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@SciencesJuridiques L'Essentiel Du Droit Commercial Et Des Affaires
@SciencesJuridiques L'Essentiel Du Droit Commercial Et Des Affaires
177:1591
Les 1re
2017 1re édition Les
CARRés 2018
......... L’essentiel du Droit commercial et des affaires (1re éd. 2017-2018) est à jour de récentes évolutions législatives et jurisprudentielles CARRés
Droit
une synthèse rigoureuse, pratique et à jour de l’ensemble des connaissances
que le lecteur doit avoir sur cette matière. 12 Chapitres. Tout y est ! .........
Réviser et faire Daniel Bert
L’essentiel
un point actualisé
Droit
non-commerçants
professionnelle métiers du notariat. - L es obligations du commerçant
Frédéric Planckeel est Maître de conférences à l’Uni- - L es incidences de la situation
versité Lille 2 Droit et Santé, Directeur du Master 2 familiale et personnelle du
Droit des assurances et Avocat au Barreau de Lille. commerçant
L’essentiel du Droit
- L e patrimoine du commerçant
commercial et
- L es auxiliaires du commerçant
- L es professionnels non-
Public commerçants
Le fonds de commerce
- Étudiants en Licence et Master Droit - L es éléments composant le fonds
des affaires
- Étudiants en Licence et Master AES de commerce
et Sciences économiques - L es contrats portant sur le fonds
- Étudiants des Écoles de commerce de commerce
- L e bail commercial
et de gestion
La justice commerciale
- Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
- L es tribunaux de commerce
- L ’arbitrage en matière commerciale
2017 2018
F. Planckeel
D. Bert
Prix : 12,50 e
ISBN 978-2-297-05388-4
www.lextenso-editions.fr
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88842093:196.200.176.177:1591
Daniel Bert
Frédéric Planckeel
L’essentiel
du
Droit
commercial et
des affaires
1re édition
2017 2018
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88842093:196.200.176.177:1591
Cette collection de livres présente de manière synthétique,
Les rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que
CARRés l’étudiant doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
......... – le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.
Daniel Bert est Maître de conférences à l’Université Lille 2 Droit et Santé, Responsable de la licence
professionnelle métiers du notariat et membre du CRDP-L’ERADP.
Frédéric Planckeel est Maître de conférences à l’Université Lille 2 Droit et Santé, Directeur du
Master 2 Droit des assurances, membre du CRDP-L’ERADP et Avocat au Barreau de Lille.
Le droit commercial est une branche du droit privé qui régit à la fois les commerçants et
l’accomplissement d’actes de commerce. Le droit français consacre ainsi une conception
dualiste de la commercialité.
Le présent ouvrage permet de faire le point sur les notions d’actes de commerce, de
commerçant, de fonds de commerce de bail commercial et sur la justice commerciale.
Il s’adresse aux étudiants de L2 et de L3 ainsi qu’à ceux préparant l’examen d’entrée au
CRFPA ou le concours de l’ENM.
L’ouvrage est à jour de la loi nº 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la
justice du XXIe siècle dite loi J21 et de la loi nº 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à
la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
dite Loi Sapin 2.
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SOMMAIRE
Présentation 3
Introduction – Premières vues sur le droit commercial 13
1 – L’objet du droit commercial 13
2 – Droit commercial et droit civil 14
3 – La spécificité du droit commercial 14
4 – L’approche historique du droit commercial 15
PARTIE 1
Les actes de commerce
PARTIE 2
Le commerçant et les professionnels
non-commerçants
SOMMAIRE
personnelle du commerçant 37
1 – Les règles applicables au conjoint travaillant seul dans
l’entreprise 37
2 – Les règles applicables en cas de participation du conjoint à
l’entreprise 38
PARTIE 3
Le fonds de commerce
SOMMAIRE
de commerce 69
1 – La cession de fonds de commerce 69
■ Les conditions de validité de la cession de fonds de commerce 69
a) Les conditions de fond 69
b) Les conditions de forme 70
■ Les effets de la cession de fonds de commerce 70
a) Les obligations du vendeur 70
b) Les obligations de l’acheteur 71
■ La protection des intérêts des tiers 72
a) L’information préalable des salariés en cas de transmission
d’entreprise 72
b) La publicité de la cession et le droit d’opposition des créanciers
chirographaires 73
2 – La location-gérance de fonds de commerce 73
■ Les conditions de la location-gérance 74
a) Conditions de fond 74
b) Conditions de forme et de publicité 74
■ Les effets de la location-gérance 74
3 – Le nantissement du fonds de commerce 75
■ Le nantissement conventionnel 75
a) Constitution du nantissement 75
b) Effets du nantissement 76
■ Le nantissement judiciaire 76
PARTIE 4
La justice commerciale
SOMMAIRE
99
1 – Le recours à l’arbitrage 99
■ Exigence d’un écrit 99
■ Arbitrabilité du litige 100
2 – La constitution du tribunal arbitral 101
3 – La compétence du tribunal 102
4 – Le déroulement de l’instance arbitrale 102
5 – La sentence arbitrale 103
6 – Les voies de recours 104
Bibliographie 105
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Premières vues Introduction
sur le droit commercial
Le droit commercial est une branche du droit privé qui régit à la fois les commerçants et l’accom-
plissement d’actes de commerce (1). Les rapports entre droit commercial et droit civil seront
examinés (2), avant de revenir sur le particularisme du droit commercial (3) et sur son histoire (4).
anonyme. L’année 1844 fut marquée par la loi du 5 juillet sur les brevets d’invention, modifiée
plusieurs fois depuis.
Le XXe siècle est marqué par d’importantes lois :
– introduction du fonds de commerce en droit positif (1909) ;
– instauration des lettres de change internationales et des billets à ordre internationaux (1930) ;
– création du statut des baux commerciaux (1953), etc.
Au XXe siècle, le droit commercial se caractérise essentiellement par sa décodification : la quasi-
totalité des réformes du droit commercial furent introduite par des textes non codifiés, de telle
sorte que le Code de commerce ne refléta plus le droit positif commercial.
Le XXIe siècle se caractérise par la recodification du droit commercial, la tendance au « hors code »
et l’inflation législative. En effet, au début des années 2000, le droit commercial a été recodifié à
droit (presque) constant, c’est-à-dire sans (presqu’)aucune modification. Le « nouveau » Code de
commerce est issu, pour sa partie législative, d’une ordonnance du 18 septembre 2000 et, pour
sa partie réglementaire, d’un décret du 25 mars 2007.
Il convient de noter que de nombreuses matières traditionnellement rattachées au droit commer-
cial figurent dans d’autres codes. Ainsi en est-il du droit de la propriété industrielle (codifié au sein
du CPI), mais aussi du droit bancaire et financier (codifié au sein du C. mon. fin.).
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Les actes PARTIE
de commerce 1
Le régime des actes de commerce (approche objective de la commercialité) diffère de celui des actes
civils (par exemple sur la liberté de la preuve en matière commerciale ; C. com., art. L. 110-3). C’est
la raison pour laquelle il est nécessaire d’identifier les actes de commerce (Chapitre 1), avant d’envi-
sager leur régime (Chapitre 2).
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La notion d’acte Chapitre
1
de commerce
Il convient de revenir sur la classification des actes de commerce, avant d’examiner la recherche d’un critère
général de la commercialité.
La liste des actes de commerce (en matière terrestre) est dressée par l’article L. 110-1 du Code de
commerce :
« La loi répute actes de commerce :
1º Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et
mis en œuvre ;
2º Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en
vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ;
3º Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de
fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières ;
4º Toute entreprise de location de meubles ;
5º Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ;
6º Toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de ventes à
l’encan, de spectacles publics ;
7º Toute opération de change, banque, courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie
électronique et tout service de paiement ;
8º Toutes les opérations de banques publiques ;
9º Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ;
10º Entre toutes personnes, les lettres de change. »
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20 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
paru obsolète. Dans l’économie contemporaine, la spéculation immobilière est une réalité. La règle
a donc été écartée par une loi du 13 juillet 1967.
« 3º Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeu-
bles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières » ;
Ce texte retient la commercialité des actes réalisés par les agents immobiliers. Il doit être
rapproché des articles L. 110-1, 5º et 7º du Code de commerce.
« 4º Toute entreprise de location de meubles » ;
La commercialité des locations de meubles découle de ce texte (c’est le cas, par exemple, de la loca-
tion d’automobile). Par un raisonnement a contrario, on en déduit que les locations d’immeubles ne
constituent pas des actes de commerce (exemple d’une entreprise qui loue des appartements ou
des chambres meublées) – ce qui peut paraître contestable. Il en va cependant différemment de
l’hôtellerie qui constitue, d’après la jurisprudence, une activité commerciale : l’hôtelier offre à ses
clients, en sus de la mise à disposition d’une fraction d’immeuble (chambres), des services substan-
tiels (accueil, restauration, chauffage, blanchisserie, ménage...) et une mise à disposition de meubles
(lit, canapé, commode...).
« 5º Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par
eau » ;
Ce texte prévoit la commercialité de trois sortes d’activités bien distinctes. Sont visées, en premier
lieu, les manufactures – activité consistant à travailler une chose pour la transformer.
Sont, en second lieu, prises en considération les activités de commission. Le contrat de commission,
qui se distingue du courtage, est la convention par laquelle une personne (le commissionnaire) se
charge d’accomplir en son nom, mais pour le compte du commettant, une ou plusieurs opérations
(hypothèse du commissionnaire de vente qui cède un bien appartenant au commettant, pour
lequel l’opération est réalisée). Cette convention a, par principe, vocation à être commerciale.
En revanche, l’activité de mandataire – le mandat étant le contrat par lequel une personne confère
à une autre le pouvoir d’accomplir, en son nom et pour son compte, un acte juridique – n’a pas
vocation à être commerciale (par exemple, les agents commerciaux qui passent des contrats au
nom et pour le compte de leur mandant ne sont pas commerçants).
Sont enfin concernées par ce texte les activités de transport terrestre ou maritime.
« 6º Toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de
ventes à l’encan, de spectacles publics » ;
L’activité de fourniture consiste à fournir à un client des biens ou des services (Req., 9 janv. 1810).
En effet, si la fourniture se réduisait à l’achat pour revendre, il y aurait alors une redondance avec
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22 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
l’article L. 110-1, 1º du Code de commerce. La fourniture peut avoir pour objet la distribution
d’eau, de gaz, d’électricité (CA Paris, 12 mars 1925) ou encore de chauffage.
La mention des « établissements de ventes à l’encan », expression désuète, doit être comprise
comme visant les salles de ventes aux enchères dont les activités sont, sauf exception,
commerciales.
La référence aux « spectacles publics » permet de caractériser la commercialité des théâtres,
cinémas, lieux de concerts, cirques, etc. La jurisprudence entend cette dernière notion de manière
particulièrement large.
« 7º Toute opération de change, banque et courtage » ;
Les opérations de banque sont définies à l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier : « Les
opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations
de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement. ». La notion d’opération de banque
recouvre un contenu varié. Sont visés la réception, le dépôt de fonds, l’ouverture de comptes, la
location d’un coffre-fort ou encore les opérations sur des valeurs mobilières.
Si la pratique habituelle des opérations de banque est accomplie par des établissements de crédit, elles
peuvent être accomplies par un non-commerçant, par exemple un notaire recevant des fonds pour les
employer à des prêts contre des intérêts (Cass. com., 2 févr. 1970, nº 68-13575), et caractériseront
alors l’accomplissement d’un acte de commerce soumis aux rigueurs du droit commercial.
L’article L. 110-1, 7º du Code de commerce n’exige d’ailleurs pas l’accomplissement d’actes répétés,
mais se contente d’une simple opération pour admettre la qualification d’acte de commerce.
Les opérations de bourse ne sont pas visées par l’article L. 110-1 du Code de commerce. La juris-
prudence considère néanmoins que les opérations de bourse constituent des actes de commerce
en fonction de leur importance et de leur multiplicité.
Le courtage consiste à mettre en rapport des contractants potentiels : le courtage en vue de
vendre, le courtage d’assurance, le courtage matrimonial, etc. À noter que le texte ne vise pas
l’« entreprise » de courtage. Un seul acte de courtage suffit donc à la qualification d’acte de
commerce.
b) La lettre de change
Aux termes de l’article L. 110-1, 10º du Code de commerce, « La loi répute actes de commerce (...)
entre toutes personnes, les lettres de change ». La lettre de change est un instrument de paiement
par lequel une personne (le tireur) donne l’ordre à une autre (le tiré) de payer une certaine somme
d’argent à une troisième personne (le bénéficiaire, ou le porteur, auquel la lettre a été transmise).
En pratique, l’utilisation de ce procédé de paiement ne se rencontre que dans les rapports
d’affaires. Le Code de commerce a retenu sa commercialité formelle : quiconque signe une lettre
de change (même un non-commerçant) accomplit un acte de commerce relevant des règles du
droit cambiaire (la signature d’une lettre de change, n’a évidemment pas pour effet de conférer à
son titulaire la qualité de commerçant).
A contrario, on parle d’acte civil par accessoire, lorsqu’un acte est accompli par une personne
civile, pour les besoins de son activité civile professionnelle (ex. : plombier qui vendrait du matériel
de plomberie à ses clients).
■ La spéculation
Très tôt, la doctrine a vu dans le critère de la spéculation un critère de la qualification commer-
ciale. Pour Gérard Lyon-Caen et Charles Renault, ce qui caractérise les actes de commerce, « c’est
qu’ils sont des actes de spéculation, c’est-à-dire des actes ayant pour but la réalisation d’un béné-
fice en argent ».
Si le critère de la spéculation pouvait paraître séduisant à une époque où le commerce et l’indus-
trie représentaient l’essentiel de l’activité économique, force est aujourd’hui de constater que de
nombreux professionnels non-commerçants (professions libérales, artisans, exploitants agricoles)
poursuivent la recherchent d’un profit.
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CHAPITRE 1 – La notion d’acte de commerce 25
■ L’entremise
Le critère de la circulation des biens a été promu par Edmond-Eugène Thaller comme critère
général de la commercialité. Selon lui, est commerciale toute opération intermédiaire s’insérant
entre le producteur et le consommateur d’un produit : « Chez le producteur, le produit n’est pas
encore dans le commerce. Chez le consommateur, il n’y est plus. Entre ces deux hommes s’établit
toute une filière d’actes. Ces actes constituent le commerce ».
Le critère proposé par Thaller semble aujourd’hui suranné. Certaines activités sont commerciales,
alors même qu’elles ne s’interposent pas dans la circulation des richesses. De façon encore plus
décisive, le critère de la circulation des biens ne permet pas d’englober le secteur de l’industrie.
L’industriel est bien commerçant. Pour autant, il se situe bien au stade de la création et non de la
circulation des valeurs.
■ L’entreprise
La notion d’entreprise, promue par Jean Escarra, a également été proposée pour fédérer la liste
des actes de commerce figurant aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce. Il convient
de noter que terme d’« entreprise » est employé à plusieurs reprises dans l’article L. 110-1 comme
synonyme de profession. Le terme ne revêt toutefois pas pour les rédacteurs du Code de
commerce l’acception que nous lui connaissons aujourd’hui. Selon Escarra, le critère de l’entre-
prise permettrait de surmonter l’opposition entre conception objective et conception subjective
du droit commercial. Selon lui, l’activité commerciale ne peut se développer qu’au sein d’une
entreprise et l’activité des entreprises est toujours commerciale.
Le critère proposé par Escarra n’emporte pas la conviction. En effet, il convient de remarquer qu’il
existe des entreprises non commerciales (ainsi en est-il du cabinet d’avocat, de l’étude du notaire,
de l’atelier d’artisan...). Inversement, il est des activités commerciales qui s’épanouissent hors le
cadre de toute entreprise.
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26 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
■ L’activité commerciale
Selon une conception plus récente, la commercialité ne résiderait ni dans la personne du commer-
çant, ni dans l’accomplissement d’actes commerciaux, mais dans une troisième voie, l’exercice
d’une activité commerciale. L’activité résulte de la passation habituelle d’actes de commerce par
des commerçants. Ainsi, pour François-Xavier Vincensini, qui a consacré sa thèse à la commercia-
lité, « Les actes de commerce, les commerçants ne portent en eux aucune charge commerciale.
Leur qualification n’est qu’une expression de la commercialité contenue dans l’activité, laquelle
atteint tous les actes en rapport ainsi que l’ensemble des personnes en contact avec
l’exploitation ».
L’auteur pose comme premier « critère d’évidence » de la commercialité la spéculation, auquel il
associe un « critère complémentaire : la mise en œuvre de moyens non personnels à l’exploitant ».
La thèse de M. Vincensini ne convainc pas pleinement. Les activités commerciales ne sont pas
dépourvues d’un certain degré d’intuitus personae (i.e. d’une prise en considération de la
personne), là où certaines activités civiles spéculent de plus en plus sur la main-d’œuvre et sur les
capitaux.
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Le régime des actes Chapitre
2
de commerce
Nous envisagerons successivement le régime des actes de commerce (1), puis celui des actes mixtes (2).
art. L. 123-23 ; C. civ., art. 1378, issu de l’ordonnance du 10 février 2016), voire par simple témoi-
gnage ou aveu. Le juge appréciera souverainement ces preuves, qui sont recevables devant lui.
immédiatement préciser que cette règle ne s’applique qu’en matière de compte courant, où elle
s’explique par l’effet novatoire propre à cette convention particulière. La Cour de cassation
affirme ainsi que « la dérogation admise à la règle de l’article [1343-2] est limitée aux seuls
comptes courants ». Il est ainsi sans doute inexact d’affirmer, de manière générale, que l’anato-
cisme est admis de manière plus souple en droit commercial, dès lors que cette admission facilitée
n’est attachée qu’à la technique du compte courant.
a) La faculté de remplacement
Le droit commercial admet largement la faculté de remplacement. Ainsi, celui qui n’obtient pas
livraison d’un bien promis va pouvoir s’adresser à une autre personne que son cocontractant
initial (qui lui devra, outre la différence de prix, des dommages-intérêts) pour obtenir un bien
semblable. La jurisprudence admet une telle faculté de remplacement en matière commerciale
sans la subordonner à une demande en justice préalable.
Il faut cependant relativiser la portée d’une telle admission. L’article 1222 du Code civil, issu de
l’ordonnance du 10 février 2016, offre aussi, en matière civile, une faculté de remplacement au
créancier insatisfait. L’article 1222 du Code civil facilite la faculté de remplacement par le créancier
puisqu’il supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécu-
tion de l’obligation, le contrôle du juge n’intervenant qu’a posteriori en cas de refus du débiteur
de payer ou de contestation de celui-ci.
b) La réfaction du contrat
Dans le même esprit, on admet qu’en matière commerciale l’acquéreur peut, en cas de non-
conformité du bien acquis, demander au juge la réfaction du contrat – c’est-à-dire obtenir en
pratique une diminution judiciaire du prix ou, si le prix a déjà été payé, le remboursement d’une
fraction de celui-ci –, ce que le droit commun de la vente n’autoriserait pas.
La différence avec le droit commun n’est cependant pas évidente, dans la mesure où l’article 1344
du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit que « Le débiteur est mis en
demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le
contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation ». C’est dire que la plus grande souplesse
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30 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
du droit commercial en matière de mise en demeure se révèle, à l’analyse, insignifiante : une lettre
simple suffit également en droit civil.
Sans doute faut-il ici également relativiser l’impact pratique de cette spécificité avancée du droit
commercial. En effet, si l’acheteur peut, en la matière, obtenir une diminution du prix ou s’en
faire rembourser une partie, on signalera qu’il peut, en droit civil, obtenir des dommages-intérêts
pour défaut de conformité ; lesquels viendront s’imputer sur le prix de vente ou accorder à l’ache-
teur un droit à paiement dans l’hypothèse où le prix aurait déjà été payé. On retrouve donc, en
pratique, une forme de diminution (indirecte) du prix.
c) La mise en demeure
On enseigne encore qu’en matière commerciale la mise en demeure est facilitée : elle peut se faire
librement, notamment par lettre simple. La différence avec le droit commun n’est cependant pas
évidente, dans la mesure où l’article 1139 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du
9 juillet 1991, admet que « le débiteur [puisse être] constitué en demeure [par] une sommation
ou par autre acte équivalent, tel une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation
suffisante [...] ».
C’est dire que la plus grande souplesse du droit commercial en matière de mise en demeure se
révèle, à l’analyse, insignifiante : une lettre simple suffit également en droit civil.
■ Le régime dualiste
Par principe, le régime des actes mixtes est déterminé par une application distributive des règles
commerciales et civiles : chaque partie à l’acte se voit appliquer, de manière symétrique, les règles
de la matière dont il relève :
– le commerçant se voit appliquer les règles du droit commercial ;
– le non-commerçant se voit appliquer les règles du droit civil.
L’article L. 110-3 du Code de commerce prévoit le principe de liberté de la preuve uniquement en
ce qui concerne « les actes de commerce » et « à l’égard des commerçants ». Il en résulte que si
un non-commerçant peut prouver librement un acte de commerce à l’encontre d’un commerçant,
un commerçant ne peut en revanche bénéficier du principe de liberté de la preuve pour prouver
l’existence d’un acte contre un non-commerçant.
De même, la présomption de solidarité ne joue qu’à l’encontre de ceux pour lesquels l’acte revêt
une nature commerciale – qu’ils soient ou non commerçants. Il en résulte que celui pour qui l’acte
revêt une nature commerciale est tenu solidairement, tandis que celui pour qui l’acte ne revêt pas
une telle nature reste tenu de manière divise.
En principe, la juridiction compétente pour trancher un litige en droit judiciaire privé se détermine
en fonction de la qualité du défendeur :
– juridictions commerciales si, pour le défendeur, l’acte est commercial ;
– juridictions civiles si, pour celui-ci, l’acte est civil.
Néanmoins, on admet que le demandeur non-commerçant puisse choisir entre les juridictions
commerciales et les juridictions civiles (on parle d’option de compétence).
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32 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
■ Le régime unitaire
On admet que les règles relatives à la prescription n’aient pas vocation à se diviser entre les parties
à un acte mixte. D’après l’article L. 110-4 du Code de commerce, la prescription commerciale
s’applique en effet aux « obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou
entre commerçants et non-commerçants ». Cette application unitaire du droit commercial présente
aujourd’hui peu d’intérêt, dès lors que puisque le délai de prescription est désormais de cinq ans
tant pour les obligations civiles (C. civ., art. 2224) que commerciales (C. com., art. L. 110-4).
Les clauses attributives de compétence territoriale (v. infra, p. 89), valables dans les rapports entre
commerçants (CPC, art. 48), sont nulles en matière d’actes mixtes. Les clauses attributives de
compétence matérielle sont quant à elles inopposables à la partie non-commerçante.
Autrefois cantonnée à la matière commerciale, la clause compromissoire est désormais valable
dans tous les contrats. Elle est toutefois inopposable au non-professionnel (C. civ., art. 2061) :
« La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose, à moins
que celle-ci n’ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l’a initialement acceptée.
Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause
ne peut lui être opposée ».
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Le commerçant
PARTIE
et les professionnels 2
non-commerçants
Ainsi donc, trois conditions doivent être réunies pour être commerçant :
– l’intéressé doit accomplir des actes de commerce,
– en faire sa profession habituelle,
– et exercer sa profession à titre indépendant.
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Les obligations Chapitre
3
du commerçant
Les principales obligations du commerçant concernent l’inscription au RCS (1), ainsi que les obligations
comptables et financières (2).
1 L’inscription au RCS
La liste des personnes soumises à l’obligation d’immatriculation est énoncée à l’article L. 123-1,
Iº du Code de commerce.
L’immatriculation des personnes physiques au RCS entraîne une « présomption simple de commer-
cialité la qualité de commerçant » (C. com., art. L. 123-7). Cette présomption peut être combattue
par la preuve contraire. La personne immatriculée peut vouloir rapporter la preuve que, malgré
son immatriculation, elle n’est pas commerçante. Cette preuve n’est recevable que si elle
démontre que les tiers concernés ne savaient pas qu’elle était commerçante. Les tiers, quant à
eux, peuvent librement prouver qu’une personne immatriculée au RCS n’est pas commerçante.
L’immatriculation au RCS conditionne de nombreux droits et obligations, notamment le droit au
renouvellement du bail commercial (C. com., art. L. 145-8 ; v. infra, p. 82).
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36 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
Lorsque le commerçant est une personne physique, sa situation familiale et personnelle n’est pas totalement
étrangère à son activité commerciale, qu’il s’agisse de sa vie de couple, de sa capacité juridique ou de sa
nationalité.
Le mariage du chef d’entreprise ne regarde pas seulement sa vie privée. Que son conjoint travaille
ou non avec lui, le mariage suscite des effets patrimoniaux qui peuvent concerner tant les biens
que les dettes du chef d’entreprise. À ces règles de base s’ajoutent d’autres dispositions, qui
s’appliquent spécialement aux conjoints travaillant dans la même entreprise.
lui-même, dès lors qu’il a été créé ou acquis en cours de mariage. Il s’ensuit que les actes de
disposition portant sur le fonds, comme la cession, l’apport en société et le nantissement, doivent
à peine de nullité être passés avec l’accord du conjoint non exploitant (C. civ., art. 1424).
En revanche, afin de maintenir l’application du principe d’autonomie professionnelle, le conjoint
commerçant a seul le pouvoir d’accomplir des actes d’administration et de disposition sur les
biens communs nécessaires à son activité autres que le fonds (C. civ., art. 1421, al. 2).
À ce titre, il peut notamment céder un élément isolé du fonds (marchandises, matériel, droit au
bail, brevet, marque, licence...) ou le donner en location-gérance.
Le régime de la communauté entraîne également des conséquences pour le recouvrement des
dettes du commerçant. Comme toutes les dettes des époux, elles peuvent être recouvrées, non
seulement sur les biens propres du commerçant, mais encore sur les biens communs même non
professionnels (C. civ., art. 1413).
Il n’est fait exception à ce principe que pour les emprunts et cautionnements ; ces actes graves
n’engagent que les biens propres et les revenus du conjoint qui les souscrit, à moins que son
époux consente à l’engagement de toute la communauté (C. civ., art. 1415). Ce risque important
d’appauvrissement du couple motive en pratique le choix du régime de séparation de biens.
la loi présume que le conjoint travaillant avec l’entrepreneur n’est pas lui-même commerçant
(C. com., art. L. 121-3).
Il demeure fréquent qu’un conjoint travaille bénévolement dans l’entreprise, sans être coexploi-
tant et sans s’être déclaré en tant que collaborateur. Il est alors démuni de toute protection
sociale. Aucune sanction n’est prévue par le Code de commerce, mais il semble que cette situa-
tion puisse être pénalement sanctionnée sous l’incrimination de travail dissimulé.
Quelle qu’en soit la forme, la participation du conjoint à l’entreprise du commerçant, combinée au
choix du régime communautaire, accroît ses pouvoirs sur les biens professionnels relevant de la
communauté. D’une part, il peut comme le commerçant accomplir seul des actes d’administration
et de disposition sur les biens communs (C. civ., art. 1421, al. 1). D’autre part, l’accord des deux
époux est nécessaire pour certains actes mettant en cause la pérennité de l’entreprise : la mise en
location-gérance du fonds ; l’aliénation ou la constitution de droits réels sur un élément du fonds
nécessaire à l’exploitation de l’entreprise, par exemple la cession du droit au bail du local.
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Le patrimoine Chapitre
5
du commerçant
Le principe de l’unicité du patrimoine peut être considéré comme un frein à la liberté d’entreprendre, dans la
mesure où l’entrepreneur répond de ses dettes professionnelles sur l’ensemble de son patrimoine. Afin de
favoriser l’esprit d’entreprise, le législateur a mis en place des techniques de dissociation du patrimoine
permettant à l’entrepreneur individuel de limiter sa responsabilité entrepreneuriale.
Nous étudierons successivement les sociétés unipersonnelles, le régime des sociétés uniperson-
nelles et l’EIRL.
un usage professionnel (local commercial, bureau). Il en est de même des biens mobiliers non
affectés à un usage professionnel.
■ La constitution de l’EIRL
a) Le contenu du patrimoine affecté
L’article L. 526-6 du Code de commerce évoque le contenu du patrimoine affecté. Il « est composé
de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire,
nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens,
droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l’exercice de
son activité professionnelle et qu’il décide d’y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté
ne peut entrer dans la composition que d’un seul patrimoine affecté ». Autrement dit, on peut
distinguer trois sortes d’actifs :
– les biens nécessaires à l’activité professionnelle : en premier lieu, il y a les biens qui sont
nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle (ex. : la caisse enregistreuse du magasin).
Ces biens doivent obligatoirement figurer dans le patrimoine affecté ;
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44 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
– les biens « utilisés » : en second lieu, il y a les biens qui sont seulement « utilisés » dans le cadre
de cette activité, sans être nécessaires à son exercice ; l’intéressé peut choisir de les faire figurer
dans le patrimoine affecté ou de les laisser dans son patrimoine personnel (ex. : la voiture du
chef d’entreprise) ;
– les biens ni nécessaires ni utiles : en troisième lieu, les actifs qui ne sont pas même utilisés
dans le cadre de l’activité professionnelle resteront nécessairement dans son patrimoine
personnel (ex. : la télévision au domicile de l’intéressé).
En pratique, la distinction entre les actifs qui doivent figurer dans l’un ou l’autre patrimoine et
ceux qui peuvent figurer dans l’un ou l’autre n’est pas aisée à appliquer.
En cas de manquement à la règle de l’article L. 526-6 du Code de commerce, l’article L. 526-12,
alinéa 9 du Code de commerce prévoit que « l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est
responsable sur la totalité de ses biens et droits [notamment] en cas de manquement grave aux
règles prévues au deuxième alinéa de l’article L. 526-6 ». Ces règles n’interdisent évidemment pas
à l’entrepreneur de se « distribuer des bénéfices », en transférant de son patrimoine professionnel
à son patrimoine personnel des actifs monétaires (C. com., art. L. 526-18).
Il faut également tenir compte d’une loi du 27 juillet 2010 qui est venue modifier l’article L. 526-6
du Code de commerce, afin d’assurer une protection des agriculteurs : l’alinéa 3 de cet article
énonce ainsi que « par dérogation à l’alinéa précédent, l’entrepreneur individuel exerçant une acti-
vité agricole au sens de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime peut ne pas
affecter les terres utilisées pour l’exercice de son exploitation dans son patrimoine professionnel.
Cette faculté s’applique à la totalité des terres dont l’exploitant est propriétaire ».
b) La déclaration d’affectation
L’option pour le statut d’EIRL passe par une déclaration d’affectation réalisée auprès des registres
professionnels dont l’intéressé relève (C. com., art. L. 526-7) et au registre spécial des EIRL. Lors-
qu’elle concerne un bien immobilier, elle devra être constatée par acte notarié et être publiée
auprès du service de la publicité foncière (C. com., art. L. 526-9). Cette déclaration doit contenir
un certain nombre d’éléments, dont un état descriptif des actifs transférés dans le patrimoine
affecté « en nature, qualité, quantité et valeur » (C. com., art. L. 526-8).
En cas de surévaluation, l’article L. 526-10 du Code de commerce précise que « tout élément d’actif
du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d’une valeur déclarée supérieure à un montant fixé
par décret [30 000 € : v. C. com., art. D. 526-5] fait l’objet d’une évaluation au vu d’un rapport
annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un
expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l’entre-
preneur individuel. L’évaluation par un notaire ne peut concerner qu’un bien immobilier ».
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CHAPITRE 5 – Le patrimoine du commerçant 45
L’article L. 526-10 du Code de commerce prévoit que l’entrepreneur individuel sera responsable,
pendant une durée de cinq ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et
non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par [le professionnel ou de la
valeur réelle du bien en l’absence d’évaluation] et la valeur déclarée.
■ Le fonctionnement de l’EIRL
a) L’opposabilité de la déclaration d’affectation aux créanciers postérieurs
L’EIRL est un statut permettant à une personne physique d’exercer une activité professionnelle et
d’affecter, sur simple déclaration, un patrimoine à cette activité professionnelle qui comprendra
l’ensemble des éléments corporels ou incorporels nécessaires à l’exercice de cette activité.
La déclaration d’affectation de certains éléments de son patrimoine à son activité professionnelle
(« patrimoine professionnel » ou « patrimoine affecté ») permettait jusque-là de rendre opposable
ce patrimoine professionnel aux créanciers dont les droits étant nés postérieurement au dépôt de
la déclaration d’affectation mais pouvait également être rendue opposable, sous certaines condi-
tions, aux créanciers antérieurs au dépôt de celle-ci.
La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a supprimé l’opposabilité de la déclaration d’affectation aux
créanciers antérieurs. Ils n’auront donc plus à faire jouer un « droit d’opposition » pour bénéficier
d’un droit de gage conforme à l’article 2284 du Code civil.
C’est ainsi que, par application des nouvelles dispositions de la loi Sapin 2, le décret nº 2017-630
du 25 avril 2017 a abrogé les mesures réglementaires d’application de ces anciennes dispositions
légales, à savoir les articles R. 526-8, D. 526-9 et R. 526-10.
Le principe posé par l’article L. 526-12 du Code de commerce est désormais que « La déclaration
d’affectation [...] est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieure-
ment à son dépôt ».
aurait récemment transféré des bénéfices de son patrimoine professionnel à son patrimoine
personnel : « en cas d’insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créan-
ciers [personnels] peut s’exercer sur le bénéfice réalisé par l’entrepreneur individuel à responsabi-
lité limitée lors du dernier exercice clos » (C. com., art. L. 526-12, al. 10).
sera tenu de déposer chaque année les seules informations relatives à son bilan permettant aux
tiers de suivre l’évolution du patrimoine affecté, et non plus l’ensemble de ses comptes annuels
(C. com., art. L. 526-14, mod.) ;
– tenue d’un compte bancaire séparé : l’EIRL doit se faire « ouvrir dans un établissement de
crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patri-
moine a été affecté » (C. com., art. L. 526-13).
■ La fin de l’EIRL
L’affectation prend fin en cas de renonciation ou de décès de l’intéressé (C. com., art. L. 526-15).
Dans ces cas, mention de la cessation de l’affectation sera portée sur le registre où la déclaration
avait été inscrite. À ces deux hypothèses, il faut ajouter celle d’un transfert du patrimoine affecté à
une personne morale qui entraîne aussi cessation de l’affectation, par dilution du patrimoine
affecté dans le patrimoine social. En cas de décès, l’affectation devient caduque (sauf reprise par
l’un des héritiers avec maintien de l’affectation).
L’affectation subsiste cependant si « l’un des héritiers ou ayants droit de l’entrepreneur individuel
décédé [...] manifeste son intention de poursuivre l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine
était affecté ». Le patrimoine affecté doit alors subsister pour l’exercice de l’activité qui est continuée.
En cas de renonciation à affectation, celle-ci opère rétroactivement. Tous les créanciers, antérieurs
comme postérieurs à cette manifestation de volonté, bénéficient de droits sur la totalité des biens
du débiteur. Soit l’affectation perdure, soit l’entrepreneur y renonce, mais cette renonciation
s’impose alors à tous les créanciers.
Une exception est cependant prévue en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l’acti-
vité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté : on en revient alors à la caducité de l’affecta-
tion, en ce sens que les créanciers dont les droits sont nés entre la déclaration et la renonciation
disposent d’un droit de gage limité aux seuls biens qui figuraient dans le patrimoine dont ils tiraient
leurs droits. La renonciation, en ce cas, est seulement une conséquence de la cessation d’activité ;
comme elle ne tend pas à favoriser certains créanciers, il n’y a pas lieu de lui faire produire un effet
aussi énergique que dans le cas où la renonciation opère alors que l’activité est continuée.
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Les auxiliaires Chapitre
6
du commerçant
L’activité commerciale implique souvent le recours à des partenaires appelés auxiliaires du commerçant. Il
existe une grande diversité de statuts, qu’il est possible de regrouper selon qu’ils impliquent ou non la
qualité de commerçants. Alors que les auxiliaires non-commerçants ont pour la plupart la qualité de manda-
taire, les auxiliaires commerçants se rattachent généralement à un réseau de distribution.
■ L’agent commercial
L’agent commercial est défini comme un mandataire qui est chargé, à titre de profession indépen-
dante et de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente,
d’achat, de location ou de prestation de services (C. com., art. L. 134-1). Il doit s’immatriculer sur
un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce. L’exclusivité n’est pas de la nature
de l’agence commerciale :
– d’une part, l’agent peut travailler avec plusieurs mandants, avec l’accord de son mandant initial
s’il se met au service d’une entreprise concurrente ;
– d’autre part, le mandant peut concéder un même secteur territorial à plusieurs agents
commerciaux.
L’agent commercial est protégé par un statut d’ordre public répondant aux exigences d’une direc-
tive européenne du 23 décembre 1986. D’une part, l’agent commercial a droit au paiement d’une
commission, dont le montant varie avec le nombre ou la valeur des affaires. Cette rémunération
s’applique très largement, au-delà des opérations conclues par l’agent lui-même. C’est le cas par
exemple des opérations passées avec une personne appartenant au secteur géographique ou au
groupe de personnes dont a été chargé l’agent. D’autre part, l’agent est protégé lors de la cessa-
tion du contrat. Il a notamment droit au paiement d’une indemnité compensant le préjudice subi.
Elle est due dans toutes les hypothèses de rupture, à trois exceptions près : faute grave de l’agent,
cession du contrat par l’agent à un tiers (avec l’accord du mandant), décision de l’agent non justi-
fiée par des circonstances imputables au mandant ou à l’état de l’agent (âge, infirmité, maladie).
■ Le gérant-mandataire
Le gérant-mandataire gère un fonds de commerce pour le compte de son propriétaire, moyennant
le versement d’une commission proportionnelle au chiffre d’affaires. Le mandant supporte les
risques liés à son exploitation, mais laisse au gérant toute latitude notamment pour déterminer
ses conditions de travail et embaucher du personnel (C. com., art. L. 146-1). Le gérant-mandataire
doit s’immatriculer au RCS et publier le contrat dans un journal d’annonces légales.
Il bénéficie d’un régime protecteur moins complet que le statut de l’agent commercial. D’une part,
afin de permettre au gérant-mandataire de s’engager en connaissance de cause, le mandant doit
lui fournir, dix jours au moins avant la signature du contrat, un document précontractuel d’infor-
mation. D’autre part, le gérant-mandataire n’a droit à une indemnité de rupture qu’en cas de
résiliation du contrat par le mandant sans faute grave du gérant-mandataire. Cette indemnité
correspond au montant des commissions acquises au cours des six derniers mois.
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CHAPITRE 6 – Les auxiliaires du commerçant 51
■ Le gérant-succursaliste
Le gérant-succursaliste est un gérant non salarié qui exploite les succursales des commerces de
détail alimentaire ou des coopératives de consommation, moyennant des remises proportionnelles
au montant des ventes. Ce statut suppose également que le contrat ne fixe pas les conditions de
travail du gérant et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer
(C. trav., art. L. 7322-2).
Ce statut présente la particularité de cumuler les règles du mandat et du droit du travail. Dans ses
rapports avec les tiers, le gérant-succursaliste est considéré comme un mandataire du propriétaire
de la succursale, qui répond seul de ses actes. En revanche, dans ses rapports avec son mandant,
le gérant-mandataire bénéficie largement du droit du travail ; les règles du mandat ne s’appliquent
que si elles sont compatibles.
l’absence totale d’exclusivité souscrite par les parties. Elles s’engagent en revanche l’une et
l’autre à ne pas vendre ou revendre les produits protégés à des revendeurs extérieurs au réseau ;
– le contrat de franchise, dit aussi « contrat de franchisage », consiste pour le franchiseur, en
contrepartie d’une redevance, à mettre à la disposition du franchisé son savoir-faire et ses
signes distinctifs, ainsi qu’à lui prêter une assistance continue. La spécificité de cette formule
d’origine anglo-saxonne tient à l’apport d’éléments immatériels, le franchiseur ayant en général
expérimenté avec succès un concept et une recette commerciale. L’exclusivité n’est pas inhé-
rente à la franchise, mais le franchisé s’engage généralement à ne commercialiser que les
produits du franchiseur ;
– la commission-affiliation est apparue plus récemment. Conformément au schéma original de
la commission, le commissionnaire-affilié vend directement aux clients les marchandises du
commettant, sans en acquérir préalablement la propriété. Il s’ensuit que le commettant conserve
la propriété du stock et peut ainsi gérer lui-même l’assortiment du point de vente ainsi que la
politique de prix. En retour, les recettes intègrent directement le patrimoine du commettant,
qui rétribue le commissionnaire-affilié sous forme de commissions. Pour autant, le commission-
naire-affilié n’est pas un agent commercial car il n’est pas mandataire (aff. Chattawak : Cass.
com., 26 févr. 2008, nº 06.20772 ; Cass. com., 29 juin 2010, nº 09-66773).
disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant
d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité ». Sont
notamment concernés la concession exclusive et la franchise assortie d’une exclusivité d’approvi-
sionnement. L’exécution de l’obligation d’information prend la forme d’un document fourni au
moins vingt jours avant la signature du contrat, afin de laisser à l’affilié potentiel un délai de
réflexion. Ces informations se rapportent en substance à l’entreprise titulaire du réseau, au
marché et à ses perspectives de développement, au réseau d’exploitants, à l’existence dans la
zone d’activité d’autres distributeurs concurrents, et aux conditions essentielles du contrat projeté
(C. com., art. R. 330-1).
La durée de l’exclusivité d’approvisionnement est limitée à une durée de dix ans (C. com., art.
L. 330-1 et L. 330-2). Sa durée est ramenée à deux ans lorsqu’elle est souscrite par le revendeur
exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés, non lié au fournisseur
par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire (C. com., art. L. 442-6, II, e).
La loi Macron s’intéresse pour sa part à la sortie du réseau, qu’elle cherche à faciliter. D’une part,
lorsque le distributeur est lié à son titulaire par plusieurs contrats (ex. : franchise et location-
gérance), les parties doivent prévoir une échéance commune, et la résiliation de l’un des contrats
vaut résiliation de l’ensemble des contrats. Ne sont pas concernés le bail commercial, le contrat
d’association et le contrat de société civile, commerciale ou coopérative. D’autre part, les clauses
de non-concurrence post-contractuelles et les clauses de non-réaffiliation sont réputées non-écrites
si elles ne répondent pas à quatre conditions cumulatives garantissant leur stricte proportionnalité
aux intérêts du titulaire du réseau (C. com., art. L. 341-2) :
– elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat de
distribution ;
– elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant
la durée du contrat ;
– elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis
dans le cadre du contrat ;
– leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.
La cessation des contrats de distribution est également impactée par le droit interne de la concur-
rence. L’article L. 442-6, I, 5º du Code de commerce prévoit la responsabilité du professionnel pour
le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans
préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale
de préavis déterminée », fixée en fonction des usages du commerce par accord interprofessionnel
ou, à défaut, par arrêté ministériel. Cette règle s’applique aussi bien au non-renouvellement des
contrats à durée déterminée qu’à la résiliation des contrats à durée indéterminée.
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54 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
Par ailleurs, le droit du travail s’applique par extension au gérant de succursale malgré son
absence de lien de subordination, en raison de sa situation de dépendance économique. À
l’instar du gérant-succursaliste (qui relève également du texte), le gérant de succursale demeure
commerçant et n’acquiert pas la qualité de salarié. Cette extension suppose la réunion de trois
conditions cumulatives (C. trav., art. L. 7321-2) :
– le distributeur a pour profession essentielle de vendre des marchandises de toute nature qui lui
sont fournies exclusivement, ou presque exclusivement, par une seule entreprise ;
– il exerce sa profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise ;
– il vend les marchandises aux conditions et prix imposés par cette entreprise.
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Les professionnels Chapitre
7
non-commerçants
À côté des commerçants, il est des professionnels non-commerçants, soumis en partie aux règles du droit
commercial. Il s’agira d’étudier les artisans, les membres des professions libérales et les agriculteurs.
1 Les artisans
Après avoir défini l’artisan, il conviendra de s’interroger sur sa distinction avec le commerçant.
■ Définition de l’artisan
Il n’existe pas de définition légale de l’artisan. L’artisan est un professionnel civil exerçant une activité
à prépondérance manuelle et dirigeant une petite structure. Inconnu du Code de commerce, il béné-
ficie d’un statut en partie dérogatoire au droit commercial. Il n’existe pas une définition unitaire de
l’artisan, mais deux définitions qui recouvrent des domaines différents : une définition administrative
et une définition jurisprudentielle.
3 Les agriculteurs
La définition de l’agriculteur précédera l’étude des points de rapprochement entre agriculteur et
commerçant.
■ Définition de l’agriculteur
Aux termes de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, « sont réputées agricoles
toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère
végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle
ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte
de production ou qui ont pour support l’exploitation ». Et l’article de préciser que « les activités
agricoles ainsi définies ont un caractère civil ».
L’agriculteur, le viticulteur, le forestier qui vendent des produits de leur exploitation exercent une
activité agricole. Cette solution s’applique :
– que l’exploitant soit propriétaire du sol, métayer ou fermier ;
– qu’il vende sa production en bloc ou en détail, directement ou par l’intermédiaire d’une coopé-
rative, ou même aux enchères publiques.
Exerce également une activité agricole la personne qui achète des plants, du matériel, des engrais,
des animaux, ou qui procède à la transformation de ses produits, car ces achats conditionnent
l’activité agricole. Cette transformation n’est alors que le prolongement des actes de production.
Au cours des dernières décennies, les activités agricoles se sont considérablement industriali-
sées. Tenant compte de cette évolution, la jurisprudence exerçait une distinction dans le domaine
de l’élevage. Elle distinguait selon l’origine de la nourriture donnée aux animaux, en séparant le
bon grain (la nourriture donnée aux animaux provenait de l’exploitation agricole, auquel cas l’acti-
vité demeure agricole) de l’ivraie (la nourriture provenait de l’extérieur, auquel cas la jurisprudence
considérait que l’éleveur exerçait une activité commerciale). Depuis l’introduction de la loi du
30 décembre 1988, cette jurisprudence est périmée ; peu importe désormais l’origine des
aliments. La loi du 30 décembre 1988 a ainsi opéré une réintégration de ces activités dans le
droit civil, au détriment de la commercialité.
Bien que le régime des actes de commerce ne trouve pas à s’appliquer, l’application du droit des
procédures collectives aux professions agricoles initiée par la loi du 30 décembre 1988, la créa-
tion par la même loi d’un registre de l’agriculture calqué sur celui du registre du commerce, la
création d’un registre des actifs agricoles (loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt
du 13 octobre 2014), la récente création d’un fonds agricole par la loi d’orientation agricole du
5 janvier 2006 illustrent la tendance à la « commercialisation » des professions agricoles.
À noter que si l’agriculteur peut bénéficier d’une procédure de sauvegarde, de redressement judi-
ciaire ou de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 620-2), il ne saurait en revanche profiter de la
procédure de conciliation prévue dans le Code de commerce. Le Code rural et de la pêche mari-
time prévoit en effet une procédure de règlement amiable (C. rur., art. L. 351-1 à L. 351-7). Il
reste que si l’agriculteur exerce sous la forme d’une société commerciale, ce sont les textes du
Code de commerce qui trouveront application. Il s’agit, bien évidemment, d’une conséquence de
la commercialité par la forme.
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PARTIE
Le fonds de commerce 3
Le fonds de commerce peut se définir comme l’ensemble des moyens utilisés pour attirer et retenir
la clientèle. Complexe de biens, le fonds de commerce est un bien meuble incorporel composé
lui-même de meubles corporels et incorporels. La nature mobilière du fonds découle de ce que
tous les biens n’étant pas meubles sont immeubles (C. civ., art. 516). Le fonds de commerce est
une construction permettant de regrouper des éléments divers. Les immeubles en sont exclus.
Le fonds de commerce s’analyse classiquement comme une universalité de fait (cette qualification
est toutefois critiquée par une partie de la doctrine, qui suggère qu’une universalité est juridique
ou elle ne l’est pas).
Les immeubles, les dettes et les contrats d’exploitation sont exclus de la composition du fonds.
La nature mobilière du fonds a pour effet d’exclure de sa composition tout bien immobilier. Cette
règle vaut pour les immeubles par nature, mais aussi pour les immeubles par destination. Il faut
donc également exclure de la composition du fonds des biens qui pourraient être qualifiés
d’immeubles par destination. La Cour de cassation a ainsi pu juger que les lits et la literie
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62 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
garnissant un hôtel ayant été affecté par leur propriétaire au service de l’exploitation de l’hôtel
(immeuble) ne figuraient pas parmi les éléments du fonds de commerce d’hôtellerie.
Le fonds de commerce ne comprend que des biens, à l’exclusion de tout passif propre. Les dettes
nées de l’exploitation du fonds demeurent donc attachées à la personne du commerçant. L’une
des conséquences de cette idée est que la cession de fonds de commerce ne transmet pas au
cessionnaire des dettes issues de l’activité du cédant : ce dernier en reste normalement seul tenu.
La jurisprudence considère également que les contrats liés à l’exploitation d’un fonds de
commerce n’entrent pas dans la composition de celui-ci. Les contrats liés à l’exploitation d’un
fonds sont cessibles, mais moyennant l’accord des parties.
Jugé que la cession d’un fonds de commerce n’emportant pas, sauf exceptions prévues par la loi,
la cession des contrats liés à l’exploitation de ce fonds, la cession d’un fonds de commerce
d’agent immobilier n’emporte pas cession des mandats confiés à ce professionnel (Cass. com.,
28 juin 2017, no 15-17394).
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Les éléments composant Chapitre
8
le fonds de commerce
Parmi tous les éléments composant le fonds de commerce, la clientèle est l’élément essentiel, à côté du nom
commercial et de l’enseigne, des droits de propriété intellectuelle, des autorisations d’exploitation, du matériel
et de l’outillage et des marchandises.
■ Le concept de clientèle
La clientèle est en première approche l’ensemble des clients traitant régulièrement avec le
commerçant. Mais les clients ne sont pas des biens, et sont libres de traiter avec les concurrents
du commerçant. La clientèle peut en revanche être définie comme la potentialité de chiffre
d’affaires résultant de l’exploitation d’une activité au moyen des éléments groupés par le commer-
çant. Si la clientèle est traitée comme un bien, c’est parce qu’elle traduit un courant d’affaires qui
se renouvelle par-delà l’instabilité des clients : l’exploitation des éléments du fonds a vocation à
permettre le retour des clients ou le ralliement de nouveaux clients. Il y a là une valeur écono-
mique, qui peut s’avérer supérieure à la somme de chacun des biens utilisés pour l’exploitation.
Ainsi s’explique la reconnaissance du fonds de commerce comme un bien distinct des éléments
qu’il regroupe, susceptible de faire l’objet d’opérations comme la cession, le nantissement ou la
location-gérance.
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64 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
celui-ci. Le nom commercial est protégé par l’action en concurrence déloyale contre les usurpa-
tions ou imitations qui pourraient créer une confusion dans l’esprit des clients.
L’enseigne, quant à elle, est la dénomination ou l’emblème apposé sur le local pour individualiser
le fonds de commerce qui y est exploité. Sa fonction est un peu différente du nom commercial,
dès lors que l’enseigne a une fonction de localisation : elle est un signe extérieur placé au lieu
même où le fonds est exploité, ce qui permet aux clients de localiser le fonds dans l’espace. Il en
résulte que si l’enseigne est proche du nom commercial, les deux éléments doivent être
distingués :
– d’abord, s’il est fréquent que l’enseigne corresponde au nom commercial, il arrive aussi que les
deux éléments soient distincts ;
– ensuite, l’enseigne peut être nominale ou figurative, alors que le nom commercial ne peut être
que nominal.
5 Le matériel et l’outillage
Parmi les éléments corporels figurent, en premier lieu, le matériel et l’outillage. Il s’agit des
éléments durablement affectés à l’exploitation du fonds et appartenant au commerçant. Sont ainsi
concernés divers biens (bureaux, outils, machines...) qui servent au commerçant pour l’exercice de
son commerce. Encore faut-il, pour qu’ils intègrent le fonds, que ces éléments appartiennent au
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CHAPITRE 8 – Les éléments composant le fonds de commerce 67
commerçant ; les biens qui ne sont pas sa propriété ne peuvent intégrer le fonds. Ils peuvent en
outre faire l’objet d’un gage soumis à un régime spécifique organisé par le Code de commerce
(C. com., art. L. 525-1 et s.).
6 Les marchandises
Figurent encore, parmi les éléments corporels du fonds, les marchandises. Il s’agit des objets
destinés à être vendus à la clientèle ou des matières destinées à être transformées dans le cadre
de l’exploitation commerciale.
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Les contrats portant Chapitre
9
sur le fonds de commerce
Complexe de biens, le fonds de commerce est lui-même un bien, susceptible en tant que tel de faire l’objet
de différents contrats (ayant pour objet le transfert de propriété, sa mise à disposition ou le nantissement du
fonds).
(en particulier l’absence de dol du vendeur), d’un but licite, de la capacité et des pouvoirs suffi-
sants pour vendre le fonds considéré, d’un prix déterminé ou déterminable (C. civ., art. 1591).
La cession de fonds de commerce est classiquement considérée comme un acte de commerce, tant
pour le cédant que pour le cessionnaire. La capacité commerciale est donc requise pour l’un et l’autre.
Par ailleurs, compte tenu de l’importance économique du fonds, le cédant marié sous le régime de la
communauté ne peut aliéner le fonds sans l’accord de son conjoint (C. civ., art. 1424, al. 1).
b) Les conditions de forme
Le Code de commerce cherche à protéger l’acquéreur contre le risque d’une surestimation de la
valeur du fonds. Il prévoit à cet effet un certain nombre concernant l’origine de propriété du
fonds, l’état des privilèges et nantissements, le bail, et surtout le chiffre d’affaires et les résultats
d’exploitation des trois dernières années (C. com., art. L. 141-1). Un acte écrit doit donc être
rédigé. Dans le même ordre d’idées, les parties doivent le jour de la cession viser un document
présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice et le mois
précédant celui de la vente.
La sanction de l’omission de tout ou partie des mentions obligatoires est la nullité relative de l’acte
de cession du fonds de commerce. Cette action est ouverte à l’acquéreur dans un délai d’un an
(C. com., art. L. 141-1, II), à condition d’établir un préjudice viciant son consentement. En
revanche, si une mention est inexacte, la sanction n’est pas la nullité mais la garantie du
vendeur, qui relève des effets du contrat.
En deuxième lieu, les articles L. 141-3 et L. 141-4 du Code de commerce transposent à l’hypothèse
d’inexactitude des mentions obligatoires la garantie des vices cachés prévue en droit commun de
la vente (C. civ., art. 1641). L’acquéreur ne peut faire valoir cette garantie que dans l’année de la
prise de possession du fonds. Il doit prouver que cette inexactitude l’a induit en erreur sur la valeur
du fonds. Il peut alors, à son choix, soit demander la résolution de la vente de manière à se faire
restituer le prix, soit garder le fonds et obtenir une diminution du prix, sans préjudice d’éventuels
dommages-intérêts.
En troisième lieu, le vendeur est tenu de la garantie d’éviction de droit commun. Il doit donc
garantir l’acheteur tant contre les troubles de droit provenant d’un tiers, que contre les troubles
de fait et de droit provenant du vendeur lui-même. Il s’ensuit qu’il doit s’abstenir de se rétablir
dans le même commerce et de reprendre ainsi la clientèle qu’il a cédée.
doit en outre être notifiée aux créanciers inscrits sur le fonds, auquel un délai d’un mois est
accordé pour réagir (C. com., art. L. 141-8 et L. 141-9).
La loi Macron du 6 août 2015 a supprimé la nullité qui sanctionnait initialement cette obligation
d’information. Elle y substitue la responsabilité civile du propriétaire du fonds, ainsi qu’une
amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente. L’action se prescrit
par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession du fonds.
b) La publicité de la cession et le droit d’opposition des créanciers
chirographaires
La réalisation de la cession du fonds de commerce passe par une publicité destinée à informer les
créanciers du cédant, et à leur permettre de réagir pour obtenir la préservation de leurs intérêts.
Le fonds constitue en effet un bien important dans l’actif du patrimoine de l’entreprise, qui a pu
être pris en considération dans des opérations de crédit.
La cession doit faire l’objet d’une double publicité dans la quinzaine de jours suivant l’acte de
cession :
– insertion d’un avis ou extrait dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales
(BODACC) ;
– publication d’un avis dans un journal d’annonces légales. Cette seconde publication avait été
supprimée par la loi Macron du 6 août 2015 dans un souci de simplification, mais a été rétablie
par la loi du 14 novembre 2016, afin de préserver les entreprises de presse. Elle doit, à peine de
nullité, être précédée par l’enregistrement de l’acte (sauf si c’est un acte authentique).
Les créanciers, même chirographaires, peuvent faire opposition au paiement du prix afin qu’il
serve à les désintéresser. Elle doit être formée au domicile élu par acte extrajudiciaire ou par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les dix jours de la dernière des deux
publications (C. com., art. L. 141-14).
La sanction du défaut de publicité est dissuasive pour l’acquéreur. S’il paie le vendeur sans avoir
procédé aux formalités de publicité, il n’est pas libéré à l’égard des tiers (C. com., art. L. 141-17).
En d’autres termes, l’acquéreur s’expose à devoir rembourser les dettes du cédant.
a) Conditions de fond
Conditions tenant :
– au bailleur : une certaine méfiance à l’égard de l’opération a conduit le législateur à exiger une
certaine durée d’activité personnelle antérieure à la mise en location-gérance. En effet, « les
personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité
pendant deux années au moins le fonds ou l’établissement artisanal mis en gérance » (C. com.,
art. L. 144-3). Le non-respect de ce délai entraîne la nullité du contrat. Des exceptions existent
cependant (C. com., art. L. 144-4 et L. 144-5) ;
– au locataire-gérant : le locataire-gérant doit avoir la capacité de faire du commerce ou
disposer des qualifications artisanales requises.
– ne peut ni céder des droits ni sous-louer le fonds sans l’autorisation du bailleur, car le contrat
est conclu intuitu personae ;
– doit restituer le fonds en fin de location, sans pouvoir se prétendre titulaire d’un droit au renou-
vellement de son contrat.
Quant aux créanciers du locataire-gérant, leur situation diffère selon la date de naissance de leur
droit. S’agissant des dettes contractées avant la publication du contrat ou dans les six mois
suivant celle-ci, le loueur est solidairement tenu avec le locataire-gérant (C. com., art. L. 144-7).
S’agissant des dettes contractées plus de six mois après la publication du contrat, les créanciers ne
peuvent s’adresser qu’au locataire-gérant. Afin de solder la situation des intéressés, le Code de
commerce ajoute que « la fin de la location-gérance rend immédiatement exigibles les dettes affé-
rentes à l’exploitation du fonds [...] contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la
gérance » (C. com., art. L. 144-9).
■ Le nantissement conventionnel
Le nantissement est consenti par le propriétaire du fonds lorsque, par convention avec le créancier,
il l’affecte en garantie au profit de ce dernier. Une telle opération est fréquente en pratique, dès
lors que ce bien constitue la principale valeur dont dispose le commerçant. Le souci d’organiser
au mieux le régime de cette opération a conduit le législateur à doter le nantissement du fonds
de commerce d’un régime particulier – en partie distinct du régime de droit commun figurant au
dans le Code civil – se trouvant aux articles L. 142-1 et suivants du Code de commerce.
a) Constitution du nantissement
Le nantissement conventionnel du fonds de commerce résulte d’un contrat. Son efficacité suppose
donc la validité de ce dernier et des pouvoirs suffisants pour grever le fonds considéré (C. civ.,
art. 1424, al. 1).
Par dérogation au principe du consensualisme, le Code de commerce prévoit qu’il doit être « cons-
taté par un acte authentique ou par un acte sous seing privé, dûment enregistré » (C. com., art.
L. 142-3). Le nantissement de fonds de commerce est donc un contrat solennel qui doit être
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76 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
passé par écrit authentique ou sous signature privée, avant de faire l’objet, dans ce dernier cas,
d’un enregistrement aux services des impôts. Il doit même ensuite être publié sur un registre
public tenu au greffe du tribunal de commerce, à peine de nullité du nantissement, dans les
trente jours suivant la date de l’acte constitutif (C. com., art. L. 142-4).
b) Effets du nantissement
Le nantissement permet de garantir les droits du créancier nanti qui dispose, pour faire valoir sa
sûreté, d’un droit de préférence et d’un droit de suite. L’attribution au créancier nanti d’un droit
de préférence signifie que s’il n’est pas payé par le débiteur, il pourra l’être, par préférence aux
autres créanciers (sauf ceux qui bénéficient de droits plus forts que les siens), sur la valeur du
bien : le fonds sera vendu en justice et le prix de cette vente forcée reviendra au créancier nanti
de manière prioritaire.
■ Le nantissement judiciaire
Le nantissement du fonds de commerce peut aussi être obtenu par un créancier contre le gré du
propriétaire. Ainsi, « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter
du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans
commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvre-
ment. » (CPC exéc., art. L. 511-1).
Les textes, autorisant le créancier qui en remplit les conditions à constituer une « sûreté judiciaire
[...] à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et
valeurs mobilières » (CPC exéc., art. L. 531-1), permettent la constitution d’un nantissement judi-
ciaire du fonds de commerce contre le gré du commerçant.
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Chapitre
Le bail commercial 10
À l’issue d’une présentation générale du statut des baux commerciaux, on abordera successivement le champ
d’application du statut des baux commerciaux, la pérennité du bail commercial puis les droits et obligations
du preneur.
jurisprudence. Sont notamment réputées non-écrites (ce qui exclut toute prescription) les clauses
tenant en échec la durée minimale du bail et le droit au renouvellement.
Le contentieux des baux commerciaux est également soumis à deux règles spécifiques :
– d’une part, toutes les actions nées de l’application du statut des baux commerciaux se prescri-
vent par deux ans. C’est le cas par exemple de l’action en fixation et paiement de l’indemnité
d’éviction, mais aussi de l’action en requalification d’une convention en bail commercial ;
– d’autre part, l’application du statut des baux commerciaux relève de la compétence exclusive du
tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble. Le président de ce tribunal
connaît pour sa part des litiges de fixation du loyer (C. com., art. R. 145-23).
a) Un bail
Le statut ne s’applique qu’au bail, c’est-à-dire au contrat de louage tel qu’il est défini par
l’article 1709 du Code civil. Le louage se caractérise par la nature personnelle du droit du preneur :
c’est un droit de créance qui s’exerce contre son bailleur, et non un droit réel portant directement
sur la chose louée.
Le statut des baux commerciaux est donc inapplicable aux baux de longue durée conférant un
droit réel : bail emphytéotique (18 à 99 ans), bail à construction (18 à 99 ans), concession immobi-
lière (au moins 20 ans). N’est pas non plus concerné le crédit-bail immobilier, en raison de sa
nature hybride : ce contrat associe une location et une promesse unilatérale de vente, afin de
permettre le financement de l’acquisition de l’immeuble.
Le statut ne s’applique pleinement au bail que s’il a été conclu conformément aux règles strictes de
capacité et de pouvoir applicables au bailleur. Donner à bail commercial est en effet un acte de
disposition, en raison des restrictions que le statut fait subir au droit de propriété du bailleur. Par
exemple, le tuteur d’un mineur ou d’un incapable majeur ne peut consentir un bail commercial
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CHAPITRE 10 – Le bail commercial 79
qu’avec l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge des tutelles : un époux marié sous
le régime de la communauté ne peut donner à bail commercial un immeuble commun qu’avec
l’accord de son conjoint.
b) Un immeuble ou local à usage commercial
Le statut ne s’applique qu’aux immeubles bâtis ou aux locaux. Le terme « immeuble » ne désigne
pas la catégorie juridique du Code civil, mais la notion de bâtiment. Les notions d’immeuble et de
local coïncident comme le tout et la partie. L’un et l’autre doivent alors respecter deux caractères.
D’une part, l’immeuble ou local doit être fixe. Ce qui exclut les installations aisément démontables
comme un mobile home, un kiosque ou encore un chalet simplement posé sur le sol.
D’autre part, l’immeuble ou local doit être clos et couvert, de manière à permettre au preneur une
jouissance privative. Toutefois, la Cour de cassation a récemment étendu le statut aux emplace-
ments stables et permanents, par exemple pour exploiter un manège dans une galerie marchande
(Cass. 3e civ., 20 mars 2014, nº 13-24439 : Administrer juin 2014, p. 32, note Barbier J.-D.). En
outre, le bail d’un terrain nu est soumis au statut par anticipation si des constructions à usage
commercial ou artisanal sont érigées ou exploitées avec l’autorisation expresse du propriétaire
(C. com., art. L. 145-1, I, 2º).
c) L’exploitation d’un fonds par un commerçant ou artisan
L’application du statut des baux commerciaux suppose que le preneur ait la qualité de commer-
çant. Si l’article L. 145-1 du Code de commerce exige en outre l’immatriculation au RCS, cette
exigence ne conditionne que la revendication du statut et le seul droit au renouvellement.
Par extension, les artisans bénéficient également du statut, qui protège alors le fonds artisanal.
D’autres non-commerçants bénéficient également d’une extension légale du statut, accordé çà et
là par le législateur pour des considérations d’opportunité. C’est le cas par exemple pour les
établissements d’enseignement et les artistes (C. com., art. L. 145-2).
Le commerçant ou artisan doit en outre être lui-même propriétaire d’un fonds. Peu importe en
revanche qu’il l’exploite personnellement ou le donne en location-gérance, pourvu que le fonds
soit bien exploité dans les lieux loués (magasin ou agence recevant la clientèle, atelier de l’artisan,
usine de l’industriel...).
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80 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
Le statut ne s’applique pas en revanche aux locaux accessoires (tels que bureaux, cantines,
garages, hangars...), sauf si deux conditions sont remplies (C. com., art. L. 145-1, I, 1º) :
– la privation du local accessoire doit être de nature à compromettre l’exploitation du fonds ;
– le local accessoire doit appartenir au même propriétaire que le local principal. À défaut, il faut
que le bailleur du local accessoire ait eu connaissance de l’affectation de ce local à l’exploitation
du fonds dans le local principal.
a) Le bail dérogatoire
L’article L. 145-5 du Code de commerce autorise la conclusion d’un bail dérogatoire lors de
l’entrée dans les lieux du preneur. Il s’agit d’un véritable bail, qui remplit toutes les conditions
d’application du statut. Mais il échappe à l’application du statut si deux conditions sont remplies :
– la durée du bail n’excède pas 3 ans ;
– les parties dérogent expressément au statut.
Il est possible de renouveler le bail dérogatoire, à condition que la durée cumulée des baux succes-
sifs n’excède pas 3 ans. De même, cette durée ne peut pas être dépassée par le biais de la conclu-
sion d’un nouveau bail dérogatoire entre les mêmes parties et sur le même local. Le non-respect
du délai légal entraîne automatiquement la formation d’un nouveau bail de 9 ans soumis au
statut. Il en va de même en cas de maintien du preneur dans les lieux, sans opposition du bailleur
au plus tard un mois après l’expiration du délai légal.
■ Le droit au renouvellement
Le droit au renouvellement a été créé pour protéger le preneur contre la perte de son fonds en cas
de non-renouvellement du bail. Le preneur bénéficie plus exactement d’un droit alternatif :
– soit le renouvellement du bail ;
– soit le paiement d’une indemnité d’éviction.
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CHAPITRE 10 – Le bail commercial 83
Le bailleur peut toujours refuser le renouvellement, à charge cependant de payer une indemnité
d’éviction. Le choix entre les deux modes de réalisation du droit au renouvellement appartient
exclusivement au bailleur. Il peut en outre changer d’avis une fois en cours de procédure, en exer-
çant son droit d’option (C. com., art. L. 145-57) ou son droit de repentir (C. com., art. L. 145-58).
Pour sa part, le preneur peut renoncer au renouvellement et quitter les lieux, par exemple si le
loyer de renouvellement ne lui convient pas (droit d’option de l’article L. 145-57, C. com.).
Le droit au renouvellement suppose la réunion de plusieurs conditions, quel que soit le mode de
réalisation du droit au renouvellement. Il conviendra ensuite d’étudier tour à tour la mise en
œuvre du renouvellement du bail, puis le régime du refus de renouvellement.
a) Les conditions du droit au renouvellement
Outre les conditions d’application du statut, le preneur doit remplir des conditions supplémentaires
tenant à l’exploitation du fonds pendant les trois dernières années du bail et à son immatriculation
au RCS ou au répertoire des métiers.
En premier lieu, l’article L. 145-8 rappelle que le droit au renouvellement ne peut être invoqué que
par le propriétaire du fonds. Il poursuit en exigeant l’exploitation effective du fonds lors des trois
dernières années du bail. L’exploitation doit concerner le même fonds : cette condition n’est donc
pas remplie lorsque le preneur, par exemple à la suite d’une cession du seul bail, a créé un
nouveau fonds moins de 3 ans avant la fin de ce bail.
En second lieu, le preneur doit être immatriculé au RCS, s’il est commerçant, ou au répertoire des
métiers, s’il est artisan. Cette immatriculation n’est toutefois pas exigée lorsque le fonds fait l’objet
d’une location-gérance, car le propriétaire non-exploitant est dispensé d’immatriculation.
L’immatriculation s’entend du fonds, et non pas seulement de la personne de son propriétaire.
Ainsi, une entreprise succursaliste doit immatriculer chacun de ses établissements secondaires ou
complémentaires, dès lors qu’ils ne sont pas contigus.
Cette immatriculation est requise à deux dates clés cumulatives :
– la date de signification du congé ou de la demande de renouvellement, c’est-à-dire de l’acte qui
met fin au bail ;
– la date d’expiration du bail, qui est déterminée par l’acte mettant fin au bail.
Le défaut d’immatriculation est très sévèrement sanctionné : le bailleur peut à tout moment dénier
le droit au renouvellement et expulser le preneur, alors même que cette situation tiendrait à la
faute d’un tiers (ex. : une radiation opérée par erreur par le greffier).
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84 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
Par exception, le bailleur n’est tenu à aucune indemnité lorsque l’immeuble doit être démoli ou ne
peut plus être occupé sans danger. Il en va de même lorsque le bailleur justifie d’un motif grave et
légitime à l’encontre du preneur sortant (C. com., art. L. 145-17). Ce motif peut tenir à une faute
dans l’exécution du bail, mais aussi à la cessation de l’exploitation sans raison sérieuse et légitime.
Le bailleur ne peut s’en prévaloir que s’il a préalablement mis en demeure le preneur par un acte
d’huissier lui impartissant un délai d’un mois pour régulariser sa situation. Le juge conserve le
pouvoir d’apprécier la gravité du motif.
Qu’il offre ou non l’indemnité d’éviction, le bailleur qui veut refuser le renouvellement doit signi-
fier par huissier un congé avec un préavis de 6 mois. Le refus de renouvellement peut également
être signifié par huissier en réponse à une demande de renouvellement. Le preneur dispose dans
les deux cas d’un délai de 2 ans pour saisir le juge aux fins de fixation de l’indemnité d’éviction.
a) La déspécialisation
Tout locataire a l’obligation de jouir des lieux conformément à la destination que leur assigne le
bail (C. civ., art. 1728, 1º). Si elle est définie étroitement, elle peut empêcher le commerçant de
s’adapter aux évolutions économiques ou commerciales. C’est pourquoi le statut des baux
commerciaux prévoit deux mécanismes de modification de la destination, qui sont l’un et l’autre
d’ordre public.
En premier lieu, la déspécialisation simple (ou partielle) permet au preneur d’adjoindre des acti-
vités connexes ou complémentaires à la destination initiale (C. com., art. L. 145-47). Les juges du
fond apprécient ce lien en fonction des attentes de la clientèle et de l’évolution des usages
locaux. Le locataire doit préalablement informer le bailleur, qui dispose d’un délai de 2 mois pour
lui faire savoir s’il conteste ou non le caractère connexe ou complémentaire des activités envisa-
gées. Cette déspécialisation partielle peut également être autorisée directement par le tribunal de
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86 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
commerce arrêtant un plan de cession (C. com., art. L. 642-7), ce qui dispense le repreneur de
suivre la procédure de droit commun.
En second lieu, la déspécialisation plénière (ou totale) consiste pour le locataire à demander
l’autorisation d’exercer une ou plusieurs activités différentes de celles permises par le bail (C. com.,
art. L. 145-48). Cette faculté permet donc d’opérer un changement total d’activité, ou a fortiori
d’ajouter des activités non connexes ou complémentaires. Cette déspécialisation n’est cependant
pas de droit. D’une part, elle doit être justifiée par la conjoncture économique et par les nécessités
de l’organisation rationnelle de la distribution. D’autre part, elle ne doit pas être incompatible avec
la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier. Le bailleur
dispose ici d’un délai de 3 mois courant à compter de la demande de déspécialisation pour s’y
opposer. En cas de refus, le preneur peut demander l’autorisation au juge.
a) La fixation du loyer
En droit commun des contrats, le prix relève de la seule volonté des parties. Conformément à ce prin-
cipe, le loyer du bail commercial initial est librement déterminé par les parties, qui peuvent en outre
prévoir son indexation périodique en fonction d’un indice de référence (clause dite d’échelle mobile).
Toutefois, compte tenu de la durée du bail commercial et sa forte sensibilité au contexte écono-
mique, le législateur a prévu plusieurs mécanismes de réajustement du loyer par le président du
tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble :
– la révision du loyer peut être demandée en cours de bail, nonobstant toute clause contraire, et
ce dans deux hypothèses :
• la révision triennale peut être demandée une fois écoulé un délai de trois ans à compter de la
précédente fixation conventionnelle ou judiciaire du loyer (C. com., art. L. 145-38). La fixation
du loyer est doublement encadrée par un plancher et un plafond. D’un côté, le loyer révisé ne
peut être inférieur au loyer en cours, le cas échéant indexé, de l’autre, la variation du loyer
résultant de cette révision ne peut excéder la variation sur la même période de l’indice des
loyers commerciaux (ILC), si le preneur exerce une activité commerciale ou artisanale, ou de
l’indice des loyers d’activités tertiaires (ILAT), s’il exerce une activité tertiaire non commerciale.
Ce plafonnement ne peut être écarté que s’il est survenu sur la période de référence une
modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même
une variation de plus de 10 % de la valeur locative. En pareil cas, le loyer est fixé à la valeur
locative. Mais s’il s’ensuit une hausse du loyer, elle ne peut excéder 10 % par an, jusqu’à ce
que soit atteinte la valeur locative,
• si le bail comporte une clause d’échelle mobile, chaque partie peut demander la révision
lorsque le loyer a augmenté ou diminué de plus d’un quart par l’effet de la clause d’indexa-
tion depuis sa précédente fixation contractuelle ou judiciaire (C. com., art. L. 145-39). Le prin-
cipe est cette fois la fixation du loyer à la valeur locative, sans aucun plafond ni plancher. La
valeur locative est définie à partir de 5 critères (C. com., art. L. 145-33) : les caractéristiques
des lieux loués, leur destination, les obligations des parties, les facteurs locaux de commercia-
lité, et surtout les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Là encore, si la révision
conduit à une hausse de loyer, elle est lissée à concurrence de 10 % par an ;
– le juge peut fixer le loyer du bail renouvelé lorsque les parties s’accordent sur le principe du
renouvellement, mais pas sur son prix. Le loyer de renouvellement est en principe fixé à la
valeur locative, même si elle est inférieure au loyer en cours (pas de plancher ici). En revanche,
le preneur est protégé par la règle du plafonnement : le loyer de renouvellement ne peut
excéder le montant du loyer initial du bail précédent, actualisé par la variation de l’ILC ou de
l’ILAT au cours du bail écoulé (C. com., art. L. 145-34). Ce plafonnement ne concerne pas
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CHAPITRE 10 – Le bail commercial 89
certains baux commerciaux, tantôt en raison de leur longue durée (bail de plus de 9 ans, bail de
9 ans excédant 12 ans par le jeu de la tacite prolongation), tantôt en raison de la nature particu-
lière des locaux (bureaux, terrains nus, locaux monovalents aménagés pour une seule utilisa-
tion). En toute hypothèse, le bailleur peut obtenir le déplafonnement en cas de modification
notable de l’un des quatre premiers éléments de la valeur locative (caractéristiques des lieux
loués, destination des lieux, facteurs locaux de commercialité, obligations des parties). Mais
dans ce dernier cas, de même que lorsque c’est la durée convenue qui justifie le déplafonne-
ment, la hausse de loyer ne peut excéder pour une année 10 % du loyer de l’année précédente.
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déplafonnement si des caractéristiques des lieux loués (si
modification matérielle des favorable au preneur)
facteurs locaux de ou de la destination
commercialité ayant entraîné ou des obligations des parties
une variation de plus de ou des facteurs locaux de commercialité
10 % de la valeur locative : (si favorable au preneur)
– fixation à la valeur locative Lissage de la hausse de loyer à 10 % par
– mais lissage de la hausse de an dans deux cas de déplafonnement :
loyer à 10 % par an – modification notable d’un élément de la
valeur locative
– durée contractuelle du bail supérieure à
9 ans
entre le bailleur et le locataire (C. com., art. L. 145-40-2). Les charges imputées au locataire ne
peuvent plus comprendre (C. com., art. R. 145-35) :
– les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ainsi
que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux. Les grosses réparations
sont celles qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale, comme la couver-
ture, les murs ou les fondations. La même limite s’applique aux travaux ayant pour objet de
remédier à la vétusté ou de mettre en conformité les locaux avec la réglementation ;
– les taxes incombant légalement au bailleur, à l’exception toutefois de la taxe foncière et des
impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le loca-
taire bénéficie directement ou indirectement (comme la taxe d’enlèvement des ordures
ménagères) ;
– les honoraires liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail, géné-
ralement payés à un administrateur de biens ;
– sur la base de cet inventaire, le bailleur doit ensuite établir tous les ans un état récapitulatif des
charges. Le preneur peut en outre obtenir communication des justificatifs.
Dans les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires (centres commerciaux, tours de
bureaux...), le contrat de location doit préciser la répartition des charges ou du coût des travaux
entre les différents locataires occupant cet ensemble. La répartition des charges est fonction de la
surface exploitée, et ne peut conduire à faire supporter par un locataire les charges d’un autre
locataire ou d’un local vacant.
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PARTIE
La justice commerciale 4
Nous étudierons successivement l’attribution légale de compétence, puis les aménagements conventionnels.
■ La compétence territoriale
Par application des règles des articles 42 à 48 du Code de procédure civile, le litige doit être porté
devant la juridiction du défendeur. L’article 43 du Code de procédure civile précise que « le lieu où
demeure le défendeur s’entend :
– s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence ;
– s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie ».
Un certain nombre de règles dérogatoires au droit commun existent. Ainsi, l’article 46 du Code de
procédure civile prévoit une option au profit du demandeur dans certains cas :
– en matière contractuelle, le demandeur peut saisir – outre la juridiction du lieu où demeure le
défendeur – la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou celle du lieu de l’exécu-
tion de la prestation de service ;
– en matière délictuelle, il pourra encore saisir, s’il le souhaite, la juridiction du lieu du fait
dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
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CHAPITRE 11 – Les tribunaux de commerce 97
1 Le recours à l’arbitrage
D’après l’article 1442 du Code de procédure civile, « La convention d’arbitrage prend la forme
d’une clause compromissoire ou d’un compromis ». Le premier type de convention est sans doute
le plus fréquent, car la convention est alors convenue entre les parties avant qu’un litige ne les
oppose. D’après l’article 1442, alinéa 2 du Code précité, « La clause compromissoire est la conven-
tion par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les
litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats ».
Il faut distinguer cette clause compromissoire du compromis d’arbitrage, conclu après la naissance
du litige : « Le compromis est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-
ci à l’arbitrage » (CPC, art. 1442, al. 3).
Avant le décret du 13 janvier 2011, la clause compromissoire devait, à peine de nullité, « soit dési-
gner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation » (CPC, ancien art. 1443).
L’idée était qu’il fallait éviter de prévoir des conventions d’arbitrage « blanches », qui ne permet-
traient pas de composer le tribunal arbitral en cas de désaccord entre les parties. Le législateur a
cependant écarté cette exigence : en cas de désaccord entre les parties, il suffit en effet de
permettre la désignation du ou des arbitres manquants par un tiers – qui sera soit la personne
chargée par les parties d’organiser l’arbitrage (ex. : la Cour internationale d’arbitrage de la
Chambre de commerce internationale), soit le juge d’appui (CPC, nouvel art. 1444).
La particularité du compromis d’arbitrage – intervenant après la naissance du litige – a conduit le
législateur à ajouter une condition de validité supplémentaire pour ce qui le concerne.
L’article 1443 du Code de procédure civile énonce ainsi que, « à peine de nullité, le compromis
détermine l’objet du litige » – règle qui ne peut naturellement s’appliquer à la clause compromis-
soire pour laquelle, par hypothèse, il n’y a pas encore de litige. À l’inverse, une règle particulière
concerne la clause compromissoire. En effet, afin d’éviter que l’éventuelle nullité de cette clause
ne se propage à l’ensemble du contrat – solution en perspective de laquelle les parties pourraient
hésiter à introduire une telle stipulation contractuelle –, le législateur a précisé que « lorsqu’elle est
nulle, la clause compromissoire est réputée non-écrite » (CPC, art. 1447, al. 2). Ainsi, le contrat
survit expurgé de la clause litigieuse.
Le décret du 13 janvier 2011 a consacré une solution jurisprudentielle assurant la pleine efficacité
des conventions d’arbitrage, à savoir l’« indépendance » de ces conventions à l’égard des droits
qu’elles concernent. La clause d’arbitrage est indépendante du contrat qu’elle concerne. L’anéanti-
ssement du contrat qui la contient est sans effet sur la validité de la clause d’arbitrage.
■ Arbitrabilité du litige
Les articles 2061 du Code civil et L. 721-3 du Code de commerce prévoient les hypothèses où des
parties peuvent soumettre leur litige à l’arbitrage. Ces deux articles ont un champ d’application
distinct.
Aux termes de l’article 2061 du Code civil, modifié par la loi NRE du 15 mai 2001, puis la loi J21
du 18 novembre 2016 : « La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle
on l’oppose, à moins que celle-ci n’ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l’a initiale-
ment acceptée.
Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause
ne peut lui être opposée ».
Il n’est désormais plus nécessaire pour la validité de la clause qu’elle ait été insérée dans un
contrat « concl[u] à raison d’une activité professionnelle ». Il devient possible de stipuler une
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CHAPITRE 12 – L’arbitrage en matière commerciale 101
conjointement par les parties, soit par la partie la plus diligente » (CPC, art. 1462). Dès lors que
des difficultés peuvent survenir à cette occasion, le législateur a prévu la possibilité de recourir à
un juge d’appui qui pourra résoudre de telles difficultés.
Ce juge d’appui pouvait intervenir en cas de désaccord relatif à la désignation des arbitres. Mais
l’article 1454 du Code de procédure civile va encore plus loin en précisant que « tout autre diffé-
rend lié à la constitution du tribunal arbitral est réglé, faute d’accord des parties, par la personne
chargée d’organiser l’arbitrage ou, à défaut, tranché par le juge d’appui ». C’est dire l’importance
de ce juge. Concrètement, ce juge d’appui sera le président du tribunal de grande instance (CPC,
art. 1459, al. 1), sauf si les parties ont désigné conventionnellement le président du tribunal de
commerce (CPC, art. 1459, al. 2).
3 La compétence du tribunal
Le tribunal arbitral ayant vocation à remplacer les juridictions étatiques, il est donc logique que
seul le tribunal arbitral composé soit compétent pour trancher le litige considéré, et non celles-ci.
L’article 1458, alinéas 1 et 2 du Code de procédure civile prévoit ainsi logiquement que « lorsqu’un
litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se
déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbi-
trage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’État ne peut
relever d’office son incompétence ».
Les parties ne pourraient pas écarter une telle disposition, dès lors que l’alinéa 3 du texte précise
que « toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite ». Le juge interne doit
attendre que la sentence arbitrale soit éventuellement portée à sa connaissance dans le cadre
d’un recours en annulation, d’un appel ou d’une demande d’exequatur.
5 La sentence arbitrale
Après des délibérations secrètes (CPC, art. 1479), les arbitres rendent, à la majorité des voix, une
sentence arbitrale (CPC, art. 1480, al. 1). Il faut que cette sentence soit signée par tous les arbitres
(CPC, art. 1480, al. 2). Elle doit exposer « succinctement les prétentions respectives des parties et
leurs moyens [et être] motivée » (CPC, art. 1482). Elle doit encore nécessairement contenir
« l’indication :
1º Des noms, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
2º Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les
parties ;
3º Du nom des arbitres qui l’ont rendue ;
4º De sa date ;
5º Du lieu où la sentence a été rendue » (CPC, art. 1481).
Une règle remarquable permet aux parties de confier à l’arbitre la mission de statuer sans appli-
quer les règles de droit : « le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit, à
moins que les parties lui aient confié la mission de statuer en amiable composition » (CPC,
art. 1474). Dans ce cas, l’arbitre peut ne pas appliquer les règles de droit pour rendre sa décision :
il rend la solution qu’il estime la plus adaptée à la situation et peut statuer en pure équité. S’il
décide d’appliquer les règles de droit lorsqu’il a pour mission de statuer en amiable compositeur,
il ne peut cependant se contenter d’appliquer ces règles : il doit encore, d’après la jurisprudence,
expliquer en quoi ces règles rendent équitable la solution posée.
La décision rendue a l’autorité de la chose jugée (CPC, art. 1484), ce qui signifie qu’on ne pourra
plus refaire un procès sur les prétentions tranchées par les arbitres. Depuis le décret du 13 janvier
2011, il est prévu que la sentence est « notifiée par voie de signification à moins que les parties en
conviennent autrement » (ce qui signifie que les parties peuvent désormais prévoir une notification
de la sentence, par exemple, par simple lettre avec accusé de réception).
Si la partie qui gagne le procès arbitral peut réclamer l’exécution forcée de cette décision, elle
devra toutefois, pour ce faire, solliciter en principe l’exequatur de la décision. En effet, « la
sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une ordonnance d’exequatur
émanant du tribunal de grande instance dans le ressort duquel cette sentence a été rendue »
(CPC, art. 1487). L’idée est en effet que cette procédure permette un certain contrôle de la déci-
sion. En effet, les textes prévoient que « l’exequatur ne peut être accordé si la sentence est mani-
festement contraire à l’ordre public » (CPC, art. 1488, al. 1).
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104 L’ESSENTIEL DU DROIT COMMERCIAL ET DES AFFAIRES
– BERT (D.) et PLANCKEEL (F.), Cours de Droit commercial et des affaires, 3e éd., 2017, Gualino
éditeur, coll. Amphi LMD.
– HOUTCIEFF (D.), Droit commercial : actes de commerce, commerçants, fonds de commerce,
instruments de paiement et de crédit, 4e éd., 2016, Sirey université.
– JULIEN (J.), Droit commercial, 2e éd., 2015, LGDJ-Lextenso, coll. Cours.
– LE GALL (J.-P.) ET RUELLAN (C.), Droit commercial : notions générales, 16e éd., 2014, Dalloz,
coll. Mémentos.
– LEGEAIS (D.), Droit commercial et des affaires, 23e éd., 2016, Sirey.
– MESTRE (dir.), Droit commercial. Activité commerciale et structures d’entreprise (Commer-
çants, sociétés et autres groupements), 2016, LGDJ.
– PÉDAMON (M.) ET KENFACK (H.), Droit commercial : commerçants et fonds de commerce,
concurrence et contrats du commerce, 4e éd., 2015, Dalloz, Précis.
– PIEDELIEVRE (S.), Droit commercial : actes de commerce, commerçants, fonds de commerce,
concurrence, consommation, 10e éd., 2015, Dalloz, coll. Cours.
– PETIT (B.), Droit commercial, 6e éd., 2016, LexisNexis, coll. Objectif Droit.
– NOURISSAT (C.), REINHARD (Y.) ET THOMASSER-PIERRE (S.), Droit commercial : actes de commerce,
commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, 8e éd., 2012, LexisNexis,
coll. Manuel.
– VOGEL (L.), Traité de Droit commercial. Tome 1, vol. 1. Du droit commercial au droit écono-
mique, 20e éd., 2016, LGDJ-Lextenso.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889432192:88842093:196.200.176.177:1591
Les 1re
2017 1re édition Les
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Droit
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que le lecteur doit avoir sur cette matière. 12 Chapitres. Tout y est ! .........
Réviser et faire Daniel Bert
L’essentiel
un point actualisé
Droit
non-commerçants
professionnelle métiers du notariat. - L es obligations du commerçant
Frédéric Planckeel est Maître de conférences à l’Uni- - L es incidences de la situation
versité Lille 2 Droit et Santé, Directeur du Master 2 familiale et personnelle du
Droit des assurances et Avocat au Barreau de Lille. commerçant
L’essentiel du Droit
- L e patrimoine du commerçant
commercial et
- L es auxiliaires du commerçant
- L es professionnels non-
Public commerçants
Le fonds de commerce
- Étudiants en Licence et Master Droit - L es éléments composant le fonds
des affaires
- Étudiants en Licence et Master AES de commerce
et Sciences économiques - L es contrats portant sur le fonds
- Étudiants des Écoles de commerce de commerce
- L e bail commercial
et de gestion
La justice commerciale
- Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
- L es tribunaux de commerce
- L ’arbitrage en matière commerciale
2017 2018
F. Planckeel
D. Bert
Prix : 12,50 e
ISBN 978-2-297-05388-4
www.lextenso-editions.fr