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Résumé

Les analyses classiques de la croissance : division du travail, rente et état


stationnaire
Selon la théorie micro-économique la production est fonction du travail (L), du capital
(K) et de l'état de la technologie, disons des connaissances (C) : Y= f (L, K, C)
En dynamique, le taux de croissance de la production est fonction des taux de croissance des
𝑫𝒀 𝑫𝑳 𝑫𝑲 𝑫𝑪
facteurs utilisés : φ = = 𝒇( , , )
𝒀 𝑳 𝑲 𝑪

On obtient une première explication très simple de la croissance économique, mais il nous faut
maintenant expliquer la croissance des facteurs de production. Les trois facteurs de production
ont des caractéristiques différentes, qu'il faut bien comprendre pour saisir la nature de notre
explication de la croissance.
Les théories classiques de la croissance sont plutôt pessimistes. Ricardo, Malthus ou encore
Mill estiment qu’à long terme l’économie va atteindre un état stationnaire : la croissance va
ralentir, pour finalement atteindre zéro.

Le concept d'état stationnaire renvoie à la possibilité pour un système économique à atteindre,


sur le long terme, un équilibre qui ne permette ni croissance, ni décroissance. En
macroéconomie, le PIB est défini comme Y= A*F (L, K, H, N), où le PIB (Y) est égal aux
connaissances techniques (A), qui elles-mêmes sont fonction (F) de la quantité de travail (L),
du capital (K), du capital humain (H) et des ressources naturelles (N).

En théorisant sur l'évolution de cette variable dans le temps, des modèles économiques sont
arrivés à la conclusion que le niveau de croissance économique ou de « création de valeur »
allait finir par stagner.

A cet état stationnaire, la production n’augmente plus car au fur et à mesure de l'accumulation
du capital, la productivité diminue, cette accumulation devient de moins en moins rentable et
doit donc cesser tôt ou tard. La croissance doit donc s’arrêter.

Vision de Karl Marx

Karl Marx propose une relecture critique du modèle de Ricardo. Dans le premier volume du
Capital, publié en 1867, il indique que le mode de production capitaliste repose sur une logique
d’accumulation, et donc de croissance. Selon lui, les capitalistes cherchent à accumuler une «
plus-value », qu’ils obtiennent en exploitant les travailleurs, puisque le travail est seul créateur
de richesse. Cette plus-value permet l’accumulation de capital qui, à son tour, doit favoriser

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l’exploitation des travailleurs. Dans l’optique d’augmenter la plus-value, les capitalistes doivent
chercher à augmenter la productivité, ce qui est rendu possible par l’augmentation du capital
mobilisé pour produire. Cependant, cette augmentation de la part du capital dans la production
diminue à long terme les possibilités de plus-value et crée des crises de surproduction. Selon
Marx, la dynamique du capitalisme est alors marquée par la survenue régulière de crises,
jusqu’à ce qu’éclate celle qui mettra fin au capitalisme.

Analyses schumpéterienne et néo-schumpéterienne


Schumpeter place l’innovation au cœur des explications de la croissance économique.
L'innovation correspond à l'application économique d'une invention. Cette innovation peut
prendre différentes formes, dont les deux principales sont l’innovation de produit et celle de
procédés. Cette innovation est introduite par un « entrepreneur », qui renvoie à un type
spécifique de personnalité. Pour Joseph Schumpeter, le rôle des entrepreneurs est de concevoir
des produits nouveaux pour entraîner une véritable révolution sur le marché de par le côté
pratique et performant du bien, permettant ainsi à l’entrepreneur de capter la demande
initialement adressée à ses concurrents. C’est par l’innovation que l’entrepreneur s’accapare
des parts de marché, ce qui lui permet de bénéficier par la suite d’un fort pouvoir de marché.
L’entrepreneur visionnaire permet à son entreprise de prospérer au détriment des autres
entreprises ne possédant pas les technologies nécessaires à la réalisation de l’innovation.
L’économie suit alors un processus de destruction créatrice. Le processus de destruction
créatrice grâce aux innovations assurent le renouvellement permanent des structures de
production. Les nouvelles innovations entraînent l’obsolescence et la disparition des anciennes
innovations : anciens produits ou objets de consommation, anciennes sources d’énergie ou de
matière première, anciennes méthodes de production, anciens marchés, et anciens types
d'organisation industrielle. Les innovations nouvelles réduisent la rentabilité des innovations
anciennes et confèrent aux entrepreneurs une nouvelle situation de monopole qui leurs assure
des profits importants. Destructions et créations vont ainsi de paire et engendrent la croissance
et les transformations de l’activité économique.
Si l’on observe aujourd’hui le processus d’innovations, il est possible de noter que le progrès
technique s’est très nettement accéléré. Le processus de destruction créatrice s’accélère avec
l’augmentation de l’intensité de la concurrence, par exemple celle au niveau international. Les
délais aujourd’hui dans le processus d’innovation se réduisent de plus en plus obligeant les
entreprises qui souhaitent conserver une avance sur leurs concurrents à investir en permanence
dans la recherche et le développement. Les dépenses de recherches et de développement ont

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pris un caractère institutionnel dans la plupart des grandes entreprises, ce qui inquiète d’ailleurs
Schumpeter sur leur caractère de plus en plus routinier. Ce processus favorise aussi l’émergence
d’une incertitude importante. Rien ne garantit aux entreprises qui innovent qu’elles en tireront
forcément un avantage dans le futur, certains choix peuvent conduire au succès et d’autres à
l’échec.

Le processus de destruction créatrice à l’origine des cycles économiques


Le processus de destruction créatrice engendre un comportement cyclique de l’activité
économique et des transformations des structures de production et des structures de l’emploi
liées aux changements technologiques. Comme l’affirme Schumpeter : « Ce processus de
mutation industrielle imprime l'élan fondamental qui donne leur ton général aux affaires :
pendant que ces nouveautés sont mises en train, la dépense est facile et la prospérité est
prédominante - […] - mais, en même temps que ces réalisations s'achèvent et que leurs fruits
se mettent à affluer, l'on assiste à l'élimination des éléments périmés de la structure économique
et la ‘dépression’ est prédominante. » (Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942).

▪ La destruction créatrice conduit dans un premier temps à la « dépression »


Les innovations conduisent à rendre obsolètes les générations précédentes d’innovations. Dans
un premier temps, la destruction créatrice engendre ainsi un processus de reconversions et de
disparitions des activités économiques en place s’appuyant sur d’anciennes innovations.
Cette phase de recul (cf. la fiche sur les cycles économiques chez Schumpeter) s’accompagne
d’une disparition des emplois concernés. La difficulté réside dans le fait que les emplois détruits
sont souvent ceux qui sont peu qualifiés.
Schumpeter met en évidence que cette phase de destruction s’accompagne très souvent par du
chômage. Il souhaite même que les activités en déclin et les emplois perdus puissent
s’accompagner de mesures visant à réduire les impacts négatifs du processus de destruction
créatrice. Ainsi pour lui, « il existe d'excellentes raisons pour essayer d'éviter qu'elles ne
s'effondrent d'un seul coup et pour tenter de convertir une déroute (susceptible de devenir un
centre de dépression à effets cumulatifs) en une retraite ordonnée » (Capitalisme, socialisme et
démocratie, 1942). On peut envisager ici des politiques d’accompagnement des pouvoirs
publics dans les processus de restructuration industrielle.

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▪ La destruction créatrice conduit aussi à la création de nouvelles activités
économiques
Au moment où se détruisent les anciennes formes de production, phase de « dépression », les
nouvelles innovations font émerger les sources de profits futurs. Le processus de destruction
créatrice intervient dans la phase de recul de l’activité économique et commence à produire ses
fruits dans la phase suivante d’expansion. Si, dans un premier temps, la destruction des activités
anciennes est plus forte que la création d’activités nouvelles, elle conduit à la « dépression »
(point d’inflexion B) ; le mouvement commence à s’inverser au moment du début de la phase
d’expansion (point d’inflexion A) quand les créations sont plus fortes que les destructions.

L’essentiel
Pour Schumpeter, le processus de destruction créatrice est au cœur de l’évolution du mode de
production capitaliste. Les innovations nouvelles qui remplacent les anciennes en constituent
le moteur principal. Ce processus perçu à juste titre comme étant négatif dans un premier temps,
n’en demeure pas moins la source des profits futurs des nouvelles activités économiques.

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La croissance sur le « fil du rasoir » : les modèles keynésiens de Roy Harrod et
Evsey Domar
Le modèle Harrod-Domar adapte la Théorie générale de Keynes. Alors que cette dernière porte
sur le court terme, le modèle vise à l'adapter au long terme. Le modèle de Harrod-Domar fait
ressortir le caractère instable de la croissance économique (voir croissance déséquilibrée), et la
nécessité de l'intervention étatique. Dans le modèle Harrod-Domar, rien ne garantit qu'une
économie soit sur un sentier de croissance stable 1.
Le modèle Harrod-Domar est à la fois un modèle de croissance exogène et endogène. Le modèle
rend en effet compte de deux taux de croissance : celui (exogène)basé sur le taux de croissance
démographique, et l'autre (endogène) basé sur l'épargne et le ratio capital-production.
Ces économistes ont établi dans leurs modèles deux principales sources de la croissance :
l'accumulation du capital et le progrès technique que des chercheurs ont cherché par la suite à
endogénéiser.

✓ Modèle de Domar
Le modèle de Domar vise à déterminer formellement les conditions qui doivent être remplies
pour que la croissance d'un système économique soit équilibrée. Pour Domar, l'investissement
a un double effet : sur le court terme, il augmente la demande globale (car l'investissement, c'est
en partie une demande de biens de production) ; sur le long terme, l'investissement stimule
l'offre (car l'investissement, c'est aussi l'accroissement des capacités de production).
En cela, Domar va plus loin que John Maynard Keynes, qui négligeait volontairement et
explicitement ce second effet. Keynes, en effet, situait son analyse sur le court terme. Or, sur le
court terme, l'investissement n'exerce un effet que sur la demande, via le multiplicateur
d'investissement, selon lequel une dépense génère un investissement plus important encore.
Domar se charge donc de prolonger l'analyse keynésienne des effets d'investissement sur le
temps long. Sa problématique est la suivante : à quelle condition l'accroissement du revenu est-
il compatible avec l'augmentation des capacités de production ? Autrement dit, il veut
déterminer les conditions qui permettent à l'augmentation de la demande d'être suffisante par
rapport à l'augmentation de l'offre que suscite l'investissement.

1
Virginie Monvoisin, Éric Berr, Jean-François Ponsot et James K.. Galbraith, L'économie post-keynésienne :
histoire, théories et politiques, dl 2018 (ISBN 978-2-02-137788-0 et 2-02-137788-1, OCLC 1056851742, lire en
ligne [archive])

5
o Formalisation des conditions de la croissance d'équilibre
Domar commence par formaliser mathématiquement la demande. Selon lui, la demande doit
être analysée à travers le multiplicateur d'investissement keynésien : la demande est un
investissement qui génère un investissement plus grand par la suite. La variation de la quantité
de demande (ΔQd ) est donc égale au multiplicateur d'investissement multiplié par la variation
de l'investissement :
ΔQd = m. ΔI (1)
Le multiplicateur d'investissement m est lui-même égal à :
1
m= 1−𝑐

Où c est la propension à consommer. En effet, ce qui n'est pas consommé est épargné, et
l'épargne permet la consommation/investissement. Si on note s la propension à épargner, on a,
par définition, c+s=1 (consommation + épargne = 100 % du revenu). Par conséquent, (1) peut
également s'écrire :
ΔI
ΔQd = 𝑠
(2)

Il faut toutefois aussi prendre en compte l'effet de l'investissement sur le long terme, c'est-à-
dire sur l'offre. C'est là que Domar va plus loin que Keynes. En effet, l'investissement permet
aux entreprises d'augmenter leurs capacités de production, et donc, l'offre. L'augmentation de
la quantité de l'offre (ΔQs) est alors égale à :
𝐼
ΔQs = (3)
𝑘

Où k est le coefficient de capital, qui correspond à l'inverse de la productivité du capital. Domar


présuppose, en effet, que la productivité du capital (Y/K) est constante : chaque unité de capital
supplémentaire engendre la même croissance supplémentaire.
Comment une croissance peut-elle être équilibrée ? Il est nécessaire, pour y aboutir, que l'offre
soit égale à la demande, c'est-à-dire que l'augmentation de la demande soit égale à
l'augmentation de l'offre. Il faut par conséquent que ΔQd = ΔQs. En arrangeant (2) et (3), on
trouve que :
ΔI 𝑠
𝐼
= 𝑘 (4)

Or, en regardant (2) et (3), on constate une forte asymétrie : si l'offre est proportionnelle à
l'investissement, l'effet de l'investissement sur la demande est proportionnel à la variation de
l'investissement. Rien ne vient donc garantir que la croissance de la demande soit suffisante
pour valider la croissance de l'offre. La croissance n'est par conséquent pas nécessairement
équilibrée.

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Dès lors qu'on postule, comme le fait Domar, que le coefficient de capital k est constant, le taux
ΔI
de croissance de l'investissement est égal au taux de croissance ( = 𝑔).
𝐼

L'équation (4) signifie donc que pour que la croissance soit équilibrée, il faut que le taux de
croissance soit toujours égal au rapport s/k. C'est là que se trouve l'origine du déséquilibre : la
propension à épargner s, le coefficient de capital k et le taux de croissance de la production g
sont indépendants les uns des autres. Il n'y a donc aucune raison pour que le taux de croissance
permettant une croissance équilibrée se réalise.

Conclusions de Domar
À partir de cette démonstration, Domar distingue deux situations :
o Dans le cas où l'augmentation de la demande est supérieure à l'augmentation de l'offre,
c'est-à-dire si la croissance est supérieure à l'épargne divisée par le coefficient du capital
(g>s/k), alors le déséquilibre engendrera de l'inflation.
o Dans le cas où l'augmentation de la demande est insuffisante par rapport à celle de
l'offre, c'est-à-dire si g<s/k, alors le déséquilibre engendrera une récession
déflationniste.
Autrement dit, si l'on part d'un niveau d'équilibre (plein emploi, pas de chômage), dans le cas
où l'investissement croît à un taux inférieur à s/k, alors les capacités de production augmenteront
plus que la demande ; cela génère du chômage et de la déflation. Domar, marqué par la Grande
Dépression, considère cette possibilité comme la plus probable. Elle lui semble d'autant plus
plausible que selon la Théorie générale, la propension à épargner doit croître avec
l'accroissement des revenus.
Domar retrouve ainsi, en longue période, les conclusions que Keynes formulait pour la courte
période : l'équilibre de sous-emploi est le plus probable dans une économie de marché.
L'augmentation de l'investissement ne suffit pas, la plupart du temps, à générer une demande
suffisante face aux capacités de production supplémentaires qu'elle induit ; le chômage en est
la conséquence.
Dès lors, conclut Domar, il est nécessaire d'accorder à l'État un rôle essentiel de régulateur de
la demande globale. En effet, l'équation (1) est valable pour toute dépense autonome : l'État
peut ainsi stimuler la demande, sans augmenter l'investissement et donc sans accroître les
capacités d'offre, restaurant ainsi l'équilibre de plein emploi. De même, l'État peut modifier, par
sa politique fiscale notamment, la répartition des revenus de manière à accroître les revenus des

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plus pauvres, qui épargnent également le moins et consomment le plus, au détriment des plus
riches. Cela a pour effet de diminuer la propension à épargner de l'économie, s. Par suite, le
ratio s/k baisse : le taux de croissance de l'investissement nécessaire au maintien du plein emploi
chute conséquemment.
Ce modèle reste limité au sens où il n'est pas un modèle réellement dynamique. En particulier,
il n'incorpore aucune fonction d'investissement. Il ne fait que transposer deux conditions
d'équilibre de courte période sur la longue période. Le modèle de Harrod, en incorporant une
fonction d'investissement rudimentaire, dépasse en partie cette limitation, même si ses
conclusions sont proches.

Modèle de Harrod
Harrod propose, concomitamment, un modèle complémentaire qui s'articule autour d'une
meilleure conceptualisation du taux de croissance. Harrod articule en effet trois taux de
croissance différents :
o Le taux de croissance garanti noté gw. Il correspond au taux de croissance qui permet
l'équilibre sur le marché des biens sur la longue période, c'est-à-dire celui où les
décisions d'épargne des ménages sont égales aux décisions d'investissement des
entreprises ex ante sur le long terme, permettant ainsi aux investissements désirés par
les entrepreneurs d'être réalisés.
o Le taux de croissance réalisé, c'est-à-dire le taux de croissance effectif de l'économie.
Rien ne garantit qu'il soit toujours équilibré.
o Le taux de croissance naturel déterminé par l'accroissement de la population active,
supposé exogène à l'économie, et de la productivité du travail.
À partir de ces concepts, Harrod se demande, comme Domar avant lui, quelles conditions
doivent être réunies pour que le taux de croissance réalisé soit égal aux taux de croissance
garanti, c'est-à-dire comment la croissance peut arriver à être équilibrée, à emprunter un sentier
de croissance stable. Comment l'épargne peut-il être égal à l'investissement ?
D'autre part, le taux de croissance garanti est-il compatible avec le taux de croissance naturel ?
Autrement dit, le taux de croissance d'équilibre de l'économie est-il suffisant pour que
l'augmentation de la population active ne débouche pas sur une augmentation du chômage ?

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Formalisation des conditions de la croissance d'équilibre
Harrod part des formalisations de Keynes pour créer son modèle. Il pose donc d'emblée que
l'épargne (S) est proportionnelle au revenu (Y). Le revenu global de l'économie est distribué
aux agents économiques, qui en épargnent une partie :

S=sY (1)
Où s est la propension à épargner, comprise entre 0 et 1. Ce qui n'est pas épargné est dépensé
(c+s=1).
Harrod suppose également que l'investissement (I) est proportionnel aux variations du revenu.
Il ne fait ici qu'appliquer le principe de l'accélérateur d'investissement, selon lequel il existe un
effet d'entraînement entre la croissance de la demande et l'investissement : une augmentation
du revenu permet une augmentation de la demande, qui entraîne l'investissement. Si
l'investissement est proportionnel aux variations du revenu, alors on peut l'écrire :
On peut l'écrire :
I=k. ΔY (2)
Où k est le coefficient de capital, égal à K/Y, c'est-à-dire le rapport entre le capital disponible
et la production qu'il permet de mettre en œuvre. Il s'agit d'une mesure de la capacité du capital
à générer du revenu.
L'équilibre, pour un système économique, est une situation où I=S. On peut décomposer une
telle situation ainsi, en créant une égalité entre (1) et (2) :
S=sY=I=k.ΔY (3)
Or, une simplification mathématique donne comme équivalent :
sY=k.ΔY (4)
Ce qui donne en réarrangeant (4) :

𝛥𝑌 𝑠
𝑌
=gw = 𝑘 (5)

Pour atteindre le taux de croissance garanti (c'est-à-dire le taux de croissance d'équilibre), il est
donc nécessaire que le rapport s/k soit égal à la variation du revenu divisé par le revenu. Or, il
n'y a pas de raison pour que le taux de croissance réalisé, qui dépend de décisions individuelles,
respecte ce ratio. Ce ratio, en effet, dépend de la propension à épargner et du coefficient de
capital de l'économie, qui dépendent des structures de l'économie, de la conjoncture, ...

9
Formalisation du rapport à la croissance de la population active
Harrod cherche à élucider le rapport entre la croissance garantie et la croissance de la population
active, qui rebat les cartes de la croissance.
Il note gn le taux de croissance de la population active. Il pose que celui-ci est exogène à
l'économie : il ne dépend que de la croissance de la population, qui n'est pas influencée par les
phénomènes économiques. Pour que le taux de chômage reste stable, il faut que la population
active augmente au même rythme que le taux de croissance garanti : gn = gw. Pour que la
croissance soit équilibrée et sans chômage, on doit donc avoir :

𝑠
gn =𝑘 (6)

Or, il n'y a aucune raison pour que cette dernière égalité soit réalisée : les trois variables gn, s et
k sont toutes indépendantes les unes des autres. Par conséquent, pour Harrod, la croissance est
fondamentalement instable et porteuse de chômage.

Conclusion de Harrod
Harrod aboutit aux mêmes conclusions que Domar, quoique par un moyen différent, comme le
montre leur formalisation. L'économie a deux moteurs, mais rien ne garantit qu'ils fonctionnent
de concert : le taux de croissance garanti n'est pas nécessairement égal au taux de croissance
naturel. La croissance est « sur le fil du rasoir », constamment menacée par des déséquilibres.
L'instabilité permanente rend l'intervention de l’État nécessaire 2.

Postérité
Le modèle de Harrod-Domar a fait l'objet d'un intérêt fort de la part de la branche de la science
économique qui étudie les conditions de croissance et de développement des pays sous-
développés, à savoir l'économie du développement. Il a notamment été utilisé durant les Trente
Glorieuses, avant d'être abandonné3.
Le modèle semblait en effet donner aux pays en développement une clef de compréhension de
leurs besoins économiques. On peut déduire du modèle, en effet, que pour croître, il est
nécessaire ou bien d'augmenter la productivité du capital, ou bien d'augmenter l'épargne, pour
en faire de l'investissement. Or, dans la mesure où la productivité du capital (égale à 1/k) était

2 Marc Montoussé, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, Editions Bréal, 2007 (ISBN
978-2-7495-0658-6, lire en ligne [archive])
3 Jagdish Bhagwati, A Stream of Windows: Unsettling Reflections on Trade, Immigration, and Democracy, MIT
Press, 1998, p. 384.

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supposée à l'époque constante car dépendante de paramètres technologiques, le modèle
suggérait aux dirigeants que le seul moyen pour leur pays de croître était d'augmenter l'épargne
disponible. Dans la mesure où l'épargne privée étant insuffisante dans les pays en
développement, seule l'aide étrangère et l'État, par une politique d'excédents budgétaires,
pouvaient accroître le taux d'épargne de l'économie, finançant ainsi un taux d'investissement
plus élevé4.
Toutefois, comme le soutient Jagdish Bhagwati dans son manuel, le développement dépend
plus de l'accroissement de la productivité du capital que de l'accroissement du taux
d'investissement. Par ailleurs, rien ne garantit que l'aide étrangère se traduise par un
accroissement identique de l'investissement : elle peut provoquer une baisse de l'épargne privée
et de la productivité du capital5

Limites et critiques
Stabilité de la propension à épargner
Le modèle a été critiqué pour l'un de ses postulats, qui est la stabilité de la propension à
épargner. Elle ne dépendrait d'aucune des autres variables du modèle. Or, sur le long terme, la
propension à épargner d'une économie varie. Cela a conduit les post-keynesiens de Cambridge
(Joan Robinson et Nicholas Kaldor, en particulier) à élaborer à partir du modèle de Harrod-
Domar et de l'œuvre de Michał Kalecki, des modèles de croissance où l'épargne joue le rôle de
variable d'ajustement.
Non-substituabilité du travail et du capital
Un autre postulat du modèle est la non-substituabilité du travail et du capital. Toute
augmentation de la production impliquerait un accroissement proportionnel du capital et de la
main d'œuvre. La fonction de production est ainsi supposée être à proportion de facteurs fixe.
Les ratios K/Y (coefficient de capital) et K/L sont donc stables. Or, cette hypothèse est difficile
à soutenir pour la longue période, où se situe le modèle6. Sur longue période, les entrepreneurs
peuvent, par exemple, substituer de la main d'œuvre au capital, si le prix relatif de la main
d'œuvre baisse par rapport à celui du capital.

4 Jagdish Bhagwati, A Stream of Windows: Unsettling Reflections on Trade, Immigration, and Democracy, MIT
Press, 1998, p. 384
5 Jagdish Bhagwati, A Stream of Windows: Unsettling Reflections on Trade, Immigration, and Democracy, MIT

Press, 1998, p. 384


6 Harrod Domar Growth Model », art.cit, p. 319.

11
Cette critique a notamment été portée par Robert Solow. Il remarque que si le ratio K/Y
demeurait constant, « l'histoire du capitalisme aurait été bien plus erratique qu'elle ne l'a été ».
En lissant les fluctuations, le trend de longue période est loin de la « croissance sur le fil du
rasoir » que suggère le modèle de Harrod Domar. Cela a conduit Robert Solow à développer
son propre modèle homonyme, avec une fonction de production où capital et travail sont
substituables : si le coefficient de capital est variable, alors la croissance peut être durable. C'est
ce modèle qui fait aujourd'hui encore référence en science économique, donnant au modèle de
Harrod-Domar une valeur avant tout historique7.

Le modèle néoclassique de Solow


Dans le modèle de Solow, l'augmentation des facteurs de production (travail et capital)
explique une part de la croissance. C'est donc parce qu'il y a une augmentation de la
population (facteur travail) et des investissements (facteur capital), qu'il y a de la croissance.
Dans le modèle de Solow, l’augmentation des facteurs de production (travail et capital) explique
une part de la croissance. C’est donc parce qu’il y a une augmentation de la population (facteur
travail) et des investissements (facteur capital), qu’il y a de la croissance. Toutefois, la plus
grande part de la croissance n’est pas expliquée par ces deux facteurs, mais est due à un « facteur
résiduel ». Il s’agit du progrès technique, dont on ne connaît pas vraiment l’origine (certains
disent que c’est un facteur « tombé du ciel »). Les causes de la croissance (augmentation de la
population et progrès technique) sont donc exogènes: le modèle n’explique pas leur origine. Ce
modèle est en équilibre stable: à long-terme, l’économie converge vers un « état stationnaire »,
où l’activité économique évolue au même rythme que la population.
L’hypothèse de substituabilité des facteurs est particulièrement importante car elle montre que
la croissance mène au plein-emploi. Par exemple, s’il y a du chômage, le prix du travail baisse.
Profitant des faibles salaires, les entrepreneurs peuvent donc remplacer du capital par du travail
et donc embaucher, ce qui mène à une diminution du chômage. La croissance assurerait donc
naturellement le plein-emploi. Toutefois, ce modèle reposant sur des hypothèses très
simplificatrices, cette interprétation est, selon certains, erronée (Bénicourt & Guerrien, 2008)

Pourquoi Solow ?
Voici les avantages du modèle Solow : Il détermine le niveau de revenu à long terme d'un pays
en fonction du taux d'investissement ou d'épargne, de la dépréciation, de la croissance
démographique et de la productivité, ce qui, en principe, a un sens économique.

7The Harrod-Domar Model vs the Neo-Classical Growth Model [archive], Ryuzo Sato, 1964

12
Quelles sont les hypothèses du modèle de Solow ?
Ce modèle est en équilibre stable: à long-terme, l'économie converge vers un “état stationnaire”,
où l'activité économique évolue au même rythme que la population. L'hypothèse de
substituabilité des facteurs est particulièrement importante car elle montre que la croissance
mène au plein-emploi.

Qu'est-ce que le progrès technique Quelle définition en donne Solow ?


Le progrès technique implique une amélioration continue de la technologie qui permet
d'éliminer l'effet des rendements décroissants en renforçant la productivité du travail. Cela
conduit alors à une croissance par tête dans le modèle de Solow avec progrès technique.

Quelles sont les limites du modèle de Solow ?


Résultat de recherche d'images pour "Explication simple du modèle de Solow pour les nuls"
La faille majeure du modèle de Solow et de Swan est le caractère inexpliqué du progrès
technique. Les équations ne permettent pas d'établir ou de déduire son origine. Le progrès est
par conséquent exogène au modèle, c'est-à-dire qu'il ne l'explique pas et le considère comme
donné (telle une « manne tombée du ciel »).

Le modèle de la croissance endogène


Comment expliquer la croissance endogène ?
La croissance endogène est une théorie développée dans les années 1980 qui vise à expliquer
la croissance économique par des facteurs internes au processus de production, et non par des
apports extérieurs. Elle vise à expliquer que la croissance au sein d'une économie peut être auto-
entretenue.
Le modèle de croissance endogène prend en compte que l'action publique peut augmenter la
productivité de l'économie, par exemple en augmentant le stock de connaissances (le capital
humain) ou les infrastructures publiques.
Cette théorie implique des facteurs tels que le progrès technique, l'action humaine et l'action
publique. Exemple : En croissance endogène, l'humain participe à l'économie grâce à ses
connaissances, la formation qu'il suit et son état de santé.

13
Quelle est la différence entre les modèles de croissance exogène et endogène ?
On les appelle théories de la croissance endogène. Elles cherchent à expliquer la croissance de
la technique, c'est-à-dire l'innovation, depuis le modèle. Le modèle de croissance exogène est
critiqué pour peiner à expliquer l'absence de convergence entre les économies du monde.

Chapitre 3 : Les notions d'expansion et de récession économique


Objectifs : la croissance économique d'un pays est-elle linéaire, ou connaît-elle des
fluctuations ? Quels sont les principaux cycles repérables dans l'évolution économique
d'un pays ?

Introduction
En observant l’évolution du PIB (Produit Intérieur Brut) dans les pays industrialisés, les
économistes ont constaté que les variations à la hausse étaient souvent suivies de baisses
reflétant un ralentissement de l’activité économique. En analysant ces variations sur de longues
périodes, ils ont observé que ces fluctuations étaient régulières et formaient ce qu’ils ont appelé
des cycles.
L'évolution économique du XIXe siècle se caractérise par une augmentation globale importante
de la production et des richesses que l'on nomme croissance. Cependant, cette évolution se
produit dans une alternance de crises, de périodes de ralentissement et de mutations (les
dépressions) et de moments de prospérité et de reprise.
Des économistes comme Juglar et Kondratiev ont tenté de comprendre et de théoriser ces
évolutions économiques en définissant des cycles.

1. Les fluctuations économiques


a. La théorie des cycles économiques
Même si la croissance est globalement positive au cours du XIXe siècle, le détail de la
conjoncture montre des alternances régulières de crises et de reprises, de phases de dépression
et de phases de croissance.
Deux économistes ont analysé cette évolution et en ont tiré une théorie des cycles économiques.
Juglar s'est intéressé aux cycles courts : il a ainsi repéré des cycles de 6 à 12 ans composés d'une
phase de crise, chute momentanée et localisée dans le temps de la production qui peut parfois
devenir négative, puis d'une période de reprise de la production, une fois la situation assainie.
De manière plus générale, Kondratiev a étudié des périodes plus longues qui s'étaleraient sur
environ 20 à 30 ans et verraient l'alternance de phases de dépression et de croissance.

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b. La notion de cycle
Le cycle est un phénomène répétitif, caractérisé par une succession de phases de hausse puis de
baisse de la production. Un cycle comprend quatre phases distinctes :

• l’expansion : c’est la phase ascendante du cycle qui s’accompagne d’un accroissement de la


production, des investissements, des salaires, des prix et de l’emploi.

• la crise : c’est le point de retournement du cycle qui se traduit par une crise boursière, une
chute des investissements, un essoufflement de la demande.

• la récession : c’est la phase descendante du cycle. Elle se caractérise par un ralentissement de


l’activité économique. Si ce ralentissement est très important, on parle alors de dépression.

• la reprise : elle correspond au deuxième point de retournement du cycle et annonce une


nouvelle période d’expansion.

c. Les différents types de cycles


• Le cycle Juglar
Clément Juglar, économiste français, est le premier à avoir mis en évidence le caractère cyclique
de l’activité économique. Il distingue des cycles de 6 à 10 ans qui se composent des quatre
phases théoriques : expansion, crise, récession, reprise.

• Les cycles Kondratiev (ou cycles longs)


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En 1925, l’économiste soviétique Kondratiev a mis en évidence l’existence de cycles longs
(environ 50 ans) comportant une phase de forte croissance de la production (phase A), suivie
d’une forte baisse (phase B). À l’intérieur des cycles Kondratiev, on peut observer les cycles
Juglar.

2. Les explications de ces cycles économiques


a. Explication des cycles Juglar
Les économistes expliquent la présence de cycles par les imperfections du marché. En effet, ce
sont les fluctuations de l’offre et de la demande qui entraînent des déséquilibres à l’origine des
phases d’expansion et de récession de l’activité économique.

Exemple : une hausse de la demande entraîne une hausse de l’offre, qui engendre une
augmentation de l’activité économique : il s’agit d’une phase d’expansion.

b. Explication des cycles Kondratiev


Plusieurs explications ont été avancées. Cependant, c’est l’explication par l’innovation
technique qui est la plus souvent retenue. Ainsi, la phase d’expansion d’un cycle Kondratiev
correspond à l’apparition de nouvelles technologies (appelées « grappes d’innovations » par
l’économiste Schumpeter) qui permettent d’offrir de nouveaux produits aux consommateurs
(exemple : le moteur à explosion a permis de fabriquer des automobiles). Puis, l’économie
s’essouffle quand les marchés de ces nouveaux produits sont saturés (faiblesse de la demande,
les ménages sont équipés ; les achats sont des achats de renouvellement, d’où une diminution
de la production), ce qui correspond à une phase de récession.

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L’essentiel
En observant l'évolution de l'activité économique d'un pays, on peut constater une irrégularité
plus ou moins marquée suivant les périodes.
L'étude de ces irrégularités a permis de mettre en lumière la présence de cycles économiques ;
on distingue deux principaux types de cycle :
• les cycles courts ou cycles Juglar, d'une durée de dix ans environ ;
• les cycles longs ou cycles Kondratiev, d'une durée de cinquante ans environ.

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