage sont soumises, selon l’article 3,
alinéa 3, du code civil français, appuyée par la jurisprudence, à la loi
nationale de chacun des futurs époux70. Autrement dit, il s’agit d’une
application distributive de leurs lois personnelles respectives71.
Mais, sont écartées au nom de l’ordre public international français,
les lois étrangères qui contiennent des dispositions contraires aux
valeurs fondamentales françaises. L’empêchement au mariage pour
disparité de culte en est incontestablement une72. L’empêchement au
mariage pour disparité de culte révélé par le certificat de coutume
produit par la future épouse de confession musulmane n’empêche pas
la célébration du mariage.
L’instruction générale sur l’état civil prévoit que « le mariage sera
néanmoins célébré à la requête des futurs époux selon la loi française,
les requérants étant avertis que leur union risque de ne pas être re-
connue à l’étranger73 ».
Les interdictions étrangères qui limitent la liberté du mariage sont
écartées par les juges parce que contraires à l’ordre public international74.
La jurisprudence est claire sur cette question. Ainsi, la disposition
marocaine qui interdit à la femme musulmane d’épouser un non-
musulman, est écartée car elle a été jugée contraire à l’ordre public
international.

70- Solution consacrée aussi par l’article 5 de la convention France-marocaine du 10 août 1981.
71- D.HOLLEAUX, J FOYER, G. DE GEOUFFRE De LA PRADELLE, Droit interna-
tional privé, Masson, 1987, N°1141 ; Y.LOUSSOURN, P.BOUREL, P.DE VAREILLES-
SOMMIERS, précis de droit international privé,DALLOZ,2004,8ème éd., n°301;P.
MAYER,V.HEUZE, précis de droit international privé, Montchrétien, 2004, 8ème éd., n°549 ;
B. AUDIT, Droit international privé, Economica, 2006, 4ème éd., n°645 ; H.BATIFFOL,
P.LA GARDE, traité de droit international privé, LGDJ, 1983, t.II, 7éme éd., n°414.
72- J.DEPREZ, « statut personnel et pratique familiales des étrangers musulmans en Fran-
ce, aspects de droit international privé », in famille, Islam, Europe, le droit confronté au
changement, sous la direction de M._C.FOBLETS, L’Harmattan 1996, p.57, spéc.p. 66.
73- H.BATIFFOL, P. LAGARDE, op.cit., n°413.
74- Trib.Civ. Pontoise, 6 août 1884, Clunet 1885, p. 296 ; paris 15 novembre 1922, p.85 ;
paris 17 1922, Recueil périodique et critique Dalloz 1923.2.59.; Sirey 1924. 2.65, Clunet
1923, p.85.

31
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

C’est ce qu’on peut déduire de plusieurs décisions de la Cour d’appel


de Paris : la première date du 7 février 1990, la deuxième a été rendue
le 7 juin 199675. Le même résultat découle de la décision de la cour
d’appel de Paris le 9 juin 199576. Dans ce cas d’espèce, le mari français
s’appuyait sur le droit marocain qui prohibe le mariage entre une
marocaine musulmane et non-musulman pour invoquer la nullité
du mariage77. Dans cette affaire le mari français prétendait que son
mariage avec son épouse marocaine a été contracté dans le seul but de
permettre à cette dernière d’acquérir la nationalité française. La cour
d’appel a commencé par rappeler que l’application distributive de la
loi nationale de chacun des futurs époux ne doit pas aboutir à des
résultats exorbitants des conceptions françaises78. Et d’ajouter que
« l’ordre public français s’oppose aux obstacles de nature religieuse
qu’une loi étrangère établit à l’encontre de la liberté matrimoniale,
telle la loi marocaine qui interdit le mariage d’une marocaine musul-
mane avec un non-musulman».
Il est donc clair que le mariage de la femme marocaine musulmane
avec un non-musulman ne pose pas de problèmes particuliers en
France, mais au Maroc, ce type d’union n’est susceptible de produire
aucun effet. Malgré la conclusion de la convention du août 1981 entre
le Maroc et la France, les solutions ne sont guère harmonisées.

Parag II : Les difficultés rencontrées :


La méconnaissance des lois nationales des futures épouses en ce qui
concerne les mariages conclus en France entre marocaines musulmanes
et non-musulmans donnent lieu à des situations boiteuses. Dés lors
qu’il s’agit de lois appartenant à des systèmes juridiques de traditions
fort éloignées, ces types de mariages révélent, l’incapacité des règles
du droit international privé à assurer une continuité dans le traitement
des relations personnelles.

75- C.A. paris 7 février 1990, JDI, 1990, p.977.


C.A. paris 7 juin 1996, D 1996, IR, 172.
76- C.A. paris, 9 juin 1995, D.1995, D.1996. Somm. Comm., p.171, observations B. AUDIT.
77- A cette date, l’empêchement au mariage pour disparité de culte entre une marocaine mu-
sulmane et non-musulman résultait de l’article 29-5 de l’ancienne Moudawana.
78- Certains auteurs relèvent que « la tendance des tribunaux est ici de ne pas tenir compte
des lois étrangères dont l’application en France pourrait causer un scandale parce qu’elles
contredisent notre ordre moral ou social en prescrivant des conditions ou des empêchements
portant atteinte au prince de la liberté ou de la laïcité du mariage ».Y. LOUSSOUARN, P.
BOUREL, P. DE VAREILLES-SOMMIERES, op.cit., n° 306.

32
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Les conventions bilatérales conclues entre pays tentent de remédier


à cet état de fait afin d’harmoniser les solutions. Ainsi, la négociation de
la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des
personnes et de la famille et à la coopération judiciaire79 offrait l’oc-
casion, non de rapprocher les solutions, mais au moins d’en discuter
franchement.
Les négociateurs savaient que l’union célébrée en France entre une
marocaine musulmane et un non-musulman aura des conséquences
sur le plan juridique dans la mesure où cette union va être considérée
valable dans un pays mais nul dans l’autre80.
En effet, l’article 5 de la convention Franco-marocaine du 10 août
1981 dispose que « les conditions de fond du mariage tels que l’âge
matrimonial et le consentement de même que les empêchements,
notamment ceux résultant des liens de parenté ou d’alliance, sont régis
pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux Etats dont il
a la nationalité ». Toutefois, l’article 4 réserve le jeu de l’ordre public.
Aux termes de l’article 5 précité, le juge français doit faire application
de la loi nationale de chacun des futurs époux mais dans le cas qui
nous intéresse, celui du mariage célébré en France entre une marocaine
musulmane et un français, il n’hésitera pas à invoquer l’article 4 de la
même convention qui réserve le jeu de l’ordre public pour écarter les
dispositions de la loi marocaine prohibant le mariage d’une marocaine
musulmane avec un non-musulman81. D’un autre côté, ce mariage sera
annulé par le juge marocain puisqu’une condition de fond prévue par la
loi marocaine n’a pas été observée, et ce conformément à l’article 5 de la
convention qui n’a guère réglé la question mais a confirmé la précarité
de ces unions fragiles. Ainsi, ces mariages boiteux sont valables en
France, mais nuls selon la loi marocaine. Aussi, sur le plan judiciaire,

79- Voir P.DECROUX, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au


statut personnel et de la famille et à la coopération judiciaire », Clunet 1985, p.49 ; aussi
F.MONEGER, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut per-
sonnel et de la famille et à la coopération judiciaire », Rev.crit. DIP. 1984, p.29.
80- S.’ABD ALLAH, « AL-‘hullul al-Wad’iya fi al-‘alaqath al-khassa al-dawliya, khoussus-
san farança, misr Wa lubnan » (le droit positif applicable aux relations privées internationales,
spécialement en France, en Egypte et au Liban), Dar al-ulum al-arabia littiba’a wa al-nachr,
Beyrouth 1987,p.47. L’auteur relève la constance de l’ordre public en droit international
privé égyptien. Les juges n’hésitant pas à l’invoquer pour prononcer la nullité des mariages
contractés entre musulmanes et non-musulmans pour non respect d’une règle fondamentale
du droit musulman.
81- Il s’agit de l’article 29-5 de l’ancien Code du statut personnel et de l’article 39, alinéa 4 du
nouveau Code marocain de la famille.

33
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

si une juridiction marocaine prononce la nullité, la décision n’est ni


reconnue ni exécutée en France82.
Dans le même ordre d’idées, si la nullité a été prononcée au Maroc
sur demande de l’épouse, celle-ci ne pourra pas se prévaloir en France
de cette décision et devra, pour se délier de ce mariage y solliciter le
divorce83.
Il est désormais clair, les difficultés soulevées par ce type de mariage
ne sont pas résolues par l’application distributive des lois nationales
des futurs époux84. Et même après l’entrée en vigueur de la nouvelle
convention, les risques de rejet n’ont pas disparu85.
D’autres difficultés résultant de la méconnaissance des formalités
aussi bien de fond que de forme exposées ci-dessus par la population
marocaine établie à l’étranger, à cheval entre deux systèmes juridiques,
à savoir marocain et français.
Au cours des entretiens que nous avons mené, nous avons pu relever
que les Marocains résidants à l’étranger n’ont souvent pas de connais-
sance de leurs droits et devoirs que ceux qui leur sont transmis au
sein de leur cercle familial et à travers leur expérience personnelle.
A défaut d’une bonne compréhension des conditions de fond et de
forme relatifs à la conclusion du mariage dans le pays d’accueil exigés
par leur droit national, ils ne sont pas à même d’en exiger le respect.
Des entretiens conduits avec des marocains établis en France, à
diverses périodes et plus particulièrement en Juillet et Août 2010,
ont révélé les limites de droits que connaissent ces immigrés. Ceux-ci
font face à une série de problèmes dans la société d’accueil : mécon-
naissance des avancées enregistrées dans le domaine du droit de la
famille au Maroc, non application ou mauvaise application des nouvelles
législations marocaines protectrices des femmes et des enfants, mauvais
traitement de la part des missions diplomatiques marocaines à l’étran-
ger ou des administrations marocaines lors des retours dans le pays
d’origine.
Plusieurs marocains résidants à l’étranger interrogés n’étaient pas
informés de leurs droits et ne savaient pas où s’adresser pour présenter
82- P.DECROUX, article précité, p.68.
83- Ibid.
84- F.MONEGER, article précité, p.57.
85- J.DEPREZ, « Droit international privé et conflit de civilisations ». Aspects méthodolo-
giques (les relations entre systèmes d’Europe occidentale » et systèmes islamiques en matière
de statut personnel) », Rec. Cours Acad. Dr. inter.1988-IV, p.108.

34
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

leurs doléances. Elles n’étaient pas plus au courant des réformes juridi-
ques introduites au Maroc en faveur des femmes et de la communauté
marocaine résidante à l’étranger. En effet, depuis les années 2000,
les droits des femmes au Maroc ont connu des avancées juridiques
remarquables. Mais la communauté marocaine établie à l’étranger
semble souvent ignorer ces avancées juridiques. Aussi, un certain
intérêt aux droits de la Communauté marocaine établie à l’étranger est
de plus en plus présent dans la législation nationale. A titre d’exemple,
le Code Marocain de la famille, pour la première fois, tel que révisé
le 3 février 200486, réserve des articles spécifiques aux Marocains et
Marocaines du Monde (les articles 14 et 15) en vue de leur faciliter
les procédures de la conclusion du contrat de mariage à l’étranger87.
Le nouveau Code de nationalité reconnaît à toutes les femmes maro-
caines le droit de passer la nationalité marocaine à leurs enfants issus
d’unions mixtes88. Pourtant, plusieurs femmes interrogées n’étaient
pas au courant des nouvelles procédures adoptées par les Codes de la
famille et de la nationalité.
Le retour au Maroc peut parfois entraîner la violation de droits
pour les jeunes filles marocaines, tels que les mariages forcés qui sont
justifiés par leurs parents par la peur que la jeune fille musulmane
épouse un non musulman dans le pays de résidence.
En Belgique, à titre d’exemple, l’association « Insoumise et dévoilée » a
fait connaître qu’elle avait sauvé en Juin 2010 des jeunes filles (dont
plusieurs sont mineurs) d’origine marocaine d’un mariage forcé au
Maroc89.
La population marocaine en immigration a besoin d’une assistance
juridique accessible. Plusieurs moyens aideraient à fournir une meilleure

86- Loi 1-04622.


87- L’article 14 du Code de la famille stipule : « Les Marocains résident à l’étranger peuvent
contracter mariage, selon les formalités administratives locales du pays de résidence, pourvu
que soient réunies les conditions du consentement, de capacité, de la présence du tuteur
matrimonial (wali) le cas échéant, et qu’il n’y ait d’empêchement légaux ni d’entente sur la
suppression du Sadaq (la dot) et ce, en présence de deux témoins musulmans… ». L’article
15 dispose que des copies de l’acte de mariage contracté à l’étranger doivent être obligatoire-
ment déposées dans un délai de 3 mois aux services consulaires du lieu de l’établissement de
l’acte et en l’absence de ses services consulaires au Ministère chargé des affaires étrangères.
88- L’article 6 du nouveau Code marocain de nationalité (loi n°62-06 du 23 mars 2007) dis-
pose : « Est marocain l’enfant né d’un père marocain ou d’une mère marocaine ».
89- Pour plus d’informations sur cette question, voir la Revue électronique des Marocains
résidants en Belgique, Dounia News, N° 132, semaine du 9 au 15 Août 2010, in : http://
dounia-news.com.

35
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

aide juridique à ces derniers. On peut citer, d’une part, l’amélioration


des informations sur le Code marocain de la famille fourni aux praticiens
du droit, aux professionnelles, autrement dit, une collaboration admi-
nistrative entre le Maroc et les pays d’accueil. D’autre part, l’améliora-
tion de l’aide juridique fournie aux marocains résidants à l’étranger en
assurant une plus grande accessibilité juridique par le biais de la mise
en place de centres d’assistance juridique.

36
Titre deuxième
Les conflits de lois relatifs au mariage
polygamique

En droit marocain de la famille est évoquée traditionnellement la


possibilité de polygamie, droit exclusif attaché au mari. Se fondant
sur deux versets qui constituent la trame dont s’inspire le droit maro-
cain de la famille. Les juristes musulmans estiment que la polygamie
trouve un appui incontestable dans le message divin (chapitre I).
L’institution coranique de la polygamie est certainement celle dont
la réception en France a représenté le plus grand défi car à aucune
époque elle n’a été pratiquée dans la société française nourrie de prin-
cipes judéo-chrétiens90 (chapitre II).
Au nom de l’égalité des sexes et de la dignité de la femme, la lutte
contre la polygamie est engagée depuis plus d’une dizaine d’années
en Europe et en France. Certes le Maroc a essayé de réduire cette
institution mais ses tentatives sont ignorées puisque le droit français
durcit malgré tout sa position. Les accords bilatéraux sont en effet
modifiés sur ce point. Il en résulte des effets pervers pour quelques
épouses des polygames.

Chapitre I : Les fondements de la polygamie

La polygamie est perçue de nos jours comme un phénomène


90- Il est vrai cependant que l’on a comparer la polygamie à la situation d’hommes divorcés
et mariés (« polygamie successive »), d’autant que le droit français admet le partage de la
pension de réversion après décès du mari entre l’épouse et l’ex-épouse si celle-ci ne s’est pas
remariée après le divorce (cf. Y.LEQUETTE, Revue critique de droit international privé
1989, p.73, note sous Cass.civ. 1er, 6 juillet 1988, aff.Baaziz). Cette solution, si elle est équi-
table au regard des droits acquis par la première épouse sur la retraite de son mari pendant
le temps qu’a duré le premier mariage, n’en aboutit pas moins à une répartition de la pension
qui s’apparente à celle opérée entre les deux épouses d’un homme polygame. Par ailleurs, les
ressortissants français de Mayotte pouvaient jusqu'à la loi du 21 juillet 2003, être polygames
s’ils n’avaient pas renoncé à leur statut local musulman.

37
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

énigmatique, exclusivement privé, normé par des règles coutumières


et des impératifs juridiques et religieux draconiens.91
La polygamie trouve son fondement dans le droit musulman qui
autorise un homme à prendre comme épouse un maximum de quatre
femmes dans des conditions bien précises. Néamoins, cette pratique
est rendue, actuellement, plus difficile qu’avant suite à différentes raisons
de nature économique ou culturelle.
Au Maroc, la polygamie n’est pas interdite mais elle est soumise à
des règles strictes suite à la nouvelle codification du statut personnel
de la femme et de la famille.
Pour une meilleure compréhension de cette institution, il convient
de l’analyse telle qu’elle est appréhendée par le droit musulman (section
I) et par le droit positif (section II).

Section I : le fondement religieux

Le fondement religieux de la polygamie sera examiné par rapport


à la doctrine conservatrice (parag I) et par rapport à la pensée réfor-
miste (parag II).

Parag I : La polygamie dans la pensée conservatrice


En effet, le Coran admet la polygamie et limite à quatre le nombre
d’épouses. Les modalités de cette polygamie limitée ont été révélées
au prophète dans les versets suivants :
• « Si vous craignez de n’être pas équitable en matière d’orphe-
lins…alors épousez ce qui vous plaira d’entre les femmes, par
deux, ou trois, ou quatre. Mais si vous craignez de n’être pas
justes, alors seulement une, ou contentez vous de votre propriété92,
plus sûr moyen d’échapper à la partialité » (IV, 3)93.
• « Vous ne pourrez être juste envers vos épouses, même si vous
y veillez. Du moins n’allez pas jusqu’au bout de votre penchant,
jusqu’à laisser la (défavorisée) comme en l’air. Si vous vous amendez
et prémunissez, Dieu est tout pardon, Miséricordieux ». (VI, 129)94.
91- KOUDJIL ABDERRAHMANE, polygamie au Maghreb, Confluences Méditerranée,
n°41, printemps 2002.
92- Par « propriété », il faut comprendre les femmes esclaves à l’époque.
93- Coran, Essai de traduction par JAQUES BERQUE, Bibliothèque ALBIN MICHEL,
1995, p.95.
94- Coran, Essai de traduction par JAQUES BERQUE, op.cit., p.113.

38
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Chez les chiites ainsi que chez les sunnites, l’homme peut avoir
sous sa protection jusqu’à quatre femmes en même temps, à condition
qu’il soit équitable dans la dépense des ménages et dans le partage des
nuits entre elles. S’il craint l’injustice et l’infidélité, il est conseillé de
ne pas se marier avec plus d’une femme95.
Cette polygamie n’est pas obligatoire, mais, plutôt aux yeux de ses
défenseurs, est un cas que l’islam a rendu licite à cause de certaines
nécessités et des urgences qu’aucune loi ne peut négliger ni se per-
mettre de tolérer. Pour justifier la polygamie, on insiste sur le fait
que l’islam ne l’a pas inventée, car la polygamie était déjà pratiquée
chez les Arabes dans la jâhiliyya (la période antéislamique) et chez
d’autres peuples et par diverses religions96.
On souligne également que l’islam avait accepté la polygamie par
nécessité sociale tout en lui imposant des règles et deux conditions
précises : la limitation à quatre femmes et le respect de l’équité entre
les coépouses. Pour justifier la légitimité de ce droit dans les sociétés
modernes, les partisans du discours conservateur s’appuient sur les
arguments dont voici seulement quelques exemples :

• Pour des raisons d’ordre démographique :


Dans certaines situations, comme en période de guerre, le nombre
de femmes finit par dépasser celui des hommes. Et puis, même en cas
de paix dans beaucoup de pays le nombre de femmes excède celui des
hommes, vu que le nombre des décès parmi les hommes dépasse celui
des femmes97. A leur avis, la polygamie représente, parfois, une nécessité
95- De plus, durant les premiers siècles de l’hégire, selon la charia, l’homme pouvait acheter
autant d’esclaves que sa capacité financière le permettait et pouvait avoir des rapports sexuels
avec toutes ses femmes esclaves. C’est ainsi que, depuis les débuts de l’empire Umayyade,
trente ans après la mort du prophète, et jusqu'à l’abolition du califat par Atatürk en 1924, à
de très rares exceptions, les califes, c'est-à-dire les chefs de l’Etat islamique, ceux qui avaient
cette fonction religieuse à laquelle les islamistes sont très attachés, avaient leur harem « ré-
serve de femmes », qui pouvait en compter des certaines, voir des milliers. C’était la partie
essentielle de la cour impériale. CHARFI MOHAMED, islam et liberté, Le malentendu
historique, Paris, Albin Michel 1998, p.69.
96- A titre d’exemple voir : SIBA MUSTAFA, Al-mar’a bayn al fiqh wal qânun, Damas, Dâr
at-tali’à, 1969, p.9, cité par ASCHA GHASSAN, du statut inférieur de la femme en islam,
Paris, L’Harmattan, 1987, p. 71-80 ; RIDHA MOHAMMAD-RACHID, Huquq-i an-nisa’a
fil islam (Droit des femmes en islam), le Caire, Librairie Turath al- islami, 1985, p.44-47.
97- RIDHA MOHAMMAD-RACHID, AL-WAHY AL MOHAMMADI (Le message de
MOHAMMED), Le Caire, Azahr lil islam al-arabi, 1988, p.220 ; RIDHA MOHAMMAD
–RACHID, Huquq-i an-nisa’a fil islam (Droit des femmes en islam), op. cit., p.52 ; IBN
MAAJOUZ MOHAMMAD, Ahkâm-i al-usra fi ach-charia al-islamiya (les règles de la fa-
mille dans la charia) Casablanca, An-najah al-jadida, 1986, p.81.

39
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

sociale, car les études sociologiques modernes ont affirmé que la


supériorité numérique des filles atteint parfois les 6%, la monogamie
condamnera ce surplus en filles au célibat perpétuel, ce qui est injuste
pour la femme98. Le surplus de femmes rend la polygamie obligatoire,
car elle seraient poussées vers la perversion et la débauche, source
de décadence morale de la société99. Chaque mariage conclu signifie
qu’une femme a été sauvée de la débauche dans les tavernes et autres
lieux afin qu’elle connaisse la dignité de la vie au foyer et l’honneur de
la vie conjugale100.
Dans de telles circonstances, la polygamie reste donc rationnelle-
ment la seule solution pour que ces femmes ne se trouvent pas dans la
nécessité de la perversité, ce qui les pousse à commettre la fornication.
L’ayatollah Khomeiny s’exprime sur l’importance de la polygamie
dans de telles circonstances et la déclare comme une loi très progres-
siste : « La loi des quatre femmes est une loi très progressiste, et était
écrite dans l’intérêt des femmes. Une femme a besoin d’un homme ;
que faire d’autre, étant donné qu’il ya dans le monde plus de femmes
que d’hommes ? Vous préféreriez que les femmes en surnombre de-
viennent des prostituées plutôt que d’épouser un homme qui a d’autres
femmes ?»101.
Et pour justifier le lien fondé de la polygamie dans de telles situations,
on rappelle encore qu’au terme de la seconde guerre mondiale, de
hauts responsables européens, surtout en Allemagne, s’étaient déclarés
prêts à légitimer la polygamie, mais ils seront heurtés aux attaques et
oppositions de l’Eglise.
98- ABDULBAKI ZAIDAN, professeur de sociologie à l’université d’AL-AZHAR et ex-
pert au centre d’études de la femme et du développement au Caire (1977). Cité par ASCHA
GHASSAN, Mariage, polygamie et répudiation en islam, paris : Harmattan 1997, p.105.
99- AS- SAYID SABIQ, auteur de l’ouvrage fiqh as-sunna (1983, pre.éd.1945), cité par
ASCHA GHASSAN, Ibid. p.105. Dans cette même lignée, l’auteur pense avoir trouvé la
cause de cette supériorité numérique des femmes : Caïn a tué son frére Abel et c’est ainsi
que le nombre de femmes et devenu supérieur à celui des mâles. Ceci a-si on y ajoute les veu-
ves, les célibataires et les femmes divorcées- sa signification statique. ASCHA GHASSAN,
Ibid.p.105.
100- KHOULY AL-BAHI, Islam wa qadâyâ al mar’à al mu’âsira (L’islam et les problé-
matiques de la femme contemporaine), Kuwait, Dâr al-qalam, 1984, p.92 cité par ASCHA
GHASSAN, Ibid . p.114.
101- Entretien avec le journaliste Italien ORIANA FALLACI, cité par SANASARIAN
ELIZ, the women’s Rights movement en Iran: Mutiny, Appeasement, and repession from
1900 to KHOMEINI (le mouvement pour les droits des femmes en Iran : mutinerie, apai-
sement et répression de 1900 à khomeiny), New York, praeger publishers, 1982 p. 134.
voir aussi : KAHAYAT (EL) BENNANI GHITA, le monde arabe au féminin, Casablanca,
Eddif,1987, p.304.

40
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

• Pour des raisons d’ordre économique,


Il existe des nécessités économiques qui exigent une main-d’œuvre
massive. « En effet, l’équipement, l’agriculture, l’industrie et le défri-
chage des terrains improductifs des pays faiblement peuplés dépendent
d’une main d’œuvre massive. La polygamie peut, au bout de quelques
années, satisfaire à ce besoin en population … la région du haut Delta
en Égypte en est l’exemple le plus illustrant. La terre y est très vaste,
inculte et laisse en friche ; tout ce dont elle a besoin c’est d’une main
d’œuvre …..
L’homme qui s’y installe pour faire fortune n’a besoin que d’avoir
plus d’une épouse .En l’espace de peu de temps, il deviendra proprié-
taire foncier alors qu’il était pauvre et dénué de tout à son arrivée
dans le pays ».102

• Pour des raisons d’ordre religieux :


L’Islam comporte un message humain de premier ordre que les
musulmans sont chargés d’assumer et de transmettre aux autres.Or,
les musulmans ne peuvent exécuter et accomplir leur devoir que s’ils
ont un État fort qui dispose des moyens nécessaires pour fonctionner
et assurer la continuité. Ceci n’est pas possible sans la multiplicité des
individus de sorte que dans chaque domaine des activités humaines
se trouvent un grand nombre de membres actifs. Le moyen de cette
multiplicité est dans le mariage précoce et la polygamie.103

• Pour des raisons d’ordre humanitaire :


Puisqu’il s’agit de mettre à l’abri du besoin les femmes seules, répu-
diées ou les veuves. Ainsi on plaide en faveur de la polygamie en arguant
que le droit à la polygamie est un droit pour les femmes autant que
pour les hommes : Tout le monde a le droit de se marier. Imaginez une
veuve ou une jeune femme qui éprouve le besoin de se marier. Si les
célibataires refusent de se marier avec elles, les hommes mariés doivent
pouvoir le faire.104

102- KHOULI AL-BAHI, op.cit., p.62-93, texte traduit par ASCHA GHASSAN, Mariage,
Polygamie et répudiation en Islam, op. cit, p.109.
103- AQLA MOHAMMAD, Nizam-al-usra fil islam (ordre de la famille en islam), vol.1,
Oman, Maktaba al-risâla al-Haditha, 1983, p.251.
104- BAHIEH AGAHI-ALAOUI, l’autorité maritale en droit iranien et marocain, L’Har-
mattan, 2010, p.103 et 104.

41
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

• Pour des raisons d’ordre biologique :


Outre des raisons telles que la stérilité, les maladies chroniques ou
contagieuses de l’épouse rendant tout rapport sexuel impossible, on
argumente que l’homme est plus disponible que la femme à l’engen-
drement, il est destiné aux relations sexuelles dés la puberté jusqu’à
un âge avancé.
Tandis que la femme n’est pas destinée aux relations sexuelles
pendant ses menstrues et la durée d’un accouchement. Il faut ajouter à
cela les circonstances de la grossesse et l’allaitement. Puis, la capacité
de la femme à avoir des enfants se termine entre l’âge de quarante-
cinq et de cinquante ans, tandis que l’homme continue à enfanter
jusqu’à l’âge de soixante ans ou plus.
Il est donc nécessaire de prendre ces cas en considération et d’inno-
ver des solutions pacifiques. Si la femme est dans une situation qui
l’empêche d’accomplir sa fonction conjugale, que fait alors l’homme
pendant cette période105?
En outre, certains s’appuient sur l’avis de Mohammad Ghazali,
le grand théologien musulman, pour affirmer qu’il se peut qu’il y ait
des hommes qui – d’après leur nature psychique et physique – ont un
besoin ou appétit sexuel, aigu et voilent, auquel ils ne peuvent résis-
ter et qu’une seule femme ne peut étancher, surtout dans les pays très
chauds. Alors, au lieu de prendre une maîtresse qui sème la corruption

105- AQLA MOHAMMAD, vol.1, op.cit., p.249 ; RIDHA MOHAMMED –RACHID,


Huquq-i an nisa’a fil islam (Droit des femmes en Islam), op.cit., p.51. RACHIDA RIDHA
rappelle ainsi la capacité sexuelle de l’homme : « Il est connu par observation que le mâle
pourrait être apte à procurer depuis la puberté jusqu’à la mort naturelle à l’âge de cent ans,
et que la femme cesse d’être féconde entre l’âge de cinquante et cinquante-cinq ans. Par
ailleurs, lorsqu’une femme est enceinte, sa grossesse lui détourne l’attention de toute autre
chose jusqu’à la fin de convalescence puerpérale, qui dure en moyenne quarante jours et
peut se prolonger jusqu’a deux mois. De surcroît sa prédisposition à la grossesse pendant la
période d’allaitement est de deux ans et demi comme l’affirme Dieu dans le Coran (Coran
46/15). Cependant, l’homme durant toute cette période demeure capable d’accomplir son
devoir conjugal, si ce n’est pas tous les jours, C’est une fois par semaine, ou moins souvent,
en fonction de son humeur, de sa constitution et de son alimentation. En supposant qu’un
couple s’est uni à l’âge de quinze ans , en pleine puberté, le maximum d’enfants que la femme
peut mettre au monde est de vingt en quarante ans , ce qui correspond , bien que ceci soit
rare , au quart de ce qu’un homme peut engendrer avec quatre femmes jusqu’à l’âge de
quatres-vingt ans ». RIDHA MOHAMMAD-RACHID, Huquq-i an-nisa’a fil islam (Droit
des femmes en islan), op.cit., p.50 et 51, texte traduit par ASHA GHASSAN , Mariage ,
Polygamie et répudiation en islam, op.cit., p.111.

42
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

dans son caractère, il lui a été licite d’étancher sa soif par un moyen
légal.106
Ainsi , on conclut que : « Il n’ya pas de doute que la monogamie est
l’idéale, cependant, qu’est ce qu’on peut faire si elle va à l’encontre de
la nature et s’oppose à la réalité humaine…la polygamie est une loi
naturelle et existera tant que le monde continuera à exister ».107
Par ailleurs, il est notoire que certains auteurs refusent la proposition
de soumettre la polygamie à l’autorisation de la justice pour appréciation
des conditions de l’équité et capacité financière de l’époux.
Ils considèrent que la clause de l’équité, exigée par le Coran, est
une clause religieuse et on ne peut la considérer comme une clause
juridique parce que le juge n’a pas les moyens de contrôler, d’autant
plus qu’il s’agit d’un fait qui pourrait se réaliser dans le futur.108
Et, en ce qui concerne la condition de capacité financière de l’homme
pour supporter la charge de deux familles, on argumente encore que
c’est la seconde épouse qui connaît les capacités de son mari du mo-
ment qu’elle a accepté de l’épouser et la première épouse puisqu’elle
est au courant de ce second mariage peut demander le divorce en cas
de préjudice.109
Ainsi, pour les partisans de la polygamie, la restriction du nombre
des femmes à épouser est contraire à l’islam parce qu’on ne peut inter-
dire ce que Dieu a permis.

Parag II : La polygamie dans la pensée réformiste


Pour interdire la pratique de la polygamie, les réformateurs expli-
quent, tout d’abord, que les versets coraniques relatifs à la polygamie
doivent être interprétés dans le contexte historique et les pratiques ara-
bes dominantes de l’époque. Cela démontre qu’a la naissance de l’islam,
les Arabes prés-islamiques pratiquaient une polygamie sans restriction.
L’islam ne pouvait imposer du jour au lendemain la monogamie. Pour
106- IMAM MOHAMMAD GHAZALI dit « Il ya de tempérament emporté par le désir
sexuel de sorte qu’une femme ne lui suffit pas ; il lui est alors recommandé d’en prendre plus
qu’une, jusqu’a quatre à la fois. si Dieu, par sa bonté et par sa grâce, lui facilite ainsi la vie
et qu’il ait la tranquillité du cœur par elle (tant mieux).Sinon, le changement lui est recom-
mandé ». GHAZALI ajoute : « chaque fois que l’agent excitateur est connu, il convient que
le traitement soit adapté au degré d’intensité de la maladie….il faut en tenir compte pour
décider du nombre des femmes qu’on doit épouser ». Cité par ASCHA GHASSAN, du statut
inférieur de la femme en islam, paris , L’Harmattan 1987 , p.54 et 55.
107- SIBA Ï(AL) MUSTAFA, op.cit., p.224 et 225.
108- AQLA MOHAMMAD, vol.1, op.cit., p.256.
109- Ibid. p.256.

43
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

ces raisons, le Coran admet la polygamie, mais limite à quatre le nombre


d’épouses110.
Un autre argument sur lequel les réformateurs s’appuient pour
interdire la polygamie est le respect de la condition de l’équité entre les
coépouses. Le Coran relève la possibilité d’une injustice, en stipulant
dans un autre verset « vous ne pourrez être justes envers vos femmes,
même si vous y veillez ». Cela n’a pas suffi aux exégètes, soucieux de
présenter une pratique répandue.111
Dans la pratique, le respect de l’équité sur le plan affectif est im-
possible à réaliser. En conséquence, l’homme doit se contenter d’une
seule épouse. Toutefois, ce droit, selon certains réformistes, peut être
exercé dans des cas exceptionnels tels que grave maladie et stérilité,
après l’autorisation du juge qui devra déterminer si les conditions
nécessitant un second mariage sont établies. Le principe est la mono-
gamie, la polygamie reste une exception.112
D’autres réformistes revendiquent son abolition. Ils estiment que
tout au long de l’histoire, l’expérience a montré qu’à « l’exception des
tout premiers siècles, la majorité des musulmans ont toujours utilisé
la polygamie en dehors de son cadre juridique 113», et en conséquence
recommande son interdiction puisque la conscience ne suffit pas à elle
seule pour empêcher cette pratique chez les gens. ‘Allal al Fassi ajoute,
en outre , que « Quoi que l’on dise des bienfaits de la polygamie dans
certaines conjonctures, publique ou privée, je considère, quant à moi,
que l’intérêt islamique et social exige qu’on l’interdise à l’époque ac-
tuelle114 », d’autant plus que « le mauvais usage que nous faisons de la
polygamie est devenu un objet de critique pour beaucoup d’ennemis
de l’islam, lesquels y ont trouvé un argument contre notre religion115 »
Cette interdiction ne contredit en rien la perfection de la loi islamique
sur la polygamie, car le Coran dit explicitement que la polygamie est
interdite quand on craint l’injustice116 ».

110- FÄSSI (Al) ALLAL, An-Naqd adh-dhÄti (Autocritique), rabat, ar-risâla, 1979, p.289
et 290.
111- Ibid.
112- AMMARA MOHAMMAD, AL- islam wa al-mar’a fi ra’y-i Imâm MOHAMMAD
‘ABDUH (L’opinion de MOHAMMAD ABDUH sur l’islam et la femme) , le Caire, Dâr
al-Mustaqbal, 1985, p.38-44.
113- Fassi (al)’Allal, An-Naqad adh-dhâti (Autocritique), op.cit., p. 290.
114-Ibid. p.291.
115- Ibid. p.292.
116- Ibid.p.291.

44
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Section II : Le fondement juridique

A l’instar d’autres pays musulmans, la polygamie a été toujours


pratiquée au Maroc sans faire l’objet d’une réglementation juridique117.
Dans le code du statut personnel et successoral, le législateur régle-
mente peu la polygamie et se limite à faire certaines recommandations
en abordant des questions telles que le nombre des épouses et le respect
de justice et d’égalité de traitement entre les coépouses. En 1993, quel-
ques améliorations sont apportées aux dispositions du C.S.P.S, mais
en 2003 et avec la promulgation du nouveau Code de la famille, la
polygamie, bien que maintenue, est soumise à des conditions sévères
et à l’autorisation du juge. En imposant des conditions draconiennes,
le nouveau texte a pour ambition d’abolir de fait la polygamie ou du
moins d’en faire une situation exceptionnelle.
Il importe d’examiner l’évolution des conditions juridiques liées à
l’obtention d’une autorisation judiciaire pour contracter un second
mariage dans le Code de statut personnel (parag I), puis dans le nouveau
Code de la famille (parag II).

Parag I : La polygamie dans le Code de statut personnel


Avant la promulgation du nouveau Code de la famille, les dispositions
relatives à la polygamie dans le Code du statut personnel, promulgué
en 1957, étaient restées en vigueur jusqu’à la réforme de 1993. Ainsi
l’analyse devra porter, tout d’abord, sur les conditions juridiques de la
polygamie dans le Code de Statut personnel de 1957 (A), puis dans les
réformes apportées par le dahir du 10 septembre 1993 (B).

117- Avant la codification du droit musulman en matière de statut personnel en 1958,certains


auteurs marocains avaient dénoncé les méfaits et les abus engendrés par le recours à la poly-
gamie, et au surplus, ils avaient recommandé l’interdiction pure et simple de cette institution.
En outre, le projet initial du code de statut personnel, préparé par le ministère de la Justice
en 1957, disposait : « le juge a le droit de ne pas autoriser un homme déjà marié à s’adjoindre
une nouvelle épouse, si la nécessité n’y invite pas ou si on n’a pas toute garantie qu’il ne man-
quera pas à l’équité dans l’octroi de la pension alimentaire et du logement ni dans l’accom-
plissement de ses devoirs conjugaux. » Mais le texte définitif du code su statut personnel n’a
pas tenu compte des doléances présentées à l’époque, ni des critiques formulées à l’encontre
de la polygamie. De même, il n’a pas retenu les dispositions du projet précité. Néanmoins,
certaines conditions ont été posées par le Code su statut personnel de 1957 et étant restées en
vigueur jusqu’à la réforme de 1993. CHAFI MOHAMED, la polygamie : étude des législations
des pays islamiques et africains, Marrakech, El Watanya, 2000, p.25.

45
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

A- La polygamie dans le Code du statut personnel de 1957


Dans le cadre du Code du Statut Personnel de 1957, la polygamie
pouvait se pratiquer sans aucune restriction. L’article 29 permettait
à l’homme de contracter des mariages simultanés jusqu’à la limite de
quatre femmes. Bien que l’article 35-2 du Code, relatif aux droits de
l’épouse à l’égard de son mari, exigeait l’égalité de traitement entre
épouses en cas de polygamie, et bien que l’article 30-1 du même Code
interdisait la polygamie si une injustice était à craindre envers les coé-
pouses118. Le Code, cependant, ne précisait pas les conditions selon
les quelles cette égalité devait être établie : égalité à la fois matérielle
et sentimentale, ou bien tout simplement de la première sans la
seconde ? Le Code ne précisait pas non plus qui devait apprécier
l’inobservation de l’égalité : le juge, le mari ou les épouses119 ?pour
limiter la polygamie, le Code se fondait donc uniquement sur la convic-
tion religieuse et la conscience des croyants qui semblent insuffisantes
pour atteindre cet objectif.
Par ailleurs, pour la protection des intérêts de la nouvelle femme,
le Code disposait que l’acte de mariage concernant la seconde épouse
ne pouvait être dressé qu’après que celle-ci aurait été informée du
fait que son prétendant était déjà marié (art.30-3 du C.S.P.S). Mais
encore une fois, le Code ne déterminait pas qui devait l’informer. Le
prétendant lui-même ? La première épouse ? le juge ou l’entourage
familiale ? De même, cette disposition n’était assortie d’aucune sanction
à l’égard de l’homme marié qui se remariait sans informer au préalable
la nouvelle femme qu’il était déjà marié. Ainsi, l’homme pouvait sans
souci épouser plusieurs femmes puisque, les actes de mariage n’étant
pas transcrits sur les registres de l’état civil, il était difficile de vérifier
en pratique son état matrimonial. Le mari pouvait toujours changer le
lieu de sa résidence et, par conséquent, obtenir de nouveaux documents
administratifs qui ne révélaient par son premier mariage120.
Face à cette prérogative maritale, la première épouse avait le droit
de demander que son mari s’engage dans l’acte de mariage à ne pas
lui adjoindre une coépouse et à lui reconnaître le droit de demander
le divorce au cas où cet engagement serait violé (art.31 du C.S.P.S).

118- CHAFI MOHAMED, La polygamie : étude des législations des pays islamiques et
africains, op.cit., .p.33.
119- Ibid. p.27.
120- Ibid. p.28.

46
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Sinon, elle avait juste la possibilité du recours devant un juge pour


apprécier le préjudice subi par le remariage de son époux (art.30-2
du C.S.P.S).
Pour éviter les unions simultanées et assurer la protection de la
première femme, certaines modifications ont été apportées par le dahir
du 10 septembre 1993.

B- La polygamie dans les réformes de 1993


Parmi les innovations apportées par le dahir du 10 septembre 1993
en matière de polygamie, il faut retenir, tout d’abord, les dispositions
de l’article 30 modifié qui exigeaient que la première épouse soit avisée
de l’intention de son époux de lui joindre une autre épouse, et que la
deuxième épouse soit informée que son futur époux était déjà marié.
Toutefois, comme dans l’ancien texte, ni la personne chargée de trans-
mettre cette information n’était précisée, ni aucune sanction n’était
prévue en cas d’inobservation de ces formalités.
Autre innovation, le pouvoir d’appréciation était laissé au juge en
matière de polygamie. Le juge pouvait, le cas échéant, refuser la demande
si une injustice était à craindre entre les coépouses, sans toutefois que le
texte donne des précisions sur les modalités de l’exercice de ce pou-
voir. Pour le reste, les dispositions du dahir du 10 septembre 1993 en
matière de la polygamie ne différaient pas de l’ancien texte. La première
épouse pouvait toujours insérer une clause de monogamie dans l’acte
de mariage pour demander le divorce, ou saisir le juge pour apprécier
le préjudice que lui était causé par cette nouvelle union, au cas où cet-
te clause n’aurait pas été prévue. Sur ce point, comme l’ancien texte,
l’article 30 modifié ne précisait pas si la femme devait demander au
juge la réparation de son préjudice par des dommages-intérêt, ou bien
le divorce pour préjudice comme précisait l’article 56 du C.S.P.S., ou
encore exiger le refus d’autoriser le remariage de son époux121. De
même, le texte ne fournissait aucune réponse sur le sort du mariage
contracté en violation de cette condition122. L’insertion d’une clause
de monogamie dans l’acte de mariage ne pouvait pas constituer un vrai
obstacle au remariage du mari du fait que celui-ci pouvait toujours

121- Voir CHAFI MOHAMED, Code du statut personnel annoté: textes législatifs, doctrine
et jurisprudence, Marrakech: Ed. Walili, 1996, p.80.
122- CHAFI MOHAMED, La polygamie : étude des législations des pays islamiques et afri-
cains, op.cit. p.34.

47
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

contracter un second mariage sans s’inquiéter d’une sanction quel-


conque. La femme n’avait qu’un droit d’option pour demander le
divorce ou continuer à rester dans la relation conjugale123.
En outre, la possibilité accordée à l’épouse de saisir le juge, en
vue d’apprécier le préjudice, n’était pas une réelle protection pour la
femme puisque celle-ci avait le droit, en dehors du cas de la polyga-
mie, de demander le divorce judiciaire pour préjudice. De surcroit, la
demande de divorce ne pouvait pas résoudre le phénomène polyga-
mique, surtout pour la femme qui avait dépassé un certain âge pour
convoler en secondes noces124.
Un autre reproche, fait au nouveau texte, était le mauvais fonc-
tionnement et la défaillance de l’appareil de l’état civil en matière de
statut personnel qui pouvaient entrainer les situations de polygamie21.
En effet les alinéas 1 et 2 de l’article 43 du C.S.P.S. concernant l’en-
registrement de l’acte de mariage et son expédition, restés inchangés
dans le nouveau texte, disposaient qu’une copie de l’acte de mariage
devait être adressée à l’officier de l’état civil sans toutefois préciser s’il
s’agissait de transcrire l’acte sur les registres de l’état civil ou d’une
simple information. De plus, les actes de naissances ne comportaient
aucune mention sur l’état matrimonial de la personne125. Ainsi, dans le
passé les tribunaux ont été saisis de cas exceptionnels tels que le mariage
d’une femme à deux hommes126, et d’un homme à huit femmes127.
Il est ainsi clair que les modifications apportées par le dahir du 10
septembre 1993 ne changeaient en rien la situation de la polygamie,
jugée non seulement contraire à la dignité de la femme, mais aussi de
nature à causer des troubles immenses dans la famille dus à la jalousie

123- CHAFI MOHAMED, Code du statut personnel annoté. op. cit., p.308.
124- CHAFI MOHAMED, La polygamie : étude des législations des pays islamiques et
africains, op. cit., p.37
21- Ibid. p.34.
125 - Au surplus, une circulaire du Ministère de l’Intérieur du 31 octobre 1958 interdisait
expressément aux officiers de l’état civil de porter les mentions relatives à l’état matrimonial
des personnes en marges des actes de naissance et de livret de famille. (Circulaire n°8 /96/1),
Ibid. p.35.
126- Cour suprême, 24 avril 1959, Revue de jurisprudence et de loi, n°25. Rabat 1960, p.34,
cité par MOHAMED CHAFI, La polygamie : étude des législations des pays islamiques et
africains, op. cit., p.35.
127- Le tribunal de première instance de Meknès avait jugé le 3 avril 1975, un homme qui
était à huit femmes. Le tribunal avait homologué selon l’ordre chronologique les quatre pre-
miers mariages et a annulé les autres. Cité par MOULAY RCHID, La condition de la femme
au Maroc, thèse, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, 1985,
p.349.

48
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

entre coépouses et au dissentiment entre les enfants de lits différents.


Il convient, dés lors, de se demander si le Code de la famille, promulgué
en 2003, a apporté des restrictions plus sévères à la polygamie et a
octroyé à la femme une meilleure garantie face à un remariage éventuel
de son époux.

C- La polygamie dans le Code de la famille


Le droit à la polygamie est reconduit dans le nouveau Code de la
famille, mais soumis à de nouvelles restrictions. Ces nouvelles dis-
positions, contenues dans les articles 39 à 46 du nouveau Code de la
famille, sont les suivantes :

1. Respect du nombre :
L’article 39-2 du N.C.F reprend les dispositions de l’article 29-2 de
l’ancien texte pour déclarer prohibé le fait d’avoir à la fois un nombre
d’épouses supérieur à celui autorisé légalement par la charia.128 On
pourra ainsi noter que le texte ne fait mention d’aucun nombre. Tou-
tefois, le rite malékite auquel renvoie l’article 39-2 le limite à quatre
épouses, mais compte tenu du caractère exceptionnel de l’autorisation
de polygamie, les dispositions de l’article 40 et 41 du Code n’évoquent
que deux épouses. En conséquence, si la polygamie est permise, elle
ne peut aller au-delà de deux épouses, car logiquement l’époux qui
obtient exceptionnellement l’autorisation pour prendre une seconde
épouse, ne pourra justifier sa demande par d’autres motifs objectifs et
exceptionnels afin de pouvoir épouser une troisième et une quatrième
épouse.129 Les conditions paraissent suffisamment restrictives pour
n’envisager de fait que l’hypothèse de la bigamie.

2. Respect de la justice et de l’équité entre épouses :


La condition d’équité n’est pas une innovation. En effet, à l’instar
de l’article 30 de l’ancien Code du statut personnel, l’article 401 de
N.C.F. interdit la polygamie lorsqu’une injustice est à craindre envers les
épouses. Le juge ne peut donc autoriser la polygamie que s’il s’assure
128- « Apport du projet du Code de la famille », journées d’étude organisées les 19 et 20 no-
vembre 2003 par l’Université Mohamed V Suissi, Rabat, travaux dans « les actes du colloque
sur la moudawana ».
129- La famille marocaine entre le fiqh malékite et le droit positif, journée d’étude organisée
par l’Université Hassan II, Casablanca, Revue marocaine de droit et d’économie de dévelop-
pement, n°50, 2004.

49
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

qu’il n’existe aucune présomption d’iniquité, et lorsqu’il est convaincu


de la capacité du mari à traiter la seconde épouse sur un pied d’égalité
avec la première.130 Ainsi, dans un jugement du tribunal de première
instance de Casablanca , alors que l’épouse avait déclaré qu’elle vivait
depuis deux ans en dehors du domicile conjugal et qu’il y avait des
conflits et différends entre elle et son mari, le juge rejette la demande
d’autorisation dont le motif exceptionnel, avancé par l’époux, était le
manquement de l’épouse à ses devoirs conjugaux, estimant que les
différends entre les deux époux constituaient une présomption de
l’impossibilité de respecter la condition de justice131.
Toutefois, sauf les circonstances particulières de certaines affaires
qui facilitent en effet le traitement des dossiers de polygamie, il semble
très difficile qu’un magistrat puisse trancher dans de pareilles ques-
tions, sachant que cette condition est une obligation morale et qu’il
est impossible de déterminer à l’avance si le mari pourra la respecter
ou non. Ainsi, à l’instar de l’ancien texte, le nouveau Code dans son
article 40 ne précise pas les conditions selon lesquelles l’équité entre les
épouses doit être respectée. Doit-il embrasser tous les aspects maté-
riels et sentimentaux de la vie conjugale, ou bien l’équité ne doit com-
prendre que l’aspect matériel ? Certes, dans son article 4, comme nous
le verrons, le Code précise l’aspect matériel de l’élément de l’équité
en demandant à l’époux de prouver qu’il pourra effectivement être
équitable sur le plan matériel. Mais le fait de prouver la suffisance de
ses ressources pour subvenir aux besoins de deux familles ne prouve
en rien que le mari polygame puisse respecter automatiquement la
condition d’équité quant au partage de ses ressources.

3. Disposition de ressources suffisantes :


Pour l’obtention de l’autorisation de polygamie, la demande d’auto-
risation doit être adressée au tribunal en mentionnant les motifs la
justifiant et en joignant une déclaration relative à la situation du de-
mandeur et à ses obligations financières. L’époux devra donc justifier
qu’il a des moyens suffisants pour assurer l’égalité de statuts et de
niveaux de vie entre ses épouses. C’est ce qui ressort de l’article 41-2
130- « Le nouveau Code marocain de la famille », Gazette du palais, spécial contentieux judi-
caire, n°247/248, 4 septembre 2004 ; « Nos nouveaux droits » Supplément de la Revue Fem-
mes du Maroc, n°99, mars 2004.
131- Jugement N° 98 du 13/3/2007, dossier n° 43/2007, tribunal de première instance de
Casablanca, section de la justice da la famille, jugement non publié.

50
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

du N.C.F. qui dispose que : « Le tribunal n’autorise pas la polygamie :


lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes pour
entretenir les deux familles et garantir tous les droits dont la pension
alimentaire, le logement et l’égalité dans tous les aspects de la vie. »132
Toutefois, les jugements rendus par le tribunal de la famille à
Casablanca que nous avons pu consulter, montrent bien que, dans la
plupart des cas, il ne faut pas avoir nécessairement de grands moyens
matériels pour décrocher l’autorisation d’avoir une seconde épouse.
En effet, les revenus déclarés des demandeurs variaient en moyenne
entre 4000 à 10000 dirhams (400 à 1000 euros environ). Ainsi, nous
avons pu constater que si les autres conditions légales de la polygamie
étaient réunies, la condition de suffisance des ressources n’était pas
aussi importante que l’on pouvait supposer puisqu’il était considéré
comme suffisant, le fait que le mari pouvait prouver le minimum
indispensable pour faire vivre les deux familles.133

4. L’absence de clause de monogamie dans l’acte de mariage :


Conformément à l’article 40 du nouveau Code, la polygamie est
interdite lorsque l’épouse a exigé de son époux, dans l’acte de mariage
ou ultérieurement dans une convention matrimoniale au cours de la
vie conjugale, à ne pas lui adjoindre une autre épouse. Certes, l’ancien
Code du statut personnel, dans ses articles 30 et 31, permettait éga-
lement à la femme l’insertion de la clause de monogamie dans l’acte
de mariage, mais en cas de violation de cette clause la femme n’avait
que le droit au divorce et à la réparation du préjudice subi, alors que
selon le nouveau texte, en présence d’une telle clause, la polygamie
ne pourra être autorisée quels que soient les justificatifs avancés par
le mari. Toutefois, la question qui se pose est celle de savoir quelle
sanction est prévue au cas où le mari, parviendrait, d’une manière

132- Apport du projet du Code de la famille », journées d’étude organisées les 19 et 20 no-
vembre 2003 par l’Université Mohamed V Suissi, Rabat, travaux publiées dans « les actes
du colloque sur la moudawana ».
133- « Quel apport du nouveau Code de la famille ? Réhabilitation des préceptes de l’islam »
conférence à la journée d’étude sur les droits de l’Homme organisée le 25 février 2004, par
Méditerranéan Master’s Degree in Human rights and Démocratisation, Université of Malta ;
« Le mariage dans le projet du nouveau Code de la famille entre consécration du principe de
l’égalité et la recherche de la justice milieu, » communication aux journées d’étude organisées
par l’Université Hassan II les 5,6 et 12 décembre 2003 à Casablanca.

51
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

ou d’une autre, à épouser une seconde femme134. Quel sera le sort


du nouveau mariage contracté sans autorisation ? Le texte ne fournit
aucune réponse à cette question.
Par ailleurs, pour un meilleur usage de cette clause de monogamie par
la femme, sa banalisation dans la pratique est fondamentale. Aussi,
pour faire briser le tabou qui freine l’insertion de cette clause dans
l’acte de mariage, et dissiper la honte « hchouma », éprouvée souvent
par les familles désireuses de l’invoquer, il serait souhaitable d’informer
des futurs époux de leurs droits et devoirs, au moment de la conclusion
du mariage : ce pourrait être une obligation des adûls, chargés de rédiger
l’acte de mariage135.

5. L’accord de la première épouse :


Les règles procédurales en matière de la polygamie, prévues par
les articles 44 à 46 du Code de la famille, visent non seulement à
constater que le demandeur de l’autorisation remplit les conditions
légales de la polygamie exigées par la loi, mais aussi à garantir d’une
part, les droits de la première femme, et d’autre part à sauvegarder les
droits de la seconde épouse. C’est ainsi qu’en l’absence de clause de
monogamie dans l’acte de mariage, il appartient au juge de convoquer
la première épouse, aux fins de comparution, pour qu’elle puisse faire
valoir sa position. Il n’est plus question de remettre la convocation
à quelqu’un d’autre. La première épouse doit être convoquée per-
sonnellement. L’épouse qui reçoit la convocation, mais qui s’abstient
de se présenter à l’audience, ou refuse de recevoir la convocation,
sera mise en demeure par huissier de justice, diligenté par le tribunal,
l’avertissant que si elle n’assiste pas à l’audience dont la date est fixée
dans la mise en demeure, il sera statué sur la demande de son époux
en son absence (art.43 du N.C.F). Si l’épouse ne reçoit pas la convention
parce que son mari a donné de mauvaise foi une adresse erronée ou
134- Voir : BEN LAQDIM AT-TAYEB, « Ta’ dudd-i az-zawjât wa âtharih-i fil-qânun al-
maghrebi wal- qânun al-moqâran (La polygamie et ses effets en droit marocain et droit com-
paré) », La gazette des tribunaux du Maroc, N°101/2006, p.21
135- Déjà on reprochait à l’ancienne réforme du 1993 que cette interdiction contractuelle de
la polygamie ne pouvait être réalisée à tout prix, notamment dans une société où le niveau de
l’alphabétisme et l’absence d’instruction sont très élevés dans les rangs de la masse féminine.
La précaution de stipuler une telle clause n’est prise que rarement par certaines familles
évoluées. De même, les adûls n’encourageaient pas le recours à cette pratique. Souvent,
la femme recourt à la sorcellerie, aux amulettes, au marabout, etc. dans l’espoir d’éviter la
conclusion d’un éventuel mariage de son mari. Voir : CHAFI MOHAMED, la polygamie,
l’étude des législations des pays islamiques, op.cit., p.36.

52
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

falsifié le nom et/ou le prénom de son épouse, il pourra être condamné


pénalement conformément à l’article 361 du Code pénal sur la demande
de l’épouse lésée136.
L’audience de comparution se fait en chambre de conseil, la présence
de la première épouse lui permet ainsi de contester et de réfuter, le
cas échéant, les justifications présentées par son époux. Le juge, après
avoir entendu les deux époux, fait une tentative de conciliation après
investigation des faits et présentation des renseignements requis.
Il peut, par décision motivée non susceptible de recours, autoriser la
polygamie s’il est établi que les motifs invoqués revêtent effectivement
un caractère objectif et exceptionnel, et que toutes les conditions léga-
les attachées à la demande sont remplies. La décision rendue doit en
outre faire état des mesures à prendre en faveur de la première épouse
et de ses enfants, issus de son mariage avec le mari en question (art
44 du N.C.F).
En revanche, lorsque la femme ne donne pas son consentement
pour le remariage de son époux, selon les dispositions de l’article 45
N.C.F. deux cas de figure peuvent se présenter.
Tout d’abord, si, au cours des débats contradictoires, l’impossibi-
lité de la continuation de la vie commune est établie, et que la femme
à laquelle le mari veut adjoindre une coépouse tient à son divorce, le
tribunal fixe un montant correspondant à tous les droits de l’épouse et
de leurs enfants que l’époux a l’obligation d’entretenir. La somme fixée
doit être consignée au tribunal dans un délai n’excédant pas 7 jours.
La non-consignation de la somme dans le délai imparti est considérée
comme une renonciation de l’époux à sa demande de polygamie. Dès
la consignation de la somme, le tribunal prononce un jugement de
divorce. Ce jugement n’est susceptible d’aucun recours dans sa partie
mettant fin à l’union conjugale.137
136- Article 361 du Code pénal dispose ainsi : « Quiconque se fait délivrer indûment ou tente
de se faire délivrer indûment un des documents désignés à l’article précédent, soit en faisant
de fausses déclarations, soit en prenant un faux nom ou une fausse qualité soit en fournis-
sant de faux renseignements, certificats ou attestations, est puni de l’emprisonnement de
trois mois à trois ans et d’une amende de 200 à 300 dirhams ». Article 360 du Code pénal :
« Quiconque contrefait falsifie ou altère les permis, certificats, livres, bulletins, récépissés,
passeports, ordres de missions, feuilles de route, laissez-passer ou autres documents délivrés
par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité, ou
d’accorder une autorisation, est puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans de amende
de 250 à 1500 dirhams ».
137- « Le nouveau Code marocain de la famille », Gazette du palais, spécial contentieux judi-
caire, n°247/248, 4 septembre 2004.

53
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Et puis, il se peut aussi que l’époux persiste à demander l’autorisation


de prendre une autre épouse, alors que la première femme refuse de
donner son accord, sans pour autant demander le divorce. Dans ce
cas, le tribunal applique d’office la procédure de divorce pour cause
de discorde (Chiqaq).138
Par ailleurs, afin de préserver le droit à l’information de la deuxième
épouse, lorsque l’autorisation de polygamie est accordée, le mariage
ne sera conclu avec la seconde épouse qu’après que celle-ci ait été
avisée par le juge que son futur époux est déjà marié, et avoir recueilli
son consentement. L’avis et le consentement sont consignés dans un
procès-verbal officiel (art 46 du N.C.F). dans l’ancien texte, la première
épouse devait être avisée uniquement de l’intention de son mari de
prendre une deuxième épouse et d’informer celle-ci qu’il est déjà marié.
Le texte ne précisait pas la personne chargée de transmettre cette
information et l’intervention du juge à cet effet n’était pas requise.
Cette démarche vise ainsi à éviter que le remariage de l’époux ait lieu
à l’insu de la première épouse et sans que la future épouse ait connais-
sance de la précédente union.
Bien que la condition de l’accord de la première femme permette
quelquefois d’éviter les unions simultanées et de garantir la stabilité
du couple, cependant force est de constater que, dans la pratique, cette
autorisation n’est donnée qu’à contrecœur par la femme, voire même
dans certains cas sous la menace, ou bien par peur d’être mise devant
le fait accompli d’une liaison extraconjugale du mari.139 D’ailleurs, la
motivation de préserver le mari contre un probable péché d’adultère
est assez souvent exprimée par les femmes pour accepter le remariage
de leurs époux.140 A titre d’exemple, dans un jugement du Tribunal
de première instance de Meknès, on relève que la première femme,
affectée par des problèmes sexuels, déclare consentir au remariage de
son époux avec une femme qu’elle a choisi elle-même, préférant ainsi la
polygamie plutôt que voir son mari se prêter à des actes immoraux141.
138- Ibid.
139- Le nouveau Code de la famille », Gazette du palais, spécial contentieux judicaire, n°247-
248, 4 septembre 2004, p.3.
140- MOKHTAR HARRAS et FATNA SAREHANE, l’application du Code de la famille,
Acquis et défis, (Etude de la pratique dans les tribunaux de la famille de Casablanca et de
Tétouan), Association marocaine de lutte contre la violence à l’égard des femmes, Ed. Hexa-
gone, 2006.
141- Tribunal de première instance de Meknès, jugement N° 1310 du 06/04/2006, Justice de
la famille, N°3 juillet 2006. op. cit., p.80.

54
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Cette condition demeure inefficace pour combattre la polygamie


puisqu’en définitive la femme qui ne consent pas, ne peut empêcher
son mari de prendre une nouvelle épouse. A l’instar de l’ancien texte,
elle pourra simplement demander le divorce et réclamer à être
dédommagée du préjudice subi.

6. Motif objectif de caractère exceptionnel


Aux termes de l’article 41-1 du N.C.F. pour qu’un homme marié
puisse obtenir l’autorisation de contracter un nouveau mariage, il doit
disposer d’un motif objectif de caractère exceptionnel afin de justi-
fier son recours à la polygamie. Il appartient au juge de déterminer
l’objectivité et l’exceptionnalité du motif avancé par le demandeur.
L’appréciation sera donnée au cas par cas. Si la justification objective
et exceptionnelle n’est pas établie devant le tribunal, sa demande sera
rejetée.
Ainsi, pour qu’une autorisation de polygamie puisse être accordée,
le demandeur doit présenter obligatoirement à l’appui de sa requête
des raisons à caractère exceptionnel qui sont vérifiables par le juge.
On peut imaginer que des arguments tels que la maladie et la stérilité
de la première épouse, ou le refus de rejoindre son mari au domicile
conjugal sans avoir une raison valable puissent être invoqués comme
motifs entrant dans le cadre de l’article 41-1 du Code de la famille.
D’ailleurs, parmi les 218 demandes de polygamie, déposées au Tribunal
de première instance de Casablanca, Section de la justice de la famille,
entre le 3 janvier et le 15 juillet 2007, nous avons pu constater que les
motifs de recours les plus fréquents en polygamie étaient : la stérilité,
la paralysie et la maladie incurable de la première épouse, les difficultés
ou l’impossibilité pour la femme d’avoir des relations sexuelles avec
son mari . Nous avons également constaté des cas isolés tels que la
demande d’autorisation de se remarier avec son ex femme avec qui le
mari avait des enfants. Le juge avait alors autorisé la polygamie consi-
dérant que la demande a pour but de réunir une famille dispersée142.
Cependant, on peut s’interroger sur l’objectivité et l’exceptionnalité
d’un motif lorsque l’autorisation du juge est motivée entre autres par
des considérations telles que l’impossibilité pour la femme de s’occuper
du foyer.
142- Tribunal de première instance de Casablanca, Section de la justice de la famille, juge-
ment N°85 du 8/03/2007. Dossier N°35/07, jugement non publié.

55
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Ainsi, dans un jugement rendu par le tribunal de première instante


de Larache le motif justifiant la polygamie, déclaré de la part du mari
et affirmé par son épouse, est son incapacité a supporter la charge des
travaux domestiques. Ce motif est considéré par le juge comme étant
objectif et exceptionnel du moment que l’épouse ne peut pas assumer
l’un des plus importants des devoirs, mis à sa charge vis-à-vis de son
mari, conformément au contrat de mariage143. Dans un autre juge-
ment, on constate que la décision du juge est motivée non seulement
parce que la première femme ne pouvait pas répondre aux souhaits
sexuels de son mari selon les dires de l’époux, mais aussi parce que
l’épouse ne pouvait plus s’occuper de ses obligations domestiques
selon les dires de la femme144.
Par ailleurs, si l’objectivité d’un motif peut être établie par des élé-
ments véritables par le juge, en revanche, l’appréciation de l’excep-
tionnalité d’un motif n’est pas forcément une tache facile. Dans une
enquête réalisée auprès des magistrats des juridictions de familles, il a
été constaté que pour les magistrats interviewés, les éléments d’objec-
tivité déterminés par le législateur en vue de la dérogation au principe
de la monogamie sont considérés généralement comme assez contrai-
gnants pour que la dérogation au principe de la monogamie n’ait lieu
qu’exceptionnellement145. Ainsi, le moralisme, ou le souci social est
également pris en considération par le juge pour rendre une déroga-
tion « exceptionnellement exceptionnelle »146. L’enquête montre que le
juge autorise la polygamie lorsque la première épouse risque de faire
les frais de son refus à accorder au mari le mariage à une seconde
épouse, ou bien, mis devant le fait accompli d’une liaison extraconjugale
avec grossesse par un mari auquel l’autorisation d’une seconde épouse
n’avait pas été accordée lors d’une première demande, il régularise la
situation par une dérogation rétroactive, même si les conditions objec-
tives requises ne sont pas réunis147.
143- Tribunal de première instance de Larache, jugement N° 394 du 27/12/2004, justice de
la famille, juillet 2005, N°1, op. cit., p.107.
144- Tribunal de première instante de Larache, jugement N°394 du 27/12/2004, justice de la
famille, jugement N° 57 du 13/02/2007, dossier N°07/07, jugement non publié.
145- L’enquête réalisée auprès des magistrats a Rabat, Kenitra et Tanger dans la période
février/avril 2006. Voir : MOUAQIT MOHAMED, « disposition culturelle/axiologique du
juge et interprétation du nouveau Code de la famille », le Code de la famille, perceptions et
pratique judiciaire, fondation Friedrich Ebert, Maroc, Janvier 2007. p. 175.
146- Ibid. p.175.
147- Ibid. p.175.

56
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Ce qu’on peut ainsi reprocher à l’article 41-1 du Code est qu’il ne


définit pas les motivations objectives et exceptionnelles permettant la
polygamie en conformité avec l’esprit du Code, et laisse ainsi au juge
un large pouvoir d’appréciation de l’exception qui permettra de déro-
ger au principe du mariage monogamique. Ainsi, d’après une étude,
l’examen des statistiques fournies par le greffe du Tribunal de Tanger,
fait ressortir que 45 demandes d’autorisation de polygamie ont été
déposées entre le début janvier et le 31 mars 2006. Sur les 14 demandes
définitivement examinées par le tribunal, 7 demandes ont été Accep-
tées. C’est donc 50% de rejet ou d’acceptation148. A l’échelle nationale,
selon les statistiques du Ministère de la justice, quelque 904 actes
de mariages polygamique, dans tout le Royaume ont été enregistrés
en 2004 (0.38% du volume global des demandes de mariage) contre
841 (0.38% des demandes) en 2005149. Ce chiffre est en légère baisse :
30% du volume des demandes de mariage en 2006150, et 0.29% du
total en 2007151. Cependant, les statistiques officielles ont été parfois
contestées par des ONG ayant procédé elles-mêmes à leurs propres
enquêtes152.
Ainsi, une étude de la ligue démocratique pour les Droits des Femmes
sur l’application du Code de la famille153 stigmatise les lacunes qui ont
marqué l’exécution de la procédure comme suit :
• Contradiction entre le taux des autorisations délivrées et l’esprit
et la philosophie du Code qui n’a conçu un tel recours qu’en
termes d’exception.
• Manque de vérification des prétextes pour la demande de poly-
gamie.
• Prise en considération du seul facteur matériel pour juger de la

148- OUNNIR ABDELLAH, « les justiciables dans le circuit judiciaire relatif au conten-
tieux de la famille », le code de la famille, perceptions et judiciaire, Fondation Friedrich
Ebert, Maroc, Janvier 2007, p.105 et 106.
149- Justice de la famille, N°3 décembre 2006, op. cit., p.37.
150- Rapport Statistiques 2006, justice de la famille, ministre de la justice, disponible sur :
http://www.justice.gov.ma/console/uploads/Doc/statist2006.pdf.
151- Chiffres communiqués par le Ministère de la Justice lors de la journée d’études or-
ganisée à l’institut Supérieur de la Magistrature à Rabat le 11 février 2008, à l’occasion du
quatrième anniversaire de la promulgation du Code de la famille, disponible sur : http://www.
justice.gov.ma/ar/actualites/actualite.aspx? actialite=287&=0
152- Voir : Rapport annuel sur l’application du droit de la famille. La ligue Démographique
des droits des femmes, 12 mai 2005. p.7 et 8, disponible sur : http://www.lamarocaine.com/
docs/rapprt-annuel-Iddf.pdf.
153- Ibid. p.8.

57
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

capacité du mari de remplir ses obligations alors que ce facteur


vient en second degré.
• Considération à la spécificité d’une région contre le principe de
la modernité et l’unicité de la loi nationale et son applicabilité
égale à tous.
• Considération de l’âge avancé de la première épouse et de son
incapacité à reproduire conformément au désir de l’époux
d’avoir des enfants.
• Adoption d’arguments bizarres tel le refus de la première femme
de regagner le domicile conjugal commun.

Absence d’enquêtes sur certaines procédures de formalisation du


mariage qui correspondent souvent à des opérations de fraude pour
imposer la polygamie.
En conséquence, pour assurer une meilleure effectivité des nou-
velles règles fixées par le Code de la famille, et rester dans la logique
d’exceptionnalité, le législateur aurait dû énumérer les motifs excep-
tionnels permettant la polygamie en les réduisant aux seuls cas où elle
serait nécessaire pour des motifs très graves.

Chapitre II : Le mariage polygamique et conflit de lois


franco-marocaines

Depuis plusieurs années, l’intégration des immigrés en France est


considérée comme un objectif et un idéal politique. Cette intégration
implique la reconnaissance des droits de l’immigré, droits d’ordre privé,
mais également droits fondamentaux et libertés publiques.
Cette notion très vague de l’intégration, qui fait l’objet de plusieurs
études de sociologie154, soulève la question de l’impact que pourrait
avoir la politique d’immigration sur le droit international privé français.
La question de la polygamie se situe au cœur de cette problématique.
La France a connu de fortes périodes d’immigration durant les-
quelles la législation en matière d’entrée et de séjour des étrangers a
été soit inexistante, soit inappliquée155.
154- Parmi les ouvrages consacrés au sujet, voir notamment : SCHNAPPER (D), La France
de l’intégration, NRF, Gallimard, 1991.
155- D’HAËM(R), l’entrée et le séjour des immigrés en France, que sais-je, PUF, 1991,
p.11.

58
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Durant ces périodes d’immigration, l’arrivée des familles des tra-


vailleurs immigrés ne présentait aucune difficulté. La problématique
de la polygamie était tout simplement une question de droit privé qui
n’intéressait pas les autorités publiques156.
Cependant, depuis 1980, la politique d’immigration en France a
pour objectif le contrôle de l’immigration et le droit des étrangers évolue
dans ce sens157. Les immigrés apparaissent en effet comme une charge
pour l’Etat dans une période caractérisée par une crise économique.
Plusieurs réformes158 sont dés lors mises en œuvre pour modifier l’or-
donnance du 2 Novembre 1945159, toutes ayant pour objectif de res-
treindre l’immigration.
L’interdiction du regroupement familial pour les polygames est une
des nombreuses mesures adoptées pour limiter l’immigration.
Jusqu’à une dizaine d’années, les effets de la polygamie étaient
politiquement tolérés en France, mais on assistera rapidement au déclin
de ces effets. La loi pasqua, à l’instar du droit communautaire et euro-
péen, a mis fin à la tolérance des autorités publiques envers l’installa-
tion en France des familles polygames.
Nous analyserons ainsi le déclin des effets des mariages polyga-
miques en France dans une première section. Après avoir exposé un
bilan du droit positif relatif à cette question, nous pourrons y porter
un regard plus prospectif, pour vérifier si l’évolution de la politique
d’immigration pourrait avoir des répercussions sur le droit internatio-
nal privé français et notamment sur la règle de conflit de lois applicable
aux mariages polygamiques.
Ainsi, nous constaterons la remise en cause de cette règle de conflit
dans une deuxième section.

156- Ibid.
157- FARGE (1), le statut familial des étrangers, de la loi nationale à la loi de la résidence
habituelle, L’Harmattan, Coll. Logiques juridiques, 2003, p.40.
158- Lois pasqua n°93-1027 et 93-1147 du 24 Août et du 30 Décembre 1993, nouvelle loi
pasqua n°94-1136 du 27 Décembre 1994, JO 28 Déc. 1994, loi Debré n°97-396 du 24
Avril 1997, loi Chevènement du 12 mai 1998, JO n° 109 et loi Sarkozy n° 2003-1119 du 26
Novembre 2002.
159- Ordonnance n°45-2658 du 2 Novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de
séjour des étrangers en France.

59
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Première section : Le déclin de la reconnaissance des ef-


fets relatifs aux mariages polygamiques

Si le mariage polygamique est, en France, un phénomène marginal,


certains de ces effets sont toujours invoqués devant les juridictions
françaises. Des manifestations des unions polygamiques perdurent
sous plusieurs aspects (Parag I). Elles sont pourtant très restreintes
actuellement (parag II).

Parag I : Les manifestations des unions polygamiques en France


Les juridictions françaises peuvent se retrouver face à des situa-
tions de mariages polygamiques dans divers contextes. D’abord, elles
peuvent se trouver confrontées à une épouse à qui le mariage poly-
gamique a été imposé et qui veut divorcer. Il s’agit ici d’une situation
de polygamie non acceptée, où l’épouse se retrouve « prise dans une
union polygamique, comme prise au piège »160 (A). Il peut ensuite s’agir
d’un mariage polygamique légalement contracté à l’étranger et dont
l’une des épouses réclame les effets devant la juridiction française
(B). Dans ce dernier cas la coépouse demanderesse connaît souvent
dés le premier jour de cette union, la condition qui sera la sienne. Elle
n’est pas prise au piège dans cette union polygamique. Elle demande
uniquement au juge français qu’il fasse reconnaître à ce mariage certains
effets.

A- La polygamie non consentie


Comment une femme française ou étrangère, peut-elle se retrouver,
malgré elle, engagée dans un mariage polygamique? Ceci s’explique
par l’existence d’un esprit de tolérance en matière du droit internatio-
nal privé(1). Quels sont les possibilités d’action pour une femme se
retrouvant dans une situation pareille?(2)

1. Des principes de droit international privé basés sur une philosophie de


tolérance :
En matière de droit international privé, la coexistence de deux prin-
cipes basés sur un esprit d’accueil et de tolérance de la loi étrangère,

160- ANCEL (B), « Le statut de la femme polygame », in le droit de la famille à l’épreuve des
migrations transnationales, LGDJ, 1993, p.105.

60
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

explique que le cas d’une femme prise malgré elle dans un mariage
polygamique soit possible. D’abord, ces deux principes sont : premiè-
rement, l’ordre public atténué (a) et deuxièment : l’application distri-
butive des lois nationales (b).

a- La notion de l’ordre public atténué :


Si une femme se retrouve mariée de force à un homme polygame,
c’est que cette situation lui est opposable, que le juge français considère
ce mariage comme légal. Or, d’après une jurisprudence constante,
les mariages polygamiques contractés sur le territoire français n’ont
jamais été reconnus comme légales. Une telle union est nulle car elle
est contraire à l’ordre public international français161. En effet, elle
s’oppose à la conception fondamentale du mariage en France telle
qu’elle est exprimée par le code civil dans son article 147 aux termes
duquel : « on ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution
du premier ».162
Par contre, si un homme s’engage, conformément à son statut per-
sonnel, dans un mariage polygamique à l’étranger, celui-ci pourra être
jugé par la juridiction française comme valide, et par conséquent, op-
posable à la première épouse. Cette démarche se justifie par la notion
de l’ordre public atténué qui est apparue au XIXème siècle163 de façon
empirique et à été formulé en 1953 à l’occasion de l’arrêt Rivière164.
Ce dernier a constitué le point de départ de la tolérance de la France
des institutions contraires dans leurs origines à l’ordre public inter-
national français, telle que la polygamie et dont l’essence tient dans
l’obligation de respecter et de garantir des droits acquis légalement à
l’étranger.
Ce principe est sans doute nécessaire pour garantir à chaque individu
une persistance de son statut personnel, par-delà ses mutations à travers
différents pays.

161- Grenoble, 23 janvier 2001, Dr. fam.2002,n°54, note LECUYER.


162- Paris, 2 février 1956, JC p.56.II, p.9229 note P.G. ; Lyon, 21 mars 1974, D.75, p.9 note
GHIHO. TGI paris 22 Janvier 1968, JDI 1969, p.406 note KAHN.
163- Cass.civ. 28 Février 1860, Bulkley, D.1960.1, p.2010 concl. DUPIN ; ANCEL et LE-
QUETTE, GAJDIP, Dalloz, 4ème éd. 2001, n°4.
164- Cass.civ. 17 avril 1953, op. cit., (note n°38) : « La réaction à l’encontre d’une disposition
contraire à l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un
droit en France ou qu’il s’agit de laisser se produire en France les effets d’un droit acquis
sans fraude à l’étranger ».

61
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

C’est également le respect de la souveraineté des Etats étrangers


qui exige de ne pas remettre en cause l’application qu’un Etat étranger
a fait de sa loi165. L’ordre public atténué s’intéresse à savoir si le mariage
est valide ou nul.
A l’inverse, c’est l’effet plein de l’ordre public qui pourra être adopté
éventuellement par le juge français pour vérifier s’il y a lieu de déduire
de ce mariage les droits, devoirs et obligations qui lui sont attachés166.
La tolérance qui a caractérisé les décisions des juridictions françaises
pendant les années soixante et soixante-dix a entrainé une utilisation sys-
tématique du principe de l’ordre public atténué ; si bien que le respect
des droits acquis était assuré sans même que le soupçon de fraude à la
loi soit présent dans l’esprit des juges.
En matière de reconnaissance de l’opposabilité par une seconde
épouse des effets d’un mariage légalement contracté à l’étranger, la
jurisprudence s’est par la suite montrée plus nuancée. La Cour de
cassation ne semble plus appliquer de manière absolue l’ordre public
atténué car en quelque sorte elle combine ce principe avec celui de
l’ordre public de proximité. Ainsi, les juges estiment que si certains
effets des mariages polygames peuvent se produire en France, ils ne
peuvent pas être opposés à la première épouse au cas où celle-ci est de
nationalité française. M. Lagarde compare cette démarche qui consiste
à faire valoir la notion de proximité de la situation avec le for de la
notion allemande connue sous le nom de l’Inlandsbeziehung167. Celle-

165- GRAULICH, in RCDIP, 1975, p.59, rapporte ce passage de l’ouvrage de Mr L. VON


BAR, Théorie and praxis des IPR, 2ème éd. 1890 : « Le seul droit que nous puissions jamais
avoir, c’est de (…) trancher et de supprimer ces rameux et ces rejetons (d’une situation crée
à l’étranger) qui se produisent sur notre territoire : le tronc qui se retrouve dans le ressort
d’une autre souveraineté (nous) échappe(…) ».
166- Le problème de la contrariété à l’ordre public des effets du mariage polygame valable-
ment célébré à l’étranger sera abordé plus loin.
167- L'Inlandsbeziehung (liens suffisants avec l'ordre juridique) se retrouve très fréquem-
ment en droit comparé, sous différentes appellations, pour limiter l'exercice d'une compéten-
ce juridictionnelle ou justifier le jeu de l'exception d'ordre public international. Elle permet
de s'assurer que l'exercice de sa compétence par un État, à l'égard d'un litige privé interna-
tional, n'est pas excessif. En effet, elle conduit à exiger que le rattachement retenu a priori
par la règle de compétence soit complété ou remplacé par la recherche des liens suffisants
entre le litige ou les parties et le for. Concernant l'exception d'ordre public, elle permet de
limiter sa mise en œuvre aux hypothèses dans lesquelles le for serait véritablement atteint
par l'application de la loi étrangère normalement applicable. La notion d'Inlandsbeziehung
permet ainsi, en premier lieu, de pondérer les compétences fondées sur des rattachements
exceptionnels, comme c'est le cas pour l'exception d'ordre public international ou pour les
fors exorbitants. En second lieu, une généralisation de l'utilisation de la notion pour tous les
chefs de compétence juridictionnelle, sur le modèle de la clause de due process' américaine

62
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

ci s’explique par le fait que l’ordre public est relatif et intervient plus
fortement contre une loi étrangère choquante quand des liens étroits
existent entre la situation et l’ordre juridique du for168.
Puisque cette démarche s’applique aux effets du mariage, on peut
songer qu’une telle logique est applicable à sa validité. En réalité, la
restreindre aux seuls effets du mariage paraît comme une attitude hy-
pocrite car qu’est ce que peut être un mariage valide s’il est dépourvu
de tous ses effets ? En effet, estimer de façon systématique qu’un mariage
polygamique impliquant une première épouse de nationalité française
est non valide car contraire à l’ordre public international français
pourrait priver la seconde épouse d’avantages dont elle aurait pu profiter
sans porter atteinte à la première épouse169.
Pourtant, ces cas sont rares : mis à part le cas des indemnisations
octroyées par l’engagement de la responsabilité civile d’un tiers, les
deux épouses devront se partager les avantages dont la première
épouse aurait dû bénéficier seule. Enfin, comme l’a fait remarquer le
professeur Lagarde, la formulation de la notion de l’effet atténué dans
l’arrêt Rivière laisse « la possibilité d’opposer l’ordre public, ne serait-
ce qu’à titre exceptionnel même à une situation créée à l’étranger ». En
effet, il est tout simplement formulé dans cet arrêt que : « la réaction
à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la
même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France
ou suivant qu’il s’agit de laisser se produire en France les effets d’un
droit acquis sans fraude à l’étranger ».
Cette possibilité n’a pas encore été utilisée par la jurisprudence.
En plus, si l’application de la notion de l’Inlandsbeziehung en France
permet de protéger une française du piège d’un mariage polygamique
elle ne protège pas une étrangère qui réside en France de ces risques,
d’autant plus si elle est elle-même de statut personnel musulman170.

ou de la théorie autrichienne de l'indication (Indikationentheorie) permettrait de rendre


l'exercice de cette compétence raisonnable dans chaque cas d'espèce. Enfin, la détermination
des liens suffisants s'effectue in concreto, en fonction des circonstances de l'espèce, mais des
directives générales d'interprétation peuvent être découvertes dans l'analyse de la pratique
jurisprudentielle des différents États. Pour plus de détail, voir : N.JOUBERT, La notion de
liens suffisants avec l’ordre juridique (Inlandsbeziehung) en droit international privé, Lexis
Nexis, 2007.
168- Grenoble, 23 janvier 2001, Dr. fam.2002,n° 54, note LECUYER.
169- Ibid.
170- D. LOCHAK, « La double peine des épouses de polygames » Dr. soc., 2006, p.1032.

63
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

L’exception d’ordre public ne sera pas toujours là pour écarter une


loi applicable à la validité du mariage. La notion de l’ordre public
atténué permet qu’un individu de statut personnel musulman puisse
retourner vivre dans son pays d’origine, ou dans un autre Etat de
droit Musulman, pour s’engager librement dans un deuxième (Voir
troisième…) mariage, sans l’accord de sa première épouse et la sou-
mettre par la suite à ce nouveau « statut »171.
Mais au lieu de manipuler la solution aléatoire qu’est celle de
l’ordre public, plusieurs écrivains se sont attaqués à l’origine de tous
ces maux : la législation applicable à la validité des mariages polyga-
miques. En effet, la deuxième raison pour laquelle une femme risque
de se retrouver passivement impliquée dans un mariage polygamique
est l’application distributive des lois nationales172.

b- L’application distributive des lois nationales :


L’appréciation de la validité du nouveau mariage est indépendante
du statut personnel de la première épouse, autrement dit de ce qui est
édicté par sa loi nationale. Certes, la bigamie est considérée comme
un empêchement bilatéral : pour vérifier si un mariage bigame est
valable, le juge doit chercher si la loi nationale de l’homme, comme
celle de la femme, autorise un tel mariage. Selon cette démarche, il
s’agit du principe de l’application cumulative des lois nationales qui
est mis en œuvre.
Mais la loi nationale de la première épouse ne sera pas prise en
considération car le juge ne procède pas à une application cumulative
de toutes les lois nationales173.
Cette approche de la loi applicable en matière de la validité d’un
mariage polygamique a été déduite de la décision rendue par la Cour
de cassation à l’occasion de l’affaire Baaziz174.
Dans cette décision, une française dont l’époux avait obtenu la
nationalité algérienne à l’indépendance et conclu un second mariage en
Algérie, demandait à ce que la seconde épouse ne puisse se prévaloir
171- Ibid
172- M. CHAMNI, L’islam et le droit musulman des personnes et de la famille à l’épreuve
de l’ordre juridique français, thèse Toulouse 2005 sous la direction de Mme J. POUSSON
– PETIT, p.245 et suiv.
173- H. SELMAOUI, Le droit civil marocain : entre droit musulman et droit français, thèse
Toulouse 2006 sous la direction de M.B.BEIGNIER, p.50 et suiv.
174- Cass.civ. 17 février 1982, RCDIP, 1983, p.275, note LEQUETTE ; JDI, 1983, p.606
note KAHN.

64
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

de cette qualité en France. La réponse donnée par la Cour est que ce


second mariage était valide et qu’il pouvait produire tous ses effets
sur le sol français dans la mesure où cela ne portait pas atteinte à l’ordre
public international français.
L’originalité de cette décision n’était pas de permettre qu’un mariage
polygamique produise ses effets en France, cette question ayant été
abordée plus tôt dans de nombreuses occasions175 mais de montrer
que la validité de ce mariage et, par conséquent, sa reconnaissance
en France était indépendante de manière absolue de la nationalité de
la première épouse. Il ne s’agit pourtant que d’une constatation car,
comme l’a fait remarquer M. Lequette, les juges et les parties n’ont
pas porté le débat sur la question de la loi applicable (la loi person-
nelle de l’un des époux, la loi des effets du mariage…) mais celui de
l’atteinte à l’ordre public international et de la fraude à la loi.
Cette règle jurisprudentielle a souvent été critiquée, pourtant elle
n’a fait jusqu’à présent l’objet d’aucun revirement. En effet, cette règle
de conflit amène au résultat choquant de lier la femme à un mariage
polygamique malgré elle, de plus, elle semble mal fondée.
En effet, la justification de l’empêchement énoncée par le code civil
dans son article 147 est, évidemment, la protection de la première
épouse et la préservation de la première union. L’interdiction de la
polygamie est inhérente au contrat de mariage. Si l’autorisation de
la polygamie doit être liée au statut personnel avant que l’homme ait
contracté tout mariage, cela ne devrait plus être le cas à partir du moment
où il s’est juridiquement engagé dans un mariage monogamique. En
décider différemment consiste à rendre légitime la violation de l’en-
gagement monogame au moment du mariage. Plusieurs auteurs ont
ainsi rappelé que l’exigence de la monogamie est « surtout l’un des
caractères du premier mariage »176.
Dans le but d’éviter la création de cette situation choquante de ma-
riage polygamique imposé, ces auteurs ont suggéré de nouvelles règles
175- Pour exemple : Cass.civ. 3 Janvier 1980 et 18 décembre 1979, D. 1980, P. 549, note
POISSON- DROCOURT, arrêt CHEMOUNI, 28 Janvier 1958 et 19 Février 1963, GA-
JDIP ANCEL et LEQUETTE, 4ème éd. DOLLOZ 2001, n° 30-31, p. 277, dans cet arrêt
la première épouse était pourtant une française mais l’argument de l’inopposabilité n’avait
pas été soulevé par cette dernière, qui ne prenait pas partie à l’affaire.
176 -FADLALLAH, la famille légitime en droit international privé, DALLOZ 1977, n°
198 : « la relation née du premier mariage ne saurait être effacée par un changement indi-
viduel de statut ». ;BISCHOFF, Le mariage polygamique en droit international privé, Trav.
Com.fr.dr.int.pr.,1980-1981, vol.2, p.91 et suiv.

65
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

en matière de conflit de lois. Pour les uns, la loi compétente pour


vérifier la validité du second mariage est la loi des effets de la première
union177, pour d’autres, ce doit être la loi du lieu ou cette union a été
célébrée178, ou encore, la loi nationale de la première épouse. Une
nouvelle solution à ce conflit s’est construite récemment, mettant en
avant le caractère contractuel du mariage et se basant sur le principe
d’autonomie de la volonté. Cependant, ces suggestions n’ont pas été
adoptées par les juges.
Le juge français, dans sa démarche d’acceptation de tels mariages,
continue de relier la notion de l’ordre public atténué avec le principe
d’application distributive des lois nationales. L’unique loi applicable
en matière de validité de la seconde union est celle des conditions
de fond de cette dernière et la notion de l’ordre public atténué fait
obstacle à l’écartement de cette loi. Par ce mécanisme, une femme
étrangère ou française peut se retrouver impliquée malgré elle dans
un mariage polygamique. Dés lors, quels sont les moyens d’actions
dont dispose cette dernière pour défendre ses intérêts ?

2. Les moyens de défense de l’épouse impliquée malgré elle dans un mariage


polygamique :
Les moyens de défense ne seront pas identiques selon qu’il s’agit
de la première épouse(b) ou de la deuxième (a).

a- Les moyens de défense de la seconde épouse prise malgré elle dans un


mariage polygamique :
Il s’agit dans cette hypothèse d’une femme qui se marie avec un
homme sans savoir qu’il est déjà marié. Cette hypothèse laisse entendre
que le statut personnel de celui-ci ne prohibe pas la polygamie. En
revanche, dans le cas contraire le mariage ne serait pas valide, la loi
de la nationalité du mari interdisant un tel mariage.
• Si la loi personnelle de la seconde épouse interdit la polygamie :
Si la loi personnelle de la seconde épouse impliquée malgré elle
177- FADLALLAH, la famille légitime en droit international privé, DALLOZ 1977, n° 198,
op. cit.
178- BISCHOFF, le mariage polygamique en droit international privé, op. cit., p.91 et suiv. ;
BÉATRICE BOURDELOIS, in mariage polygamique et droit positif français, JOLY 1993,
p.44, explique que c’est le choix qui a été fait en droit anglais : un mariage est monogamique
en droit s’il est célébrée dans un pays, qui, comme l’Angleterre, prohibe la polygamie, il est
virtuellement polygame s’il est célébré dans un pays autorisant la polygamie, sauf si le statut
personnel des deux époux l’interdit.

66
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

dans le mariage polygamique interdit la polygamie, ce second mariage


sera considéré nul. C’est en effet la qualification d’empêchement bi-
latéral qui est dans la majorité des cas retenue par la jurisprudence et
la doctrine en ce qui concerne l’interdiction de l’article 147 du Code
Civil179.
Comme le fait remarquer Henri Batiffol : « la loi française, en pres-
crivant la monogamie, l’entend des deux parties et non pas seulement
de son ressortissant ; il parait difficile de méconnaitre au point de
départ qu’il s’agit de la formation d’un lien auquel l’une et l’autre parties
doivent être aptes »180.
Si certains auteurs ont affirmé que l’empêchement de bigamie était
unilatéral, la Cour de cassation a adopté la thèse contraire181.
Ce mariage sera nul, que la femme l’ait contractée volontairement
ou involontairement. L’hypothèse la plus intéressante est celle où le
mariage polygamique n’a pas été contracté volontairement. La seconde
épouse trompée par son mari pourra-t-elle bénéficier de la putativité
permise conformément à l’article 201 du Code civil182 ? Une question
intervient ici préalablement : quelle est la loi applicable aux effets de
la nullité du mariage ? Lorsqu’un effet particulier du mariage est frappé
de nullité, la loi applicable à cet effet est compétente. En revanche,
quand le problème touche un effet général de la nullité, la loi compé-
tente est celle qui édicte la nullité du mariage (la loi de la condition
violée)183. La loi compétente est par conséquent la loi nationale de la
femme car c’est bien elle qui interdit la polygamie.

179- BÉATRICE BOURDELOIS, in Mariage polygamique et droit positif français, JOLY


1993, p.6 et suiv. s’attache à distinguer l’interdiction civile de l’article 147 du Code civil de la po-
lygamie et conteste les arrêts annulant des unions polygamiques sur ce fondement. Mais que l’on
opte pour l’application classique de la loi applicable à la validité du mariage ou pour une mise en
œuvre (en effet contestable) de l’article 147, on aboutit, dans les deux cas, à la nullité de l’union.
180- Cité par MASSIP (J), petites affiches 11 Avril 2003, n°73, p.17.
181- Cass.civ. 1er, 24 septembre 2002 : « si le mariage contracté à l’étranger en état de biga-
mie pour l’un ou les deux époux n’est pas obligatoirement nul en France, c’est à la condition
que les lois nationales de chacun d’eux autorisent la bigamie », petites affiches, op., cit.
182- « Le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l’égard des époux,
lorsqu’il a été contracté de bonne foi. Si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des époux,
le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux ».
183- Cette question a longtemps été controversée en doctrine et a fait l’objet d’une juris-
prudence hésitante mais l’arrêt MORCEAU, Cass.civ, 6 mars 1956, a finalement tranché,
D1958. 709, note BATIFFOL ; JCP, 1956.II p.9549, note WEILL ; RCDIP, 1956, p.305,
note FRANCESCAKIS. Voir aussi, Cass.civ.16 juillet 1998,D.1999, p.51,note FAUVAR-
QUE-COSSON, JDI, 1999, P.125, note COURBE, JCP1999.II, p.10032 note MUIR
WATT, RCDIP. p.508, note LEQUETTE.

67
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Au cas où cette femme est française, la loi applicable aux effets


de la nullité est par conséquent la loi française, ce qui doit être ap-
prouvé ! Si, en fait, il est prouvé qu’elle ne pouvait savoir l’existence
du premier mariage, rien n’empêche qu’elle bénéficie de la putativité.
Le mariage putatif lui donnera droit par exemple a une pension ali-
mentaire ou de réversion.
Dans un arrêt rendu le 24 Septembre 2002184, la seconde épouse,
de nationalité française, s’était engagée volontairement dans un ma-
riage polygamique. Son mariage déclaré nul, elle avait invoqué, la
putativité sur le moyen qu’elle ne savait pas que la bigamie était un
empêchement bilatéral. La Cour de cassation a rejeté ce moyen. Cette
position de la Haute juridiction doit être approuvée, la polygamie
étant contraire à l’ordre public, seules ces victimes peuvent bénéficier
de la putativité.

• Si la loi personnelle de la seconde épouse autorise la polygamie :


Si la loi personnelle de la seconde épouse ne prohibe pas la poly-
gamie, celle-ci peut –elle invoquer la nullité de son mariage ? La loi
nationale de cette épouse est la loi compétente. Il faudrait consulter la
loi étrangère pour savoir s’il existe dans une telle hypothèse une cause
de nullité. Le droit marocain ne permet pas qu’une femme s’engage
involontairement dans un mariage polygamique185.
Si conformément à la loi nationale de l’épouse, le mariage contracté
présente une cause de nullité, il faudra consulter une deuxième fois
cette loi pour savoir si l’épouse peut bénéficier de la putativité, ou
d’autres avantages s’y apparentant.
Plusieurs effets du mariage, comme nous l’avons vu, sont assimilés
à des lois de police. Ce constat incite à soulever la question suivante :
les dispositions du Code civil régissant la putativité peuvent-elles être
considérées comme des lois d’application immédiate ? Les juges, en
réalité ne considèrent pas l’article 202 du Code civil comme tel186, il y
a donc de faibles chances que l’article 201 du Code civil soit appliqué
comme une loi de police.
184- Précité.
185- M’SALHA(M), 2001, p.171 précise qu’il est stipulé dans le Coran que « la première
doit être avisée de l’intention de son époux de lui joindre une autre épouse. De même cette
dernière doit être avisée que son époux est déjà marié.
186- Paris, 23 Février 1996, D.1997, som., p.278, note BOTTIAU, à l’origine du pourvoi
menant à l’arrêt précité du 16 Juillet 1998 adoptant la même solution.

68
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Dans l’hypothèse où la seconde épouse s’est trouvée, involontaire-


ment, engagée dans un mariage polygamique, le problème réside dans
l’existence d’une cause de nullité. Le moyen d’action pour la première
épouse prise malgré elle dans un mariage polygamique sera tout autre.

b- Les moyens de défense de la première épouse prise malgré elle dans un


mariage polygamique :
Conformément à la décision rendue à l’occasion de l’affaire Baâziz187,
s’il s’agit de la première épouse qui se retrouve prise involontairement
dans un mariage polygamique, celle-ci ne peut pas invoquer la nullité
de sa propre union.
Appréciant la validité de cette première union, celle-ci est valide
selon la Cour de cassation, car monogame. La théorie anglaise du
mariage virtuellement polygamique188 devrait ouvrir la voie à la première
épouse d’invoquer la nullité et la putativité de cette union. En effet, si
son époux a pu contracter un second mariage c’est bien que ce premier
était potentiellement polygamique et par conséquent nul (dans la me-
sure où son statut personnel ne lui autorisait pas la polygamie). Le
droit français n’ayant pas adopté cette théorie, un seul moyen reste à
la disposition de la demanderesse. Il s’agit de la demande en divorce
pour faute.

• Si le statut personnel de la première épouse interdit la polygamie :


Si la demanderesse est de nationalité française, elle pourra intenter
une demande en divorce pour faute. Les juges affirment en effet qu’en
privant la première épouse du bénéfice du mariage polygamique le
mari cause à sa femme volontairement une injure grave, « constituant
une violation manifeste et durable des devoirs et obligations résultant
du mariage, de nature à rendre intolérables les liens du mariage189».
Il est clair que la Haute juridiction a souhaité réserver une protec-
tion au profit de cette dernière. Elle a ainsi décidé que « la conception
de l’ordre public français s’opposait à ce que le mariage polygamique
contracté à l’étranger par celui qui est encore l’épouse d’une française

187- Cass.civ. 17 février 1982, RCDIP, 1983, p.275, note LEQUETTE ; JDI1983, p.606
note KAHN.
188- Voir à propos de cette théorie, BOURDELOIS (B), mariage polygamique et droit
positif français, op. cit., p. 120 et suiv.
189- TGI de la seine, 12 Nov. 1965, RCDIP, 1966, p.624, note DECROUX.

69
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

produise ses effets à l’encontre de celle-ci »190. La portée de cette déci-


sion sera analysée ultérieurement.

• Si le statut personnel de la première épouse n’interdit pas la


polygamie :
Si le statut personnel de la demanderesse autorise la polygamie,
celle- ci aura le droit tout de même de divorcer pour faute, l’ordre
public international pouvant écarter l’application de la loi normale-
ment compétente191. D’autre part, si les époux ont tous les deux leur
résidence en France et qu’aucune convention n’écarte l’application de
la loi française, celle-ci sera compétente conformément à l’article 310
alinéa 2 du Code civil. La demanderesse pourra dans ce cas, au même
titre qu’une française, invoquer le divorce pour faute.
La question de la polygamie peut intervenir dans le cas où une
épouse se retrouve, involontairement engagée dans un mariage poly-
gamique. Elle pourra demander au juge français soit l’annulation de
son union soit le divorce pour faute. Le juge français peut avoir à trai-
ter du problème de la polygamie dans un contexte différent. Il s’agit
notamment du cas où l’épouse a contracté un mariage polygamique
volontairement. Le contentieux sera ici celui des effets des mariages
polygamiques valablement contractés à l’étranger.

B- Les effets des mariages polygamiques valablement contrac-


tés à l’étranger :
Les effets des mariages polygamiques valablement contractés à
l’étranger peuvent être ceux du droit français (1) ou du droit musul-
man (2) selon la nationalité et le domicile des époux. La jurisprudence
sur ce thème est abondante et cohérente car les cas où une seconde
épouse invoque devant les juridictions françaises la reconnaissance
des effets de son mariage sont relativement classiques.

1. Les effets de droit français :


La loi nationale compétente pour établir la qualité de conjoint
légitime, ici le droit musulman, va parfois combiner avec le droit

190- Cass.civ. 1ère 6 Juillet 1988, BAAZIZ, où les juges épargnent à la première épouse
française d’avoir à partager avec sa concurrente musulmane la rente allouée lors du décès du
mari, RCDIP, 1989, p.71, note LEQUETTE.
191- TGI d’Orléans, 17 mai 1984, RCDIP, 1986, p.307, note MONEGER.

70
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

français compétent pour régir les effets du mariage, ou de manière


plus générale, les droits découlant de la qualité d’épouse légitime.
Certains effets de ces mariages sont reconnus (a), d’autres ne le sont
pas (b).

a- Les effets reconnus :


Réserve faite des prestations sociales (effet qui sera évoqué plus
loin), il est possible de soutenir que les effets patrimoniaux du mariage
français appliqués à un mariage polygamique valablement conclu à
l’étranger sont reconnus en France. Il s’agit dans ce cas d’une sorte
« d’adaptation » des effets du droit français aux mariages polygami-
ques192.
La Cour de cassation a rappelé plusieurs fois que deux femmes
ainsi que leurs enfants respectifs pouvaient venir concurremment à la
succession de l’époux polygame sans que cela soit considéré contraire
à l’ordre public international français. Cette solution a été adoptée
dés 1979193 par la Cour de cassation à l’occasion de l’affaire Bended-
douche. Dans cette décision, une famille polygame s’était installée en
France et y avait acquis des immeubles. La loi applicable en matière
de dévolution successorale des immeubles est celle du lieu de la situa-
tion de ces derniers. En l’espèce, la loi française était donc compétente.
La seconde épouse avait droit à l’héritage puisque, conformément à
sa loi personnelle, elle était l’épouse légitime de cet homme. Mais elle
devait venir, avec ses enfants, à la succession selon la loi française régis-
sant les dévolutions successorales. La question qui se pose dés lors est
la suivante : comment appliquer cette loi à une famille polygame ? La
Cour de cassation n’a pas répondu à cette question. Le concours des
deux épouses peut s’entendre comme étant un cumul de l’émoulement
dévolu au conjoint par la loi française, chacune recevant un quart
de la succession en usufruit ou, au contraire, comme d’une réparti-
tion de cet émoulement, chacune recevant le huitième de la succes-
sion en usufruit. Le système de la répartition est préféré par plusieurs

192- D.LOCHAK, « La double peine des épouses de polygames » Dr. soc., 2006, p.1032.
193- Cass.civ. 3 janvier 1980 (et 18 Décembre 1979), D1980, p.549 note POISSON- DRO-
COURT, GAJDIP ANCEL et LEQUETTE, op. cit., n°61 p.573 ; JDI 1980, p.337, note
SIMON-DEPITRE ; décision de la CA de Paris pour l’affaire Bendeddouche, RCDIP1978,
p.507, note BATIFFOL ; dans le même sens : paris 8 Novembre 1983, RCDIP 1984, art
33284, note REVILLARD, JDI 1984, p.881, note SIMON-DEPITRE.

71
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

auteurs194 qui le jugent plus équitable vis-à-vis des enfants, car il ne


diminue pas leur part héréditaire. Ce système est d’ailleurs adopté en
droit interne pour fixer la part successorale des deux veuves en cas
d’union bigamique putatif195. Il faut pourtant nuancer nos propos en
rappelant, comme nous l’avons souligné antérieurement, que cette loi
successorale ne sera pas opposable à la première épouse si celle-ci est
de nationalité française.
L’arrêt Bendeddouche s’inscrit dans la ligne des décisions juris-
prudentielles antérieures selon lesquelles la réserve d’ordre public
ne s’oppose pas à ce que les deux veuves d’un polygame demandent
réparation du préjudice qu’elles ont subi à cause d’un accident ayant
entrainé la mort de leur époux, ou à ce qu’elles soient toutes les deux
créancières d’une pension alimentaire. Ainsi, dans le second volet de
l’arrêt chemouni196, la Haute juridiction a accordé à la seconde épouse
une pension alimentaire en application de la loi française qui était
la loi du domicile commun (la loi de la nationalité commune n’était
plus applicable car monsieur Chemouni avait obtenu la nationalité
française entre le premier et le second volet de l’arrêt). Concernant
la pension alimentaire et les dommages et intérêts, c’est le système
du cumul qui a été appliqué. Les deux épouses bénéficient toutes les
deux de ces créances mais les sommes seront évidemment évaluées en
conséquence197.
Un regard de l’autre côté de la frontière permettra de constater que
les cours et tribunaux belges reconnaissent aussi certains effets aux
unions polygamiques à condition que le mariage ait été valablement
conclu à l’étranger. On peut citer parmi ces effets : l’établissement de

194- BATIFFOL, note sous paris, 22 Février 1978, RCDIP1978. p.507 ; FADLALLAH,
note sous TGI paris 17 Juin 1972, RCDIP 1975, p.62 ; REVILLARD (M), aspects patri-
moniaux des secondes familles en droit international privé, in petites affiches, 8 oct. 1997,
n°121, p.23 : « les huit enfants de Amar Bensadour se partageront la succession par part éga-
les, sous réserve de l’usufruit du quart partagé entre les trois épouses (soit 1/12 chacune). »
195- POISSON- DROCOURT (E), op. cit., p.552.
196- Cass.civ. 19 Février 1963, RCDIP, 1963, p.559 note G.H., JDI, 1963, p.986, note
PONSARD, GAJDIP, ANCEL et LEQUETTE, op.cit., n°30-31, p.277.
197- Pour la pension alimentaire : TGI seine, 16 Octobre 1967, JDI, 1969, note KAHN.
Pour le droit à indemnité en cas de décès accidentel du mari (bien que la jurisprudence fran-
çaise ne se soit pas clairement prononcée sur ce point, on enseigne en France la solution du
droit Belge) : Liège 23 Avril 1970, JDI, 1971, p.865, obs.ABRAHAM et RABINE, RCDIP,
1975, p.54 note GRAULICH ; Civ.1ère, 4 Octobre 1965, Bull. Civ. I, p.377, N°500.

72
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

la filiation à l’égard des enfants198, le droit aux aliments199, le droit aux


obligations alimentaires entre conjoints200, le droit pour l’homme de
bénéficier d’une pension de retraite au taux du ménage201, le partage
d’une pension de survie entre deux épouses d’un travailleur polygame202
ainsi que, premier droit reconnu en jurisprudence, le droit pour deux
veuves d’obtenir des dommages et intérêts à la suite du décès accidentel
de leur époux203.

b- Des effets non acceptés :


La reconnaissance de certains effets du mariage de droit français
aux mariages polygamiques a parfois été considérée contraire à l’ordre
public international français. Cette position est a priori surprenante
puisque nous sommes ici dans une application de la loi française. Com-
ment l’ordre public international français pourrait-il écarter l’applica-
tion de la loi française ? Le raisonnement se justifie en réalité par le
fait que la situation est envisagée dans sa globalité. Ce n’est pas l’effet
198- Bruxelles 26 Octobre 1983, T. Vreend, 1985, n° 36-37, p.29 (parents de nationalité
marocaines) ; civ. Bruxelles (13e ch.), 15 Janvier 1992, III, p.42 (Parents de nationalité ma-
rocaine) ; civ. Charler 11 Décembre 2008, RDE, 2008, n°151, note WAUTELET, p. « Quel-
ques réflexions sur le statut des enfants issus d’une union polygamique », p.733- 736 (père
belgo-marocain et mère marocaine).
199- Liège, 26 juin 1975, jurisprudence de liège, 1975-1977 p.163 (parties de nationalité
marocaine).
200- Civ. Bruxelles (14e ch), 18 décembre 2001, RTDF, 2/2004, note FALLON, M., p.312
et suiv. (parties de nationalité belgo-marocaine).
201- Trav. Mons (9e ch), 25 juin 2009, R.G. n°20.661, RTDF, 2010/02, p.532 et 533, note
HENRICOT, C. (Parties de nationalité algérienne). Le taux de la pension à laquelle l’an-
cien travailleur a droit, dépend de sa situation familiale. S’il est marié et que son mariage est
reconnu, l’office national des pensions lui octroiera une pension au « taux ménage ». Si, par
contre, il vit seul ou si son mariage n’est pas reconnu, il ne bénéficiera que d’une pension au
« taux isolé », dont le montant est moins élevé. En l’espèce, la cour du travail a considéré que
le bénéficiaire d’une pension de retraite doit pouvoir bénéficier du « taux ménage », même si
son ménage est composé d’une personne avec laquelle il entretient une relation polygame.
Les effets octroyés à ce second mariage sur le plan social ne sont pas contraire à l’ordre
public international belge dés lors que les droits de la première épouse, de nationalité algé-
rienne, ne sont pas mis en péril.
202- L’article 24, §2, de la convention générale sur la sécurité sociale entre le royaume de
Belgique et le Royaume du Maroc, signée à Rabat le 28 Juin 1968 et approuvée par la loi du
20 Juillet 1970, établit que « la pension de veuve est éventuellement répartie, également et
définitivement, entre les bénéficiaires, dans les conditions prévues par le statut personnel de
l’assuré ». Voir Trav. Mons (5e ch, 8 Septembre 2005, RG 18.861, journal des tribunaux du
travail, 2006, p.16 (parties e nationalité marocaine). La pension de survie fut partagée entre
les deux épouses marocaines. Selon la Cour, « l’exercice d’un droit régulièrement acquis à
l’étranger n’est pas contraire à l’ordre public international belge pour la seule raison que
celui-ci ferait obstacle à la naissance de ce droit en Belgique.
203- Liège, 23 Avril 1970, RCJB, 1971, note VAN HECKEL G., p.5 (Parties de nationalité
marocaine).

73
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

en lui-même qui est confronté à l’ordre public mais le résultat auquel


aboutit l’application de la loi française à un mariage polygamique. Ces
effets vont concerner logiquement les relations extrapatrimoniales
des époux. Comment obliger une épouse à cohabiter avec une autre
femme (avec laquelle une dispute personnelle peut naître… ?)204
Il faut cependant relativiser la mise en œuvre de l’exception de
l’ordre public. Plusieurs commentaires ont interprété les décisions de
la Cour de cassation dans ce domaine par une supposée intervention
de la réserve d’ordre public international. Pourtant, la Haute juridic-
tion déclenche rarement cette réserve lorsqu’il s’agit de faire produire
des effets à un mariage polygamique205. Il s’agit plutôt d’une adaptation
possible ou impossible des dispositions du droit français à une telle
institution qui justifie cette jurisprudence.
Ainsi, un effet du mariage n’a jamais été adapté au cas de la polygamie.
Il s’agit notamment de la protection sociale dont bénéficient les épou-
ses des travailleurs exerçant en France. On ne peut constater qu’une
jurisprudence constante de la Haute juridiction sur cette question.
Plusieurs arrêts concernant la problématique de polygamie ont été
rendus, tous refusant l’octroi de la protection sociale pour une épouse
lorsque la coépouse avait déjà obtenu ces prestations206. La Cour de
cassation, dans ces arrêts, ne se fonde pas sur l’exception de l’ordre
public mais sur des raisons propres à la matière. La société française
étant fondée sur un modèle familial monogame, elle en conclut que le
travailleur n’est assuré que pour une seule épouse.
Cette conclusion n’est pas une évidence, la preuve en est qu’elle n’a
pas été appliquée en matière de pensions de réversions ou les rentes
d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, et plusieurs
auteurs l’ont dénoncée207. Elle est cependant facilement compréhen-
sible : Le système de répartition est mis en œuvre par les caisses dans
204- D. LOCHAK « La double peine des épouses de polygames » Dr. Soc., 2006, p.1032.
205- Ibid.
206- Cass.soc. 1er mars 1973, Bull. civ. V, n°136, p.122 Dr. Soc., 1973, p.535, note BON-
NET ; JDI 1974, p.834 note DE LAPRADELLE, RCDIP, 1975, p.54 note GRAULICH ;
Cass.soc. 8 Mars 1990, RCDIP, 1991, p.695, note DEPREZ.
207- DE LAPRADELLE (G), JDI, 1974, p.841, note sous Cass.soc. 1er mars 1973 : « cet
arrêt encourt le triple reproche de dénaturer l’égalité de traitement visée par le traité (franco-
algérien sur la sécurité sociale), de refuser l’application des règles de conflits ordinaires que
ce traité appelle, afin de déboucher sur des solutions pratiques hasardeuses. » FADLALLAH
(I), RCFIP, 1975, p.71 note sous Cass.soc. 1er mars 1973 : « l’évidence invoquée est celle de
la tautologie. Elle repose sur une pétition de principe. On n’est précisément plus en système
monogamique dés lors que l’on a reconnu le mariage polygamique étranger ».

74
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

le cas des pensions de reversions et des rentes. Elles ne perdent donc


pas d’argent. Or, ce système ne peut pas s’appliquer à la sécurité
sociale : il est impossible d’envisager de partager la couverture de
dépenses pour maladies ou maternités. Ce pragmatisme a été exprimé
clairement par la Cour d’appel de Chambéry : « le régime actuel de
l’assurance maladie et de l’assurance maternité a été établi sur la base
de la famille monogamique française et les cotisations calculées pour
établir le risque à couvrir (…) en étendant le régime à la famille poly-
gamique on détruirait cet équilibre, puisqu’on multiplierait le risque
sans augmenter la cotisation. »208
En la présence d’un tel attendu, il est difficile de soutenir qu’il s’agit
là d’une des rares interventions de la réserve de l’ordre public en la
matière. Il paraîtrait plutôt que dès que la problématique de la poly-
gamie touche le domaine public, les règles de droit international privé
se trouvent écartées. Non seulement la question de la loi applicable
au litige n’est pas posée, mais d’après les juges, il n’est pas nécessaire
de justifier cette éviction par le souci de la protection de l’ordre public
international français. Il ne s’agit pas ici de l’affrontement des deux
systèmes familiaux ou de rejet moral de l’institution de la polygamie.
Au contraire, cette décision jurisprudentielle atteste de la tolérance
du droit français envers la polygamie car elle ne donne absolument
pas la priorité à la première union ! Cependant il ne s’agit pas non
plus d’un simple argument comptable immaculé de toute arrière pensée
politique.
En effet, le système de sécurité sociale prend en considération une
situation financièrement analogue à celle de la polygamie. A partir du
moment où la loi du 2 Avril 1978 (art. 161-14 du code de la sécurité
sociale)a octroyé la qualité d’ayant droit à la personne vivant dans le
cadre du mariage avec l’assuré, il est reconnu que celui-ci peut ouvrir
des droits en même temps à son épouse en titre ainsi qu’à sa com-
pagne « dés lors que cette dernière est à sa charge totale, effective
et permanente »209. Il paraît qu’en réalité, sans que l’ordre public ne
puisse être invoqué, cette décision jurisprudentielle, aux arguments
208- CHAMBERY, 17 Octobre 1961, RCDIP, 1963, p.496, Note LAMPUE, J.CL sécurité
sociale, fasc. 432, N° 8, selon lequel l’assuré musulman qui a bénéficié de l’assurance mater-
nité à l’occasion de la naissance du fils de sa première femme ne peut en bénéficier à nouveau
à l’occasion de l’accouchement de sa seconde épouse, survenu à une date où le premier ma-
riage n’était pas dissous.
209- DEPREZ (J), RCDIP, 1991, p.701, note sous Cass.soci.8 Mars 1990.

75
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

faibles voire inexistants, soit une simple manifestation, probablement


inconsciente, d’ «un vieux fond de répulsion »210, vis-à-vis d’une telle
institution.
La Cour de cassation aura désormais beaucoup moins de mal à se
justifier sur cette question. En droit français en effet, les prestations
sociales ne sont accordées qu’aux étrangers résidant de façon régulière
en France. Les polygames ne pouvant plus séjourner régulièrement
en France, par conséquent le problème ne se pose plus. Mais, là aussi, il
est facile d’envisager que cette réalité juridique provoquera des agis-
sements de clandestinité comme par exemple le fait d’accoucher sous
le nom de la seule épouse prise en charge. De plus, une injustice continue
d’exister : le moyen selon lequel l’épouse qui pourra bénéficier de cette
protection sera désignée. Avant l’entrée en vigueur de la loi de 1993 le
bénéfice de la protection était accordé à la première patiente (pour le
cas de maladie ou d’accouchement). Désormais, une autre solution s’y
substitue, également arbitraire : l’épouse qui bénéficiera de la protection
sera celle qui aura été désignée par le mari, l’autre en étant privée211.
Cette réforme relative au droit des étrangers a aussi des répercus-
sions sur la prise en charge des enfants issus des différents maria-
ges. Avant 1993, si l’une des épouses ne bénéficiait pas de l’assurance
maladie et maternité, ses enfants recevaient des prestations maladies
et comptaient pour le calcul des allocations familiales, puisqu’ils sont
reconnus comme des enfants légitimes, conformément à leur loi natio-
nale212. Depuis la loi pasqua, ces enfants n’ont plus droit au regroupe-
ment familial. S’ils arrivent à obtenir malgré tout un droit de séjour
en France et qu’ils sont pris en charge par leur père, ils continueront
certainement de bénéficier du système de sécurité sociale. En revanche,
s’ils sont obligés de retourner dans leur pays d’origine avec leur mère,
à quel régime de protection sociale seront (ils affiliés ? En effet, ils
peuvent rester partiellement à charge de leur père si ce dernier verse
une pension alimentaire, et par conséquent, théoriquement, bénéficier
du régime français de sécurité sociale. La problématique des effets de
la polygamie en France se transforme mais persiste toujours.
210- Selon l’expression de monsieur DEPREZ, Ibid, p.702
211- E. FONGARO, « l’adaptation du droit patrimonial de la famille au mariage polygami-
que, » Rev. Lamy droit civil, févr.2007, p.51
212- M. CHAMNI, l’islam et le droit musulman des personnes et de famille à l’épreuve de
l’ordre juridique français thèse Toulouse 2005 sous la direction de Mme J. POUSSON-PE-
TIT, p.245 et 246.

76
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Dans le même ordre d’idées et à titre de comparaison, en Belgique,


la théorie de l’ordre public atténué213 largement appliquée par la juris-
prudence depuis les années 80 a été ébranlée à la suite d’un arrêt de la
cour de cassation du 3 décembre 2007214.
Dans cette affaire, la seconde épouse marocaine d’un travailleur
marocain s’est heurtée au refus de l’office national des pensions
(ONP) de lui accorder une pension de survie au titre de veuve non
remariée d’un ancien salarié, au motif que ce dernier avait conclu un
premier mariage avec une femme de nationalité belge.
Là où la théorie de l’ordre public atténué aurait permis de partager
la pension de survie entre les deux épouses, indépendamment de leur
nationalité la Cour de cassation va privilégier le principe de proxi-
mité en établissant que : « l’ordre public international belge s’oppose
à la reconnaissance en Belgique des effets d’un mariage validement
contracté à l’étranger lorsque l’un des conjoints était, au moment de
ce mariage, déjà engagé, dans le liens d’un mariage non encore dissous
avec une personne dont la loi nationale n’admet pas la polygamie ».
En présence de deux époux, l’ONP est en principe tenu de partager
la pension de survie entre celles-ci, en vertu de l’article 24, §2 de la
convention générale sur la sécurité sociale conclue entre le Maroc et la
Belgique le 28 Juin 1968. Cette disposition, muette sur la nationalité des
épouses concernées, aurait ainsi pu conduire au partage de la pension
entre l’épouse belge et l’épouse marocaine. Cette solution aurait par
ailleurs été compatible avec une appréciation in concerto des effets
réclamés, vu leur caractère exclusivement patrimonial. Dans un arrêt
HAOUACH, la Cour constitutionnelle avait considéré qu’ « en per-
mettant de tenir compte du statut personnel du travailleur marocain,
l’article 24, §2, de la convention fait application d’une règle de droit
international privé, qui admet qu’on puisse reconnaître en Belgique
les effets découlant de mariages contractés à l’étranger conformément
au statut personnel des époux et sous réserve de ce que ces effets ne

213- La Cour de cassation avait consacré cette théorie dans l’arrêt JOSI I du 2 avril 1981, en
reconnaissant certains effets patrimoniaux à un mariage célébré à titre posthume en France,
avec l’autorisation du président de la République.
214- Voir Cass., 2 Avril 1981, RCJB, 1983, note RIGAUX, F., p.499 (parties de nationalité
belge et française) ; Cass. (3e ch.), 3 décembre 2007, journal des tribunaux du travail, n°
997-3/2008, p. 37 (parties de nationalité marocaine). Pour un commentaire détaillé, voir
CARLIER, J.-Y., « Quand l’ordre public fait désordre », note sous Cass. (3e ch.), 3 décem-
bre 2007, RGDC, 2008/9, p.525.

77
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

troublent pas l’ordre public international belge, ce qu’il appartient au


juge de contrôler in concerto… »215
La radicalisation opérée par la cour de cassation bouleverse le
rapport de force entre les deux critères à la lumière desquels se réa-
lise l’examen de la comptabilité du droit étranger à l’ordre public.
Conformément à l’alinéa 2 de l’article 21 du code de droit international
privé belge, l’appréciation de cette incompatibilité se fait au regard de
l’intensité du rattachement de la situation avec l’ordre juridique belge,
soit sous l’angle de l’ordre public de proximité, ainsi qu’au regard de
la gravité de l’effet que produirait l’application du droit étranger, soit
sous l’angle de l’ordre public atténué.
Les seconds mariages, conclus avec une épouse dont le statut
personnel prévoit la polygamie alors que le premier mariage a été
contracté avec une personne ressortissante d’un Etat où le mariage
est monogame, ne pourraient donc recevoir aucun effet en Belgique.
En d’autres termes, la proximité avec l’ordre juridique belge limite les
effets que l’on a pu reconnaître, dans certains domaines, à la polyga-
mie. Reste toutefois à savoir si cette restriction de la théorie de l’ordre
public atténué est appelée à jouer uniquement dans l’hypothèse où la
proximité est fondée sur la nationalité belge ou également en cas de
résidence habituelle sur le territoire belge de la première épouse ?216
La question tranchée par la Cour de cassation reste ouverte, à
la suite de l’arrêt El Haddouchi rendu par la cour constitutionnelle
le 4 Juin 2009, qui considère que l’article 24, §2 de la convention
générale sur la sécurité sociale entre le royaume de Belgique et le
Royaume du Maroc n’est pas contraire au principe d’égalité et de
215- Cour constitutionnelle, 4 mai 2005, n° 84/2005, Rechtskundig weekblad, 2005-2006,
note STORME, H., p. 735 ; CARLIER, J.-Y., « La polygamie devant la Cour d’arbitrage »,
Le journal du juriste, n° 42, 24 mai 2005, p. 1 ; voir l’arrêt à l’origine de la question préjudi-
cielle à la Cour d’Arbitrage (devenue Cour constitutionnelle), Trav. (8e ch.), Bruxelles, 17
mars 2004, inédit, R.G. n° 39.684 (parties de nationalité marocaine).
216- Une application extensive du principe établi par la cour pourrait découler de la position
adoptée par l’Institut de droit international, qui invite les Etats à ne pas reconnaître les unions
polygamiques célébrées dans un Etat autorisant la polygamie « si les deux époux avaient leur
résidence habituelle, lors de la célébration, dans un Etat n’admettant pas la polygamie, ou
si la première épouse a la nationalité d’un tel Etat ou y a sa résidence habituelle » (résolu-
tion de l’Institut de droit international, Neuvième Commission, rapport de LAGARDE, P., «
Différences culturelles et ordre public en droit international privé de la famille », Annuaire de
l’Institut de droit international, Session de Cracovie, vol. 71-1, 2005, A. Pedone, Paris. Toute-
fois, la jurisprudence continue à faire une application stricte de l’article 24, §2 de la convention
belgo-marocaine du 28 juin 1968, partageant la pension de survie en deux, peu importe que la
résidence habituelle de la première épouse se trouve sur le territoire belge, voir en ce sens Trav.
Mons (5e ch.), 8 septembre 2005, op. cit., (Parties de nationalité marocaine).

78
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

non-discrimination, même si cette disposition a pour effet d’imposer


le partage d’une pension de survie entre deux veuves, dont l’une a
la double nationalité belgo-marocaine217. Dans l’affaire soumise à la
Cour constitutionnelle, il est utile de préciser que la nationalité belge de
la première épouse ne fut acquise par l’intéressée qu’en 2004, soit
postérieurement au second mariage, célébré en 1975 avec une autre
femme marocaine. Par application de l’article 3 du code de droit
international belge, cette nationalité doit l’emporter sur la nationalité
marocaine, dès lors qu’il existe un conflit de nationalités dont l’une est
la nationalité du for. Dans cette perspective, le cas est similaire à celui
qui avait été soumis à la censure de la Cour de cassation, mais risque
de donner lieu à un arrêt sensiblement différent que doit rendre la
juridiction de renvoi si celle-ci estime que l’article 24, §2 doit s’appli-
quer et conduire au partage de la pension entre les deux épouses, peu
importe l’acquisition ultérieure de la nationalité belge par la première
épouse. Les juridictions de fond devront trouver une voie entre ces
deux interprétations sensiblement différentes.
Si le juge français doit dans certains cas adapter le droit français
aux situations de polygamie, il y a parfois également à mettre en œuvre
les effets de droit musulman liées à de pareilles situations.

2. Les effets de droit musulman :


Si les époux sont tous deux de nationalité (marocaine par ex), le
juge français devra appliquer la loi marocaine aux effets de ce mariage.
Certains effets sont reconnus (a), d’autres ne sont pas acceptés (b).
Cependant, il faut premièrement rappeler le constat du Haut conseil
à l’intégration218 aux termes duquel « le juge français n’appliquerait
toutefois que très rarement (…) la loi étrangère ». Ceci se justifie par
la difficulté qui réside dans l’application d’un droit peu familier, voir
inconnu, mais cet écartement des règles du droit international privé
n’est pas justifiable.

217- Cour constitutionnelle, 4 juin 2009, n° 96/2009 (disponible sur le site www.arbitrage.be).
218- Rapport intitulé « les droits des femmes issues de l’immigration ». Avis au premier minis-
tre du 2 Juillet 2002, p.3 ; http://www.cfdt.fr/actu/société/société081.htm.p.12., il se fonde ici
sur une étude de la mission « droit et justice » : l’étranger et le droit de la famille, la documen-
tation française, 1999, confirmée par une audition effectuée auprès de magistrats.

79
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

a- Des effets reconnus :


Le mariage musulman crée diverses obligations vis-à-vis du mari
et de l’épouse. Messieurs Milliot et Blanc219 considèrent que les obli-
gations du mari sont au nombre de six : « le mari doit cohabiter avec
sa femme ; le mari doit consommer le mariage et ne pas cesser, par la
suite, de s’acquitter du devoir conjugal (…) ; le mari, s’il a plusieurs
femmes, doit procéder entre elles a un partage de ses nuits ; le mari
doit subvenir à l’entretien de sa femme ; il doit s’abstenir à son égard
de tout mauvais traitement, de sévices présentant un certain caractère de
gravité ; il doit autoriser sa femme à recevoir la visite de son père, de
sa mère et d’une manière générale, de tout parent au degré prohibé,
de même qu’à visiter ces personnes ». Toujours d’après ces mêmes
auteurs, les obligations de l’épouse sont ramenés à cinq : « la femme
doit obéissance au mari ; elle doit habiter au domicile conjugal ; elle
doit être fidèle au mari ; la femme ne peut disposer, dans l’intérêt
exclusif d’un tiers des ses biens, sans l’assentiment de son mari (rite
malékite) ; elle peut, le cas échéant, être obligée de vaquer elle-même au
soin du ménage ». Les effets extrapatrimoniaux du mariage en droit
musulman sont totalement différents de ceux du droit français et des
droits occidentaux de manière générale. On pourrait donc prévoir un
rejet de ces effets par l’ordre juridique français. Mais dans la réalité,
comme l’affirme le professeur Déprez220, les occasions pour ce dernier
d’empêcher qu’un mari se prévale de ses prérogatives patriarcales ins-
pirées du droit musulman sont diminuées dans la mesure où ce type de
litige n’est pas porté devant le prétoire, « que ce soit pour des raisons
de pudeur, de sauvegarde de l’intimité du foyer, ou de résignation de
la femme, surtout si elle est mal intégrée dans la société française,
ou analphabète, ou économiquement dépendante du mari »221. Il n’est
point d’exemple en jurisprudence de litige opposant des conjoints de
statut personnel musulman sur des questions d’inégalité entre époux
ou de subordination de la femme dans sa vie conjugale. En revanche,
il existe une jurisprudence relative aux effets patrimoniaux du mariage
musulman.

219- MILLOT (L) et BLANC (F-P), introduction à l’étude du droit musulman, DALLOZ
2001, 660 p.318-342.
220- DEPREZ (J), « Statut personnel et pratiques familiales des étrangers musulmans en Fran-
ce, aspects de droit international privé », in Famille- Islam- Europe, L’Harmattan, 1996, p.71.
221- Ibid.

80
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Dans le premier volet de l’arrêt Chemouni222, en 1958, la seconde


épouse d’un israélite tunisien résidant en France avec ce dernier et le reste
de la famille demandait au juge français que son époux lui verse une pen-
sion alimentaire car il l’avait délaissée, elle et ses enfants, pour vivre
seul avec sa première épouse. Dans cette affaire la pension alimentaire
a été accordée en application du droit tunisien. La Cour d’appel avait
rejeté la demande de madame Chemouni- Krieff en déclarant : « la loi
mosaïque tunisienne, qui accorde des aliments à la deuxième femme,
se heurtant à l’ordre public français, n’est pas applicable en France ».
L’arrêt de la Cour d’appel fût cassé : selon la Cour cassation, le
simple fait d’accorder une créance alimentaire sur la base de la qualité
d’épouse légitimée, même lorsqu’il s’agit de la seconde épouse, n’est
pas contraire à l’ordre public international français.

b- Des effets non acceptés :


Les secondes familles vivantes dans le cadre d’une polygamie peuvent
entrainer l’application du droit musulman qui édicte en matière de
successions une inégalité de parts entre héritiers de sexe féminin et de
sexe masculin. Imaginons qu’un polygame décédé ait été domicilié au
Maroc et laisse un héritage (parts de société, compte bancaire, fonds
de commerce) en France. La loi applicable à la succession mobilière
est la loi du dernier domicile du défunt, donc la loi marocaine. Pour
ce qui est de la part de l’héritage, les fils recevront la part double de
celles des filles. L’ordre public français écartera l’application de cette
discrimination découlant de la loi étrangère223. Les juges français ont
aussi interdit à l’époux polygame de contraindre sa première femme
non consentante à accepter la venue d’une seconde épouse au domicile
conjugal en France224. Les juges français ne pouvaient certainement

222- Cass.civ.28 Janvier 1958, RCDIP, 1958, p.110, note JAMBU- MERLIN, JDI, 1958,
p.776, note PONSARD, D, 1958, p.265 note LENOAN, JCP, 1958, II, p.10488 note
LOUIS LUCAS, GAJDIP op. cit., n°31.
223- REVILLARD, op.cit., n°250 ; J.- cl.Dr.int.Fasc. 557- n°90.
224- TGI Versailles 31 Mars 1965, JDI, 1966, p.97, note PONSARD ; Rappr. paris, 23
février 1987, D 1987, Som.com. p.349, note AUDIT ; En l’espèce un algérien avait deux
femmes. La première apprenant l’existence du second mariage, introduisit une demande en
divorce pour adultère. Le mari rétorqua en demandant le divorce à son profit au motif que sa
femme avait abandonné le domicile conjugal. Autrement dit, il lui reprochait de ne pas avoir
cohabité avec lui et l’autre épouse. Le tribunal de Versailles répondit que « le mari ne peut
imposer à sa deuxième femme la présence d’une deuxième épouse au domicile conjugal ».-

81
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

soutenir une polygamie forcée. Cependant, selon madame Bourdelois225,


ces décisions se fondaient sur un contresens quant à l’interprétation
de la loi étrangère, les systèmes qui autorisent le mariage polygamique
obligent le mari à mettre à la disposition de chacune de ses épouses
un foyer distinct. En France, la manifestation de cet effet disparaît
depuis l’entrée en vigueur de la loi interdisant le regroupement familial
des familles polygames, et c’est bien le seul ! Si les juges français,
conformément au droit international privé, peuvent faire produire
aux mariages polygamiques de tels effets en France, ce type de litiges
risque de se raréfier. En effet, l’évolution qu’a connu actuellement le
droit des étrangers et le droit conventionnel plaide en faveur d’une
restriction des effets de la polygamie.

Parag II : La restriction des effets du mariage polygamique


Cette restriction s’illustre aussi bien par l’évolution du droit des
étrangers (A) que par celle du droit européen (B).

A- La restriction des effets de la polygamie par le droit des


étrangers :
En interdisant le regroupement des familles polygames, les réfor-
mateurs du droit des étrangers ont opté pour la limitation autant que
possible des manifestations de la polygamie en France (1). Cette ré-
forme législative a aboutit à une véritable négation de la règle de conflit
applicable aux effets des mariages polygamiques en France (2).

1. La prohibition du regroupement familial pour les familles polygames :


Dès 1976, le gouvernement affirma la nécessité de reconnaître le
droit au regroupement familial pour les étrangers (a). En 1993, les
réformateurs adoptant ce dernier dans un texte ayant valeur législative
le soumirent pourtant à des conditions précises, et en exclurent les
familles vivantes dans le cadre de la polygamie (b).

a- Le droit au regroupement familial : un droit reconnu depuis longtemps


aux étrangers :
L’arrivée des immigrés fut une réalité sociologique avant d’être une
réalité juridique. En effet, ce n’est que tardivement qu’un cadre, ne

225- BOURDELOIS (B), thèse précitée. n°511, p.247.

82
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

serait-ce que réglementaire, fut constitué. A l’origine, le gouverne-


ment a permis aux étrangers de faire venir leur famille à cause de la
situation démographique engendrée par la seconde guerre mondiale.
L’immigration familiale n’était alors réglementée que par de simples
circulaires ministérielles226, l’ordonnance de 1945 n’abordant pas ce
point. Le regroupement familial a d’abord été régi par des accords
bilatéraux, comme par exemple l’accord franco-algérien de 1968227.
Le gouvernement a élaboré un véritable droit au séjour par un décret
76/383 du 29 Avril 1976 en faveur de la famille « immédiate » du tra-
vailleur étranger. Par conséquent, les membres de la famille du tra-
vailleur étranger déjà résidents en France ne pouvaient se voir interdire
l’accès au territoire ou l’obtention d’un titre de séjour, que pour des
motifs fixés par ce même décret.
Il existe dés lors dans le droit positif français un véritable droit au
regroupement de l’étranger et de sa famille. Son exercice va pourtant
créer des problèmes dans un contexte de récession. C’est pourquoi le
gouvernement qui, peu de temps auparavant avait affirmé ce droit,
tenta très vite de le limiter en adoptant le décret du 10 novembre
1977228 qui excluait les étrangers demandeurs d’emploi du droit au
séjour. Le Conseil d’Etat confirme ainsi dans l’arrêt GISTI du 8
Décembre 1978229 que le droit à une vie familiale normale était un
principe général du droit résultant du préambule de la constitution de
1946 aux termes duquel « la nation assure à la famille les conditions
nécessaires à son développement et garantit, notamment à l’enfant et
à la mère, la sécurité matérielle » et accordait aux étrangers le droit
d’être rejoints par leur famille. Il a annulé donc dans cet arrêt le dé-
cret du 10 Novembre 1977 qui violait ce droit de l’étranger à mener
une vie familiale normale considéré comme un principe général.
La problématique de la reconnaissance du droit à une vie familiale
normale pour les familles polygames et du bénéfice du regroupement

226- Par ex. circ. Du ministère de la santé de 1947, citée par JAULT- SESEKE (F), in Le
regroupement familial en droit comparé français et allemand, LGDJ, 1996.
227- Voir le regroupement familial en droit comparé…, Ibid. Toute une série d’accords bila-
téraux vont ainsi être conclus à cette époque, des pays du Maghreb à l’Afrique noire, mais
aussi l’Espagne et le Portugal, voir LABAYLE, « Le droit de l’étranger au respect de sa vie
familiale », RFDA1993, p.514.
228- LABAYLE (H), Ibid.
229- In les grands arrêts de la jurisprudence administrative, LONG (M), WEIL (P) ET
BRAIBANI (G), 14ème éd. Dalloz 2003, p.636 ; Dr. Soc.1979, p.57, conc. DONDOUX ;
AJDA1979 (3), p.38 obs. DELVOVE, RCDIP1979, p.139, D1979, p.661, note HAMON.

83
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

familial pour les différentes épouses et leurs enfants s’est vite posée au
Conseil d’Etat. La question était de savoir si ce droit permettait à un
étranger de mener une vie de famille telle que son droit et sa culture
le lui accordaient. Dans un arrêt retentissant, l’arrêt Montcho, rendu
le 11 Juillet 1980230, le Conseil d’Etat finit par admettre le droit au
regroupement familial d’un étranger vivant dans le cadre de la poly-
gamie. Tandis que les services administratifs n’octroyaient ce droit
qu’a un seul conjoint, le tribunal administratif préféra se placer non
du point de vu de l’ordre public français mais celui de la loi person-
nelle des intéressés et garantir l’unité de la famille et la vie familiale ef-
fective qui en résultait. Le commissaire du gouvernement Rougevin-
Baville confirmait dans ses conclusions que le droit à une vie familiale
normale ne pouvait se réaliser que par l’application de la loi nationale
de son titulaire. Cette décision était donc incontestable dans la mesure
où elle garantissait la protection d’un droit fondamental, mais égale-
ment parce qu’elle permettait le respect de la démarche classique en
droit international privé de la qualification en sous-ordre. En effet,
conformément à ce principe jurisprudentiel, une fois désignée la loi
applicable au litige (puisque le problème a été qualifié par la loi du for
et rattaché au statut personnel c’est la loi nationale qui est désignée), au
cas où une nouvelle qualification s’avère nécessaire, elle doit s’opérer
conformément à cette loi (ici la loi nationale). Cette solution a été
adoptée en matière du droit des biens ou encore des successions231.
Elle est appliquée également dans un arrêt GISTI232 du Conseil
d’Etat relatif aux droits des étrangers. Un problème s’était posé dans
cette affaire en rapport avec l’application d’un accord franco-algérien
d’après lequel les « enfants mineurs » devaient avoir droit au regrou-
pement familial. Encore fallait-il préciser s’il s’agissait de la minorité au
sens du droit algérien ou de droit français. Le commissaire du gouver-
nement a rappelé dans ses conclusions qu’ « appliquée à des enfants
algériens, la notion de mineur sans autre précision renvoie normale-
ment au droit algérien ».
230- RCDIP1981 p.658, note BISCHOFF, JCP éd. G. 1981, II, p.19629, AJDA1980
CONCL. ROUGEVIN-BAVILLE, p.548, note FEVER PINAULT.
231- Voir notamment sur ce point AUDIT (B), droit international privé. op. cit., n°204 et
suiv.
232- C.E.29 juin 1990, RCDIP1991, p.61 note LAGARDE. Dans cet arrêt le commissaire
du gouvernement avait toutefois réfuté la thèse du requérant en considérant que l’interpré-
tation de cet accord franco-algérien devait se faire par comparaison avec l’accord qu’il venait
remplacer en dernier visant les enfants de moins de 18 ans.

84
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

A l’occasion du contrôle de la constitutionnalité de la loi pasqua233 le


13 Aout 1993, le Conseil constitutionnel approuva le caractère consti-
tutionnel de ce principe en affirmant : « considérant que le deuxième
alinéa du préambule de la constitution de 1946 dispose que : « la nation
assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur dé-
veloppement » ; Considérant qu’il résulte de cette disposition que les
étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme
les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale… »234. Le
statut des étrangers se trouve ainsi confronté par cette consécration
constitutionnelle en confirmant qu’une loi ne pourrait remettre en
cause le principe du droit au regroupement familial.
Le droit au regroupement familial s’explique ainsi par la concré-
tisation d’un droit fondamental. Mais il se fonde également sur une
autre justification qui se trouve être aujourd’hui antagoniste. Cette
justification est relative aux objectifs des politiques d’immigration
qui changent en fonction des périodes d’évolution démographique et
de récession. Or , la finalité des politiques d’immigration, depuis plu-
sieurs années, était de restreindre l’arrivée des étrangers en France.
L’expression du droit fondamental de mener une vie familiale nor-
male, à savoir le regroupement familial, devint donc un droit soumis
à des conditions. Le but d’intégration de la politique d’immigration
justifia précisément l’exigence de la condition de monogamie.

b- La récente interdiction du regroupement familial pour les familles


polygames :
L’arrêt Montcho fut critiqué et entraîna un véritable débat politico-
juridique. Le 10 Avril 1992, le premier ministre révéla son souhait
de suivre les propositions du haut conseil à l’intégration sur la pro-
hibition du regroupement familial et du séjour permanent pour les
unions polygamiques235. Une solution législative fut adoptée. La loi
233- Loi n°93-1027 du 24 Août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration, article 23 mo-
difiant l’article 30 de l’ordonnance n°45-2658 du 2 Novembre 1945 relative aux conditions
d’entrée et de séjour des étrangers en France.
234- Cons. Const. 13 Août 1993, RCDIP, 1993, p.597. Sur le problème de l’atteinte au ca-
ractère fondamental de ce droit : VANDENDRISSCHE (X), « le droit à la vie familiale est-il
un droit fondamental ? », in le droit de la famille à l’épreuve des migrations transactionnelles,
p.54, LGDJ, 1993.
235- Cir du 9 Nov. 1993, citée par LABAYLE (H) in « Le droit de l’étranger au respect de
sa vie familiale », RFDA 1993, p.514 : « Le regroupement familial est un facteur essentiel de
l’intégration des populations immigrées et il concourt de ce fait à cet objectif essentiel de
l’action des pouvoirs publics ».

85
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

du 24 Aout 1993, en même temps qu’elle autorisa pour la première


fois d’introduire le droit au regroupement familial dans un texte légis-
latif (l’ordonnance de 1945) précisa des restrictions à l’exercice de ce
dernier. En effet, comme le stipule le décret du 29 Avril 1976, la loi de
1993 souligne que ce droit n’est pas absolu puisqu’il doit être exercé
dans le cadre du respect de l’ordre public. Le Conseil d’Etat avait
d’ailleurs permis, dans l’arrêt GISTI de 1978236, au gouvernement la
possibilité de fixer les conditions d’exercice de ce droit (autrement dit
de limiter) pour en concilier le principe avec les nécessités du respect
de l’ordre public et de la protection sociale des étrangers ainsi que
leurs familles. De nombreuses restrictions ont donc été apportées au
regroupement familial (entendu en son sens large, en d’autres termes,
en tant que droit de rejoindre sa famille, mais aussi droit de ne pas en
être séparé) au nom du respect de l’ordre public par le législateur.
Dans sa décision du 13 Aout 1993237, le Conseil constitutionnel, a
adopté cette solution et a permis de mieux déterminer les considéra-
tions d’ordre public de nature à restreindre le droit au regroupement
familial. Il a censuré deux dispositions de la loi, l’une interdisant le
droit au regroupement familial à l’étranger titulaire d’une carte de sé-
jour mentionnant la qualité d’étudiant, l’autre imposant une durée de
deux ans à partir du moment de la dissolution ou de l’annulation d’un
mariage pour avoir droit au regroupement familial pour son nouveau
conjoint. La protection de l’ordre public explique par contre l’exigen-
ce que les ressources de l’étranger voulant bénéficier de la venue de
sa famille soient au moins égal au SMIC. De même le législateur ainsi
que le Conseil constitutionnel ont estimé que le droit au regroupe-
ment familial devait dépendre de la condition de l’absence du mariage
polygamique. Conformément à l’article 15 bis de l’ordonnance du 2
Novembre 1945, la carte de résidant ne peut être remise à un étranger
vivant dans le cadre de la polygamie ou à son conjoint. La fixation des
détails touchant à « l’état de polygamie » démontre que l’on ne doit pas
recourir au concept de mariage « potentiellement » polygamique. Le
Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs souligné en confirmant que cette
décision n’était applicable qu’aux étrangers résidants en France « en

236- Arrêt précité.


237- Décision précitée.

86
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

état » de polygamie238. IL a approuvé le législateur en déclarant que


« les conditions d’une vie familiale normale sont celles qui prévalent
en France, pays d’accueil, lesquelles excluent la polygamie ; que dés
lors les restrictions apportées par la loi au regroupement familial des
polygames et les sanctions dont celles-ci sont assorties ne sont pas
contraire à la constitution ». Cette réforme constitue un coup d’arrêt
à la jurisprudence Montcho qui avait considéré qu’une vie familiale
normale pour un étranger polygame supposait la présence de ses
épouses et que cette présence ne choquait pas l’ordre public.
En optant pour ce choix, le législateur français a emboité le pas
de plusieurs pays européens. Le Conseil de l’Union européenne dans
sa directive du 22 septembre 2003239 cautionne d’ailleurs cette option
puisque aux termes de son considérant 11 : « le nécessaire respect des
principes et valeurs recommandé par les états membres, (…) justifie
que des mesures restrictives puissent être opposées aux demandes de
regroupement familial des ménages polygames. ».
Ainsi, en Allemagne, la première phrase du § 17 de la réforme de la
législation sur l’entrée et le séjour des étrangers a été perçue comme
excluant du droit au regroupement familial les membres de la famille
issus d’un mariage polygamique240. Cette réforme traduit en effet le
fondement du regroupement familial selon le législateur allemand. Il
s’agit de « l’établissement et la sauvegarde de la communauté de vie
familial en République fédérale telle quelle est protégée par l’article
6 de la loi fondamentale ». Les commentaires officiels de cette loi ont
montré que ce renvoi à l’article 6 de la loi fondamentale avait pour
objectif de restreindre la protection aux familles monogames. Le
législateur allemand a fait pourtant preuve d’une plus grande souplesse
par rapport au législateur français, car, en l’absence de dispositions plus
claires, les services administratifs allemands pourront se servir de leur
pouvoir d’appréciation et délivrer une carte de séjour à une seconde
épouse qui souhaiterait rejoindre ses enfants. Cette comparaison

238- La circulaire du 8 septembre 1993 précise qu’il sera demandé aux étrangers dont le
droit national admet la polygamie une déclaration sur l’honneur par laquelle ils attestent ne
pas vivre en France en état de polygamie. GUIMEZANES(N). L’arrêt de l’immigration en
France, JCPG1994, I, p.3728.
239-Directive 2003/86/CE du conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupe-
ment familial ; JOCE n°L251 du 03/10/2003 p.0012-0018.
240- JAULT- SESEK (F), le regroupement familial en droit comparé français et allemand
op. cit., n°188 et suiv.

87
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

offre l’occasion de noter la rigueur du système instauré par la loi de


1993. En effet, cette dernière est formelle : la carte de séjour ne peut
être remise à un étranger vivant dans le cadre de la polygamie. Les
autorités administratives, devant une telle formulation, ne disposant
d’aucun pouvoir d’appréciation. De plus, la polygamie est considérée
comme une entrave aux autres cas d’octroi d’un titre de séjour241 ou
même une cause de retrait242. Les services administratifs ont, paraît-il,
opté pour le choix d’une application rigoureuse de la loi, application
qui a été approuvée par les juges administratifs. Il a en effet été jugé
que « la protection des droits acquis par la délivrance de la carte de
résident obtenue antérieurement à 1993 ne joue plus quand il s’agit
de demander le renouvellement de la carte (…) l’administration pou-
vant légalement refuser le renouvellement de la carte de résident d’un
ressortissant vivant en état de polygamie ou de ses conjoints quelle
que soit la date de délivrance de titre de séjour »243. Une pareille ap-
plication de la loi entraine la remise en cause de la communauté de vie
des étrangers ayant eu droit avant 1993 au regroupement familial, et
a l’organisation de leur vie familiale en France.
Face à ce choix législatif, l’opinion publique n’est pas unanime. Il
soulève, notamment des questions politiques et sociologiques mais il
est au centre d’une problématique d’ordre juridique car il aboutit à
mettre en cause une règle de conflit.

241- Les articles 14 et 15 de l’ordonnance du 2 Novembre 1945 prévoient plusieurs cas de


délivrance d’un titre de séjour et l’article 15 bis introduit une restriction générale à ces textes
en interdisant la délivrance d’une carte de résident à « un ressortissant étranger qui vit en
état de polygamie » ainsi qu’au conjoint d’un tel ressortissant. Il semble que le préfet soit dans
une situation de compétence liée car il est prévu qu’une carte délivrée en méconnaissance du
texte doit être retirée. La situation de polygamie affective fait donc obstacle à la délivrance de
la carte de résident quel que soit le titre dont peut se prévaloir l’étranger, parent d’un enfant
français par exemple.
242- C’est la sanction employée pour garantir la prohibition du regroupement familial po-
lygamique et qui s’applique à celui qui aurait voulu contourner la règle en faisant venir des
épouses hors regroupement familial pour établir une situation de fait dans l’espoir d’établir
une éventuelle régularisation. L’article 30 alinéa 2 prévoit alors que les autres épouses ne
pourront obtenir de titre de séjour ou se le verront retirer et que l’époux se verra retirer son
titre.
243- Arrêt GISTI, 18 juin 1997, req. N°162517, classé en B ; CAA Douai 12 Novembre 2002,
AJDA, 28 Avril 2003, p.851. Les juges du palais Royal ont refusé d’adopter le raisonnement
par analogie qui aurait consisté à s’appuyer sur l’article 37 de l’ordonnance lequel dispose
que le retrait ne s’applique « qu’a des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l’entrée
en vigueur de la loi du 24 Aout 1993 ». Ils laissent tout de même un pouvoir discrétionnaire
aux autorités administratives dans ce cas précis du refus de renouvellement du titre de séjour
puisque les juges ont employé le verbe « pouvoir » et non « devoir ».

88
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

La loi Sarkozy II du 24 juillet 2006 lie l’immigration à l’intégration.


Or, la polygamie est inconciliable avec le concept d’intégration. Le
regroupement familial a subi aussi des restrictions trés importantes
en 2007.
En vertu de l’article L.441-7 du CESEDA lorsque le demandeur
est marié sous le régime polygamique, il ne lui est pas possible de
solliciter l’admission des enfants qu’il a eu avec une autre épouse que
celle qui est autorisée à vivre en France sauf prouver que la mére
de ces enfants est décédée ou déchue de l’autorité parentale244. Une
déclaration sur l’honneur par laquelle le demandeur certifie que le
regroupement familial ne créera pas une situation de polygamie sur le
territoire français est exigée (art. R.421-5)245.
La circulaire n°2006-26 du 17 janvier 2006 insiste sur la vérifica-
tion de la filiation des enfants issus d’unions polygamiques. En cas de
doute, le demander sera incité à faire déterminer l’identification de ses
enfants par empreintes génétiques coïncidant avec celles de l’épouse
autorisée à venir en France246.

2. Un mariage privé de ses effets :


A travers ces dispositions, il est clair que la volonté du législateur était
de réduire les effets du mariage polygamique en France, par la suppres-
sion explicite d’un des effets principaux du mariage (a), mais également
à travers la suppression indirectement de ses autres effets (b).

a. La suppression explicite d’un des effets principaux du mariage poly-


gamique :
La règle de conflit ouvrait la voie, comme nous l’avons vu, aux
mariages polygamiques valablement conclus à l’étranger de produire
la majorité de leurs effets en France. Désormais, en interdisant les
familles polygames de vivre ensemble, c’est l’effet principal de ce
mariage qui est supprimé. En commentant l’arrêt Montcho, Monsieur
Bischoff, faisait remarquer que le principe de cette décision fixait « la
condition première et fondamentale de la reconnaissance en France

244- JACQUELINE POUSSON-PETIT, le statut de la femme maghrébine ou d’origine


maghrébine résidant en France : Entre ici et ailleurs, in Les droits maghrébins des personnes
et de la famille à l’éprouve du droit français, L’Harmattan, 2009, p.328.
245- Ibid.
246- « Le regroupement familial », Gisti, cah.jur, juin 2008, p.10.

89
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

des mariages polygamiques valablement célébrés à l’étranger ». Depuis


1993 cette condition est annulée.247

b. La suppression indirecte des autres effets du mariage polygamique :


Cette négation des droits acquis conformément au droit interna-
tional privé risque des ne pas s’arrêter là. Certainement, en théorie,
la seconde épouse, restée ou retournée dans son pays d’origine, pro-
fitera toujours des autres droits qui lui ont été octroyés, tels que le
droit d’indemnisation, le droit à une pension alimentaire ou le droit
de succession. Mais, en réalité, celle-ci aura-t-elle les moyens suffi-
sants de faire valoir ses droits ? N’ayant pu obtenir le renouvellement
de sa carte de résidente, elle peut en effet se retrouver en situation
irrégulière. Il est clair qu’elle ne saurait, dans une pareille situation
réclamer ses droits. Si l’épouse a été obligée de retourner vivre dans
son pays ou n’a pas pu rejoindre son mari, les problèmes rencontrés
pour bénéficier des effets d’un mariage qui n’en reste plus que le nom
trouveront-ils des solutions adéquates ?...
Une autre difficulté se manifeste par le manque d’information
des épouses concernées. Le Haut conseil à l’intégration, dans son rap-
port248, (tout en rappelant l’existence de bureaux régionaux de res-
sources juridiques internationales, d’associations relais crées en 1996
à paris, Lyon et Marseille, et d’un guide pratique d’information sur les
droits des femmes étrangères ou d’origine étrangère diffusé en 1998,
et réactualisé en 2002 par l’association Lyonnaise Femmes contre
l’intégrisme…) affirme que « cette matière reste trop peu connue des
femmes concernées et peut-être aussi des intervenants sociaux qu’elles
rencontrent ou côtoient. »
Si sur le plan interne les familles vivant en état de polygamie ne
jouissent pas d’une protection de leur vie familiale, la Convention
Européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés
Fondamentales (CEDH) s’est penchée sur cette question. L’analyse
aboutit à un constat indéniable : l’inexistence de protection conven-
tionnelle du droit à la vie familiale pour les unions polygames.

247- RCDIP 1981 p.658.


248- Rapport précité en sa page8.

90
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

B- L’inexistence de protection conventionnelle des mariages


polygames :
La CEDH dans son article 8 consacre le droit pour tout individu
au respect de sa vie privée et familiale. Il s’agit a priori d’un droit
fondamental, inhérent à la personne, dont la concrétisation ne peut
être entachée de discrimination. Les prémices de ce droit fondamen-
tal au respect de la vie familiale auraient pu garantir une protection
conventionnelle de la vie familiale des unions polygames (1). Or, cette
protection n’a pas été concrétisée (2).

1. L’espérance d’une protection conventionnelle de la vie familiale pour les


unions polygames :
Le caractère fondamental du droit au respect de la vie familiale
consacré par la CEDH s’est illustré par la reconnaissance de l’appli-
cabilité de l’article 8 de la dite convention249 en matiére du droit des
étrangers (a) ainsi que par l’élargissement du principe du droit à une
vie familiale normale (b). Ces deux éléments auraient pu garantir un
respect de la vie familiale des unions polygames par la Cour Euro-
péenne des Droits de l’Homme (Cour EDH) en réprimant la législation
qui prohibe le regroupement familial des polygames.

a- L’applicabilité de l’article 8 de la CEDH en matière du droit des étrangers :


Le problème de l’applicabilité de l’article 8 de la CEDH s’est
posé à partir du moment où le manque du respect de la vie familiale
des étrangers en droit interne s’est fait ressentir. Si la jurisprudence
constitutionnelle avait contribué depuis les années 80 à renforcer la
sauvegarde des droits et libertés individuels des étrangers résidants
en France250 et, si le Conseil d’Etat avait soutenu l’existence d’un prin-
cipe général du droit pour tout individu résidant en France de mener
une vie familiale normale251, on ne pouvait que noter l’absence d’une
249- L’article 8 de la CEDH dispose : « 1.toute personne a droit au respect de sa vie privée
et familial de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peur y avoir ingérence d’une
autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue
par la loi et qu’elle constitue une mesure qui dans une société démocratique, est nécessaire à
la sécurité nationale, à la sûreté publique au bien être économique du pays, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
250- VANDENDRIESSCHE (X), in le droit de la famille à l’épreuve des migrations trans-
nationales, op.cit., p.54.
251- CE, 8 décembre 1978, GISTI et autres, précité.

91
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

identité de droit entre nationaux et étrangers. Nombreuses décisions le


confirment. Ainsi, le Conseil constitutionnel estimait dans la décision
rendue le 3 septembre 1986 que, si le préambule de la constitution de
1946 garantit à la personne et à sa famille les circonstances nécessai-
res à leur développement, « il appartient au législateur d’apprécier les
conditions dans lesquelles les droits de la famille peuvent être conci-
liés avec les impératifs d’intérêt public ». Le conseil d’Etat a lui-même
contesté cette égalité entre nationaux et étrangers en considérant
dans l’arrêt rendu le 23 septembre 1988252 que les dispositions e l’or-
donnance du 2 novembre 1945 constituent une législation spécifique
et que, le moyen tiré de ce que le régime applicable aux étrangers doit
être aligné sur celui des nationaux doit de ce fait être écarté. L’attitude
traditionnelle du Conseil d’Etat pendant les années 80 conformément
à laquelle : « la mesure d’éloignement n’était pas susceptible par son
objet de porter atteinte à la vie familiale de l’individu et [que] le refus
de ce motif contribuait également à écarter l’invocation du principe
général du droit [de mener une vie familiale normale] » est un élément
de plus illustrant la discrimination des étrangers vis-à-vis du droit à
une vie familiale normale.
En droit commun, la protection de la vie familiale des étrangers
était donc faible en ce sens qu’elle ne garantissait pas contre les
incursions éventuelles du législateur. La protection pouvait changer
en fonction des transformations politiques253, d’où l’obligation de
l’intervention de la CEDH afin de remédier à cette faiblesse dans la
protection des droits des étrangers. Pourtant, cette intervention de la
CEDH en matière du droit des étrangers n’a pas toujours été de soi.
En effet, il n’existe aucun droit propre aux étrangers dans le corps de
ce texte.
Seul l’article 4 du protocole additionnel 4254 et l’article 7 § 2 du
protocole additionnel n°7255 interviennent en cette matière. Le can-
tonnement de ces dispositions aux protocoles additionnels montre le
252- CE, 23 septembre 1988, ministre de l’intérieur / Mme ROBALO-LOPES, Reg.77.464,
RDP 1990-3, p.882.
253- RUDOLPH D’HAËM, in L’entrée et le séjour des étrangers en France, que sais-je,
PUF, 1999, p.19 montre que depuis 1981 chaque alternance politique entraîne une modifica-
tion de l’ordonnance de 1945 dans un sens plus ou moins libéral, chaque nouvelle loi portant
le nom du ministre (le plus souvent de l’intérieur) de la nouvelle majorité qui a présenté le
texte au parlement.
254- Protocole n° 4 de la CEDH, 16 septembre 1963, entré en vigueur le 3 mai 1974.
255- Protocole n°7 de la CEDH, 22 novembre 1984, entré en vigueur le 1er novembre 1988.

92
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

refus des Etats de soumettre le droit des étrangers aux exigences des
juridictions européennes.
La CEDH est cependant vouée à intervenir en cette matière puis-
que les Hautes parties contractantes s’engagent dans son article 1er
à l’égard de « toutes personnes relevant de leur juridiction ». Les étran-
gers comme les nationaux doivent par conséquent pouvoir profiter de
ces droits. De plus, de manière constante, le juge européen garantit
une protection « par ricochet » des droits garantis par la CEDH. C’est
pourquoi la Commission européenne des droits de l’homme est in-
tervenue dés 1967 en cette matière en établissant un rapport entre
le droit à une vie familiale normale et l’expulsion256. L’application de
l’article 8 s’est rapidement étendue pour englober toute la matière,
La Cour consacra en 1985, à l’occasion de l’affaire Abdulaziz, Ca-
bales et Balkandali257, l’application de l’article 8 au droit au regrou-
pement familial, c’est-à-dire, au droit pour l’étranger de rejoindre sa
famille vivant régulièrement dans le pays d’accueil. Lors de l’affaire
Berrehab258 en 1988, trois ans plus tard, la Cour confirme sa position
à l’occasion du cas d’un immigré de nationalité marocaine résidant au
pays-Bas, divorcé et père d’un enfant belge, auquel les services admi-
nistratifs avaient refusé de lui renouveler sa carte de séjour.
Le droit à une vie familiale normale, garantie par la CEDH implique
dés lors le droit pour la famille de demeurer réunie. Enfin, la Cour
condamna en 1990, dans l’arrêt Moustaquin c/ Belgique259, la France
qui avait prononcé une mesure d’éloignement du territoire à l’encontre
d’un jeune immigré marocain.
Le Conseil d’Etat, sous l’influence de la Cour qui refusait d’appli-
quer les dispositions de l’article 8 aux mesures de police des étrangers,
a du revenir sur sa position. Il le fit dans un arrêt Belgacem260 à l’oc-
casion duquel il met en balance, pour la première fois, les impératifs
256- X,Y,Z C/Royaume-Uni, 15 décembre 1967, req. 3324/ 67, annuaire de la convention
1967, p.529 ; BERGER (V), jurisprudence de la CEDH, 8ème éd. , 2002, DALLOZ, n°136
p.376.
257- Cour EDH arrêt du 28 mai 1985, cour plénière, série A, n°94, BERGER (V), jurispru-
dence de la CEDH, op. cit., n°144, p.388.
258- Cour EDH 21 juin1988, BERREHAB, A.138, cité par LABAYLE (H), in « Le droit de
l’étranger au respect de sa vie familiale », RFDA, 1993, p.522, BERGER (V), jurisprudence
de la CEDH, op. cit., n°145 p.392.
259- Cour EDH, arrêt MOUSTAQUIM du 18 Février 1990, BERGER (V), jurisprudence
de la CEDH, op.cit., n°146, p.394.
260- Arrêt BELGACEM, Rec Lebon, p.493, JCP1992II, 21832, note I card ; D.1991, p.399
note prétot, AJDA 1991, p.551, note JULIEN. LAFERRIERE, RFDA 1991, p.497.

93
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

de l’ordre public international avec le droit pour les étrangers de vivre


avec leurs familles.
Le renforcement de la protection de la vie familiale des étrangers
résulte nécessairement de l’intervention du juge européen, ces derniers
pouvant invoquer la violation des dispositions de l’article 8 de la
CEDH suite à une mesure de police. Cependant, la relativité de ce
renforcement a conduit à nier l’hypothèse d’une protection conven-
tionnelle de la vie familiale des familles polygames. Cette hypothèse
était cependant possible aux vues de l’application généralisée des dis-
positions de l’article 8 observée ci-dessus et de l’élargissement de la
notion de vie familiale normale que l’on peut constater dans les arrêts
de la Cour.

b- Du droit à une « vie familiale normale » au droit au respect de « sa vie


privée et familiale » :
Le droit pour les étrangers au respect de leur vie familiale consacré
en tant que droit fondamental a eu pour conséquence l’élargissement
de la notion de vie familiale puisque un droit de nature supra-législa-
tive a remplacé un droit de nature réglementaire261.
En effet, la notion de vie familiale normale pour les étrangers
n’avait, jusqu’en 1967, été traité que par les textes relatifs au droit des
étrangers. L’ordonnance de 1945 et les décrets et circulaires d’applica-
tion n’ont qu’une conception restrictive de la vie familiale normale262.
Conformément à ces textes, ne pourront être protégés par le droit à
une vie familiale normale que les membres de la famille « nucléaire »
seulement.
La définition textuelle des personnes protégées par le droit à une
vie familiale normale est fondée sur les dispositions des articles 5, 15
et 25 de l’ordonnance de 1945 et sur les dispositions spécifiques du
décret du 29 avril 1976 modifié relatif au regroupement familial. Il
s’agit notamment :
• Du conjoint de l’étranger résidant de façon régulière ;
• Du conjoint du ressortissant français ;
• Des enfants mineurs d’étrangers résidant régulièrement ;

261- X.VANDENDRISSCHE, « Le droit à la vie familiale est-il un droit fondamental ? », in


le droit de la famille à l’épreuve des migrations transactionnelles, LGDJ, 1993 p.53.
262- Ibid.

94
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

• D’étrangers exerçant (totalement ou partiellement) l’autorité


parentale d’un enfant français ;
• Des enfants étrangers d’un ressortissant français jusqu’à l’âge
de 21 ans ;
• Des ascendants d’un ressortissant français.

Selon ces règles, il faut en outre, que cette famille soit « normale ».
L’utilisation de l’adjectif « normale » dans l’expression droit à une vie
familiale « normale », paraît à première vue anodin. Il semble assurer
un minimum vital : toute personne a droit de vivre normalement en
famille. Cependant, selon l’application qu’en fait les juges administratifs
et les textes relatifs au droit des étrangers, on remarque que ce droit
ainsi formulé n’est pas en réalité favorable à ces derniers263.
L’adjectif normal n’est pas là pour définir le minimum auquel tout
individu a droit. En réalité, il signifie que pour qu’un étranger puisse
profiter de ce droit, il faut que sa famille réponde à des critères de
conformité, qui limitent ce droit et remettent en cause son caractère
fondamental. Il s’agit de critères de nature économique : l’étranger doit
posséder « des ressources stables et suffisantes »264, mais également de
critères de nature sociologique et culturelle, le Conseil constitutionnel
ayant souligné que : « les conditions d’une vie familiale normale sont
celles qui prévalent en France, pays d’accueil, lesquelles excluent la
polygamie265 ».
Cette conception restrictive que l’on trouve aussi bien en matière
du droit communautaire qu’en matière du droit français des étran-
gers s’explique par le caractère réglementaire des textes qui traitent
cette question. Le droit conventionnel, qui a pour finalité de faire du
droit à mener une vie familiale normale un droit fondamental, donne
nécessairement une nouvelle conception à la notion de famille. De
plus, l’imprécision de la convention offre à cet instrument une certaine
plasticité suffisante pour pouvoir être invoquée dans diverses situa-
tions. Les juges de Strasbourg peuvent ainsi s’écarter de la définition
juridique traditionnelle de la vie familiale normale (que l’on trouve
263- RUDOLPH D’HAËM, in l’entrée et le séjour des étrangers en France, op. cit., p.20.
264- Décret n° 76-383 du 29 Avril 1976 relatif aux conditions d’entrée et de séjour en France
des membres des familles autorisées à résider en France, JO 2 mai 1976 p.2628 modifié par
le décret n°84-1080 du 4 Décembre 1984, JO 5 Décembre 1984 p.3733.
265- DCC n° 93-325 du 13 Aout 1993, http://www.conseil-constitutionnel.fr/
décision/1993/93325dc.htm.

95
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

dans les textes comme par exemple l’ordonnance de 1945) pour


examiner au cas par cas son existence. Ils s’intéressent à la réalité,
l’effectivité de la vie familiale. La vie familiale, en d’autres termes,
doit être préexistante, elle doit être caractérisée par des relations réel-
les et assez étroites parmi ses membres. La Cour ne désire pas limiter
sa protection aux frontières d’une définition stricte de la vie familiale,
mais pour chaque cas, elle souhaite cerner la réalité de leur vie fa-
miliale266. Ainsi, une famille peut être constituée d’un couple vivant
« maritalement » sans être marié dans la réalité267. Dans le même ordre
d’idée, aucune discrimination ne doit être faite entre l’enfant légitime
et l’enfant naturel268. La protection s’entend aussi au lien d’adoption269.
Pour définir la composition de la famille, La Cour prend en considé-
ration l’existence de frères et sœurs270. Le lien de famille entre parents
et leurs enfants ne cesse pas d’exister par l’accession de ces derniers à
la majorité mais continue dés lors que les relations familiales ne sont
pas coupées effectivement. Ce lien n’est pas affecté non plus ni par le
divorce ni par la fin de la vie commune des parents.
Outre le lien, ce qui découle de la conception européenne de la
notion de la vie familiale est l’intensité et l’effectivité du lien. La
recherche de cette intensité et l’effectivité amène la Cour à considérer
sous l’angle de la vie familiale certains cas qui relèveraient plutôt du
domaine de la vie privée. Si, comme nous l’avons remarqué, l’utilisation
de l’adjectif « normal » dans la formulation française du droit à mener
une vie familiale a eu des conséquences néfastes sur les étrangers,
l’expression européenne du droit à une « vie privée et familiale » n’est
pas moins anodine. En revanche, les effets de la formulation sont ici
favorables par rapport au droit des étrangers, car elle engendre un
élargissement de la protection. Le juge européen, en effet, considère
le droit à la vie privée et le droit à une vie familiale comme ne formant
qu’un ensemble, indivisible. Il va par conséquent prendre en considé-

266- Voir la définition de la notion de la vie familiale en droit français et selon la CEDH par
JUILIEN- LAFERRIERE (F) in « Les étrangers ont-ils droit au respect de leur vie fami-
liale ? » D.1992, p.291.
267- Arrêt ABDULAZIZ, CABALES et BALKANDALI, précité.
268- Cour EDH, KEENGAN C.IRLANDE, arrêt du 26 Mai 1994, série A, n° 290, cité par
Mr COUSSIRAT –COUSTERE in Internationalisation des droits de l’homme et évolution
du droit de la famille, p.50.
269- Rect. 9993/2, X.C. France déc. 5 Octobre 1982, D.R.31, p.242 cité par COUSSIRAT-
COUSTERE, ouvrage op.cit ., p.51.
270- Arrêt MOUSTAQUIN précité.

96
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

ration, pour juger qu’une décision met en cause le droit de l’étranger


à avoir une vie familiale normale, des éléments qui, en réalité, relèvent
de l’existence d’une vie privée. Cette attitude de la Cour qui se fonde
essentiellement sur des éléments liés à la vie privée (tels la durée du
séjour, la langue, la scolarité, le travail…) est très bien illustrée dans
l’arrêt Nasri271.
La nouvelle dimension accordée par les juges strasbourgeois au
droit à une vie familiale normale pour les étrangers a laissé croire en
l’efficacité d’un recours des familles polygames devant la Cour euro-
péenne. Cependant, cet espoir a rapidement été déçu.

2. Le recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme : un espoir


rapidement déçu :
L’interdiction faite aux polygames de bénéficier des dispositions
de l’article 8 de la CEDH se justifie par le caractère relatif de la pro-
tection conventionnelle (a) et par l’élaboration d’un ordre public
européen en tant qu’émanation des droits internes de la communauté
européenne (b).

a. Le caractère relatif de la protection conventionnelle :


Le mariage polygamique est un phénomène qui caractérise la vie
familiale des étrangers établis en France. Les droits fondamentaux
peuvent-ils protéger ce mode de vie ? Cette question en provoque une
autre : le droit à la vie familiale normale, constitue-il un droit fonda-
mental ? Telle est la question soulevée par Mr Vandendriessche dans
son ouvrage intitulé : Le droit de la famille à l’épreuve des migrations
transnationales272. La réponse n’est pas facile, car donner une défini-
tion exacte à la notion de droit fondamental peut engendrer un large
débat. On peut affirmer en tout état de cause, que ce droit est loin
d’être un droit absolu. En effet, la CEDH dans son article 8 alinéa
2 pose d’emblée des frontières à la protection du droit énoncé car il
permet les ingérences de l’Etat dans l’exercice par une personne de
son droit au respect de la vie familiale Cette ingérence est autorisée
271- Arrêt NASRI C/France du 13 Juil 1995, BERGER (V), op.cit., 5ème éd. N°297,
p.592. Voir cependant l’article de Mme VAN MUYLER, « Le droit au respect de la vie pri-
vée des étrangers », RFDA2001, p.799 dans lequel elle montre que la Cour tend désormais à
dissocier le contrôle du droit à la vie privée de celui du droit à la vie familiale.
272- X. VANDENDRIESSCHE : « Le droit à la vie familiale est-il un droit fondamental »,
in Le droit de la famille à l’épreuve des migrations transactionnelles, op. cit., p.53.

97
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

si elle est prévue par la loi et nécessaire dans un Etat démocratique.


Le simple fait de remplir les conditions de l’ingérence fixées par l’ali-
néa 2 n’est pas suffisant pour légitimer cette dernière. Encore faut-il
que l’atteinte portée soit, sur le plan juridique, proportionnée au but
poursuivi.
A priori, cette ingérence est parfaitement encadrée. Mais, de
manière générale, il est clair que l’ingérence de l’état dans le domaine
de la vie familiale est, en fait, largement légitimée par la convention.
La CEDH dans son article 8 alinéa 2 énumère de façon exhaustive
les hypothèses dans lesquelles il peut y avoir une ingérence : cette
ingérence doit être indispensable à la protection de la sécurité natio-
nale, de la sureté publique, du bien être économique de l’Etat, de la
défense de l’ordre et de la prévention des infractions pénales, de la
santé ou de la morale ou des droits et libertés d’autrui. Le contenu de
cette clause est si vaste qu’il est finalement opportun, théoriquement,
de légitimer la majorité des cas d’ingérence de l’Etat en matière de vie
familiale273. En outre, l’Etat dispose d’une marge d’appréciation sur le
plan du choix entre les procédés de l’ingérence et de l’application des
procédés choisis.
La protection de la vie familiale par l’article 8 est encore plus res-
treinte lorsqu’il s’agit du domaine de la police des étrangers. L’Etat
bénéficie, dans ce cas, d’une large marge d’appréciation grâce à sa
souveraineté en la matière : la Cour EDH ne cesse de rappeler que
« les états contractants ont en vertu d’un principe de droit interna-
tional bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour
eux des traités internationaux y compris de la convention, le droit de
contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux »274.
Cette affirmation note l’importance de la souveraineté des états dans
le domaine et écarte d’office l’existence d’un contrôle large des ingé-
rences de l’Etat effectué par la Cour EDH. Inversement, elle impli-
que forcément un grand pouvoir d’appréciation de l’Etat pour ce qui
est du caractère nécessaire de son ingérence dans l’exercice du droit
à une vie familiale normale. Au surplus, d’après la jurisprudence de
273- CAROLINE PICHERAL dans son ouvrage L’ordre public européen, droit commu-
nautaire et droit européen des droits de l’homme, la documentation française, coll. Monde
européen et international, paris, 2001, p.48, montre le contournement du caractère limitatif
de ces listes de buts légitimes justifiant une ingérence de l’état.
274- LABAYLE (H), in les étrangers et la convention européenne des droits de l’homme,
ouvrage écrit sous la direction de HUGUE FULCHORON, LGDJ, 1999,

98
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

la Cour, les décisions concernant l’entrée, le séjour ou l’éloignement


des étrangers sont considérées comme étant conformes à l’un des buts
légitimant l’ingérence, ce qui favorise bien entendu la légitimation.
Afin de ne pas être sanctionnée à cause de la violation de ses
engagements conventionnels, un Etat contractant, doit respecter
les obligations de ne pas faire, mais également de faire. Il est aussi
communément admis que l’article 8 ne se contente pas de « prémunir
l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, mais
qu’il peut engendrer des obligations positives à la charge de l’Etat »275.
Mais, il ne paraît pas qu’il faille considérer parmi ces obligations le
regroupement familial. Les décisions de la Cour européenne des droits
de l’homme et de la commission européenne des droits de l’homme
s’accordent pour refuser de faire résulter de la convention un droit
au regroupement familial276. La Cour va même jusqu’à être moins
exigeante par rapport au juge constitutionnel. En effet, tandis quel
Conseil constitutionnel soutient que le droit de l’étranger à avoir une
vie familiale normale « comporte la faculté pour les étrangers de faire
venir auprès d’eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs »277, la Cour
exige seulement que l’Etat vérifie si cette vie peut être menée ailleurs
avec succès278.
La relativité de la protection de la vie familiale des étrangers par la
CEDH n’a pas épargné, dans ce contexte, les familles polygames. La
Cour EDH a en effet confirmé la liberté de l’Etat dans ses décisions
concernant les mariages polygamiques. Elle a affirmé que « l’Etat ne
peut être tenu, au regard de la convention, de reconnaître pleinement
les mariages polygames qui sont contraires à son propre ordre juridi-
que »279. Pour les familles polygames, l’absence du bénéfice d’une pro-
tection conventionnelle se précise si l’on analyse la façon dont l’ordre
public européen se dessine.
275- Cour EDH, arrêt MARCKX du 13 Juin 1979, série A, n°31 p.15 ; BERGER (V), juris-
prudence de la CEDH, op.cit., 8ème éd., n° 132, p.365. Voir également, SURDE(F), Droit
international européen des droits de l’homme, PUF, 2ème éd. 1995, p.148 et suiv.
276- Décision de la commission du 24 Avril 1965, req n°1855/63, Ann. Conv., Vol VIII,
p.203 : « Le droit pour une personne de pénétrer et de s’établir dans un pays dont elle n’est
pas ressortissante n’est pas garanti en tant que tel par la convention ».
277- LABAYLE (H) in Les étrangers et la convention européenne des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, op. cit., p.105.
278- Dans ce sens : arrêt GULL contre Suisse, CEDH, 19 Février 1996, BERGER (V),
jurisprudence de la CEDH, op. cit., 5ème éd. N°28 p.599.
279- Req. 14501/89, ALILOUCH EL ABASSE c .pays-bas, déc. 6 janvier 1992, D.R.72,
p.128.

99
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

b- Un ordre public européen rejetant la polygamie :


En dépit des lacunes que présente la protection conventionnelle
de la vie familiale des étrangers, la législation française en matière
du regroupement familial des familles polygames ne paraît tout de
même pas, à priori, rentrer dans le moule des exigences posées par
la CEDH en la matière. Conformément à la CEDH, il est en effet,
indispensable, comme nous l’avons vu, que l’atteinte à la vie familiale
soit proportionnée au but recherché.
Si le juge administratif ne veut pas que l’Etat français soit sanc-
tionné par la Cour, il doit par conséquent contrôler cette condition.
Or, le contrôle normal du juge administratif est annulé pour toutes les
mesures d’immigration concernant les mariages polygamiques depuis
l’entrée en vigueur de la loi pasqua de 1993.
Le Conseil d’Etat a décidé, de plus, dans l’arrêt Sakho qu’une femme
en situation de polygamie ne pouvait se prévaloir des dispositions de
l’article 8 de la CEDH280.
Dans cette affaire, une épouse était entrée de manière irrégulière
en France en vue de rejoindre son mari y résidant avec sa première
épouse. La délivrance du titre de séjour prévue à l’article 15,3° de
l’ordonnance de 1945 lui avait été refusé par un arrêté préfectoral.
Ce refus avait pour fondement son entrée et son maintien illégaux sur
le territoire français premièrement, et sur sa situation matrimoniale
deuxiément. Le tribunal administratif de Châlons sur-Marne, estimant
que l’arrêté violait les prescriptions de l’article 8 de la CEDH, l’avait
annulé. Selon le Conseil d’Etat l’arrêté d’expulsion était légal, vu que
« Mme Sakho est la seconde épouse de M. Sakho, lequel réside en
France et qu’elle vit en état de polygamie (et) qu’elle ne peut ainsi
utilement se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour
contester le bien-fondé du second des motifs retenus par le préfet ».
280- CE29 décembre 2000, Sacko, AJDA2003, jurisprudence, p.851. Confirmé ultérieure-
ment dans l’arrêt LAKHAL, C.E2 octobre 1996, req.juris-data n°156257, texte intégral in
jurisprudence Lamy( cité par Mr FARGE in Le statut familial des étrangers en France : de
la loi nationale à la loi de la résidence habituelle p.65) : « Mme LAKHAL est l’épouse de
Mr LAKHAL, lequel réside en France avec une seconde épouse et ses enfants nés de ces
deux unions ;que par suite, en raison de la situation de polygamie de son mari, elle ne peut
utilement se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits
de l’homme et des libertés fondamentales et soutenir que l’arrêté attaqué porterait à son droit
au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnelle aux buts en vue desquels a été
pris le dit arrêté. »

100
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

La référence à l’article 15, 3° de l’ordonnance de 1945 est impor-


tante dans la mesure où elle permet la compréhension des éléments
de fait remarquables, l’arrêt étant lui-même imprécis281. Dans ce cas
d’espèce, la demanderesse sollicitait une carte de séjour en invoquant
sa qualité de mère d’un enfant français résident en France282 et non en
se prévalant de sa qualité d’épouse d’un étranger résident régulière-
ment. Le Conseil d’Etat, en annulant la décision des premiers juges,
reconnaît conformément à la lettre de l’article 15 bis de l’ordonnance,
que l’hypothèse de polygamie en France oblige le préfet à ne pas
délivrer le titre de séjour quel que soit le cadre auquel l’étranger pour-
rait en bénéficier, sans qu’aucun contrôle de proportionnalité ne soit
effectué.
La demanderesse est ainsi privée de l’examen individuel tel qu’il
découle habituellement du mécanisme de l’article 8 de la CEDH. Le
texte ainsi formulé, dicte-il une pareille démarche cependant inhabi-
tuelle en matière du droit des étrangers ? D’après M. Farge283, « rien
n’imposait d’abandonner le contrôle de proportionnalité entre le but
poursuivi par la mesure en cause et la nécessité de protéger la vie
familiale des étrangers ».
Pourtant, si le Conseil d’Etat avait décidé autrement, évidemment,
il aurait été à l’encontre de l’arrêt rendu par le Conseil constitution-
nel le 13 Aout 1993 qui consacre l’interprétation du droit à une vie
familiale normale suivant les normes propres à la société d’accueil, et
de la politique d’intégration adoptée par le législateur. Or, il est clair
que le but du législateur était de refuser le regroupement familial des
familles polygames en vue de lutter contre les effets néfastes provo-
qués par l’arrêt Montcho. L’intervention de la Cour européenne des
droits de l’homme restait donc l’unique espoir.
Celle-ci devrait exiger un véritable contrôle de proportionnalité
entre le préjudice porté aux droits de la personne et celui porté à
281- Article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : « sauf si la présence de l’étranger
constitue une menace pour l’ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous
réserve de la régularité du séjour : (…) A l’étranger qui est père ou mère d’un enfant fran-
çais résident en France, à la condition qu’il exerce même partiellement l’autorité parentale à
l’égard de cet enfant ou qu’il subvienne effectivement à ses besoins. »
282- Article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : « sauf si la présence de l’étranger
constitue une menace pour l’ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous
réserve de la régularité du séjour :( …) A l’étranger qui est père ou mère d’un enfant fran-
çais résident en France, à la condition qu’il exerce même partiellement l’autorité parentale à
l’égard de cet enfant ou qu’il subvienne effectivement à ses besoins ».
283- In le statut familial des étrangers (…), op.cit., p.66.

101
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

l’ordre public international. La commission européenne des droits


de l’homme avait d’ailleurs réprimé dans différentes occasions, sur la
base de l’article 13 de la Convention (relative au droit à un recours
effectif), le caractère limité du contrôle effectué par le juge adminis-
tratif concernant les décisions d’éloignement des étrangers, qui était
assimilé à un contrôle inefficace (article26 de la Convention). Une
pareille discrimination dans l’exercice du droit à une vie familiale nor-
male devrait être sanctionnée par la Cour. Conventionnellement, rien
ne peut expliquer cette discrimination.
Il paraît cependant qu’elle n’en prenne pas le chemin. L’analyse de
l’attitude de la Cour EDH en ce qui concerne le droit des étrangers
à avoir une vie familiale normale nous démontre que les exigences
européennes paraissent s’adapter aux évolutions des droits internes
des pays membres de l’Union284. Les frontières de « l’effet moteur » de
la Cour EDH se manifestent à travers la manière dont l’ordre public
européen se construit en cette matière. Cet ordre public semble en
réalité comme une simple émanation des droits internes. C’est l’expres-
sion des valeurs européennes dominantes qui en dessine les contours.
Il n’existe par conséquent pas d’ordre public indépendant. L’absence
de prise de position de la Cour envers les sujets non consensuels le
confirme. Les décisions de la Cour ne sont dans la plupart des cas
qu’une « tentative de conciliation des traditions nationales ». 285 Le rejet
unanime des mariages polygamiques par les pays de l’Union euro-
péenne laissait donc prévoir l’insuffisance de la protection conven-
tionnelle qui leur serait réservée.
Nous avons analysé la position actuelle du droit face aux mariages
polygamiques. Si certains effets sont soumis et seront toujours soumis
au juge français, tout est mis en œuvre pour que le droit français ne
soit plus directement concerné par les problèmes des mariages poly-
gamiques. L’attitude du législateur ne paraît pas justifiable car elle
conduit à la violation d’un droit fondamental. Que penser de l’état
des enfants issus d’unions polygamiques qui devront choisir entre
leur mère ou leur père et qui risquent d’être séparés de leurs frè-
res et sœurs ? Les dispositifs utilisés pour supprimer la polygamie en

284- Monsieur COUSSIRAT- COUSTERE, in Internationalisation des droits de l’homme


et évolution du droit de la famille, op. cit., p.48, montre que l’évolution du droit européen en
la matière accompagne plutôt que précède celle du droit interne.
285- Ibid.

102
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

France paraissent pourtant fortement ancrés, la position similaire des


autres pays européens et la présence d’une directive européenne en ce
sens le confirment. Le droit public a agi de manière radicale là où le
droit international privé n’a pas voulu évolué. Différentes questions
se posent : le droit des conflits de lois devait-il intervenir avant que
réagisse le droit des étrangers ? Le droit international privé devait-il
évoluer pour s’adapter avec ce dernier ? Au contraire, le principe de
la compétence de la loi nationale en matière du statut personnel est-il
toujours valable et l’existence d’une contradiction au sein d’une même
matière, le droit international privé au sens large du terme, peut-elle
durer ?

Deuxième section : la fragilisation d’une règle de conflit

Un principe fondamental de solution de conflit de lois est édicté


par le Code civil dans son article 3 alinéa 3 : la loi nationale régit l’état
et la capacité des personnes. Cet article n’a pas été modifié depuis
1804. Cependant la solution proposée est progressivement vidée de
son sens, si bien que l’on ne pourra que constater la fragilisation de
la valeur juridique de la règle de conflit normalement applicable aux
mariages polygamiques (parag I) et l’éventualité d’un changement de
cette solution (parag II).

Parag I : La remise en cause de la valeur juridique de la règle de


conflit applicable aux mariages polygamiques
Introduisant la première partie de son cours intitulé « droit in-
ternational privé et conflit de civilisations286 », le professeur Déprez
fait remarquer qu’en Europe « de nombreux accrocs sont portés à
la compétence ou à l’application effective des lois nationales au sta-
tut personnel ; la territorialité n’hésit (ant) pas à s’affirmer, et bien
au-delà du traditionnel mais exceptionnel recours à l’ordre public ».
Cette affirmation se vérifie en matière de mariage des étrangers, où
le domaine d’application de la règle de conflit s’est limité d’abord en
raison du renforcement du territorialisme (A), ensuite à cause de la

286- DEPREZ (J), « Droit international privé et conflit de civilisations, aspects méthodolo-
giques. Les relations entre systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière
de statut personnel », RCDAI1988, IV.

103
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

fréquente éviction de la loi nationale normalement compétente par


l’intervention de l’exception de l’ordre public. (B)

A- Le renforcement du territorialisme :
Le territorialisme est une démarche par laquelle est appliquée la
loi du lieu de situation de l’objet ou, lorsqu’il s’agit de l’état des per-
sonnes, la loi du domicile, sans prendre en considération la nationalité
des parties. Le renforcement du territorialisme se réalise aussi bien à
travers des règles substantielles (1) qu’a travers des règles de conflits
de lois (2).

1. Les règles substantielles relatives aux mariages des étrangers


Les règles substantielles écartent les règles de conflits de lois en
ce qu’elles s’appliquent directement au fond du droit sans cherchez
la loi applicable au litige. Elles limitent par conséquent le domaine
d’application de la loi nationale des étrangers. Les lois d’application
immédiate ou les lois de police peuvent être assimilés à cette catégorie.
Comme l’indique leur nom, ces règles régissent le fond du litige sans
chercher la loi applicable à ce dernier287.
Certaines dispositions du Code civil régissant le mariage sont
considérées comme des lois de police. Ces dispositions du Code Civil (a)
ainsi que celles de la loi du 24 Aout 1993 (b), sont des règles substan-
tielles qui illustrent le renforcement du territorialisme au détriment
d’un autre principe du droit international privé en matière du mariage
des étrangers, il s’agit notamment du personnalisme.

a- Les dispositions du Code Civil d’application immédiate relatives au


mariage :
Les effets du mariage sont en principe, conformément à la juris-
prudence Rivière288, régis par la loi de nationalité commune des époux
et à défaut, à celle de leur domicile commun, ou à la loi du for, qui a
vocation subsidiaire. Les effets du mariage sont, essentiellement, les
obligations qui en découlent (chapitre V du titre V du Code civil) et
les droits et devoirs respectifs des époux (chapitre VI du même titre).
A l’occasion de l’arrêt Cressot rendu le 20 Octobre 1987289, La Cour
287- AUDIT (B), Droit international privé, op. cit., p.100
288- Cass.civ. 1ère 17 Avril 1953 précité.
289- Cass.civ. 1ère 20 Octobre 1987 JDI, 2, 1988, p.447 note HUET ; RCDIP 1988, p.541,
note LEQUETTE.

104
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

de cassation a vidé de son sens le champ d’application de la loi des


effets du mariage en déclarant que « Les règles relatives aux devoirs
et droits respectifs des époux énoncés par les articles 212 et suivant
du Code Civil sont d’application territoriale ». Cet arrêt a fait l’objet
de plusieurs critiques et de larges discussions. Premièrement, l’ex-
pression « d’application territoriale » est à préciser. La notion de loi
territoriale a fait son apparition au Moyen-âge, pendant cette époque
toutes les lois applicables étaient des lois territoriales : la loi de la sei-
gneurie s’appliquait aux personnes qui y étaient domiciliées unique-
ment290. De nos jours, on dit que le domaine d’application de ces lois
est précisément à la mesure du territoire de l’Etat qui les édicte291. Les
auteurs qui ont commenté l’arrêt Cressot sont restés dubitatifs face à
l’utilisation de cette notion par la Cour de cassation292. Ils ont déduit
unanimement que cette dernière voulait donner à ces dispositions du
Code Civil le caractère de loi de police. Ceci n’est pas évident car
toutes les lois d’application territoriale ne sont pas des lois de police.
Une loi de police se définit comme une loi à impérativité renforcée
qui s’applique aux personnes désignées par la règle de conflit normale-
ment applicable (en l’occurrence les personnes de nationalité française)
mais également à toutes les personnes qui séjournent sur le territoire
français.
Inversement, le domaine d’application d’une loi territoriale peut se
restreindre aux personnes résidantes sur le territoire et à elles seule-
ment293. Il parait évident que ni le législateur, ni le juge, n’aient voulu
s’opposer à ce qu’un français résidant à l’étranger, bénéficie du régime
matrimonial primaire édicté par les articles 212 et suivant. C’est pour-
quoi l’on a pu conclure qu’il s’agissait là de la reconnaissance du carac-
tère de loi de police de ces dispositions294.
Il n’existe pas de définition qui puisse identifier avec exactitude
une loi de police. L’auteur Francescakis les a définies comme « des lois
dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisa-
tion politique, sociale ou économique du pays ».295 Or, dans les Etats

290- AUDIT (B), Droit international privé, op.cit., p.101.


291- LEQUETTE (Y), RCDIP1988, p.543, note précitée.
292- Ibid.
293- KARAQUILLO, étude de quelques manifestations des lois d’application immédiate
dans la jurisprudence française du droit international privé, 1977, n°329.
294- Ibid.
295- AUDIT (B), Droit international privé, op.cit., p.100.

105
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

modernes, on peut dire que toutes les lois ont pour mission de protéger
ces intérêts. La définition de ces lois droit s’effectuer de façon empi-
rique, par un examen au cas par cas de chaque disposition législative,
les cas où le législateur se prononce sur la loi étant rares296. La globale
qualification accomplie par les juges dans l’arrêt Cressot est jugée par
tous arbitraire, hasardeuse et incompatible avec la raison qui prescrit
la prudence s’agissant de cette matière, pour ne pas être accusé no-
tamment de nationalisme dans l’application de la loi française. Avant
que la Cour de cassation ne se prononce sur la question, la doctrine
avait déjà essayé de préciser quelles dispositions du statut de base des
époux pouvaient être interprétées comme des lois de police. De nom-
breux auteurs ont expliqué, grâce à une analyse au cas par cas de ces
dispositions, que certaines parmi elles paraissaient avoir vocation à
s’appliquer sur tout le territoire, sans discrimination selon la nationa-
lité des personnes, « une telle discrimination mettant en cause l’objectif
même poursuivi par le législateur ».297 Le caractère de loi de police a
ainsi été accordé à l’article 215 al 3, sur la limitation des pouvoirs des
époux dans leur droit à disposer du logement familial ainsi que les
meubles dont il est garni298, à l’article 220 sur les pouvoirs ménagers
des époux299, et aux articles 221 et 222 instituant des présomptions de
pouvoirs pour ouvrir un compte bancaire et pour conclure un acte sur
un bien meuble détenu par un époux individuellement300. Monsieur
Fadalallah souligne aussi que les textes basés sur l’urgence sont
forcément d’application territoriale : « Le juge des référés, saisi en
296- On peut citer pour exemple l’article 311-15 du Code civil : « toutefois, si l’enfant légitime
et ses père et mère, l’enfant naturel et l’un de ses père et mère ont en France leur résidence
habituelle, commune ou séparée, la possession d’état produit toutes les conséquences qui
en découlent selon la loi française, lors même que les autres éléments de la filiation aurait
dépendre d’une loi étrangère. »
297- FADALLAH (I), La famille légitime en droit international privé, op. cit., p.133.
298- Auteurs cités par monsieur FADALALLAH : MAYER, Droit international privé, 3éme
éd., n°433, note126 et n°438. BATTIFFOL et LAGARDE, Droit international privé, 7éme
éd., t. II. II, n°676. HOLLEAUX, FOYER et GEOUFFRE DE LA PRADELLE, Droit
international privé, n°785. KARAQUILLO, Etude de quelques manifestation des lois d’appli-
cation immédiate dans la jurisprudence française du droit international privé, 1977, n°329 ; FA-
DLALLAH, op. cit., p.144 et RCDIP 1979, p.754. REVILLARD, Droit international privé et
pratique notarial, 1977, n°33. DROZ, D. Rep. Dr.int, V Régimes matrimoniaux, n°217.
299- Auteurs cités par monsieur FADALALLAH BATIFFOL et LAGARDE op. cit., N°
437, note 3 et n° 631-1; HOLLEAUX, FOYER et GEOUFFRE DELAPRADELLE, op.
cit., DROZ, op.cit., n°215. BISCHOFF, D.Rép.dr.int., V Mariage, n°217. MESTRE, J. Cl.
dr. int. fasc.546-D, n°130. LEQUETTE, note JDI 1978, p.325 ; POISSON-DROCOURT,
note RCDI P1977, p.710.
300- BATIFFOL et LAGARDE, op. cit., n°631-1 , REVILLARD, op. cit., N°32. droz,
op.cit., n°214.

106
vertu de l’article 220-1, doit remédier à (la situation de crise) qui aura
éclaté en France. Le péril justifie les mesure urgentes ».301
Il est certain que ces mêmes auteurs ont refusé d’accorder le
caractère de loi de police à certaines autres règles du statut de base
des époux, comme l’article 214 du Code civil (sur la contribution aux
charges du mariage l’article 212 du Code civil (obligation de secours,
de fidélité et d’assistance) et l’article 215, alinéa 1 et 2 (communauté
de vie et choix de la résidence de la famille)302.
Il n’en reste pas moins qu’une partie assez importante du régime
matrimonial primaire a été retranchée du domaine de compétence de
la loi des effets du mariage. La loi des effets du mariage est partielle-
ment vidée de son sens, les effets français du mariage vont souvent se
substituer aux effets du droit musulman normalement compétent.303
Le développement des lois de police concernant la matière du mariage
des étrangers est un premier facteur qui contribue à mettre en cause
la règle de conflit applicable aux mariages polygamiques. Le deuxième
facteur réside dans l’adoption de la Loi pasqua de 1993.

b- Des règles du droit des étrangers limitant le champ d’application de la


loi nationale
La Loi pasqua de 1993 et la décision du Conseil constitutionnel du
13 août 1993 signifient clairement que le droit à une vie familiale nor-
male, ainsi que la qualité du conjoint, éléments qui sont liés cependant
au statut personnel, doivent s’interpréter par rapport aux critères de
la loi française et non la loi nationale de l’étranger. La première ques-
tion de la nature du lien matrimonial unissant les parties ne se pose
plus ; il n’y a plus lieu à appliquer la règle de conflit et par conséquent
la loi étrangère.
Ces règles substantielles se substituent à l’application de la règle de
conflit en principe applicable aux mariages polygamiques. La valeur
juridique de cette règle jurisprudentielle s’en trouve amoindrie surtout
qu’on assiste au développement de nouvelles règles de conflit de nature
territorialiste en matière du droit commun et du droit conventionnel.

301- FADALALLAH, op. cit., p.134.


302- HUET, note précitée.
303- E.FONGARO, « L’adaptation du droit international de la famille du mariage polyga-
mique » Rev. Lamy droit civil, févr. 2007, p.51.

107
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

2. Le développement des règles de conflit territorialistes en matière du


mariage des étrangers :
Ces règles se sont développées aussi bien en matière du droit commun
(a) qu’en matière du droit conventionnel (b).

a- En matière du droit commun :


Le développement de plusieurs règles de conflit en droit commun
concourent à réduire le domaine d’application du statut personnel
musulman304. D’abord il faut noter que le champ du statut personnel
est beaucoup plus limité dans les droits européens qu’en droit musul-
man, ce qui réduit par là même son domaine. Ainsi, à titre d’exemple,
les relations patrimoniales et notamment les successions relèvent du
domaine du statut personnel en droit musulman, en revanche, ils font
partie du statut réel en droit français.
En outre, la loi des effets du mariage est vidée d’une large partie
de son contenu en ce sens qu’on lui a soustrait la filiation légitime et
le divorce au cours de leur réforme prospective305. La règle de conflit
applicable au divorce était, avant 1975, celle des effets du mariage. La
nouvelle solution édictée par l’article 310306 est fortement caractérisée
par le territorialisme dans la mesure où elle fixe les limites du domaine
d’application de la loi française en lui conférant un double rattache-
ment qui ne peut pas être bilatéralisé. Le pouvoir législatif a souhaité
élargir les cas d’application de la loi française à la matière du divorce.
Les domaines d’application des lois étrangers généralement, et du
statut personnel musulman notamment, se trouvent par conséquent
diminués. La filiation légitime, avant 1972, était elle aussi régie par la
loi des effets du mariage307. Les réformes de la filiation avaient pour
objectif d’introduire de nouvelles règles de conflits en vue notamment
de favoriser l’établissement de la filiation par le biais d’un système de
304- DEPREZ, RCADI, 1988, t.IV, p.143, op.cit.
305- Loi du 3 janvier 1972 sur la filiation et loi du 12 juillet 1975 sur le divorce e la séparation
de corps.
306- Article 310 du Code civil : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi fran-
çaise : lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française ; lorsque les époux ont, l’un
et l’autre leur domicile sur le territoire français ; lorsque aucune loi étrangers ne se reconnaît
compétence, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou
de la séparation de corps ».
307- Cass.civ. 1ére 4 novembre 1958, RCDIP, 1959, p.303 note FRANCESCAKIS, JDI
1959, p.788, note PONSARL sur les critiques qui avaient été adressées à ce système, FRAN-
CESCAKIS, « Une extension discutable de la jurisprudence Rivière, l’application de la loi du
domicile commun à la filiation légitime », RCDIP 1956, p.254.

108
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

rattachement alternatif308. Si les articles 311-14, 311-16 et 311-17 du


Code civil maintiennent le critère de rattachement de la nationalité,
ce n’est plus la loi des effets du mariage qui est compétente systémati-
quement. De plus, en adoptant le système de rattachement alternatif,
le législateur a permis de faire prévaloir les solutions édictés par le
droit interne. Le Code civil dans son article 311-15 relatif à la posses-
sion d’état a, de son côté, été consacré en tant que loi de police et se
détache du rattachement à la loi nationale.
Le territorialisme a influencé de façon importante l’esprit de ces
réformes. La tradition nationaliste est par conséquent ici encore remise
en cause. Indirectement, la règle de conflit applicable aux mariages
polygamiques est à nouveau affaiblie. Cette réaction territorialiste se
manifeste en outre sur le plan international par le développement du
rattachement au domicile dans les conventions internationales.

b- En matière du droit conventionnel :


Les obligations alimentaires entre époux auxquelles il est opportun
d’assimiler, à l’échelle internationale, la contribution aux charges du
mariage, sont soumises conformément à l’article 4 de la Convention
de la Haye du 2 Octobre 1973309 de la loi de la résidence habituelle du
créancier d’aliment. La Haute juridiction a appliqué cette convention
à un couple de nationalité marocaine ayant sa résidence en France310.
Une fois de plus, l’application de la règle de conflit traditionnellement
applicable aux mariages polygamiques est ainsi contournée.
Outre le développement des règles substantielles et des règles de
conflit se substituant à l’application de la loi du mariage ou de la loi
des effets du mariage, un autre facteur contribue à l’affaiblissement de
la règle de conflit actuelle : les incursions de l’exception d’ordre public.

B- Une loi nationale fréquemment écartée


La matière du statut personnel constitue l’un des domaines de pré-
dilection de la réserve d’ordre public (1), le droit de la famille, tout ce

308- A.BOTTIAU, Lamy Droit des personnes et de la famille, étude 490.31, mai 2006.
309- Convention de la Haye du 2 Octobre 1973 concernant la reconnaissance et l’exécution
de décision relatives à l’exécution des obligations alimentaires, ratifiée par la France le 19
Juillet 1977, et entrée en vigueur le 1er Octobre 1977, http://www.hcch.net/f/status/stat23f.
html#fr .
310- Cass.1ère civ., 12 Juillet 1982, RCDIP1993, p.269, note COURBE ; JCP1993,éd.G,
II, 22138, note DEPREZ.

109
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

qui concerne le mariage, le divorce et la filiation, est un domaine où


on trouve plusieurs règles impératives. Cependant la question de la
polygamie semble être comme un îlot incompréhensiblement épargné
par celle-ci (2).

1. Le statut personnel, domaine de prédilection de l’exception d’ordre public :


En théorie générale des conflits de lois, l’exception d’ordre public est
considérée comme un mécanisme particulier dont l’effet est d’évincer
une loi étrangère compétente et de lui substituer la loi du for, autre-
ment dit, la loi du juge saisi du litige.
Cette technique est utilisée par le juge chaque fois que la loi étrangè-
re stipule des dispositions qui semblent choquantes et contreviennent à
des principes qu’il juge essentiels311. Cela se produit quand la loi étran-
gère ignore des normes qui ont aujourd’hui une valeur universelle ou
lorsqu’un droit étranger est contraire à une politique législative ayant
pour but d’assurer des impératifs estimés comme particulièrement
importants dans l’ordre juridique du for. Cette technique propre au
droit international privé a été employée en matière du statut person-
nel. De façon traditionnelle (a), mais également conformément à un
modèle renforcé (b).

a- L’utilisation traditionnelle de l’exception de l’ordre public en matière


de statut personnel :
L’exception de l’ordre public a toujours été sensible à propos des
conditions de fond essentielles à la validation du mariage. L’ordre pu-
blic intervient en cette matière à l’encontre des lois plus exigeantes
que la loi française mais également à l’encontre des lois étrangères plus
permissives312. Gérard Légier313 illustre l’attitude du droit français par
rapport à une loi étrangère moins exigeante quant aux conditions de
validité du mariage en se référant aux quatre exemples suivants.
Une loi étrangère qui fixe un âge inférieur à celui que prévoit la
loi française pour pouvoir se marier doit, selon le point de vue qui
domine en France, être évincée car elle contrevient à l’ordre public
311- P.LAGARDE, « Différences culturelles et ordre public en droit international privé »,
Annuaire de l’institut de droit international, PEDONE, 2005, p.115.
312- A. ARDILLIER, pratique notariale et droit international privé, Cridon Ouest, 2006,
p.20.
313-Revue de la recherche juridique, droit prospectif, 1999, t.I, p.293, « Les rapports fami-
liaux et l’ordre public au sens du droit international privé »

110
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

international français. De même, une loi étrangère plus souple par


rapport au consentement requis auprès des parents pour les mineurs
en âge de se marier peut, dans certaines situations être écartée314. Il est
évident que les juges s’opposent à l’application des lois étrangères qui
permettent le mariage d’un individu frappé d’incapacité de manifes-
ter une volonté réelle, ou qui se montrerait trop permissive en ce qui
concerne les empêchements découlant de la parenté et de l’alliance315.
A l’inverse, ce même auteur souligne que dans certains cas le droit
étranger sera écarté car il est trop exigeant au point de vue de l’ordre
public français. Il arrive ainsi que la loi étrangère prévoit un empê-
chement inconnu par la loi française. Dans cette hypothèse, l’excep-
tion de l’ordre public interviendra dés que cet empêchement heurtera
l’ordre moral français, social ou politique. Il en est surtout ainsi s’agis-
sant des lois interdisant le mariage entre personnes de confessions
différentes. La Cour de Paris a ainsi affirmé que « l’ordre public français
s’oppose aux obstacles de nature religieuse qu’une loi étrangère établit
à l’encontre de la liberté matrimoniale, telle la loi marocaine qui inter-
dit le mariage d’une marocaine avec un non-musulman316 ».
L’exception d’ordre public s’oppose également aux lois plus tolé-
rantes que la loi française en matière du divorce317. Ainsi, une loi qui
donnerait le droit de divorcer pour maladie grave du conjoint serait
écartée318. C’est notamment à propos de la répudiation unilatérale
que l’exception de l’ordre public s’est manifestée319. La jurispruden-
ce, appuyée par la doctrine, a clairement décidé qu’une répudiation
unilatérale prononcée en France était sans aucune valeur320. Il existe
314- H.FULCHIRON, « Le juge de la famille et la loi étrangère », Dr.fam.mars 2000, p.4.
315- En revanche l’ordre public ne devait pas intervenir dans l’hypothèse où le droit étranger
admet la validité d’une union qui, en vertu du droit français, est prohibée mais qui néanmoins
peut être autorisée par une dispense.
316- Paris 9 Juin 1995, D1996, p.171 obs.AUDIT.
317- P.COURBE, « Le rejet des répudiations musulmanes » D.2004, p.818.
318- A.MEZGHANI, « Quelle tolérance pour les répudiations ? », Rev.int.dr.comp., 2006, p.61
319- M.-L.NIBOYET, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations
musulmanes », Rev.int.dr.comp., 2006, p.27.
320- Aix 21 Janvier 1981, RCDIP1982, p.297, note LEGIER et MESTRE : selon la Cour
un divorce prononcé en France par un tribunal rabbinique et s’assimilant à une répudiation
pure et simple est « radicalement contraire aux principes d’ordre public du droit français en
la matière et ne saurait avoir le moindre effet en France». L’éviction de la loi admettent la
polygamie a également été fondé sur l’existence d’un « ordre public procédural » selon lequel
le divorce en France a obligatoirement un caractère judiciaire, il ne peut être prononcé par
une juridiction étatique et les autorités religieuses ou consulaires sont incompétentes pour en
connaître : Paris 7 Juillet 1959, RCDIP1960, p.354, note LOUSSOUARN, dans le même
sens : TGI paris, 26 Janvier 1978, RCDIP1979, p.111 note D.H.

111
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

également en jurisprudence des cas d’écartement de la loi applicable


au divorce trop restrictive face à ce droit. Ainsi, dans un arrêt Ben-
doleba321, la loi Camerounaise fut écartée car elle stipulait une discri-
mination sexuelle : l’adultère commis par l’épouse était une cause de
divorce, mais celui commis par le mari ne l’était pas. Cette loi inter-
disait à l’épouse le droit de se prévaloir de l’adultère commis par son
mari. C’est à cause de cette discrimination qu’elle a été jugée contraire
à l’ordre public international français.
Dans certains contextes, l’effet plein de l’exception de l’ordre public
tel qu’il vient d’être envisagé ne peut se concevoir, mais malgré tout,
on ne peut pas envisager la mise en œuvre de la loi étrangère en raison
des liens particuliers entre la situation juridique et l’ordre juridique
du for. Ici encore le droit étranger sera écarté non pas par la réserve
de l’effet plein de l’ordre public, mais par celle de l’ordre public de
proximité322. Celui-ci correspond à une extension du champ de l’ordre
public dans la mesure où il écarte l’application de certaines lois étran-
gères qui ne contreviennent pas en principe à l’ordre public interna-
tional français.

b- Une incursion appuyée par le développement de la notion de l’ordre


public de proximité :
La notion de l’ordre public de proximité a été développée en réac-
tion aux critiques encourues par le principe de l’ordre public atténué
(La notion d’ordre public de proximité sera abordée plus en détail
dans la deuxième partie). Le détournement de ce principe constituant
une fraude à l’ordre public atténué a été dénoncé par la doctrine323.
Elle a envisagé une approche différente des rapports juridiques créés
à l’étranger plutôt que de s’attacher de façon mécanique au lieu de
création du rapport juridique, elle suggéra de vérifier dans chaque cas
d’espèce si le rapport présentait ou non des attaches solides avec la
France, surtout en raison de la nationalité française des intéressés. Cette
démarche a fait son apparition dans plusieurs décisions en matière
321- Paris, 28 juin 1973, RCDIP1974, p.505, note FOYER.
322- T.AZZI, « précisions sur l’ordre public de proximité », J.C.P.2006, 1903 ; personnes et
famille, 2006, n°9.p.17.
323- Voir ANCEL et LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit
international privé, 1998, p.243 : « La facilité actuelle des déplacements confère, en effet, aux
individus une quasi-ubiquité qui prive la notion d’effet atténué de l’ordre public d’une partie
de sa raison d’être ».

112
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

de statut personnel. La première manifestation concerna la matière


du divorce. La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 avril 1981324,
déclara que la loi étrangère qui prohibait le divorce était « contraire
à la conception française de l’ordre public international qui impose
la faculté pour un français domicilié en France, de demander le di-
vorce ». Deux facteurs étaient ici réunis en vue de justifier l’éviction
de la loi étrangère : la nationalité française et la résidence en France
de la personne qui demande le divorce.
La matière de la filiation est elle aussi concernée par la notion de
l’ordre public de proximité. La Haute juridiction a annoncé à propos
des lois interdisant l’établissement d’une filiation naturelle : « si les
lois étrangères qui prohibent l’établissement de la filiation ne sont
en principe pas contraires à la conception française de l’ordre public
international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de
priver un enfant français ou résidant habituellement en France du droit
d’établir sa filiation, l’ordre public s’opposant alors à l’application de
la loi étrangère normalement compétente »325. Il suffit que l’enfant soit
doté de la nationalité française ou ait sa résidence en France pour que
l’exception de l’ordre public de proximité intervienne.
Le principe d’application de la loi nationale en matière de statut
personnel des étrangers, et par conséquent, les règles de conflit ap-
plicables aux mariages polygamiques sont évidemment fragilisées à
cause des incursions fréquentes de l’exception de l’ordre public dans
ce domaine.
On aurait pu croire que le statut personnel musulman par les
principes qui lui sont propres dans les relations familiales et qui sont
radicalement opposés à ceux du droit familial français, aurait quel-
ques problèmes à passer à travers le contrôle effectué par les juges
du point de vue de l’ordre public international français. Cependant,
à bien y observer, il parait que le mariage polygamique, symbole de
prépondérance maritale qui sous-tend tout le droit de la famille en
droit musulman, ait été relativement épargné par les incursions de
l’exception de l’ordre public international français.

324- JDI, 1981 p.812, note ALEXANDRE ; D1982.I. p.196 ; Gaz.pal. 1981.2p.828, note
LISBONNE.
325- Cass.civ. I, 10 Février 1993, RCDIP, p.620, note FOYER.

113
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

2. Le mariage polygamique relativement épargné par l’exception de l’ordre


public :
Il est vrai que le mariage polygamique n’a pas totalement échappé
aux incursions de l’exception de l’ordre public (a). Pourtant, il est
important de relativiser les interventions de ce dernier qui ont parfois
été amplifiés par la doctrine. On peut remarquer en effet en jurispru-
dence un certain effacement de l’exception de l’ordre public vis-à-vis
de cette institution (b).

a- Les interventions de l’exception de l’ordre public en matière


de polygamie :
L’intervention la plus éloquente en jurisprudence de la réserve de
l’ordre public face au mariage polygamique est celle selon laquelle
cette dernière s’oppose à la célébration d’un tel mariage en France. La
jurisprudence est à la fois claire et ferme sur ce point. A titre d’exem-
ple, on peut évoquer la motivation d’un arrêt de la Cour d’appel de
paris rendu le 21 Juin 1991 : « la conception française de l’ordre
public s’oppose à ce qu’un étranger marié contracte en France un
nouveau mariage avant la dissolution du premier, même si cette union
est conforme à son statut personnel »326.
La jurisprudence a aussi rejeté de façon claire, au nom de l’ordre
public international français la reconnaissance d’effets personnels
de mariages polygamiques327. Gérard Légier explique que, ce à quoi
s’oppose la réserve de l’ordre public « c’est la prérogative du mari de
contraindre une épouse à l’obligation de fidélité ou de cohabitation.
Mais si les différentes personnes concernées exécutent volontairement

326- D. 1991, p.218. Dans le même sens : TGI Paris 22 janvier 1968, JDI 1969, p.406,
note Ph. K ; Lyon 21 mai 1974, D 1975, p.9, note P. GUIHO (le motif tiré de l’ordre public
apparaissait ici en complément d’un autre, puisque la femme étant en l’espèce française, le
mariage était nul en vertu de la loi française compétente) ; La solution est d’ailleurs vérifiée
sur le plan administratif par l’interdiction pour l’officier d’état civil de célébrer des unions
polygamiques. En outre, sur le plan pénal, l’étranger qui contracte en France un mariage
polygamique encourra les sanctions pénales frappant le délit de bigamie : Trib. Correct.
Villefranche sur Saône 6 novembre 1951, RCDIP 1954, p .764, note Y.LEQUETTE. Il en
est encore ainsi même lorsque l’union a été célébrée par un agent diplomatique ou consulaire
étranger : le délit de bigamie est également répréhensible car considéré comme commis sur le
territoire français (TGI Paris 8 avril 1987, RCDIP 1988, p.73 note LEQUETTE). Un arrêt
isolé et d’interprétation délicate a toutefois admis la validité d’une union polygamique célébré
devant le consul du Maroc : Paris 5 avril 1990, D. 1990, p.424, note F. BOULANGER, l’es-
pèce est particulière car l’époux s’était remarié avec l’une des femmes dont il avait divorcé.
327- Tribunal de Versailles, 31 Mars 1965, op. cit., n° 71.

114
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

les obligations nées de l’union, l’ordre public n’a pas à intervenir. Il


sert seulement à éviter une polygamie forcée »328.
Les hypothèses de déclenchement de l’exception de l’ordre public
dans ce domaine est pourtant rares. En jurisprudence, il n’est guère
en effet d’exemples de litiges opposant des couples de statut person-
nel musulman sur des questions d’inégalité entre conjoints ou de su-
bordination de la femme dans la vie du ménage. D’après monsieur
Déprez329, les hypothèses de déclenchement de l’exception de l’ordre
public pour s’opposer à un mari qui se prévaudrait de prérogatives
patriarcales reconnues par sa loi nationale sont limitées dans la mesu-
re ou ce type d’affaires n’est pas porté devant le juge, que se soit pour
des raisons de sauvegarde de l’intimité du foyer, de pudeur, ou de
résignation de l’épouse, notamment si elle n’est pas bien intégrée dans
la société française, ou analphabète, ou économiquement dépendante
de son époux330. L’observation de l’intervention de l’exception de l’or-
dre public en matière de statut personnel des étrangers ne serait pas
objectif si l’on s’abstenait de noter un certain recul de la manifestation
de l’ordre public face au mariage polygamique.

b- Le recul ponctuel de l’ordre public face à la polygamie :


Ce recul est tout d’abord le résultat d’une logique qui a fait ses
preuves par plus d’un siècle de précédents jurisprudentiels : celle
de l’ordre public atténué. Cette notion a été illustrée par les espèces
déjà envisagées dans la présente étude. Il s’agit en effet des décisions
qui reconnaissent la validité de mariages polygamiques contractés à
l’étranger en application de la loi nationale des intéressés et qui accor-
dent à la seconde épouse le bénéfice de droit dont l’attribution résulte,
en principe de la qualité de conjoint. Il en a été ainsi pour l’exécution
d’une obligation alimentaire, la liquidation d’un régime matrimonial
ou d’une succession, l’attribution d’une indemnité de veuve ou d’une

328- LEGIER, op. cit., p.307. Rappr : note A.P., JDI, 1966, p.97 et arrêt MONTCHO
précité où le Conseil d’Etat avait écarté l’argument de l’administration qui avait refusé le
regroupement familial polygamique pour des « considérations tirées de l’ordre public ».
329- « Statut personnel et pratiques familiales des musulmans familiales des musulmans en
France, aspect de droit international privé » in Famille- Islam-Europe ; Le droit confronté au
changement, FOBLETS (M-C), op.cit., p.71.
330- M.C.FOBLETS, « Le statut personnel musulman devant les tribunaux en Europe : une
reconnaissance conditionnelle, l’identité de la personne humaine, Etude de droit français et
de droit comparé, sous la direction de J.POUSSON-PETIT, Bruylant, 2002, p.947, note
n°19 pour des références jurisprudentielles.

115
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

pension de réversion ou encore pour la légitimité des enfants331. Dans


ces décisions, l’exception de l’ordre public s’efface en permettant qu’un
mariage polygamique soit reconnu par l’ordre juridique français comme
étant valide. L’effet atténué de l’ordre public constitue par conséquent
un empêchement au déclenchement de l’exception d’ordre public :
puisque la situation juridique a été créée à l’étranger, l’exception de
l’ordre public n’a pas à intervenir332.
Ce dernier peut pourtant intervenir, dans la deuxième partie du
raisonnement, lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la contrariété ou,
au contraire, sur la conformité de l’effet invoqué, à l’ordre public
international français. Mais, à ce niveau aussi, l’incursion de la réserve
d’ordre public est rare, voire inexistante.
En effet, l’attribution d’une part de la succession, l’octroi d’une
pension de réversion à la seconde épouse ou l’exécution d’une obliga-
tion alimentaire ne sont pas, en principe, considérés comme contraires
à l’ordre public international333. L’attribution des prestations sociales
à la seconde épouse est une question à part. Comme nous l’avons
observé, un tel droit ne lui a jamais été reconnu. Fallait-il déduire
une des rares interventions de la réserve de l’ordre public face à cette
institution ? Plusieurs auteurs ont interprété de la sorte la jurisprudence
de la Cour de cassation relative à cette matière. Cependant, cette
dernière ne s’est jamais basée de façon claire sur le concept d’ordre
public dans les attendus de ces décisions334. Elle n’estime d’ailleurs
pas obligatoire d’y appliquer les règles du droit international privé.
Ainsi, à l’occasion d’une décision rendue le 1er Mars 1973, elle les
a écarté sans scrupules en déclarant : « au regard du régime français
de sécurité sociale, la deuxième épouse de Séfouni ne pouvait ouvrir
droit aux prestations sollicitées quels que fussent le statut personnel
de Séfouni et la régularité de sa situation matrimoniale ». Cette ma-
nière de contourner l’application de la loi nationale de l’intéressé ne
ressemble en rien à une intervention de l’exception de l’ordre public.
Ce dernier intervient en effet à postériori, après que la règle de conflit
331- Voir les arrêts précités à propos des effets des unions polygamiques valablement
contractés à l’étranger.
332- M.REVILLARD, Le contrôle de la validité des mariages : incidences en droit interna-
tional privé, Défrénois juin 2007, p.847, n°17 et suiv.
333- Hormis les cas où les juges combineront l’application de l’exception de l’ordre public
atténué avec celui de l’ordre public de proximité.
334- B.ANCEL et Y.LEQUETTE, les grands arrêts de la jurisprudence française de droit
international privé, DALLOZ, 5° éd. 2006, n° 1.

116
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

ait été mise en œuvre. Or, ici cette règle de conflit est évidemment
méconnue. Un argument pertinent invoqué par monsieur de La Pra-
delle appuie cette analyse. L’auteur souligne qu’il serait tout à fait
aberrant de considérer la polygamie plus choquante en matière de
sécurité sociale qu’en droit civil : « peut-on soutenir sérieusement que
le remboursement par la sécurité sociale française des soins dispensés à
la seconde épouse d’un algérien heurte l’ordre public, alors que l’action
en exécution du devoir de secours de la seconde femme d’un français
polygame, parce que naguère de nationalité tunisienne laisse cet ordre
public indifférent »335. Ce n’est par conséquent pas certainement la
réserve de l’ordre public qui a pu expliquer l’éviction de la loi natio-
nale aux questions de sécurité sociale. Le mariage polygamique reste
le dernier bastion épargné par l’exception de l’ordre public, mais ce
bastion n’est pas inébranlable et le principe de l’application de la loi
nationale aux mariages polygamiques est affaiblie. En effet, la diversi-
fication des règles disparates régissant le statut personnel diminue les
cas de mise en œuvre de la règle de conflit de lois applicable aux effets
du mariage, ce qui fragilise sa valeur juridique. En outre, elle pose le
problème de la coordination de la loi applicable aux effets du mariage
et l’ensemble des règles se rapportant spécialement au régime pri-
maire ou les obligations alimentaires pour les enfants, qui sont régies,
elles, par la loi de la résidence habituelle. Comment concilier les effets
du mariage polygamique qui s’appliquent en vertu de la désignation
de la loi nationale et les effets obligatoires du mariage français. Le
caractère incomplet et l’incohésion du statut de l’épouse prise dans
un mariage polygamique, mais également l’incohésion de la règle de
conflit avec les objectifs politiques de la société française que sont la
lutte contre la polygamie non consentie et l’intégration des immigrés
de statut personnel musulman, amènent à s’interroger sur la nécessité
de rechercher une autre solution336. La jurisprudence Rivière va-t-elle
être abandonnée ?

Parag II : Un maintien désirable de la solution


Le mariage polygamique, comme il l’a été expliqué, provoque
un contentieux considérable resté sans réponse juridique adéquate.
335- G. DE LA PRADELLE, JDI 1974, p.834, note sous Cass.soc.1er mars 1973.
336- E.FONGARO, L’adaptation du droit patrimonial de la famille au mariage polygami-
que », Rev. Lamy droit civil Févr.2007, p.51.

117
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

La précarité dont souffre les familles polygames et notamment les


secondes épouses, ainsi que l’inexistence d’un système de conflit de
lois harmonieux ont poussé certains auteurs à réclamer l’obligation de
la modification de la loi applicable à la validité de l’union polygamique.
Mais les solutions suggérées contiennent elles aussi des inconvénients
(A). Le changement de la loi applicable à la validité du mariage ne
parait pas être la solution idéale. Au contraire, avec quelques condi-
tions, son maintien semble viable (B).

A- Des solutions de subsistances contenant elles aussi des


inconvénients :
Diverses thèses ont été suggérées en vue de permettre une meilleure
cohésion au sein du statut personnel des familles polygames. Certains
étaient marqués par l’esprit de tolérance vis-à-vis du mariage polyga-
mique qui caractérisait la jurisprudence des années 80, et paraissent
actuellement trop tolérantes (1). D’autres solutions, plus radicales
que les premières (2) permettraient au droit international privé de
s’harmoniser avec la politique d’immigration adoptée à l’occasion de
la réforme du droit des étrangers.

1. Des thèses tolérantes vis-à-vis du mariage polygamique :


Deux thèses, influencées par le courant de pénétration du droit
international privé par la notion de l’autonomie de la volonté ont fait
leur apparition la même année. La première préconisant la recherche
de la loi compétente par faisceau d’indices (a) ; la deuxième prônant la
prise en considération de la volonté explicite des parties (b).
a- Le faisceau d’indices comme moyen de recherche de la loi compétente :
Une règle de conflit à plusieurs niveaux a été énoncée par Béatrice
Bourdelois337. Dans une première étape, selon cet auteur, il convient
de consulter la loi nationale de chacun des époux sur sa capacité de
contracter un mariage polygamique. Si la loi nationale de l’époux
l’autorise à conclure un tel mariage, et dans ce cas uniquement, il
conviendra, dans un deuxième stade, de procéder à la localisation de
son premier mariage en vue d’en conclure la nature, mono-ou poly-
gamique. Cette localisation peut résulter de la loi nationale commune
337- BOURDELOIS (B), Le mariage polygamique en droit international privé français,
op. cit., p.103.

118
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

des époux, en ce sens qu’ils sont tous deux de statut personnel poly-
gamique, le mariage sera considéré « virtuellement polygamique ». A
défaut, cette localisation pourra être déduite d’un ensemble d’éléments
concordants : si à titre d’exemple la loi personnelle de l’épouse et la loi
du domicile commun relèvent de statuts personnels monogamiques,
l’union sera réputée comme telle. A défaut d’éléments concordants, le
mariage sera déterminé par la loi de l’autorité ayant célébré le mariage,
à moins dans tous les cas que l’époux n’ait conclu un engagement de
monogamie.
Ce système, comme l’a fait remarquer Paul Lagarde338, présente
l’inconvénient d’être « intrinsèquement inégalitaire ». En effet, il prend
en compte d’abord la seule loi du mari, ce qui a pour conséquence
regrettable qu’une femme de statut personnel monogamique, puise
être réputée avoir accepté de s’engager dans les liens d’un mariage
polygamique.
En plus de cette conséquence majeure de la solution suggérée par
Béatrice Bourdelois il faut souligner que cette dernière ne permet pas
de supprimer les effets néfastes du mariage polygamique en France.
En effet, si par l’adoption du faisceau d’indices l’union est reconnue
valide, il pourra, en l’état du droit positif, produire effets en France
et les problèmes provoqués par cette institution n’auront pas de
solutions. En revanche, la finalité qui sous-tend cette thèse est de ne
mettre en cause que les unions subséquentes qui sont contraires aux
prévisions raisonnables de la première épouse et de permettre à toutes
celles qui le désirent de goûter « au délice du harem »339. Cette solution
paraît par conséquent tolérante vis-à-vis de la polygamie pour satisfaire
les attentes de la politique d’immigration et d’intégration actuelle.
Monsieur Gutman a lui aussi suggéré une solution employant la
démarche du faisceau d’indices. D’après lui, la validité au fond de la
seconde union devrait avoir pour exigence, comme le veut la solution
actuelle, la convergence des lois personnelles des seconds époux.
Mais, il faudrait également, constater que le premier mariage pré-
sente des liens plus solides avec un pays autorisant la polygamie au
moment de la célébration du second mariage.

338- LAGARDE (P), « La théorie de l’ordre public international à la polygamie et à la répu-


diation », in Mélanges F.Rigaux, Bibliothèque de la faculté de droit de l’Université catholique
de Louvain, t.22, Bruylant, Bruxelles, 1993, p.275.
339- Selon l’expression de DROZ, Rec. G2N. LOI , 1969 , p.80.

119
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Ainsi « la technique du faisceau d’indices, que l’on rencontre déjà


en doctrine pour désigner la troisième loi applicable à la validité du
mariage polygamique, se verrait-elle employée pour déterminer non
la nature monogamique du premier mariage au moment de la forma-
tion de celui-ci, mais la localisation de la première340 situation matri-
moniale au moment de la formation de la seconde union ». Si cette
solution présente l’avantage de limiter les mariages polygamiques
importés à la suite d’un bref séjour dans le pays d’origine, elle se ma-
nifeste, là encore, tolérante, vis-à-vis des mariages polygamiques. On
voit par conséquent difficilement comment elle pourrait être adoptée
par le pouvoir législatif dans le contexte actuel.
Ces thèses n’ont pas été uniques à opter pour une grande tolérance
envers le statut personnel musulman. Un musulman Belge suggérait,
concomitamment à la thèse de madame Bourdelois, de donner à la
volonté des époux un plus grand rôle dans la détermination de la loi
applicable au mariage.

b- La prise en considération de la volonté explicite des parties :


Conscient des problèmes entraînés par l’immigration croissante
dans son pays d’étrangers de statut personnel musulman, Jean-Yves
Carlier341 proposa en 1991 une nouvelle solution, visant à accorder
aux intéressés, en matière de statut personnel, une possibilité d’option
entre leur loi nationale et la loi de leur résidence habituelle, cette der-
nière étant déclarée applicable en l’absence de choix exprimé. Cette
thèse se fonde sur un mouvement doctrinal en faveur de l’attribution
aux époux en matière des effets du mariage d’une electio juris octroyée
à titre principal, qu’ils pourraient exercer entre loi nationale et la loi
de leur domicile ou de leur résidence habituelle342. Il paraît à première
vue extravagant d’introduire une telle notion en matière de statut
personnel où des droits en question sont indispensables et où l’on
doit par conséquent mettre en œuvre d’office la règle de conflit343.
340- Monsieur GUTMANN cité par FARGE (M), in Le statut personnel des étrangers,
de la loi nationale à la loi de la résidence habituelle, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques,
2003, p.172.
341- CARLIER (J-Y), Autonomie de la volonté et statut personnel, thése Louvain la Neuve,
1991, aBruylant Bruxelles, 1992, cité par LAGARDE in « La Théorie de l’ordre public inter-
national face à la polygamie et la répudiation », op.cit.
342- M.FARGE, Le statut familial des étrangers en France de la nationalité à la loi de la
résidence habituelle, thése Grenoble, janvier 2000.
343- Civ. 1ére, 26 mai 1999, Mutuelles du Mans, RCDIP 99, p.707, 1ére esp ., note Muir-Watt.

120
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Certains auteurs ont pourtant mis en exergue un mouvement de


pénétration de la notion de l’autonomie de volonté en matière du droit
international privé. On peut souligner à titre d’exemple l’article 311-
16 alinéa 2 qui donne le droit au requérant de choisir la loi applica-
ble à la légitimation par autorité de justice344. La détermination de la
volonté des parties est pourtant la manière la plus efficace de savoir si la
première union était virtuellement polygame en droit345 ou à l’inverse,
monogamique.
Si les juges prouvent que la première union est juridiquement
monogamique, ils pourraient valablement en conclure que ce premier
mariage est un empêchement à tout autre mariage. Cette solution per-
met de mettre fin à un des effets contestés du mariage polygamique
en France : celui pour une première épouse, de se trouver impliquée
contre son gré dans un mariage polygamique.
Si ces deux solutions permettent d’éviter certaines incohérences
que contiennent les règles de conflits en matière de statut personnel
musulman, elles ont évoluées à une époque où les droits des pays euro-
péens toléraient sans trop de réticence les effets des mariages polyga-
miques. A l’heure actuelle, la politique d’immigration et d’intégration
souhaitant, mettre un terme au développement de ces institutions et
de ses effets redoutés, le droit international privé devra sans doute se
détacher de ses mouvements doctrinaux. D’ailleurs, on peut remar-
quer que Jean-Yves Carlier expliquait le recours à l’autonomie de la
volonté dans le domaine du statut personnel par la « privatisation »
des relations familiales qu’il faut interpréter comme l’appartenance
de la vie familiale à la sphère privée de l’individu346. Or, comme sous
l’avons noté, le mariage polygamique ne concerne pas que la sphère
privé mais également la politique d’intégration et l’immigration.
D’autres thèses ont été développées qui permettraient certaine-
ment de mieux répondre à la double finalité qu’est la suppression des
effets néfastes du mariage polygamique d’une part, et d’autre part
l’harmonisation du statut personnel des musulmans.

344- Art 311-16 alinéa 2 du Code civil : »La légitimation par autorité de justice et régie, au choix
du requérant, soit par la loi personnelle de celui-ci, soit par la loi personnelle de l’enfant ».
345 - Sur cette notion de mariage virtuellement polygamique, Voir Béatrice Bourdelois,
op.cit., p.44 et suiv.
346- Voir LAGARDE RCDIP 1993, p.520.

121
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

2. des thèses plus radicales :


Jean Deprez a proposé d’adopter le rattachement du statut person-
nel à la loi du domicile (a) et d’abandonner celui de la loi nationale.
Mais probablement est-il plus raisonnable de trouver des solutions
appropriées au cas spécifique de la polygamie (b).

a- Le rattachement du statut personnel à la loi du domicile :


Jean Déprez347 proposa, pour faire face aux problèmes provoqués
par le mariage polygamique, l’abandon du rattachement du statut
personnel à la loi nationale et d’adopter le rattachement à la loi du
domicile.
Cette thèse paraît être très radicale dans la mesure où si elle permet
de résoudre les problèmes liés à la polygamie, elle porte atteinte en
parallèle à la continuité et l’harmonie du statut personnel des familles
monogames. Il faut par conséquent trouver une solution qui soit spé-
cifique au cas particulier de la polygamie.

b- La recherche d’une solution propre au cas spécifique de la polygamie :


En vue de résoudre les problèmes découlant de la coexistence de
la communauté musulmane et des autres communautés, Monsieur
Riad348 proposa l’élaboration d’un code européen de droit musulman.
D’après lui, la solution réside dans la mise en œuvre des règles ma-
térielles en matière du statut personnel des musulmans et qui seront
appliqués à toutes les personnes musulmanes étrangères ayant leur
résidence en Europe. Le principe de ce Code européen serait ins-
piré complètement de la religion musulmane dans son interpréta-
tion contemporaine la plus conciliable avec les principes de valeurs
universelles. Les principales discriminations dont on accuse le droit
musulman doivent être évitées par ce Code, notamment la discrimi-
nation basée sur le sexe et la religion. Monsieur Riad suggère ainsi
de restreindre la polygamie à des situations exceptionnelles « comme
le véritable esprit du droit musulman l’a voulu ». Il affirme d’ailleurs
qu’il est opportun de noter que l’objectif final du droit musulman était
de prohiber la polygamie.
347- DEPREZ (J), « Droit international privé et conflit de civilisation. Aspects méthodolo-
giques. Les relations entre système d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de
statut personnel RCADI, t.217 (1988-IV), p.200-217 ; RCDIP 1991, p.695 et suiv., spéc. P.711.
348- RIAD (F), « Pour un Code européen de droit musulman », in Le statut personnel des mu-
sulmans en droit comparé et Droit international privé, Bruylant, BXL, 1992, p.379 et suiv.

122
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

D’autres réponses pourraient être apportées à travers une modi-


fication de l’application de la règle de conflit traditionnelle. Il s’agit
premièrement d’abandonner l’application distributive des lois natio-
nales adoptée depuis l’arrêt Baaziz349. Plusieurs auteurs ont contesté
l’absence de prise en considération de la loi nationale de la première
épouse dans l’appréciation de la validité de la seconde union. Nul
n’empêche l’application cumulative des trois lois nationales, ce qui
permettait de diminuer et de simplifier les problèmes découlant des
mariages polygamiques.
La nécessité de ne plus ignorer la loi nationale de la première épouse
s’est d’ailleurs confirmée à l’occasion de l’arrêt Baaziz rendu le 6 Juillet
1988 conformément auquel les effets d’une union polygamique célébrée
à l’étranger ne pouvaient être opposés à la première épouse de natio-
nalité française. L’application cumulative de la loi nationale de toutes
les personnes intéressées a été recommandée par Monsieur Lequette.
Il est nécessaire, selon lui, que l’empêchement de Bigamie devienne
« non bilatérale, mais trilatéral : l’union polygamique étant une rela-
tion à trois (ou plus), sa validité serait subordonnée à son admission
par la loi personnelle de tous les intéressés, mari, deuxième épouse,
mais aussi première épouse »350.
Pourtant, cette application des lois nationales ne permettrait
pas de réaliser l’harmonie du statut des familles, puisque, si les lois
nationales des trois personnes impliquées dans ce mariage n’interdisent
pas la polygamie, l’opposition entre le droit des étrangers qui prohibe
la mariage polygamique et le droit international privé qui approuve la
validité de ces mariages ressurgie. De plus, seule l’épouse de nationalité
française est protégée grâce à cette démarche ; Or, le but est d’empêcher
le mariage polygamique subi par toutes les épouses quelle que soit leur
nationalité.
D’autres auteurs ont suggéré dans cette optique une autre façon
de prendre en considération la première union en superposant un rat-
tachement spécial à l’application distributive des lois nationales. En
vue de savoir si la première union autorise ou non que l’un de ses
membres s’engage dans un nouveau mariage, il a été proposé de se
référer soit à la loi du lieu où le mariage a été célébré351, soit à la loi
349- Arrêt précité.
350- LEQUETTE cité par FARGE (M), in Le statut personnel des étrangers… op.cit., p.174.
351- BISCHOFF (J-M), cité par FARGE (M), in Le statut personnel des étrangers…
op.cit., p.167.

123
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

des effets de la première union352. Mais, même à ce niveau, on remar-


que que la protection des épouses victimes du mariage polygamique
n’est pas absolue. Ainsi, si l’on retient la loi des effets du mariage, une
épouse de nationalité française pourrait se retrouver impliquée dans
un mariage polygamique pour peu qu’elle soit domiciliée dans le pays
d’origine de l’époux.
Il serait également opportun d’envisager une remise en cause
de la qualification lege fori. Cette dernière amène à l’extension de
la catégorie de qualification « mariage » pour y inclure les mariages
polygamiques et de pouvoir leur appliquer les règles de conflit cor-
respondantes. Cette extension peut- elle être considérée comme une
erreur ? Est-elle à la base des incohérences que l’on veut aujourd’hui
supprimer ? Il serait envisageable de relier les mariages polygamiques
à la catégorie des contrats. La dualité du mariage, entre contrat et
statut, pourrait ici être parfaitement exploitée. Il s’agirait dans ce cas
de rechercher quelle était la volonté des parties à la première union
et quelles étaient les prévisions légitimes de la première épouse. Mais
cette solution se rapproche des thèses exposées ci-dessus et, d’une
certaine manière, leurs risques.

B- Une règle de conflit viable :


Plusieurs inconvénients peuvent résulter de l’abandon de la règle
de conflit en vigueur (1) et son maintien paraît possible (2).

1. Les inconvénients de l’abandon de la règle de conflit en vigueur :


La modification de la règle de conflit applicable aux mariages po-
lygamiques porterait préjudice à deux objectifs distincts, mais tous
deux fondamentaux du droit international privé selon que cette mo-
dification ne toucherait que la loi applicable aux mariages polygami-
ques ou, au contraire, qu’elle toucherait la loi applicable au mariage,
de façon générale. Elle porterait atteinte, dans la seconde hypothèse,
à la coordination des systèmes français et islamistes (a), et, dans la
première hypothèse, au respect des ensembles législatifs (b).

352- FADLALLAH, ibid.

124
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

a- Une remise en cause de la coordination des systèmes islamistes et


français :
En droit international privé, la coordination des systèmes est une
finalité primordiale. Monsieur Batiffol353 considère, avec plusieurs
auteurs, que le droit des conflits a premier objectif la conciliation
des intérêts des personnes privées « qui ne doivent pas faire l’objet
de solutions successives contradictoires selon la nationalité du juge
saisi354 ».
Cette finalité se rapproche notamment de l’idéal universaliste des
internationalistes355. En effet, la finalité première de cette matière,
pour plusieurs d’entre eux, est répondre à « la nécessité plus pres-
sante d’une cohérence accrue dans le traitement de ces relations afin
que les individus puissent se mouvoir dans un milieu juridique d’une
relative homogénéité et que leur libre épanouissement ne souffre pas
de la division du monde en état souverain »356. Passer d’une manière
plus générale par la modification de la loi applicable au mariage pour
modifier la loi applicable aux mariages polygamiques, consisterait à
remettre en cause doublement la coordination entre les systèmes isla-
mistes et français.
En effet, le choix de rattacher les unions polygamiques à la loi
nationale répond aux exigences du respect de la coordination entre
les systèmes islamistes et le système français. Dans les systèmes isla-
mistes, c’est le rattachement du statut personnel à la loi nationale qui
prévaut357. Selon l’expression de Monsieur Déprez, la coordination
des systèmes de conflit de lois entre l’Islam et les pays d’Europe avec
laquelle celle-ci entretient le plus souvent des rapports est un « gage
d’harmonie »358. En réalité, elle permet d’éviter les situations « boiteuses »
où un droit est reconnu dans un pays mais pas dans un autre.
En outre, la modification de la règle de conflit par effet d’écho,
dans l’objectif de mettre fin à la réception des mariages polygamiques

353- Monsieur BATIFFOL a notamment appliqué cet objectif à la théorie du renvoi en ex-
pliquant ce mécanisme par la nécessité de coordonner les différentes règles de conflit mises
en jeu dans une situation donnée, voir LOUSSOUARN et BOUREL Droit international
privé, op.cit., p.245.
354- FARGE (M), Le statut familial des étrangers en France : de la loi nationale à la loi de la
résidence habituelle op. cit., p.530.
355- Sur cet idéal, voir LOUSSOUARN et BOUREL op.cit., p.88.
356- LEQUETTE cité par FARGE in Le statut familial des étrangers en France… op.cit., p.531.
357- Voir DEPREZ, RCDAI 1988, IV, p.39 et suiv. op.cit.
358- Ibid.

125
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

dans l’ordre juridique français pourrait amener à empêcher qu’un res-


sortissant français dans un pays de statut personnel musulman se voit
appliquer, en matière de son statut personnel, sa loi nationale. Ceci
causerait un second préjudice à l’idéal de coordination.
Il paraît qu’uniquement le choix du rattachement de la loi natio-
nale à l’ensemble du statut familial garantit une telle coordination.
Si la modification de la règle de conflit devait se limiter au seul cas
du mariage polygamique, cette remise en cause de la coordination
des deux systèmes serait certainement évitée mais on risquerait par
conséquent, une fois encore de remettre en cause le respect des en-
sembles législatifs.

b- La remise en cause du respect des ensembles législatifs :


Le respect des ensembles législatifs est également basé sur la
recherche de cohérence. Il n’est plus question ici de la réalisation
de la cohérence entre deux ordres juridiques différents, mais d’une
harmonie au sein même du système juridique français. Pour plusieurs
civilistes en effet, « le droit de la famille constitue un système où tout
se tient : une interaction s’exerce entre les institutions »359. Des inco-
hérences risquent d’apparaître si la loi désigne n’est pas identique
pour telle ou telle institution du statut personnel. Ainsi, Monsieur
Fadlallah a fait remarquer le risque qu’il y avait à ne pas adopter la
même loi en matière de répudiation et de polygamie : « dans les sociétés
musulmanes la polygamie était un rempart contre la répudiation, un
moyen de maintenir à l’épouse âgée son statut, à maints égards pré-
dominant en fait »360.
La prohibition des mariages polygamique en France pourrait
entraîner une recrudescence des répudiations. La jurisprudence a
récemment pris position pour pallier ce décalage entre le rejet des
mariages polygamiques et la persistance de la reconnaissance des
répudiations dans l’ordre juridique français.

359- FRAGE (M) in Le statut familial des étrangers en France… op.cit., p.533.
360- FADLALLAH, « Lien conjugal et rencontre de civilisations », in Le statut personnel
des Musulmans, Droit comparé et droit international privé, Travaux de la faculté de droit
de l’université catholique de Louvain, sous la direction de J-Y CARLIER et M. VERWIL-
GHEN, p.343 et spéc., p.344, cité par FRAGE (M), in Le statut personnel des étrangers…
p.526.

126
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

En effet, le 17 Février 2004361, la Cour de cassation a rendu cinq


arrêts d’une importance considérable, en vertu desquels, elle a arrêté
sa position sur la réception en France des répudiations musulmanes.
Elle y interdit de donner effet en France aux répudiations marocaines
et algériennes parce qu’elles ne respectent pas le principe d’égalité
des époux par le protocole n°7 du 22 Novembre 1984 à la convention
européenne des droits de l’homme.
Deux arguments sont susceptibles de faire obstacle à l’importance
accordée à la réalisation d’une harmonie des ensembles législatifs. D’un
côté, comme l’avons remarqué, les législateurs nationaux et internatio-
naux contemporains, ne se soucient plus guère, en droit international
privé, de respecter les ensembles législatifs puisqu’ils n’hésitent pas
à pulvériser le statut personnel dans une pluralité de rattachements,
parfois alternatifs. Si ce phénomène consistant à adopter une règle
de conflit propre à chaque domaine du statut personnel est prégnant,
il fait pour autant l’objet de certaines critiques. Par conséquent, une
règle de conflit supplémentaire n’est pas désirable362.
Le deuxième argument consisterait à considérer que le changement
de la règle de conflit, qu’il s’agisse des mariages polygamiques ou du
mariage de manière générale, ne porterait pas atteinte à l’harmonie
de la situation familiale des étrangers vivant dans le cadre de la po-
lygamie, celle-ci ayant déjà comprise avec force par l’interdiction du
regroupement familial polygamique. Mais, il est possible d’opposer à
cet argument l’idée selon laquelle le droit international privé doit res-
ter invariable, autrement dit, à l’abri des aléas des réformes du droit
des étrangers et des politiques d’immigration363. Le choix de la solu-
tion du maintien de la règle de conflit consiste à opter pour l’indépen-
dance de la matière du droit international privé par rapport au droit
des étrangers et à ne pas permettre que le second ait une influence
quelconque sur le premier. Les pouvoirs législatifs feront-ils ce choix
ou seront-ils tentés par un changement de la règle de conflit comme
a pu le suggérer la doctrine ? Il semble que le maintien de la règle de
conflit actuelle est probable.

361- Cass.civ.17 février 2004, D2004, n°12, p.815 et suiv.


362- AUDIT (B), Droit international privé, Economica, 3ème éd., coll.Droit civil, 2000,
p.113 et suiv.
363- Ibid.

127
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

2. Un maintien possible de la règle de conflit :


Plusieurs intérêts résultent du maintien de la règle de conflit
à l’avenir (a), pourtant il ne peut être possible qu’a avec certaines
conditions (b).

a- L’intérêt du maintien de la règle de conflit actuelle :


Les législatifs de 1993, en réaction à la tolérance de la jurisprudence
à l’égard de cette institution, à savoir la polygamie, n’ont pas hésité à
prendre les devants en adoptant des mesures ayant pour résultat un
rejet en bloc du mariage polygamique. Les règles du droit international
privé ne s’appliqueraient plus contentieux des mariages polygami-
ques, qui paraît, depuis la dite réforme, s’être totalement soumis aux
exigences du droit public ?364.
Refuser de reconnaître les effets des mariages polygamiques en
droit privé conduirait à créer des situations insupportables pour les
épouses impliquées dans un mariage polygamique, qui ne pourraient
plus réclamer les droits découlant de leurs statuts d’épouses légitimes.
Il est par conséquent primordial que la reconnaissance du statut per-
sonnel de ces épouses soit maintien pour qu’elles puissent invoquer
leurs mariages polygamiques sur le plan de l’obligation alimentaire ou
afin de faire valoir leurs droits en matière du partage d’une succession
ou d’une indemnité de responsabilité. En outre, si un des mariages
n’était pas considéré comme valide en France, les enfants issus de ce
dernier seraient eux aussi victimes d’une discrimination car ils seraient
considérés en France comme des enfants illégitimes.
Cette différence de traitement vis-à-vis des enfants doit pourtant
être relativisée puisque, actuellement, le droit français à supprimer
toutes formes de discrimination entre filiation légitime et naturelle365.
Le maintien de la reconnaissance des effets des mariages polyga-
miques en France semble indispensable mais il doit, en vue d’éviter
les obstacles liés à la polygamie imposée à une épouse, être soumis à
des conditions.

364- LOUSSOUARN et BOUREL, Droit international privé, DALLOZ 2001, p.173.


365- F.MONEGER, « Brèves remarques sur le droit international privé touché par l’ordonnance
du 4 Juillet 2005 portant réforme de la filiation », Dr.fam.n°10, octobre 2005, p.7 et suiv.

128
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

b- Les conditions du maintien de la reconnaissance des effets des unions


polygamiques :
Le droit dans son état actuel qui permet qu’une épouse française
ou étrangère, puisse se retrouver impliquée involontairement dans un
mariage polygamique, n’est pas admissible. Afin de ne plus aboutir à
des situations choquantes, la règle de conflit personnaliste devrait se
détacher du principe de l’ordre public atténué. Dans l’arrêt de prin-
cipe rendu le 6 Juillet 1986366 s’est déjà engagé dans ce mouvement
grâce au déclenchement de l’ordre public de proximité. Mais dans
ce cas d’espèce, seule l’épouse de nationalité française était protégée.
Des autres367 ont suggéré, face à certaines injustices qui persistent,
non pas de modifier la règle de conflit, mais d’accentuer davantage
les exigences de l’exception de l’ordre public. D’après Monsieur
Déprez368, l’exception de l’ordre public devrait avant toute chose
s’utiliser à empêcher l’époux de se prévaloir en France de son statut
personnel autorisant le mariage polygamique tout en donnant le droit
aux épouses de l’invoquer en vue de faire valoir leurs droits. Monsieur
Déprez fait remarquer qu’il est certainement inadmissible de généra-
liser le recours à la réserve de l’ordre public car « cela ne ferait que
frapper les femmes d’un déni de justice supplémentaire »369 alors que
cette institution, de par son existence même, en fait déjà des victimes.
Enfin, du point de vue administratif, il serait préférable d’exiger un
contrôle de proportion entre le préjudice causé à la vie de ces épouses
et l’atteinte portée à l’ordre public international français.
Or, aux termes d’un arrêt récent « l’administration est tenue de
refuser le renouvellement de la carte de résident d’un ressortissant
étranger vivant en état de polygamie ou de ses conjoints, quelle que
soit la date de délivrance de son titre de séjour »370. Un revirement de
cette jurisprudence est à espérer.
Constatant la position de la Cour de cassation en matière de la
reconnaissance des mariages polygamiques, une question s’impose : à
qui profite le refus d’en consacrer les effets ? Comment les choses se

366- Arrêt précité.


367- LEQUETTE (Y) et ANCEL (B), GAJDIP 1998, p.243 et 244.
368- DEPREZ, « Statut personnel et pratiques familiales des étrangers musulmans en France,
aspects de droit international privé », in Famille, Islam, Europe, L’Harmattan, 1996, p.97.
369- Ibid.
370- Douai, 12 novembre 2002, AJDA 2003, p.851, sur le non renouvellement de la carte de
résident à une étrangère en situation de polygamie.

129
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

déroulent-elles en pratique ? De quel droit parle le justiciable immi-


gré lorsqu’il se réclame du statut personnel d’origine ?
Ces questions sont justifiées dans la mesure où l’étude des conflits
de lois n’excluent pas que d’autres perspectives puissent être adoptées
pour étudier la manière dont se rencontrent aujourd’hui différents
modes de penser le droit, devant les tribunaux et, plus généralement,
dans la pratique quotidienne. Dans cette étude, nous avons opté
d’effectuer une enquête de terrain pour pouvoir comprendre les conflits
et les tensions sociales que vivaient- et que vivent- les épouses prises
dans des unions polygamiques. A partir d’un exemple qui concerne
une épouse d’un polygame que nous avons pu rencontrer, nous visons
à saisir certaines manifestations des situations dans lesquelles se trou-
vent ces épouses afin de souligner l’urgence, pour la justice, de trouver
le moyen de s’ouvrir à une nouvelle conjoncture d’appartenances qui
véhiculent des critiques identitaires parfois profondément différentes
de l’idéal égalitaire démocratique et qui se rattachent à des traditions
juridiques et à des systèmes de significations souvent peu compatibles.
Fatima est marocaine, née à Nador en 1974, et liée par les liens
du mariage depuis 1994 à Abdellah, qui, comme elle, est d’origine de
Nador. Quatre enfants, tous nés à Nador, sont issus du mariage.
Ils ont accompagné leurs parents en France au courant de l’année
2000, où Abdellah a trouvé une possibilité de se faire engager comme
manœuvre salarié dans la région d’Aix- en-Provence.
L’union de Fatima et d’Abdellah est contractée conformément au
Code du statut personnel marocain. Elle est transcrite par l’officier de
l’état civil français. La situation conjugale pour Fatima fut, selon ses
propres dires, satisfaisante jusqu’en 2008.
C’est au courant de cette année-là que Fatima est délaissée par son
mari qui s’engage dans les liens d’une seconde union avec une ressor-
tissante marocaine, résidante à Bruxelles, en Belgique.
Dans ces conditions, Fatima s’estime obligée de déposer plainte
auprès du procureur de la République près le tribunal de grande
instance d’Aix-en-Provence et se constitue partie civile en dédomma-
gement de l’acte injurieux. Outre une pension alimentaire pour elle
et ses enfants, elle s’entend aussi dire établi par jugement le délit de
bigamie dans le chef d’Abdellah qui est condamné à l’emprisonne-
ment pour une durée de six mois.

130
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

Le jugement français n’offre cependant pas à Fatima, à l’exception


d’un dédommagement théorique et forfaitaire, une réponse concrète à
sa situation de première épouse abandonnée à qui incombe de lourdes
responsabilités. La juridiction française ne s’est pas prononcée sur la
validité de la seconde union d’Abdellah. Elle s’est contentée de consi-
dérer ce mariage comme causant un préjudice grave à Fatima rendant
impossible le maintien du devoir de cohabitation.
Abdellah, en Belgique, ne paraît pas avoir rencontré d’obstacles
à faire transcrire sa nouvelle situation maritale auprès de l’officier
d’état civil. A-t-il utilisé de faux documents d’état civil marocain et
déjouée les registres ? C’est là une supposition faite par Fatima.
Toutefois, Fatima n’a pas l’intention de se tenir pour vaincue. Elle
décide de rejoindre Abdellah à Bruxelles quelques mois après son
départ. Avec l’espoir, nous dira-t-elle par la suite, et sur la base du
conseil de son avocat français, de faire valoir son titre de première
épouse auprès des autorités administratives belges. Toutefois, la dé-
marche se heurte à un premier refus de délivrance d’autorisation de
séjour de la part de l’administration belge avec l’ordre pour Fatima
de quitter la Belgique avec ses enfants, au motif que le mariage avec
Abdellah ne peut produire ses effets en Belgique. A ce moment-là, la
situation de Fatima et ses enfants est très précaire. Son époux, Abdel-
lah, le père de ses enfants, s’est engagé dans les liens du mariage avec
une seconde femme qu’il a vraisemblablement déclaré comme étant
sa seule épouse et avec qui il jouit de l’autorisation de cohabiter en
Belgique dans le cadre d’un mariage.
Fatima, dans ces conditions, s’est vue refuser le droit au regrou-
pement familial par l’administration belge. Sans résidence autorisée
en Belgique, cette dernière rencontre plusieurs difficultés auprès des
écoles et des services d’assurance sociale qui exigent la régularisation
de sa présence en Belgique, ainsi que de la scolarité obligatoire de
ses enfants. Des tentatives aboutissent à des règlements d’exception
voire à des délais de suspension d’exécution de rapatriement, mais
entraînent Fatima à une situation de besoin et de dépendance totale
de l’exécution volontaire, par son époux, en Belgique, d’un jugement
français antérieur d’allocation alimentaire. Selon le juge français,
auprès de qui Fatima s’est adressée dans une première étape de
désorientation, la nature du problème concret entre Abdellah et Fatima

131
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

est d’ordre pénal, instituant le délit de bigamie dans le chef d’Ab-


dellah dont le comportement devait non seulement être privé de ses
effets par l’intervention de l’exception de l’ordre public international,
mais, au surplus, entraînerait son emprisonnement en cas de retour
en France.
Concernant les droits et devoirs conjugaux, Abdellah a été condamné
à une contribution équitable aux charges du ménage. En revanche,
au regard des services administratifs belges saisis de la demande en
regroupement familial de Fatima, la cause a été de prime abord abordée
par le biais administratif : Fatima sollicitant une autorisation au séjour
pour une durée illimitée pour elle et ses quatre enfants.
En droit, le repérage des tensions entre Abdellah et Fatima était
par conséquent triple : pénal et civil au regard de l’ordre juridique
français ; administratif, dans une première étape, au regard de l’ordre
juridique belge. La jurisprudence belge s’est déjà prononcée à plu-
sieurs reprises en faveur de la reconnaissance des effets pécuniaires
de mariages polygamiques valablement contractés à l’étranger371.
L’introduction d’une demande par Fatima en majoration des contri-
butions alimentaires allouées en France auprès du juge civil belge,
aurait eu par conséquent, une chance non négligeable d’aboutir. En
outre, la demande aurait donné à Fatima l’occasion d’interpeller
son époux sur les bases de son comportement conjugal en Belgique.
Cependant, Fatima a hésité : de son point de vue, l’unique démarche
qui comptait serait celle- là même qui lui accorderait, de bon droit,
l’autorisation à rejoindre son époux là où il serait et comme elle l’en-
tendait, sans pour cela être obligatoirement réduite à une situation
administrative de clandestinité.
Ce que Fatima revendiquait avec insistance, c’était une forme de
reconnaissance des services administratifs belges des effets personnels,
en Belgique, de sa qualité de première épouse d’un époux polygame.
La loi organique du 15 décembre 1980 en son article 9, alinéa 3
sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des
étrangers, prévoit la possibilité pour un étranger d’obtenir, en Belgi-

371- Pour une première fois, par arrêt de la Cour d’appel de Liège, 23 Avril 1970, Revue
critique de jurisprudence belge, 1971, p.5 et 7 ; voir aussi : Civ.Liège, 26 juin 1975, jurispru-
dence de la Cour d’appel de Liège, 1975-1976, p.163

132
Les conflits de lois relatifs au mariage monogamique et polygamique

que372, l’autorisation au séjour lorsque existent des circonstances ex-


ceptionnelles. Quelles sont ces « circonstances exceptionnelles »373 ?
Elles n’ont pas été précisées dans les travaux parlementaires. « Il
appartient au ministre de juger si le cas est exceptionnel ou non »374.
L’article 9 de la dite loi offre manifestement au ministre compétent et
à son administration la possibilité de déroger aux conditions posées
par le législateur en matière de séjour, et donc, au besoin, de décider
de la venue d’étrangers en Belgique qui ne satisfassent pas les exigen-
ces des conditions légales (notamment, les conditions cumulatives de
monogamie et de cohabitation des époux) de séjour sur le territoire
belge. Cependant, ces « circonstances exceptionnelles » sont rarement
acceptées en pratique.
Dans le cas qui nous intéresse ici, la demande de Fatima n’a pas été
reçue. Fatima n’a pas obtempéré à la décision ministérielle de refus,
accompagnée d’une nouvelle décision de quitter le territoire. L’intro-
duction éventuelle, d’une demande en révision contre cette décision,
n’était plus possible pour elle à ce moment là.
Avec l’aide de son frère résidant régulièrement en Belgique, Fa-
tima est aujourd’hui sortie de l’impasse. Des tentatives ont pu être
menées dans les termes entre Abdellah et Fatima en règlement d’un
divorce contradictoire au Maroc. Fatima s’est vue aussi libérée des
liens de son union avec son époux. Ce divorce ne l’autorisait pas en-
core au séjour en Belgique. Liée par les liens du mariage à un ressor-
tissant belge, avec qui le frère de Fatima s’est mis en contact en vue
d’un éventuel mariage à contracter pour et avec sa sœur, Fatima vit
aujourd’hui en Belgique. Le mariage vaut pour elle le droit de jouir du
statut de ressortissante assimilée CE (communautaire), dont par ce
biais jouissent également ses quatre enfants. A ce titre l’établissement
lui est accordé375.
Ce statut juridiquement garanti, aura coûté à Fatima dans l’en-
croisement de trois repérages juridiques divergents de sa situation,

372- Auquel cas, l’étranger, séjournant irrégulièrement en Belgique, introduit sa demande


auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne, qui la transmettra au ministre ou à son
délégué (article 58, alinéa 4 de la loi organique du 15 décembre 1980 ; et article 4 de l’arrêté
ministériel du 30 juin 1981 ; Moniteur belge du 1 juillet 1981).
373- Question parlementaire de M. VOLGELS (N.), Chambre, du 16 janvier 1987 ; ques-
tion n°65 ; questions et réponses parlementaires- Chambre, 3 mars 1987).
374- Documents parlementaires- Chambres- rapport session 1977-1978, n°14417, p.79.
375- Article 40, par.3, 1 et 2 de la loi du 15 décembre 1980.

133
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

un retrait total de sa part de la logique de mariage polygamique qui


l’avait incité, accompagnée de ses quatre enfants, à traverser la fron-
tière franco-belge.
Pourquoi refuser de reconnaître des effets personnels aux unions
polygames régulièrement célébrées par les époux dont le statut per-
sonnel consacre, pour tous, le caractère polygame du mariage ? Il
semble désirable, écrivait en 1969 déjà p. Louis-Lucas, « que les si-
tuations de constitution étrangère soient reçues par nous dans leur
unité, dans leur intégralité, dés l’instant qu’elles ne sont pas indiscu-
tablement inassimilables »376 au contexte de société d’accueil.
La demande formulée par Fatima était-elle à ce degré « inassimi-
lable » qu’elle ne puisse être considérée comme « circonstance excep-
tionnelle » ? Nous croyons qu’il faut examiner la question du bien
fondé de la demande d’autorisation au séjour de Fatima sous l’angle
de la protection des droits législatifs d’une épouse qui a régulièrement
acquis cette qualité et conservé celle-ci conformément au Code maro-
cain de la famille.
La demande de Fatima illustre parfaitement un cas d’espèce où le
refus des services administratifs de reconnaître une situation familiale
polygame a finalement abouti à empêcher la réunion d’une famille en
Belgique alors que toutes les parties concernées se seraient probable-
ment accommodées, chacune à sa façon, de la situation de partage,
qu’implique le système d’origine de pluralité d’épouses avec sa répar-
tition de droits et devoirs.

376- LOUIS-LUCAS, P., obs. sous Gde.inst.Versailles, 2 février 1960, Juris-Classeur pério-
dique- La semaine juridique, 1960, II, p.11625.

134
Deuxième partie
Les conflits de lois relatifs aux
effets du mariage et à sa dissolution

136
Parmi les effets juridiques du mariage et de sa dissolution qui
posent par exemple bien des problèmes dans les relations franco-
marocaines, les cas de la filiation et de la répudiation peuvent être
cités. La réputation de la complexité a, depuis toujours, accompagné
ces matières en droit international privé. En ce qui concerne la filiation,
comparé au droit interne français dont la réforme du droit de la filiation
du 3 Janvier 1972 pose le principe d’égalité des enfants légitimes et
naturels, le droit marocain de la famille, issu du droit musulman, paraît
ferme. Il interdit tout ce qui peut porter atteinte à la cohésion de la
filiation légitime. Il considère qu’il n’y a de filiation que de légitime,
issue du mariage, la filiation naturelle rattache l’enfant à sa mère et ne
crée aucun lien juridique entre le père naturel et son enfant.
Ces règles sont transposées dans l’ordre des relations internationales
et s’appliquent dans l’esprit du législateur marocain à la filiation des
Marocains musulmans à l’étranger. Quant à la dissolution du mariage,
par voie de répudiation notamment, celle-ci, met en relief les diver-
gences de conceptions. La répudiation constitue un terrain de conflit
de lois par excellence entre culture marocaine et française, ou globa-
lement entre culture musulmane et occidentale. « … plus encore que
la polygamie elle heurte de front un fondement essentiel à notre civi-
lisation, ou plus exactement nous est totalement étrangère… » « Elle
semble à un occidental, vider le mariage de ce qui constitue la raison
d’être, le sérieux, la stabilité, la dignité du couple377 » « De toutes les
formes de dissolution du mariage (la répudiation) elle est celle qui est
la plus éloignée de notre conception du divorce, et chose plus grave

377- PH. MALAURIE. Note sous tribunal de grande instance de la Seine 23 Mai
1960.D.1960.p. 715.

137
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

de notre conception de la famille fondée sur l’égalité de l’homme et de


la femme »378.
La répudiation semble être une question célèbre, les problèmes
qu’elle pose, leurs éléments se transforment chaque jour.
Ces dernières années, la répudiation est considérée comme l’une des
questions qui a le plus animé le droit international privé. Son caractère
unilatéral justifiait une position de refus quant à son accueil dans l’ordre
juridique français.
Aussi, la matière de la filiation semble dans le cas précis des rela-
tions franco-marocaines, poser des problèmes particuliers justifiant par
là son étude exhaustive.
Seront étudiées dans un premier titre les conflits de lois relatifs à
la filiation, le deuxième titre, en revanche sera consacré aux conflits
de lois relatifs à la dissolution du mariage dans les relations franco-
marocaines.

378- Y.LOUSSOUARN. Note sous tribunal de grande instance de la Seine 26 Octobre


1959. R. 1960.p.354.

138
Premier titre
Les conflits de lois relatifs aux effets
du mariage

Concernant les conflits de lois franco-marocaines relatifs aux effets


du mariage, la matière de la filiation occupe le premier rang.
La filiation, qu’elle soit naturelle ou adoptive, a depuis toujours
était source de conflits en droit international privé. Comparé au droit
français interne, le droit marocain, issu de la religion musulmane, ex-
prime une « horreur » de tout ce qui peut porter atteinte à la cohésion
de la famille légitime. Il s’agit notamment de la filiation naturelle (cha-
pitre I) et la filiation adoptive (chapitre II).
Le Code marocain de la famille, en effet, ne reconnaît que la filiation
légitime, issue du mariage.

Chapitre I : La filiation naturelle

La recherche du contenu des règles relatives à la filiation en droit


marocain et français commencera le présent chapitre (section I).
Après quoi il sera nécessaire de s’intéresser à la réception par le juge
français des lois d’inspiration islamique interdisant à l’enfant naturel
le droit d’établir sa filiation (section II).

Section I : Les règles relatives à la filiation en droit marocain


et français

La législation marocaine (sous section I) et la législation française


(sous section II) en matière de filiation seront successivement visitées.
Sous section I : La législation marocaine en matière de filiation
L’interdiction d’établir la filiation de l’enfant naturel à l’égard dupère
géniteur repose sur un fondement religieux (parag I). La codification

139
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

du droit de la famille a donné lieu à des textes législatifs conformes à


leur référentiel islamique (Parag II). Une seule forme de famille est
reconnue et protégée : la famille matrimoniale.

Parag I : Le fondement religieux


Le fondement religieux de l’interdiction d’établir la filiation naturelle
réside dans les versets coraniques (A) et la tradition prophétique (B).

A- Les versets Coraniques :


« C’est en interprétant certains Versets que le droit musulman a
prohibé l’établissement d’une filiation naturelle. Le livre379 considère
le Zina ou fornication sous l’angle du péché- un péché grave- passible
d’une peine irréductible (Coran, XXIII, 5-7 ; XXTV, 2-4 ; LXX29-30).
A partir de là, le droit musulman s’oppose à la reconnaissance par un
homme de son enfant dès lors que la relation illicite ressort directe-
ment de l’acte de reconnaissance »380. Les auteurs modernes ont ainsi
essayé d’expliquer l’interdiction d’établir la filiation naturelle en droit
musulman381. Ils estiment que les ulémas ont extrait la règle en s’ap-
puyant sur une interprétation des versets sus-cités. Lisons-les :

1. « Qui gardent les lois de la chasteté, et qui bornent leur jouis-


sance à leurs femmes et aux esclaves que leur a procurés leur
main droite ; dans ce cas ils n’encourront aucun blâme.
Mais celui qui porte ses désirs au-delà est transgresseur »
(XXIII, 5-7)382.
2). « Quant à celui ou celle qui se rend coupable de fornication,
flagelle chacun de cent coups. Par respect de la religion de Dieu
et au jour dernier. Qu’un groupe de croyants soit témoin du
châtiment.
Fornicateur n’épouse que fornicatrice ou qu’associante ; forni-
catrice n’épouse que fornicateur ou associant : pareil acte est
interdit aux croyants. »383 (XXIV, 2-3).

379- C'est-à-dire le Coran.


380- L. PRUVOST, l’établissement de la filiation en droit tunisien, thèse Paris II, 1977, p.14.
381- Voir aussi R. BENATTAR, « Problèmes relatifs au droit international privé de la famille
dans les pays de droit personnel », Rec. cours Acad. dr.inter., 1967-II, t.121, p.88.
382- Coran, traduction de KASIMIRSKI, Flammarion, 1970, p.266.
383- Coran, essai de traduction, J.BERQUE, ALBIN MICHEL, 1995, p.372.

140
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

3. « Ceux qui se maintiennent dans la chasteté et n’ont de commerce


qu’avec leurs femmes ou les esclaves qu’ils ont acquises, car
alors ils n’encourent aucun blâme, et quiconque porte ses désirs
au-delà est transgresseur384 ». (LXX, 29-30).

B- La tradition Prophétique :
« L’enfant doit être rattaché au lit, l’amant doit être lapidé »385. Les
ulémas affirment unanimement que c’est ce hadith qui fonde l’inter-
diction d’établir la filiation naturelle à l’égard du père386.
L’amant (le fornicateur) qui aurait l’outrecuidance de réclamer la
paternité d’un enfant issu d’un mariage devrait être lapidé. L’Islam
ne reconnaissant que l’enfant légitime, l’enfant naturel (adultérin) est
« inexistant » et a un statut extrêmement précaire. Il ne pourra qu’avoir
une filiation légitime maternelle. Il n’aura aucune filiation paternelle
et l’action en recherche de paternité est prohibée. Les ulémas affirment
que : « la filiation naturelle résulte de la fornication, elle est inexistante
à l’égard du père, l’enfant ne pouvant lui être rattaché et ne produit,
par conséquent, absolument rien. En revanche, elle entraîne à l’égard
de la mère les mêmes effets que ceux de la filiation légitime »387. Ou
encore que « la chari’a ne reconnaît aucun rapport entre l’enfant de la
fornication et son père géniteur, alors qu’il en va différemment quant
à la relation de la mère avec son enfant naturel »388. Le fondement de
cette règle selon les oulémas est que : « la fornication est un crime en
Islam et ne saurait produire aucun effet à l’égard du fornicateur »389.
L’islam considère que l’enfant appartient au père et à la famille
paternelle. Les liens de parenté ne se forment que par les mâles et par la
filiation paternelle légitime (nasab). Les liens agnatiques sont privilégiés
384- Coran, Traduction de KASIMIRSKI, op.cit., p.452.
385- AL-BUKHARI, « Sa’hi’h » (l’authentique tradition prophétique), Dar AL-Fikr, 2001,
Beyrouth, t.II, p.487.
386- Entre autres M.IBN MA’AJOUZ, « A’hkam al-usra fi al-chari’a al-islamiya wifqa mou-
dawanath al-ah’wal al-chakhsiya, al-khotba, al-zawaj : arkanouh wa atharouh ; Toroq inh’ilal
mitak al- zawaj wa al-athar al-motaratiba âla dalik » ( le droit de la famille dans la chari’a is-
lamique conformément à la Moudawana du statut personnel, fiançailles, mariage : conditions
et effets ; moyens de dissolution du pacte du mariage et les effets subséquents), t. II, Mat-
ba’ath Al-najah Al-jadida 1998, p.16 ; M. KACHBOUR, « Al-Wassit fi qanoun al-ah’wal al-
chakhsiya » (précis de droit du statut personnel), Matbâath Al-najah Al-jadida, 1999, p.398.
387- A. CHAHBOUNE, « Charh’moudawanath al-ah’wal al-chakhsiya, al-Zawaj, al-talak,
al-Wilada wa nataijouha », (Commentaire de la Moudawana du statut personnel marocain,
mariage, répudiation, la naissance et ses effets), Matbaaât al-Najah al-jadida 2000, t.I, p.308.
388- M.BEN MA’JOUZ, op.cit., t.II, P.20.
389- M.KACHBOUR, op.cit., p.417.

141
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

et le statut de la mère est indifférent et n’a pas de conséquence sur le


statut de l’enfant. La filiation légitime, qui est considérée comme étant
un droit imprescriptible de l’enfant, résulte en principe d’un monopole
des relations sexuelles dans le mariage, même si celui-ci est par la suite
annulé ou déclaré vicié. L’adultère est prohibé, celui-ci ayant pour
conséquence d’engendrer des enfants privés des droits découlant de
la nasab. Dans les faits, la rigidité apparente des règles est assouplie
par le fait que la société essaye le plus possible d’attribuer une nasab
à chaque enfant390.
Il existe une forte présomption de paternité pour l’enfant né durant
le mariage, qui veut que « l’enfant appartienne au lit conjugal où il est
né » (firash). La filiation par rapport au père est normalement établie
par la cohabitation consécutive au mariage et une reconnaissance de
ce dernier ou, à défaut, de témoignages probants. En cas de dispute
autour de la paternité, comme c’était surtout le cas autour des enfants
nés de femmes esclaves (qui étaient réclamés par le maître et par le
mari de celles-ci), le principe du firash était appliqué et faisait en sorte
que l’enfant avait une filiation avec le mari légitime391.
« AL Walad lil firach »392, cette tradition prophétique que l’on peut
traduire littéralement par « l’enfant doit être rattaché au lit » renferme
deux catégories de situations, celle qui relève du mariage et celle qui
découle de l’esclavage393. D’ailleurs, le contexte historique du hadith
était celui de l’esclavage. Car, les relations sexuelles du musulman
avec son esclave ne sont interdits ni par le Coran ni par la sunna394.

390- BERRAUD EMILIE, « La filiation légitime à l’épreuve des mutations sociales au Ma-
ghreb », 59 Revue internationale interdisciplinaire 255, 2010, p.254.
391- NOKKARI MOHAMMED, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la Sunna »,
dans LUCETTE KHAIRAT, CECILE MARCHAL, dir., L’enfant en droit musulman, paris,
Société de législation comparée, 2008, p.172.
392- « Aussi peut-on comprendre le mot firach/ lit en droit musulman : le terme désigne une
femme : pas une femme en général mais celle, libre ou esclave qui, lorsqu’elle donne nais-
sance, a un statut tel que l’on présume que l’enfant qu’elle met au monde a pour père son
mari ou son maître » explique un auteur, J. COLIN, « AL-firâch/ le lit. Un concept juridique
en Islam », in paraxis juridique et religion, 1993- 10, p.65.
393- L.PRUVOST, L’établissement de la filiation en droit tunisien, thèse Paris II, 1977 ;
A.CHAHBOUNE, « Charh’ moudawanath al-ah’wal al-chakhsiya, al-zawaj, al-talaq, al-wi-
lada wa nataîjouha » (commentaire de la Moudawana du statut personnel marocain, mariage,
répudiation, la naissance et ses effets), op.cit., t.I, p.32 ; J.COLIN, « Al-Firâch/ Le lit. Un
concept juridique en Islam », article précité, p.65.
394- L.PRUVOST, thèse précitée, p.35.

142
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Ces relations sont susceptibles de fonder l’établissement de la filia-


tion de l’enfant qui en est issu puisqu’il ne s’agit pas de fornication mais
de rapports licites non entachés d’irrégularités395.

Parag II : La filiation légitime dans le Code marocain


de la famille :
Les articles 153 et 158 du Code marocain de la famille présentent
les règles relatives aux modes d’établissement de la filiation.
En vertu de ces deux textes, les modes de preuve admis pour l’éta-
blissement de la filiation sont :
• La présomption de paternité légitime ;
• L’aveu du père, le témoignage de deux adouls396 ou la commune
renommée établissant que l’enfant est bien le fils du mari et qu’il
est né de rapports conjugaux des époux ;
• Le doute ;
• Les autres modes de preuves, légalement admis y compris l’ex-
pertise judiciaire397.
Hormis le premier mode, les autres ne constituent nullement des
procédés indépendants d’établissement de la filiation à l’égard du père.
Ils ne se suffisent pas à eux-mêmes, en ce sens qu’ils ne sont là
que pour constater l’existence de rapports conjugaux légaux entre les
parents de l’enfant398. Autrement dit, leur seul intérêt est de prouver
le mariage, premier mode d’établissement de la filiation, qui reste le
seul procédé permettant de rattacher un enfant à son père. L’enfant
qui en est donc issu est couvert de plein droit par la présomption de
paternité qui fonde sa filiation à l’égard de son père. L’inutilité du recours
aux autres modes de preuve est certaine. Seule la preuve d’un lien
conjugal permet de rattacher l’enfant à son père, étant donné que le
mariage est le seul fondement de la filiation399.
Le lit conjugal400, qui réunit les conditions requises, est donc une
preuve irréfutable de parenté. L’article 153 du Code de la famille précise
395- A.CHAHBOUNE, op.cit.,t.I,p.323 ;M.BEN MA’JOUZ, op.cit., t.II ,p.17.
396- Par « adoul » il faut comprendre juge-notaire.
397- BARRAUD EMILIE, « La filiation légitime à l’épreuve des mutations sociales au Ma-
ghreb », 59 Revue internationale interdisciplinaire 255, 2010, p.259.
398- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, L’Harmattan,
2009, p.75.
399- Voir A.CHAHBOUNE, op.cit.,t.I, p.331
400- Le lit conjugal a une signification très précise en droit musulman. Il est synonyme du
mariage.

143
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

que « Le lit conjugal produit les mêmes effets de preuve que le mariage ».
La paternité ne peut donc être contestée que par le mari au moyen de la
procédure du Li’ane ou d’une expertise médicale signifiant la certitude.
Mais, encore faut-il que les deux conditions suivantes soient remplies :
• L’époux doit produire des preuves solides de ses allégations ;
• L’expertise doit être ordonnée par décision judiciaire401.

Sous section II : La législation française en matière de filiation


Les règles relatives à l’établissement de la filiation en droit français
(Parag I) et les règles de conflit en matière de filiation (Parag II) seront
successivement exposées.

Parag I : Les règles relatives à l’établissement de la filiation en


droit français
En droit français, le modèle d’organisation familiale reflète sans
conteste l’évolution de la famille dans la société européenne. Loin
d’être une institution immuable, figée dans le temps, la notion de famille a
évolué car les relations entre les membres qui la composent ont changé
sous l’influence de nombreux facteurs. La fin du XIXème siècle a vu
croître le rôle des femmes dans la vie sociale et faiblir les discrimina-
tions dont les enfants illégitimes étaient l’objet. Depuis le milieu des
années soixante, la famille sert moins à transmettre un patrimoine qu’à
promouvoir l’individualité de chacun de ses membres. Selon le doyen
Carbonnier, l’omniprésence de l’Etat-Providence, le rétrécissement du
cercle familial, la prolétarisation, la démocratisation ont favorisé le
mouvement de privatisation du lien familial et d’autonomie des membres
de la famille402. L’affirmation des droits individuels, favorisée par la
pénétration des droits de l’homme a rejailli sur le groupe familial403.
Les couples français choisissent de vivre dans le cadre du mariage, de
se pacser ou de vivre en concubinage. La loi n’impose pas un modèle

401- RAJAA NAJI ELMEKKAOUI, La Moudawanah, Le référentiel et le conventionnel


en Harmonie, t.I, Le mariage et la filiation, Editions et impressions Bouregreg , 2009, p.245.
402- J.CARBONNIER, « A chacun sa famille, à chacun son droit », Essais sur les lois, Ré-
pertoire Defrénois, 2° éd.1995, p.182 et 183.
403- V.M. –T. MEULDERS- KLEIN, « Internationalisation des droits de l’homme et évolu-
tion du droit de la famille : un voyage sans destination ? », in la personne, la famille, le droit :
trois décennies de mutations en occident, L.G.D.J., 1999, p.495 et suiv. ; F. VASSEUR-
LAMBRY, La famille et la Convention européenne des droits de l’homme, L’Harmattan,
2000. Internationalisation des droits de l’homme et évolution du droit de la famille, colloque
du LERADP de Lille II, L.G.D.J., 1996.

144
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

de vie en couple ; elle propose. Si le lien familial légitime a toujours


permis à l’enfant d’être intégré dans sa famille par l’effet même du
mariage, le lien familial naturel a accédé à la sphère du droit de façon
progressive404. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a
très vite considéré que cette évolution constituait un point capital dans
la reconnaissance des familles naturelles405. La parenté est devenue un
élément moteur de la famille. L’enfant naturel ne fait l’objet d’aucune
discrimination liée aux circonstances de sa naissance. Il entre pleine-
ment dans la famille de ses auteurs et les effets de la filiation naturelle
sont en tous points identiques à ceux produits par la filiation légitime.
Le souci de promouvoir l’égalité des filiations a récemment conduit le
législateur français à supprimer toute référence à la filiation « légitime »
ou « naturelle » dans les dispositions légales406.
Le sort de l’enfant naturel marocain constitue une première pierre
d’achoppement avec l’ordre juridique français où les principes de liberté
et d’égalité ont pénétré l’institution familiale407.

Parag II : Les règles de conflit en matière de filiation


En droit international français, le statut individuel et familial du
mineur est soumis à un ensemble de règles légales et jurisprudentielles
qui ont pour objet de dépasser les conflits de lois. Ces règles donnent,
dans la plupart des cas, la préférence à la loi nationale du mineur ou
de ses auteurs408. Le rattachement du droit français à la loi nationale
existe dans la plupart des pays de l’Europe occidentale (Luxembourg,
Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne), alors que la Grande-
Bretagne, les pays de Common law et les pays scandinaves sont restés
fidèles au rattachement à la loi du domicile. En France, le critère de

404- S. GRATALOUP, L’enfant et sa famille dans les normes européennes, L.G.D.J., Biblio-
thèque de droit privé, T.290, 1998, p.75, n° 76. En droit français, il faudra attendre la loi du
3 Janvier 1972 pour que la famille naturelle versus famille légitime soit reconnue. En effet,
l’article 334 C.civ. officialise l’existence de la famille naturelle en disposant que l’enfant natu-
rel « entre dans la famille de son auteur ». Le législateur a ainsi mis le Code civil en harmonie
avec la définition constitutionnelle de la famille telle qu’elle résulte de la Constitution de
1946, cf. F.LUCHAIRE, La protection constitutionnelle des droits de l’homme, Economica,
1987, p.101.
405- Affaire Marckx c/ Belgique, arrêt du 13 Juin 1979, Série A, n°31, §31.
406- Cf. l’ordonnance n°2005-759 du 4 Juillet 2005 relative à l’égalité des filiations.
407- FANNY VASSEUR –LAMBRY, le statut du mineur maghrébin en France, in les droits
maghrébins des personnes et de famille à l’épreuve du droit français, sous la direction du
J.POUSSON-PETIT, L’Harmattan, 2009, p.383.
408- Ibid.

145
rattachement à la loi nationale relève de la tradition. Ce rattachement
peut répondre à la nécessité de conserver aux personnes les principes
fondamentaux de leur identité nationale409. La première solution est
justifiée par l’intérêt de l’enfant naturel. Etant donné qu’il ne jouit
pas, à l’instar de l’enfant légitime, de la stabilité du couple parental,
il est nécessaire de le protéger. La seconde solution paraît devoir
s’imposer comme assurant une certaine cohésion au sein de la famille
légitime, indépendamment de la nationalité de ces membres. En ce
qui concerne les obligations alimentaires entre époux, l’article 7 al.3
de la Convention franco-marocaine du 10 Aout 1981 précise que ces
obligations « sont réglées conformément aux dispositions du chapitre
III de la Convention ». Le problème est que ces dispositions ne visent
que le paiement des pensions alimentaires, mais non la détermination
du débiteur, ni le montant de celles-ci. La question qui s’impose est de
savoir comment un juge français va déterminer le montant d’une telle
pension : peut-il s’appuyer sur le principe selon lequel la pension varie
en fonction des besoins du créancier d’aliments et des ressources du
débiteur ou faut-il considérer que le mari, selon le droit marocain,
supporte seul les charges du mariage410?
Dans les cas du divorce, comme en matière de filiation naturelle,
il paraît plus logique d’opérer le rattachement à la loi de l’enfant411.
Mais d’une façon générale en droit français, l’unité du statut de l’enfant
devrait également aboutir à éliminer la loi des effets du mariage en
matière d’effets de la filiation afin de privilégier une loi unique, que
cette loi soit la loi nationale de l’enfant ou celle de sa résidence habi-
tuelle. Le recours à la loi de la résidence habituelle va de toute façon
être généralisé avec l’entrée en vigueur de la Convention de la Haye
du 16 Octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la
reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de respon-
sabilités parentales et de mesures de protection des mineurs. Mais
cette tradition peut conduire à occulter l’effectivité d’une situation
qui supposerait que soit appliquée à la personne la loi de sa résidence

409- Comme en témoigne le préambule de la Convention franco-marocaine relative au statut


des personnes et de la famille du 10 Août 1980, publiée en France par décret n°83-435 du 27
mai 1983, J.O.1er juin 1983.
410- FANNY VASSEUR-LAMRY, op.cit., p.373.
411- F. MONEGER, Droit international privé, Litec, objectif Droit, 2001, p.121, n°337 ;
A.BIGOT, L’autorité parentale dans la famille désunie en droit international privé, P.U.
d’AIX-Marseille, 2003, p.178.

146
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

habituelle412, en particulier lorsque cette personne n’a plus aucune


attache avec son pays d’origine.
Si l’application du droit musulman est commandée par la règle de
conflit du droit du for et considérée comme étant obligatoire, puisque
touchant un domaine où les individus n’ont pas la libre disposition de
leurs droits, il n’en reste pas moins que cette application soulève de
nombreuses difficultés qui mettent en avant la dualité des systèmes juri-
diques français et marocains. Ce conflit de lois aboutit dans certaines
circonstances à un conflit de valeurs gouvernant les modèles d’orga-
nisation de la famille413. L’établissement de la filiation et les effets de la
filiation sont les domaines d’élection de la loi nationale. L’élaboration
des règles de conflit en matière de statut familial, à partir de l’article 3
du Code Civil, est restée longtemps essentiellement jurisprudentielle.
A la différence de certains pays européens, il n’y a pas eu en France
de codification du droit international privé414.
Mais depuis le début des années 1970, le législateur a énoncé cer-
taines règles de conflit relatives à l’établissement de la filiation, aux
articles 311-14 à 311-18 du Code civil. La loi du 11 Juillet 1975 sur le
divorce a créé l’article 310 du Code civil sur le divorce international415.
Non seulement ces dispositions légales ne consacrent pas les solutions
dégagées par la jurisprudence, mais leur application s’avère souvent
délicate pour les juges416. Plus récemment, l’ordonnance du 4 Juillet
2005 a incidemment modifié certaines dispositions de droit international
privé afin de prendre en considération la suppression des différences
entre filiation légitime et filiation naturelle417. L’analyse de ces différentes
règles de conflit régissant le statut du mineur étranger, telles qu’elles
sont conçues en France, a pour objet de comprendre la complexité du
système et surtout d’apprécier l’application qui en est faite en ce qui
concerne le statut du mineur marocain.
Il convient d’étudier dans un premier temps la législation relative à
l’établissement de la filiation (A) et dans un deuxième temps la légis-
lation relative aux effets de la filiation (B).
412- FANNY VASSEUR- LAMBRY, op.cit ., p.366.
413- FANNY VASSEUR- LAMBRY, op.cit ., p.366.
414- V.HMUIR WATT, « La codification en droit international privé », Droits, 1998, p.149.
415- FANNY VASSEUR – LAMBRY, op.cit., p.366.
416- Y.LOUSSOUARN et P.BOUREL, Droit international privé, précis DALLOZ, 1999,
p.372 et suiv.
417- F.MONEGER, « Brèves remarques sur le droit international privé touché par l’ordonnance
du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation », DR.FAM. n°10, octobre 2005, p.7 et suiv.

147
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

A- Les règles de conflit relatives à l’établissement de la filiation


Les règles régissant l’établissement de la filiation sont édictées par
les articles 311-14 à 311-18 du Code civil consacrées par la réforme
de 1972. Il est important toutefois de souligner que l’article 3 de la
convention franco-marocaine du 10 Août 1981 exclut toute référence
« au système international de conflit de lois » de l’une ou de l’autre loi.
Il semblerait par conséquent que les articles 311-14 à 311_18 du Code
civil soient inapplicables en matière d’établissement de la filiation
légitime d’un mineur marocain qui relève des seuls effets du mariage.
Par contre, les autres filiations détachées du mariage pourraient être
régies, aux termes de l’article 1er de la Convention franco-marocaine,
par la loi nationale de la personne dont on discute la filiation, c’est-
à-dire l’enfant418. Cela constituerait un retour aux solutions adoptées
par la jurisprudence antérieurement à la réforme de 1972. Etant donné
que les rédacteurs de la convention n’ont pas clairement réglé le pro-
blème de la filiation, ces principes relèvent d’une interprétation des
termes de la dite convention419.
Dans le silence gardé intentionnellement par la convention, certains
auteurs défendent l’idée selon laquelle les juges français ne peuvent que
se référer aux articles 311-14 à 311-18 du Code civil dont aucune
raison ne justifie leur élimination en matière de filiation légitime ou
naturelle420. C’est d’ailleurs cette position qui a été adoptée par la
Cour de cassation dans l’arrêt du 3 Juin 1998 à l’occasion de l’affaire
Bénali421.
Dans ces conditions, l’article 311-14 du Code civil fait figure de
principe général et l’établissement de la filiation obéit à ses prescriptions.
Aux termes de cet article, la filiation est régie par la loi personnelle de
l’enfant si la mère n’est pas connue, dans le cas contraire, elle est régie
par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant422.
Cette règle de conflit contient deux rattachements. Le premier est
principal « la loi personnelle de la mère », le deuxième est subsidiaire

418- FANNY VASSEUR- LAMBREY, op.cit., p.367.


419- F. MONEGER, « La Convention franco- marocaine du 10 Août 1981 relative au statut
des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », Rev. crit.DIP., 1984, p.49.
420- A.BOTTIAU, Lamy Droit des personnes et de la famille, étude 490.31, mai 2006.
421- Cass.civ.1ère, 3 juin 1998, D.1998, p.578, note H.FULCHIRON ; J.C.P.G 1998, II,
10181, note H.FILLON-DUFOULEUR ; Alinéa janv.1999, p.26, obs.A.BOTTIAU.
422-F.HAGE-CHAHINE, « L’article 311-14 du Code civil et la règle étrangère de conflit
dans le temps et dans l’espace », JDI, 1990, p.73 et suiv.

148
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

« la loi personnelle de l’enfant, dans l’hypothèse où la mère n’est pas


connue ». En ce qui concerne la filiation légitime surtout, le rattache-
ment principal n’est pas une solution très originale dans la mesure où
elle est très peu connue en droit comparé423. Cette disposition confirme
que le principe de l’égalité entres les filiations posé par le législateur
en 1972 est également appliqué en droit international privé. Cette
expression de « mère non connue » a pendant longtemps divisé la juris-
prudence dans la mesure où plusieurs situations peuvent se présenter424.
Ainsi la mère peut ne pas être connue en droit, comme le prouvent
les dispositions de la loi qui réglementent les actions en recherche
de maternité. Elle peut aussi ne pas être connue en fait (maternité
secrète, abandon de l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance).
Il est possible également que la mère ne soit pas déterminée avec cer-
titude même si elle est connue. Enfin, elle peut être connue en fait
et identifiée, mais juridiquement, elle n’est pas désignée comme telle
(hypothèses d’action en revendication d’enfant légitime et d’action en
désaveu préventif). En se prononçant en faveur de la mère connue au
sens de la mère « identifiée », la Cour de cassation a mis fin aux diver-
gences entre les juges du fond425.
La règle posée par l’article 311-14 reçoit exception à l’article 311-15.
Aux termes de cet article, si l’enfant et son père ou sa mère ou les deux
résident habituellement en France, communément ou séparément, alors
même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre
d’une loi étrangère, la possession d’état produit toutes les conséquences
qui en découlent selon la loi française. Cet article a perdu son caractère
inégalitaire depuis le 1er Juillet 2006, date d’entrée en vigueur de
l’ordonnance du 4 Juillet 2005, puisqu’il ne repose plus sur la distinc-
tion enfant légitime/ enfant naturel. L’objectif d’une telle disposition
est d’appliquer les règles françaises concernant la possession d’état
lorsque la résidence habituelle des intéressés est en France, alors que
par hypothèse, la loi applicable à l’établissement de la filiation est la
loi étrangère426.
423- BATIFFOL et LAGARDE, Droit international privé, 7ème éd., t.I, L.D.G.J., 1983,
n°461, p.103.
424- A.BOTTIAU, LAMY Droit des personnes et de la famille, étude n°490-9, mai 2006.
425- Cass.civ.1ère, 11 Juin 1996, Imhoos, D.1997, p.3, note MONEGER. Rev.crit.dr.int.
priv.1997, p.291, note Y. LEQUETTE. En l’espèce, la mère était identifiée mais, selon le
droit français, elle n’était pas juridiquement la mère, faute d’avoir expressément reconnu
l’enfant.
426- FANNY VASSEUR- LAMBRY, op.cit., p.368.

149
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Dépeinte comme « une disposition originale et contestée »427 en


jurisprudence, cette disposition a été très peu utilisée. Cela peut paraître
paradoxal, la possession d’état étant devenue en 1982 un mode d’éta-
blissement de la filiation naturelle qui aurait dû augmenter le recours
à cet article qui permet d’appliquer la loi française sans être obligé
de recourir à l’exception d’ordre public pour écarter l’application de
la loi nationale de la mère428. Il faut noter que dans l’hypothèse où la
mère, étrangère au moment de la naissance et résidant en France, est
devenue française au moment de l’action à l’encontre d’un prétendu
père français, l’application de l’article 311-14 peut en effet aboutir à
un résultat incohérent.

B- Les règles de conflit relatives aux effets de la filiation


La réforme de 1972 ayant implicitement maintenu la distinction
entre établissement et effets de la filiation, les solutions jurispruden-
tielles antérieures à la loi de 1972 sont toujours applicables429. Ainsi,
étant donné que l’autorité parentale constitue l’un des effets essentiels
de la filiation, il convient d’appliquer la loi des effets du mariage pour
la filiation légitime430 et la loi nationale de l’enfant en matière de filia-
tion naturelle431.

Section II : La réception des règles interdisant l’établissement


de la filiation illégitime par l’ordre juridique français

L’examen de la jurisprudence française nous laisse constater que le


conflit de lois marocaines et françaises en matière de filiation concer-
ne aussi le domaine de l’établissement de la filiation naturelle (parag
I) que celui de la contestation de la paternité légitime (parag II).
427- J.FOYER, Répertoire DALLOZ, V° Filiation, n°50.
428- J.FOYER, « 20 ans d’application des articles 311-14 à 311-18 du Code civil », Mélan-
ges à la mémoire de D.HUET. WAILLER, L.G.D.J., 1994, p.127.
429- E.GALLANT, Responsabilité parentale et protection des enfants en droit internatio-
nal privé, Defrénois, Doctorat et Notariat, tome 9, 2004, p.172, n°296. Le rapporteur de la
loi M.J.FOYER a en effet déclaré : « Nous n’avons pas entendu régler les conflits de lois
concernant les textes relatifs aux effets de la filiation, qu’il s’agisse de l’autorité parentale,
de l’obligation alimentaire, et à plus forte raison, de la vocation successorale et de la réserve
héréditaire », JOAN 7 Octobre 1971, p.4301.
430- Voir en matière de transmission du nom aux enfants légitimes : Cass.civ. 1ère, 7 oct.1977,
D.1998, som., p.299 obs. A.BOTTIAU.
431- Voir en matière d’autorité parentale : paris 3 Mars 1981, Rev.crit.DIP.1981, p.496,
note Y.LEQUETTE et Nancy, 23 Octobre 1989, Rev.crit.dr.int.priv.1990, p.723 note
Y.LEQUETTE.

150
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Parag I : Le conflit de lois marocaines et françaises en matière


d’établissement de la filiation naturelle
La réception par le juge français des lois d’origine islamique, le cas
notamment du Code marocain de la famille, qui interdisent à l’enfant
naturel d’établir sa filiation à l’égard du père, est considérée comme
un terrain de prédilection du déclenchement de l’exception d’ordre
public notamment depuis la loi de 1972432. Aussi, la récente ordonnance
n°2005-759 du 4 Juillet 2005 abolissant la distinction entre filiation
légitime et filiation naturelle, et l’adoption simultanée d’un régime
simplifié ayant pour objectif d’ouvrir la possibilité d’établir la filiation
naturelle à l’égard du père pouvait laisser croire que les lois qui inter-
disent à l’enfant naturel le droit de connaître son père seraient, au nom
de l’ordre public, écartées. Or, ce n’est pas vraiment le cas pour la
raison que les lois restrictives ne sont considérées contraires à l’ordre
public français qu’avec la condition de l’existence d’une attache jugée
suffisante avec le for. Cette consécration de la notion de l’ordre public
de proximité (parag I) fait l’objet de plusieurs applications jurispru-
dentielles dont les justifications sont critiquées (parag II).

Parag I : La notion de l’ordre public de proximité


Il est communément admis qu’une norme étrangère ne doit pas né-
cessairement être évincée parce qu’elle est contraire à l’ordre public
international. Encore faudrait-il s’assurer que son application heurte-
rait l’ordre juridique du for de façon insupportable. Ce qui implique
que le rapport de droit en question avec le for présente un lien plus
ou moins étroit. En d’autres termes, le déclenchement de l’exception
d’ordre public est conditionné par l’intensité des liens que la situa-
tion présente avec l’ordre juridique du juge saisi433. Ce lien spatial

432- Avant l’ordonnance du 4 Juillet 2005, la filiation légitime pouvait également résulter de
la légitimation. En 1972, cette institution avait fait l’objet d’une règle de conflit contenue à
l’article 311-16 du Code civil, qui reprenait les deux formes de légitimation connues en droit
français : la légitimation par mariage et par autorité de justice et qui consacrait la thèse de la
loi la plus favorable à l’enfant. Mais la légitimation n’avait plus sa place dans une législation
prônant l’égalité parfaite des filiations légitime et naturelle. C’est la raison pour laquelle l’or-
donnance du 4 juillet 2005 a supprimé purement et simplement cet article 311-16.
433- B. AUDIT, Droit international privé, Economica, 2006, 4ème édition p.262, n°315 ;
Y.LOUSSOUARN, P.BOUREL, de VAREILLES- SOMMIERES, précis de droit inter-
national privé, Dalloz, 2004, 8ème édition, p.351, n°254-3 ; P.MAYER et V.HEUZE, p.139,
n° 205-1 ; H.BATIFFOL et P.LAGARDE, LGDJ, 1993, t.I, 8ème éd., p.576, n°359-2.

151
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

nécessaire à l’intervention de la réserve d’ordre public prouve sa


relativité434.
L’ordre public de proximité repose sur la réunion indispensable de
deux éléments : la gravité d’atteinte portée par l’application de la loi
étrangère d’une part, et le degré d’importance des liens de la cause
avec l’ordre juridique du for d’autre part. En fonction de ces deux fac-
teurs, le juge doit faire varier le déclenchement de l’exception d’ordre
public435. Plus l’atteinte aux valeurs défendues par l’ordre juridique
du juge saisi est grave, moins sera déterminant le lien que la situation
juridique entretient avec le for436. Si l’on veut inverser : moins l’atteinte
est importante, plus sera exigée la proximité de la cause avec le for. Le
juge est par conséquent invité à vérifier continuellement, la combinai-
son entre deux éléments : premièrement, l’importance des liens avec
le for (A) et deuxièment la gravité de l’atteinte portée aux valeurs qu’il
défend (B). L’analyse de ces deux conditions sera suivie d’une appré-
ciation critique (C).

A- Le premier élément : l’exigence des liens importants avec le for


La résidence habituelle et la nationalité constituent les facteurs
essentiels de rattachement en matière de statut personnel. Elles tra-
duisent certainement l’expression de liens clairs du rapport du droit
privé en question avec le for.
Il est par conséquent logique qu’ils soient considérés comme des
liens précis permettant la mise en œuvre de l’exception de l’ordre public
de proximité. Ainsi, la nationalité traduit un rapport solide entre l’indi-
vidu et l’Etat dont il est le ressortissant et, par conséquent, constitue
un élément fondamental qui traduit l’enracinement de ce ressortis-
sant dans l’ordre juridique de son Etat. Donc, le lien national ne fait
que traduire le principe de proximité437. De même, l’intégration de la
434- M.C-NAJM, principes directeurs du droit international privé et conflits de civilisa-
tions, relations entre systèmes laïques et systèmes religieux, Dalloz, Nouvelles bibliothèques
de thèses, 2005, p.473, n°500 ; N.JOUBERT, la notion des liens suffisants avec l’ordre juri-
dique (Inlandsbeziehung) en droit international privé, thèse paris I, 2002, p.134.
435- H.BATIFFOL, P.LAGARDE, t.II, LGDJ, 1983, 8ème édition, p.577, n°359-2.
436- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, L’Harmattan,
2009, p.147.
437- M.-C.NAJM, op. cit., p.490, n° 490, n°510. Pour cet auteur, « la nationalité, élément
fondamental de l’Etat des personnes, exprime avec une force particulière les liens qui lient la
personne à l’Etat dont elle est ressortissant ; elle traduit une attache intense avec le territoire
de cet état et constitue un facteur essentiel de la localisation et d’intégration de la personne
dans cet ordre juridique. C'est-à-dire que le rattachement national est une expression du

152
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

personne dans l’ordre juridique de l’Etat sur le territoire duquel se


trouve sa résidence, est exprimée par un autre élément pas moins im-
portant que la nationalité, il s’agit notamment du domicile ou la rési-
dence habituelle.
L’ordre public de proximité, pour ses partisans, doit obligatoirement
prendre en considération ces deux éléments (1). Toutefois, la prise en
considération du critère de la nationalité conjointement avec celui de
la résidence habituelle, dans certains cas, ne saurait suffire à déclencher
l’exception de l’ordre public de proximité (2).

1. La nationalité et le domicile comme éléments alternatifs suffisants au


déclenchement de l’ordre public de proximité
A cet égard, les actions en recherche de paternité naturelle consti-
tuent un exemple intéressant. Concernant cette matière, la position
de la Cour de cassation est d’une constance exemplaire depuis l’arrêt
du 10 février 1993438. Dans cette affaire, il s’agissait d’une action en
recherche de paternité naturelle formée par une mère de nationalité
tunisienne au nom de sa fille qui est née en France et y réside depuis
sa naissance. Un certificat de nationalité française a été délivré par la
suite à la dite fille. La règle de conflit énoncée dans l’article 311-14
donnait compétence à la loi tunisienne, laquelle prohibait à l’époque
l’établissement de la filiation naturelle. La Cour de cassation, en s’ap-
puyant sur l’ordre public de proximité, décide que « si les lois étran-
gères qui prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne sont
en principe pas contraires à la conception française de l’ordre public
international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de pri-
ver un enfant français ou résidant habituellement en France du droit
d’établir sa filiation, l’ordre public s’opposant alors à l’application de

principe de proximité » ; Le principe du droit international privé à l’épreuve du principe com-


munautaire de non- discrimination en raison de la nationalité, thèse Paris II, 2002, p. 2016,
n° 392 ; E.PATAUT qui, dans son analyse de l’article 3, alinéa 3, du Code civil, soutient l’idée
selon laquelle l’Etat français a voulu « imposer sa compétence législative (et) exiger qu’un
français soit soumis à la loi française, ceci pour rendre compte de l’existence d’un lien parti-
culièrement intense entre l’Etat et son national ». L’auteur en conclut que « le rattachement
à la nationalité, malgré son caractère bilatéral, est bien un rattachement de souveraineté »,
principe de souveraineté et conflits de juridictions, (Etude de droit international privé),
LGDJ, 1999, p.46 et 47, n°69.
438- C.cass., 1ère ch.civ., 10 février 1993, Rev.crit.DIP. 1994, note J.FOYER ; Clunet 1994,
p.124, 1ère espèce, note I. BARRIERE- BROUSSE ; D.1994, p.66, note J.MASSIP ; Dé-
frénois 1993, p.982, n°86, observations J.MASSIP, D.1994, Somm.comm., p.32, observa-
tions E.KERKHOVE ; JCP.1993.I.3688, n° 10, observations H.FULCHIRON.

153
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

la loi étrangère normalement compétente »439. Ainsi, la nationalité de


l’enfant, ou sa résidence en France deviennent des critères qui doivent
être pris en considération par le juge français, puisque la réserve d’ordre
public peut être déclenchée par la seule réalisation de l’un de ces deux
critères seulement. La solution se trouve justifiée par le droit de tout
enfant français à établir sa filiation440. Ceci explique l’existence de
plusieurs incidences sur la conception de l’ordre public international
qui ne saurait accepter l’application d’une loi qui interdirait un tel
droit à un enfant français, ou qui a sa résidence en France, né de mère
étrangère441.
Cependant, si l’exception d’ordre public se trouve déclenchée par
la seule réalisation de l’un de ces deux éléments à savoir : la nationalité
de l’enfant ou sa résidence en France, il n’en va pas de même en ce
qui concerne la nationalité du prétendu père, et ce malgré la résidence
de celui-ci en France. Le critère cumulatif composé à la fois par la
nationalité du père ainsi que par sa résidence en France ne consti-
tue pas, selon les juges de la Cour de cassation, un lien suffisamment
étroit justifiant la mise en œuvre de l’exception de l’ordre public de
proximité.

2. La nationalité et le domicile comme éléments cumulatifs insuffisants au


déclenchement de l’ordre public de proximité :
Si la condition de proximité, indispensable pour écarter la loi
étrangère, est remplie par l’un des éléments suivants, à savoir : la seule
nationalité française de l’enfant ou bien sa résidence habituelle en
France, il cesse de l’être lorsque le lien avec le for n’est pas justifié
par cette appartenance de l’enfant mais, par contre par la nationalité
française du prétendu père. L’idée de proximité exigée par la Cour de
cassation pour déclencher l’exception d’ordre public afin d’écarter les
lois étrangères qui interdisent l’établissement de la filiation naturelle ne
correspond pas à l’adjonction d’une attache territoriale à un critère
personnel. C’est la position adoptée par la Cour de cassation dans son
arrêt du 10 mai 2006442 rendu à l’occasion d’une action en recherche de
439- Khalid ZAHER, op.cit., p.148.
440- I.BARRIERE- BROUSSE, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993, Clunet
1994, p.124, 1ère espèce.
441- J.FOYER. note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993, Rev.crit.DIP.1994, p.620.
442- C.cass., 1ère ch.civ., 10 mai 2006, JCP.2006. II.10165, note T.AZZI ; D.2006, inf.rap., p.1481,
observations I.GALLMEISTER ; D.2006, p.2890, note G.KESSLER et G.SALAME.

154
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

paternité naturelle formée par une femme algérienne vivant en Algérie


au nom de sa fille également algérienne et vivant en Algérie, à l’en-
contre d’un prétendu père ayant la nationalité française et résidant
en France443. Les hauts magistrats, en censurant l’arrêt de la Cour
d’appel qui s’était fondé sur le principe d’égalité entre enfants légitime
et naturel pour écarter l’application de la loi algérienne, ont décidé
qu’une loi qui ne permet pas l’établissement d’une filiation naturelle,
n’est pas contraire à la conception française de l’ordre public inter-
national, dés lors qu’elle n’a pas pour effet de priver un enfant de
nationalité française ou résidant habituellement en France du droit
d’établir sa filiation ».
La nationalité et le domicile, en tant que liens avec l’ordre juridi-
que du for, jouent des rôles opposés dans leur prise en compte comme
éléments déclencheurs de l’ordre public de proximité. Ainsi, ils sont
tantôt considérés par la jurisprudence comme des liens suffisamment
étroits avec le for et justifiant par conséquent le déclenchement de
l’exception de l’ordre public, tantôt comme des liens insuffisamment
étroits avec le for ce qui ne donne pas lieu à la mise en œuvre de cette
exception.
Selon les magistrats de la Cour de cassation, même la prise en compte
cumulative de ces deux critères, n’a pas justifié le déclenchement de la
réserve d’ordre public.
Cette position a pour justification le fait que la notion d’Inlandsbe-
ziehung exige une variation de la mise en œuvre du jeu de la réserve
d’ordre public suivant le degré de gravité de l’atteinte causée aux valeurs
du for. Plus cette atteinte est grave, moins sera exigée l’intensité des
liens avec l’ordre juridique du juge saisi444.

B- La deuxième condition : la gravité de l’atteinte portée aux


valeurs du for :
L’interdiction de l’établissement de la filiation naturelle ne constitue
443- L’arrêt de la Cour de cassation ne précise ni la nationalité du père, ni sa résidence. Nous
nous sommes néanmoins procuré les pièces du dossier qui mentionnent aussi bien la nationa-
lité française du père que sa résidence située en France.
444- F.KNOEPELER, P.SCHWEIZER, précis de droit international privé suisse, Editions
Staemplfli et Cie, Berne, 1990, p.123, n°365 ; A.BUCHER, « l’ordre public et le but social
des lois en droit international privé », Rec.Cours Acad.dr.inter., 1993-II, vol. 239.p.52 et 53,
n°25 et 26 ; M.-C. NAJIM, op.cit., p.473 et 474, n°507 et 508 ; N.JOUBERT, La notion de
liens suffisants avec l’ordre juridique ( Inlandsbeziehung) en droit international privé, thèse
paris I, 2002, p.173.

155
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

une atteinte à l’ordre public que lorsqu’il s’agit d’actions en recherche


de paternité naturelle mettant en cause des enfants français ou résidant
habituellement en France. Aussi, ont été déclarées contraires445 et
compatibles446, selon les cas, les lois étrangères qui ignorent ou in-
terdisent la filiation naturelle avec la conception française de l’ordre
public international. Il importe de souligner par conséquent que les
décisions récentes de la Cour de cassation s’inscrivent à contre-courant
de la législation actuelle en matière du droit de la famille, qui est de
plus en plus libéral447.
L’enfant naturel dont la condition ne remplit pas les critères requis
par la Cour de cassation s’en trouve d’autant plus affectée lorsque l’on
apprend qu’il y a vingt sept ans déjà, certaines juridictions de fond
n’avaient pas hésité, à écarter les lois étrangères qui refusent l’établis-
sement de la filiation naturelle à l’enfant.
Ces lois sont déclarées par les juges contraires à la conception fran-
çaise de l’ordre public international. L’interprétation donnée à la position
de la Haute juridiction est que se sont les liens de l’enfant avec l’ordre
juridique français, pris séparément, qui déterminent la gravité de l’at-
teinte à l’ordre public international. Le droit de l’enfant à établir sa
filiation naturelle n’est fondamentale que grâce à des considérations
spatiales, notamment la nationalité ou la résidence habituelle. Ce droit
n’est donc pas fondamental en lui-même.
Ces solutions encourent plusieurs reproches sur le plan de la technique
juridique, elles ne sont pas satisfaisantes en ce sens que les arguments
qui les sous-tendent sont discutables. L’application de la théorie de
l’Inlandsbeziehung conduit au relativisme et au subjectivisme448 qui
sont devenus deux caractères inhérents à la notion des valeurs défendus
par le for, ils prouvent l’indifférence de la jurisprudence française envers
le sort des enfants. Cette attitude ne peut s’expliquer « autrement que
par un égard porté par les juges à l’Inlandsbeziehun »449.
445- C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993, précité.
446- C.cass., 1ère ch.civ., 10 mai 2006, précité.
447- Ordonnance n° 2005-759, 4 Juillet 2005, J.O. 6 juillet 2005, p.11159.pour les com-
mentaires du texte, voir F.GRANET- LMBRETCHS et J.HAUSER, « Le nouveau droit
de la filiation », D.2006, p.17 ; T.GARE, « L’ordonnance portant réforme de la filiation »,
JCP.2006.I.144 ; J.MASSIP, « Le nouveau droit de la filiation », Défrenois 2006, art.38324,
p.6 et p.209.
448- L’expression est empruntée à Mme H.GAUDEMET- TALLON, note sous C.cass.,
1ère ch.civ., 10 Juillet 1979, Rev.crit.DIP.1980, p.97.
449- D.BODEN, L’ordre public : limite et condition de la tolérance (Recherches sur le plu-
ralisme juridique), thèse paris I, 2002, vol.II, p.748, n°684.

156
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Les juridictions belges ont adopté une position pas trop différente
de celle adoptée par les juridictions françaises. Mettant fin aux in-
certitudes qui découlaient des dispositions de l’article 3, alinéa 3 du
Code civil450, le code de droit international belge, dans son article 62,
consacre l’application de la loi nationale de la personne dont on cherche
l’établissement de la filiation naturelle.
Après s’être limités dans un premier temps à constater l’interdiction
de l’établissement de la filiation naturelle par le droit marocain451, les
Cours et tribunaux ont par la suite invoqué l’exception d’ordre public
afin de neutraliser la discrimination entre les enfants « naturels » et
« légitimes »452. L’évolution de la jurisprudence est liée à la réforme
législative du 31 mars 1987 instaurant un principe d’égalité des filiations
en droit belge à la suite de la condamnation de la Belgique par la
Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Marckx453. Depuis
lors, est considérée comme contraire à l’ordre public international belge
toute loi prohibant la reconnaissance de la filiation naturelle454.
On constate que la jurisprudence belge, à la différence de la juris-
prudence française, n’exige pas un élément de proximité, à l’instar de
la nationalité belge de l’enfant, pour écarter la loi étrangère interdisant
l’établissement de la filiation naturelle.

450- Fondée sur l’article 3, alinéa 3 du Code civil, la solution jurisprudentielle antérieure
déterminait la filiation au regard de la loi nationale sans préciser, lorsqu’il n’avait pas de na-
tionalité commune, s’il convenait de retenir la loi nationale du père, de la mère ou de l’enfant,
ce qui aboutissait à un certain flou juridique.
451- civ. Liège (3e ch.), 28 avril 1980, RTDF, 1981, p. 97 (père marocain, mère et enfant bel-
ges) ; J.P. Schaerbeek (1er canton), 27 mars 1985, JJP, 1986, p. 44, note ERAUW, J. (père
marocain, mère et enfant belges) ; Conseil d’Etat (3e ch.), 20 octobre 1987, Annales de droit
de Liège, 1988, p. 33, note GOTHOT, P. (père marocain, mère belge et enfant apatride).
452- civ. Bruxelles, 16 décembre 1992, Pas., 1993, III, p. 3 (enfant marocain) ; civ. Bruxel-
les, 29 juin 1994, RTDF, 1996, p. 231, note SAROLÉA, S. (enfant marocain) ; civ. Anvers,
30 juin 1998, Rechtskundig weekblad, 2000-2001, p. 311, note SWERTS,K. (enfant maro-
cain).
453- CEDH, MARCKX C. Belgique, 13 juin 1979, Série A, vol. 31 ; RIGAUX, F., « La loi
condamnée. Á propos de l’arrêt du 13 juin 1979 de la Cour européenne des droits de l’homme »,
J.T., 1979, p. 513.
454- Voir pour des hypothèses d’écartement pour contrariété à l’ordre public de la loi souda-
naise, de la loi algérienne et de la loi turque ignorant l’établissement de la filiation naturelle :
civ. Bruxelles (3e ch.), 30 juin 1981, J.T., 1981, p. 723, note WATTÉ,N. (père soudanais, mère
belge, enfant belgo-soudanais) ; civ. Anvers, 2 novembre 1983, RDE, 1983, p. 134 (père et enfant
algériens) et civ. Bruxelles, 12 janvier 2005, JLMB, 2008, p. 834, note WAUTELET,P. (père et
enfant algériens) ; civ. Anvers (2e ch.), 6 mai 1992, RGDC, 1993, p. 77 (père et enfant turcs).

157
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

C- Appréciation critique :
Plusieurs reproches sont adressés à l’encontre des décisions qui
lient la réserve de l’exception d’ordre public à l’implication de personnes
ayant la nationalité française. Ces reproches tiennent au fait que ces
décisions jurisprudentielles favorisent les ressortissants de l’Etat où la
décision est rendue455.
En réalité, le déclenchement de l’exception de l’ordre public en raison
de la nationalité de l’un des plaideurs, contrairement à ce qui a été
soutenu456 ne favorise pas toujours les nationaux. Pour reprendre le
cas de l’action en recherche de paternité naturelle, le jeu de l’exception
d’ordre public sera ou non mis en œuvre selon que l’enfant a ou non la
nationalité française. Les critiques précédemment formulées prennent
toute leur dimension dans chacun de ces deux cas. Par contre, si les
juridictions décidaient que la nationalité du prétendu père457 constitue
elle aussi un lien suffisant avec le for458, le déclenchement de la réserve
d’ordre public en raison de cette attache ne serait pas considérée comme
un moyen de protection en faveur des seuls français, mais un moyen
de protection au service des enfants naturels contre des prétendus pères
français qui invoquent l’application de la loi nationale de la mère in-
terdisant l’établissement de la filiation naturelle.
Il est nécessaire de rappeler à ce niveau que les plaideurs de natio-
nalité française invoquent les lois étrangères qui prohibent la recherche
de la filiation naturelle pour échapper aux effets de la filiation. Dès

455- A propos du divorce, voir H.GAUDEMET-TALLON, note sous C.cass., 1ère ch.civ.,
10 Juillet 1979, précité. Selon cet auteur « si l’on estime ( à tort selon la jurisprudence) que
le droit au divorce est d’ordre public international, on doit l’admettre quelle que soit la na-
tionalité des époux en cause, en tant que droit attaché à la personnalité juridique de chacun
et non à la nationalité française de chacun d’entre eux », p.97 ; aussi à propos du même arrêt,
voir D.ALEXANDRE qui estime qu’il y a des dispositions étrangères qui sont tellement
foncièrement différentes des conceptions nationales fondamentales que l’ordre public inter-
vient nécessairement à leur encontre sans que l’on ait à rechercher l’existence d’une attache
particulière avec le for », note sous C.cass., 1ère ch.civ, 1er avril 1981, Clunet 1981, p.824 ; à
propos de la filiation, J.FOYER qui reconnaît qu’il « peut paraître choquant que, selon l’in-
tensité des attaches avec notre pays, un enfant illégitime ait ou n’ait pas droit de rechercher
son père en justice », note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993, précité, p.631.
456- H.GAUDET-TALLON, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 juillet 1979, précité ;
D.ALEXANDRE, note sous C.cass., 1ère ch.civ, 1er avril 1981, Clunet 1981, p.812 ;
J.FOYER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février , 1993, précité.
457- Hypothèse évidemment réservée aux cas où l’enfant n’est ni français, ni résidant en
France. Ces cas sont loin d’être une hypothèse d’école. Voir par exemple C.cass., 1ère ch.civ.,
10 mai 2006, précité.
458- Il faut rappeler qu’il s’agit, après tout, d’un rapport de droit mettant en cause deux
parties : l’enfant et le père.

158
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

lors, on peut constater que l’ordre public de proximité ne doit pas


être systématiquement pris pour un moyen de protection en faveur
des seuls français. En réalité, la position actuelle de la jurisprudence
française offre à un enfant naturel étranger459 ayant sa résidence en
France, né de mère étrangère ne résidant pas en France, la possibilité
d’établir sa filiation à l’égard de son prétendu père étranger résidant
en France. Par contre, elle ne donne pas cette possibilité à un en-
fant naturel étranger n’ayant pas sa résidence en France, né de mère
étrangère résidante en France, d’établir ce même droit vis-à-vis d’un
prétendu père français et résidant en France460.
Le droit d’établir la filiation naturelle à l’égard du père ne doit être
qualifié de fondamental que dans les cas d’enfants ayant la nationa-
lité française ou résidants en France. M. Lagarde reconnaît lui-même
que : « l’impossibilité pour l’enfant algérien de rechercher son père
français choquerait aussi, surtout si le père et l’enfant résident en
France »461.
Loin de nier tout contraste avec l’ordre public, l’adverbe « surtout »
ne fait que souligner l’ampleur de l’atteinte à une valeur protégée par
le for dans cette situation précise et qui devrait justifier l’intervention
de l’exception de l’ordre public aussi bien dans le cas premier que
dans le deuxième.
Prétendre que la prise en compte du critère de la résidence habituelle
aboutit à écarter toute reproche de nationalisme462 sur la notion d’ordre
public n’est donc pas fondé étant donné que la résidence, considérée
comme critère de la mise en œuvre de l’exception de l’ordre public,
encourt exactement les mêmes reproches que la nationalité.
D’ailleurs, si quelques auteurs sont favorables à une modulation
du déclenchement de l’ordre public en fonction de la réalisation ou
non de l’un de ces deux critères, c’est parce qu’ils jugent « exception-
nel que des enfants n’ayant pas de lien avec la France saisissent les
tribunaux français »463.
459- Cet enfant pourrait devenir français si sa filiation venait à être établie.
460- Il ne s’agit pas d’une simple hypothèse d’école. Nombreux sont les filles issues de familles
étrangères qui n’hésitent pas à quitter avec leur enfant le territoire français par crainte de re-
présailles familiales sans pour autant renoncer à rechercher judiciairement le père naturel.
461- P.LAGARDE, note sous TGI. Paris, 23 avril 1979, Rev.crit.DIP.1980, p.83.
462- M.-C.NAJAM, op.cit., p.490, n°510.
463- J.FOYER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993, précité. A l’appui de son
argument, M.FOYER cite curieusement un jugement du TGI.de Paris qui avait refusé d’op-
poser l’ordre public à l’encontre de la loi sénégalaise qui interdit l’établissement de la filiation

159
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Pourtant, les actions en recherche de paternité naturelle formées


contre des prétendus pères français ne sont pas exceptionnels. Et si
les juges n’acceptent pas de déclencher l’exception d’ordre public
dans de pareilles situations, c’est parce qu’ils considèrent que l’in-
terdiction de rechercher son père naturel n’est pas une atteinte à un
droit fondamental de manière que l’intensité de l’attache avec l’ordre
juridique français soit moins exigée.

2. Deuxième reproche :
Pour les partisans de la théorie de l’ordre public de proximité, l’im-
portance de l’attache avec le for sera moins déterminante pour le dé-
clenchement de l’exception d’ordre public chaque fois qu’il s’agit de
protéger des droits que l’ordre juridique du for estime fondamentaux464.
Deux remarques peuvent être faites à propos de cette conception
de l’ordre public. La première est relative à la distinction qu’elle fait
entre des valeurs fondamentales et d’autres moins fondamentales465,
la deuxième est relative à sa technique d’intervention.
Si l’exception de l’ordre public, comme nous venons de le constater,
n’est déclenchée que lorsque la défense de droits fondamentaux est
en cause, il ne revient pas aux attaches avec le for de déterminer si
tel droit mérite ou non cette protection, comme c’est le cas pour les
actions en recherche de paternité. Les principes fondamentaux existent
indépendamment de la force des liens avec l’ordre juridique du for.
Affirmer que l’ordre public de proximité est conditionné par le prin-
cipe de proportionnalité c’est dire qu’un droit n’est pas fondamental

naturelle. Dans cette affaire, le prétendu père était de nationalité française et résidait en
France, l’enfant franco-sénégalais résidait en France au moment de l’introduction de l’ins-
tance (mais il était reparti vivre au Sénégal après le décès de sa mère et était élevé par sa
grand-mère sénégalaise). Il est pour le moins surprenant de considérer comme « n’ayant pas
de lien avec la France » un enfant français ayant vécu en France jusqu’à l’introduction de
l’instance, né de mère sénégalaise résidant en France. Il est regrettable que l’auteur n’expli-
que pas pourquoi l’affaire ne présente pas de lien avec l’ordre juridique français.
464- F.KNOEPELER, P.SCHWEIZER, précis de droit international privé suisse, Editions
staemplfi et cie, Berne, 1990, p.123, n°365 ;A.BUCHER, « L’ordre public et le but social des
lois en droit international privé », Rec.cours Acad.dr.inter 1993-II, p.52 et 53, n°25 et 26 ;
H.BATIFFOL et P.LAGARDE, op.cit., t.I, 8ème éd., p.577, n°359-2 ; N.JOUBERT, thèse
précitée, p.173.
465- La corrélation entre l’exigence des attaches avec le for et le degré de gravité du heurt
que pourrait provoquer l’application de la loi étrangère ne constitue pas un apport nouveau
dans l’élaboration du droit international privé. Cette proposition a été émise pour la première
fois par le juriste allemand ZITELMANN à la fin du 19ème siècle. Sur l’ensemble de la ques-
tion, voir D.BODEN, thèse précitée, vol.II, p.699 et 700, n°1416.

160
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

que dans la mesure où le cas présente des attaches fortes avec le for,
ce que personne, du moins expressément, n’a osé soutenir. Ainsi,
l’exception d’ordre public n’effectuera plus son rôle d’écartement des
normes étrangères non désirables mais tiendra par contre lieu de rat-
tachement subsidiaire chaque fois que la règle de conflit n’autorise pas
l’application des lois qui protègent des personnes ayant un rapport
avec le for466. Si on veut ajouter à cela la constatation selon laquelle
l’importance des liens avec le for est appréciée par les juges différem-
ment, « la tentation serait grande de tirer le constat résigné que sont
fondamentaux les principes que les juges estiment fondamentaux,
et considérables les heurts que les juges estiment considérables »467.
Pour les partisans de l’ordre public de proximité, cette relativisation
des principes fondamentaux est justifiée par une harmonisation néces-
saire des solutions en droit international privé468. Elle a l’avantage de
diminuer les exigences de l’ordre public dans un sens plus favorable à
la réception des lois étrangères plus restrictives, ce qui pourra éviter
les situations boiteuses.

3. Troisième reproche :
Certains auteurs soutiennent que l’application de la loi française,
après l’intervention de l’exception d’ordre public dans les actions
qui concernent la recherche de paternité naturelle, mettrait en cause
l’harmonie internationale des solutions dans des cas présentant plus
de liens avec un ordre juridique étranger qu’avec le for469.
Il s’agit ici, en réalité, de la création d’un rapport de droit en France.
Puisque le juge français est saisi d’une action en recherche de pater-
nité naturelle, l’ordre juridique français est directement concerné470.
Par conséquent, l’ordre public français doit pouvoir intervenir pour
« consacrer une situation préexistante non encore révélée (action en

466- Rapprochez Y.LEQUETTE, note sous C.A.Paris, 14 juin 1994, Rev.crit.DIP.1995,


p.308, spéc.315 ; aussi, J.FOYER, « Droits internationaux de l’homme et l’ordre public in-
ternational », in Mélanges RAYMOND GOY, publications de l’université de Rouen, 1998,
p.333, spéc.p.345.
467- D.BODEN, thèse précitée, vol.II, p.714.
468- N.JOUBERT, thèse précitée, p.246 et 247, n°280 ; M.-C.NAJM, op.cit., p.484, n°504.
469- C.CHABERT, L’intérêt de l’enfant et les conflits de lois, presses Universitaires d’Aix-
Marseille, 2001, p.379, n°771 ; J.FOYER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 février, 1993 ;
N.JOUBERT, thèse précitée, p.246 et 247, n°280 ; M.-C.NAJM, op.cit., p.487, n°508.
470- Dans le même sens à propos du divorce, D.ALEXANDRE, note sous C.A.paris, 11
juillet 1978, Clunet 1979, p.613.

161
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

recherche de filiation naturelle ou légitime)471. Le souci de protéger


les principes du for doit l’emporter sur celui de préserver l’harmonie
des solutions en droit international privé472. Si certains rapports de
droit privé ont peu de liens avec l’ordre juridique français, elles en
ont plus avec d’autres pays où la décision à rendre risque à produire
ses effets. Dans ce cas, il serait raisonnable que le juge français se
préoccupe du destin que réserveront les juridictions étrangères au
jugement qu’il va rendre.

Parag II : Les solutions adoptées par la jurisprudence :


L’exposé des solutions adoptées par la jurisprudence (A) sera suivi
d’une analyse critique (B).

A- L’exposé des solutions jurisprudentielles :


C’est dans le droit de la filiation naturelle que la théorie de l’ordre
public de proximité a trouvé son terrain de prédilection473. Les solu-
tions jurisprudentielles adoptées par le tribunal de grande instance
de paris témoignent de l’inconstance de la jurisprudence de cette juri-
diction474 (1). Quant aux décisions rendues par la Cour de cassation
concernant cette matière, elles rendent compte des fluctuations d’une
jurisprudence difficile à interpréter (2).

1. Les décisions du TGI de paris : l’inconstance d’une jurisprudence :


La théorie de l’Inlandsbeziehung a été évoquée, en matière de filia-
tion naturelle, pour la première fois475 dans une décision rendue par

471- P.MAYER et V.HEUZE, précis de droit international privé, Montchrétien, 2004, 8ème
édition, p.151, n°207.
472- W.WENGLER, « Les principes généraux du droit international privé et leurs conflits »,
Rev.crit. DIP.1952, p.595 (pour la première partie) et Rev.crit.DIP.1953, p.37 (Pour la suite
et fin). Cet auteur fait remarquer que « le principe de l’ordre public se voit de son côté in-
contestablement assuré en droit positif de la priorité sur tous les autres principes généraux.
A l’encontre de l’interdiction d’appliquer certaines règles matérielles étrangères exprimée
par l’ordre public, on ne peut faire valoir qu’une règle de conflit positive ou en autre prin-
cipe général prescrirait précisément l’emploi de ces règles matérielles. Ce n’est que par l’in-
terdiction d’appliquer la règle étrangère soit, parce que prohibitive, plus impérative que le
commandement positif de la règle de conflit normale : c’est parce que le droit positif assigne
à l’ordre public en tant que tel une force obligatoire plus grande que celle des autres règles
de conflits », p.47.
473- N.JOUBERT, thèse précitée, p.218, n°251.
474- Ibid.
475- J.FOYER, « Filiation », Rép. Dalloz Dr. inter., n°305 ; aussi N.JOUBERT, thèse pré-
citée, p.219, n°252.

162
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

le tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 1979476. Il s’agissait


dans cette affaire d’une action en recherche de paternité naturelle formée,
contre un prétendu père français et résidant en France, par une mère
algérienne au nom de sa fille française et qui réside en France depuis
sa naissance. Le problème posé était de savoir si la loi algérienne, en
tant que loi nationale de la mère au jour de la naissance de l’enfant,
applicable en vertu de l’article 311-14 du Code civil était ou non
contraire à l’ordre public dans la mesure où elle ne reconnaît pas la
filiation naturelle. Le tribunal constate dans un premier temps que
« l’on ne peut s’empêcher d’observer qu’ainsi, à la faveur de la loi
personnelle de la mère demanderesse, le défendeur, citoyen français,
domicilié en France, serait en droit d’interdire à un enfant lui-même
français et résidant en France, de faire reconnaître sa filiation par
une juridiction française ». Dans un deuxième temps, la juridiction a
annoncé dans un motif général qu’il « convient d’examiner si, en toute
hypothèse, la loi algérienne n’est pas, en ce qu’elle interdit absolument
tout mode d’établissement d’une filiation naturelle, intrinsèquement
contraire à l’ordre public français ». Le tribunal, qui s’est appuyé sur
la loi du 3 janvier 1972 ayant rapproché les filiations légitime et natu-
relle, a tiré la conséquence en vertu de laquelle « une disposition légale
étrangère déniant à un enfant au motif qu’il est né hors mariage, tout
droit à établir sa filiation, est fondamentalement opposée à la concep-
tion française moderne des droits de l’homme et, comme telle heurte
l’ordre public français ». On peut remarquer que le motif général ne
laisse pas déduire que les critères de liens avec l’ordre juridique fran-
çais ont été déterminants dans la mise en œuvre de l’exception d’ordre
public en ce sens qu’il ne relève que la seule atteinte à l’ordre public
français.
Pourtant, certains auteurs ont avancé que les deux passages ne
peuvent être séparés. M.LAGARDE écrit477 : « C’est parce que l’enfant
et le père prétendu sont français et résidant en France qu’il est jugé
qu’une loi étrangère privant l’enfant du droit d’établir sa filiation est

476-TGI.paris, 23 avril 1979, précité.


477- P.LAGARDE, note sous TGI. Paris, 23 Avril 1979, précité, p.87 ; dans le même sens,
N.JOUBERT, thèse précitée, p.219, n°252. Après avoir relevé que l’existence de liens im-
portants entre le litige et le for n’est pas mentionné dans le motif général du jugement »,
l’auteur estime qu’il « peut néanmoins noter avec M.LAGARDE que c’est principalement au
regard de ces éléments de fait rattachant le litige au for que le tribunal admet la contrariété à
l’ordre public de la loi étrangère ».

163
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

contraire à l’ordre public ». Mais, l’argument n’emporte pas la conviction


car a aucun moment, la juridiction ne fait comprendre que les attaches
avec le for ont provoqué la mise en œuvre de l’exception d’ordre public.
Au contraire, le tribunal de grande instance de Paris a estimé convena-
ble, en toute hypothèse, de rejeter la loi algérienne qui refuse d’établir
la filiation naturelle parce que intrinsèquement contraire à l’ordre public
français.
La juridiction conclut que la dite loi est fondamentalement opposée
à la conception française relative aux droits de l’enfant. Il est clair que
le jugement, dans son motif général, n’a pas subordonné la réserve
de l’ordre public à la réalisation d’éléments d’ordre spatial comme la
nationalité ou la résidence habituelle. De même, la dite juridiction n’a
pas classé selon un ordre hiérarchique les atteintes à l’ordre public en
fonction de la force des attaches avec l’ordre juridique français478.
Cette interprétation n’est bien sûr pas la seule possible. D’autres
auteurs ont soutenu que la loi étrangère interdisant l’établissement de
la filiation naturelle n’est contraire à l’ordre public que « si le litige en
cause présente des liens suffisants avec l’ordre juridique du for. Cette
loi étrangère n’est pas en soi contraire à l’ordre public mais le devient
seulement s’il existe des liens suffisants entre le litige et le for »479.
D’autres jugements rendus par le même tribunal ont été invoqués
pour appuyer cette affirmation.
Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement
le 3 juin 1980480 refusant de déclencher l’exception d’ordre public à
l’encontre de la loi sénégalaise. Il s’agissait dans cette affaire d’une
action en recherche de paternité naturelle formée par un enfant franco-

478- Il est curieux de voir le sommaire de la décision, tel que rapporté à la Revue critique,
annoncer l’attendu en italique comme suit : « Il serait en effet particulièrement choquant qu’à
la faveur de la loi personnelle de la mère demanderesse, normalement applicable en vertu
de l’article 311-14 du Code civil, le défendeur, citoyen français, domicilié en France, soit en
droit d’interdire à un enfant lui-même français et résidant en France de faire reconnaître sa
filiation par une juridiction française ». Deux remarques s’imposent à ce propos. En effet,
l’adverbe « particulièrement » et l’adjectif « choquant » ne figurent nulle part dans le texte de
la décision du tribunal de grande instance. La deuxième remarque découle naturellement de
la première. Introduire l’expression « particulièrement choquant » au prix d’une interpréta-
tion personnelle pourrait laisser entendre que les juges parisiens n’ont déclenché l’exception
d’ordre public qu’après avoir relevé l’intensité des liens que le litige présente avec le for. Ce
qu’une lecture attentive de la décision permet d’écarter.
479- N.JOUBERT, thèse précitée, p.220, n°253.
480- Décision citée par G.SUTTON, « Les articles 311-14 et suivants du Code civil à l’épreuve
de la jurisprudence du tribunal de Grande Instance de Paris », Trav.Com .Fr.DIP.1982-1984,
p.199.

164
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

sénégalais contre son prétendu français et résidant en France. L’enfant


demandeur réside au Sénégal depuis le décès de sa mère mais, au mo-
ment de l’introduction de l’instance, il résidait en France. La grand-
mère, en tant que tutrice de l’enfant, demande l’application de la loi
française en justifiant que la loi qui interdit à l’enfant le droit d’établir
sa filiation (notamment la loi sénégalaise) heurte l’ordre public en ce
sens qu’elle est contraire à la conception française des droits de l’en-
fant. La grand-mère a aussi rappelé l’attendu du jugement rendu le
23 avril 1979 par le même tribunal qui n’a pourtant pas été convaincu
par cette argumentation et a décidé « que l’exception de l’ordre pu-
blic par laquelle pourrait être paralysée la règle de conflit ne doit pas
être envisagée in abstracto, que c’est en considération des données
concrètes de l’espèce et des circonstances dans lesquelles serait, en
fait, appliquée la loi étrangère que doivent être appréciées les exigen-
ces de l’ordre public ;… que peu de temps après le décès de sa mère,
la petite Tinéhinan a été amenée à Dakar, qu’elle y est élevée auprès
de sa grand-mère maternelle et tutrice, qui est sénégalaise, et sous
les auspices d’un conseil de famille composé de parents ou alliés de
sa mère, tous sénégalais et résidant à Dakar ; qu’ainsi il apparaît bien
que l’enfant est appelée à vivre et à s’intégrer dans le pays et le milieu
culturel dont sa mère était originaire ; que dans ces conditions l’on ne
saurait considérer que l’ordre public français serait heurté par l’ap-
plication de la loi personnelle de la mère ». La longue reproduction de
l’attendu de ce jugement a pour but de souligner les différences qu’il
contient par rapport à celui qui a été rendu par la même juridiction
trois ans auparavant.
Contrairement à ce dernier, ce jugement précise explicitement l’en-
racinement de ce cas d’espèce dans un pays étranger comme cause de
la non mise en œuvre de la réserve d’ordre public, alors que dans le
premier jugement le tribunal avait affirmé que la loi algérienne était
intrinsèquement contraire à l’ordre public481. Ceci laisse comprendre
que la force des attaches que le cas d’espèce avaient avec le for n’avait
pas été déterminante. La solution adoptée n’était donc pas identique à
celle de la décision de 1979482. Dans le même ordre d’idées, supposant

481- N.JOUBERT, thèse précitée, p.221, n°253.


482- Voir cependant contra, N.JOUBERT, thèse précitée, p.220, n°253. Cet auteur affirme
que « la solution retenue est donc bien la même que celle du jugement de 1979 : la loi étran-
gère qui prohibe l’établissement de la filiation est contraire à l’ordre public s’il existe des

165
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

même que le tribunal de grande instance de Paris avait pris en compte


la nationalité française du prétendu père et de l’enfant ainsi que leur
résidence en France pour opposer l’ordre public français à la loi
algérienne dans le jugement du 23 Avril 1979, il est difficile de ne pas
remarquer que ces deux critères n’ont pas été pris en considération
dans la décision du 3 juin 1980 qui a appliqué la loi sénégalaise. Le
prétendu père et l’enfant avaient tous les deux la nationalité française,
le premier résidant en France mais l’enfant, lui, résidait au Sénégal au
moment du jugement. Donc, les deux affaires avaient les mêmes liens
avec la France à l’exception que pendant l’instance, l’enfant résidait à
l’étranger. A moins que l’on estime que l’élément le plus déterminant
dans le déclenchement de l’exception d’ordre public de proximité est
la résidence actuelle de l’enfant (ce qui ne paraît pas raisonnable car
l’enfant pourrait revenir vivre en France étant donné qu’il est français)483.
Les attaches avec le for étaient identiques, par contre les solutions adop-
tées ne l’étaient pas. Dans ces conditions, il n’est pas facile de parler
de constance de la jurisprudence relative au tribunal de grande instance
de paris.
Ceci a été confirmé par une autre action en recherche de pater-
nité, formée par un enfant algérien contre un prétendu père algérien
résidants tous les deux en France. L’affaire est soumise en vertu de
l’article 311-14 à la loi algérienne de la mère, le tribunal de grande
instance de paris a considéré que l’affaire n’a pas suffisamment de liens
avec l’ordre juridique français. Elle n’a pas accepté de mettre en œuvre
l’exception d’ordre public pour écarter la loi algérienne malgré le fait que
toutes les parties au litige (prétendu père, enfant et mère) résidaient
en France484. La juridiction déclare l’action irrecevable parce qu’elle a
considéré que les liens avec le for, notamment la résidence en France
de toutes les parties au procès « trop ténus pour justifier l’éviction de
la loi algérienne ». Il est curieux de constater que le même tribunal a

liens suffisants entre le litige et le for » . Or, le juge ayant rendu les deux décisions a reconnu,
lui-même, après avoir mentionné la décision de 1979, que les juges du tribunal de grande
instance de Paris ont voulu (par la décision de 1982) marquer « des limites à une conception
très extensive de l’exception d’ordre public (allusion faite au jugement de 1979) qui risque-
rait de conduire à l’exclusion de toute loi plus restrictive que la loi française », G.SUTTON,
communication précitée, p.198.
483- J.FOYER, article précité, n°308.
484- TGI.de paris, 9 février 1982, décision citée par G.SUTTON, « Les articles 311-14 et
suivants du Code civil à l’épreuve de la jurisprudence du Tribunal de Grande Instance de
paris », Trav.Com.Fr. DIP. 1982-1984, p.199.

166
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

estimé ancré dans l’ordre juridique sénégalais une affaire opposant


un prétendu père français et résidant en France à son enfant français,
né en France et ayant vécu, en se fondant sur la résidence actuelle au
Sénégal de l’enfant.
Si la résidence à l’étranger de l’enfant durant l’instance a paru à la
juridiction comme un élément de rattachement plus important que les
trois autres éléments conjugués (à savoir la nationalité française de
l’enfant, celle de son prétendu père ainsi que la résidence en France
de ce dernier), pourquoi ce même élément de rattachement, même
conjugué avec la résidence en France de la mère et du prétendu père,
a été déclaré comme « trop ténu pour justifier l’éviction de la loi algé-
rienne » dans la décision du 9 février 1982 ?
La juridiction parisienne a rendu une décision totalement contraire
à celle du 9 février 1982 dans une affaire pourtant identique. Un litige
où toutes ses parties étaient marocaines mais résidaient en France. Le
tribunal de grande instance de paris a écarté la loi marocaine inter-
disant l’établissement de la filiation naturelle à un enfant à l’égard de
son père et la déclare ainsi « fondamentalement contraire à la concep-
tion moderne des droits de l’enfant et (partant) heurte l’ordre public
international français485 ».
Il faut noter à cet égard que la Cour de cassation, entre temps,
avait rendu un arrêt très célèbre le 10 février 1993 où elle a déclaré
que l’ordre public français s’oppose à l’application des lois étrangères
interdisant l’établissement de la filiation naturelle à un enfant ayant la
nationalité française ou la résidence en France. Dès lors, les mêmes
éléments de rattachement considérés auparavant comme trop ténus
sont considérés aujourd’hui incontestablement un enracinement dans
l’ordre juridique français.
L’ordre public international est une notion incontestablement évo-
lutive et liée plus particulièrement à l’évolution du droit interne, mais
la résidence en France de toutes les parties (étrangères en l’occurrence)
au litige ne saurait être considérée, tantôt comme un lien suffisant, tan-
tôt comme un lien insuffisant sous peine de tomber dans la contradic-
tion486. Dans le même ordre d’idées M.LIBCHABER remarque « avec
l’affadissement de la règle, c’est la notion de jurisprudence-entendu
485- TGI. De Paris, 5 Avril 1994, D.1995, Somm.comm., p.118, observations F.GRANETS-
LAMBRECHTS.
486- KHALID ZAHER, op.cit., p.162.

167
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

comme norme de comportement judiciaire, déduite des décisions- qui


est en crise : la diversité des jugements nous laisse en présence d’une
collection de manifestations d’équité qui procèdent de standards si
vagues qu’ils découragent la prévision, et apportent au jugement le
même type d’affaiblissement que le droit flou à la règle »487. Soutenir
que « la jurisprudence du tribunal de paris apparaît comme un modèle
en matière de mise en œuvre in concreto de l’exception d’ordre public »488
est curieux.
Le tribunal de grande instance de Paris a différemment apprécié
la résidence de l’enfant comme lien d’attache avec le for. Déterminant
dans certains cas, mais trop ténu dans d’autres. La conséquence en est
une jurisprudence inconstante489. Il est très clair, en tant que condition
de la mise en œuvre de l’exception d’ordre public, la force des attaches
avec l’ordre juridique du for n’a pas permis aux jugements de la juridic-
tion parisienne de gagner en prévisibilité. Et les décisions de la Haute
juridiction en la matière n’ont pas dissipé toutes les ambiguïtés.

2. Les décisions de la Cour de cassation : Une jurisprudence fluctuante :


La grande majorité des auteurs, après l’entrée en vigueur de la
loi de 1972, défendaient un changement d’attitude de l’ordre public
à l’égard des lois étrangères plus restrictives en matière de filiation
naturelle que la loi française490. Selon ces auteurs, une attitude plus
ferme de l’ordre public vis-à-vis des lois qui interdisent l’établisse-
ment de la filiation naturelle à l’égard du père est commandée par
l’intérêt de l’enfant491.
Dans un premier temps, cet argument n’a pas convaincu la Cour
de cassation. A l’occasion d’une action en recherche de paternité na-
turelle formée par une mère algérienne (devenue française durant

487- R.LIBCHABER, « Réflexions sur le « désordre juridique français » », in Une certaine


idée du droit, mélanges offerts à ANDRE DECOCQ, Litec2004, p.407.
488- N.JOUBERT, thèse précitée, p.227, n°261.
489- Voir cependant contra, N.JOUBERT, thèse précitée, p.219, n°252.
490- M.SIMON- DEPITRE et J.FOYER, « La loi du 3 janvier 1972 et le droit international
privé », JCP.1973.I.2566, n°225 et suivants, étude parue aussi sous le titre Le nouveau droit
international privé de la filiation (L.3janvier 1972), éditions techniques ; A.PONSARD, « La
loi française du 3 janvier 1972 et les conflits de lois en matière de filiation », Clunet 1972,
p.776 ; A.HUET, « Les conflits de lois en matière d’établissement de la filiation depuis la loi
du 3 janvier 1972 », rapport du colloque des 13 et 14 octobre, in Les conflits de lois en matière
de filiation en droit international privé français, allemand et suisse, Travaux de l’institut de
droit comparé de la faculté de droit de Strasbourg, LGDJ1973, p.58 et suiv.
491- J.FOYER, article précité, n°295.

168
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

l’instance) ayant sa résidence en France au nom de sa fille, elle-même


française et résidant en France, contre un prétendu père très vrai-
semblement français492, la Cour de cassation a statué que « les lois
étrangères qui prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne
sont pas contraires à la conception française de l’ordre public inter-
national dont la seule exigence est d’assurer à l’enfant les subsides qui
lui sont nécessaires »493. Et ce n’est sûrement pas la faible intensité des
liens avec le for qui peut justifier cette décision494. Parce qu’au mo-
ment où l’arrêt a été rendu par la Cour d’appel, les trois parties aux
litiges étaient tous français et résidaient en France. Si la nationalité
algérienne de la mère justifie l’application des dispositions de l’article
311-14 du Code civil, il n’en reste pourtant pas moins que l’affaire est
très enracinée dans l’ordre juridique français495. L’espèce se prêtait
donc bel et bien à l’adoption de la théorie de l’Inlandsbeziehung496.
Cependant, la haute juridiction a appliqué purement et simplement la
loi algérienne qui interdit formellement l’établissement de la paternité
naturelle.
Soulignons qu’en appliquant la loi algérienne désignée par l’article
311-14 du Code civil, la Cour de cassation a soumis un litige devenu
strictement français en cours d’instance à une loi étrangère497. Les
termes de l’arrêt peut laisser comprendre que sur le fondement de la
loi algérienne que les juges ont accordé à l’enfant des subsides et c’est
en ce sens que cette dernière a été considérée non contraire à l’ordre
public français498.
Selon l’expression employée par la Haute juridiction, on peut penser
que si la loi algérienne interdit à l’enfant d’établir sa filiation naturelle,
elle lui permet en revanche d’obtenir des subsides. Or, la loi algérienne

492- Si la nationalité du père n’est pas mentionnée dans l’arrêt, M.LEQUETTE conclut à
la nationalité française du prétendu père en s’appuyant sur une interprétation a contrario
de l’arrêt du 11 Octobre 1988, C.cass., 1ère ch.civ., 11octobre 1988, Y.LEQUETTE et la
chronique, « L’abandon de la jurisprudence BISBAL ( à propos des arrêts de la première
chambre civile du 11 et 18 octobre 1988), Rev.crit.DIP.1989, p.277.
493-C.cass., 1ère ch.civ., 3 novembre 1988, Rev. crit. DIP.1989, p.495, note J.FOYER ;
Defrénois 1989. 306. observations J.MASSIP.
494- N.JOUBERT, thèse précitée, p.222, n°255.
495- La mère était devenue française en cours d’instance.
496- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.164,.
497- Y.LEQUETTE, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 6 juillet 1988, précitée, p.75. Sur la règle
de conflit de l’article 311-14.
498- Dans le même sens F.MONEGER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 3 Novembre 1988,
précitée, p.607.

169
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

n’ouvre pas le droit à l’enfant naturel d’avoir des subsides. Ceux-ci


ont été accordés donc sur le fondement de la loi française.
Le plancher de tolérance fixé par la Haute juridiction qui exige
seulement des aliments peut porter à croire que l’exception d’ordre
public international aura quelque rôle à jouer chaque fois que la loi
étrangère désignée par l’article 311-14 interdit l’allocation des aliments.
Or le problème ne se posera pas avec la Convention de La Haye du
2 octobre 1973 entrée en vigueur le 5 Octobre 1977 relative à la loi
applicable aux obligations alimentaires. Cette convention prévoit une
hiérarchisation des rattachements. Ainsi, selon l’article 4, c’est la loi
interne de la résidence habituelle de l’enfant créancier qui est com-
pétente. Si cette loi lui interdit l’obtention d’aliments, l’enfant peut se
prévaloir conformément à l’article 5 de la loi nationale commune des
parties. Dans les cas où ces deux rattachements susmentionnés ne
lui donnent pas le droit aux aliments, l’enfant peut se prévaloir selon
l’article 6 de la loi de l’autorité saisie.
La Convention de 1973, en abrogeant l’article 311-18 du Code civil499,
autorise de recouvrer, conformément à son article 6, la compétence de
la loi française toutes les fois où la juridiction française est compétente
et que les rattachements prévus par les articles 4 et 5 n’ouvrent pas le
droit à l’enfant d’obtenir des aliments. Donc, est dénuée de tout sens
l’affirmation de la Cour de cassation selon laquelle « les lois étran-
gères qui prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne sont
pas contraires à la conception française de l’ordre public international
dont la seule exigence est d’assurer à l’enfant les subsides qui lui sont
nécessaires ». Car parmi deux choses une. Soit les lois désignées par
la Convention dans ses articles 4 et 5 donnent la possibilité à l’enfant
d’avoir des subsides et l’ordre public n’aura aucun rôle à jouer dans
ce cas. Soit ces lois ne lui donnent pas cette possibilité et, dans ce cas
le juge devra accorder des aliments sur le fondement de l’article 340-7
du Code civil en application de la loi française comme l’exige l’article
6 de la dite Convention.
Le résultat en est que l’exception d’ordre public n’aura pas à in-
tervenir pour écarter une loi étrangère qui ne donne pas droit aux
aliments puisque c’est la loi française qui sera compétente dans ce cas.

499- P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.452, n°621 ; B.AUDIT, op.cit.,p.577 et 578, n°727 ;
F.MONEGER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 3 Novembre 1988, précitée, p.707.

170
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Aussi, dans le cas où la Haute juridiction a voulu par cet arrêt « fixer
un plancher minimal qui est le droit aux subsides »500, l’arrêt ainsi formulé
pourrait être faussement interprété par les juridictions de degré infé-
rieur et par conséquent aboutir au résultat contraire par rapport à celui
cherché par la Cour de cassation.
La décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 13 décembre
1989501 peut être interprétée dans ce sens. Dans cette affaire, il s’agis-
sait d’une action en recherche de paternité naturelle formée par une
mère de nationalité tunisienne au nom de son enfant à l’encontre du
prétendu père502. Ayant conclu que la loi nationale de la mère étran-
gère interdit à l’enfant d’établir sa filiation naturelle et par conséquent
d’obtenir des subsides, la Cour d’appel a statué que « la conception
française de l’ordre public international -dont l’exigence est d’assu-
rer à l’enfant naturel les subsides qui lui sont nécessaires- s’oppose
dés lors à l’application en France de la loi tunisienne normalement
compétente et il convient, en conséquence, de statuer selon la loi fran-
çaise ». Selon la juridiction parisienne, la mère invoque à bon droit la
loi française pour établir la filiation de sa fille naturelle. S’il « n’est pas
sûr que la Cour d’appel de paris ait exactement interprété la volonté
de la Cour suprême »503, il est par contre sûr qu’elle interprète littéra-
lement la jurisprudence de la Cour de cassation de 1988. Parce que
l’objet de l’affaire en cause était la recherche judiciaire de la paternité
naturelle de l’enfant et il est clair que le problème d’aliments n’ait pas
été évoquée par la mère504. Puisque l’on peut comprendre de l’arrêt de
1988 que la Cour de cassation fixait le degré de tolérance de l’ordre
public international à l’obtention de subsides, conformément à cette
jurisprudence la Cour d’appel de paris a donc refusé l’application de
la loi tunisienne qui ne répond pas aux exigences posées par la Haute

500- J.FOYER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 3 novembre 1988, précitée, p.497.
501- C.A.paris, 13 octobre 1989, D.1989, inf.rap., p.284 ; Rev.crit.DIP., 1990, table des som-
maires, p.798.
502- L’arrêt ne précise ni la nationalité du père, ni sa résidence habituelle.
503- J.FOYER, article précité, n°303. L’auteur laisse entendre que l’application de la
Convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires aurait per-
mis à l’enfant d’obtenir des aliments sur le fondement de la loi française en tant que loi de la
résidence habituelle de l’enfant, sans pour autant recourir à l’exception d’ordre public pour
écarter l’application de la loi tunisienne ; L’exigence de l’octroi d’aliments posé par l’arrêt de
la Cour de cassation du 3 novembre 1988 étant remplie en application de la loi française.
504- C’était d’ailleurs probablement le cas aussi dans l’arrêt du 3 novembre 1988 de la Cour
de cassation dont le texte ne mentionne aucunement que les subsides ont été attribués à l’en-
fant sur la demande de la mère.

171
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

juridiction. Une fois la loi étrangère écartée, la loi française retrouve


sa vocation générale et subsidiaire. Puisque la Cour d’appel était saisie
d’une action en recherche de paternité naturelle, elle ne pouvait donc en
cantonner l’application à une improbable action à fins de subsides505.
Le résultat en est que la formule de la décision de la Haute juridic-
tion est paradoxale en ce sens qu’elle amenait les juges du fond, qui
voulaient s’aligner sur sa jurisprudence, à prendre fausse route et à
statuer dans le sens exactement inverse de ce que souhaitait la Cour
de cassation.
Il est important de souligner que peu de temps avant l’arrêt du
3 novembre 1988, la Haute juridiction avait rendu le célèbre arrêt
Rebouh à l’occasion duquel elle a reproché aux juges du fond d’avoir
décidé « sans rechercher, d’office, quelle suite devrait être donnée
à l’action en application de la loi algérienne, loi personnelle de la
mère »506. Par cette décision, la Cour de cassation a posé le caractère
obligatoire de la règle de conflit. L’enfant donc se trouvait soumis
aux dispositions de l’article 311-14 du Code civil lui imposant une loi
restrictive. Uniquement la réserve d’ordre public pouvait lui donner
la possibilité d’y échapper. Et voilà la Haute juridiction qui annonce
compatible avec l’ordre public international les lois refusant à un enfant
naturel de rechercher judiciairement son père. Quelques jours après
la décision du 3 novembre 1988, J.Foyer appelait à un revirement
de cette jurisprudence aux conséquences inconséquents. Il écrivait
« Le piège est désormais refermé », et la Cour de cassation a entendu
partiellement son appel mais, cinq ans plus tard. L’ordre public de
proximité sélective est un ordre qui n’intervient pas pour évincer une
loi étrangère qui prohibe l’établissement de la filiation naturelle uni-
quement parce qu’elle est incompatible avec les principes du for, mais
qui fait la distinction entre les personnes en faveur desquelles il peut
être déclenché. La notion d’ordre public de proximité semble, quant à
elle, incongrue dans la mesure où elle peut laisser penser que celui-ci
intervient toutes les fois où existent des liens avec l’ordre juridique

505- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.166.
506- Dans cette affaire, la Cour d’appel de Bensançon avait débouté la mère de sa demande
relative à une action en recherche de paternité en application de l’article 340 du Code civil
au motif qu’elle n’avait pas rapporter la preuve d’un concubinage notoire ou d’une séduction
à l’aide d’une promesse de mariage. Ces cas d’ouverture ont depuis été supprimés par la loi
n° 93-22 du 8 janvier 1993.

172
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

du for. M.LAGARDE écrit que la notion de proximité peut exprimer


le « rattachement d’un litige aux tribunaux d’un Etat avec lequel il
présente, sinon le lien le plus étroit, du moins un lien étroit507 ». Or,
on verra que ce n’est pas vrai en matière de recherche judiciaire de
paternité naturelle, n’ayant pas jugé la compétence juridictionnelle
des tribunaux français suffisante pour le déclenchement de l’excep-
tion d’ordre public de proximité. Cela est d’autant plus vrai que les
mêmes attaches avec le for, en tant qu’éléments déterminants dans la
mise en œuvre de l’exception d’ordre public, peuvent être différem-
ment appréciées par les mêmes juges. Ce qui amène à faire une vraie
distinction entre deux catégories d’enfants.
La première catégorie ne peut pas établir sa filiation naturelle à
l’égard du prétendu père est de nature à susciter l’émotion de l’opinion
publique (notamment les juges) justifiant ainsi l’écartement de loi
étrangère restrictive. La deuxième catégorie en revanche, n’est pas
de nature à émouvoir l’opinion publique et par conséquent, ne mérite
pas l’intervention de l’ordre public international au moins, c’est ce
qui ressort de la décision de la Haute juridiction rendue le 10 février
1993508. Dans une action en recherche de paternité naturelle formée
par une mère tunisienne ayant sa résidence en France à l’encontre
d’un prétendu père algérien et voulant établir la paternité de celui-ci
vis-à-vis de sa fille, née en France, y résidait depuis sa naissance et
a obtenu la nationalité française. La Cour de cassation a écarté la loi
tunisienne, normalement applicable conformément à l’article 311-14,
et a déclaré que « si les lois étrangères qui prohibent l’établissement
de la filiation naturelle ne sont, en principe, pas contraires à la conception
française de l’ordre public international, il en est autrement lorsque ces
lois ont pour effet de priver un enfant français ou résidait habituelle-
ment en France du droit d’établir sa filiation ».
Bien que l’attendu de l’arrêt du 3 Novembre 1988 a été repris par La
Haute juridiction, celle-ci l’a assorti de deux conditions, la première est
relative à la nationalité, la deuxième à la résidence. Ce n’est alors que
si l’enfant a la nationalité française ou réside en France que la loi étran-
gère normalement applicable devient inacceptable et justifie la mise en
œuvre de l’exception d’ordre public. La preuve est que lorsqu’aucune
507- P.LAGARDE, « Le principe de proximité dans le droit international privé contempo-
rain, »Rec.cours Acad.dr.inter., 1986-I, vol.196, p.25 et 26.
508- C.cass., 1ère ch.civ., 10 février 1993, précité.

173
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

de ces deux conditions susmentionnées n’est pas remplie, la loi étran-


gère ne devient plus contraire à l’ordre public international et s’impose
par conséquent à l’enfant comme vient de le rappeler la Haute juridic-
tion. Après l’exposé de cette dernière jurisprudence, un commentaire
de cette position sera fait.
Ainsi, en annonçant « qu’une loi étrangère qui ne permet pas l’éta-
blissement d’une filiation naturelle n’est pas contraire à la conception
française de l’ordre public international, dès lors qu’elle n’a pas pour
effet de priver un enfant de nationalité française ou résidant habi-
tuellement en France du droit d’établir sa filiation509 », La Cour de
cassation a montré une tolérance incompréhensible vis-à-vis de la loi
algérienne. La référence aux aliments comme un seuil minimum en
dessous duquel l’ordre public international devrait être déclenché a
disparu d’une façon définitive. Il est vrai qu’elle ne figurait pas dans la
décision rendue le 10 février 1993, mais cet arrêt ne constituait pas le
point de départ de la disparition définitive de l’exigence de subsides.
Parce que l’intervention de la réserve d’ordre public rendait l’appré-
ciation du seuil de tolérance fixé par la décision du 3 Novembre 1988
inutile. Et c’est là qu’existe toute la différence avec la décision de la
Cour de cassation du 10 mai 2006. Effectivement, elle prend une posi-
tion d’indifférence au sort d’un enfant que soit refusé de donner effet
à la norme étrangère applicable conformément à la règle de conflit
française et que la Haute juridiction n’a pas hésité à écarter s’agissant
d’enfants français ou résidant en France510.
Agissant de la sorte, la Cour régulatrice trace le domaine d’appli-
cation de la loi du for selon un critère sélectif qui délimite à l’avance
les personnes en faveur desquelles elle peut recevoir application511. Ce
faisant, ce n’est pas la protection des valeurs de l’ordre juridique du
for qui conditionne l’intervention de la réserve d’ordre public, mais
par contre, l’appartenance à un groupe.

B- Analyse critique :
Les défendeurs de l’ordre public de proximité, tout en essayant de
banaliser l’impact de l’introduction de nouveaux critères posés par
la Haute juridiction pour l’intervention de la réserve d’ordre public
509- C.cass., 1ère ch.civ., 10 mai 2006, précité.
510- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.168.
511- D.BODEN, thèse précitée, vol.II, p.794, n°752.

174
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

sur la règle de conflit française relative à la filiation (1) invoquent en


faveur des solutions actuelles de la Haute juridiction l’absence des
attaches avec le for chaque fois que la Cour de cassation n’accepte pas
de déclencher l’exception de l’ordre public (2). L’essentielle coordi-
nation des solutions entre les différents ordres juridiques est souvent
évoqué comme un autre argument justifiant la jurisprudence actuelle
(3). En revanche, invoquer de pareilles justifications suppose que le
droit de rechercher judiciairement son père n’est pas considéré par le
droit français comme étant un droit fondamental exigeant l’intervention
de l’ordre public international (4).
Une discussion concernant ces arguments s’impose.

1. Les incidences causées par l’ordre public sélectif sur la règle de conflit posée
par l’article 311-14 :
Les décisions de 1993 et 2006 ont adopté une formule qui paraît
avoir profondément modifié les domaines d’intervention de l’excep-
tion d’ordre public512. Habituellement, ce dernier intervient chaque
fois que l’application de la loi étrangère compétente conformément à
la règle de conflit est considérée comme incompatible ou contraire à
l’ordre public international du for513.
Intégrer dans le jeu de celui-ci deux éléments censés traduire l’en-
racinement du cas dans l’ordre juridique du for c’est reconnaître d’une
manière indirecte que la règle de conflit édictée par l’article 311-14 du
Code civil désigne une loi qui n’entretient pas les attaches les plus
solides avec le litige. L’exception d’ordre public, dans ces conditions,
intervient non pas pour protéger des valeurs considérées comme fon-
damentales dans l’ordre juridique du for, mais intervient d’avantage
pour corriger un rattachement inadéquat514. Selon certains auteurs, il
s’agit d’une pure considération de l’inlandsbeziehung en tant qu’élément
déterminant le déclenchement de la réserve de l’ordre public en raison

512- P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.152, n°209-1.


513- P.LAGARDE, cours précité, p.113, n°104, P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.152,
n°201-1.
514- Y. LEQUETTE, « l’évolution du droit international privé de la filiation et du divorce,
rapport français », in aspect de l’évolution récente du droit de la famille, trav.assoc. Hen-
ri Capitant, journées turques 1988.t.xxxIx, Economica 1990, P.467, spéc.p.477 et 478,
P.HAMMJE, la contribution des principes généraux du droit à la formation du droit inter-
national privé, thèse paris I, 1994, p.567, n°950. Dans un sens légèrement différent, voir, Y.
LOUSSOUARN, P.BOUREL, P. DE VAREILLES-SOMMIERES, op.cit.,p.351, n°254-3.

175
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

des attaches avec le territoire515. Cependant, cette explication paraît


discutable parce que la théorie allemande de l’inlandsbeziehung signifie
un rapport avec l’ordre juridique et non pas le rapport le plus fort516.
Le résultat en est que l’expression d’ordre public doit intervenir dés
que le litige à des liens d’une façon ou d’une autre avec le for français,
Or, la jurisprudence récente montre bien que la Haute juridiction ne
compte pas se contenter de n’importe quel lien pour mettre en œuvre le
jeu de l’ordre public afin d’écarter les lois étrangères prohibitives517.
Mise à part la saisine des tribunaux français, la nationalité fran-
çaise du prétendu père associée avec sa résidence en France n’ont
pas été jugés suffisants par les magistrats de la Haute juridiction pour
déclencher la réserve d’ordre public, malgré que ces trois critères tra-
duisent des liens suffisants pour mettre en œuvre ce dernier. La Cour
de cassation exige alors de l’attache précise. Il s’agit notamment de
la nationalité de l’enfant ou sa résidence en France et n’accepte pas
de se contenter d’autres critères. La Cour de cassation n’a pas retenu
donc la théorie de l’inlandsbeziehung au sens entendu par la doctrine
allemande et tel qu’il a été interprété par M. Lagarde en France. La
Haute juridiction a retenu ici une conception de l’ordre public inter-
national particulière, dans la mesure où elle n’entend pas protéger des
principes entant que tels, mais plutôt des personnes sélectionnées.
Et c’est en cela qu’elle remet en cause non pas seulement la règle
de conflit édictée par l’article 311-14 du Code civil, mais aussi le rôle
traditionnel de l’exception de l’ordre public international518.
La Haute juridique a utilisé, selon d’autres auteurs, une techni-
que en matière d’établissement de la filiation naturelle qui ressemble
d’avantage à celle des lois d’application immédiate519.
La loi française se trouve donc compétente pour tous les litiges
mettant en cause un enfant français ou résidant en France. Cependant,
cette compétence ne concerne que le principe même du droit de l’enfant
à rechercher judiciairement son père naturel. Autrement dit, soit la
loi étrangère désignée par la règle de conflit donne à l’enfant le droit
d’établir sa filiation, et dans ce cas, le juge français va l’appliquer, soit
515- J. FOYER, note sous C.cass. 1ère ch. civ., 10 février, 1993, p.624, N.JOUBERT, thèse
précitée, p.256-259.
516- P.LAGARDE, cours précité, p.112, n°104.
517- C.cass., 1ère ch. civ., 10mai 2006, précité.
518- Voir contrat N.JOUBERT, thèse précitée, p.252, n°292.
519- P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.152 et 153 n°209-1.

176
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

elle lui interdit ce droit et dans ce cas, l’ordre public international va


l’écarter. Il s’agit en effet d’une technique spéciale basée sur une com-
binaison entre la technique d’ordre public international et celle des
lois d’application immédiate520.
Deux reproches peuvent être faits à cette lecture. Le premier est
qu’il ne s’agit pas ici des lois d’application immédiate dans la mesure
ou ces dernières excluent les règles de conflit de lois en précisant seu-
lement leur champs d’application tandis que, dans la décision du 10
mai 1993521, la Haute juridiction, ne déclenche la réserve d’ordre public
qu’après avoir désigné l’article 311-14522 applicable.
Le second reproche réside dans le fait que la conception des lois
d’application immédiate relatives à la matière « conduirait à des diffi-
cultés d’harmonisation avec l’article 311-15 du Code civil523 dont elle
serait tantôt un doublet lorsque toutes les parties résident en France,
soit une extension lorsque seul l’enfant est français ou résidant en
France524. »
Mais, ces reproches ne paraissent pas très convaincants. Premiè-
rement, si l’enfant et son père ou sa mère résidant habituellement en
France, la juridiction saisie d’une affaire de recherche de paternité
naturelle ne passera pas par l’intermédiaire de l’article 311-14 du
Code civil, mais appliquera automatiquement l’article 311-14. Pour
que possession d’état constitue une présomption l’égale relative à la
filiation d’enfant, encore faudrait-il qu’elle soit continue525 tout en
résultant d’une réunion suffisante de faits526. Dans le cas contraire, le
juge après avoir écarté la loi étrangère compétente selon l’article 311-
520- Ibid.
521- Il en va de même pour l’arrêt du 10 mai 2006. Ici, la Haute juridiction ne fait qu’ap-
pliquer la loi désignée par la règle de conflit qu’elle n’estime pas contraire à l’ordre public
français. Dans les deux cas, la règle de conflit à été mise en œuvre.
522- J. FOYER, note sous C.cass., 1ère ch. civ., 10 février 1993, p.624. sur la technique des
lois d’application immédiate, voir PH.FRANCESCAKTS, « lois d’application immédiate et
droit du travail , l’affaire du comité d’entreprise de la « compagnie des wagons-lits », Rev.
crit.DIP.1974, p.273, spec.p.274, aussi, B.ANCEL et Y.LEQUETTE, grands arrêts DIP.,
op.cit., p.491 et suiv.
523- Cet article dispose que « toutefois, si l’enfant légitime et ses père et mère, l’enfant naturel
et l’un de ses père et mère ont en France leur résidence habituelle, commune au séparée, la
possession d’état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, lors
même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre d’une loi étrangère »
524- J. FOYER, Ibid.
525- L’article 311-1 du Code civil dispose que « la possession d’état s’établit par une réunion
suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la
famille à laquelle il est dit appartenir ».
526- C.cass., 1ère ch., 5 juillet 1988, d.1989, p.398, conclusion L.CARBONNIER.

177
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

14 qui serait considérée contraire à l’ordre public français, appliquera


les dispositions de l’article 340 du Code civil plus libéral en ce qui
concerne les modes de preuve527. MM. Mayer et HEUZE d’ailleurs,
reconnaissent eux même que la loi étrangère qui donne à l’enfant le
droit d’établir sa filiation naturelle à l’égard de son père recevra norma-
lement application par le juge528.
Deuxièment, le reproche selon lequel la technique des lois d’ap-
plication immédiate serait difficilement conciliable avec l’article 311-
15 dont elle constituera une extension au cas ou seul l’enfant serait
français ou résidant en France n’est pas très convaincante529. Parce
que dans cette situation les conditions d’application des dispositions
de l’article 311-15 ne seront pas remplies puisque ni le père, ni la
mère ne sont pas résidants en France. Cet article ne pourra donc pas
être appliqué et seule l’application de l’article 340 pourrait donner la
possibilité à l’enfant de rechercher judiciairement son père naturel.
La conséquence en est qu’il ne peut s’agir dans ce cas d’extension de
cette disposition.
Par contre, le reproche qu’on peut adresser à cette technique utilisée
par la Cour de cassation et qui conjugue le mécanisme des lois d’appli-
cation immédiate avec la réserve d’ordre public, c’est qu’il altère d’une
manière définitive. La neutralité d’une règle de conflit inappropriée
édictée par l’article 311-14 du Code civil dont il sert de rectificateur530.
L’article 311-14 vit une crise assez profonde en ce sens que le champ
d’intervention de la loi étrangère est devenu extrêmement limité. On
connaît d’avance les résultats de son application, ce qui est la négation
même de la neutralité de la règle de conflit bilatérale531. Elle ne recevra
application que dans le cas ou elle ne priverait pas un enfant français
ou résidant en France du droit d’établir sa filiation naturelle. En d’autre
termes, les conséquences de son application doivent être presque les
mêmes que celles de l’application de la loi française.

527- Sur l’ensemble de la question, voir A.BENABENT, droit civil, la famille, litec 2003,
11ème édition, p. 445, n°696
528- P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.153, n°209-1.
529- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p. 171.
530- B. AUDIT, « le caractère fonctionnel de la règle de conflit (sur la « crise » des conflits
de lois), « rec. Cours. Acad. Dr. Inter. 1984-III, vol. 186, p. 229, spéc.p.348 et suiv.,aussi P.
LAGARDE, cours précité, p.110 et suiv.,F.JAULT-SESEKE, le regroupement familial en
droit comparé français et allemand, LGDJ 1996, p.348, n°705.
531- Y.LOUSSOUARN, communication précitée, p.44, de P. MAYER, V.HEUZE,
op.cit.,p.78, n°114, B.AUDIT, op.cit., n°105, p.82 et 83.

178
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

2. Analyse de l’absence des attaches avec le for :


La doctrine a utilisé une formule trompeuse qui ne parle que d’atta-
ches de l’enfant avec l’ordre juridique français. Cette expression est
employée pour ne pas écarter au nom de l’ordre public de proximité
les lois étrangères qui interdisent l’établissement de la filiation natu-
relle toutes les fois que l’affaire en question ne concerne pas un enfant
français ou résidant habituellement en France.
L’expression selon laquelle « une loi étrangère qui ne permet pas
l’établissement d’une filiation naturelle n’est pas contraire à la concep-
tion française de l’ordre public international, dés lors qu’elle n’a pas
pour effet de priver un enfant de nationalité française ou résidant
habituellement en France du droit d’établir sa filiation »532 est inter-
prétée généralement par les auteurs par l’expression d’ordre public
de proximité que les juges n’acceptent pas de déclencher à cause de la
faiblesse des liens avec le for533. Les juges se contentent uniquement
de préciser les attaches liant l’affaire avec un pays étranger sans jamais
les confronter à ceux qui pourraient exprimer un enracinement du
litige en France534. La force des liens entre le rapport de droit et le for
a permis, en effet, de donner une justification à la fameuse distinction
entre l’effet atténué de l’ordre public et son effet plein selon qu’il s’agit
de créer un droit en France ou y donner effet à une situation déjà
créée hors la France.
L’établissement de la filiation est soumise en droit international
privé allemand alternativement à la loi de la résidence de l’enfant, à
la loi nationale de chaque parent ou à la loi des effets du mariage au
moment de la naissance de l’enfant pour la filiation légitime. Cette dis-
position, telle qu’issue de la réforme de 1986535, prend en considération
532- C.cass.1ère ch.civ., 10 mai 2006, précité.
533- J.FOYER, note sous C.cass., 1ère ch. civ., 10 février 1993, Rev.crit.DIP.1993,
spéc.p.624, I.BARRIERE-BROUSSE, note sous le même arrêt, Clunet 1994, spéc.p.130,
H.FULCHIRON, observations sous le même arrêt, JCP. 1994. I.3688, aussi T.AZZI, note
sous C.cass., 1ère ch.civ., précité.
534- Voir les remarques très pertinentes de B.REMY, exception d’ordre public et méca-
nisme des lois de police en droit international privé, thèse paris I, 2006 n°424, p.258 : « un
tel mutisme se constate également de manière particulièrement flagrante, lors de la mise en
œuvre de certaines des « nouvelles » manifestations de l’exception d’ordre public et, plus par-
ticulièrement, lors du contrôle de l’existence d’un « lien caractérise » les juges s’en tiennent
généralement à l’énumération des liens qui excisaient entre le juge étranger et la situation
litigieuse, sans pour autant dire au regard de quoi ces éléments leur semblent traduire, ou ne
mas traduire, l’existence d’un tel « lien caractérise ».
535- La loi portant réforme de droit international privé du 25 juillet 1986, texte publié à la
Rev.crit.DIP. 1987, p. 170 et suiv.

179
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

tous les éléments qui peuvent constituer un lien suffisant avec l’ordre
juridique du for536. Dés que l’une des trois lois en présence permet
l’établissement de la filiation de l’enfant, la question de l’exception
d’ordre public ne se posera pas. Il en va de même en ce qui concerne
le Code de droit international belge qui soumet dans son article 62,
l’établissement de la filiation paternelle à la loi du prétendu père537. Le
droit international privé portugais a suivi la même tendance. Ainsi,
celui-ci soumet l’établissement de la filiation à la loi personnelle de
son auteur538. Les réformes récentes du droit international privé espagnol
rattachent alternativement l’établissement de la paternité à la loi natio-
nale du père ou de la mère au moment de la naissance de l’enfant
et, à défaut, à la loi nationale de l’enfant ou à la loi de sa résidence
habituelle au moment de l’action539. En définitive, le Code du droit
international privé tunisien, dans son article 52, soumet l’établissement
de la filiation à la loi la plus favorable à l’enfant. Ainsi, celle-ci est sou-
mise d’une façon alternative à la loi nationale du prétendu père, à
la loi de son domicile, à la loi nationale de l’enfant ou à la loi de son
domicile540.
Les récentes codifications ont, comme on vient de le remarquer,
bien pris en compte la loi nationale du prétendu père dans la désigna-
tion de la loi applicable en matière d’établissement de la filiation. Ceci
exprime l’importance du prétendu père dans les actions en recherche
judiciaire de paternité ou il est considéré comme une partie prenante.
La doctrine française semble curieusement ignorer le prétendu père
et n’examine les liens avec l’ordre juridique du for que sous l’angle

536- P.HAMMJE, thèse précitée, p.358 et 359, n°627, N.JOUBERT, thèse précitée, p.165,
n°193. Cette dernière thèse dans la représentation qu’elle donne des droits allemands et fran-
çais, laisse apparaître un contraste sur lequel l’auteur attire trop peu l’attention : le même
critère (la prossession par le père de la nationalité du for) serait susceptible de constituer une
inlandsbeziehung propre à déclencher l’exception d’ordre public en Allemagne (p.165) mais
non en France (p.220-221 et 246). Il aurait été intéressant de mesurer l’ampleur réelle de ce
contraste et d’en entreprendre la justification, à supposer que cette dernière fût possible.
537- Pour le commentaire de cet article, voir M.FALLON et J.ERAUW, la nouvelle loi
sur le droit international privé belge, la loi du 16 juillet 2004, éditions kluwer 2004, p.146 et
suiv.
538- Voir le texte à la Rev.crit. DIP.1978, p.598, note R.MOURA RAMOS.
539- A. BORRAS et J.D.GONZALEZ CAMPO, « la loi nationale à l’heure de la réforme
du droit international privé espagnole », le droit international privé : esprits et méthodes,
mélanges en l’honneur de P.LAGARDE, op.cit., p.137, spéc. P.150.
540- Texte publié à la Rev. crit. DIP. 1999, p.388 et suiv.

180
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

de l’enfant seulement541. Agissant ainsi, la doctrine française procède


comme s’il s’agissait d’un rapport de droit ne concernant qu’une seule
personne542.
L’espoir de réaliser l’harmonie internationale des solutions, ici exprimé
avec d’autant plus de force qu’il est en pratique négligé dans la majorité
des autres actions en recherche judiciaire de paternité, doit l’emporter,
dit–on sur la protection des valeurs fondamentales du for543.

3. A propos de la coordination internationale nécessaire entre les solutions :


Parmi les arguments les plus forts pour justifier le refus de mise
en œuvre de la réserve d’ordre public à l’encontre des lois étrangères
interdisant l’établissement de la filiation naturelle est celui d’une coor-
dination nécessaire des solutions entre les différents ordres juridiques
impliqués. Les commentateurs qui défendent les positions actuelles
de la Haute juridiction soulignent que l’écartement systématique des
lois étrangères restrictives conduirait à mettre en cause l’harmonie
internationale des solutions dans des situations où elle est toutefois
d’une grande importance, dans la mesure où le rapport de droit liti-
gieux à par hypothèse plus de liens avec un ordre juridique étranger
qu’avec l’ordre juridique du for544. En plus, le déclenchement de la
réserve d’ordre public entrainant l’application de la loi française ne
sauverait pas l’enfant en ce sens que la décision établissant la filiation
de ce dernier ne produirait aucun effet dans son pays d’origine.
541 - KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.177.
542- Dans son commentaire de l’arrêt du 10 février 1993, J.FOYER, tout en faisant référen-
ce à des décisions relatives à des actions en recherche de paternité naturelle ou le prétendu
père était français et domicilié en France fait remarquer qu’il « est exceptionnel que des
enfants n’ayant pas de liens avec la France saisissent les tribunaux français ». Un tel raison-
nement semble partir du postulat très contestable que la nationalité française du prétendu
père ne saurait constituer un lien avec l’ordre juridique français (voir aussi, N.JOUBERT,
thèse précitée, p.227, n°261 et surtout p.246, n°280). En réalité, comme la phrase précitée du
professeur FOYER le suggère, ce n’est que parce que d’autres liens déjà suffisantes lient la
plupart des affaires au for qu’il devient envisageable de négliger de contempler la possession
par le père de la nationalité du for. Que ces autres liens suffisants viennent à s’amoindrir et
la raison de négliger la nationalité du père s’efface donc. Car il est impossible de justifier que
la possession par l’une des parties au procès en recherche de paternité naturelle de la natio-
nalité du for ou d’une résidence sur le territoire du for constitue un lien suffisant avec le for,
et simultanément, que cette même possession ne constitue pas dés lors qu’il s’agit de l’autre
partie, un lien suffisant avec ce même for.
543- KHALID ZAHER, conflit de civilisation et droit international privé, op.cit., p.177.
544- J.FOYER,note sous C.cass., 1èrech. civ., 10 février 1993, p. 631, I.BARRIERE-
BROUSSE, note sous le même arrêt, Clunet 1994, p.130, C.CHABERT, l’intérêt de l’en-
fant et les conflits de lois, presses universitaires d’aix- Marseille, 2001, p.379, n°771, M.-C.
NAJM, op.cit., p.487, n°508.

181
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

4- A propos de la considération du droit de l’enfant à établir sa filiation


comme un simple objectif législatif :
Le refus de mise en œuvre de la réserve d’ordre public pour écarter
les lois étrangères qui interdisent à un enfant étranger et non résidant
en France d’établir sa filiation à l’égard de son prétendu père se justifie,
selon certains auteurs, par le fait que ce droit n’est pas un principe
fondamental, mais seulement un objectif législatif545. Ce qui peut lais-
ser comprendre que la réserve d’ordre public ne doit pas être déclen-
chée pour garantir le respect de ces mêmes objectifs législatifs. Cet
argument est fondé sur un double raisonnement. Premièrement, il
n’a jamais été établi que la réserve d’ordre public ne devrait pas être
mise en œuvre pour réaliser des objectifs législatifs. Ensuite, il n’a pas
été démontré non plus que le droit d’un enfant d’établir sa filiation à
l’égard de son père ne constitue pas une valeur fondamentale du for
qui mérite de la défendre en déclenchant la réserve d’ordre public aux
lois étrangères qui l’interdisent.
Si ce droit ne constituait pas une valeur fondamentale, la Haute
juridiction aurait elle déclenché l’exception d’ordre public français
aux lois étrangères restrictives dans les cas relatifs aux enfants français
ou résidants en France ? A moins de considérer que la Cour de cassation
fait intervenir l’exception d’ordre public pour la simple réalisation d’ob-
jectifs législatifs. Les défendeurs d’une limitation du jeu de l’ordre
public à la seule protection des enfants ou résidant en France concèdent
que l’ordre public de proximité sélective est un moyen qui permet de
protéger « les valeurs fondamentales du for, donc d’opérer une synthèse
équilibrée des divers intérêts en présence »546. Ici, s’imposent trois
remarques.
La première remarque est que cette affirmation admet d’une façon
indirecte que la mise en œuvre de la réserve d’ordre public n’est justifiée
545- M.-C.NAJM, op.cit., p.487, n° 508.
546- M.-C.NAJM, op.cit., p.487, n°508 ; comp. N.JOUBERT, thèse précitée, p.138, n°162.
Cet auteur, tout en étant favorable aux solutions actuelles de la Cour de cassation, sou-
tient que la loi étrangère ne « pourra être écartée que dans la mesure où son introduction
dans l’ordre juridique du for heurte les conceptions fondamentales du for ou certaines de
ses politiques législatives particulièrement essentielles à ses yeux ». La seule conclusion que
l’on puisse tirer de ces positions c’est que le droit d’établir sa filiation naturelle constitue
une valeur fondamentale (M.C.NAJM et JOUBERT) ou une politique législative essen-
tielle (N.JOUBERT) lorsque les intérêts d’un enfant français ou résidant en France sont en
cause, mais qui cesse de l’être lorsque les intérêts en jeu sont ceux d’un enfant étranger ne
résidant pas en France, et ce quand bien même le prétendu père serait français et résidant en
France. De telles acrobaties sont indéfendables.

182
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

que lorsque la protection des valeurs fondamentales est en cause.


Logiquement, la conséquence qu’on peut en conclure est que le droit
d’établir sa filiation naturelle en est une puisque la Haute juridiction
déclenche la réserve d’ordre public à l’encontre des lois étrangères
refusant à un enfant de nationalité française ou résidant en France le
droit d’établir sa filiation à l’égard de son père naturel.
La deuxième remarque est que certains auteurs soutiennent que
l’exception d’ordre public de proximité sélective fait une synthèse
équilibrée des différents intérêts présents sans préciser de quelle sorte
d’intérêts il s’agit547. S’agirait-il de l’intérêt de l’enfant qui ne pourra
pas rechercher judiciairement son père puisqu’il se trouve interdit
d’établir sa filiation naturelle ? Serait-ce l’intérêt de la mère qui devra
assumer toute seule la responsabilité parentale avec toutes les char-
ges qui en découlent ? Ou au contraire l’intérêt du prétendu père qui
se voit ôté de toute charge ? La troisième et dernière remarque peut
être interprétée comme suit : supposant même qu’il ne s’agit ici que
d’un simple objectif législatif, la majorité des auteurs affirment que
l’ordre public international a pour but de défendre les objectifs de
certaines politiques législatifs548. Or, la politique législative qui est en
jeu ici fait l’objet d’une grande attention du législateur549, comme le
prouve l’abolition récente de la distinction entre les deux filiations
légitime et naturelle par l’ordonnance n°2005 759 du 4 Juillet 2005, et
aussi l’adoption simultanée d’un régime simplifié tendant à permettre
considérablement l’établissement de la filiation naturelle à l’égard du
père550. Cette politique consacre d’une manière assez claire le droit de
l’enfant à connaître son père. Donc, les décisions de la Haute juridic-
tion ne sont pas compatibles avec l’évolution actuelle en matière du
droit de la famille551.
Elles ne le sont pas non plus avec ses propres positions relatives à
l’application directe des dispositions de la Convention de New-York
547- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.181.
548- H.BATIFOL et P.LAGARDE, Droit international privé, t.I, LGDJ1983, 7ème édi-
tion, p.416, n°359 ; P.MAYER et V.HEUZE, op.cit., p.146, n°200 ; Y.LOUSSOUARN,
P.BOUREL, et P.DE VAREILLES- SOMMIERES, op.cit., p.344 , n°254 ; B.ANCEL et
Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP., op.cit., p.534.
549- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.181.
550- Ordonnance n°2005-759, 4 juillet 2005, J.O. 6 Juillet 2005, p.11159. F.GRANET-
LAMBRETCHS et J.HAUSER, « Le nouveau droit de la filiation », D.2006, p.17 ; T.GARE,
« L’ordonnance portant réforme de la filiation », JCP.2006.I.144 ; J.MASSIP, « Le nouveau
droit de la filiation », Defrénois 2006, art. 38324, p.6 et p.209.
551- T.AZZI, note sous C.cass., 1ère ch.civ, 10 mai 2006, JCP.2006.II.10165.

183
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

sur les droits de l’enfant devant les juridictions de l’ordre judiciaire552.


Dans sa décision rendue le 18 mai 2005553, la Cour de cassation a
annoncé que cette convention est applicable directement devant les
juridictions, opérant par là un revirement de sa jurisprudence pré-
cédente554. Certainement, cette décision suppose que la disposition
relative au droit en question soit précise suffisamment pour pouvoir
être appliquée directement555. Or, cela paraît être exactement le cas
de l’article 7-1 de la dite Convention aux termes duquel « l’enfant est
enregistré aussitôt après sa naissance et a dès celle-ci le droit à un
nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible,
le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux »556. Au cas où
dans un avenir proche la Cour de cassation est saisie de l’applicabilité
directe de cette disposition à l’occasion d’une action d’établissement
de paternité naturelle intentée par un enfant étranger ne résidant pas
en France à l’encontre d’un prétendu père et résidant en France, elle
devrait justifier pour quelle raison le droit de cet enfant d’établir sa
filiation dépasse « la mesure du possible »557 au cas où elle continuerait
à déclencher un ordre public de proximité sélectif.
La conclusion qu’on peut tirer de tout ce qui précède est que les
décisions de la Cour régulatrice manquent de stabilité, ce qui est de
nature à ne pas assurer une certaine prévisibilité des solutions.

552- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.181.
553- C.cass.,1èrech.civ.,18 mai 2005 ;JCP.2005.II.10081,note Y.STRICKLER et
F.GRANET-LAMBRECHTS ; JCP.2005.II.10115, note C.CHABERT ; D.2005, p.274, ob-
servations Th.FOSSTER ; D.2005, p.1909, note V.EGEA ; Rev.crit.DIP.2005 C.cass., 1ère
ch.civ.,18 mai 2005, p.679, note D.BUREAU ; Clunet 2005, P.113, note C.CHALAS.
554- C .cass., 1ère ch.civ., 10 mars 1993, D.1993, p.361, note J.MASSIP ; JCP.1993.I3677,
et la chronique de CI.NEIRINCK et P.-M.MARTIN, « Un traité bien maltraité. A propos
de l’arrêt LEJEUNE », Rev.crit.DIP. 1993, p.449, note P.LAGARDE ; Rev.gén.dr.inter.
pub.1993, p.1051, note D.ALLAND ; Rev.trim.dr.civ.1993, p.341, note J.HAUSER ;
555- D.BUREAU, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 18 mai 2005, Rev.crit. DIP.2005, p.692.
556- En ce sens A.BRAUCSHWEIG et R.DE GOUTTES, « Note à propos des arrêts de
1993 de la première chambre civile de la Cour de cassation sur le Convention des Nations-
Unies relative aux droits de l’enfant », Gaz.pal.1995.2, p.878, spéc.p.879 ; F.MONEGER,
note sous C.cass., 1ère ch.civ., 10 mars 1993, Revue de droit Sanitaire et social 1993, p.533,
spec.535 ; A.SINAY-CYTERMANN, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 2 juin 1993
et C.A.DAOUAI 14 Avril 1992, Clunet 1994, p.991, spéc. P.998 ; M.-C.RONDEAU-RI-
VIER, « La convention des Nations sur les droits de l’enfant devant la Cour de cassation : un
traité hors jeu », D.1993, chronique LIV, p.203, spéc.204.
557- Et inversement. Pourquoi le droit d’un enfant français ou résidant en France à établir
sa filiation à l’égard de son frère ne dépasse pas « la mesure du possible ».

184
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Parag II : La contestation de la paternité légitime :


La présomption de paternité légitime qui rattache l’enfant automa-
tiquement à son père telle qu’elle est conçue en droit musulman peut-
elle être contestée par la force probante des empreintes génétiques
qui permettent d’établir la vérité biologique ?
Dans un pays qui venait de réformer son statut personnel en adop-
tant un nouveau Code de la famille, les juridictions marocaines ont
répondu par la négative. Ainsi, elles ont préféré une règle héritée de la
tradition aux apports scientifiques en matière d’analyse génétique au
détriment de la véracité des preuves. Cette position des juges marocains
a été exprimée à l’occasion de l’affaire Bellakdim qui a eu un retentis-
sement en ce sens qu’un grand quotidien national en a fait sa une558.
Dans cette affaire, un couple franco-marocain se marie au Maroc en
Août 1995. Ils se séparent trois mois plus tard et le 11 novembre 1995
le mari quitte le domicile conjugal. Un tribunal marocain prononce
le divorce le 2 février 1996 et l’époux reçoit au mois de juin 1997
une convocation du tribunal de grande instance de Mulhouse. Son ex
épouse lui réclame une pension alimentaire de 1500 francs par mois.
Aussi, elle a fait apposer le nom de son mari sur l’acte de naissance de
sa fille. M.Bellakhdim, persuadé de ne pas en être le père, déclenche
une action en désaveu de paternité et demande une expertise ADN.
Les résultats de cette expertise connus en février 2000 attestent que
« Monsieur Mohamed Bellakhdim est exclu de paternité vis-à-vis de
l’enfant Anissa Bellakhdim par deux systèmes génétiques différents »559.
Le tribunal de grande instance de Mulhouse a donc conclu en toute
logique, au regard du droit français, que le jugement doit être porté
sur l’acte de naissance de l’enfant Anissa qui, désormais, sera rattachée
seulement à sa mère. Cette dernière avait déjà, dès 1998, introduit la
même requête au Maroc. M.Bellakhdim se défend en présentant la
décision du TGI de Mulhouse accompagnée des tests ADN ayant
exclu sa paternité. Le tribunal marocain, après avoir accepté de surseoir
à statuer jusqu’à prononcé du jugement par le tribunal de Mulhouse,
a refusé de prendre en considération les résultats des tests ADN
excluant la paternité du prétendu père et a condamné celui-ci à verser

558- Le Monde du Vendredi 4 février 2005 ; Voir aussi Le monde du 25 juillet 2003 ; Libé-
ration du 7 mars 2005.
559- DOC.G.KANDEL, Affaire Bellakhdim/ Ijourk, Rapport d’expertise, février 2000, p.2 ;
Voir aussi Libération du 7 mars 2005.

185
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

plusieurs sommes d’argent au titre de pension alimentaire, de frais


d’accouchement et de garde etc. La juridiction marocaine a invoqué
deux arguments pour rejeter le jugement du TGI de Mulhouse560. Le
premier argument s’appuie sur l’article 76 de l’ancien Code du statut
personnel en termes duquel la durée maximale de grossesse est fixée
à une année à partir de la date du divorce, l’enfant Anissa étant née
pendant cette année est par conséquent couverte par la présomption
de paternité légitime et ne peut être que l’enfant de l’époux de la mère.
Donc, le jugement du tribunal français qui s’est fondé sur le résultat
des tests génétiques pour écarter la paternité du prétendu père a été
considéré « contraire à la loi marocaine et à la tradition musulmane ».
Le second argument rappelle que si le prétendu père veut entamer
une procédure en désaveu de paternité, il ne peut le faire que confor-
mément aux procédures du droit musulman. En d’autres termes, ce
n’est que par le serment d’anathème que le prétendu père peut remet-
tre en cause la présomption de paternité découlant du mariage. Tous
ces arguments ont été repris aussi bien par la Cour d’appel561 que par
la Cour suprême562.
L’arrêt rendu par la Cour suprême marocaine est surprenant dans
la mesure où, tout en écartant la Convention franco-marocaine de1981
dont l’application était réclamée par le demandeur au pourvoi, les
magistrats de la Haute juridiction ont invoqué l’exception de l’ordre
public international marocain pour rejeter la décision de la juridiction
française ce qui laisserait comprendre que les juges marocains ont
accepté implicitement la compétence de la loi française fondée sur
la Convention franco-marocaine de 1981 avant de déclarer que cette
dernière n’a pas lieu à s’appliquer, du moment que le procès est régi par
l’ancien Code du statut personnel563. Ainsi, la solution adoptée par la

560- Tribunal de 1ère instance d’El-Jadida, jugement N°496/98 rendu le 20/03/2002, inédit.
561- C.A.EL-jadida, Chambre du statut personnel, dossier n°2/188/1, arrêt du 29/04/2003,
inédit. A notre connaissance, le texte de l’arrêt n’a pas été reproduit. Cependant, il a fait
l’objet d’un article du professeur F.P.Blanc intitulé « La présomption AL-Walad Li-L-firâs
et les tests ADN, la position du droit marocain (à propos de l’arrêt BELLAKHDIM contre
IJOUREK rendu par la Cour d’appel d’El jadida le 29 avril 2003) », in La Revue franco-
maghrébine de droit, Islam et droit, n° 12-2004, presses universitaires de perpignon, presses
de l’Université des sciences sociales à Toulouse.
562- Cour suprême marocaine, Assemblée plénière, arrêt du 30 décembre 2004, inédit à ce
jour, Voir M.ROUSSET, « Du refus d’admettre la preuve génétique de la filiation par la
Cour », La Gazette du Maroc (hebdomadaire marocain), n°408, 21 février 2005.
563- KHALID ZAHER, Conflit de civilisation et droit international privé, op.cit., p.79.

186
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Cour suprême marocaine est anachronique sur le plan du droit interne


(A) et incohérente sur le plan du droit international privé (B).

A- L’anachronisme de la solution sur le plan du droit interne :


Pour écarter les résultats des tests génétiques ordonnés par le tri-
bunal de Mulhouse, les juges marocains se sont fondés sur le fait que
l’enfant Anissa est couverte par la présomption de paternité légitime
prévue par l’ancien Code du statut personnel (1). Le père ne pouvait
désavouer l’enfant que selon la procédure du serment d’anathème
conformément au droit musulman (2).

1. La présomption de paternité légitime et les tests ADN :


L’argument de la Cour suprême marocaine qui s’est fondé sur l’arti-
cle 76 de l’ancien Code du statut personnel aux termes duquel l’enfant
né durant l’année qui suit la date du divorce a pour père l’époux de
la mère ne résiste pas à l’observation des faits564. Si l’on considère
que les juges du fond n’ont fait qu’appliquer les règles de l’ancienne
Moudawana relatives à la matière, en vigueur à la date de leurs décisions,
et ce en décidant que l’enfant né pendant cette période est couverte par
la présomption de paternité légitime, il en est différemment en ce qui
concerne les magistrats de la Cour suprême. Ces derniers ne pou-
vaient écarter les articles 153 et 158 du nouveau Code marocain de
la famille qui prévoient expressément que la dite présomption peut
être contestée par les résultats d’une expertise scientifique565. Ceci
est d’autant plus vrai qu’au moment de leur décision, les dits articles
étaient en vigueur.
Aux termes d l’article 153 : « Les rapports conjugaux, assortis de
leurs conditions, constituent une preuve irréfutable établissant la filia-
tion paternelle. Ils ne peuvent être contestés que par le mari, suivant
la procédure du serment d’anathème ou par le moyen d’une expertise
formelle, et ce à condition :
- Que l’époux concerné produise des preuves probantes à l’appui
de ses allégations ; et
- Que la dite expertise soit ordonnée par le tribunal. »

564- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.80
565- Le nouveau Code marocain de la famille est entré en vigueur le 5 février 2004. Le texte en
langue arabe a été publié au journal Officiel du 5 février 2004, édition générale, n°5184, p.418.

187
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Ce texte prévoit donc clairement que la présomption de paternité


peut être contestée par l’expertise scientifique ordonnée par le tribunal
qui englobe bien entendu les tests ADN566. Or, si cette expertise a été
soumise à certaines conditions, dans la présente affaire celles-ci sont
bien remplies. S’il n’y a pas de problème particulier concernant la
deuxième condition posée par l’article 153, puisque c’est le tribunal
de grande instance de Mulhouse qui a ordonné l’expertise, il en va
différemment de la première condition qui exige que le mari produise
des preuves probantes à l’appui de ses prétentions. En présentant
au tribunal un rapport d’expertise affirmant que « le polymorphisme
de l’ADN exclut la paternité de M.Bellakdim vis-à-vis de l’enfant
A.Bellakhdim »567, le mari ne pouvait fournir une meilleure preuve
que celle-ci pour appuyer ses prétentions.
Il faut souligner que dans cette affaire, le juge ne peut pas rester
neutre face à cette preuve irréfragable qui exclut incontestablement
la paternité de M.Bellakhdim vis-à-vis de l’enfant Anissa, quand bien
même il n’en aurait pas ordonné l’établissement. Ne pas prendre en
considération cette preuve irréfragable conduirait le juge à rendre
une décision qui a le mérite de sauver l’honneur de la mère et son
enfant mais qui ne rend pas justice à l’époux. Dans le cas contraire,
s’il décide de tenir compte des tests ADN en tant que « preuve pro-
bante », peu importe dès lors que ceux-ci aient été ordonnées par une
juridiction étrangère ou marocaine. La vérité biologique étant déjà
établie568. En effet, le refus par la Haute juridiction marocaine de tenir
compte des résultats des tests ADN excluant la paternité du mari à
l’égard de l’enfant peut avoir deux explications. En réalité, à partir du
moment où les Hauts magistrats de la Cour suprême ont affirmé que
c’est le droit marocain qui serait appliqué, ils ne pouvaient que rejeter
le pourvoi puisque l’ancien code du statut personnel, appliquée par
les juges du fond, n’admet aucune valeur juridique aux tests ADN. Et
comme le prévoit l’article 399 du nouveau Code marocain de la famille,
les recours contre les décisions prononcées avant l’entrée en vigueur
du nouveau texte restent soumis aux dispositions de l’ancienne Mou-
dawana. De ce qui précède, l’attitude des Hauts magistrats de la Cour
566- M.KACHBOUR, « Char’h moudawanath- al-usra,inh’ilal mithaq al-zawjia » (commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), Matba’ath al-najah al-jadida,
2006, t.II, p.310.
567- DOC.G.KANDEL, Affaire Bellakhdim/Ijourk Rapport d’expertise, op.cit.
568- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.81.

188
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

suprême était donc irréprochable. Elle se justifie par la crainte de


ces derniers de voir la présomption de paternité légitime, règle de
droit musulman rattachant automatiquement l’enfant à l’époux de la
mère569 mise en cause par la vérité biologique. Or, même l’Acadé-
mie du Fiqh islamique très conservatrice reconnaît les résultats des
tests ADN comme des « preuves catégoriques qui ne souffrent pas
l’erreur »570. Aussi, l’organisation islamique des sciences médicales a
qualifié cette nouvelle preuve « d’infaillible » et « d’incontestable »571 et
a incité les pays musulmans à l’adopter. En réalité, cette réticence des
juges de la Cour suprême semble d’autant moins compréhensible que
l’on apprend que d’autres pays musulmans ont pu franchir le pas. Il
s’agit notamment de la Jordanie572 et de la Tunisie573 qui ont adopté les
tests ADN et en ont fait un moyen reconnu légalement pour contester
la paternité légitime. Dès lors, la présomption de paternité légitime
peut être contesté par d’autres moyens.
Les deux arrêts récents rendus par la Cour suprême marocaine
en témoignent574. Ainsi, dans une décision rendue le 9 mars 2005, la
Cour suprême a rejeté un jugement des juges de fond qui avaient
refusé d’ordonner l’expertise médicale dans un procès relatif au désa-
veu de paternité «alors qu’il n’existe aucun texte légal interdisant cette
expertise575». La juridiction qui a considéré que cette dernière « est
contraire aux fondements du Fiqh et à la tradition prophétique a privé
sa décision de base légale et encourt la cassation ». M.Bellakhdim,

569- AL-BUKH’ARI, « Sa’hi’h» (L’authentique tradition prophétique), Dar –Al-fikr, 2001,


Beyrouth, p.487.
570- Voir la recommandation de l’Académie islamique du fiqh, 16ème session tenue à la
Mecque du 5 au 10 janvier 2002, M.KACHBOUR, op.cit., p.311.
571- Le texte intégral de la recommandation est publié dans la Revue de la conscience isla-
mique (en arabe), année 39, n°435, janvier-février 2002.
572- Arrêt de la Cour d’appel d’Aman du 17 décembre 2002, cité par K.A.AL-KA’bi, « Al-
basma al-wirathiya wa atharuha ‘ala al-a’hkam al-fiqhiya » (l’empreinte génétique et ses consé-
quences sur les lois du Fiqh), Dar al-jam’a al-jadida linâche, Alexandrie, 2004, p.83 et suiv.
573- C.cass.tunisienne, ch.civ., arrêt n°27777, 26 janvier 1993, Rev .tun.dr., 1998, p.155 et
suiv.
574- Ce faisant, la Haute juridiction marocaine a suivi les positions d’une partie de la doc-
trine qui estimait que l’exclusion de l’expertise médicale des modes de preuves de la filiation
et de désaveu de paternité ne trouve aucun fondement légal. Voir M.JAWHAR, « Ithbath
Wa nafy al-nassab bayna al-teb wa al-‘ajab » (l’établissement de la filiation et le désaveu de
paternité entre la médecine et le pittoresque), Rev.mar.dr.éco.dévelop., n°50-2004, Numéro
spécial relatif à la journée d’études consacrée à « la famille marocaine entre le fiqh malékite
et le droit positif », p.152.
575- Cour suprême marocaine, Chambre du statut personnel et successoral, 9 mars 2005,
dossier n°615/1/2/2003, inédit.

189
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

un an auparavant, ne pouvait se prévaloir de ces mêmes tests pour


exclure sa paternité vis-à-vis de l’enfant. Il ne pouvait faire tomber
cette présomption qu’avec un unique moyen, à savoir, le serment
d’anathème. Ainsi, le Li’an (serment d’anathème) reste l’unique moyen
dont dispose le mari pour désavouer l’enfant auquel son épouse vient
de donner naissance chaque fois que le dit enfant est couvert par la
présomption de paternité légitime. Le Li’an est une institution dont
le fondement se trouve dans le Coran576. Dans le Code marocain de
la famille, cette procédure est prévue par l’article 153. Concernant
l’ancien code du statut personnel, applicable encore au moment des
deux décisions rendues par les juges du fond, cette institution n’est
pas citée expressément par l’article 91. Aux termes de cet article : « le
juge étayera sa sentence par tous les moyens de preuve légalement
admis en matière de désaveu de paternité ». Il fallait se référer à l’ar-
ticle 25 de l’ancienne Moudawana qui mentionne expressément cette
procédure. Cet article admet le serment d’anathème parmi les empê-
chements perpétuels au mariage, mais aucune disposition n’en précise
ni le sens ni les conditions de mise en œuvre. C’est donc dans la juris-
prudence du rite malékite qu’il faut chercher ses derniers selon les ar-
ticles 82, 172, 216, 297 de l’ancien Code du statut personnel577. Aussi
le serment d’anathème est une action accessoire qui a pour objectif
faire tomber la présomption de paternité légitime. Il ne peut pas être
effectué dans le cadre d’une action autonome dans la mesure où il dé-
pend d’une action principale dont l’objectif est de faire condamner la
femme adultère578. Les conditions de sa mise en œuvre se présentent
comme suit : dans une première étape, le mari doit jurer quatre fois
de suite que sa femme a commis le crime de fornication et qu’il n’est
pas le géniteur de l’enfant, par la suite, intervient l’anathème où il jure
subir la malédiction de Dieu au cas où il aurait menti579. Dans une

576- Sourate XXIV, 6,7,8,9.


577- Les articles 82, 172, 216 et 297 disposent que « tous les cas qui ne pourront être résolus
en application du présent Code seront réglés en se référant à l’opinion dominante ou à la
jurisprudence constante dans le rite malékite ».
578- A.CHAHBOUNE, « Charh’ moudawanath alah’wal al-chakhsiya, al-zawaj, al-talak,
al-wilada wa nataijouha », commentaire de la Moudawana du statut personnel marocain,
mariage, répudiation, la naissance et ses effets), Matbaât al-Najah al-jadida 2000, t.I, p.332.
579- M.KACHBOUR, « Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia » (com-
mentaire de Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), op.cit., t.II, p.289 ; aussi,
A.CHAHBOUNE, op.cit., t.I, p.333.

190
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

deuxième étape, la femme, si elle soutient le contraire, doit répliquer


par des contre serments de nature identique580.
Cette procédure qui entraîne à la fois le désaveu de paternité et la
dissolution du mariage ne peut avoir lieu qu’en présence d’un juge581.
Si les juges marocains étaient prêts à permettre à M.Bellakhdim de
désavouer l’enfant Anissa par le moyen du serment d’anathème, il
était cependant trop tard pour pouvoir la mettre en œuvre. Ainsi,
selon la doctrine582 et la jurisprudence583 marocaines, l’époux aurait
dû déclencher cette procédure au moment où il prend connaissance
de la grossesse de sa femme. En d’autres termes l’époux aurait dû
mettre en œuvre cette procédure dès 1996. Or, celui-ci a opté recourir
aux tests ADN et s’est trouvé refermé dans le piège. Juridiquement,
il était le père de l’enfant malgré lui.
La Haute juridiction marocaine a souligné, par sa décision du 30
décembre 2004, sa préférence pour la vérité individuelle aléatoire au
détriment de la véracité des preuves scientifiques. La position des
Hauts magistrats584 s’explique par le souci de sauvegarder l’honneur
de l’épouse et de sauver l’enfant d’une « situation de bâtardise »585 pas
trop enviable dans les sociétés musulmanes586. Mais au détriment du
malheureux époux. En refusant de reconnaître les tests ADN comme
un moyen de preuve excluant la paternité du prétendu père, la Haute
juridiction fait comprendre que les intérêts de la mère et de son enfant
sont beaucoup plus importants que ceux de l’époux. Et les principes
du droit musulman sont là pour appuyer leurs convictions.
Agissant ainsi, les juridictions marocaines n’ont pas suivi les
recommandations de l’Organisation islamique des sciences médicales
qui, réunie en 2001, a encouragé les pays musulmans à admettre les
tests ADN comme moyen de preuve.

580- Ibid
581- M.KACHBOUR, « (char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia » (commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal) op.cit., t.II, p.295 et 296 ; aussi,
A.CHAHBOUNE, op.cit., p.332.
582- Ibid., p.292.
583- Cour suprême marocaine, chambre du statut personnel et successoral, 5 juillet 1975,
Rev, juris.Cour sup., n° 23, p.34 et suiv.
584- M.KACHBOUR, « Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawjia » (Commen-
taire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), op.cit., t.II, p.276.
585- C’est ainsi qu’on les appelle dans les sociétés concernées.
586- M.KACHBOUR, Ibid.

191
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

B- L’incohérence de la solution sur le plan du droit international


L’arrêt rendu par la Cour d’appel, conforté par la Cour suprême,
fait une application assez curieuse de la Convention franco-marocaine
du 10 Août 1981. Le tribunal de première instance d’El jadida, à l’oc-
casion de son jugement rendu le 22 février 1999, a décidé de surseoir à
statuer jusqu’à ce que le tribunal de Mulhouse se prononce sur l’affaire.
Ce faisant, le tribunal d’El jadida a fait une application correcte de
la Convention qui dispose dans son article 11, alinéa 3 que : « si une
action judiciaire a été introduite devant une juridiction de l’un des
deux Etats, et si une nouvelle action entre les mêmes parties et ayant
le même objet est porté devant le tribunal de l’autre Etat, la juridiction
saisie en second lieu doit surseoir à statuer ». Le tribunal d’El-Jadida
se trouvait justement devant ce cas de figure. Or, une fois connus les
résultats des tests ADN et le tribunal de Mulhouse prononce son
jugement, les juges du fond ont fait volte-face et déclarent l’article 76
de l’ancienne Moudawana applicable à ce cas d’espèce. Sans aucune
explication, la conséquence est que l’enfant ne pouvait qu’être rattachée
à l’époux, puisque c’est pendant l’année qui a suivi le divorce qu’elle
est née. Il y a certainement quelque incohérence à décider dans une
première phase de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction fran-
çaise se prononce sur le dossier conformément à l’article 11-3 de la
Convention franco-marocaine et, dans une deuxième étape, de déclarer
applicable le droit marocain interne aussitôt les résultats des tests ADN
connus sans prendre en compte le jugement du tribunal de Mulhouse.
Car, de deux choses l’une, soit l’affaire ne relevait pas du champ de la
dite Convention et, dans ce cas, les juges (aussi bien du fond que les
magistrats de la Cour suprême puisqu’ils ont adopté la même position)
n’avaient pas à surseoir à statuer en attendant le dénouement de
l’affaire devant la juridiction française. Soit, le litige relevait du domai-
ne d’application de la Convention et, dans ce cas, les juges marocains
ne devaient pas l’écarter au simple argument que le droit marocain
était applicable587, cette condition ne fait pas partie des conditions de
reconnaissance et d’exequatur prévues par la Convention de 1957 à
laquelle renvoie expressément celle de 1981588. Or, cette dernière était
à plus d’un titre applicable. Premièrement, au niveau de la compétence

587- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.86.
588- Ibid.

192
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

juridictionnelle, selon l’article 8, c’est la juridiction des deux Etats


sur le territoire duquel le couple a son domicile commun ou avait son
domicile commun qui est compétent pour connaître des litiges relatifs
aux effets personnels du mariage. Le domicile des époux au moment du
jugement du TGI de Mulhouse se trouvant en France, donc la compé-
tence indirecte de la juridiction française était bien établie. Deuxié-
ment, l’état et la capacité des personnes sont soumis conformément
à l’article premier à la loi de celui des deux Etats dont elles ont la
nationalité. L’époux, sa femme et l’enfant étant français589, la loi fran-
çaise était par conséquent applicable. Au sens de la Convention, le juge
français était donc compétent et la loi française applicable. Seulement,
afin d’être exécutée au Maroc, la décision doit respecter les conditions
de l’exequatur fixées par une autre convention. Il s’agit notamment de
la convention du 5 octobre 1957590 relative à l’aide mutuelle judicaire,
d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France et le Maroc591.
La Convention de 1981 dans son article 8 s’y réfère expressément. Ces
conditions sont posées par l’article 16 selon lequel les décisions rendues

589- Même si les deux époux étaient binationaux, le juge français, ne peut prendre en consi-
dération que la loi de l’ordre juridique dont il dépend, et ce en raison du principe de la
primauté de la nationalité du for. Il s’agit ici d’une solution constante en droit internatio-
nal privé français. Voir, C.cass., 1ère ch.civ, 17 juin 1968, Rev.crit. DIP.1969, p.59, note
H.BATTIFOL ; aussi, B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence
française de droit international privé, DALLOZ, 4ème éd., n°46.
590- M.BLANC estime, quant à lui, que l’époux aurait du demander l’application de l’article
27 alinéa 3 (relatif aux obligations alimentaires) de la Convention de 1981 aux termes du-
quel « lors de l’appréciation de la compétence territoriale du tribunal de l’Etat qui a rendu la
décision, l’autorité requise de l’autre Etat est liée par les constatations de fait sur lesquelles
le tribunal a fondé sa compétence ». Ce qui aurait pu faciliter l’exequatur de la décision ren-
due par le tribunal de Mulhouse, F.P.BLANC, article précité, p.256. Ce point de vue nous
parait discutable. Cette disposition s’applique aux obligations alimentaires qui découlent des
relations de famille et de parenté. Elle a pour objet de faciliter l’exequatur des jugements qui
accordent des aliments et non ceux qui ne les accordent pas. D’ailleurs, les deux premiers
alinéas du même article apportent un éclairage très intéressant. Aussi : la reconnaissance ou
l’exequatur d’une décision rendue dans un Etat ne peut être refusé par l’autre : « lorsque le
tribunal de l’Etat, qui a rendu la décision, s’est déclaré compétent parce que la résidence
habituelle, du créancier d’aliments se trouvait sur son territoire.
Lorsque le tribunal de l’Etat, qui a rendu la décision, a appliqué la loi de la résidence ha-
bituelle du créancier d’aliments ». Cette règle s’explique par la faveur à l’octroi d’aliments
et donc par le souci des négociations de faire respecter dans les deux pays les décisions de
justice relatives à l’octroi d’aliments (voir F.MONEGER, « La Convention franco-marocaine
du 10 Août 1981 relative au statut personnel et de la famille et à la coopération judiciaire »,
Rev.crit.DIP.1984, p.280.) Or, le jugement du tribunal de Mulhouse, s’appuyant sur les tests
ADN qui excluent la paternité de l’époux, a logiquement refusé d’octroyer des aliments. Il
n’existe donc pas de créancier d’aliments au sens de l’article 27 de la Convention. Ce dernier
n’était donc pas applicable comme l’estime M.BLANC.
591- Voir le texte de la Convention à la Rev.crit.DIP.1960, p.104.

193
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

par les juridictions de l’un des deux Etats « ont plein droit l’autorité
de la chose jugée sur le territoire de l’autre pays si elles réunissent les
conditions suivantes :
a. La décision émane d’une juridiction compétente selon les règles
de droit international privé admises dans le pays où la décision
est exécutée, sauf renonciation certaine de l’intéressé ;
b. Les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées
défaillantes ;
c. La décision est, d’après la loi du pays où elle a été rendue, passée
en force de chose jugée et susceptible d’exécution ;
d. La décision ne contient rien de contraire à l’ordre public du pays
où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables
dans ce pays ».
Comme nous venons de le remarquer, les trois premières conditions
étant incontestablement remplies, les juges marocains, à tout le moins,
auraient dû le vérifier. Or, les juges, à aucun moment du procès, n’ont
évoqué cette Convention. Et même la quatrième condition qui aurait
pu leur donner éventuellement la possibilité de ne pas reconnaître la
décision de la juridiction française est passée inaperçue. Ils ont par
contre opté de faire l’économie tout simplement de cette vérification
de la procédure d’exéquatur mentionnée par la Convention de 1957.
Dès lors, la question qui s’impose est la suivante : Si la Convention de
1981 a été écartée par les juridictions marocaines, pourquoi alors ont-
ils invoqué l’article 4 de cette même convention ? Déclencher la réserve
d’ordre public prévue par le dit article confirme l’applicabilité de la
Convention et la compétence de la loi française592. Comment pourrait-
on considérer des tests génétiques consacrés par le Code marocain
de la famille applicable au moment de l’arrêt de la Haute juridiction
marocaine contraires à la loi marocaine et à la tradition musulmane ?
Il faut admettre que c’est difficile à expliquer. En prenant cette décision,
la Cour suprême marocaine ne pouvait éviter la contradiction, et ce
à un double sens. Premièrement, la Haute juridiction en rejetant le
pourvoi, a refusé de casser l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’El-
jadida qui avait écarté la Convention de 1981 au motif que l’affaire
est régie par la loi marocaine593. Par conséquent, la Cour suprême
592- M.ROUSSELT, « Du refus d’admettre, la preuve génétique de la filiation par la Cour »,
La Gazette du Maroc (hebdomadaire marocain), n°408, 21 janvier 2005.
593- KHALID ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, op.cit.,p.89.

194
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

n’aurait pas su invoquer l’article 4 de cette Convention puisqu’elle est


déclarée inapplicable. Car, déclencher la réserve d’ordre public, telle
que prévue par cet article, implique nécessairement la compétence de
la Convention et, par conséquent, l’applicabilité de la loi française.
En d’autres termes, soit cette Convention est applicable et, dans ce
cas, les juges auraient dû vérifier les conditions d’exequatur prévues
par la Convention de 1957. Soit, la Convention n’est pas applicable
et dans ce cas, les juridictions marocaines ne pouvaient se fonder sur
aucune de ses dispositions.

Chapitre II : La filiation adoptive

Dans la majorité des pays, la filiation adoptive est le résultat d’un


jugement d’adoption simple ou plénière. La définition la plus courante
dans la majorité des pays de l’adoption consiste à établir artificiel-
lement, à la demande d’un individu ou d’un couple, un rapport de
mère ou/et de père entre ces derniers et une autre personne, à savoir
l’enfant adopté594.
Lorsque l’adoptant et l’adopté ont la même nationalité, la question
liée au statut personnel des personnes ne se pose pas dans la mesure
où c’est leur loi nationale commune qui s’applique.
Cependant, quand ils ne sont pas de même nationalité on se trouve
confronté au problème de conflit de lois régissant les statuts personnels
des parties impliquées. Il s’agit d’un problème qui restera toujours d’ac-
tualité, vu la divergence de conceptions et d’intérêts qui rend l’uni-
formisation des législations comparées difficile à atteindre595. Il est
certain que l’adoption internationale ne pose pas beaucoup de problèmes
quand l’adopté est destiné à vivre dans un pays où la législation régis-
sant la matière de l’adoption est similaire à son pays d’origine.
Dans le cas contraire, la situation est compliquée en ce sens que
dans les pays qui consacrent l’adoption plénière et se trouvent frappés
par le manque voir l’absence d’enfants adoptables, leurs ressortissants
se dirigent vers l’adoption des enfants de pays étrangers596. Ceux-ci
594- RAJAA NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawanah, Le référentiel et le conventionnel
en Harmonie, t.I, Le mariage et la filiation, Editions et Impressions Bouregreg, 2009, p.369.
595- REYNALD HERBANT, L’adoption et la filiation dans les droits musulmans de rite
sunnite. Thèse de doctorat en droit, Université de perpignan, 2004, p.33.
596- RUDE ANTOINE EDWIGE, « Les systèmes de droit musulman et le statut de l’en-
fant », dans LUCETTE KHAIAT, CECILE MARCHAL, dir., L’enfant en droit musulman,
paris, société de législation comparée, 2008, p.55

195
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

se confrontent parfois à des législations différentes et réservées eu


égard à l’adoption illimitée. IL sera inadmissible d’adopter un enfant
musulman dont le statut personnel interdit l’adoption plénière et y
substitue la kafala.
Il convient d’expliquer dans une première étape l’origine religieuse
et juridique de l’institution de la kafala ainsi que sa place dans l’ordre
juridique international pour étudier ensuite dans une deuxième étape
cette institution au regard du droit français.

Première section : L’origine religieuse et juridique de la


kafala et sa place dans l’ordre juridique international

Le Code marocain de la famille reconnaît d’autres institutions se


substituant à l’adoption plénière. Il s’agit notamment de la kafala ins-
pirée du droit musulman (A). Dans ce sens, le droit international privé
a pris en compte les particularités de certains systèmes juridiques et
a réservé la place nécessaire aux modes d’adoption tels qu’ils sont
approuvés par le droit musulman (B).

Paragraphe I : L’origine religieuse et juridique de la kafala


Tout en restant fidèle aux prescriptions du droit musulman (1) le
code marocain de la famille interdit, absolument, toute modification
dans l’identité de l’enfant et rejette par conséquent l’adoption plénière
(2).

A- L’origine religieuse de l’institution de la kafala


La prohibition de l’adoption plénière est tempérée par la volonté
de l’Islam de protéger l’orphelin, de bien le traiter et de préserver
ses droits. Cette religion encourage fortement la prise en charge de
l’orphelin597. Comme en témoignent ces paroles rapportées, l’acte de
recueillir un orphelin en Islam est considéré comme très méritoire :
« Au paradis, le tuteur de l’orphelin et moi-même seront comme ces
deux doigts ; il (le prophète) fit alors un «V» avec l’index et le majeur
et les écarta»598.

597 -Sourates et versets relatifs aux orphelins : 2 :83, 177, 215, 220, 4 : 2, 3, 6, 8, 10, 36, 127,
6 : 152, 8 : 41, 17 :34, 59 : 7, 76 : 8, 89 : 17 – 20, 90 : 14 et 15, 93 : 6, 9 et 10 ; 107 : 1,3.
598 -MAHDI HASHEMI, précis de droit des personnes en Islam, paris, L’Harmattan, 2007,
p. 249

196
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

L’origine de cette interdiction trouve son fondement dans le Coran,


notamment Sourate 33, verset 4/5 : «Il (Dieu) n’a point fait de vos
enfants adoptifs vos propres enfants. Ce sont des propos (qui sortent,
de vos bouches. Mais Allah dit la vérité et c’est lui qui met (l’homme)
dans la bonne direction. Appelez – les des noms de leurs pères : c’est
plus équitable devant Allah. Mais si vous ne connaissez pas leur pères,
alors considérez – les comme vos frères en religion ou vos alliés»599.
La kafala consistait à l’époque de prendre en charge le (makfoul)
d’une manière bénévole (par le kefil), en vue d’assurer son éducation,
son entretien et sa protection. Elle se présentait sous deux types : la
kafala consensuelle par laquelle le père ou la mère biologique confiait
son enfant à une personne qu’ils connaissaient et la kafala de l’enfant
abandonné et dans ce cas c’est l’Etat qui confiait l’enfant au kefil600.
Le kefil devait répondre à certaines conditions, il doit être de religion
musulmane, de bonne moralité, en santé et évidemment ayant atteint l’âge
de la majorité. En vue d’éviter tout « plagiat impie de la nature »601, les
éléments pouvant masquer la filiation biologique à l’intérieur même de
la kafala étaient prohibés, par conséquent, afin d’éviter toute confu-
sion, le makfoul ne pouvait pas porter le nom du kefil.
En outre, le makfoul n’avait aucun droit à l’héritage, mais confor-
mément à la sunna, le kefil peut faire des dons au makfoul et lui léguer
une partie de son testament par héritage, jusqu’à concurrence d’un
tiers602.
Ainsi, l’adoption est considérée par l’Oumma « contre nature » parce
qu’elle met en cause l’équilibre de la famille biologique et porte atteinte
aux règles successorales impératives, d’où l’obligation de chercher
une institution alternative. Il s’agit notamment de la kafala603.

599- RAJAA NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawanah, Le référentiel et le conventionnel


en harmonie, t.I, Le mariage et la filiation, op.cit., p.369.
600 - RUDE ANTOINE EDWIGE, « Les systèmes de droit musulman et le statut de l’en-
fant », dans LUCETTE KHAIAT, CECILE MARCHAL, dir., L’enfant en droit musulman,
paris, société de législation comparée, 2008, p. 63.
601- REYNALD HERBAUT, l’adoption et la filiation dans les droits musulmans de rite
sunnite, Thèse de doctorat en droit, Université de perpignan, 2004, p.29
602- ASSAOUI HAFID : « La kafala (Le recueil légal) » : Mémoire pour l’obtention du DES
en droit comparé sous la direction de : François Paul Blanc : Université perpignan Donitia,
Faculté internationale de droit comparé des Etats francophones, 2005/2006, p.53.
603 - Cf. M.BOULENOUAR AZZEMOU, « Recueil légal (Kafâla) et droit (s) positif (s) »,
n°1, Dossier Kafâla, n°3 , 2009, p.17 et 22.

197
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

B- La kafala appréhendée par le droit positif


Le Code de statut personnel qui a été promulgué par le Dahir
du 18 décembre 1957 consacre le principe de la filiation légitime604.
Celle-ci s’obtient par la naissance dans le cadre des liens du mariage
(présomption de paternité605) ou par le biais de la reconnaissance de
paternité606. Ce droit distingue entre filiation légitime et illégitime et
n’accorde à l’enfant issu de cette dernière que le droit à une filiation
maternelle607. Concernant les matières relatives à l’enfant (filiation,
garde, entretien), les règles traditionnelles du rite malékite continuent
de s’appliquer. Par conséquent, l’adoption a toujours été prohibée.
Le nouveau Code marocain de la famille entré en vigueur le 5
Février 2004 contient des changements importants. Quand le roi
Mohammed VI a annoncé les éléments essentiels de cette réforme
en 2003, il a adopté une perspective de droit musulman et à cité des
versets coraniques pour appuyer chaque point de la dite réforme608.
Le législateur, encore une fois, a tenté de réconcilier les engagements
internationaux et la modernité avec les préceptes islamiques. Certaines
règles relatives à la filiation609, à la garde610 et à l’autorité parentale611
ont été revisitées dans un esprit plus égalitaire. Cependant, l’adoption
n’a pas été légalisée par le législateur, jugeant que cette interdiction
coranique demeurait non négociable612. Fait remarquable, le Code ma-
rocain de la famille consacre désormais le droit de l’enfant à bénéficier
d’une protection assumée notamment par les parents en premier lieu613.
L’article 149 du Code marocain de la famille stipule que : « l’adoption

604- Article 83 du Nouveau Code marocain de la famille.


605- Qui ne peut être renversée que par un juge : article 159 du Nouveau Code marocain de
la famille.
606- Articles 143, 145 Mudawana 2004.
607- Article 83 de l’ancienne Mudawana.
608-MARIE CLAIRE FOBLETS, JEAN YVES CARLIER, Le Code marocain de la
famille : incidences au regard du droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant,
2005, p.2 et 3.
609-L’enfant qui est le fruit de relations sexuelles durant la période de fiançailles est légitime
(article 156), mais le système patrilinéaire est maintenu par l’article 150. L’article 153 du
Code marocain de la famille autorise. l’analyse génétique comme un moyen de preuve de
filiation.
610-Le père vient en deuxième position après la mère pour la dévolution de la garde en cas
de conflit entre eux (article 17 Code marocain de la famille).
611-La famille est placée sous la responsabilité conjointe des deux époux, l’autorité parentale
est partagée (articles 4 et 51 du Code marocain de la famille).
612-Article 54 du Code marocain de la famille.
613-OMAR MOUNIR, la Moudawana : le nouveau droit de la famille au Maroc : présenta-
tion et analyse, paris, Marsam, 2005, p. 80.

198
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

est considérée comme nulle et n’entraîne aucun des effets de la filiation lé-
gitime ». Il faut cependant noter l’existence de l’adoption informelle, bien
qu’elle soit cachée614. Selon un auteur, le problème est que l’adopté ne
dispose d’aucun statut juridique615.
La kafala a été finalement reconnue à l’occasion de la loi du 10
septembre 1993 sur l’enfance abandonnée616 et a été réorganisée par
la loi n°15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés
(Loi de 2002)617. La kafala contractuelle, avant la loi de 1993, puisait
sa source dans le droit civil marocain, mais les autorités n’ont pas
reconnu officiellement le problème de l’enfance abandonnée618.
En droit marocain, on distingue deux types de kafala : la kafala
notariale et la kafala judiciaire. Aucun lien de filiation n’est créé et
aucun droit d’héritage engendré dans les deux cas. Le makfoul ne peut
avoir droit à l’héritage que par disposition testamentaire tanzil619.
Dans le premier cas de la kafala, le futur kefil obtient le consente-
ment des parents du makfoul devant un notaire, en revanche, dans le
deuxième cas, la kafala permet de recueillir les enfants déclarés par
jugement abandonnés ou négligés.
Le ministère public demande alors devant le tribunal une déclara-
tion officielle620. Parmi plusieurs étapes dans lesquelles le ministère
joue un rôle primordial, celle-ci est la première. Ensuite, le ministère
place l’enfant dans un établissement social ou auprès d’une personne
qui sera le kefil et qui aura préalablement été examiné par le ministère
en vue de s’assurer qu’elle est apte à prendre en charge le makfoul. Le
juge des tutelles, après ces vérifications et le dépôt de toutes les pièces
requises621, octroiera la kafala par jugement.
Conformément à la loi, le kefil doit être un homme ou une femme
ayant atteint l’âge de la majorité ou encore une association ou une
personne morale reconnue par les autorités publiques. Depuis la loi
de 2002, la kafala peut être accordée aussi bien à la femme mariée
614- Ibid, p. 81.
615- Dahir portant loi n°1-93-165 du 22 rabii I 1414 (10septembre 1993) relatif aux enfants
abandonnés.
616- Dahir n°1-02-239 du 3 octobre 2002.
617- JAMILA BARGACH, Orphans of Islam : family, abandonnent, and secret adoption in
morocco, lanham, Md., Rowman- Littlefield publishers, 2002, p. 34.
618-Article 315 du Code marocain de la famille.
619 -Article 315 du Code marocain de la famille.
620- Loi de 2002, article 4.
621- Attestations de salaire, extraits de casier judiciaire, certificats médicaux et certificats de
mariage si besoin.

199
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

qu’a la femme célibataire et le makfoul peut porter le nom de son


kefil622. La kafala prend fin pour les raisons suivantes, à savoir : la
majorité du makfoul, son décès ou celui du kefil, la déchéance du kefil
ou par décision judiciaire en cas de manquement de la part de ce dernier.
En cas du divorce, le makfoul peut choisir lequel des deux conjoints avec
qui il veut vivre. À défaut, le juge peut prendre la décision qui protège le
mieux les intérêts de l’enfant. L’autre parent peut bénéficier du droit
de visite.

Paragraphe II : Place de la kafala dans l’ordre international


L’institution de la kafala sera examinée à la lumière du droit inter-
national public, plus précisément par rapport aux principes contenus
dans la convention sur les droits de l’enfant (CDE)623 (1) et dans la
convention sur la protection des enfants et la coopération en matière
d’adoption internationale (Convention de la Haye)624 (2).

A- La place de la kafala dans la CDE


Il convient de rappeler d’abord que le droit de l’enfant a être adopté
n’est pas reconnu par le droit international, encore moins le droit des
adultes d’adopter un enfant625. En revanche, c’est le droit de l’enfant à
grandir dans un climat familial favorable et de bénéficier d’une protec-
tion spéciale quand il est privé de sa famille d’origine qui est reconnu
clairement par le droit international.
Le droit international a pris conscience des différences culturelles
existantes à l’échelle mondiale et des inconvénients qui peuvent être
entraînés par l’adoption plénière dans la mesure où elle est définitive
et drastique, l’adoption d’un système juridique qui permet à l’adopté
de maintenir des liens avec sa famille d’origine est de plus en plus
préconisée626. La consécration de l’adoption simple par la convention

622- Article 20 de la loi n°97-99 relative à l’état civil.


623- Résolution 44/25 de l’Assemblée générale du 20 novembre 1989 (entrée en vigueur le 2
septembre 1990). Disponible sur le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’Homme : http : //www.ohchr.org/french/Law/crc.htm (page consultée le 15 janvier 2012).
624- 29 mai 1993 (entrée en vigeur le 1er mai 1995). Disponible en ligne sur le site de
la conférence de la Haye de droit international : http://www.hcch.net/indesc fr.php, act =
conventions. text&cid = 69 (page consultée le 15 janvier 2012).
625- JINI L.ROBY, « From rchetoric to best pratice : children’s rights in inter – country
adoption » 27 Child legal Rts.j.48. 2007, p.50 et suiv.
626- CARMEN LAVALLEE, l’enfant, ses familles et les institutions de l’adoption, regard
sur le droit français et le droit québécois, Montréal, Wilson et lafleur, 2005, p.269.

200
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

de La Haye et le développement croissant de l’adoption ouverte


témoignent de cette tendance627. De ce point de vue, la kafala présente
l’avantage majeur de ne pas couper l’adopté avec sa famille d’origine.
C’est dans ce sens que la CDE a adopté des normes qui se veulent le
résultat d’un compromis entre universalisme et pluralité culturelle628.
En effet, la place réservée à la kafala dans la CDE illustre parfaitement
le respect et la reconnaissance de spécificité religieuse et culturelle
affectant des millions d’enfants dans le monde.
Concernant l’adoption, il ressort de l’esprit de la CDE que l’enfant
a le droit dans la mesure du possible de conserver sa culture et de
maintenir des liens avec sa famille d’origine. Par conséquent, on peut
déduire que l’esprit de la CDE est favorable au concept de la kafala.
La CDE envisage aussi dans son article 21 l’adoption de façon neutre.
Elle ne considère pas celle-ci comme la meilleure ou l’unique solution
possible en vue de garantir à l’enfant un environnement favorable
et stable, la formule : « dans les états reconnaissant l’adoption » étant
interprétée de manière claire dans ce sens629. L’adoption internationale
fait l’objet de plusieurs critiques et beaucoup de voix s’élèvent pour
y mettre un frein vu les déviations qu’elle entraîne630. Par rapport à

627- JINI L.ROBY, « From rhetoric to best practice : children’s rights in inter- country
adoption » 27 Chilsd. Legal Rts. J.48 2007, p.58.
628 -Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer les paragraphes 3 et 12 du préambule.
629- L’article 21 se lit :
Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur
de l’enfant est la considération primordiale en la matière, et : a) Veillent à ce que l’adoption
d’un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément
à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs
au cas considéré, que l’adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l’enfant par rapport
à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes inté-
ressées ont donné leur consentement à l’adoption en connaissance de cause, après s’être en-
tourées des avis nécessaires ; b) Reconnaissent que l’adoption à l’étranger peut être envisagée
comme un autre moyen d’assurer les soins nécessaires à l’enfant, si celui-ci ne peut, dans son
pays d’origines, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou être convenablement
élevé ; c) Veillent, en cas d’adoption à l’étranger, à ce que l’enfant ait le bénéfice de garanties
et de normes équivalant à celles existant en cas d’adoption nationale ; d) Prennent toutes les
mesures appropriées pour veiller à ce que, en cas d’adoption à l’étranger, le placement de
l’enfant ne se traduise pas pr un profit matériel indu pour les personnes qui en sont respon-
sables ; e) Poursuivent les objectifs du présent article en concluant des arrangements ou des
accords bilatéraux ou multilatéraux, selon les cas, et s’efforcent dans ce cadre de veiller à ce
que les placements d’enfants à l’étranger soient effectués par des autorités ou des organes
compétents.
630- Le trafic d’enfants dans le contexte de l’adoption internationale n’est pas le sujet de la
présente étude, mais le lecteur pourra se référer à CHANTAL SACLIER, « Children and
adoptrion : which rights and whose ? » dans Nigel Cantwell, Intercountry Adoption, Unicef,
Innocenti Digest, décembre 1998, p.11-12.

201
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

la question spécifique de l’adoption d’enfant dont le statut personnel


ignore l’institution, la CDE ne répond pas clairement et peut être
invoquée aussi bien à l’encontre qu’en faveur de celle-ci. Alors que
l’adoption est considérée comme un moyen de protection envisagea-
ble, les articles 7 et 8 constituent le fondement en quelque sorte du
droit de l’enfant à préserver son nom, son identité ainsi que son droit
de connaître ses parents biologiques631. La CDE ne mentionne pas
explicitement le droit des adoptés d’accéder à leur dossier. La conven-
tion de la Haye est également lacunaire sur ce point632. Le comité des
droits de l’enfant a confirmé le droit des enfants adoptés à connaître
l’identité de leurs parents biologiques, ce qui implique que les Etats
doivent veiller à conserver l’identité de ces derniers. Pourtant, dans la
majorité des Etats, ce droit de l’enfant adopté est encore ignoré, ce qui
constitue une des plusieurs formes de discrimination dont souffrent les
enfants adoptés633.
Le concept de la kafala se rapproche étroitement de l’esprit de la
CDE dans la mesure où le rapport de filiation avec les parents biologi-
ques de l’adopté demeure conservé, on ne coupe ni ne nie ce rapport.
La kafala est aussi considérée par la communauté internationale comme
une protection de replacement valable pour l’enfant privé de sa
famille d’origine au sens de l’article 20 de la CDE. Malheureusement,
dans la réalité, pour éviter le regard de la société, les kefils présentent
le makfoul le plus souvent comme leur enfant biologique. Cet élément
de secret rapproche la kafala de l’adoption plénière.

631- Article 7 :
1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’ac-
quérir une nationalité, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être
élevé par ceux. [nos italiques]
2. Les Etats parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation
nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en
la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l’enfant se trouverait apatride.
Article 8 :
1. Les Etats parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y
compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi,
sans ingérence illégale.
2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains
d’entre eux, les Etats parties doivent lui accorder une assistance et une protection appro-
priées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.
632-L’article 30 (2) subordonne l’accès aux lois de l’Etat.
633- GERALDINE VAN BUEREN, « Children s’access to adoption records- state discre-
tion or an enforceable international right ? » 1995, 58 Mod.L.Rev. 37, p.38, L’auteur fait une
liste impressionnante de discriminations dont les adoptés ont été victimes en accident.

202
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Il est important de souligner que malgré son universalisme, la


CDE n’est qu’un traité parmi d’autres signés par les Etats de statut
personnel musulman concernant les enfants634. Ces Etats ont adopté
leurs propres instruments635, en réaction à la déclaration universelle
des droits de l’homme de 1948636, jugée laïque. Ils se sont entendus,
en matière des droits de l’enfant, sur plusieurs principes par le biais,
entre autres, de trois instruments régionaux à savoir : la déclaration
sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique de
Casablanca du 15 décembre 1994637, le pacte de l’Organisation isla-
mique mondiale relatif aux droits de l’enfant de Sanaâ de juin 2005638
et la Déclaration de Rabat sur l’enfance dans le monde islamique
(Déclaration de Rabat) du 9 novembre 2005639. Sans traiter directe-
ment la question de l’adoption ou la kafala, ces instruments s’intéressent
notamment de la conception musulmane relative à l’enfant. Les droits
reconnus à l’enfant dans la déclaration de 1994 s’éloignent clairement
de ceux reconnus par la CDE640. La Déclaration de Rabat marque
une évolution en ce qu’elle met l’accent sur l’enfant et la protection de
ses droit et non pas sur la conformité au droit musulman.

B- La place de la kafala dans la Convention de La Haye :


La convention de La Haye a pour objectif de prévoir des garanties
pour que l’adoption d’un enfant étranger ne porte pas atteinte à ses
intérêts ni à ses droits. Ainsi, des mesures de coopération y sont pré-
vues. La convention de La Haye est applicable, conformément à son

634 -Discutés en détail dans MASOUD RAJABI – ARDESHIRI, « The rights of the Chid
in the Islamic Context : the Challengs of the local and the Global », 2009, 17 I nt’l j.Child.
Rts. 475.
635- MASOUD RAJABI – ARDESHIRI, op. cit., p.481 notamment en adoptant leur pro-
pre version musulmane de la déclaration universelle, la déclaration islamique universelle des
droits de l’homme (1981), puis la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam
(1990), très critiquée parce que reconnaissant la chariâa comme unique source de droits
humains.
636 -Adoptée en vertu de la Résolution des Nations Unies n°217 (III) du 10 décembre 1948.
637- Adoptée par l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) lors du 7è Sommet isla-
mique tenu à Casablanca (Maroc), du 13 au 15 décembre 1994.
638-Adopté lors de 32ème Conférence des ministres des Affaires étrangères, à Sanaa, Répu-
blique du Yémen, juin 2005.
639 -Adoptée à l’issue de la première conférence islamique des ministres chargés de l’en-
fance, à Rabat, Royaume du Maroc, 7 au 9 novembre 2005.
640 -Par exemple : l’apostasie d’un musulman est prohibée, l’enfant doit grandir le plus pos-
sible dans la religion islamique, l’adoption est prohibée, la priorité est accordée au père dans
la vie de l’enfant.

203
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

article 2, aux ressortissants d’Etats signataires seulement, sur le fon-


dement de leur résidence. Le facteur de rattachement de résidence
a été interprété par certains, comme faisant fi de la loi nationale de
l’adopté ainsi que de sa religion641. En effet, un enfant résidant dans
un Etat contractant pourrait être soumis à la convention même si son
statut personnel prohibe l’adoption642. Cependant, cette éventualité
est tempérée par la CDE notamment dans son article 20, paragraphe
3, qui stipule qu’en matière d’adoption, les Etats doivent prendre en
considération la nécessité d’une certaine continuité en ce qui concerne
l’éducation de l’enfant, sa religion, sa culture et sa langue d’origines.
La France est signataire de cette convention et l’a ratifiée. Mais, celle-ci
n’a pas été ratifiée par les pays de statut personnel musulman puis-
que l’adoption y est prohibée. Par conséquent la convention n’y est
pas applicable. En outre, l’institution de la kafala n’est pas l’objet de
la convention. En effet, seules les adoptions simple et plénière sont
visées par la convention notamment dans le paragraphe 2 de son
préambule et son article2. Ils se lisent respectivement :
Reconnaissant que l’adoption internationale peut présenter l’avan-
tage de donner une famille permanente à l’enfant pour lequel une
famille appropriée ne peut être trouvée dans son Etat d’origine.
(…)
La convention ne vise que les adoptions établissant un lien de
filiation.
L’intégration de l’institution de la kafala dans la convention a été
proposée, mais « faute de support »643, elle a été rejetée. Elle a été inté-
grée dans la convention concernant la compétence, la loi applicable,
la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de respon-
sabilité parentale et de mesures de protection des enfants644, entrée en
vigueur en 2002, qui régit les déplacements d’enfants d’un pays vers
641 -CHANTAL COLLARD, CARMEN LAVALLEE et FRANÇOISE- ROMAINE
OUELLETTE, « Quelques enjeux normatifs des nouvelles réalités de l’adoption internatio-
nale », 2006, 5 Enfances, familles et générations 1-16, au paragraphe 25.
642 -Ibid.
643-Rapporteur de la commission spéciale de la 17ème session de la conférence de La Haye
sur le droit international privé (GONZALO PARRA ARANGUREN), Explanatory report
on the Convention on protection of children and co- operation in respect of intercontry
adoption, 1992, p.12.
644 -Conclue le 19 octobre 1996 et entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Voir Hans Van
Loaon, « the accommodation of religions law in cross – borde situations : the contribution of
th Hague Conference on private international law », 2010, 1 cuasernos de Derecho Transna-
cional2, 261-267, p.264.

204
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

l’autre. Pourtant, aucun pays musulman à part le Maroc (où elle est
entrée en vigueur le 1er décembre 2010) n’a ratifié cette convention.

Deuxième section : L’institution de la kafala au regard


du droit français

Le droit civil français distingue entre deux types d’adoption :


l’adoption simple et l’adoption plénière (A). En présence d’un élément
d’extranéité, l’adoption prend le caractère international en raison de la
nationalité étrangère de l’adopté ou de l’adoptant. Qu’elle soit plénière
ou simple, l’adoption en France d’un enfant mineur de statut personnel
musulman serait contraire à la loi du 6 février 2001, devenue les articles
370-3 à 370-5 du Code Civil, ayant influencé les jugements de kafala
étrangers (B).

Paragraphe I : Définitions des adoptions simple et plénière


Le droit français reconnaît deux types d’adoption l’adoption simple
(B) et l’adoption plénière (A). Leurs conditions et effets sont diffé-
rents, bien qu’elles présentent certains caractères communs.

A- L’adoption plénière :
L’adoption plénière est créée en 1966. Elle est soumise aux dispo-
sitions des articles 343 à 359 du Code Civil et ne s’applique qu’à des
enfants de moins de 15 ans accueillis au foyer des adoptants depuis 6
mois au moins645. A l’exception des hypothèses où elle concerne l’enfant
du conjoint, elle suppose une rupture complète des liens de filiation
préexistants646. La filiation adoptive se substitue à la filiation biologi-
que en ce sens qu’elle est irrévocable647. Dans sa famille de substitution,
l’adopté joint des droits et obligations identiques à ceux d’un enfant
légitime648 et porte le nom de son adoptant649. Dans les mêmes condi-
tions qu’un enfant légitime ou naturel, il peut acquérir la nationalité
française.

645-Article 345, al1 du Code civil.


646 -Perte de tous ses droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux.
647 -Articles 356 et 359 du Code civil.
648- Article 358 du Code civil
649 -Article 359 du Code civil.

205
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

B- L’adoption simple :
L’adoption simple est régie par les dispositions des articles 360 à
370 – 2 du Code civil. Ces articles fixent les mêmes conditions d’âge
que l’adoption plénière concernant les adoptions650, mais ne fixe pas
de conditions d’âge en ce qui concerne l’adopté651. En matière d’adoption
simple, les liens de filiation préexistants ne sont pas rompus et l’adopté
conserve dans sa famille d’origine ses droits successoraux652 et alimen-
taires653. Elle n’implique pas non plus l’acquisition automatique de la
nationalité française654. L’adopté maintiendra son nom d’origine bien
qu’il lui sera accolé en plus de celui de son adoptant655. Cependant, les
adoptants détiendront entièrement l’autorité parentale656.
Il convient de préciser que dans les deux cas, l’adoption n’est pos-
sible que si elle jugée conforme à l’intérêt de l’enfant657. Les adoptants
peuvent être des époux mariés depuis deux ans ou âgés l’un et l’autre
de plus de 28 ans ou encore des personnes seules âgées de plus de 28
ans658. La différence d’âge, sauf exception, doit être de 15 ans entre
l’adoptant et l’adopté659. Les candidats doivent être munis d’un agré-
ment pour adopter660, à moins que le juge en décide autrement661.

Paragraphe II : La position des tribunaux français face à l’institu-


tion de la kafala
Un regard sera porté sur la législation et la jurisprudence sur la loi
applicable à l’adoption avant la loi de 2001 dans un premier tems (1)
et après la loi de 2001 dans un deuxième temps (2).

650 -Article 361 du Code civil.


651- Article 360 du Code civil.
652-Article 364 du Code civil. De plus, la fiscalité successorale varie selon que l’adoption
est plénière ou simple : voir RICHARD CRANE, MARIEL REVILLARD, BERTRAND
GELOT, l’adoption : aspects internes et internationaux, paris Edition Defrénois, 2006, p.75
et 76.
653 -Article 367 du Code civil.
654 -Article 21 du Code civil.
655-Article 367 al 1 du Code civil.
656 -Article 365 al1 du Code civil.
657-Article 352 al1 du Code civil.
658 -Articles 343 et 346 al1 du Code civil.
659 -Article 344 du Code civil.
660 -Articles 225-2 al2 et 225-15 Code de l’action sociale et des familles.
661 -L’article 353-1 al2 du Code civil permet au juge de passer outre l’absence ou le refus
d’agrément

206
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

A- La législation et la jurisprudence sur la loi applicable à


l’adoption avant la loi de 2001 :
Le législateur laissait au juge avant la loi du 6 février 2001662 le
soin de régler les conflits de lois concernant la matière de l’adoption
internationale. Dans le cas où l’adopté et l’adoptant ont la même
nationalité, c’est la loi commune des parties qui recevait application.
Les choses se compliquaient quand des divergences existaient. En
matière de conflit de lois, l’arrêt Torlet rendu le 7 novembre 1984663 a
été considéré comme l’arrêt phare. À l’occasion de cet arrêt, la Cour
de cassation a d’abord tranché en faveur de la loi nationale de l’adop-
tant en établissant la règle en vertu de laquelle les conditions et les
effets de l’adoption sont soumis à la loi nationale de l’adoptant. La
loi nationale de l’adopté ne servait qu’à déterminer les conditions du
consentement ou de la représentation de l’adopté. Si un couple marié
souhaite adopter, c’est la loi des effets du mariage qui recevait appli-
cation : la loi de nationale commune des deux conjoints et à défaut, la
loi de leur résidence commune. Deux époux de nationalité marocaine
ou mixte (marocain-algérien), dont la (les) loi(s) nationale(s) interdit
(interdisent) l’adoption, n’avaient pas le droit d’adopter664. En outre,
la Haute juridiction avait aussi établi à l’occasion du même arrêt cité
ci-dessus que le consentement à l’adoption valait pour l’une ou l’autre
des adoptions reconnues par la loi française. C’est la loi des candidats
à l’adoption qui a été nettement favorisée par cet arrêt. Un autre arrêt
est allé plus loin en établissant la règle conformément à laquelle le
consentement devait être apprécié indépendamment du statut personnel
de l’adopté, mais selon la volonté expresse de la personne qui donnait son
consentement. L’analyse du consentement à l’adoption était dissociée
par la Haute juridiction de la loi nationale de l’adopté. La même Cour
réitérait, quatre ans plus tard, le principe en confirmant le fait que le
consentement à l’adoption devait être donné en connaissance de cause
des effets liés à l’adoption plénière, quand elle était demandée665. La
Cour de cassation tranchait, le 10 mai 1995, la question de l’adoption
d’un enfant dont la loi nationale interdit l’adoption en appliquant les
662 -Parue au journal Officiel Numéro 33 du 8 février 2001.
663 -Cass.civ. 1ère ch.civ., 7 novembre 1984, Defrénois 1984, art.33781, n°80.
664 -HORATIA MUIR Watt, professeur à l’Université paris I panthéon Sorbonne, Allocu-
tion, Extraits de la cinquième Table ronde : Le jugement d’adoption : interactions des droits
nationaux, panorama des points fondamentaux, présentée à paris, 26 mars 2004, p.10.
665 -Cass.civ., 1ère ch. civ, 1ère juin 1994 (Moreau), Defrénois 1994, art. 35945, p.96.

207
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

principes déjà établis666. La dite juridiction établissait dans cet arrêt


clé que l’adoption qu’elle soit plénière ou simple d’un enfant dont le
statut personnel (ici la loi marocaine) interdit ou ignore cette institution
était possible, à condition que le représentant du mineur ait consenti
en toute connaissance de cause, et ce indépendamment des prescrip-
tions de sa loi nationale, des effets attachés par le droit français à
l’adoption. Il s’agit en particulier des effets de l’adoption plénière et
notamment le caractère complet et irrévocable de la rupture des liens
entre l’adopté et sa famille biologique ou les autorités de tutelle de
son pays d’origine. Cet enseignement a été appliqué par plusieurs
décisions et ont abouti à la transformation des kafalas en adoption,
bien que l’adoption de l’enfant prononcée en France ne produisait
aucun effet dans son pays d’origine. Il paraît par conséquent que les
juges aient estimé que l’adoption était justifiée par l’intérêt de l’enfant,
résidant en France, bien que l’adoption soit considérée comme boiteuse.
La Haute juridiction venait apporter, à l’occasion de deux arrêts qu’elle
avait rendus le 1er juillet et du 16 décembre 1997, une précision à cette
règle. D’après la dite Cour, si le consentement a été donné par les pa-
rents biologiques (consentement privé en violation de la loi nationale),
l’adoption conformément à la loi française était possible667, mais si
le consentement a été donnée par les autorités publiques étrangères,
l’adoption n’était pas possible parce que contraire à la loi668.
Un constat s’impose : avant l’intervention du pouvoir législatif en
France, la Cour de cassation considérait que l’interdiction de l’adoption
en vigueur dans un pays étranger ne constituait pas un obstacle à
l’adoption en France, puisque le juge français examinait le consentement
donné avant tout, peu importe les dispositions de la loi étrangère669.

B- La législation et la jurisprudence sur la loi applicable à


l’adoption après la loi de 2001
L’assemblée nationale, par le projet de loi adopté à l’unanimité le 28
mars 2000, modifie le précepte selon lequel « la loi française s’applique
aux conditions et aux effets de l’adoption si la législation du pays
d’origine autorise l’adoption ou ne le prévoit pas » pour adopter celui

666 -Cass.civ., 1ère ch. civ., 10 mai 1995 (Franthou) , Rev. crit.D.I.P. 1995, p.547.
667 -Cass.civ. 1ère ch., 16 décembre 1977, Rev. crit. D.I.P. 1998, p.433.
668 -Cass.civ.1ère ch., 1 juillet 1997, Defrénois 1998, p.187.
669 -H.FULCHIRON, « adoption sur kafala ne vaut », Dalloz, 2007, chr., p.816-821.

208
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

conformément auquel « la loi française s’applique aux conditions et


aux effets de l’adoption si la législation du pays d’origine n’y fait pas
obstacle»670. L’article 370-3 du Code civil se lit au final comme suit :
Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de
l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit
les effets de leur union. L’adoption ne peut toutefois être prononcée si
la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe.
L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcé si sa loi
personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside
habituellement en France671.
Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement
du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre,
obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé
sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donnée en vue
d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la
rupture du lien de filiation préexistant672.
Les alinéas 1 et 3 de l’article 370 du Code civil appliquent tout
simplement les principes déjà établis, ils n’apportent rien de nouveau.
C’est au niveau de l’alinéa 2 qu’on constate une rupture avec le passé.
Toutefois, la nouvelle règle contient une exception : l’enfant né et rési-
dant en France peut être adopté, et ce, bien que son statut personnel
interdit l’adoption673. Les personnes ayant acquis la nationalité fran-
çaise ou ayant atteint l’âge de la majorité ne sont pas touchées non
plus par l’interdiction. La conséquence principale de cette loi, qui est
voulue par le législateur français et reconnue par la jurisprudence,
est de permettre à l’enfant bénéficiaire de kafala prononcée dans son
pays d’origine de continuer à rester soumis à ce régime en France,
au moins pendant une certaine période. Les parents français ayant
recueilli des enfants en kafala se verront parfois attribuer une tutelle,
d’autres fois une délégation d’autorité parentale674. Aucune de ces
670 -Ibid
671-Cf. P. Murat, « Le refus de la transformation en adoption », Droit de la famille n°1, dos-
sier kafâla, n°8, 2009, p.37 et 41.
672- M.PLAZY, « La recherche d’équivalent : la tutelle », Droit de la famille, n°1, Dossier
Kafâla, 2009, n°9 et 10.
673 - CF.A GOUTTENOIRE et M. LAMARCHE, « La recherche d’équivalent : l’autorité
parentale », 2009, p.45.
674 - Journal officiel de l’Assemblée nationale, 11 juillet 2006, questions et réponses, p. 7365
et Journal officiel de l’Assemblée nationale, 18 juillet 2006, Question et réponses, p.7621.
Dans les faits, les juges octroient tantôt la délégation tantôt la tutelle : DINA CHARIF FEL-
LER, la garde en droit musulman et dans les droits égyptiens, syrien et tunisien, Genève,

209
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

attributions, selon Marie – Christine Le Boursicot, ne correspond


vraiment à l’esprit de la kafala. D’après elle, la délégation de l’autorité
parentale suppose que l’enfant ait déjà une filiation et qu’il y ait par
la suite un transfert, ce qui ne correspond pas non plus à l’esprit de
la kafala. Concernant la tutelle telle qu’elle est conçue par le droit
français, celle – ci est caractérisée par une forte rigueur institution-
nelle675, ce qui est loin également d’être le cas de la kafala676. Le juge
français, à défaut de créer un lien de filiation, ne peut plus « nationa-
liser » l’enfant677 recueilli en kafala. Pourtant il le fait en appliquant
des règles qui ne correspondent pas à l’esprit de l’institution, il s’agit
notamment de la tutelle et de la délégation de l’autorité parentale. La
Cour de cassation et les Cours d’appel s’entendent désormais à ne
pas assimiler la kafala aux adoptions plénière et simple du droit fran-
çais. Elles appliquent strictement les dispositions de l’article 370-3 du
Code civil678. Ainsi, à titre d’exemple, on peut citer l’arrêt rendu le 19
novembre 2003 par la Cour d’appel d’Amiens qui rappelle que l’adop-
tion d’un mineur étranger ne peut avoir lieu si sa loi nationale interdit
cette institution, ce qui est le cas de loi algérienne. La Cour d’appel
d’Amiens à déclaré que « La kafala […] ne peut être considérée comme
une adoption, même simple ». Dès lors, « le prononcé de l’adoption
de la mineure est légalement impossible, l’enfant ne remplissant pas
les conditions cumulatives de naissance et de résidence en France679».
Dans un arrêt rendu le 27 novembre 2003, la Cour d’appel de Versailles,
a appuyé le ministère public d’après qui la kafala ne peut pas être

Librairie Droz, 1996, p.47 et FANNY VASSEUR LAMBRY, « Le statut du mineur ma-
ghrébin en France », dans JACQUELINE POUSSON-PETIT, dir, les droits maghrébins à
l’épreuve du droit français, Paris, L’Harmattan, 2009, p.379.
675- La tutelle française est accordée à une seule personne et non à un couple, contrairement
à la kafala qui peut, dans certains cas, être accordée aux couples. De plus, selon l’auteur,
c’est surtout la protection des biens du mineur qui est visée par la tutelle française, plus que
sa personne : MARIE – CHRISTINE LE BOURSICOT, « La kafala ou recueil légal des
mineurs en droit musulman : une adoption sans filiation » 59, Revue internationale interdis-
ciplinaire 280, 2010, p.275.`
676- Ibid
677 -HORATIA MUIR WATT, Professeur à l’université paris I panthéon Sorbonne, Allo-
cution, Extraits de la cinquième table ronde : Le jugement d’adoption : interactions des droits
nationaux, panorama des points fondamentaux présentée à pris, 26 mars 2004, p.10.
678 -Les décisions que nous citons sont loin de constituer une liste exhaustive, celle-ci serait
beaucoup trop longue.
679 -JEAN TUGAULT – LAFLEUR, « Analyse comparative des conceptions de l’enfant
et des institutions de l’adoption dans le monde arabo – musulman et en occident : une récon-
ciliation est – elle possible ? » mémoire de maîtrise en droit, université de Montréal, février
2011, p.140.

210
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

assimilée à l’adoption simple telle que prévue par le droit français,


mais à une délégation d’autorité parentale, alors que les intimés estimaient
l’inverse. La cour d’appel a commencé par rappeler que : « l’adoption,
qu’elle soit plénière ou simple, crée un lien de filiation entre l’adop-
tant et l’adopté », et a déclaré que la kafala « n’instaure aucun lien
de filiation entre l’adoptant et l’adopté, même si les enfants recueillis
peuvent prendre le nom des titulaires du recueil légal, qui s’apparente
à un transfert de l’autorité parentale et n’équivaut pas à une adoption
simple »680.
Enfin, la Cour d’appel de Reims a rendu un arrêt identique le 4
décembre 2003 qui précise que le consentement à l’adoption exprimé
par la famille en violation du statut personnel de l’enfant est sans effet.
Elle a également ajouté que « l’exclusion de l’adoption par la loi algé-
rienne ne heurte pas l’ordre public français dès lors que cette loi met
en place par kafala une institution de substitution susceptible de four-
nir à l’enfant la protection (entretien et éducation) dont il a besoin».
La Cour de cassation a appliqué ces principes à plusieurs occasions681.
De plus, la Haute juridiction a annulé un arrêt de la Cour d’appel de
limoges682 qui avait autorisé une adoption plénière.
La Cour d’appel a justifié sa décision par le fait que les autorités
étrangères confiaient les enfants en kafala à des étrangers en connais-
sant d’avance que par la suite, une adoption sera prononcée dans le
pays d’accueil. Ce justificatif relatif à la connaissance ou à l’accep-
tation tacite des autorités étrangères pour prononcer l’adoption en
France683 a été plaidé en doctrine. Pourtant, il ne constituerait pas un
prétexte valable pour passer outre les dispositions de l’article 370-3
du Code civil.
Le 25 février 2009, la Haute juridiction a décidé que l’article 370-
3 du Code civil n’est pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant
puisque la kafala est prévue par la CDE, spécifiquement dans son
article 20, comme mesure valable de protection. Selon la juridiction,
l’enfant recueilli en kafala est protégé de la même façon que celui qui
est adopté. Cette assimilation de la kafala à l’adoption a fait l’objet de
680 -Ibid.
681 - Notamment dans deux arrêts très fermes impliquant des enfants marocains et algé-
riens : Cass.civ.1ère ch., 10 octobre 2006, pourvois n°06-15265 et n°6-15264.
682 -Cass.civ. 1ère ch., 9 juillet 2
683 -Notamment : PIERRE MURAT, « Les transformations de la famille : quel impact sur les
finalités de l’adoption ? » 4 Enfances et psy 29, 2005. 008, pourvoi 07-20279.

211
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

plusieurs critiques en pratique dans la mesure où ces deux institutions


n’ont pas les mêmes effets684. Dans ce cas d’espèce, la demanderesse
avait recueilli par kafala une enfant algérienne et avait demandé son
adoption en France. Débouté par le tribunal de grande instance et la
Cour d’appel, elle invoqua devant la Cour de cassation la violation
des articles 8685 et 14686 de la convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales687 et la violation de l’intérêt
supérieur de l’enfant (article 3CDE688).
Pourtant, sa demande était sans succès. Commentant cette décision,
un auteur note positivement que le respect de la nullité d’un acte dans
l’ordre juridique dont il émane par les autorités françaises réalisera
une meilleure coopération entre les différentes autorités administra-
tives689. Selon l’expression de ce même auteur « à juste titre, les parle-
mentaires ont estimé ne pas pouvoir imposer la conception française
aux Etats étrangers »690.
Il faut cependant noter que la règle qui découle de l’article 370-3
fait l’objet de détournements. Ainsi, conformément à l’article 21-12
du Code civil, l’enfant recueilli en kafala par un français en France
peut, à condition d’avoir intégré la société française et après cinq ans,
acquérir la nationalité française. Une fois obtenue, l’enfant recueilli
en kafala peut être adopté conformément à la loi applicable aux fran-
çais dont il fait désormais partie691.
Comparé à d’autres pays européens, la France est le seul pays à
avoir adopté ce principe prohibitif. En effet, la loi suisse (article 77 de
la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987),

684 -Décision critiquée dans ADELINE GOUTTENOIRE « l’actualité juridique et judi-


ciaire de l’année 2008 » Gazette du palais n°342, 8 décembre 2009, p.32 et dans HELENE
PEROZ « prohibition de l’adoption internationale et kafala » L’essentiel droit de la famille et
des personnes n°0501, 20 septembre 2009, p.1.
685 -Droit au respect d’une vie familiale normale.
686 -Discrimination fondée sur la religion, la nationalité et le lieu de naissance.
687 -Signée à Rome le 4 novembre 1950, entrée en vigueur le 9 septembre 1953. Disponi-
ble sur le site de la Cour européenne des droits de l’homme : http://www.echr.coe.int/NR/
rdonlyres/086519A8-B57A-40f4-9E22-3E27564 DBE86/0/FRA convention. pdf (page
consultée le 15 mars 2013).
688 -En France, Etat moniste, la CDE est directement applicable en droit français et il est
possible de l’invoquer devant les juridictions nationales : principe rappelé par la Cour de
cassation dans civ. 1ère ch. 18 mai 2005, Dalloz 2005.
689 -SYLVAIN MERCOLI, « A propos de l’impossibilité d’adopter un enfant étranger dont
la loi personnelle prohibe cette institution » petites affiches n°62, 26 mars 2004, p.17.
690 -Ibid
691 -Par exemple dans Cour d’appel d’Amiens, 5 mai 2004, Juris Data n°2004-261641.

212
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

la loi belge (loi modifiant certaines dispositions relatives à l’adoption


du 6 décembre 2005) et la loi espagnole (article 9 alinéa 5 Code civil
espagnol du 29 juillet 1989) permettant toutes l’adoption d’enfants
recueillis en kafala selon certaines conditions692.
Dans la pratique, plusieurs intervenants d’importance ont souligné
la situation précaire des environ mille enfants bénéficiant d’une kafala.
En effets, ces derniers font remarquer que ces enfants vivent dans
un vide : ils ne sont ni protégés par la kafala qui découle de leur loi
nationale, ni par la protection issue du régime d’adoption au sens
de la loi de leurs pays d’accueil693. Le Médiateur de la République
(Ombudsman français), dans son rapport annuel 2009694, critiquait
les autorités françaises pour ses réponses considérées insatisfaisantes
devant cette insécurité juridique, en particulier en matière d’obten-
tion de visa concernant ces enfants, toujours très pénible à obtenir.
Les délais et les conditions varient selon les consulats. L’agrément en
vue d’une adoption, qui permet d’obtenir un visa d’entrée, n’est pas
accordé aux futures kefils dans la mesure où les autorités publiques
françaises n’assimilent pas l’institution de la kafala à l’adoption695.
Une enquête sur terrain a révélé que les membres de la commu-
nauté marocaine résidant en France qui décident d’adopter un enfant
au Maroc sont souvent confrontés à des problèmes pour les amener
vivre avec eux. Ces problèmes sont relatifs au refus des autorités
françaises à octroyer des visas d’entrée aux enfants recueillis en kafala.
C’est ainsi que ces derniers, pour rejoindre leurs parents adoptifs en
France, sont plusieurs fois obligés de vivre longtemps chez les parents
des personnes qui ont obtenu la kafala ou de rester dans les orpheli-
nats en attendant l’autorisation d’entrer en France. Ceci est de nature à
créer des problèmes affectifs et parfois même physiques à ces enfants.
Un couple qui vit en France, interviewée en février 2013 à ce sujet,
a déclaré qu’ils étaient marocains mais aussi français, qu’ils avaient
692 -MARIEL REVILLARD, « La kafala n’est pas une adoption » répertoire du notariat
Defrénois n°19, 15 novembre 2008, p.281 et suiv.
693 - LAURENCE BRUNET, « La réception en droit français des institutions familiales de
droit musulman : vertus et faiblesses d’un compromis », Droit et cultures [En ligne], 59/2010-
1, mis en ligne le 6 juillet 2010, URL : http://droit cultures.revues.org/2086, p.5 (consultée
le 24 mars 2013).
694 -France, Médiateur de la République, Rapport annuel 2009 (par JEAN PAUL), p.67
et 68 ; JEAN PAUL DELEVOYE, « Droits de l’enfant : encore des progrès à accomplir »
Journal du médiateur de la République, novembre 2009, n°52 ; p.1
695- HELENE PEROZ « prohibition de l’adoption internationale et kafala » l’essentiel :
droit de la famille et des personnes n°0501, 20 septembre 2009, p.12.

213
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

recueilli un enfant en kafala à Rabat mais ils ont rencontré plusieurs


difficultés pour l’amener vivre avec eux en France : les procédures
pour l’obtention de visa sont lentes et longues. L’enfant restait avec sa
famille en attendant de compléter les procédures d’émigration alors
qu’ils auraient préféré l’avoir avec eux pour l’éduquer à leur manière.
La conclusion d’une convention franco-marocaine dans le domai-
ne, pourrait résoudre partiellement le problème de certains enfants
de la kafala et il devient urgent, dans l’intérêt majeur de l’enfant, de
promouvoir une telle solution.
Dans le même ordre d’idées, les enfants recueillis en kafala ne
bénéficient pas du regroupement familial, à l’exception des enfants
algériens696. Le médiateur demande une clarification de la question par
le biais notamment de l’unification des règles en matière de délivrance
des visas ainsi que par une circulaire auprès des services administratifs
français sur les implications légales de l’institution de la kafala, en vue
de permettre à ces enfants de bénéficier des droits sociaux697. L’avis
du Médiateur est partagé par la défenseure des enfants de la Républi-
que. Celle-ci soulignait l’absence des mesures relatives à l’accueil des
enfants recueillis en kafala en France à l’occasion de son rapport pré-
senté en 2008 au comité des droits de l’enfant des nations unies. En
effet, la Défenseure des enfants de la République faisait remarquer
que l’enfant ne bénéficie pas des dispositions de regroupement familial
après qu’une kafala ait été prononcée dans le pays d’origine698.
Par conséquent, la Défenseure encourage les autorités françaises
à conclure des accords avec les Etats concernés à l’instar de l’ac-
cord franco-algérien pour permettre à ces enfants de bénéficier du
regroupement familial. Quant aux enfants déjà résidants en France, la
Défenseure évoque les mêmes problèmes que le Médiateur et souligne la
nécessité d’adopter des mesures plus protectrices699. Des conséquences

696- L’Algérie et la France ont signé l’Entente bilatérale du 27 décembre 1968 relatif à la
circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles
modifiée par le protocole additionnel du 11 juillet 2001. Cette entente fait en sorte que l’en-
fant recueilli par kafala prononcée par un juge algérien peut bénéficier du regroupement
familial.
697- France, médiateur de la république, rapport annuel 2009 (par JEAN PAUL DELE-
VOYE), op. cit. ; PAUL DELEVOYE, « Droits de l’enfant : encore des progrès à accomplir »
journal du médiateur de la république. op. cit., p.1.
698 -Sauf pour l’Algérie.
699 -France, Défenseure des droits de l’enfant, rapport au comité des droits de l’enfant des
nations unies 2008, rapport présenté par CLAIRE BRISSET, p. 47 et 48.

214
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

différentes découlent de la non assimilation de l’institution de la kafala


à l’adoption.
Le conseil d’Etat s’est prononcé le 24 mars 2004700 sur deux décisions
administratives refusant l’autorisation d’entrée en France dans le cadre
de la procédure de regroupement familial à un enfant de nationalité
marocaine. Conformément à l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, seule-
ment l’enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie
ainsi que l’enfant adopté peuvent bénéficier du regroupement familial.
Ceci exclut l’enfant bénéficiaire de la kafala701. Annulant la décision
de l’administration, la Haute juridiction administrative a jugé qu’il
est important qu’une décision qui refuse d’accorder le bénéfice du
regroupement familial à un enfant n’appartenant pas à l’une des
catégories prévues par l’ordonnance du 2 novembre 1995 ne porte
pas atteinte aux droits des intéressés702. Il s’agit notamment du droit
au respect de la vie privée et familiale et le principe de l’intérêt supérieur
de l’enfant consacré par la CDE dans son article 3-1. Ainsi, le conseil
d’Etat a annulé les décisions de l’administration dans ces affaires et
dans deux autres subséquentes703 et a jugé que le refus avait porté
atteinte au droit du respect de la vie privée et familiale consacré par
la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales notamment dans son article 8.
En matière d’acquisition de la nationalité française par l’enfant
bénéficiaire de la kafala, l’article 21-12 du Code civil dispose que
l’enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité
française peut acquérir la dite nationalité après cinq ans. Pour ce faire,
l’enfant recueilli en kafala doit nécessairement avoir été intégré la
société française704. Le recueil de l’enfant n’implique pas, selon la
Cour de cassation, que celui-ci ait rompu tous les liens avec sa famille

700 -C.E. , 20 mars 2004, requête n°29369.


701- BÉATRICE BOURDELOIS, « Le nouveau régime de l’adoption internationale : Les
articles 370-3 à 370-5 du Code civil » Gazette du palais n°347, 13 décembre 2001, p.6.
702 -JEAN TUGAULT LAFLEUR, « Analyse comparative des conceptions de l’enfant et
des institutions de l’adoption dans le monde arabo-musulman et en occident : une réconcilia-
tion est-elle possible ? », février 2011,op.cit., p.146 et 147.
703 -C.E., 17 décembre 2004, requête n°242192 et C.E. , 16 janvier 2006, requête
n°274934.
704- JEAN TUGAULT-LAFLEUR, « Analyse comparative des conceptions de l’enfant et
des institutions de l’adoption dans le monde arabo – musulman et en occident : une réconci-
liation est-elle possible ? », février 2011, op. cit., p.146 et 147.

215
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

biologique, mais les faits doivent mener à conclure que l’enfant a été
intégré véritablement dans la société française. D’après la Cour, l’acte
de kafala ne prouve pas cette intégration, il doit être appuyé par des
faits. La période étalée sur plus de cinq ans n’est pas suffisante à remplir
les conditions fixées par l’article 21-12 du Code civil705.
Quant aux allocations familiales concernant les familles étrangères,
elles sont soumises à un double contrôle. Le premier est relatif à la
régularité du séjour du demandeur étranger et le deuxième concerne
la régularité de l’entrée et du séjour du mineur706. Une liste limitative
des justificatifs devant être produits afin d’attester de cette régularité
est également prévue par le Code. Le regroupement familial est l’une
des sept situations permettant de bénéficier de ces prestations707. Or
celui-ci est refusé à l’enfant recueilli en kafala, ce qui prive le demandeur
de recevoir l’allocation, malgré le fait que ce dernier réside légalement
en France. Dans son rapport d’activité 2009, la Défenseur des droits
de l’enfant souligne que la Haute Autorité de lutte contre les discri-
minations et pour l’Egalité (H.A.L.D.E) a jugé que cette disposition
est contraire à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales (articles 8 et 14) et à la C.D.E en ce sens
que seule la régularité de l’entrée en France du demandeur devrait
être prise en considération à l’exclusion de la régularité du séjour du
mineur708.
La législation française est assez complexe et le traitement de la
kafala n’y est pas forcément enviable. La question continue toujours
a être débattue, même après l’adoption de la loi de 2001, par les parle-
mentaires français. Avant la réforme de 2005709 et durant les travaux
parlementaires, la question a été soulevée à nouveau et des amendements

705 -civ. 1ère ch., 14 avril 2010, n°08-21.312.


706-Article 512-2 Code de la sécurité sociale.
707 -Article 512-2 Code de la sécurité sociale.
708 -France, défenseure des droits de l’enfant, rapport d’activité 2009, présente par CLAI-
RE BRISSET, P.100 et 101.
709 -Plus précisément à la loi n°2005-744 du 4 juillet 2005 parue au journal officiel n°155 du
15 juillet 2005. Cette loi a pour objectif d’améliorer l’organisation des procédures d’adoption,
simplifier les procédures d’agrément, renforcer l’aide aux candidats. Voir le site du sénat
français : http://www.Senat.fr/dossier-législatif/pp 104-300. html (Page consultée le 20 mars
2013).

216
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

ont été suggérés, mais sans résultat710. En 2006 et 2007711, le débat a


ressurgi. Il est à espérer que l’avenir passera par le parlement européen,
qui est orienté vers la protection des droits et intérêts de l’enfant712.

710 -Un auteur rapporte quelques propos très critiques sur la dite loi : voir FANNY VAS-
SEUR LAMBRY, « Le statut du mineur maghrébin en France », sous la direction de JA-
QUELINE POUSSON – petit, les droits maghrébins à l’épreuve du droit français, paris,
l’Harmattan, 2009, p.372.
711 -Des amendements ont été proposés par ALAIN MILON ET JEAN – RENE LE-
CERF de l’Union pour le mouvement populaire en juin 2006 et par PATRICIA ADAM du
parti socialiste en janvier 2007.
712 -JAQUELINE RUBELLIN – DEVICHI, « Réflexions sur le devenir de l’adoption
internationale, 2 Informations sociales n°146, 2008, p.44.

217
Titre Deuxième
Les conflits de lois relatifs à la répudiation
et aux nouveaux modes de dissolution de
mariage

Les procédures de dissolution du lien matrimonial restent sources


de plusieurs difficultés pour la communauté marocaine établie en
Europe. En effet, les dispositions du Code marocain de la famille dans
ce domaine, demeurent éloignées de celles des systèmes juridiques en
Europe qui se sont alignés sur le modèle des conventions internatio-
nales des droits de l’homme et ont adopté les principes d’égalité et de
liberté entre les deux sexes. En revanche, la législation marocaine,
pour se rapprocher de l’exemple international et malgré les efforts
déployés dans le nouveau Code de la famille, contient toujours des
éléments de déséquilibre entre les prérogatives de l’homme et de la
femme en matière de dissolution de mariage. Déséquilibre servant
d’argument au juge français pour la non application des décisions
rendues par les juridictions marocaines.
Il convient d’analyser dans une première étape les dispositions du
Code marocain de la famille relatives à la répudiation et aux nouveaux
modes de dissolution de mariage (chapitre I) et la position du juge
français face à ces dispositions (chapitre II).

Chapitre I : Les dispositions du Code marocain de la


famille relatives à la répudiation et aux nouveaux modes
de dissolution du mariage :

La nouvelle réforme législative introduite par le Maroc a modifié


profondément les anciennes structures juridiques concernant la dis-
solution du lien matrimonial de manière que l’étude de la matière
avant (première section) et après (Deuxième section) la réforme du
Code marocain de la famille semble s’imposer.

219
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Première section : La répudiation avant la réforme du


Code marocain de la famille :

Il ne s’agit pas ici de traiter les différentes formes de la répudiation


ainsi que toutes les règles de forme et de fond relatives à l’institution. Ce
travail a déjà été brillement effectué713. L’attention sera plutôt portée
sur la manière dont la répudiation a été abordée par le Coran (parag
I) et par le droit positif (parag II).

Parag I : la répudiation abordée par le texte coranique :


Plusieurs versets coraniques ont abordé la répudiation. Il s’agit
notamment de la Sourate II, versets 226-232 :« Pour ceux qui s’abstien-
nent par imprécation de leurs femmes, mise en observation de quatre
mois. S’ils se reprennent… Dieu est Tout pardon, Miséricordieux. S’ils
persistent dans la répudiation, Dieu est entendant, connaissant quand
aux répudiées, mise en observation de leur personne pour une durée
de trois menstruations. Il ne leur est pas licite de celer ce que Dieu
crée en leur matrice pour autant qu’elles croient en Dieu et au jour
dernier. Leur mari aura priorité pour les reprendre, s’il préfère une
réconciliation. Les femmes ont droit à l’équivalent de ce qui leur incombe
selon les convenances. Les hommes ont toutefois sur elles préséance d’un
degré. Dieu est puissant et sage. La répudiation, même redoublée,
laisse faculté soit de retenir l’épouse selon les convenances, soit de la
libérer généreusement. Il ne vous est permis de rien récupérer sur elles
de vos dons, à moins que tous deux ne craignent de ne pas satisfaire
aux normes de Dieu. Si vous craignez de la part de vous deux le non-
respect de ces normes, point de faute pour eux à ce qu’elles se libèrent
par rançon. Telles sont les normes de Dieu. Ne les transgressez pas,
qui transgresse les normes de Dieu, ce sont eux les iniques. Une fois
répudiée, l’épouse n’est plus licite à l’ancien mari, qu’elle n’ait épousé
un autre mari. Si ce tiers la répudiait, nul faute pour les deux premiers
à se marier de derechef, s’ils s’estiment capables de satisfaire aux normes
de Dieu. Telles sont les normes de Dieu. Il les explicite à un peuple
capable de connaissance. Si vous répudiez des femmes, et qu’elles
aient rempli leur délai, ou bien retenez-les selon les convenances, où

713- R. EL-HUSSENI BERDACHE, Le droit international privé français et la répudiation


islamique, LGDJ 2002, préface de J.FOYER.

220
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

bien libérez-les selon les mêmes convenances. Ne les retenez pas en


vue de leur nuire, en purs transgresseurs : qui le ferait serait inique
envers lui-même. Ne tournez pas les signes de Dieu en dérision. Rap-
pelez les bienfaits qu’il vous prodigue, ce qu’il a sur vous fait descen-
dre de l’écrit et de la sagesse, pour vous en édifier. Prémunissez-vous
envers Dieu. Sachez que Dieu de toute chose est connaissant. Si vous
avez répudié une femme et qu’elle ait rempli son délai, n’élevez pas de
difficultés contre son remariage avec un nouveau quiconque d’entre
vous croit en Dieu et au jour dernier. Agir de la sorte sera pour vous
plus propre et plus pur. Dieu sait, vous ne savez pas »714. La majorité
des commentateurs déduisent de ces versets que la répudiation est un
droit qui appartient à l’époux et à lui seul715.
Certains auteurs, pour justifier le droit unilatéral de l’époux à mettre
fin au lien matrimonial tout en se référant au Coran, ont invoqué l’idée
conformément à laquelle « c’est l’époux, et lui seul, qui assume les frais
relatifs à la fois au mariage et au divorce. Compte-tenu de sa nature,
il est capable de se maîtriser, de ne pas céder à ses émotions, de bien
prendre son temps avant toute décision de répudiation sauf en cas
de nécessité716 ». D’autres auteurs en revanche admettent ne trouver
dans la volonté unilatérale de l’époux de mettre fin au mariage qu’une
seule explication : la nécessité717. Mise à part cette hypothèse, le lien
conjugal ne devrait pas être dissous par la simple volonté du mari.
Concernant les frontières requises pour la validité de la répudiation,
les auteurs malékites estiment que l’enregistrement de la dissolution
du lien conjugal est une pure formalité718. Dans cette perspective,

714- Le Coran, essai de traduction, par J.BERQUE op.cit., p.57 et suiv.


715- F.AL-RAZI, « AL-thafssir al-Kabir wa mafathi’ al-ghayb », (grand commentaire du Co-
ran), t.III, Dar al-Kuthub al-‘ilmiya Beyrouth-Liban, 1ère édition, 1990, p.74 ; S.Qotb, « Fi
dhilal al-qur’ân », (à l’ombre du Coran), t.I, Dar al-churuq, 1996, p.246.
716- M.IBN MA’AJOUZ, « A’hkam al-usra fi al-chariâ al-islamiya Wifka moudawanat al-
ah’wal al-chakhsiya, Al-Khotba, al-Zawaj arkanouh wa atharouh ; Toroq inh’ilal mithak al-
Zawah wa al-athar al-motharatiba ‘ala dalik », (le droit de la famille dans la chari’a islami-
que conformément à la Moudawana du statut personnel, fiançailles, mariage : conditions et
effets ; moyens de dissolution du pacte du mariage et les effets subséquents), t.I, Matba’ath
AL-jadida 1998, p.177.
717- M.ABOU ZAHRA, « AL-a’hwal al-chakhsiya (le statut personnel), Dar al-fikr al-‘ara-
bi 1957, p.332.
718- M.IBN MA’AJOUZ, « Ahkam al-usra fi al-chariâ al-islamiya wifka moudawanat al-
ah’wal al-chakhsiya, Al-Khotba, al-zawaj : arkanouh wa atharouh ; Toroq inh’ilal mitak al-
zawaj wa al-athar al-motharatiba ‘ala dalik », ( le droit de la famille dans la chari’a islamique
conformément à la Moudawana du statut personnel, fiançailles, mariage : conditions et effets ;
moyens de dissolution du pacte du mariage et les effets subséquents), op.cit., t.I, p.201.

221
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

l’époux qui répudie sa femme n’a pas besoin de faire constater ou de


prononcer son acte devant des témoins. Enfin, en matière de droits
devant être octroyés à l’épouse répudiée, les malékites ne considèrent
pas que l’octroi du don de consolation à celle-ci comme étant un droit
mais comme une simple faculté719.

Parag II : La répudiation appréhendée par le droit positif


Conformément à l’article 44 du Code de statut personnel, la répu-
diation pouvait être prononcée par l’époux, son mandataire ou toute
autre personne désignée par lui. Elle devait être pure et simple e ce
sens que l’époux ne pouvait pas subordonner la dissolution du mariage
à une condition quelconque. La condition entraînait la nullité de la
répudiation (art.52 de C.S.P.)720. La répudiation pouvait être exprimée
soit verbalement en termes explicites, soit par écrit, soit encore par
gestes ou signes non équivoques dans l’hypothèse où l’époux est muet
et illettré (art.44 du C.S.P.).
A fin que la répudiation puisse être prise en compte, elle devait
concerner une femme mariée de manière régulière ou en état de retraite
de continence consécutive à une précédente répudiation révocable (art.45
du C.D.P.)721. L’époux qui désirait répudier sa femme devait le faire
en toute connaissance de cause. Ainsi, celui-ci ne doit pas pronon-
cer la répudiation en état d’ivresse ou sous la contrainte ou au cours
d’une colère. Dans le cas inverse, celle-ci serait jugée sans aucun effet
(art.49 du C.S.P). La répudiation par serment était aussi considérée
sans effet (art.50 du C.S.P). Enfin, si la répudiation intervenait au
cours d’une période menstruelle, l’époux était obligé de reprendre la
vie commune (art.47 du C.S.P.)722.
Concernant les conditions de forme, avant la réforme du Code du
statut personnel en 1993, aucune procédure judiciaire n’était exigée

719- M .M.AL-TANTAWI, « Al-a’hwal al-chakhssiya fi al-chari’a al-islamiya », (Le statut


personnel en droit musulman), Matba’ath al-sâ’ada, 1979, p.216.
720- Bahieh AGAHI- ALAOUI, l’autorité maritale en droit iranien et marocain, l’Harmat-
tan, 2010, p.391.
721- Ibid.
722- A.AL-FASSI, « AL-thaqrib, char’h moudaw anath al-a’hwal al-chakhssiya, al-kitaban
al-awal wa al-althani » (Commentaire du Code du statut personnel, les livres I et II réalisés
par A.BEN L’ARBI AL-‘HRICHI, Mtba’ath al-rissala, Rabat 2000, p.311.

222
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

par le Code. La répudiation devait seulement être enregistrée par


deux adûls723 (art.48 du C.S.P. avant 1993)724.
Cette procédure servait plutôt à avoir une preuve sur la réalité
de la répudiation en cas de litige entre époux. Après la modification
de l’article 48 en 1993, la répudiation devait être prononcée devant
deux adûls dans le ressort territorial de la compétence du juge où se
situe le domicile conjugal. Elle ne pouvait être enregistrée qu’après
autorisation du juge et en la présence simultanée des deux parties.
Si l’épouse ne se présentait pas après la réception de la convocation,
le juge prononçait le divorce en son absence dans l’hypothèse où le
mari maintiendrait sa décision de répudier (art.48 du C.S.P. modifié
en 1993)725. Le juge devait aviser l’épouse répudiée dès le prononcé
de la répudiation (art.81-6 du C.S.P.). Cette dernière avait droit à
un don de consolation (Mut ‘a) dont le montant était fixé par le juge
compte tenu des moyens financiers du mari et de la situation de la
femme. Ces dispositions n’étaient pas applicables à l’épouse à qui une
dot avait été fixée et qui avait été répudiée avant la consommation
du mariage (art.60 du C.S.P). Cependant, durant le délai de viduité,
le mari pouvait reprendre sa femme sans le consentement de celle-ci
(art. 67 du C.S.P.)726.

723- Notaires, chargés de rédiger l’acte de mariage.


724- En outre, un certain nombre de règles concernant l’acte de répudiation devaient être
appliquées conformément aux articles 80 et 81 du C.S.P :
Article 80. « Les ‘adûls dressent l’acte de répudiation dès qu’ils en sont requis.
Cet acte ne peut être établi sans que soit administrée la preuve du mariage. Si elle ne peut
l’être, les ‘adûls soumettent l’affaire au juge. »
Article 81. « 1° L’acte de répudiation doit mentionner, pour chacun des ex-époux, son nom,
sa filiation, son domicile et son identité d’après la carte individuelle ou un certificat adminis-
tratif d’identité.
2° Il doit se référer à l’acte de mariage en indiquant ses numéros, folio et date, et en précisant
que cet acte se trouve au-dessus ou au verso de l’acte de répudiation.
3° Il doit indiquer la nature de la répudiation et s’il s’agit de la première, de la deuxième ou
de la troisième.
4° L’acte de répudiation est propriété de l’épouse et doit lui être remis dans un délai ne dé-
passant pas quinze jours. Le mari a droit à une copie.
5° Les frais de l’acte de répudiation sont à la charge du mari répudiateur.
6° Dés le prononcé de la répudiation, le juge doit aviser l’épouse répudiée ».
725- FASSI (al) ALLAL, charh mudawana-t-al-ahwâl ach-chakhsiya (Commentaire du sta-
tut personnel), T.1 et 2, Rabat, ar-Risâla, 2000, p.312.
726- Ibid.

223
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Deuxième section : La répudiation et les nouveaux modes


de dissolution de mariage après la réforme du Code
marocain de la famille

Les modifications apportées par la récente réforme du Code


marocain de la famille ne seront traitées que dans la perspective de
leurs incidences sur le traitement que pourrait réserver le droit inter-
national privé français à la dissolution unilatérale du lien matrimonial.
En d’autres termes, leur appréhension sera articulée sur deux axes
principaux : l’effort entrepris par le législateur pour encadrer la répudia-
tion unilatérale et les voies ouvertes aux épouses pour contrebalancer le
privilège masculin dans un sens égalitaire. En effet, la répudiation
traditionnelle a quasiment été purgée de ses aspects les plus choquants,
notamment financiers et procéduraux727 (parag I).
Aussi, son caractère unilatéral qui se manifeste par le fait qu’elle
demeure l’apanage du seul époux à l’exclusion de l’épouse est désor-
mais contrebalancé par l’institution d’un nouveau mode de dissolution
du lien conjugal au profit de cette dernière appelée « divorce pour
discorde » (parag II).

Parag I : La répudiation unilatérale par le mari dans le Code


marocain de la famille
Le législateur marocain, par la réforme du Code marocain de la
famille, a voulu purger la répudiation unilatérale de ses aspects les
plus choquants. Il est vrai que la répudiation reste l’apanage du seul
époux, pourtant, de nouvelles garanties ont été introduites par la récente
réforme au profit de l’épouse. Ces nouvelles garanties sont d’ordre pro-
cédural (A) et d’ordre financier (B).

A- Les garanties d’ordre procédural :


Conformément à l’article 79 du nouveau Code, l’époux doit demander
au juge l’autorisation de faire dresser l’acte de répudiation par deux
adûls. Ceux-ci doivent relever de la juridiction dans le ressort de la-
quelle se situe le domicile conjugal. Il y a là une importante innova-
tion par rapport à l’ancien Code du statut personnel qui disposait que

727- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, l’Harmattan,


2009, p.101.

224
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

les adûls compétents pour enregistrer l’acte de la répudiation étaient


ceux rattachés à la juridiction du lieu du domicile commun728. En effet,
dans la plupart des cas, l’épouse a déjà quitté le domicile conjugal
pour rejoindre celui de ses parents au moment de la saisine du tribu-
nal. Par conséquent, pour s’entendre répudier, l’épouse était souvent
contrainte de faire de longs voyages729. Ainsi, s’ajoutait une inégalité
d’ordre procédurale à l’inégalité de fait inhérente à la répudiation. Le
privilège conféré au mari relatif à la dissolution unilatérale du lien
matrimonial était doublé d’un privilège de juridiction indirect. Cet
état de fait a été modifié en ce sens que l’article 79 du nouveau Code
dispose que le candidat à la répudiation doit dans une première étape
s’adresser à la juridiction du lieu du domicile conjugal commun, à
défaut, à celui de la résidence de l’épouse. Au cas où celle-ci n’a pas de
résidence connue, la compétence est attribuée à la juridiction du lieu
où le contrat de mariage a été dressé730.
La juridiction, aussitôt saisie et comme l’exige l’article 81 du nou-
veau Code, doit convoquer personnellement l’épouse731. La différence
par rapport à l’ancien Code du statut personnel est clair lequel ne
comportait pas de précisions relatives à cette convocation732. « Le tri-
bunal la met en demeure par l’intermédiaire du ministère public au
cas où l’épouse ne se présente pas sans faire parvenir par écrit ses
observations733. Le juge fait appel au ministère public pour rechercher
l’adresse de l’épouse si elle n’est pas connue. Conformément à l’ar-
ticle 82, en cas de présence des deux conjoints, le juge doit entamer
une tentative de réconciliation qui doit se dérouler en chambre de
conseil. Le juge peut prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet

728- F.SAREHANE, « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz.pal., septembre-oc-


tobre, 2004, p.2801.
729- M.KACHBOUR, H.FATHOUKH et Y.AL-ZOUHRI, « AL-thatliq bissabab al-chi-
qaq fi moudawanath al-usra » (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), Mat-
ba’ath al-naja’h al-jadida, Casablanca 2006, p.37.
730- RAJAA Naji EL MEKKAOUI, La Moudawanah, Le Référentiel et le Convention-
nel en Harmonie, T.2, La dissolution du mariage, Editions et Impressions Bouregreg, 2009,
p.125.
731- BAHIEH AGAHI-ALAOUI, L’autorité maritale en droit iranien et marocain, l’Har-
mattan 2010, p.393.
732- En vertu de cette disposition, « si l’épouse reçoit la convocation et qu’elle ne se présente
pas, il est passé outre sa présence au cas où le mari maintient sa décision de répudier ».
733- Le ministère public doit alors charger un agent du secrétariat du greffe du tribunal pour
effectuer cette mise en demeure. Voir « Dalil’amal limoudawanath al-usra » (guide pratique
du Code de la famille), publications du Ministère de la justice, Matba’ath fadala, 2ème édi-
tion, 2006, p.63.

225
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

comme l’audition des témoins, faire appel au conseil de la famille ou


encore mandater deux arbitres734. Si le couple a des enfants, il est
procédé à deux tentatives de conciliation à deux mois d’intervalle.
Mais, lorsqu’il s’agit d’un couple marocain installé à l’étranger, les
dispositions du nouveau Code marocain de la famille se révèlent par-
ticulièrement contraignantes735. Ainsi, l’article 37 du Code marocain
de procédure civile exige que la convocation de l’épouse marocaine
installée à l’étranger soit « transmise par la voie hiérarchique pour
être acheminée par la voie diplomatique »736. En d’autres termes, la
convocation doit être adressée par le président de la section de la jus-
tice de la famille au président de la Cour d’appel qui la transmettra
au Ministère de la justice. Certains estiment le temps nécessaire à
cette correspondance à 45 jours737. La convocation doit faire un der-
nier passage aux services consulaires les plus proches du domicile de
l’épouse à l’étranger avant de parvenir à l’épouse. C’est dire un temps
au moins égal à deux mois. Quoi qu’il en soit, il en faudra au moins le
même laps du temps si l’épouse ne se présente pas à l’audience. Certes,
en ce qui concerne les marocains résidants à l’étranger, les contraintes
en matière de tentative de conciliation ont été allégées738, il n’en reste
734- Le juge peut convoquer toute personne qu’il juge apte, de par son influence, à éviter la
dissolution du lien conjugal, voir « Al-muqthadayath al-jadida li moudawanath al-usra min
khilalajwibath al-sayid wazir al-adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa aal-chuoun al-islamiya’ani
al-asila wa al-isthiftharath al-muthara athnaê munaqachath machoura’ al-mudawana amama
majlissay al-barlaman ( Les nouvelles dispositions du Code de la famille à travers les ré-
ponses des ministres de la justice et des biens de mainmorte et des affaires islamiques aux
questions posées pendant la discussion du projet de la nouvelle Moudawana devant les deux
chambres du parlement), Royaume du Maroc, Ministère de la justice, publications de l’asso-
ciation de diffusion de l’information juridique et judiciaire, série relative aux explications et
preuves), n° 4, 2004, 1ère éd., p.128.
735- Marie Claude Najm, « Le sort des répudiations musulmanes dans l’ordre juridique fran-
çais. Droit et idéologie (S) », Droit et cultures (en ligne), 59/2010-1, mis en ligne le 06 juillet
2010, URL : http://droitcultures.revues.org/2070, p.24 (consulté le 17 Avril2013).
736- Voir en ce sens « Al-thaqrir al khitami’an al-ayam al-dirassiya al-lathi nadamathha wi-
zarath al’adl lilichkaliyath al-‘amaliya fi majal qadaê al-usra wa al-huloul al-moulaîma laha »
(Le rapport final des journées d’études organisées par le Ministère de la justice concernant
les problèmes pratiques ainsi que les solutions correspondantes dans le domaine de la justice
de la famille), Ifrane, 4-5 octobre et 20-21 décembre 2004, in Rev. Jus.fam., n°1, 2005, pu-
blications du Ministère de la justice, p.27, Spéc.53.
737- F.SAREHANE, « La répudiation, quels obstacles pour les marocains résidants en France ?
(exercice au Maroc et reconnaissance en France) », Rev.internat.dr.comp.2006, p.47, spéc.p.51.
738- Voir cependant contra F.SAREHANE, Ibid, p.51et 52 : « La tentative de réconciliation
telle que réglementée par le nouveau Code de la famille impose quelques autres contraintes
pour le non-résident au Maroc, qu’il soit en France ou ailleurs à plusieurs niveaux : sur
le plan de compétence ; sur le plan de la présence des parties ; sur le plan des délais. Tout
d’abord, sur le plan de l’autorité compétente pour procéder à la tentative de réconciliation,
il faut préciser que contrairement à une pratique bien instaurée par les services consulaires,

226
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

pourtant pas moins que cette nouvelle procédure dissuaderait certains


époux de faire le voyage de la répudiation739. Le recours aux juri-
dictions marocaines n’accorde plus aux époux les anciennes facilités
procédurales qu’auparavant. Naguère encouragés pas des procédures
expéditives, les époux marocains établis en France pouvaient prendre
de vitesse leurs épouses y ayant déjà formé des actions en divorce ou
en contribution aux charges du mariage740.

B- Les garanties d’ordre financier :


Le juge fixe un montant qui doit couvrir l’ensemble des droits dus à
l’épouse en cas d’échec de la tentative de conciliation (article 83). Ces
droits sont : un don de consolation qui doit être évalué en fonction de
la durée du mariage et des ressources financières du mari, le reliquat
de la dot et la pension correspondant au délai de viduité. L’évaluation
du don de la consolation doit prendre en compte tout abus dans la
répudiation741. Durant la période de viduité, l’épouse a le droit de rester

après la réforme de 1993, sur les directives d’une circulaire du ministère de la justice, qui leur
avait permis de procéder à la tentative, le nouveau Code prévoit que les discussions ont lieu
en chambre de conseil. Cette dernière exige exclut tout autre lieu, notamment les locaux des
services consulaires. Pratiquement, elle se traduit par l’obligation de la saisine d’un tribunal.
Ensuite, concernant les parties, un débat contradictoire ne peut avoir lieu, en dehors d’une
procédure écrite, en l’absence des intéressés. Car la tentative de réconciliation n’est pas une
simple formalité. Le tribunal, précise l’article 82, « doit prendre toutes dispositions utiles, y
compris la désignation des deux arbitres, d’un conseil de famille ou de quiconque qu’il esti-
mait qualifié, pour tenter de réconcilier les deux conjoints ».
La tentative de réconciliation a pour objectifs :
D’abord, de faire revenir, dans la mesure du possible, le mari sur sa demande ;
Ensuite, de parvenir à établir le degré d’abus dans l’exercice de ce droit. Cette vérification est
nécessaire pour déterminer le montant du don de consolation.
Enfin, de permettre à la femme de défendre ses intérêts, face aux allégations du mari.
Ces objectifs ne peuvent être atteints que par la présence des intéressés en personne devant
le juge ».
Affirmer que la présence devant le juge est obligatoire, c’est oublier que la circulaire n°13/2
du 15/04/2004 du Ministère de la justice permet au tribunal, dans un souci de simplification,
de charger les services consulaires les plus proches du domicile des deux époux à l’étranger
d’effectuer la tentative de conciliation. Voir sur cette question, « Al-thaqrir al-Khithami ‘an
al-ayam al-dirassiya al-lathi nadamathha wizarath al-‘adl lilichkaliyath al-‘amaliya fi majal
qadaê al-usra wa al-huloul al-moulaîmalaha » (Le rapport final des journées d’études organi-
sées par le Ministère de la justice concernant les problèmes pratiques ainsi que les solutions
correspondantes dans le domaine de la justice de la famille), op.cit., p.55.
739- En ce sens, F.SAREHANE, ibid, p.52.
740- Marie Claude Najm, « Le sort des répudiations musulmanes dans l’ordre juridique fran-
çais. Droit et idéologie (S) », Droit et cultures (en ligne), 59/2010-1, mis en ligne le 06 juillet
2010, URL :http://droit cultures.revues.org/2070,p.27, (consulté le 30 mars 2013) .
741- Voir « Dalil’amali limoudawanath al-usra » (guide pratique du Code de la famille), pu-
blications du Ministère de la justice, Matba’ath fadala », 2ème édition, 2006, p.63.

227
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

« dans le domicile conjugal ou, en cas de nécessité, dans un logement


qui lui convient et en fonction de la situation financière de l’époux.
A défaut, le tribunal fixe le montant des frais de logement » (article
84). Aussi, cette dernière disposition est loin de constituer une liste
limitative des droits dus à l’épouse dans la mesure où le législateur
a uniquement essayer d’en énumérer les plus importants742. Le mari
sera considéré comme ayant renoncé à la dissolution du lien matrimonial
s’il ne s’acquitte pas de ces droits en consignant le montant fixé par
le tribunal au secrétariat- greffe de celui-ci dans un délai de 30 jours.
Par contre si le mari s’acquitte de tous les droits dus à l’épouse, le
juge l’autorise à homologuer l’acte de répudiation par deux adouls
relevant du ressort territorial du même tribunal.
Il faut noter que le mari ne peut plus comme il pouvait le faire
conformément aux dispositions de l’ancien Code du statut personnel,
révoquer la répudiation selon bon vouloir. Le nouveau Code maro-
cain de la famille prévoit que l’époux qui désire reprendre la relation
conjugale avec son épouse répudiée « doit faire établir l’acte de reprise
par deux adouls » (article 24). L’acte, après avoir été établi par ces
derniers, doit être soumis au juge pour homologation. L’épouse est
alors convoquée pour en être informée, mais, elle n’est pas obligée de
reprendre la vie conjugale. Il s’agit ici d’une importante réforme par
rapport à l’ancien Code du statut personnel743. Désormais, l’épouse
est autorisée en vertu de l’article 124 de recourir à la procédure de
divorce pour discorde. Cette procédure est considérée comme une
véritable innovation apportée par le nouveau Code marocain de la fa-
mille744. Elle fait même contrepoids à la répudiation unilatérale accor-
dée à l’homme. Dans le souci de rééquilibrer les droits des conjoints
lors de la dissolution du lien matrimonial, le législateur marocain a ac-
cordé aux femmes, ni plus ni moins une possibilité de répudiation745.

742- M.KACHBOUR, « Char’h moudawanath al-usra, inh’ilal mithaq al-zawajia » (com-


mentaire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal), op.cit., p.51.
743- En vertu de l’article 68 de l’ancien Code du statut personnel marocain, « dans le cas de
la répudiation révocable et avant l’expiration de l’idda (retraite légale), le mari a le droit de
reprendre son épouse répudiée, sans nouveau Sadaq (dot) ni intervention du Wali (tuteur
matrimonial). Ce droit de reprise subsiste nonobstant renonciation du mari ».
744- F.SAREHANE, « Le nouveau Code marocain de la famille », article précité, p.2804.
745- M.KACHBOUR, H.FATHOUKH et Y.AL-ZOUHRI, « AL-thatliq bissabab al-chi-
qaq fi moudawanath al-usra » (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille) op.cit.,
p.25 et 26.

228
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Parag II : Le divorce pour discorde dans le nouveau Code marocain


de la famille
Le divorce pour discorde ou chiqaq est considéré comme l’un
des apports majeurs du nouveau Code marocain de la famille. Perçu
par les femmes comme un acquis fondamental, cette disposition leur
ouvre, enfin, l’accès à un mode de dissolution du lien matrimonial
égalitaire et judiciaire, sans qu’elles soient obligées à prouver de pré-
judice746. C’est ce vent de liberté qui justifie peut être l’incroyable suc-
cès du divorce pour discorde dés son adoption par le Code marocain
de la famille747. L’invasion des prétoires par les femmes laisse croire
que celles-ci ont pu finalement jouir des droits dont elles avaient été
privées depuis longtemps748. Cette « folie de divorce » a été pourtant
critiquée par certains acteurs judiciaires marocains qui ne peut, selon
eux, que déstabiliser l’ordre familial749.
Le Code marocain de la famille dispose dans son article 49 que
« Lorsque les deux époux ou l’un d’eux demandent au tribunal de
régler un différend les opposants et qui risquerait d’aboutir à leur
discorde, il incombe au tribunal d’entreprendre toutes tentatives en
vue de leur conciliation, conformément aux dispositions de l’article 82
ci-dessus », tandis que l’article 97 prévoit qu’en cas d’impossibilité de
conciliation et lorsque la discorde persiste, le tribunal en dresse procès
verbal, prononce le divorce et statue sur les droits dus, conformément
aux articles 83, 84 et 85 ci-dessus. A cet effet, le tribunal tient compte
de la responsabilité de chacun des époux dans les causes de divorce,
pour évaluer la réparation du préjudice subi par l’épouse lésée ».
Ces dispositions appellent à une analyse de la jurisprudence relative
à la procédure de conciliation, étape préalable indispensable (A), la

746- CAROLINE HENRICOT, L’application du Code marocain de la famille, à la croisée


des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, E&E, n°3, Etu-
des et Essais du Centre Jacques Berque, Rabat, N°3, 2011, p.4.
747- Les statistiques officielles, publiées annuellement par le Ministère de la justice font état
d’un nombre croissant de divorces prononcés sur la base du chiqaq : 10 313 en 2006 (sur un
total de 43 030 tous types confondus de dissolution du mariage) ; 18 562 en 2007 (sur un total
de 49 232) et 24 854 en 2008 (sur un total de 55 376). Des études sociologiques confirment
que « le divorce pour discorde tend progressivement à dominer toutes les autres demandes
de divorces émanant des femmes ». Voir K.Lahsika, Le Code de la famille et les acteurs ju-
diciaires : représentations et réalité de l’application. Etude sociologique, Meknès, Initiatives
pour la protection des Droits des Femmes, 2008, p.89.
748- K.LAHSIKA, Le Code de la famille et les acteurs judiciaires : représentations et réalité
de l’application. Etude sociologique, op.cit., p.35 et 87.
749- Ibid.p. 30 et suiv.

229
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

jurisprudence en matière des droits dus à l’épouse et aux enfants (B)


et enfin les droits relatifs à la réparation due à l’époux lésé (C).

A- La procédure de conciliation relative au divorce pour


discorde :
La tentative de conciliation, prévue par le Code marocain de la
famille dans son article 82, est une étape préalable indispensable quel
que soit le mode de dissolution du lien conjugal. La présence physique
des deux conjoints est en principe requise. Au cas où les époux résident
à l’étranger, le juge peut envoyer au Consulat du Maroc du pays dans
lequel se trouvent les époux une commission rogatoire pour déléguer
la procédure de conciliation750. Une telle procédure a été suivie par le
tribunal de première instance de Khénifra qui a adressé une commission
rogatoire au Consulat du Maroc d’Amsterdam, pour entamer la pro-
cédure de conciliation. Le Consul, après avoir convoqué les époux et
essayé de les concilier, doit ensuite envoyer un procès verbal consta-
tant la réussite ou l’échec de la tentative de conciliation, permettait le
cas échéant au juge marocain de prononcer le divorce751.
Ce cas d’espèce illustre la possibilité pour le juge marocain de rester
fidèle à la procédure de conciliation imposée par l’article 82 du Code
marocain de la famille mais ne peut pas démontrer la constance d’une
pratique au sein des juridictions marocaines752.

B- Droits dus à l’épouse et aux enfants :


Le Code marocain de la famille impose dans son article 97 au juge,
lorsqu’il prononce le divorce, de statuer sur les droits dus à l’épouse
en vertu des articles 83, 84 et 85 du Code marocain de la famille. Ces

750- Voir Le Code de la famille à l’épreuve de la pratique judiciaire, sous la dir. de A. EL-
Hajjami, Marrakech, Service de coopération et d’Action culturelle. Ambassade de France
au Maroc, 2009.
751- T.P.I. de Khénifra, 12 mars 2007, dossier 2007/138, Ministère de la justice, choix de juris-
prudence relative à l’application du Code de la famille (publié en arabe), T.I., p.172 et 173.
752- Pour un aperçu nuancé de la réforme de la Moudawana, du point de vue européen, voir
A.Quinones ESCAMEZ, « La réception du nouveau Code de la famille marocain (Mou-
dawana 2004) en Europe », Rivista di diritto internazionale privato e processuale, septembre
2004, p.877-900 voir également l’ouvrage de référence sur le Code marocain de la famille
et ses implications en Europe J.-Y. Carlier et M.-Cl.FOBLETS, Le Code marocain de la
famille, Incidences au regard du droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant,
2005. Voir aussi l’excellent état des lieux réalisé par M.Traset, « La réception du droit maro-
cain de la famille dans la jurisprudence belge, en particulier le mariage, sa dissolution et la
contestation de paternité », J.T., n°6402, 2010, p.445-453.

230
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

dispositions sont applicables quel que soit le mode de dissolution du


lien conjugal. L’article 83 oblige le mari à consigner une somme d’argent
au secrétariat-greffe, lui permettant de s’acquitter des droits dus à
l’épouse et aux enfants à l’égard desquels il a le devoir d’entretien.
Le Code marocain de la famille dans son article 84 énumère les droits
dus à l’épouse, ceux-ci comprennent la pension due pour la période
de continence, le reliquat de la dot, le don de consolation et le droit
de résider dans le domicile conjugal durant la période de continence
tandis que les droits à la pension alimentaire dus aux enfants sont
fixés par l’article 85 du dit Code753.
Cependant, malgré la clarté des termes de l’article 97, la Cour suprême
a sanctionné une décision dans laquelle une juridiction avait accordé
à l’épouse le don de consolation conformément aux dispositions de
l’article 84 du Code marocain de la famille754. La Haute juridiction
a jugé que le don de consolation ne peut être accordé qu’aux épouses
défenderesses à une action en divorce diligentée par les maris ou ayant
été répudiées755. Concernant ce cas d’espèce, l’épouse était demande-
resse en chiqaq et n’avait pas prouvé de manière suffisante la respon-
sabilité de son époux dans la séparation, ce qui la privait de bénéficier
du don de consolation756.
Cet arrêt peut illustrer la manière dont les nouvelles dispositions
du Code marocain de la famille sont interprétées par les juridictions
marocaines parfois dans un sens assez restrictif et désavantageux
pour les épouses. Alors que l’article 94 renvoie à l’article 84 sans pré-
ciser que l’épouse perd ses droits lorsqu’elle est la partie demande-
resse au divorce, la Cour se charge d’interpréter librement l’article 94,
combiné à l’article 84 pour faire perdre à la femme le droit au don de
consolation qu’elle peut revendiquer dans les autres modes de disso-
lution du mariage757.
753- Rajaâ Naji EL MEKKAOUI, La Moudawanah, le référentiel et le Conventionnel en
harmonie, T.2, La dissolution du mariage, Editions et Impressions Bouregreg, 2009, p.168.
754- CAROLINE HENRICOT, L’application du Code marocain de la famille, à la croisée
des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, Etudes et Essais
du Centre Jaques Berques, E&E, n°3, 2011,p.5.
755- Conformément à l’article 84 du Code marocain de la famille, le don de consolation sera
évalué en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l’époux, des motifs du
divorce et du degré d’abus avéré dans le recours au divorce par l’époux.
756- C.S., chambre de statut personnel et succession, arrêt n°433 du 21 septembre 2010,
Revue de la jurisprudence et des lois (publié en arabe), n°158/2010, p.161.
757- CAROLINE HENRICOT, L’application du Code marocain de la famille, à la croisée
des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, Etudes et Essais
du Centre Jacques Berque, E&E, n°3, 2011, p.6.

231
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

C- Réparation du préjudice subi par l’époux lésé :


Conformément à l’article 97 du Code marocain de la famille, le
juge est invité à prendre en considération lorsqu’il statue sur les droits
dus à l’épouse et à ses enfants la responsabilité de chacun des époux
dans les causes du divorce pour évaluer la réparation du préjudice
subi par l’époux lésé. L’observation de la jurisprudence pourrait
démontrer que les juridictions imputent, systématiquement paraît-il,
la responsabilité de la dissolution du mariage à l’épouse qu’elle soit
demanderesse ou défenderesse à l’action et la condamnent à payer
une indemnité visant à réparer le préjudice subi par son mari lésé758.
La Cour suprême, en vue d’évaluer le montant de la réparation, se
fonde sur les règles applicables en matière de la responsabilité civile
pour établir la responsabilité de l’épouse dans la dissolution du lien
matrimonial759. Fut ainsi condamnée à verser des indemnités à son
époux, demandeur en chiqaq, une femme qui a refusé de le rejoindre
au domicile conjugal fixé au Maroc. Cette dernière s’est retrouvée
contrainte de l’indemniser des dépenses qu’il avait effectué au Maroc
pour préparer le domicile conjugal ainsi que des frais liés au procès760.
Aussi, dans un sens identique, la Haute juridiction marocaine a imputé
la responsabilité de la dissolution du mariage à l’épouse demanderesse
en chiqaq, à cause de la persistance de celle-ci à résider à l’étranger
ce qui rendait la cohabitation conjugale entre les deux époux impossi-
ble. L’épouse fut condamnée à indemniser son époux en lui versant la
somme de 30.000 dirhams761. Dans une espèce similaire, En réponse
à une procédure diligentée par un époux qui sollicitait le retour de
son épouse au domicile conjugal fixé au Maroc, la Haute juridiction
marocaine a condamné cette dernière à payer une indemnité de 50.000
dirhams alors qu’elle avait introduit une procédure chiqaq. En ce qui
concerne ce cas d’espèce, le couple vivait en France depuis 1994,
soit depuis quatorze années lorsque l’époux avait pris la décision de

758- CAROLINE HENRICOT, L’application du Code marocain de la famille, à la croisée


des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, Etudes et Essais
du Centre Jaques Berques, E&E, n°3, 2011, p.6.
759-Ibid.
760-C.S., chambre de statut personnel, arrêt du 15 mars 2006, dossier 2005/1/2/519, Minis-
tère de la justice, choix de jurisprudence relative à l’application du code de la famille (publié
en arabe), T.I., p.116 et 117.
761- C.S., chambre de statut personnel et succession, arrêt n°222 du 18 Avril 2007, cité
par D.FAKHORI, in la pratique judiciaire en matière de famille, jurisprudence relative au
chiqaq (publié en arabe), Casablanca, 2009, p.5 (soit environ 3000 E).

232
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

retourner vivre au Maroc après sa retraite. La Cour a décidé que la


responsabilité de la dissolution du mariage reposait sur l’épouse malgré
les problèmes de santé invoqués par l’épouse et la scolarisation des
deux enfants du couple. Cette dernière fut condamnée à payer une
indemnité qui avait été calculée en fonction des dépenses consenties
par l’époux pour le préjudice moral qu’il avait subi vu son attache-
ment à son épouse, pour la fête de noces et pour le trousseau762. Dans
le même sens, la Cour d’appel d’Al Hoceima a condamné l’épouse,
demanderesse en chiqaq, à payer une indemnité à son époux qui ne
désirait pas divorcer, alors que l’épouse ne présentait aucune « cause
sérieuse à la dissolution du mariage »763. La base légale sur laquelle
se fonde le raisonnement délictuel est détaillée dans un arrêt de la
Cour d’appel d’El jadida. La Cour affirme que le fondement légal à la
demande d’indemnisation formée par l’époux à l’encontre de son époux
est une faute délictuelle qui consiste dans la rupture d’obligations
légales du couple et non une responsabilité contractuelle764. D’après
la Cour, les obligations des époux prévues par l’article 51 du Code
marocain de la famille sont des obligations légales auxquelles les parties
ne peuvent déroger car elles sont prévues par un texte d’ordre public765.
La jurisprudence des juridictions de fond démontre que celle-ci s’ins-
crit dans la lignée des principes adoptés par la Cour suprême. Ainsi,
la Cour d’appel d’Oujda, dans un arrêt rendu le 7 mai 2008, a jugé
que l’indemnité à laquelle avait été condamnée l’épouse en première
762- C.S., chambre de statut personnel et succession, arrêt n° 427 du 10 septembre 2008,
Revue de jurisprudence de la Cour suprême (publié en arabe), n°71, 2009, p.177.
763- Cour d’appel AL HOCEIMA, 5 décembre 2006, dossier/260, Ministère de la justice,
choix de jurisprudence relative à l’application du Code de la famille (publié en arabe), T.I,
p.117 et 118.
764- CAROLINE HENRICOT, L’application du Code marocain de la famille, à la croisée
des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, Etudes et Essais
du Centre Jacques Berques, E&E, n°3, 2011, p.7.
765- Cour d’appel d’El jadida, 12 décembre 2006, dossier 2006/101/34, Ministère de la jus-
tice, choix de jurisprudence relative à l’application du Code de la famille (publié en arabe),
T.I, p.118 et 119. Dans ce cas d’espèce, la femme avait demandé que lui soit octroyée la
moitié de la maison dont elle se prétendait propriétaire avec son mari, revendiquant ainsi
l’application de l’article 49 du Code marocain de la famille. La Cour a rejeté sa demande au
motif qu’elle n’apportait pas la preuve du titre de propriété. Cette affaire démontre toutefois
une mauvaise compréhension de l’article 49 du Code marocain de la famille. En réalité, cette
disposition permet aux époux de modaliser leur contrat de mariage en y indiquant un mode
de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant leur mariage. Cette disposition semble
faire l’objet d’erreurs de compréhension, non seulement dans le chef des hommes qui pensent
devoir systématiquement partager leurs biens en cas de divorce mais également dans le chef
des femmes qui revendiquent l’application de cette disposition malgré l’absence de clause
dans le contrat de mariage.

233
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

instance n’était pas suffisamment élevée au motif que « la responsa-


bilité de la rupture de la relation conjugale incombe à l’épouse qui a
persisté à demander le divorce malgré l’existence d’un jugement la
condamnant à retourner au domicile conjugal montrant la volonté de
son mari au maintien de leur relation, ce qui rend l’épouse respon-
sable de cette rupture »766. L’épouse fut condamnée en appel à payer
une indemnité de 10.000 dirhams pour préjudice moral et matériel,
tandis que le montant de l’indemnité fixé par le tribunal de première
instance était 7000 dirhams. La majoration du montant de l’indemnité
est assez étonnante en ce sens que les pièces du dossier démontrent
que l’épouse était maltraitée par son mari. Il est important de noter à
cet égard que l’indemnité à laquelle l’épouse avait été condamnée en
première instance (7000 dirhams) représentait exactement la contre-
partie des droits qui lui revenaient (5000 dirhams au titre de don
de consolation, 1500 dirhams pour logement, 350 dirhams pour la
pension alimentaire de l’enfant et 200 dirhams pour le service de la
garde de leur enfant)767. Cette condamnation de l’épouse à payer une
indemnité équivalente aux droits qui lui sont redevables, revient en
pratique à la priver de ses droits financiers. Dans cette perspective, le
divorce chiqaq se rapproche dangereusement du divorce moyennant
compensation (Khôl’)768. Ceci est illustré par une autre décision qui
prouve l’existence d’une conviction chez plusieurs femmes qu’elles
sont contraintes de sacrifier leurs droits en contrepartie de la dissolu-
tion du lien conjugal qu’elles désirent obtenir769.
La condamnation de l’épouse, responsable de la dissolution du
mariage, à payer une indemnisation à son époux par les juridictions
marocaines est justifiée par les termes de l’article 97 du Code marocain
de la famille relatif au chiqaq. Ce courant jurisprudentiel est inter-
prété par certains comme étant une injustice à l’égard des femmes,

766- Cour d’appel d’Oujda, 7 mai 2008, arrêt n° 346, dossier n°63/08, inédit.
767- CAROLINE HENRICOT, l’application du Code marocain de la famille, à la croisée
des jurisprudences belge et marocaine en matière de dissolution du mariage, Etudes et Essais
du Centre Jaques Berques, E&E, n°3n 2011, p.8.
768- K.BERJAOUI et F.RHISSASSI, « Femmes, droit de la famille et système judiciaire
dans les Etats du Maghreb : l’exemple du Maroc », in Femmes, droit de la famille et système
judiciaire en Algérie, au Maroc et en Tunisie, Rabat, UNESCO, 2010, p.79.
769- T.P.I. de Kenitra, 28 décembre 2010, n°2529, dossier n° 2486/10 inédit : « le tribunal
a, au fond prononcé le divorce entre la demanderesse (…) et son époux, le défendeur (…),
divorce simple, irrévocable, pour discorde, en donnant acte de son désistement, elle, de tous
les droits qui lui sont dus, lui découlant du divorce ».

234
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

par contre d’autres le considèrent comme une application stricte des


dispositions de l’article 97 du Code marocain de la famille770. Ceci dit,
cette tendance jurisprudentielle rend le divorce plus compliqué pour
les femmes771 et leur fait perdre tous leurs droits financiers. En outre,
plusieurs acteurs judiciaires soulignent que les dédommagements
octroyés aux femmes sont injustes, voire même humiliants en ce sens
qu’ils ne reconnaissent pas la participation et les efforts de la femme
dans la construction du patrimoine conjugal772.

Chapitre II : La dissolution du mariage et conflit de lois


franco-marocaines :

La répudiation est considérée comme l’une des questions qui a le


plus animé ces dernières années le droit international privé en Europe
en général et en France en particulier. Son caractère unilatéral la ren-
dait aux yeux de la jurisprudence haïssable. La position de fermeté
exprimée par le juge français quant à son accueil est justifiée notam-
ment par cette nature unilatérale relative à la répudiation. Pourtant,
la question ne se pose plus de la même manière avec l’instauration de
certains modes de dissolution du mariage au profit de la femme équi-
valents à la répudiation unilatérale accompagnée de conditions res-
trictives dans l’exercice de cette dernière. Ainsi, il convient d’étudier
la position de la jurisprudence française à l’égard de la répudiation
avant (section I) et après la récente réforme du Code marocain de la
famille (section II).

770- Voir K.LAHSIKA, Le Code de la famille et les acteurs judiciaires : représentations et


réalité de l’application. Etude sociologique, Meknès Initiatives pour la protection des Droits
des femmes, 2008, p.89. Voir également : Le Code de la famille à l’épreuve de la pratique judi-
ciaire, sous la direction de A.EL HAJJAMI, Marrakech, Service de coopération et d’Action
culturelle. Ambassade de France au Maroc, 2009.
771- M.-Cl. FOBLETS et M.LOUKILI, « Mariage et divorce dans le nouveau Code maro-
cain de la famille : quelles implications pour les Marocains en Europe », REV.crit.DIP, 2006,
p.521-555.
772- K.LAHSIKA, Le Code de la famille et les acteurs judiciaires : représentations et réalité
de l’application. Etude sociologique, op.cit., 2008, p.93.

235
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Section I : La position de la jurisprudence française


à l’égard de la répudiation avant la réforme du Code
marocain de la famille

L’analyse de la jurisprudence française relative à la répudiation


permettra d’aborder les principaux problèmes posés par cette institu-
tion. L’examen de six arrêts rendus en matière de répudiation témoigne
des revirements à répétition de la jurisprudence française.

Parag I : Arrêt Rohbi : Une conception particulière de l’ordre public


atténué
La Cour de cassation, par une décision rendue le 3 novembre
1983773, a manifesté un libéralisme peu habituel concernant la recon-
naissance des jugements étrangers en matière de la dissolution du
mariage. Cette décision a été rendue à l’occasion d’une affaire impliquant
un couple de nationalité marocaine, mariés au Maroc et après ils se
sont installés en France. L’époux assigne son épouse en divorce en
1977, cette dernière réplique en introduisant une demande reconven-
tionnelle aux mêmes fins. Le tribunal de grande instance de Nanterre
a accepté la demande de l’épouse et a rejeté celle de son mari par un
jugement du 2 novembre 1978. Celui-ci interjette appel de ce juge-
ment en produisant un acte dressé le 21 février 1977 devant la Cour
d’appel par le Cadi d’El-Jadida, lequel constate une répudiation
« simple, primaire et révocable » de l’épouse à la date du 27 novembre
1976. La Cour d’appel qui a invoqué le caractère révocable de la ré-
pudiation et l’absence de l’épouse à la procédure, se croyait à l’abri de
la censure. Cependant, celle-ci a été censurée par la Cour de cassation
en affirmant que « la réaction à l’encontre de l’ordre public n’est pas la
même suivant qu’il s’agit de mettre obstacle à l’acquisition d’un droit
en France, ou de laisser se produire en France les effets d’un droit
acquis, sans fraude, à l’étranger et en conformité de la loi ayant com-
pétence en vertu du droit international privé » et la Haute juridiction
de conclure que la répudiation, en tant que « mode de dissolution du
mariage laissé à la discrétion du mari, est tempérée par les garanties
pécuniaires que [le statut personnel commun des époux] assure à la

773 - C.cass, 1ére ch. civ., 3 novembre 1983, Rev. crit. DIP. 1984, p.325, 1ère espèce, note
I.FADLALLAH. Clunet 1984, p.329, note PH.KAHN ; Grands arrêts DIP., n°63.

236
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

femme ; que contrairement à ce qu’a estimé la juridiction du second


degré, le caractère révocable de la répudiation n’accroît en rien les
prérogatives du mari puisqu’il ménage une période de transition qui
peut favoriser le rapprochement des deux époux »774 .
La reconnaissance de la répudiation par la Cour de cassation a
aboutit à court-circuiter l’action en divorce pendante devant la juridic-
tion française. La technique employée par la Cour de cassation dans cet
arrêt pour reconnaître la répudiation prononcée au Maroc est celle de
l’ordre public atténué775. A un moment où le rapport de droit litigieux
a été réé à l’étranger et y a déjà produit des effets juridiques, l’utilisa-
tion de cette technique était sans doute justifiée. Il est important de
souligner à cet égard que les décisions ayant consacré le mécanisme
de l’ordre public atténué ont été rendus dans des cas où le rapport
de droit litigieux n’entretenait aucun lien avec le for au moment de
sa création. Toutefois, dans l’arrêt Rohbi, il en va différemment. Les
deux époux résidaient en France au moment où l’époux est retourné
au Maroc pour obtenir un acte de répudiation. En d’autres termes,
l’utilité de cette théorie dont la finalité est de ne pas remettre en cau-
se des droits acquis antérieurement à l’étranger perd toute sa raison
d’être en ce sens que le droit a été acquis à un moment où l’affaire
présente des liens solides avec l’ordre juridique français776.
En outre, en raison de « la facilité actuelle des déplacements, [la-
quelle] confère, en effet, aux individus une quasi-ubiquité qui prive
la notion d’effet atténué de l’ordre public d’une partie de sa raison
d’être »777 la distinction entre situations créées à l’étranger et situations
774 - KHALID ZAHER, conflit de civilisation et droit international privé, L’Harmattan,
2009, p.203.
775- Cette expression paraît préférable à cette de l’effet atténué de l’ordre public. Cette der-
nière peut laisser entendre que, dans ce cas, l’ordre public intervient avec modération. Or,
il n’en est rien. L’exception n’est pas déclenchée ici, ce qui revient à un non-déclenchement
de ce mécanisme. Comme le résument P.MAYER et HEUZE, « l’appellation n’est guère
heureuse, car il ne s’agit pas de faire jouer faiblement l’exception d’ordre public, mais de la
paralyser totalement », précis de droit international privé, Montchrétien, 2004, 8éme édition,
n°207 , p.151.
776- En Grande Bretagne, le family Law act 1986 interdit la reconnaissance de répudiations
étrangères si l’époux y a réside de façon régulière durant les douze mois précédant la dis-
solution du mariage. Sur cette question, voir, S. POULTER, « Les systèmes juridiques en
Europe et les populations musulmanes », in Familles-Islam-Europe, Le droit confronté au
changement, sous la direction de M.-C. FOBLETS, L’Harmattan 1996, p.47, spéc. p.52.
777 - B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP. p.277. Aussi, F.H. DE VIRIEU, La
médiacratie, Flammarion 1990, p.73. Cet auteur avait déjà fait remarquer que « nous sommes
en train de vivre la fin d’un âge où il y avait obligatoirement une corrélation entre l’espace et
la durée, un âge où ce qui était loin ne pouvait être accessible qu’en y mettant le temps ».

237
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

à créer dans l’ordre juridique du for a perdu son utilité. La théorie de


l’ordre public atténué ne devrait par conséquent être mise en œuvre
qu’autant que le droit acquis à l’étranger l’a été à un moment où la
situation n’entretenait aucun lien avec l’ordre juridique du for778.
La Cour de cassation annonce que si la répudiation est « un mode
de dissolution du mariage laissé à la discrétion du mari, [elle] est tem-
pérée par les garanties pécuniaires qu’il assure à la femme ». Si la dite
Cour se contente de ce raisonnement purement matériel, elle ne fixe
pas le seuil à partir duquel devrait être considérée comme suffisante
la compensation financière. L’arrêt Rohbi s’est référé aux « garanties
pécuniaires » lesquelles semblent devoir être appréciées conformément
au droit étranger ayant présidé à l’élaboration de l’acte de répudia-
tion779. L’arrêt le confirme d’ailleurs dans son attendu en ce sens qu’il
évoque « le statut personnel commun [des époux], lequel tempère [la
répudiation unilatérale] par les garanties pécuniaires qu’il assure à la
femme».
En revanche, la jurisprudence a démontré que les juges du fond ne
se limitent pas de constater si les compensations pécuniaires ont été
octroyées à l’épouse conformément à la loi relative à la répudiation,
mais procèdent à une véritable appréciation des compensations finan-
cières octroyées par les juridictions étrangères à l’aune du niveau de
vie dans le pays d’accueil et ce contrairement à ce que paraît être
exigé par la Cour régulatrice780. Le raisonnement adopté par la Haute
juridiction dans l’arrêt Rohbi appelle deux remarques.
Premièrement, les lois étrangères qui connaissent l’institution de
la répudiation exigent une compensation financière au profit de la
femme répudiée. Cette compensation financière est fixée en fonction
des ressources de l’époux répudiateur. Plus celui-ci sera aisé finan-
cièrement plus la compensation accordée à la femme répudiée sera
élevée781. Par conséquent, cette répudiation assortie d’une compen-
sation pécuniaire importante aura de fortes chances d’être reconnue
par les juridictions françaises. Par contre, si la répudiation n’est pas

778- M.FARGE , Le statut familial des étrangers en France : de la loi nationale à la loi de
résidence habituelle, L’Harmattan, 2003, n° 594, p.540.
779 - KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, L’Harmattan,
2009, p.211.
780 - C.A. Versailles, 4ème ch., 9 octobre 1989, D.199 Somm.comm., p.99, note J.-C.GROS-
LIERE.
781 - KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit internationale privé, op. cit., p.213.

238
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

accompagnée de compensation financière importante, elle sera vouée


au rejet. La brèche ouverte par la Cour de cassation dans l’arrêt
Rohbi ne devait être bénéfique que pour certaines répudiateurs digni-
taires dans la mesure où, comme l’afflux des répudiations étrangères
le révèle, les compensations accordées aux épouses répudiées sont
dans la majorité des cas dérisoires782.
Deuxièmement, l’analyse de l’attendu de l’arrêt Rohbi peur laisser
croire que la Cour de cassation n’exige nullement une garantie pécu-
niaire « sérieuse783 » puisqu’elle se limite d’en référer à la loi étrangère
conformément à laquelle cette garantie sera fixée compte tenu des
moyens financiers de l’époux ainsi que du niveau de vie de l’épouse.
Les conséquences de cet arrêt ont été critiquées par la doctrine. Ainsi,
certains auteurs ont souligné que les compensations pécuniaires, aussi
élevées soient-elles, représentaient le prix à payer par l’époux pour
répudier sa femme784. D’autres ont affirmé que « le mari se débarrassait
ainsi à bon compte de son épouse qui avaient de bonnes chances de
rester à la charge de la collectivité française ».785 Ces conséques en-
traînés par l’arrêt Rohbi se sont heurtées à la résistance de certaines
juridictions du fond. Ainsi, la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’une
« répudiation est inopposable comme heurtant l’ordre public français,
dés lors que le montant dérisoire des sommes temporairement allouées
à l’épouse pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses jeunes enfants
ne peut en aucune façon constituer des garanties pécuniaires sérieu-
ses, cette situation ayant pour effet d’obliger les organismes sociaux
français à se substituer à la carence du père qui, pourtant, exerce une
profession, pour remédier aux conditions matériels critiques dans les
quelles se trouvent les enfants du fait de la décision marocaine »786.
En outre, il s’agit ici d’une conception particulière de la réserve d’or-
dre public qui est adoptée dans cet arrêt par la jurisprudence. La
réserve d’ordre public paraît puiser ses fondements davantage dans des

782 - B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP. p.587 ; F.MONEGER, « vers la fin
de la reconnaissance des répudiations musulmanes par le juge français  », Clunet 1992, p.347,
spéc. p.354.
783 -Comparez P.COURBE, note sous C. cass., 1ére ch.civ., 16 juillet 1992. Rev. crit.
DIP.1993, p.269, spéc. p.274.
784 - B.ANCEL et Y. LEQUETTE, Grands arrêts DIP., p.587.
785 -F.MONEGER, « vers la fin de la reconnaissance des répudiations musulmanes par le
juge français » Clunet 1992, p.348.
786- C. A. Versailles, 14éme ch., 9 octobre 1989, précité.

239
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

considérations purement matérielles que dans une quelconque pro-


tection des valeurs fondamentales du for787.

Parag II : Les arrêts Senoussi et Akla : une mise en œuvre


contestable de l’exception de fraude au jugement
Invoquer la notion de fraude au jugement pour rejeter des répu-
diations prononcées à l’étranger est fondé sur un argument fragile
(A). Certains auteurs, convaincus des problèmes liés à l’application
de cette notion, encouragent son utilisation en limitant celle-ci aux
seuls cas impliquant un conflit de juridiction (B).

A- Un argument fragile :
D’après MM.MAYER et HEUZE, « ce qui constitue la fraude au
jugement, c’est le fait d’aller plaider à l’étranger dans le but principal
d’invoquer le jugement dans le pays où l’on vit, qui aurait refusé de le
prononcer si ses juges avaient été saisis directement ; la fraude consiste
dans le fait de chercher à obtenir indirectement ce que l’on n’aurait
pas obtenu directement »788 . En d’autres termes, l’exception de fraude
au jugement consiste à « invoquer en France un jugement étranger
apparemment régulier mais obtenu uniquement en vue de son effi-
cacité en France alors que le juge français directement saisi, n’aurait
pas apporté la même solution »789. Conformément à cette définition,
serait considéré comme frauduleux tout jugement étranger ayant ho-
mologué une répudiation dans la mesure où il est obtenu dans le seul
but d’être reconnu par le juge français alors que la solution qu’aurait
consacré celui-ci aurait été totalement différente : une répudiation
unilatérale ne pourrait être homologuée par aucun juge français790.
Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er mars 1988791,
celle-ci a donné à la notion de fraude au jugement tout son éclat. Cet
arrêt est relatif à un litige qui opposait un couple algérien séparé de
fait depuis quelques années. L’épouse forme une action en contribution

787 - KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, L’Harmattan,


2009, p.213.
788 -P.MAYER et V.HEUZÉ, op.cit., n°393, p.286.
789 - P.MAYER et V.HEUZÉ, op.cit., n°395, p.287.
790- R.EL-HESSEINI-BEGDACHE, le droit international privé français et la répudiation
islamique, LGDJ, 2002, p.201.
791- C. cass., 1ère ch. civ., 1er mars 1988, D.1988, p.486, note J. MASSIP ; Rev. crit. DIP.
1989, p.723 note A.ASINAY-CYTERMAN.

240
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

aux charges du mariage à la quelle le juge a accédé. L’époux, avant de


revenir en France pour demander la suppression de l’action en contri-
bution aux charges du mariage, s’adresse aux juridictions algériennes
pour répudier sa femme.
La Cour d’appel répond positivement à sa demande mais voit sa
décision censurée par la Cour régulatrice qui lui a reproché de ne
pas avoir vérifié si « le choix de la juridiction étrangère n’avait pas
été frauduleux et n’avait pas été fait dans le seul but d’échapper aux
conséquences du jugement français de contribution aux charges du
mariage ». La Haute juridiction a confirmé cette solution deux ans
plus tard à l’occasion d’une affaire opposant cette fois-ci un couple
marocain. La Cour de cassation a censuré par l’arrêt Akla rendu le
6 juin 1990792 la décision des juges du fond ayant jugé que la réserve
de fraude au jugement invoquée par l’épouse inopérante sans vérifier
« si la saisine de la juridiction marocaine dont la compétence est,
certes, fondée mais facultative en application de l’article 11, n’a pas
été faite par le mari dans le seul but d’échapper aux conséquences
du jugement français »793. Cette utilisation de la notion de fraude au
jugement pour rejeter les répudiations prononcées à l’étranger n’est
pas assez convaincante pour plusieurs raisons.
Premièrement, il n’est pas facile de prouver que le recours aux
juridictions étrangères a été faite seulement « afin d’échapper aux
conséquences du jugement français »794. S’il est vrai que l’époux qui
répudie sa femme tente à échapper à une condamnation à contribuer
aux charges du mariage à la quelle il a été condamné par le juge fran-
çais795, il n’est pas moins vrai que tous les maris qui désirent mettre
fin au mariage ont pour finalité d’échapper aux charges du mariage
notamment celles d’ordre pécuniaires. Comme le souligne M.COURBE,
« l’on voit mal, en droit interne, un tribunal rejeter une demande en

792 - C. cass., 1ére ch.civ., 6 juin 1990, D.1990, Somm. comm., p.264, observations B.AUDIT.
Rev. crit. DIP. 1991, p.593, note P.COURBE.
793 - Il faut noter ici que la Cour de cassation utilise l’adjectif « facultative » lorsqu’elle parle
de la compétence des juridictions marocaines. Cet emploi n’est pas innocent puisqu’il laisse
entendre que celle des juridictions françaises est impérative. Or. Cette hiérarchie entre les
deux compétences n’a aucun fondement. Le texte même de la convention le confirme.
794-M.-L. NIBOYET, « Regards français sur la reconnaissance en France des répudiations
musulmanes », Rev.int.dr.comp., 2006, p.27.
795- La répudiation peut aussi avoir pour objectif de court-circuiter une procédure en cours
devant une juridiction française dont l’issue pourrait être la condamnation du mari à contri-
buer aux charges du mariage.

241
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

divorce au motif que l’époux l’a présenté dans le seul but d’échapper
aux conséquences d’une décision le condamnant à contribuer aux
charges du mariage. Pourquoi, dés alors, une situation banale dans
les relations internes deviendrait-elle inacceptable dans les relations
internationales ? »796. Cette déclaration illustre, à elle seule, la fragilité
de l’argument avancé par la Haute juridiction797. Deuxièmement,
recourir à la réserve de fraude au jugement pour rejeter une répudiation
prononcée à l’étranger aboutit à vider les conventions bilatérales qui
engagent l’Etat français798. Ainsi, la Convention franco-marocaine du
9 octobre 1957 qui précise les conditions de reconnaissance et d’exé-
cution des décisions prononcées dans l’un des Etats signataires se
réfère pour l’appréciation de la compétence indirecte (article 16, a)
aux « règles de droit international privé admises dans le pays où la
décision est exécutée ». Or, en ce qui concerne les rapports franco-
marocains, ces règles sont posées par l’article 11 de la Convention
franco-marocaine qui prévoit une compétence concurrente des juri-
dictions du domicile des époux et de celles de l’Etat dont ils portent
la nationalité799. Il ressort de ce qui précède que le système mis en
place par la Convention franco-marocaine de 1981 pose une véritable
option légale qui permet à l’époux marocain de saisir aussi bien le
tribunal français de son domicile que le tribunal marocain en vue de
mettre fin au lien matrimonial sans pouvoir lui reprocher de saisir un
tribunal incompétent800. L’on ne peut, dés lors, reprocher à l’époux
796- P.COURBE, note sous C. cass., 1ére ch.civ ., 6 juin 1990, Rev. crit. DIP. 1991, p.599.
797 - Voir en dernier lieu, C.cass., 1ére ch. civ., 28 mars 2006, Bull. civ. 2006, n°3, p.155.
Mlle GANNAGÉ fait remarquer à ce propos que « s’il cherche de toute évidence à échapper
au paiement d’une contribution aux charges du mariage, ou à obtenir un divorce dans des
formes qui l’avantagent considérablement, il peut dans le même temps manifester sa préfé-
rence pour ses juges nationaux, juges naturels en quelque sorte. Ce recours au juge national
est d’autant plus significatif pour un plaideur de confession musulmane que, généralement,
c’est une juridiction religieuse appliquant le droit musulman qui sera compétente pour tran-
cher les litiges relatifs au statut personnel. », op. cit., n°300, p.208.
798 - P.LAGARDE, « Les répudiations étrangères devant le juge français et les traces du
passé colonial » , in Privatrecht in Europe, Mélange en l’honneur de HANS JÜRGEN
SONNEBERGER, VERLAG C.H. BECH MÜNCHEN, 2004, p.481, spéc., p.491.
799 - En vertu de l’article 11, alinéa 1, sont considérées comme compétentes « les juridic-
tions de celui des deux Etats sur le territoire du quel les époux ont leur domicile commun
ou avaient leur dernier domicile commun ». L’alinéa 2 du même article pose, quant à lui, la
compétence des juridictions de l’Etat dont les deux époux ont la nationalité.
800 - Voir cependant contra, E.CORNUT, théorie critique de la fraude à la loi, Etude de
droit international privé de la famille, Defrénois, 2006, collection des thèses, préface de
H.FULCHIRON, n°754, p.414. L’auteur semble admettre qu’il n’y a aucun obstacle au jeu
de l’exception de fraude au jugement contre les répudiations marocaines malgré les disposi-
tions de l’article 11, alinéa 2, de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981.

242
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

de profiter d’une option légale posée par le système mis en place par
une convention bilatérale en saisissant le tribunal qui satisfait mieux
ses attentes801 comme le fait remarquer à juste titre M.AUDIT, « le
recours aux autorités et à la loi marocaine n’est nullement artificiel :
l’on n’est pas en présence d’un « faux conflit » créé et exploité pour évin-
cer une loi manifestement plus compétente, mais d’un « vrai conflit »
dans lequel les deux lois en présence ont des titres raisonnables à
s’appliquer »802. Certaines juridictions de fond se sont d’ailleurs ralliés à
cette position raisonnable en ce sens que la Cour d’appel de Versailles,
dans un arrêt rendu le 9 Octobre 1989803, a jugé qu’il « ne peut vala-
blement être fait grief à un époux de nationalité marocaine d’avoir
commis une « fraude au jugement » en choisissant la juridiction
marocaine plutôt que la juridiction française dès lors que la Conven-
tion franco-marocaine fait échec aux dispositions de l’article 1070 du
NCPC »804.
Convaincus des problèmes qui peuvent être entrainés par l’utilisation
de la réserve de fraude au jugement, certains auteurs ont suggéré de
limiter la mise en œuvre de celle-ci seulement aux litiges dans lesquels
une procédure aurait été introduite antérieurement devant une juri-
diction française.

B- La réserve de fraude au jugement et les procédures


parallèles :
Une partie de la doctrine a suggéré, afin d’éviter la mise en œuvre
contestable de la réserve de fraude au jugement, d’utiliser la technique
de conflit de procédures en vue de solutionner les problèmes relatifs
à la reconnaissance des répudiations étrangères en France. D’après
les défendeurs de cette technique, dès lors qu’un juge français a été
saisi en premier lieu d’une demande en divorce ou en contribution
aux charges du mariage, la répudiation prononcée à l’étranger après

801- Voir les remarques de D.ALEXANDRE dans son étude « La protection de l’épouse
contre la répudiation », in le droit de la famille à l’épreuve des migrations transnationales,
LGDJ 1993, p.125, spéc. p.140 : « l’on ne voit pas comment pourrait être considéré comme
frauduleux le fait de profiter des facilités offertes par la jurisprudence ou par les conventions
en matière de reconnaissance et d’exécution des décisions étrangers, car cela constituerait
une véritable remise en cause des règles de compétence ».
802- B.AUDIT. observations sous C.cass., 1ère ch.civ., 6 juin 1990, précité, D.1990. Somm.
Comm., p.265.
803- C.A.Versailles, 9 octobre 1989, D.1990, Somm.comm, p.99, observations B.AUDIT.
804- Voir dans ce sens R.EL-HUSSEINI-BEGDACHE, op.cit., n°382, p.192.

243
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

la saisine du tribunal français ne doit produire aucun effet805. Pour-


tant, le problème émane de ce que, dans l’hypothèse de procédures
parallèles, la Cour de cassation fixe la date de la saisine du tribu-
nal français non pas au jour du dépôt de la requête mais, au jour de
l’assignation806.
La solution, transposée au niveau international, est assez favorable
à l’époux en raison des différences procédurales entre la répudiation
et le divorce français. L’instance de divorce, ouverte par une requête,
ne débute qu’après une tentative de conciliation. Autrement dit, au
jour de l’assignation807.
En revanche, la répudiation, établie par un acte authentique est
enregistrée par le juge rapidement. La répudiation, dès lors qu’elle a
été homologuée entre la date du dépôt de la requête et celle de l’assi-
gnation, facilitait à l’époux de court-circuiter la procédure entamée en
France par sa femme. Les deux procédures, ouverte l’une à l’étranger,
l’autre en France, ne sauraient par conséquent provoquer un conflit
de procédures devant être tranché en faveur du tribunal français saisi
en premier lieu. L’article 11, alinéa 3, de la Convention franco marocaine
de 1981 qui réglemente les cas de litispendance international dans
les relations franco-marocaines en faveur de la juridiction saisie en
premier lieu ne trouvera pas à s’appliquer808. La Cour de cassation
paraît d’ailleurs avoir implicitement consacré cette position à l’occa-
sion d’un arrêt rendu le 31 janvier 1995809. La Haute juridiction avait
déclaré recevable dans cette affaire la demande en divorce formée
par une épouse de nationalité marocaine au motif, d’une part, que la
requête a été présentée antérieurement à la répudiation enregistrée
par une juridiction marocaine et, d’autre part, que la répudiation était
non contradictoire et contraire à l’ordre public français810. La Cour

805- M.-L.NIBOYET-HOEGY, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 8 décembre 1987 et 6 Juillet
1988, Rev.crit.DIP.1989, p.733, spéc.740 ; aussi, J.DEPREZ, note sous C.cass., 1ère ch.civ.,
4 mai 1994 et 1er Juin 1994, précitée, Rev.crit.DIP.1995, p.114.
806- Voir F.MONEGER, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 6 Juillet 1988, Clunet 1989, p.63,
spéc.65.
807- B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP., p.584.
808- En vertu de cet article, « si une action judiciaire a été introduite devant une juridiction
de l’un des deux Etats et si une nouvelle action entre les mêmes parties et ayant le même objet
est portée devant le tribunal de l’autre Etat, la juridiction saisie en second lieu doit surseoir
à statuer.
809- C.cass.1ère ch.civ., 31 janvier 1995, Rev.crit.DIP, 1995, p.569, note J.DEPREZ ; Clu-
net 1995, p.343, note ph.KHAN.
810- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.219.

244
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

régulatrice reprochait à la juridiction de fond d’avoir décidé ainsi


tandis que « l’introduction de l’instance au sens de l’article 11 de la
Convention franco marocaine de 1981 s’entend seulement de l’assi-
gnation en divorce qui n’était que du 3 Juillet 1986811 et que l’inobser-
vation du sursis à statuer est sans incidence sur l’autorité de la décision
judiciaire et alors, enfin, que la répudiation intervenue au Maroc entre
deux époux marocains conformément à leur loi commune ne saurait être
contraire à l’ordre public français ». La Cour de cassation se contente
de relever l’atteinte à l’ordre public procédural pour rejeter le pour-
voi. Cependant, elle précise que les deux premiers éléments du moyen
« ne peuvent être accueillis en ce qu’elles critiquent des motifs erronés
mais surabondants ». Ainsi, les juges du fond qui avaient fixé la date
de la saisine de la juridiction française au jour du dépôt de la requête
et non à celui de l’assignation ont été désavoués implicitement par la
Haute juridiction812. Ceci signifie que l’action judiciaire n’est considérée
par les Hauts magistrats comme effectivement introduite qu’au jour
de l’assignation813. Peu de temps après, le recours à l’exception de
fraude au jugement a été abandonné en faveur d’une nouvelle techni-
que : l’ordre public procédural.

Parag III : - Arrêt EL-Madani : le recours à l’ordre public procédural


Recourir à l’ordre public procédural pour rejeter les répudiations
prononcées à l’étranger appelle deux remarques. Premièrement, cette
orientation viole clairement un engagement de la France à l’égard du
Maroc (A). Deuxièment, la Cour de cassation, pour le faire a fait ap-
pel à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (B).

A- La violation de l’article 13 de la Convention franco-marocaine


de 1981 :
La Cour de cassation a rendu le 1er juin 1994814 un arrêt à propos
d’un litige opposant deux époux marocains. L’épouse a été répudiée par
811- La répudiation avait eu lieu le 27 mars 1986, soit 22 jours après la requête en divorce
déposée par l’épouse le 5 mars 1986.
812- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.219 et
220.
813- En ce sens J.DEPREZ, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 31 janvier 1995, précité, Rev.
crit.DIP.1995, p.571 ; aussi, R.EL-HUSSEINI, op.cit., p.205 ; note 397.
814- C.cass., 1ère ch.civ., 1er juin 1994, précité, Rev.crit.DIP 1995, p.103, note J.DEPREZ,
D.1995, p.263, note J.MASSIP.

245
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

son époux hors sa présence. La Cour d’appel qui a considéré l’acte


homologuant cette répudiation non contraire à l’ordre public internatio-
nal, déclare la demande en divorce formée par l’épouse irrecevable. La
Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par celle-ci censure cette
décision en considérant la répudiation prononcée au Maroc, hors la
présence de l’épouse non appelée à la procédure et au cours de l’ins-
tance en divorce en France, contraire à l’ordre public international
français. Le plus important dans cet arrêt est son visa dans lequel la
Cour de cassation fait référence à trois textes : l’article 13, alinéa 1er,
de la Convention franco-marocaine du 10 Août 1981, l’article 16-b
de la Convention franco- marocaine du 5 octobre 1957 et l’article 5
du protocole du 22 novembre 1984, n°7 additionnel à la Convention
européenne des droits de l’homme dans une décision qui s’appuie sur
la réserve de l’ordre public procédural pour s’opposer à la reconnais-
sance d’une répudiation homologuée au Maroc815. Le premier texte
stipule en effet que « les actes constant la dissolution du lien conjugal
homologués par un juge au Maroc entre conjoints de nationalité ma-
rocaine dans les formes prévues par leur loi nationale produisait effet
en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce
prononcés à l’étranger ».
Ce texte par conséquent assimile l’acte de répudiation à un juge-
ment de divorce, la lavant ainsi de son caractère choquant, à savoir :
sa nature extra-judiciaire816. Par cette assimilation de la dissolution du
lien matrimonial par la seule volonté du mari à un jugement étranger
de divorce, il n’est plus facile d’exiger que la répudiation présente des
garanties procédurales identiques à une décision de justice mettant fin
au lien matrimonial817. Selon ce principe d’après lequel la dissolution
unilatérale du lien conjugal est équivalente à un jugement de divorce,
la répudiation marocaine doit remplir les conditions de l’exequatur
fixées par l’autre Convention franco-marocaine du 5 Octobre 1957818 à
l’exception de celle qui impose le respect d’une procédure contradictoire,

815- Voir cependant contra, B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP., 4ème édi-
tion, n°64, p.593, spéc.p.605.
816- L.GANNAGE, La hiérarchie des normes et les méthodes de droit international privé,
étude de droit international privé de la famille, LGDJ 2001, n°313, p.218 et 219 ; voir aussi
F.MONEGER, « La Convention franco-marocaine du 10 Août 1981 relative au statut per-
sonnel et de la famille et à la coopération judiciaire », Rev.crit.DIP.1984, p.270.
817- L.GANNAGE, op.cit., n°318, p.224.
818- Khalid ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.222.

246
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

exemption qui s’autorise du texte même de l’article 13, alinéa 1819. En


d’autres termes, la combinaison de ce dernier avec l’article 16-b820 de
la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 comme le fait la
Haute juridiction aboutit à le vider de son sens. La même remarque
est valable concernant la combinaison de ce dernier avec l’article 5 du
protocole additionnel n°7 à la Convention européenne des droits de
l’homme821.

B- Une combinaison répétée :


Le recours à l’article 16-b de la Convention franco-marocaine du
5 Octobre 1957 pour s’opposer à la reconnaissance d’une répudiation
homologuée au Maroc suppose la paralysie de l’article 13, alinéa 1, de
l’autre convention du 10 Août 1981822. Or, si celui-ci ne dispensait pas
les actes homologuant la répudiation prononcée au Maroc de respecter le
principe du contradictoire, comme l’a jugé la Haute juridiction dans
l’arrêt EL-Madani, alors la référence à l’article 5 du protocole addi-
tionnel n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme serait
une répétition inutile823.
En effet, si l’acte constatant la dissolution du mariage intervenue au
Maroc n’a pas respecté le principe du contradictoire puisque l’épouse,
étant absente à la procédure, n’a pas pu se défendre, l’une des condi-
tions de l’exequatur exigée par l’article 16-b de la convention de 1957
n’est pas respectée et cela serait un motif suffisant et légitime pour
déclarer la demande de l’époux répudiateur désirant à court-circui-
ter la demande en divorce de l’épouse irrecevable. Par conséquent,
se référer à l’article 5 du protocole additionnel n°7 de la Convention
européenne des droits de l’homme ne fait qu’un double emploi avec
l’article 16-b de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957824,

819- Ibid.
820- Cette disposition exige parmi les conditions de l’exequatur que « les parties [aient ] été
légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ».
821-Ibid.
822- F.MONEGER, « La Convention franco-marocaine du 10 aout 1981… », Étude préci-
tée, Rev.crit.DIP.1984, p.270.
823- Khalid ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.223 et 224.
824- Voir cependant contra, B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP., 4ème édi-
tion, n° 64, p.593, spéc.p. 605. Les deux auteurs estiment qu’en « invoquant en sus le principe
d’égalité des époux, la haute juridiction entend marquer que la répudiation même assortie
de garanties pécuniaires sérieuses et qu’elle aurait été précédée d’une procédure à laquelle la
femme aurait été entendue , ne saurait recevoir effet en France ». Cette lecture est contredite
par l’attendu même de l’arrêt de la Cour de cassation. D’abord, à aucun moment la Haute

247
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

le motif principal de la cassation étant le non respect des droits de


la défense et du principe du contradictoire825. En outre, invoquer la
Convention européenne des droits de l’homme était inutile en ce sens
que la non-observation de la condition de la reconnaissance relative
au respect de la régularité de la procédure suivie devant la juridiction
étrangère aurait suffi à repousser la répudiation homologuée au Maroc
au mépris du principe du contradictoire et des droits de la défense826.
La référence à l’article 5 du protocole additionnel n°7 à la Convention
européenne des droits de l’homme ne pouvait être fondé que par une
référence explicite à la réserve de l’ordre public substantiel et non pas
à la réserve de l’ordre public procédural.

Parag IV : - Arrêt Nori : la mise en œuvre de la réserve de l’ordre


public substantiel
L’arrêt Nori827 a été rendu à l’occasion d’un litige opposant deux
époux marocains. L’époux ayant répudié sa femme devant un tribunal
marocain a obtenu de la Cour d’appel la suppression de la contribu-
tion aux charges du mariage accordée à sa femme par un tribunal
français. Ce dernier a justifié sa décision par le fait que la dissolu-
tion unilatérale du lien matrimonial intervenue au Maroc n’était pas
contraire à l’ordre public international français puisque l’épouse a
reçu une indemnité et à accepté la compensation financière accordée
par la juridiction marocaine en vertu d’un jugement postérieur à l’acte

juridiction ne laisse entendre que des compensations financières sérieuses n’étaient pas de
nature à tempérer ce mode de dissolution du mariage unilatéral et discrétionnaire. Ensuite,
après avoir rappelé que les actes constatant la dissolution du mariage au Maroc ne produisent
effet en France que si le défendeur a été légalement cité ou représenté, la Cour de cassation
reproche aux juges du fond d’avoir accueilli une « répudiation intervenue en cours d’instance
au Maroc hors la présence de l’épouse non appelée à la procédure ». Ce qui laisse entendre
que dans le cas contraire, la solution aurait été différente. D’ailleurs cette interprétation a été
confortée par la Cour régulatrice dans les arrêts qui ont suivi celui en date du 1er juin 1994.
Ainsi dans sa décision du 31 Janvier 1995 (Rev.crit.DIP.1995, p.569, note J.DEPREZ,
Clunet 1995, p.343, note Ph.KAHN), les hauts magistrats précisent qu’un « acte de répudia-
tion rendu non contradictoirement n’était pas succesible d’être reconnu en France ». Il en va
de même de l’arrêt du 19 décembre 1995 (Rev.crit.DIP.1996, p.784), à l’occasion duquel la
Cour de cassation annonce « qu’en l’absence de débats contradictoires, l’acte de répudiation
(…) est manifestement incompatible avec l’ordre public français ».
825- P.HAMMJE, « Droits fondamentaux et ordre public », Rev.crit.DIP.1997, p.1,
spéc.p.22.
826- J.MASSIP, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 1er juin 1994, précité, D.1995, p.263 ;
B.ANCEL et Y.LEQUETTE, Grands arrêts DIP., p.587.
827- C.cass., 1ère ch.civ., 11mars 1997, D.1997, p.400, note M.-L.NIBOYET ; JCP.
1998.I.101, n°3, observations H.FULCHIRON.

248
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

de répudiation. La Cour régulatrice, saisie d’un pourvoi, casse l’arrêt


de la Cour d’appel en reprochant à celle-ci de ne pas avoir « donné
de base légale à sa décision ». Cette décision reprend dans son visa, à
l’instar de l’arrêt du1er juin 1994, les mêmes textes, à savoir l’article
16-b de la Convention franco-marocaine de 1957, l’article 13, alinéa 1,
de la Convention franco-marocaine de 1981 et l’article 5 du protocole
additionnel n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme.
Cependant, la décision de 1997 apporte une nouveauté importante
dans le mesure où elle ne fait pas référence à ce dernier texte pour
soutenir les garanties d’ordre procédural, mais manifester les exigen-
ces du principe de « l’égalité des droits et responsabilités des époux
lors de la dissolutions du mariage (…) que la France s’est engagée
à garantir à toute personne relevant de sa juridiction ». En d’autres
termes, il s’agit ici d’une mise en œuvre de la réserve de l’ordre public
substantiel828. Or, ce recours à la Convention européenne des droits de
l’homme afin d’affirmer le principe d’égalité des époux qui est à juste
titre un principe consacré par la constitution n’est pas compréhensi-
ble829. Les répudiations n’étaient pas considérées par les juridictions
françaises un demi-siècle auparavant déjà contraires « au préambule
de la Constitution française qui doit assurer à la femme, dans tous les
domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ?830. Le principe de
l’égalité des époux n’était pas considéré comme un principe fondamen-
tal qui constitue le socle de l’ordre public français bien avant l’entrée
en vigueur le 1er novembre 1988 de l’article 5 du protocole additionnel
n°7 ? La jurisprudence antérieure à cette date invite à répondre
négativement831. Comme le fait remarquer M.LEQUETTE, les juri-
dictions « ne trouvent plus d’ailleurs le courage de défendre les valeurs
de la société française qu’a la condition de les peindre aux couleurs des
droits fondamentaux ou encore d’un ordre public européen. L’évo-
lution qu’a connue la jurisprudence en ce qui concerne l’accueil des
répudiations étrangères illustre à merveille cette tendance832 ». Ce sont
828- M.-L.NIBOYET, note sous C.cass., 1ère ch.civ.11 mars 1997, précité, p.401.
829- Voir les critiques du Doyen J.CARBONNIER de la Convention européenne des droits de
l’homme, Droit et passion du droit sous la Vème République, Flammarion , 1996, p.53 et 54.
830- Trib.civ. de la Seine, 26 mars 1956, D.1956, p.654, note F.LUCHAIRE ; voir aussi,
H.FULCHIRON, « Ne répudiez point… » : Pour une interprétation raisonnée des arrêts du
17 février 2004, Rev.internat. dr.comp.2006, p.6, spéc.p.10.
831- TGI.Orléans, 17 mai 1984, Rev.crit.DIP. 1986, p.307, note F.MONEGER ;
832- Y.Lequette, « Le droit international privé et les droits fondamentaux », in Libertés et
droits fondamentaux, sous la direction de R.CABRILLAC, M.A.FRISON-ROCHE et
Th.REVET, 12ème édition, Dalloz 2006, p.99, spéc.p.119, n°199.

249
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

en réalité les engagements de la France à l’égard des Etats étrangers


qui ont poussé les Hauts magistrats à recourir à la Convention euro-
péenne après avoir épuisé toutes les techniques du droit international
privé pour rejeter les répudiations833.
Cependant, le recours inutile au concept du droit fondamental a
mis en lumière toutes les difficultés posées aux juridictions françaises
par l’article 13 alinéa 1, de la Convention franco-marocaine du 10
août 1981.
Aux termes de cet article, «les actes constatant la dissolution du
lien conjugal homologuées par un juge au Maroc entre conjoints de
nationalité marocaine dans les formes prévues par leur loi nationale
produisent effet en France dans les mêmes conditions que les juge-
ments de divorce prononcés à l’étranger ». Cette disposition, comme
nous l’avons déjà vu, a pour finalité de laver la répudiation marocaine
de sa nature extra-judiciaire834 par son assimilation à des jugements
de divorce835. Pourtant, l’article 11 de cette Convention renvoie expli-
citement à l’autre Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957.
En effet, cette dernière stipule dans son article 16-d que les décisions
rendues dans l’un des deux Etats n’ont pas forcément l’autorité de
la chose jugée sur le territoire de l’autre pays que si « la décision ne
contient rien de contraire à l’ordre public du pays où elle est invo-
quée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays836 ».
D’ailleurs la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 réserve
expressément dans son article 4837 le jeu de l’exception d’ordre public.
833- R.EL-HUSSEINI, op.cit., n°461, p.234.
834- Le droit marocain a connu en 1993 une première réforme, quoique timide, accordant
plus de pouvoirs aux autorités judiciaires dans le contrôle des répudiations. Sur cette ques-
tion, voir A.MOULAY R’CHID, « La réforme du Code du statut personnel marocain-une
avancée dans la codification des droits de l’homme », Rev.trim.dr.fam.1994 , p.434.
835- En effet, M.Cheysson, Ministre des Relations extérieures à l’époque, avait incidemment
admis dans son exposé des motifs de la ratification de cette convention devant l’Assemblée
nationale et le Sénat que les actes constatant la dissolution du mariage intervenus au Maroc
concernant les répudiations. Mais pourquoi alors le terme n’est pas utilisé explicitement par
la Convention ? L’explication est donnée par Mme Monéger qui écrit, non sans ironie, que
« bien que l’article 13 n’emploit pas le terme de répudiation, sans doute pour ne pas choquer
les honorables parlementaires qui auraient pu lire le texte avant de voter la loi autorisant
la ratification de la Convention, « les actes constatant la dissolution du lien conjugal homo-
logués par un juge au Maroc » visent certainement la répudiation », F.MONEGER, « La
Convention franco-marocaine du 10 août 1981… », Étude précitée, p.269.
836- Voir le texte de cette Convention à la Rev.crit .DIP, 1960, p.104.
837- En vertu de cette disposition, « la loi de l’un des deux Etats désignée par la présente
Convention ne peut être écartée par les juridictions de l’autre Etat que si elle est manifeste-
ment incompatible avec l’ordre public». Voir en ce sens C.BRIERE, Les conflits de Conven-
tions internationales en droit privé, LGDJ.2001, préface de P.COURBE, n°409 ; p.298.

250
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

Malgré le fait que les deux Conventions réservent d’une manière


explicite le jeu de la réserve de l’ordre public, une grande partie de la
doctrine française défend l’idée conformément à laquelle tout recours
à cette technique pour s’opposer à la reconnaissance des répudiations
intervenues au Maroc serait inacceptable et interdit par le texte même
de l’article 13, alinéa 1, de la Convention franco-marocaine du 10 août
1981. Dans le même ordre d’idées, M.Lagarde souligne que « si la
femme est marocaine, il semble, à la lecture du texte et à peine de le
vider de son contenu, que l’ordre public ne puisse plus s’oppose à la
reconnaissance de la répudiation. C’est ainsi du moins que la Cour
de cassation l’a d’abord compris, refusant d’opposer l’ordre public à
la répudiation, même lorsqu’elle avait été prononcée par le mari pour
faire échec, à une action commencée en France par la femme838 ». La
Cour de cassation a adopté cette position dans son arrêt rendu le 6
juillet 1988839. Il s’agissait en l’espèce d’une épouse de nationalité
marocaine qui avait formé le 10 novembre 1983 une action en séparation
de corps. L’époux produit en cours d’instance un acte de répudiation
homologué le 2 août 1983 au Maroc. Les juges de première instance
suivis de ceux de la Cour d’appel ont déclaré cet acte non opposable
au motif que la répudiation était contraire à l’ordre public international
français. La Cour de cassation, saisie du pourvoi casse cette décision en
déclarant « qu’il résulte de l’article 13 de la dite convention que les ré-
pudiations intervenues au Maroc doivent être reconnues sans qu’elles
puissent, en tant que telles, être déclarées contraires à l’ordre public
au sens du droit international privé français »840.

838- I.FADLALLAH, note sous C.cass.1ère ch.civ.3 novembre 1983, Rev.crit.DIP.1984,


p .333 : « la disposition signifie à peine de ne rien dire que les répudiations ne peuvent être
traitées plus sévèrement que des jugements de divorce. En d’autres termes, il n’est point
possible de tirer argument de leur nature propre pour refuser de les connaître : Or, l’ordre
public se fondait essentiellement sur les caractères unilatéral, discrétionnaire marital et ex-
tra- judiciaire de la répudiation, qui précisément la distinguent du divorce. Le texte interdit
donc, désormais, d’opposer l’exception d’ordre public aux répudiations marocaines » ; Aussi,
P.LAGARDE, « La théorie de l’ordre public international face à la polygamie et à la répudia-
tion. L’exemple français », in Nouveaux itinéraires en Droit, Hommage à François Rigaux,
Bibliothèque de la faculté de droit de l’université catholique de Louvain, T.XXII, Bruylant,
Bruxelles 1993, p.261, spéc.p.272 ; A.MEZGHANI, « Le juge français et les institutions du
droit musulman », Clunet 2003, p.721, spéc.758 : « dés lors que les deux époux sont de natio-
nalité marocaine, l’épouse ne peut se prévaloir du jeu de l’exception de l’ordre public ».
839- C.cass., 1ère ch.civ., 11 Juillet 1988, Clunet 1989, p.63, note F.MONEGER ; Rev.crit.
DIP.1989, p.734, note M.-L.NIBOYET.
840- On mesure ici toute l’influence des analyses de M. FADALLAH sur les magistrats de
la Cour de cassation.

251
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Parag V- Arrêt Douibi : Le retour de la répudiation


La Cour de cassation a rendu le 3 juillet 2001841 un arrêt à l’occa-
sion d’un litige opposant deux époux algériens. L’époux est retourné
en Algérie pour répudier sa femme avant de se remarier et revenir
s’installer en France. Les juges de fond ont reconnu cette décision.
L’épouse réplique alors en formant un pourvoi en vertu duquel elle
reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir relevé le comportement
frauduleux de son époux ainsi que la contrariété de la décision algé-
rienne à l’ordre public international français, condition exigée expres-
sément par la convention franco-algérienne du 27 août 1964 et dont
le respect est réservé par l’article 5 du protocole additionnel N°7 à la
Convention européenne des droits de l’Homme affirme le pourvoi.
La Haute juridiction, en balayant ces reproches annonce que « la
conception française de l’ordre public international ne s’opposait pas
à la reconnaissance en France d’un divorce étranger par répudiation
unilatérale par le mari dés lors que le choix du tribunal par celui-ci
n’avait pas été frauduleux, que la répudiation avait ouvert une pro-
cédure à la faveur de laquelle chaque partie avait fait valoir ses pré-
tentions et ses défenses et que le jugement algérien, passé en force de
chose jugée et susceptible d’exécution, avait garanti des avantages
financiers à l’épouse en condamnant le mari à lui payer des domma-
ges-intérêts pour divorce abusif, (ainsi que) une pension alimentaire
d’abandon ». Le contraste est flagrant avec l’arrêt du 11 mars 1997.
Entre temps, les répudiations seraient elles devenues compatibles
avec l’ordre public international français842 ?

Parag VI - Les arrêts du 17 février 2004


La Haute juridiction par cinq arrêts rendus le 17 février 2004843,
abandonne son libéralisme vis-à vis des répudiations étrangères. Au
moins, dans deux des cinq arrêts, elle réaffirme le principe de l’égalité

841 - C. cass. 1ère ch.civ., 3 juillet 2001, Rev. crit. DIP. 2001, p. 704, note L. GANNAGE ;
voir la chronique de M. FARGE, « Les répudiations musulmanes : Le glas de l’ordre public
fondé sur l’égalité des sexes », DR. Fam., juillet-août 2002, p. 13.
842- H. FULCHIRON, « Droits fondamentaux et règles de droit international privé : conflits
de droits, conflits de logiques ? L’exemple de l’égalité et responsabilité des époux au regard
du mariage, durant le mariage, et lors de sa dissolution », in le droit au respect de la vie fa-
miliale au sens de la convention européenne des droits de l’homme, sous la direction de F.
SURDE, Nemessis-Bruylant 2002, Bruxelles p. 353, spèc. p. 360.
843- C.cass., 1ère ch.civ., 17 février 2004, Rev.crit.DIP. 2004, p. 423, note P.HAMMJE ;
Defrénois 2004, 812, note J. MASSIP ; Clunet 2002, p.1200, note L.GANNAGE.

252
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

des époux comme valeur fondamentale de l’ordre juridique français.


Concernant les faits de la première décision, ils sont relativement clas-
siques. Lors d’une instance en divorce pendante devant la juridiction
française, l’époux de nationalité algérienne excipe un jugement de
divorce constatant une répudiation unilatérale à l’encontre de sa femme
également algérienne et résidant, comme lui en France. Cet argument
fondé sur l’exception de la chose jugée a été rejeté par les juges du
fond. L’époux, en reprenant les justifications avancées par la Cour de
cassation dans l’arrêt Douibi, forme un pourvoi en cassation. La dite
Cour a rejeté tous ses arguments et a déclaré que « même si elle résul-
tait d’une procédure loyale et contradictoire, cette décision (référence
faite au jugement algérien) constatant une répudiation unilatérale du
mari sans donner l’effet juridique à une éventuelle opposition juridique
de la femme et en privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre
que d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien
matrimonial, était contraire au principe d’égalité des époux lors de
la dissolution du mariage reconnu par l’article 5 du protocole du 22
novembre 1984, N°7 additionnel à la convention européenne des
droits de l’Homme, que la France s’est engagée à garantir à toute per-
sonne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international
réservé par l’article 1er- de la Convention franco-algérienne du 27 août
1964, dés lors que les deux époux étaient domiciliés sur le territoire
français ».
La deuxième décision844 constitue une copie conforme à la première
avec la seule différence que cette dernière se contente du seul domicile
de l’épouse dans la mise en œuvre de la réserve de l’ordre public tan-
dis que la première exige la domiciliation des deux époux en France.
Concernant le troisième arrêt, celui-ci a été rendu à propos d’un litige
opposant deux époux marocains. L’époux, assigné en divorce devant
une juridiction française, présente un acte de répudiation intervenue
au Maroc. La demande de l’époux est déclarée par la Cour d’appel
irrecevable. Les juges d’appel ont justifié leur décision en déclarant
que l’épouse, en sollicitant de la juridiction marocaine une majoration
des sommes allouées, a accepté la répudiation. L’arrêt est cassé sur
pourvoi de l’épouse au motif que « d’une part, que, le fait pour l’épou-
se, d’avoir sollicité la majoration des pensions accordées pour elle et
844- L’ordre des arrêts est celui de leur reproduction au recueil DALLOZ 2004, p. 828 et 829.

253
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

pour les enfants ne serait être considéré comme un acquiescement


et, d’autre part, qu’aucun certificat de non-opposition non-appel ou
non-pourvoi n’était produit », ce qui est une violation des articles 13,
alinéa 1, de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 et les
articles 16, 19 et 21 de l’autre Convention du 5 octobre 1957845.
Le quatrième arrêt concernait une répudiation prononcée en Algé-
rie entre deux époux algériens. Les juges d’appel déclarent la décision
rendue par la juridiction algérienne exécutoire en France en préci-
sant, d’une part, que le tribunal algérien était compétent en l’état de
la nationalité algérienne commune des deux époux et d’autre part,
qu’aucun comportement frauduleux n’a été relevé dans la saisine de
ce tribunal. Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation au motif
que « les deux époux étaient domiciliés en France de sorte que leur
nationalité algérienne commune ne suffisait pas à rattacher le litige
d’une manière caractérisée à l’Algérie et que le juge algérien n’était
pas compétent pour en connaître ».
S’agissant du cinquième arrêt, la Cour de cassation n’ajoute rien
de nouveau concernant cette matière. Les juges du fond dans cette
affaire ont jugé qu’une répudiation marocaine devait être reconnue
en France de plein droit. La décision est cassée sur pourvoi du mi-
nistère public au visa de l’article 455 du NCPC. La Haute juridiction
avait reproché à la juridiction de fond d’avoir statué ainsi « par des
considérations générales qui ne permettent pas à la Cour de cassation
d’exercer son contrôle sur la régularité internationale de la décision
marocaine846.
Dans son quatrième arrêt, la Haute juridiction a reproché aux ju-
ges du fond d’avoir considéré le juge algérien compétent en s’appuyant
sur la nationalité commune des deux époux tandis que cet élément
n’est pas suffisant, d’après les Hauts magistrats, à fonder cette com-
pétence847. En outre, la Cour de cassation casse cette décision pour
violation de l’article 1 – a de la Convention franco-algérienne du 17
août 1964848 et de l’article 1070 du NCPC. Selon le premier article,

845- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.236 et
suiv.
846- F.SAREHANE, « La répudiation, quels obstacles pour les marocains résidant en Fran-
ce ? », Rev.int.dr.comp.2006,p.47.
847- A. DEVERS, « Le divorce d’époux marocains ou franco-marocains », Droit de la fa-
mille, 2006, p.8
848- Voir le texte de cette convention à la Rev.crit.DIP. 1965, p.784

254
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

les décisions rendues dans les juridictions de l’un des deux états ont
autorité de chose jugée sur le territoire de l’autre Etat de plein droit
si « la décision émane d’une juridiction compétente selon les règles
concernant les conflits de compétence admises dans l’Etat ou la déci-
sion doit être exécuté », ces règles ne découlent pas de la bilatéralisa-
tion des règles de compétence internationale directe849 mais de l’arrêt
simitch850.
Conformément à cet arrêt, la compétence indirecte de la juridic-
tion étrangère ayant homologué un acte de répudiation devrait être
établi chaque fois qu’existe un rapport caractérisé entre la juridiction
étrangère et le litige851. Or, en matière de statut personnel, la natio-
nalité est un critère objectif notamment dans les Etats qui soumettent
cette dernière catégorie à la loi nationale852 et ce en raison du lien
qui rattache les individus à l’Etat dont ils sont ressortissants853. Les
deux époux avaient la nationalité algérienne, le juge algérien était par
conséquent compétent854.
La Haute juridiction, de manière surprenante, se réfère à l’arti-
cle 1070 du NCPC pour dénoncer la compétente de la juridiction
algérienne. Aux termes du premier alinéa de cet article, la juridiction
compétente est celle du lieu ou se trouve la résidence des époux. Par
un arrêt rendu le 28 mars 2006855, la Haute juridiction ferme la paren-
thèse ouverte à l’occasion de l’un des arrêts du 17 février 2004 pour
adopter la solution traditionnelle posée par l’arrêt Smitch856. L’impor-
tance de cette nouvelle solution réside dans le fait qu’elle a été rendue
en application de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964.

849- P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., n°373, p.269 et 270 ; B.AUDIT, op.cit., n°469, p.377
850- C. cass., 1ère ch.civ., 6 février 1985, précité.
851- H.MUIR WATT, « pour l’accueil de l’estoppel en droit privé français », in l’internatio-
nalisation du droit, mélanges en l’honneur de YVON LOUSSOUARN, DALLOZ 1994,
p.303, spéc.306 « comment par exemple, reprocher à des époux étrangers domiciliés en
France d’avoir saisi leur juge national commun (ou celui de l’un d’entre eux) d’une demande
en divorce, même s’ils entendent se prévaloir par la suite d’une décision que n’auraient pas
rendue les juridictions française, sans condamner la nationalité (et l’article 14) comme critère
de compétence indirecte ? »
852- G.DROZ, « réflexions pour une réforme des articles 14 et 15 du Code civil », Rev.crit.
DIP. 1975, p.1, spéc.p.7 ; voir aussi, R.EL-HUSSEINI-BEGDACHE, op.cit., n°380, p.192
853- PH. FRANCESCAKIS, « Le contrôle de la compétence du juge étranger après l’arrêt
« simitch de la Cour de cassation », Rev. crit.DIP.1985, p.243, spéc.p.264
854- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit.,p.238.
855- C. cass., 1ère ch.civ., 28 mars 2006, Bull.civ.mars 2006, n°177, p.155.
856- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.239 et
suiv.

255
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Le recours à l’article 1070 du NCPC disparaît. Par conséquent, ce


n’est plus à la lumière de cet article qu’il faut apprécier la compétence
de la juridiction étrangère857. La Haute juridiction déclare en effet
qu’« en matière de divorce, la règle française de conflit de juridictions
n’attribuant pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tri-
bunal étranger est reconnu compétent si le litige se rattache d’une
manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la
juridiction n’a pas été frauduleux »858.
Les deux premiers arrêts de la Cour de cassation rendus le 17 février
2004 posent le principe selon lequel les garanties pécuniaires accordées
à l’époux n’atténuent pas la nature inégalitaire de la répudiation.
Les Hauts magistrats déclarent que « les compensations financières
obtenues par (l’épouse) n’assuraient pas l’égalité des droits des époux
lors de la dissolution du mariage ». En revanche, le recours à l’article 5
du protocole n°7 additionnel à la Convention européenne des droits
de l’homme qui consacre le principe de l’égalité des époux est inutile en
ce sens qu’il fait double emploi avec la réserve d’ordre public. Cette
inutilité se manifeste notamment à travers la confrontation des deux
premiers arrêts859. Ainsi, dans la première décision, la Cour régula-
trice annonce que la répudiation est « contraire au principe d’égalité
des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l’article 5
du protocole du 22 novembre 1984, n°7, additionnel à la Convention
européenne des droits de l’homme (…) et donc à l’ordre public inter-
national », ce qui laisse entendre que le principe européen de l’éga-
lité des époux a été intégré dans l’ordre public international860. Dans
la deuxième décision, la répudiation a été considérée « contraire aux
principes de l’égalité des époux lors de la dissolution du mariage, re-
connu par l’article 5 du protocole n°7 (….) et à l’ordre public interna-
tional ». La conjonction « donc » a disparu dans la deuxième décision.
Ce qui prouve que le principe européen de l’égalité des époux pourrait
fonctionner indépendamment de l’ordre public international. Il est par
857- M. HUNTER-HENIN, « Droit des personnes et droits de l’homme : Combinaison ou
confrontation ? », Rev.crit.DIP. 2006,p.743, spéc.p.760
858- G.CUNIBERTI, note sous C.cass., 1ère ch.civ., 17 février 2004, Clunet 2004, p.870 ;
E.PATAUT, note sous C.cass., 1ère ch.civ.,22 février 2005, Rev.crit.DIP.2005,p.522.
859- A.DEVERS, « le divorce d’époux marocains ou franco-marocains, les conventions
frnaco-marocaines aussi face aux droits européen et communautaire », Dr.fam.mars 2006,
p.8et suiv.
860- Voir en ce sens les conclusions de l’avocat général : M.F.CAVARROC, conclusions sous
C.cass., 1ère ch.civ., 17 février 2004, D.2004, p.824.

256
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

conséquent autonome861. En effet, la question posée aux juridictions


françaises en matière de répudiation est celle de l’appréciation d’une
décision étrangère. Le résultat sera par conséquent la reconnaissance,
ou non de la dissolution unilatérale du lien matrimonial862.
Ce contrôle de la régularité de la décision étrangère s’effectue de
deux façons. Soit la décision émane d’un Etat lié avec la France par
un traité bilatéral relatif à la reconnaissance et l’exequatur863 et, dans
ce cas, le juge doit chercher si la dite décision étrangère remplit les
conditions exigées à cet effet par la Convention bilatérale parmi les-
quels on trouve toujours la condition de la conformité à l’ordre public
international du pays d’accueil864. Soit, le jugement étranger provient
d’un Etat qui n’est pas lié avec la France par une Convention bilaté-
rale et, dans ce cas le juge français doit vérifier si ce jugement rem-
plit les conditions de reconnaissance ou d’exequatur posées par la
jurisprudence Munzer865 dont celle de la conformité à l’ordre public
international français. En d’autres termes, dans les deux cas, la non
reconnaissance d’une répudiation intervenue à l’étranger ne peut être
justifiée que par la contrariété de la décision à l’ordre public français.
Cette non-conformité est caractérisée par la méconnaissance du prin-
cipe de l’égalité des époux par la décision étrangère866. Autrement dit,
le défaut de compatibilité de la répudiation au dit principe ne sau-
rait fonder son rejet par l’ordre juridique français, à moins d’ériger
le respect du principe de l’égalité des époux en condition autonome
de régularité des jugements étrangers867. Par conséquent, le refus
d’accueillir la répudiation au sein de l’ordre juridique français doit
obligatoirement passer par le biais de l’ordre public international868,
le principe du respect de l’égalité des époux est uniquement une

861- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit.,p.240.


862- M.FARGE, Dr.fam.février 2006, p.34 et suiv.
863- C’est le cas notamment du Maroc et de l’Algérie.
864- Voir par exemple l’article 16-d de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957.
Aussi, l’article 1-d de la convention franco-algérienne du 27 août 1964.
865-C.cass.1ère ch.civ.,7 janvier 1964, Rev.crit.DIP.1964,p.344,note H.BATTIFFOL; Clu-
net 1964,p.302,note B.GOLDMAN.
866- M.FARGE, DR.fam.février 2006, p.35 et suiv.
867- KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit.,p.241.
868- P.MAYER, « la convention européenne des droits de l’homme et l’application des nor-
mes étrangères », Rev.crit.DIP.1991, p.651, spéc.p.317 et 318 ; B.FAUVARQUE-COSSON
« Droit comparé et droit international privé : la confrontation de deux logiques à travers l’exem-
ple des droits fondamentaux », Rev. Internat.dr.comp.2000,p.797, spéc.p.812.

257
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

composante de ce dernier869 . Or pour affirmer le principe de l’égalité


des époux, la France n’a pas attendu le protocole n°7 du 22 novembre
1984, entré en vigueur le 1er novembre 1988870. Dés lors, le recours
au principe européen de l’égalité des époux dans le premier arrêt était
sans aucune utilité.
Dans son premier arrêt, la Haute juridiction déclare que la
« répudiation était contraire au principe d’égalité des époux lors de
la dissolution du mariage reconnu par l’article 5 du protocole du 22
novembre 1984. N°7 additionnel à la Convention européenne des droits
de l’homme, que la France s’est engagée à garantir à toute personne
relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international, (….),
dés lors que (….) les deux époux étaient domiciliés sur le territoire
français ». Dans la deuxième décision, le domicile en France « de la
femme, sinon même, des deux époux » est confirmé en tant que condi-
tion de la mise en œuvre de la réserve d’ordre public à l’encontre de la
répudiation. En agissant ainsi, la Cour de cassation réalise le vœu de
certains auteurs favorables à la non reconnaissance des répudiations
impliquant des époux domiciliés en France871. Aussi, une partie de la
doctrine favorable à la notion de proximité sélective mettent en avant
l’importance d’éviter les situations boiteuses et d’assurer l’harmonie
internationale des solutions872. D’autres partisans à la proximité sou-
tiennent que l’exigence de cette dernière assure une meilleure prévi-
sibilité des solutions873.
En affirmant que la répudiation est contraire au principe européen
de l’égalité des époux « que la France s’est engagé à toute personne
relevant de sa juridiction […] dés lors que les deux époux [ou seulement
l’épouse (2éme arrêt) étaient domiciliés en France », la Haute juridic-
tion ne pouvait éviter la contradiction. Ainsi, la notion de proximité
paraît incompatible avec le recours par la Cour régulatrice au principe
européen de l’égalité des époux874. En effet, la référence à la Conven-
tion européenne des droits de l’homme implique forcément que les
869- P.COURBE, « le rejet des répudiations musulmanes », chronique précitée, 2004, p.816.
870- Ibid.
871 - A. SINAY-CYTERMAN, note sous C.cass. 1ére ch. civ., 1er mars 1988, Rev. crit. DIP.
1989, p.732.
872 - P.COURBE, « Le rejet des répudiations musulmanes », chronique sous C. sous., 1ére
ch. civ., 17 février 2004, D.2004 , p.815.
873 - P.LAGARDE, Rép. Dalloz Dr. Inter., Cahiers de l’actualité 2003-1, p.9.
874 - J.-P.MARGUENAUD, observations sous C.cass., 1ére ch.civ., 17 février 2004, Rev.
trim.dr.civ.2004, p.368.

258
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

droits consacrés par cette dernière doivent être garantis pour toutes
les personnes relevant des juridictions françaises (article premier)875.
Si la juridiction française est compétente pour vérifier la régularité
d’une décision étrangère constant une répudiation, c’est que l’épouse-
sinon les deux époux- relève bien d’une juridiction française. Par
conséquent, quel que soit le lieu où se situe le domicile au moment
de l’homologation de la répudiation, le principe de l’égalité des époux
consacré par l’article 5 du protocole n°7 doit être garanti876.
Aussi, en déclarant que « même si elle résultait d’une procédure
loyale et contradictoire, [la]décision constant une répudiation unila-
térale du mari sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle
de la femme et en privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre
que celui de ménager les conséquences financières de cette rupture
du lien matrimonial, était contraire au principe d’égalité des époux
lors de la dissolution du mariage reconnu par l’article 5 du protocole
du 22 novembre 1984, n°7 additionnel à la Convention européenne
des droits de l’homme que la France s’est engagée à garantir à toute
personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public interna-
tional », la Haute juridiction affirme que, ni une compensation finan-
cière élevée, ni le respect des droits de la défense ne pourraient rendre
la répudiation étrangère compatible avec l’ordre public international
français877. Pourtant, dans la quatrième décision, la cassation a eu lieu
au motif que l’acte homologuant la répudiation ne peut produire effet
en France que si la partie défenderesse a été largement citée ou repré-
sentée et si elles sont passées en force de choses jugées et susceptibles
d’exécutions or les deux déclarations témoignent d’un manque de fer-
meté dans la position des hauts magistrats.
Si la Cour de cassation estime que la répudiation ne respecte pas le
principe de l’égalité des époux et, par conséquent incompatible avec
l’ordre public international français, il n’est pas important alors que

875-KHALID ZAHER, conflit de civilisations et droit international privé, op.cit., p.243.


876 - H.FULCHIRON, « « Ne répudiez point » : pour une interprétation raisonnée des arrêts
du 17 février 2004 », Rev.internat.dr.comp.2006, p.7, spéc.p.17.
877- D’ailleurs, dans les trois autres décisions rendues le même jour, la première chambre
civile, après avoir rendu des arrêts de cassation, a ordonné le renvoi devant la Cour d’appel
de Paris. Or, cette dernière s’était particulièrement distinguée par son attitude très ferme à
l’égard des répudiations étrangères (voir par exemple C.A.paris, 13 décembre 2001, Rev.
crit.DIP. 2001, p.730, note L.GANNAGE ; Il peut s’agir ici d’un signal fort de la part de
la Haute juridiction exprimant une nouvelle ligne, dure celle là, à l’égard des répudiations
étrangères.

259
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

les droits de la défense aient, ou non, été respectés. La répudiation


ne devrait pas être reconnue pour le seul motif qu’elle n’est ouverte
qu’au seul époux et non pas à l’épouse. Les garanties procédurales et
pécuniaires ne pourraient la rendre compatible avec l’ordre public in-
ternational français878. Par contre, si la Cour de cassation estime que
la répudiation ne porte atteinte au principe européen de l’égalité des
époux qu’autant que les garanties procédurales ou financières n’ont
pas été respectées, la référence au principe de l’égalité des époux dans
la première décision, suivie de la dénonciation des insuffisances des
droits accordés par la juridiction étrangère serait inutile puisque la
cassation ordonnée dans la troisième décision se fonde sur le non-respect
des droits de la défense et non pas sur le dit principe de l’égalité des
époux.

Section II : La position de la jurisprudence française


à l’égard de la répudiation après la réforme du Code
marocaine de la famille

Les récentes modifications introduites par le législateur marocain


relatives à la dissolution du mariage démontre qu’un certain équilibre
a été instauré entre les deux époux concernant cette matière (parag I).
Cela devrait changer profondément les termes du débat et ne devrait
pas rester sans incidence concernant la reconnaissance de la répudia-
tion dans l’ordre juridique français (parag II).

parag I : La portée de l’équilibre instauré entre les deux époux en


matière de dissolution du lien matrimonial :
Au Maroc, bien qu’ouvert aux deux époux, le divorce pour dis-
corde accorde à l’épouse un droit au moins égal à celui de l’époux
en matière de dissolution du mariage879. L’épouse peut saisir le juge
d’une demande en divorce pour discorde sans avoir à se justifier.
L’opposition du mari est sans aucune incidence sur l’issue de l’affaire.
Le juge est obligé de prononcer un divorce irrévocable dans un délai

878- M.-C.NAJM, note sous C.cass., 1ère ch.civ. 3 janvier 2006, Rev.crit.DIP.2006, p.627,
spéc.641.
879- M.KACHBOUR, H.FATHOUKH et Y.AL-ZOUHRI, « AL-thatliq bissabab al-chi-
qaq fi moudawanath al-usra » (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), Mat-
ba’ath al-naja’h al-jadida, Casablanca, 2006, p.50.

260
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

maximum de six mois à compter de la date du dépôt de la requête si


la femme persiste dans sa demande. Cette décision n’est susceptible
d’aucun recours. Cet équilibre établi entre les deux époux en matière
de dissolution du lien matrimonial s’est accompagné d’un renforcement
important des garanties financières et procédurales accordées à la
femme en cas de répudiation unilatérale prononcée par l’épouse. Cel-
le-ci doit obligatoirement être procédée d’une tentative de concilia-
tion à laquelle l’épouse sera convoquée personnellement880. L’époux
ne pourrait homologuer l’acte constatant la répudiation avant d’avoir
déposé le montant correspondant aux différents droits dus à l’épouse
au secrétariat greff de la juridiction compétente. En outre, le consen-
tement de l’épouse devient une condition fondamentale de la reprise
de la vie conjugale en ce sens que la répudiation ne peut plus être
révoquée par l’unique volonté de l’époux881.

parag II : l’incidence de l’équilibrage des droits des deux époux


en matière de dissolution du mariage sur la reconnaissance de la
répudiation en France
Il est important de noter d’abord que ce ne sont pas les répudia-
tions consenties par l’épouse qui posent problème aux juridictions
françaises. Cette forme de dissolution du lien matrimonial, assimilée à
un divorce par consentement mutuel, est reconnue depuis longtemps
par le juge français882 par opposition à la « vraie répudiation883 » consi-
dérée comme un privilège de l’épouse lui permettant de dissoudre
unilatéralement le lien matrimonial.
Le législateur marocain, sous l’étiquette « divorce pour discorde » a
consacré un vrai droit à la répudiation au profit de la femme884. Cette
bilatéralisation de la possibilité de dissoudre unilatéralement le lien
conjugal sans expliquer les raisons aboutirait à éliminer l’argument
qui justifiait jusque là la reconnaissance des répudiations intervenues

880- Le juge devrait procéder à deux tentatives de conciliation à un mois d’intervalle au cas
où le couple aurait des enfants.
881- M.KACHBOUR, H.FATHOUKH et Y.AL.ZOUHRI, « AL-thaatliq bissabab al-chi-
qaq fi moudawanath al-usra » (Le divorce pour discorde dans le Code de la famille), op.cit.,
882- TGI.Paris, 18 mars 1968, Rev.crit.DIP.1968, p.633, note M.NISARD ; C.A.Paris, 18
décembre 1973, Rev.crit.DIP 1975, p.243, note J.F.
883- H.FULCHIRON, « « Ne répudiez point » : pour une interprétation raisonnée… », Ar-
ticle précité, p.7.
884- H.FULCHIRON, « « Ne répudiez point » : pour une interprétation raisonnée… », Ar-
ticle précité, p.22.

261
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

au Maroc. Autrement dit, les juridictions françaises, pour rejeter la


répudiation, ne peuvent plus arguer de son caractère unilatéral surtout
après l’introduction par la loi du 26 mai 2004 d’une sorte de répudia-
tion, certes bilatérale, dans le droit français relatif au divorce885. Ni
le conjoint, ni le juge ne peuvent désormais s’opposer à la demande
de divorce formée par celui qui désire mettre fin au mariage après
deux ans de cessation de vie commune886. Partant, et sous peine de
tomber dans la contradiction, le caractère unilatéral et discrétionnaire
de la répudiation marocaine, désormais ouverte aux deux conjoints,
ne devrait plus servir d’argument aux juridictions françaises pour
refuser la reconnaissance des décisions mettant fin au lien matrimonial
prononcées au Maroc. Malheureusement, ce n’est pas ce qui ressort de
l’arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2009887. Les faits
de l’espèce se présentent comme suit : l’épouse forme une requête en
divorce devant la juridiction française. Le mari avant le prononcé de
la dissolution du lien matrimonial, excipe d’un jugement de divorce
prononcé devant le tribunal de Khemisset au Maroc afin de court-cir-
cuiter l’action formée par l’épouse. Les juges du fond refusent d’accéder
à la demande de l’époux, selon eux, la reconnaissance du jugement
marocain porterait atteinte au principe de l’égalité des époux dans la
mesure où l’épouse ne dispose pas d’un droit égal à celui de l’époux
en matière de dissolution du lien matrimonial ce qui débouche sur une
« différence flagrante de traitement » entre les conjoints. C’est cette
déclaration qui est contestée par le pourvoi. La deuxième branche
du moyen a reproché à la juridiction de fond de ne pas avoir cherché
si les différents modes de divorce prévus par le Code marocain de
la famille n’assurent pas d’une manière globale une égalité entre les
époux lors de la dissolution du lien matrimonial888. La Cour de cassa-
tion a balayé cette affirmation en annonçant que « la décision d’une
juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale (…) est
contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du
mariage énoncé par l’article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n°

885- J.CARBONNIER, Introduction, les personnes, la famille, l’enfant, le couple, collection


droit civil, V.1, Quadrige-puf. 2004, n°575, p.1280.
886- P.COURBE, Le divorce, Dalloz 2004, collection connaissance du droit, p.25.
887- Cass.civ., 1ère, 4 novembre 2009, D.2010, 543, note G.LARDEUX.
888- KHALID ZAHER, « plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains », A
propos de l’arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2009, Revue critique de droit
international privé, Avril-Juin 2010, p.315.

262
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

VII, additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme,


que la France s’est engagée à garantir à toute personne relevant de sa
juridiction, et donc à l’ordre public international, les hauts magistrats
ne font que reprendre la jurisprudence du 17 février 2004889 .Six au
plus tard, les remarques formulées à propos de ces dits arrêts n’ont
rien perdu de leur pertinence. Avec la reforme du Code marocain de
la famille, le contentieux relatif aux répudiations marocaines devrait
connaître un certain reflux. La coordination entre les différents systèmes
juridiques ne peut être réalisée que par le biais d’un rapprochement
entre ceux-ci.
Il convient de souligner à cet égard que la jurisprudence, si riche
d’enseignement soit elle, ne fait percevoir qu’une partie de la réalité.
Partant, il a été fait appel à l’enquête sur terrain afin de mieux appré-
cier la problématique de l’application du Code marocain de la famille
sur le sol européen. La première question qui nous a intéressé est
celle de la raison pour laquelle, en matière de divorce notamment, les
femmes saisissent dans la majorité des cas le juge français tandis que
l’époux préfère recourir aux juridictions marocaines ?
Sur une vingtaine d’hommes et de femmes marocaines résidant en
France interviewés, neuf femmes ont affirmé que l’expérience de la
justice civile française indique que toutes les femmes en sont satis-
faites, tandis que les hommes lui reprochent d’être sexiste ou « racis-
te ». Un sondage d’opinion fait à Marseille pendant l’été 2010 auprès
de marocains ayant l’expérience de la justice civile française monte
une confiance limitée de la part des hommes en la justice française et
notamment, ceux engagés dans un mariage mixte. Inversement, on
remarque que les femmes, dans les transactions de leur vie de couple,
utilisent la menace de recourir à la justice : « J’ai fait le chantage de la
justice » affirme une marocaine pour expliquer comment elle a obtenu
que son concubin lui laisse la garde de leur fils après leur sépara-
tion. Les femmes marocaines établies en France préfèrent se tourner
vers les juridictions françaises pour faire valoir leurs droits en matière
familiale, et souvent, elles obtiennent satisfaction. Elles intègrent dans
leur calcul d’intérêts la meilleure protection que leur garantit le droit
civil français. Une autre enquête effectuée auprès des magistrats qui
ont en charge le contentieux familial des marocains résidants à Paris
889- Ibid

263
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

pendant la même période a révélé qu’une partie des femmes marocaines


saisissent sans doute le juge français pour des raisons géographiques et
économiques. Il est plus facile de saisir un tribunal français non seu-
lement parce qu’il est situé à proximité, mais également parce que
la connaissance des conditions et modalités de saisine s’en trouvera
facilitée. En outre, il est moins couteux de saisir un tribunal français,
en raison de la proximité géographique d’une part, et d’autre part en rai-
son des possibilités financières ouvertes à ceux dont les revenus sont
modestes : prestations versées par la caisse d’allocations familiales sur
présentations d’une attestation de procédure produite par l’avocat,
aide juridictionnelle….Concernant la saisine des femmes marocaines
les juridictions françaises, on a pu également constater une certaine
instrumentalisation à cet égard.

Celles ci revendiquent des droits qui semblent être méconnus de


leur loi nationale comme par exemple la reconnaissance d’un enfant
naturel, des demandes d’adoption, de séparation de corps …Mais, sur
d’autres affaires, ils se retournent vers les juridictions marocaines. Ou
bien l’un des époux saisira la juridiction du pays d’accueil, l’autre celle
de pays d’origine : l’enquête dévoile des cas de litispendance inter-
nationale, en matière de divorce notamment. Nos entretiens avec les
femmes marocaines établies en France ont démontré que le rattache-
ment au droit marocain est ressenti par celles-ci comme une injustice,
car elles croient que la loi de conflit française, en ce référant à la loi
marocaine, cherche à défendre plutôt les intérêts du mari.
Dans la réalité, le juge français écarte la loi marocaine chaque fois
que celle-ci, selon eux, viole les principes fondamentaux, jugés d’or-
dre public, tel le principe d’égalité des époux notamment en matière de
mariage et de divorce. Il lui substitue par conséquent la loi française
comme « correctif » au traitement inégal de la femme. Les marocains
qui résident en France sont soumis plus fréquemment à la loi française
dans les dossiers relatifs au statut personnel. L’exception au principe
de l’application de la loi nationale est devenue la règle.
Au cours des entretiens, les praticiens de droit que nous avons pu
rencontrer dans le cadre de nos enquêtes se sont plaints de la difficulté
pour eux de trancher sans équivoque, à partir de dossiers concrets,
la question de la loi à appliquer aux litiges impliquant au moins un

264
Les conflits de lois relatifs aux effets du mariage et à sa dissolution

membre possédant la nationalité marocaine890. De leur côté, les fem-


mes marocaines en immigration n’ont pas dans la majorité des cas de
connaissances sur leur droit national. Elles ne sont jamais rassurées
quant a la solution qui sera appliqué à leur dossier. En outre, celles-ci
ne sont pas assez fortes pour mener à bien, de leurs propres moyens,
la négociation de leurs droits et de disposer sans pression ni influence
extérieure de leur sort au sein du cercle familial.
Notre conclusion est que les femmes marocaines en immigration
ont le plus grand besoin d’une aide juridique et judiciaire accessible et
compétente. Ainsi, plusieurs moyens peuvent être mis en place à cette
fin. On peut citer à titre d’exemple l’amélioration des informations
sur la loi marocaine fournies aux praticiens de droit dans les pays
d’accueil891 et également par une collaboration administrative entre le
Maroc et les pays d’accueil afin de résoudre les problèmes juridiques
auxquels sont confrontés la population marocaine immigrée892.

890- Nombreux sont les avocats que nous avons rencontré qui exigent simplement l’appli-
cation de la loi française, sans s’arrêter à la possibilité de se référer au droit marocain. Pour
nombre d’entre eux, l’étude des problèmes de conflit de lois et de juridictions prendrait trop
de leur temps, la conséquence est que l’on devient un avocat trop cher.
891- Nous pensons, entre autres, à l’assistance que pourraient offrir- à l’instar de l’insti-
tut Asser aux Pays-Bas et des instituts Max planck en République Fédérale Allemande-des
centres universitaires de recherche ; au service rendu par les ambassades qui, sur demande,
produisent des copies de textes de la loi étrangère…
892- En prenant exemple, pour la collaboration multilatérale, du système déjà existant
d’échange internationale de données dans le domaine de l’état civil, et pour l’assistance bila-
térale, aux renseignements juridiques mis à la disposition des juridictions dans le cadre de la
Convention maroco-belge du 30 avril 1981.

265
Conclusion

Il résulte de cette étude sur les relations franco-marocaines rela-


tives au droit familial qu’un effort devrait s’employer à rechercher,
autant que possible, à atténuer les inconvénients résultant de l’oppo-
sition de ces deux systèmes foncièrement antagonistes. Abstraction
faite de la prolifération des lois dites de police ou l’application immé-
diate qui constituent des cas de méconnaissance des lois étrangers,
l’ordre public paraît occuper une place privilégiée.
Présenté classiquement comme un agent perturbateur dans le fonc-
tionnement de la mécanique conflictualiste, il s’est vu remanié quant
à son fondement et sa technique. Si Paul Lagarde a pu affirmer que
l’ordre public, qu’il s’agit du « type même de la notion fonctionnelle »
et « qu’aucun lien véritable n’existe entre les différentes hypothèses
où il fait son apparition, sinon qu’il n’est jamais possible de laisser
la loi étrangère normalement compétente régir ces situations »893, on
serait tenté de préciser que la dimension spatio-temporelle à laquelle
il sera continuellement confronté le rend sinon insaisissable, du moins
en constante évolution.
La modernisation du droit marocain de la famille nécessite non
seulement sa prise en considération par les juges français mais égale-
ment une remise en question de leurs grilles d’interprétation.
L’enjeu ne serait-il pas, sans pour autant être incompatibles avec
les principes de l’ordre juridique français, de conscientiser les magistrats

893 - P.LAGARDE, recherches sur l’ordre public en droit international privé, LGDJ, paris,
1959, n°732, p.177.

267
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

français à l’intérêt de privilégier une démarche alliant compréhension et


respect d’un droit culturellement différent ?894
Face à la complexité que représente l’alliage de deux systèmes
juridiques culturellement éloignés l’un de l’autre, on favorisera les
solutions souples qui privilégient l’échange et le dialogue, sur le rejet
et le refus de coordination et la recherche d’une justice respectueuse
des spécificités culturelles et religieuses sur l’application rigide des
principes.
Une meilleure connaissance des différences permet le respect
mutuel et le dialogue, alors que l’ignorance conduit au rejet.
Il pourrait être intéressant d’envisager une évolution de la réserve
d’ordre public vers la notion d’accommodement raisonnable. Cette
notion, développée en droit interne au Canada permet d’adapter les
règles juridiques à la variabilité des situations de fait.895 L’accommode-
ment raisonnable a permis d’adapter les conditions de l’exercice d’un
emploi à la diversité des travailleurs : horaires adaptés aux convictions
religieuses, port d’un couvre-chef religieux plutôt qu’un chapeau par
des membres de la police montée canadienne, etc.896
Ce faisant, la notion d’accommodement offre un espace de dialogue
permanent au sein de la société et constitue peut-être de ce fait le
mode contemporain le plus adéquat pour un système politique démo-
cratique897.
La notion d’accommodement pourrait remplacer progressivement
la réserve d’ordre public? Étant donné que celle-ci entend affirmer
qu’un ordre instaure la supériorité d’un système sur l’autre, auquel il

894 - JEAN-YVES CARLIER et CAROLINE HENRICOT, « Belgique, de l’exception


d’ordre public aux accommodements réciproques ? » étude présentée au Caire le 2 mars 2010
à l’occasion d’un séminaire organisé par l’institut français de recherche pour le développe-
ment (I.R.D.) visant à étudier les politiques législatives et les pratiques judiciaires de six
pays du Nord et du Sud de la Méditerranée (France, Belgique, Espagne au Nord ainsi que
Egypte, Maroc, Tunisie au Sud) face à des normes ou décisions étrangères relatives au droit
de la famille, p.29.
895 - Ibid, p.30.
896 - Voir au Canada, les travaux de la commission consultative sur les pratiques d’accom-
modements reliées aux différences culturelles (dite commission BOUCHARD-TAYLOER),
fonder l’avenir : le temps de la conciliation, Québec, Gouvernement du Québec, 2008, acces-
sible sur : www.accommodements.qc.ca .
897 - Voir J.A.TALPIS, L’accommodement raisonnable en droit international privé, Confé-
rences ROGER-COMTOIS, Montréal, Thénus, 2009, p.98, avec un commentaire de M.
REVILLARD, in GAUDREAU LT-SESBIEN, J.-FR. (dir.), La religion, le droit et le
« raisonnable ». Le fait religieux entre monisme étatique et pluralisme juridique, Montréal,
Thénus, 2009.

268
Conclusion

fait exception, alors que l’accommodement vise à réaliser une coordi-


nation de systèmes, objectif du droit international privé.
En matière de droit international privé, on pourrait penser aux
accommodements réciproques entre les ordres juridiques en question.
Ces accommodements réciproques pourraient s’opérer sur un double
plan : celui du législateur dans l’évolution des normes de droit interne
et du droit international privé et celui des juridictions dans l’adoption
d’interprétations privilégiant la coexistence et le dialogue plus que
l’exclusion et le rejet.898
L’écart dans les conceptions n’est jamais considérable pour être
insurmontable. Des points de rapprochement et d’accord existent et
se doivent d’être développés, même dans la matière du statut person-
nel, domaine où le particularisme ne révèle accusé d’une culture à un
autre. Le rapprochement des systèmes juridiques français et maro-
cain nécessite d’abord de passer par la recherche de solutions adé-
quates afin de réduire les antagonismes existants entre ces deux pays.
Le deuxième doit adapter son droit familial de manière à répondre
aux exigences de la coordination des systèmes juridiques sur le plan
international. Le premier, en revanche doit procéder à une lecture
approfondie des lois applicables dans l’autre rive de la Méditerranée.
Ce rapprochement ne pourra s’effectuer qu’à travers un dialogue per-
manent entre les autorités françaises et marocaines ainsi que la prise
en considération des efforts déployés par chaque pays. Ainsi, insister
sur la non reconnaissance de la répudiation marocaine qui n’est plus
une prérogative de l’époux, suite à la réforme du Code marocain de
la famille, sous prétexte qu’elle est contraire au principe européen de
l’égalité des époux n’est certainement pas de nature à aboutir à une
coordination des systèmes.
En définitive, dégager des techniques communes en matière du
droit de la famille qui tentent de trouver un équilibre entre la défense
des valeurs fondamentales, consacrés par les Etats occidentaux, et la
tentation de leur promotion impérialiste, dans les relations interna-
tionales avec les Etats aux traditions juridiques religieuses, est cer-
tainement une ambition louable. Encore faudrait-il, quelle que soit
l’institution familiale étrangère considérée, que la juste mesure ainsi
fixée soit appliquée.
898 - J.YVES CARLIER et CAROLINE HENRICOT, « Belgique, de l’exception d’ordre
public aux accommodements réciproques » ? Étude précitée.

269
Annexe

Dans cette étude, nous avons opté d’effectuer une enquête de


terrain pour pouvoir comprendre les conflits et les tensions sociales
que vivaient- et que vivent- les épouses prises dans des unions
polygamiques. A partir d’un exemple qui concerne une épouse d’un
polygame que nous avons pu rencontrer, nous visons à saisir certaines
manifestations des situations dans lesquelles se trouvent ces épouses
afin de souligner l’urgence, pour la justice, de trouver le moyen de
s’ouvrir à une nouvelle conjoncture d’appartenances qui véhiculent
des critiques identitaires parfois profondément différentes de l’idéal
égalitaire démocratique et qui se rattachent à des traditions juridiques
et à des systèmes de significations souvent peu compatibles.
Fatima est marocaine, née à Nador en 1974, et liée par les liens
du mariage depuis 1994 à Abdellah, qui, comme elle, est d’origine
de Nador. Quatre enfants, tous nés à Nador, sont issus du mariage.
Ils ont accompagné leurs parents en France au courant de l’année
2000, où Abdellah a trouvé une possibilité de se faire engager comme
manœuvre salarié dans la région d’Aix- en-Provence.
L’union de Fatima et d’Abdellah est contractée conformément au
Code du statut personnel marocain. Elle est transcrite par l’officier de
l’état civil français. La situation conjugale pour Fatima fut, selon ses
propres dires, satisfaisante jusqu’en 2008.
C’est au courant de cette année-là que Fatima est délaissée par son
mari qui s’engage dans les liens d’une seconde union avec une ressor-
tissante marocaine, résidante à Bruxelles, en Belgique.
Dans ces conditions, Fatima s’estime obligée de déposer plainte auprès
du procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Aix-
en-Provence et se constitue partie civile en dédommagement de l’acte

271
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

injurieux. Outre une pension alimentaire pour elle et ses enfants, elle
s’entend aussi dire établi par jugement le délit de bigamie dans le chef
d’Abdellah qui est condamné à l’emprisonnement pour une durée de
six mois.
Le jugement français n’offre cependant pas à Fatima, à l’exception
d’un dédommagement théorique et forfaitaire, une réponse concrète à
sa situation de première épouse abandonnée à qui incombe de lourdes
responsabilités. La juridiction française ne s’est pas prononcée sur la
validité de la seconde union d’Abdellah. Elle s’est contentée de consi-
dérer ce mariage comme causant un préjudice grave à Fatima rendant
impossible le maintien du devoir de cohabitation.
Abdellah, en Belgique, ne paraît pas avoir rencontré d’obstacles
à faire transcrire sa nouvelle situation maritale auprès de l’officier
d’état civil. A-t-il utilisé de faux documents d’état civil marocain et
déjouée les registres ? C’est là une supposition faite par Fatima.
Toutefois, Fatima n’a pas l’intention de se tenir pour vaincue. Elle
décide de rejoindre Abdellah à Bruxelles quelques mois après son dé-
part. Avec l’espoir, nous dira-t-elle par la suite, et sur la base du conseil
de son avocat français, de faire valoir son titre de première épouse
auprès des autorités administratives belges. Toutefois, la démarche se
heurte à un premier refus de délivrance d’autorisation de séjour de
la part de l’administration belge avec l’ordre pour Fatima de quitter
la Belgique avec ses enfants, au motif que le mariage avec Abdellah
ne peut produire ses effets en Belgique. A ce moment-là, la situation
de Fatima et ses enfants est très précaire. Son époux, Abdellah, le père
de ses enfants, s’est engagé dans les liens du mariage avec une seconde
femme qu’il a vraisemblablement déclaré comme étant sa seule épouse
et avec qui il jouit de l’autorisation de cohabiter en Belgique dans le
cadre d’un mariage.
Fatima, dans ces conditions, s’est vue refuser le droit au regrou-
pement familial par l’administration belge. Sans résidence autorisée
en Belgique, cette dernière rencontre plusieurs difficultés auprès des
écoles et des services d’assurance sociale qui exigent la régularisation
de sa présence en Belgique, ainsi que de la scolarité obligatoire de
ses enfants. Des tentatives aboutissent à des règlements d’exception
voire à des délais de suspension d’exécution de rapatriement, mais
entraînent Fatima à une situation de besoin et de dépendance totale

272
Annexe

de l’exécution volontaire, par son époux, en Belgique, d’un jugement


français antérieur d’allocation alimentaire. Selon le juge français, auprès
de qui Fatima s’est adressée dans une première étape de désorientation,
la nature du problème concret entre Abdellah et Fatima est d’ordre
pénal, instituant le délit de bigamie dans le chef d’Abdellah dont le
comportement devait non seulement être privé de ses effets par l’in-
tervention de l’exception de l’ordre public international, mais, au surplus,
entraînerait son emprisonnement en cas de retour en France.
Concernant les droits et devoirs conjugaux, Abdellah a été condamné
à une contribution équitable aux charges du ménage. En revanche,
au regard des services administratifs belges saisis de la demande en
regroupement familial de Fatima, la cause a été de prime abord abor-
dée par le biais administratif : Fatima sollicitant une autorisation au
séjour pour une durée illimitée pour elle et ses quatre enfants.
En droit, le repérage des tensions entre Abdellah et Fatima était
par conséquent triple : pénal et civil au regard de l’ordre juridique
français ; administratif, dans une première étape, au regard de l’ordre
juridique belge. La jurisprudence belge s’est déjà prononcée à plu-
sieurs reprises en faveur de la reconnaissance des effets pécuniaires
de mariages polygamiques valablement contractés à l’étranger1.
L’introduction d’une demande par Fatima en majoration des contri-
butions alimentaires allouées en France auprès du juge civil belge,
aurait eu par conséquent, une chance non négligeable d’aboutir. En
outre, la demande aurait donné à Fatima l’occasion d’interpeller
son époux sur les bases de son comportement conjugal en Belgique.
Cependant, Fatima a hésité : de son point de vue, l’unique démarche
qui comptait serait celle-là même qui lui accorderait, de bon droit,
l’autorisation à rejoindre son époux là où il serait et comme elle l’en-
tendait, sans pour cela être obligatoirement réduite à une situation
administrative de clandestinité.
Ce que Fatima revendiquait avec insistance, c’était une forme de
reconnaissance des services administratifs belges des effets personnels,
en Belgique, de sa qualité de première épouse d’un époux polygame.

1- Pour une première fois, par arrêt de la Cour d’appel de Liège, 23 avril 1970, Revue criti-
que de jurisprudence belge, 1971, p.5 et 7 ; voir aussi : Civ.Liège, 26 juin 1975, jurisprudence
de la Cour d’appel de Liège, 1975-1976, p.163

273
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

La loi organique du 15 décembre 1980 en son article 9, alinéa 3


sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des
étrangers, prévoit la possibilité pour un étranger d’obtenir, en Belgique2,
l’autorisation au séjour lorsque existent des circonstances exception-
nelles. Quelles sont ces « circonstances exceptionnelles »3 ?
Elles n’ont pas été précisées dans les travaux parlementaires. « Il
appartient au ministre de juger si le cas est exceptionnel ou non »4.
L’article 9 de la dite loi offre manifestement au ministre compétent et
à son administration la possibilité de déroger aux conditions posées
par le législateur en matière de séjour, et donc, au besoin, de décider
de la venue d’étrangers en Belgique qui ne satisfassent pas les exigen-
ces des conditions légales (notamment, les conditions cumulatives de
monogamie et de cohabitation des époux) de séjour sur le territoire
belge. Cependant, ces « circonstances exceptionnelles » sont rarement
acceptées en pratique.
Dans le cas qui nous intéresse ici, la demande de Fatima n’a pas été
reçue. Fatima n’a pas obtempéré à la décision ministérielle de refus,
accompagnée d’une nouvelle décision de quitter le territoire. L’intro-
duction éventuelle, d’une demande en révision contre cette décision,
n’était plus possible pour elle à ce moment là.
Avec l’aide de son frère résidant régulièrement en Belgique, Fatima
est aujourd’hui sortie de l’impasse. Des tentatives ont pu être menées
dans les termes entre Abdellah et Fatima en règlement d’un divorce
contradictoire au Maroc. Fatima s’est vue aussi libérée des liens de son
union avec son époux. Ce divorce ne l’autorisait pas encore au séjour
en Belgique. Liée par les liens du mariage à un ressortissant belge, avec
qui le frère de Fatima s’est mis en contact en vue d’un éventuel mariage
à contracter pour et avec sa sœur, Fatima vit aujourd’hui en Belgique.
Le mariage vaut pour elle le droit de jouir du statut de ressortissante
assimilée CE (communautaire), dont par ce biais jouissent également
ses quatre enfants. A ce titre l’établissement lui est accordé5.

2- Auquel cas, l’étranger, séjournant irrégulièrement en Belgique, introduit sa demande


auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne, qui la transmettra au ministre ou à son
délégué (article 58, alinéa 4 de la loi organique du 15 décembre 1980 ; et article 4 de l’arrêté
ministériel du 30 juin 1981 ; Moniteur belge du 1 juillet 1981).
3- Question parlementaire de M. VOLGELS, Chambre, du 16 janvier 1987 ; question n°65 ;
questions et réponses parlementaires- Chambre, 3 mars 1987).
4- Documents parlementaires- Chambres- rapport session 1977-1978, n°14417, p.79.
5- Article 40, par.3, 1 et 2 de la loi du 15 décembre 1980.

274
Annexe

Ce statut juridiquement garanti, aura coûté à Fatima dans


l’encroisement de trois repérages juridiques divergents de sa situa-
tion, un retrait total de sa part de la logique de mariage polygamique
qui l’avait incité, accompagnée de ses quatre enfants, à traverser la
frontière franco-belge.
Pourquoi refuser de reconnaître des effets personnels aux unions
polygames régulièrement célébrées par les époux dont le statut per-
sonnel consacre, pour tous, le caractère polygame du mariage ? Il
semble désirable, écrivait en 1969 déjà p. Louis- Lucas, « que les si-
tuations de constitution étrangère soient reçues par nous dans leur
unité, dans leur intégralité, dés l’instant qu’elles ne sont pas indiscu-
tablement inassimilables »6 au contexte de société d’accueil.
La demande formulée par Fatima était-elle à ce degré « inassimi-
lable » qu’elle ne puisse être considérée comme « circonstance excep-
tionnelle » ? Nous croyons qu’il faut examiner la question du bien
fondé de la demande d’autorisation au séjour de Fatima sous l’angle
de la protection des droits législatifs d’une épouse qui a régulièrement
acquis cette qualité et conservé celle-ci conformément au Code maro-
cain de la famille.
La demande de Fatima illustre parfaitement un cas d’espèce où le
refus des services administratifs de reconnaître une situation familiale
polygame a finalement abouti à empêcher la réunion d’une famille en
Belgique alors que toutes les parties concernées se seraient probable-
ment accommodées, chacune à sa façon, de la situation de partage,
qu’implique le système d’origine de pluralité d’épouses avec sa répar-
tition de droits et devoirs.

6- P. LOUIS-LUCAS, obs. sous Gde.inst.Versailles, 2 février 1960, Juris-Classeur périodi-


que, La semaine juridique, 1960, II, p.11625.

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2ème édition, 2006.
• « Al-muqthadayath al-jadida li moudawanath al-usra min khila-
lajwibat al-sayid wazir al-adl wa al-sayid wazir al-awqaf wa al-
chuoun al-islamiya ani al-asila wa al-isthiftharath al-muthara
athnaê munaqachath machoura’al-mudawana amama majlisay
al-barlaman » (les nouvelles dispositions du Code de la famille à
travers les réponses des ministres de la justice et des biens de main-
morte et des affaires islamiques aux questions posées pendant la
discussion du projet de la nouvelle moudawana devant les deux
chambres du parlement), Royaume du Maroc, Ministère de la jus-
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dique et judiciaire, série relative aux explications et preuves, N°4,
1ère éd., 2004, p.128.
• « Al-thaqrir al khitami an al-ayam al-dirassiya al-lathi na dama-
tha wizarath al’adl lilichkaliyathal-amaliya fi majal qadaê al–usra
wa al-houloul al-moulaîma laha » (le rapport final des journées

303
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

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- note sous C.cass., 1ère ch.civ., 26 novembre 1974, Clunet 1975,
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- note sous cass.civ., 28 janvier 1958, JDI. 1958, p.776.
- note sous TGI. versailles, 31 mars 1965, JDI. 1966, p.97.
- note sous cass.civ., 1ère 4 novembre 1958, JDI. 1959, p.788.
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- note sous C.cass., 1ère ch.civ., 1ère mars 1988, Rev.crit.DIP.
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- note sous C.cass., 1ère ch.civ., 2 juin 1993 et C.A.Douai, 14 avril

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L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

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• C.A. paris, 7 juin 1996, D.1996, IR, 172.
• Trib. Civ. pontoise, 6 août 1884, Clunet 1885, p.296.
• Jugement N°98 du 13/3/2007, Tribunal de première instance de
Casablanca, section de la justice de la famille, jugement non pu-
blié.
• Tribunal de première instance de Meknès, jugement N°1310 du
06/04/2006, justice de la famille, N° 3 juillet 2006, p.80.
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jugement non publié.
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27/12/2004, justice de la famille, juillet 2005, n°1, p.107.
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de la famille, jugement N°57 du 13/02/2007, dossier N°07/07, ju-

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Bibliographie

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L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

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cessoral, 5 juillet 1975, Rev.juris.Cour sup., n°23, p.34.
• Cass.civ., 1ère ch.civ., 7 novembre 1984, Defrénois 1984,
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• Cass.civ., 1ère ch.civ., 10 mai 1995 (Fanthou), Rev.crit.DIP.1995.
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• Cass.civ., 1ère ch., 1juillet 1997, Defrénois 1998.
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• Cass.civ., 1ère ch., 9 juillet 2008, pourvoi n°07-20279.
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• C.E., 20 mars 2004, requête n° 29369.
• C.E., 17 décembre 2004, requête n°242192.
• C.E., 16 janvier 2006, requête n°274934.
• Cass.civ., 1ère ch., 14 avril 2010, n°0821312.
• C.S., chambre de statut personnel et succession arrêt n°433 du 21
septembre 2010, Revue de la jurisprudence et des lois (publié en
arabe), n0158/2010.
• C.S., chambre de statut personnel, arrêt du 15 mars 2006, dossier
2005/1/2/519, Ministère de la justice, choix de la jurisprudence re-
lative à l’application du Code de la famille (publié en arabe), T.I.
• C.S., chambre de statut personnel et succession, arrêt n°427 du
10 septembre 2008, Revue de jurisprudence de la Cour suprême
(publié en arabe), n°71, 2009.
• C.S., chambre de statut personnel et succession, arrêt n°222 DU
18 AVRIL 2007, cité par D.FAKHORI, in la pratique judiciaire
en matière de famille, jurisprudence relative au chiqaq (publié en

318
Bibliographie

arabe), Casablanca, 2009.


• Cour d’appel ALHOCEIMA, 5 décembre 2006, dossier 1260, Mi-
nistère de la justice, choix de jurisprudence relative à l’application
de Code de la famille (publié en arabe).
• Cour d’appel d’El jadida, 12 décembre 2006, dossier 2006/101/34/
ministère de la justice, choix de jurisprudence relative à l’applica-
tion du Code de la famille (publié en arabe).
• Cour d’appel d’Oujda, 7 mai 2008, arrêt n°346, dossier n°63/08,
inédit.
• T.P.I de Kénitra, 28 décembre 2010, n°2529, dossier n°2486/10,
inédit.
• C.cass., 1ère ch.civ., 28 mars 2006, Bull.civ.mars 2006, n°177,
p.155.

REVUES ET QUOTIDIENS :

• Le Matin, el Bayan, Femmes du Maroc d’octobre 2003 à Mars


2004.
• Gazette du palais, « Le nouveau Code marocain de la famille »,
spécial contentieux judiciaire, n°247-248, 4 septembre 2004.
• Supplément de la Revue Femmes du Maroc, n°99, mars 2004.
• Revue Femmes du Maroc, n°95, novembre 2003.
• Le Monde du Vendredi 4 février 2005.
• Le Monde du 25 juillet 2003.
• Libération du 7 mars 2005.
• La Revue de la conscience islamique (en arabe), année 39, n°435,
janvier- février 2002.
• Le temps du Maroc, n°200 du 27 août 1999.

SITES INTERNET ET LIENS :

• http://athéisme.free.fr/votreespace/resultats.html
• http://dounia-news.com
• http://www.justice.gov.ma/console/uploads/doc/stastist2006.pdf
• h t t p : / / w w w. j u s t i c e . g o v. m a / a r / a c t u a l i t e s / a c t u a l i t e .
aspx?actualite=287&=0
• http://www.lamarocaine.com/docs/rapprt-annuel-Iddf.pdf

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• http://www.cfdt.fr/actu/société/société081.htm.p.12.
• http://www.conseil-constitutionnel.fr/décision/1993/93325dc.htm
• http://www.hcch.net/f/status/stat23f.html#fr
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• http://droitcultures.revues.org/2086.
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• http://droitcultures.revues.org/2070
• www.accommodements.qc.ca.

320
Glossaire

• L’ORDRE PUBLIC :
Le juge peut écarter l’application de la loi étrangère désignée par
la règle de conflit de lois lorsque son application conduirait à une si-
tuation contraire à l’ordre public au sens du droit international privé
local, c’est-à-dire lorsque son application serait contraire aux « prin-
cipes de justice universelle considérés dans l’opinion publique comme
doués de valeur absolue » (c’est la formule de la fameuse jurispru-
dence Lautour de 1948 : Cour de cass., 25 mai 1948).
Une distinction doit être faite entre, d’une part, l’exception d’ordre
public dans son effet plein et, d’autre part, l’exception d’ordre public
dans son effet atténué. Ainsi, si l’ordre public international intervient,
dans toute sa plénitude, au stade de la création d’un droit sur le terri-
toire du juge, son intervention est plus souple lorsqu’il s’agit de don-
ner effet, sur ce même territoire, à des droits régulièrement acquis à
l’étranger.
• TANZIL :
Le Tanzil consiste à placer l’enfant au même rang que l’enfant légi-
time, l’article 315 du Code marocain de la famille dispose que le Tan-
zile est « le fait de rattacher une personne non héritière aux héritiers
et à la faire hériter comme ses enfants ».
• DAHIR :
Qu’est ce qu’un Dahir ? ce terme original du droit marocain et
héritage Andalous, a été utilisé depuis la dynastie des Mérinides
(1215-1465) et maintenu par les Saadiens (1511-1660) et, après, par
les Alaouites (au pouvoir depuis le XVIIe siècle). La Constitution de
1962 avait substitué à ce terme la terminologie moderne (décret)… En
1968/69, le Dahir réapparait progressivement. Puis, devenu d’usage
courant, la Constitution du 31 juillet 1970 (et après, toutes les autres

321
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Constitutions) reprend le terme Dahir.


Le Dahir, cacheté par le « Grand Seau », n’est défini ni dans la
Constitution, qui l’évoque à plusieurs reprises, ni dans les textes lé-
gislatifs ou réglementaires. Le Dahir désigne un acte royal, c.à.d : «
lorsqu’une affaire traitée par un Ministre demande une solution au
niveau du Souverain, la décision revêt la forme d’un Dahir et porte le
sceau du Sultan lui-même… Mais, conformément au droit public mu-
sulman, selon lequel, le souverain ne possède pas le pouvoir législatif
puisqu’il ne peut pas intervenir dans les matières réglées par le Coran,
jusqu’à une époque récente, les Dahirs étaient réellement des déci-
sions particulières, individuelles, accordant un droit à un individu et
obligeant certains fonctionnaires à donner à cet individu les moyens
de bénéficier de ce droit. Par ailleurs, lorsque les Sultans désiraient
édicter une décision générale, ils demandaient une consultation (Fa-
twa) aux oulémas ». Avant le Protectorat, parce que le Sultan ne lé-
giférait pas et n’édictait pas de mesure d’ordre général touchant au
statut des biens et des personnes, le Dahir n’était pas une loi et n’avait
pas le caractère essentiel de la loi (caractère général et abstrait). Il
n’était en effet qu’une lettre (lettre chérifienne) contenant des ordres
du Sultan ; il reste en possession de celui qu’il concerne ou de celui
qui est chargé d’exécuter ces ordres, le problème de la publicité ne se
posait pas dans ces conditions…
Toutefois, une définition plus moderne fait du Dahir ‘un acte par
lequel le Souverain donne force obligatoire à ses décisions. Il peut
avoir un contenu législatif ou administratif », c.à.d. un acte royal à
caractère décisoire. Voir M.BOURELY, Droit public marocain, T.1 :
institutions politiques, éd. La Porte, Rabat, 1965, p133-136.
• STATUT PERSONNEL :
Il convient de préciser, de prime abord, que, des décennies durant,
l’expression prééminente fut le « Statut Personnel », empruntée au
droit comparé et spécialement au droit français. Le premier juriste
l’ayant transposée au langage arabophone fut le juriste égyptien Mo-
hammad Qadri PACHA (dans son code officieux de 1875)15, dans
ses ouvrages publiés à la fin du XIXème siècle. Dés lors, le terme
fut adopté par la majorité des législations arabo-islamiques y compris
l’ex-Code marocain régissant la structure familiale.
Les autres législations, la doctrine, la jurisprudence et la littérature

322
Glossaire

en général, l’ont reproduit. Cela ne signifie pas pour autant qu’avant


cette « importation » linguistique, il n’y avait pas de règles régissant
la matière. Au contraire, le Droit Musulman leur a réservé une place
de choix. Par conséquent, l’importation du terme n’était qu’une ap-
pellation « moderne » accordée à un groupe de préceptes et règles qui
régissaient déjà la vie personnelle et familiale du citoyen marocain
avant et durant le Protectorat…
• MOUDAWANA :
La Moudawana : il s’agit là d’un terme d’origine arabophone re-
pris dans le langage juridique francophone. Il est synonyme de Code.
C’est donc le corpus où sont compilées les règles juridiques. Toute-
fois, l’usage a fait que ce terme soit utilisé initialement et principale-
ment dans le domaine du droit de la famille, de telle sorte qu’il s’est
enraciné dans la mémoire collective en ayant comme connotation le
Code de la famille.
Ainsi, l’utilisation du terme Moudawanah sans aucun qualificatif
renvoie systématiquement au Code de la famille. La nouvelle Mou-
dawanah a consacré cet usage, en précisant dans son 1er article que
ce Code porte le nom de Code de la famille, tout en précisant qu’il
sera exprimé tout au long des articles le constituant par « Moudawa-
nah ». Il est donc clair que le « Code de la famille » est équivalent à la
« Moudawanah ». Pour ce qui est de ce travail, ces deux termes vont
être utilisés comme synonymes.
• LES LOIS DE POLICE OU D’APPLICATION
IMMEDIATE :
Les lois de police se définissent traditionnellement comme « les
lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organi-
sation politique, économique ou sociale du pays », Contrairement au
mécanisme de l’exception d’ordre public international, qui suppose
le jeu des règles de conflit de lois locales et la désignation d’un droit
étranger virtuellement applicable, la théorie dite des lois de police ou
des lois d’application immédiate se situe en amont du raisonnement
conflictuel classique et participe de la méthode unilatérale.
Les lois de police, qui fixent elles-mêmes leur propre champ d’ap-
plication dans l’espace, s’appliquent en effet sans la médiation d’une
règle de conflit de lois. Rares sont les hypothèses où la loi prévoit
elle-même que ses dispositions sont d’application immédiate dans les

323
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

relations internationales. Ceci permet aux juridictions une interpré-


tation très flexible.
• KAFALA :
Dans la terminologie juridique islamique et, spécialement, en ma-
tière familiale, le terme Kafala est utilisé dans le sens de parrainer et
prendre en charge. C’est une protection de remplacement.
• KAFIL :
Celui qui recueille l’enfant et en devient responsable.
• MAKFOUL :
L’enfant recueilli en Kafala.
• OUMMA :
Communauté, nation, désigne communauté de solidarité (en plus
de plusieurs autres significations pouvant être extraites du Coran).
La Oumma apparaît, en fait, comme une mosaïque culturelle, eth-
nique et linguistique… il est toutefois largement répandu chez les
Musulmans et les autres que la Oumma est la communauté exclusive
des Musulmans, excluant ainsi toutes les autres religions et sectes.
La Oumma=Nation= Communauté.
• LES OULEMAS :
Les membres du « clergé »moral en islam, imams, érudits dans la
connaissance du Coran et théologiens aptes à l’interpréter. Les oulé-
mas constituent ainsi la confrérie des savants religieux et contribuent
à la formation des juges coutumiers, des juristes, des maîtres d’école
et des lecteurs du Coran.
• HADITH :
Propos ou récit attribué au Prophète et recueilli par un témoin
auditif qui l’aurait transmis à un autre auditeur jusqu’à ce qu’il soit
consigné dans un livre. Toutefois les traditions rapportées ne sont pas
acceptées par la « Science des hadiths ». Seules les traditions dites
authentiques (confirmées par la transmission) constituent des sources
principales.
• TERRITOIRE :
Celui-ci est défini comme l’espace : terrestre, maritime, aérien mais
incluant aussi navires et aéronefs portant la nationalité du pays, là oû
ceux-ci se trouvent.
• DOMICILE :
Par domicile on entend : le lieu où la personne (physique) a son

324
Glossaire

habitation habituelle et/ou le centre de ses activités et ses affaires et de


ses intérêts (art.519 du Code de la procédure civile du 28 sept.1974).
Le domicile a la qualité de définir l’attachement de la personne à un
lieu déterminé. Il est considéré aussi comme le lieu naturel de l’exer-
cice des droits et activités politiques (candidature aux élections, vote,
accès à la fonction publique…). On distingue le domicile réel, le do-
micile légal, et le domicile élu.
• LA RESIDENCE :
La résidence signifie : le lieu où se trouve la personne effective-
ment à un moment déterminé (art.520 du CPC : le Dahir de la na-
tionalité…). Il s’agit d’une branche de droit qui régit le conflit des
lois dans l’espace, en mettant en place les principes qui dénouent les
confusions et définissent les juridictions compétentes.
• LES ADOULS :
Il faut préciser que la profession des Adouls est considérée comme
un héritage authentique inspiré de la jurisprudence islamique, la Cha-
ri’a. Les Adouls sont des Notaires (traditionnels), les seuls habilités à
instrumenter les actes matrimoniaux. L’acte adoulaire, quant à lui, est
l’acte par lequel les deux Adouls, rédacteurs instrumentaires, consi-
gnent le témoignage individuel ou collectif (Lafife) des parties, avant
de le soumettre, pour homologation, au Juge/notaire.
• CHARIA :
Les règles de la Charia se prennent dans des sources fondamenta-
les et dans des sources dérivées :
Les sources fondamentales sont représentées par le Révélation el-
le-même (Coran). Celui-ci est le fondement de l’islam tout entier et
représente pour le droit musulman une base dont l’autorité est abso-
lue. Le Coran fut complété par les règles tirées des dires et des actes
du prophète qui constituent un ensemble de textes : la Sunna. Son
application est justifiée par le Coran qui affirme que le Prophète est le
modèle à suivre dans la sourate 33, verset 21. Elle est une source es-
sentielle explicitant le Coran. Les Hadiths sont qualifiés par les oulé-
mas selon leur degré de certitude.
-Les sources dérivées : premièrement : l’unanimité (Ijma’) qui se
définit par l’accord unanime de la communauté sur un point de foi
ou de droit. L’autorité de l’Ijma’ fut justifiée par la sourate IV, verset
115.

325
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

Deuxièmement : l’analogie (Qiyas) qui consiste en l’application à


un cas dont la solution est inconnue, de la solution connue d’un autre
cas. Troisièmement : la recherche du meilleur ou l’équité (Istihsân)
qui consiste à diverger du résultat de l’analogie quand il est absurde,
ou trop gênant. Par exemple la règle qui veut que la femme soit tou-
jours couverte tombe devant la règle de la nécessité de se soigner,
donc on l’autorisera à se découvrir chez le médecin. Enfin : la recher-
che de l’intérêt humain et les buts de la loi islamique (Istislâh).
A ces sources s’ajoutent deux sources de droit qui lui sont extérieu-
res, la coutume d’une part et l’intervention législative d’autre part.
Le sens le plus clair du terme charia peut être évoqué par la dimen-
sion d’égalité musulmane en matière de culte, de morale et de droit.
Dans l’islam, le mot charia évoque le chemin qu’il faut suivre pour
parvenir à Dieu, c’est dire du statut éternel. Voir E.Bruno, Islam, les
questions qui fâchent, Bayard, 2003, p.43 et 44.
• FIQH :
En effet la fermeture de la porte de l’Ijtihad (science de l’interpré-
tation) correspond à l’achèvement du travail des écoles juridique. Les
questions essentielles ont été discutées et réglées, donnant lieu à la
rédaction des manuels de Fikh.
• LE RITE MALEKITE :
Le sunnisme est constitué en écoles, dont les plus importantes sont
au nombre de quatre. Ces écoles constituées entre 750 et 850 après
J.C et correspondant à des orientations intellectuelles divergentes,
se sont imposées et, par une mise en œuvre diverse des sources et
du raisonnement, ont abouti sur le plan des solutions concrètes à des
modalités différentes :
- Il s’agit premièrement de l’école hanéfite généralement tenue pour
la plus libérale. Elle se caractérise par le fait d’admettre qu’en dehors
du Coran et de la Sunna des règles de droit puissent être dégagées par
un effort de réflexion. Cette école est répandue en Irak et en Syrie.
- Deuxièmement, l’école malékite ne laisse qu’une place restreinte
au raisonnement en s’attachant à la coutume de Médine. L’école ma-
lékite est répandue sur presque toute l’Afrique. La majorité des sou-
danais sont malékites.
- Troisièmement, l’école chaféite représente une tentative de conci-
liation entre les deux précédentes écoles. Elle rejette les traditions

326
Glossaire

douteuses. Cette école se trouve principalement en Égypte.


- Enfin, l’école hanbalite qui se distingue par sa rigueur et par sa
méfiance invincible à l’égard de la raison humaine. Le Hanbalisme
est la seule école reconnue par l’Arabie Saoudite et est pratiqué par la
majorité des Émirats du Golfe.
Ces quatre écoles ont inspiré le droit interne des pays arabes et en
particulier le statut personnel. Voir D.-W.HENRI, Le droit musul-
man. Nature et évolution, centre des Hautes Études sur l’Afrique et
l’Asie Modernes, CHEAM, Seconde édition, 1993, p.17 et 18.
Quand aux divergences entre les écoles nous pouvons dire que ces
différences se limitent essentiellement à des détails d’ordre pratique.
Dans ce sens L.MILLOT note que « les écoles ne seraient séparées
que par des différences infimes ». L.MILLOT, F.-P.BLANC, Intro-
duction à l’étude du droit musulman, Dalloz, 2ème édition, 1987,
p.636. Voir également L.-Y.DEBELLEFONDS, traité de droit mu-
sulman comparé. Le mariage. La dissolution du mariage, Maison des
sciences de l’homme, Recherches méditerranéennes, Édition Mouton
et Co, volume II, Paris, 1965, p.483.
• LES CHIITES ET LES SUNNITES :
Les Chiites constituent l’une des deux grandes branches de l’islam.
Les Chiites ne reconnaissent qu’Ali ibn Abu Talib (656-661) pour
légitime successeur du Prophète, et que les descendants d’Ali pour
imams ou souverains pontifes. Ainsi, les sunnites et chiites ont les
mêmes références, le prophète Mohammed et le Coran, mais ne re-
connaissent pas les mêmes héritiers à la mort du prophète en 632.Les
chiites accordent une importance majeure à l’Imam ce qui constitue la
différence essentielle entre les sunnites et chiites.
• LES TRADITIONALISTES ET LES REFORMISTES :
Il faut souligner que quatre courants semblent se dessiner en ma-
tière de droit musulman : le courant islamiste, le courant traditiona-
liste, le courant réformiste et le courant moderniste. H.BLEUCHOT
explique la différence principale entre les quatre courants en précisant
que : « c’est surtout le courant islamiste qui a focalisé l’attention et
celui par rapport auquel on situe les traditionalistes et les réformistes,
mais les trois premiers courants sont difficilement discernables dans
leurs versions modérées. Ils se distinguent et s’opposent tous trois au
courant moderniste (ou laïciste) qui tend à exclure le droit musulman

327
L'application du code marocain de la famille sur le sol européen

et la religion de la vie publique ». H.BLEUCHOT, Droit musulman,


Tome I, op.cit., p.279.
• FUQAHA :
Les Fuqâha sont les docteurs de la loi ayant reçu une formation en
droit musulman classique.
• KAFIR :
Incroyant, dénégateur : personne qui ne croit pas en Dieu.
• Kitabia :
Le mot Kitabia est un dérivé du terme Kitab. En arabe, ce dernier
signifie livre. Or, la religion musulmane ne reconnaît que trois livres
révélés : la Thorah, la Bible et le Coran. La Kitabia est donc une fem-
me appartenant à l’une des deux autres religions que sont le judaïsme
et le christianisme et non une athée.
• DON DE CONSOLATION :
La femme divorcée a droit à des dommages intérêts dit : don de
consolation (Mout’ah), devant être versé par le mari à son profit, no-
tamment lorsque le divorce est à l’initiative de l’homme. (Article 84
du Code marocain de la famille).
• AMIR AL MU’MININ : CHEF DES CROYANTS :
L’origine du pouvoir est toujours divine : le monarque reste l’ombre
et le glaive de Dieu. Sur la dimension religieuse du Roi voir M.TOZY,
« Le roi amir-al-mouminine », in Edification d’un Etat moderne, pa-
ris, Albin Michel, 1986.
• PJD ET « ADL WA ALIHSSAN » :
La mouvance islamique au Maroc se compose de deux formations
distinctes : les islamistes du Parti de la justice et du développement
(PJD), crée en 1998, sont reconnus par le régime et participent au
gouvernement. Par contre, le mouvement du Cheikh Yassine « al ‘Adl
wal ihsân » (justice et Bienfaisance) n’est pas reconnu mais seule-
ment toléré. En ce sens voir M.BEN ABDELLAOUI, « Les partis
politiques et la problématique de la réforme de la Moudawana », in
Prologues, n°30, 2004, p.9-22.
• IJTIHAD :
L’Ijtihàd signifie « s’efforcer ». Au niveau terminologique, l’Ijtihàd
est l’effort intellectuel fourni par les érudits pour élaborer, à partir du
Coran-Parole de Dieu- et des Hadiths, des règles juridiques répon-
dant aux nouvelles situations. Ijtihàd, élaboration juridique ou effort

328
Glossaire

de réflexion déductive assurée par les jurisconsultes musulmans (Fu-


qaha), en tant que règle juridique, se place après les deux sources
scriptuaires : le Coran et la Sunnah
• SUNNA :
Sunna ou Hadith : La Sunnah est la deuxième principale source
éthico-juridique islamique après le Coran. La Sunna englobe trois di-
mensions :
• Les propos que le Prophète a pu tenir en dehors des Révélations :
• Les témoignages apportés par ses épouses et compagnons sur les
actes qu’il a pu accomplir dans sa vie publique ou privée ;
• Et les approbations taciturnes de tel ou tel acte ou parole dont il
a pris connaissance et ne s’y est pas opposé.
Ces trois dimensions intégrées dans des récits qu’on appelle Ha-
dith (« dit ») et dont l’ensemble forme la Sunna (manière de vivre du
prophète).
La Sunna (encore appellée le Hadith) est un immense corpus lit-
téraire qui a été compilé par des spécialistes en sciences du Hadith
(Al-Boukhari, Mouslim…). Cette compilation est née de la nécessité
historique de compléter le Coran ou de l’interpréter dans le cas où
il était silencieux ou incomplet, notamment après l’extension de la
Communauté islamique, le déplacement des compagnons du Prophè-
te qui apprenaient par cœur ses paroles , ses actes et approbations
expresses ou tacites.
• CORAN :
Nom du livre sacré des musulmans. Parole de Dieu livrée au Pro-
phète Mohammed, il y a plus de 14 siècles, par l’intermédiaire de
Gabriel (Ange).

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