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Terminales ES Sous-emploi et demande

L'analyse néo-classique Les premiers néo-classiques s'organisent autour de trois écoles :


- l'école de Vienne. Les principaux représentant sont : Carl Menger (1840-1921), E. von Böhm-Bawerk
(1851-1914) et F. von Wieser (1851-1926).
- l'école marginaliste anglaise. Les mathématiques abstraites vont être à la base de l'économie. Les représentants
de cette école sont : Stanley Jevons (1835-1882), F. Y. Edgeworth (1845-1926) et Alfred Marshall (1842-1924)
professeur à l'université de Cambridge. Le successeur de Marshall est A.C. Pigou (1877-1959)
- l'école de Lausanne. Le fondateur de cette école est Léon Walras (1834-1910). Il a trouvé une solution com-
plète et précise à l'équilibre général. Son successeur direct est Vilfredo Pareto (1848-1923); ces auteurs poursui-
vaient des recherches sur l'économie pure.
Aux États-Unis, le marginalisme est mis en place et développé par : J.B. Clark 1847-1938), Irving Fisher
(1867-1947), Frank Knight (1885-1973) fondateur de l'école de Chicago et Edward H. Chamberlin (1899-
1967).

Document 1
Le point de vue classique n'affirme, ni n'implique, que le plein emploi existe toujours [...]. Qu'est donc, en ré-
alité, ce point de vue ? C'est [...] que le plein emploi n'existe certes pas toujours, mais qu'il tend toujours à s'instau-
rer [...] : attendu que si le système n'était pas troublé, le plein emploi existerait toujours, dans la réalité, l'emploi, en
moyenne, reste au-dessous de ce niveau, et atteint un certain montant, attribuable aux troubles. [...] Bien entendu,
il y a des frictions et le travail n'a pas une mobilité complète [...]. Comme je l'ai dit dans ma Theory of Unem-
ployment 1, « si la libre concurrence parfaite joue parmi les travailleurs et que le travail soit parfaitement mobile
[...], il y aura toujours une forte tendance en action pour mettre le taux des salaires dans un rapport tel avec la de-
mande que tout le monde sera embauché [...]. Ceci implique que tout chômage quelconque a uniquement sa cause
dans le fait que des changements dans les conditions de la demande ont lieu sans cesse, et que les résistances de
frictions empêchent que l'ajustement des salaires appropriés ne s'effectue instantanément...»
Les tenants de ce point de vue seraient sans doute portés à décrire de la sorte le mécanisme dont ils pensent
qu'il joue plus ou moins : lorsque le pourcentage du chômage est élevé, la concurrence entre les salariés en vue de
se faire employer, entravée et retardée comme elle l'est par des frictions et des éléments de politique monopolisti-
que2 , tend alors à leur faire accepter des salaires en monnaie moins élevés ; d'autre part lorsque ce pourcentage est
faible, la concurrence entre employeurs en vue de se procurer une main-d'œuvre rare tend à relever les dits salaires
[...]. S'il n'y avait ni friction, ni immobilité, mais concurrence parfaite entre les salariés, ces ajustements correctifs
feraient que, pratiquement, toute la main-d'œuvre disponible serait toujours employée."
[Arthur-Cecil Pigou, La théorie générale de Keynes, cité in G-H Bousquet, A-C Pigou, Dalloz, 1958]
QUESTIONS :
 Quel rapport s'établit entre les niveaux de salaire et l'emploi ?
 Rappelez les mécanismes décrits par les néoclassiques ;
 Comment, et sous quelles réserves, le jeu du marché doit-il instaurer le plein emploi ?

Document 2
Le modèle concurrentiel constitue le cœur de la théorie traditionnelle du marché du travail, telle qu'elle apparaît
à travers la plupart des manuels anglo-saxons. Le marché du travail, comme pour une marchandise quelconque, y
apparaît comme le lieu où par confrontation d'une offre et d'une demande indépendantes, s'établit un taux de salaire
et une quantité de travail échangée d'équilibre.
[...] Les courbes d'offre et de demandes globales de travail sont le résultat de la simple sommation des offres et
demandes individuelles. Elles sont généralement représentées comme respectivement croissantes et décroissantes
avec le taux de salaire.

1 En 1930.
2 IL s'agit principalement des syndicats qui se comporteraient au niveau de l'offre de travail comme le monopole au niveau de
celle de la production : ils empêcheraient la diminution des salaires au détriment de l'emploi.
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Dans la présentation la plus courante du marché du travail, la confrontation de l'offre et de la demande de tra-
W
vail détermine un taux de salaire d'équilibre , et un volume de travail T0.
p
Cette présentation est celle du modèle « classique » d'équilibre macroéconomique où le taux de salaire retenu
est le salaire réel. Il ne peut dans ce cadre y avoir de chômage involontaire. Supposons en effet que, pour un taux
W
de salaire (1) , l'offre T1 dépasse la demande T2 ce qui provoque un chômage T1 T2. Une baisse du salaire
p
W
réel à (0) ramène au point d'équilibre E. Dès lors ne demeurent chômeurs que les travailleurs qui exigent un
p
salaire supérieur à ce salaire d'équilibre : il s'agit de chômeurs volontaires qui ne se plient pas aux exigences du
marché."

[Gambier/Vernières, Le marché du travail, Economica, 1982, pages 53-54-55]


QUESTIONS :
 Définir salaire réel ;
 Pourquoi n'existe-t-il pas de chômage involontaire ?

L'analyse keynésienne John Maynard Keynes est né en 1883 à Cambridge. Il est le fils d'un
professeur d'Université qui enseignait la logique et l'économie politique. Il
est élevé au collège d'Eton, parmi les enfants de l'aristocratie britannique. Il remporte des prix en mathématiques,
en histoire, en dissertation anglaise. Il s'intéresse à de nombreux sujets : il pratique du sport (l'aviron), fait du
théâtre, lit énormément, devient érudit en poésie latine médiévale. En 1902, il entre au King's College, à Cam-
bridge.
A l'issue de ses études, il passe le concours de recrutement des Civil Servants (corps des hauts fonctionnaires).
Deux ans après il démissionne de son poste (peu intéressant) et devient maître de conférences en sciences écono-
miques puis membre du King's College.
En 1911 il devient directeur de l'Economic journal. En 1915 il est nommé au Trésor et joue un rôle important
dans la mise en place de l'économie de guerre de la Grande-Bretagne et des Alliés.
A la fin de la guerre, il démissionne de ses fonctions, estimant que les réparations demandées à l'Allemagne
auraient des répercussions déplorables. Il publie en 1922 Les conséquences économiques de la paix.
Ses occupations sont multiples : il donne des cours à Cambridge, il dirige une com-
pagnie d'assurances, il spécule en Bourse sur les devises et les marchandises (il fait
fortune), il est intendant du King's College et enfin, épouse une danseuse étoile du bal-
let Diaghilev !
En 1930, il publie Un traité de la monnaie. Cet ouvrage a pour but d'élucider le pro-
blème des dépressions économiques. La même année il est nommé président d'une
commission d'économistes chargée de proposer des solutions au problème du chômage.
En 1936, il publie son ouvrage majeur : La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt
et de la monnaie. Mais, en 1937, il est victime d'une crise cardiaque.

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Durant la seconde guerre mondiale, Keynes reprend du service au Trésor, comme conseiller du gouvernement.
Il est anobli en 1942, devenant Lord Keynes, baron de Tilton. Il participe à de nombreux travaux : le rapport Be-
veridge, le Livre blanc sur la politique de l'emploi. Il appartient à la délégation britannique qui prépare la consti-
tution de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Il meurt d'une nouvelle crise cardiaque en 1946.

Document 3
« Keynes accepte le « premier postulat » néo-classique, relatif à le demande de travail de la part des entrepri-
ses, selon lequel le salaire est égal à la productivité marginale du travail, c'est-à-dire au manque à gagner pour l'em-
ployeur si l'emploi diminuait d'une unité.
Pour l'offre de travail, deux différences essentielles séparent Keynes des néo-classiques ; tandis que ces der-
niers considèrent le taux de salaire réel, caractérisé par sa flexibilité, comme la seule référence pertinente, Keynes
estime, au contraire, que l'offre de travail dépend du taux de salaire nominal, qui est rigide à la baisse. »
[Bénédicte Reynaud, Les théories du salaire, La Découverte, 1994, page 19]
QUESTIONS :
 Définir productivité marginale du travail. Rappelez le lien qui existe entre productivité marginale du
travail et salaire.
 Rappelez la distinction entre salaire réel et salaire nominal ;

Document 4
Les salariés raisonnent en termes nominaux parce qu'ils sont victimes de l' « illusion monétaire ». C'est ainsi
qu'ils s'opposent plus fortement à une diminution des salaires réels, due à une baisse du salaire nominal, qu'à une
même réduction entraînée par une hausse du prix des biens de consommation. Au demeurant, s'il n'y avait pas d'il-
lusion monétaire, ils devraient moins travailler en cas de hausse des prix. Or Keynes constate qu' « alors que la
main-d’œuvre résiste ordinairement à la baisse des salaires nominaux, il n'est pas dans ses habitudes de réduire son
travail à chaque hausse des prix des biens de consommation ouvrière »3 .C'est pourquoi Keynes considère l'hypo-
thèse néo-classique comme « arbitraire » 4. « L'illusion monétaire » s'oppose au postulat traditionnel d'homogénéité
selon lequel la fonction d'offre de travail serait indépendante des prix nominaux (c'est-à-dire, en termes techniques,
serait homogène de degré zéro). Léontieff avait, dès 1936, clairement opposé « l'hypothèse fondamentale » de
Keynes - l'illusion monétaire - au « postulat d'homogénéité ».
Les négociations salariales entre employeurs et salariés portent donc sur le niveau des salaires nominaux. L'is-
sue de ces négociations dépend, en partie, de l'état du marché du travail. En effet, la résistance à la baisse des salai-
res réels est d'autant plus forte que le chômage est faible. « La main-d’œuvre ne demande pas un salaire nominal
beaucoup plus élevé lorsque l'emploi augmente ; et ; plutôt que de consentir à une très forte réduction de ce salaire,
elle préfère endurer un certain degré de chômage »5 . »
[Bénédicte Reynaud, op. cit., page 20]
QUESTIONS :
 Qu'est-ce que l'illusion monétaire ?
 Quels sont les effets de l'illusion monétaire ?

Document 5
« Le salaire réel dépend du volume d'emploi et de la demande effective.
Un certain niveau d'emploi se traduit en salaire, qui n'est pas considéré comme un coût mais comme un revenu.
Le niveau de l'emploi ne dépend pas des variations du salaire réel et nominal, mais de la demande effective. Celle-
ci dépend de la propension marginale à consommer, de la courbe d'efficacité marginale du capital et du taux d'inté-
rêt.
Comme pour les néo-classiques, une baisse du taux de salaire réel est associée à la croissance de l'emploi, par
application de l'égalité entre le salaire et la productivité marginale. Une hausse de l'emploi ne peut donc se pro-

3 J.M. Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Petite Bibliothèque Payot, 1969. Page 34.
4 op. cit., page 39.
5 op. cit., page 258.
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duire sans baisse des salaires réels. Si Keynes semble admettre ainsi la courbe de demande de travail des néo-
classiques, la causalité est inversée : c'est l'augmentation de l'emploi qui implique une baisse des salaires réels6.
[...] Si Keynes bâtit une théorie du salaire et de l'emploi, c'est non seulement pour adresser une critique radicale
à l'école néo-classique, mais aussi pour en tirer des leçons pratiques pour lutter contre le chômage. A cet égard, il
s'est opposé finalement à la baisse des salaires nominaux, même si cela n'a pas été sans quelques hésitations. »
[Bénédicte Reynaud, op. cit., pages 22-23-25]
QUESTIONS :
 En quoi Keynes s'oppose-t-il aux néoclassiques ?

Document 6

QUESTIONS :
 Quels sont les déterminants de la demande effective ?
 Pourquoi le niveau de production dépend-il de la demande effective ?

Document 7 Le rôle de la demande anticipée


Toute production est destinée en dernière analyse à satisfaire un consommateur. Or il s'écoule habituellement
du temps [...] entre la prise en charge des coûts par le producteur [...] et l'achat de la production par le dernier
consommateur. Dans l'intervalle l'entrepreneur [...] est obligé de prévoir aussi parfaitement que possible la somme
que les consommateurs seront disposés à paver lorsque, après un laps de temps qui peut être considérable, il sera
prêt à les satisfaire (directement ou indirectement). Il n'a pas d'autre possibilité que de se laisser guider par ces
prévisions, dès lors qu'il doit produire par des méthodes exigeant du temps. [...] Ce sont ces diverses prévisions qui
déterminent le volume de l'emploi offert par les entreprises. Les résultats de la production et de la vente effective-
ment obtenus n'intéresseront l'emploi que pour autant qu'ils contribueront à modifier les prévisions ultérieures.
J. M. Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), Éditions Payot, 1971.
QUESTIONS :
Expliquez le passage souligné.
 Quel rôle jouent les anticipations des entrepreneurs d'après Keynes ? En quoi est-ce novateur à son
époque ?
 Pourquoi, selon Keynes, est-ce la demande anticipée qui détermine le volume de l'emploi ?

Document 8 Demande effective et chômage durable


Keynes substitue à la logique de l'équilibre simultané de tous les marchés, qui est celle de la vision globale néo-
classique, [...] une logique de circuit qui rend possibles divers niveaux de l'activité économique. Les anticipations
des entrepreneurs jouent ici un rôle déterminant, car cette catégorie d'agents par ses choix de dépenses et de pro-
duction est au cœur du circuit : si les entrepreneurs sont optimistes, ils investiront et embaucheront, et les revenus
distribués permettront d'absorber la production correspondante. Inversement, le pessimisme des entrepreneurs se
traduira par de faibles dépenses d'investissements, peu d'embauches et donc de faibles débouchés. Cette autovali-

6 Keynes admet qu'en cas de reprise de l'embauche, celle -ci peut être bloquée par le niveau des salaires. Mais, dans ce cas, l'i n-
flation permet de dévaloriser les salaires réels beaucoup plus sûrement que de hasardeuses politiques d'austérité, et sans défavori-
ser les salariés par rapport aux autres catégories de revenus.
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dation des prévisions des entrepreneurs est ce qui rend possible des cercles vicieux déflationnistes, où le bas ni-
veau de l'activité s'auto-entretient.
La demande effective, opposée à la demande potentielle est ainsi celle qui est prévue par les entrepreneurs, et
Keynes établit qu'elle a tendance dans le capitalisme moderne, à s'essouffler parce que les consommateurs tendent
à consommer moins à mesure qu'ils s'enrichissent.
B. Gazier, Économie du travail et de l'emploi, coll. « Précis », Dalloz, 1992.
QUESTIONS :
 Qu'est-ce que la déflation ?
 Expliquez la phrase soulignée.
 Quel lien Keynes établit-il entre la demande effective et le chômage involontaire durable ?

Document 9 L'équilibre de sous-emploi


La propension à consommer et le montant de l'investissement nouveau étant donnés, il n'y aura qu'un seul vo-
lume de l'emploi compatible avec l'équilibre; tout autre volume conduirait à une inégalité entre le prix de l'offre
globale et le prix de la demande globale de la production considérée dans son ensemble. Ce volume ne peut être
plus grand que le plein-emploi; en d'autres termes le salaire réel ne peut être moindre que la désutilité marginale du
travail. Mais en général il n'y a pas de raison de penser qu'il doive être égal au plein-emploi. C'est seulement dans
un cas spécial que la demande effective se trouve associée au plein-emploi; et pour que ce cas se réalise il faut qu'il
y ait entre la propension à consommer et l'incitation à investir une relation particulière. Cette relation particulière,
qui correspond aux hypothèses de la théorie classique, est, en un certain sens, une relation optimum. Mais elle ne
peut exister que si, pour des raisons fortuites ou voulues, l'investissement courant assure un montant de demande
exactement égal à l'excès du prix de l'offre globale de la production résultant du plein-emploi sur le montant que la
communauté désire dépenser pour la consommation lorsqu'elle est employée à plein.
John Maynard KEYNES, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Payot, 1971 (1936).
QUESTIONS :
 Quel marché est à l'équilibre et quel marché ne l'est pas dans le cas de l'équilibre de sous-emploi ?
 Pour Keynes, la théorie classique du chômage et de l'emploi est-elle totalement fausse ?

Document 10
Selon Keynes, l’emploi est déterminé dans le système de la demande ef-
fective (N, D, Z). L’emploi Nk est fixé par l’intersection des fonctions de
demande globale D et d’offre globale Z. L’effet sur le chômage est observa-
ble dans le système (N,W/P). Le chômage involontaire existe si, pour
l’emploi Nk, la productivité marginale P R est supérieure à la désutilité mar-
ginale du travail (DU) : l’emploi Nk est alors inférieure au plein-emploi Nc.
Michel Cabannes, Introduction à la macroéconomie, Armand Colin, 1995, page
33)
QUESTIONS :
 Expliquez le schéma ci-contre.

Document 11 Le chômage involontaire


Il nous faut maintenant définir la troisième catégorie de chômage, c'est-à-
dire le chômage involontaire au sens strict du mot, dont la théorie classique
n'admet pas la possibilité.
Il est clair qu'un état de chômage « involontaire » ne signifie pas pour
nous la simple existence d'une capacité de travail non entièrement utilisée.
Une journée de travail de huit heures ne constitue pas du chômage du seul
fait qu'il n'est pas au-dessus de la capacité humaine de travailler dix heures. Nous ne devons pas considérer non
plus comme chômage involontaire le refus de travail d'une corporation ouvrière qui aime mieux ne pas travailler
au-dessous d'une certaine rémunération réelle. De notre définition du chômage « involontaire », il convient aussi
d'exclure le chômage « de frottement » . Cette définition sera donc la suivante : Il existe des chômeurs involontai-
res si, en cas d'une légère hausse du prix des biens de consommation ouvrière par rapport aux salaires nominaux,
l'offre globale de main-d’œuvre disposée à travailler aux conditions courantes de salaire et la demande globale de
main-d’œuvre aux mêmes conditions s'établissent toutes deux au-dessus du niveau antérieur de l'emploi.
John Maynard KEYNES, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Payot,1971 (1936).
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QUESTIONS :
 Avec quelles situations ne faut-il pas confondre le chômage involontaire au sens de Keynes ?
 Expliquez la dernière phrase du texte.

Document 12 L'inefficacité de la baisse des salaires


Il apparaît donc que, si la main-d’œuvre , en réponse à un déclin graduel de l'emploi, offrait ses services à un
salaire nominal de plus en plus bas, il n'en résulterait en règle générale aucune diminution des salaires réels; peut-
être même ces salaires réels augmenteraient-ils, puisque le volume de la production tendrait à décroître. L'effet
principal d'une telle politique serait de causer une grande instabilité des prix, instabilité qui pourrait être assez
violente, dans une société économique fonctionnant comme celle où nous vivons, pour enlever toute portée aux
calculs des hommes d'affaires.
C'est une contrevérité qu'une politique de salaires souple soit un attribut logique et spécifique d'un système fon-
dé dans son ensemble sur le principe du laissez-faire. Une telle politique ne pourrait réussir que dans une société
soumise à une forte autorité, capable d'imposer des réductions de salaires soudaines, profondes et générales.
John Maynard KEYNES, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Payot, 1971 (1936).
QUESTIONS :
 Expliquez la phrase soulignée.
 Quel est le danger à mener une politique de baisse des salaires ?
 Une politique de baisse générale des salaires est-elle facile à mener dans nos sociétés ?

Document 13 La nécessité d'une politique de relance


C'est la situation actuelle que nous devrions trouver paradoxale. [... ] Qu'il y ait 250 000 ouvriers du bâtiment
au chômage en Grande-Bretagne, alors que nous avons le plus grand besoin de nouveaux logements, voilà le para-
doxe. Nous devrions instinctivement mettre en doute le jugement de quiconque affirme qu'aucun moyen, compati-
ble avec des finances saines et la sagesse politique, ne permet d'employer les premiers à construire les seconds.
Quand un homme d'État, déjà accablé de devoir secourir les chômeurs, déclare qu'une telle mesure entraînerait,
aujourd'hui et demain, des dépenses que le pays ne peut se permettre, ses calculs doivent nous être suspects; et
défions-nous du bon sens de celui à qui il paraît plus économique, et mieux fait pour accroître la richesse natio-
nale, de maintenir au chômage les ouvriers d'un chantier naval, plutôt que de dépenser ce qu'ils lui coûtent ainsi, à
leur faire construire une des plus remarquables réalisations dont l'homme soit capable.
John Maynard KEYNES « Les moyens de restaurer la prospérité », La Pauvreté dans l'abondance, coll. Tel, Gallimard,
2002 (1933).
QUESTIONS :
 En quoi l'exemple du secteur des bâtiments illustre-t-il bien l'analyse keynésienne du chômage ?
 En faveur de quelle politique de lutte contre le chômage se prononce Keynes ?

Document 14 L'effet multiplicateur de la relance


La répugnance à défendre des projets d'investissement à l'intérieur du pays, comme moyen de restaurer la pro s-
périté, est généralement fondée sur deux motifs : le maigre effet qu'aurait sur l'emploi la dépense d'une somme
donnée, et la ponction effectuée sur les budgets national et local pour financer les subventions que ces projets re-
quièrent habituellement. [... ]
On dit souvent qu'en Grande-Bretagne, il faut investir 500 livres dans les travaux publics pour donner à un
homme un emploi pendant un an. Ce calcul ne retient que la main-d’œuvre directement et immédiatement em-
ployée sur place. Mais il est facile de voir que les matériaux utilisés et leur transport, créent également de l'emploi.
Mais si la nouvelle dépense est additionnelle et ne se substitue pas simplement à une autre, son effet sur l'em-
ploi ne s'arrête pas là. Les salaires et autres revenus supplémentaires distribués alimentent de nouvelles dépenses
qui génèrent de l'emploi. [... ]
Mais le processus ne s'arrête pas là. Les salariés nouvellement embauchés pour répondre à l'augmentation des
dépenses de ceux qui sont employés à la production de nouveaux biens capitaux, doivent à leur tour dépenser da-
vantage, créant ainsi de l'emploi pour d'autres; et ainsi de suite.
John Maynard KEYNES, Les moyens de restaurer la prospérité » , La Pauvreté dans l'abondance, coll. Tel, Gallimard,
2002 (1933).
QUESTIONS :
 Expliquez la phrase soulignée.
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 A l'aide d'un schéma, représentez les effets économiques d'une augmentation de l'investissement et ses
conséquences sur l'emploi.
 Quelle hypothèse sur le niveau de l'activité du pays est essentielle à l'analyse de Keynes.

LES PROLONGEMENTS CONTEMPORAINS

Document 15 Les effets d’un salaire minimum : le chômage volon-


taire
« Un salaire minimum n'a de sens que si, pour une catégorie donnée
de salariés, il conduit à un salaire plus élevé que celui qu'ils touche-
raient dans le cas du libre-jeu concurrentiel. sur la figure, la situation
de référence est donnée par l'intersection de l'offre et de la demande et
le salaire d'équilibre We, pour un emploi d'équilibre Le. Soit alors le
salaire minimum Wmin We : il conduit à une offre de travail Lo qui
est supérieure à l'emploi d'équilibre, et à une demande Ld qui est infé-
rieure.
Alors l'ajustement de marché ne s'effectue pas : Ld personnes sont
embauchées à un salaire Wmin, mais Lo - Ld personnes désirent tra-
vailler à ce salaire et ne trouvent pas d'employeurs. C'est donc une
situation de chômage, dont l'ampleur est exactement mesurée par Lo - Ld, et dans la logique ici à l’œuvre ce chô-
mage est qualifié de volontaire même si les chômeurs, individuellement ou collectivement, recherchent activement
du travail. En termes plus diplomates, certains auteurs ont proposé de le qualifier de « chômage politique », vou-
lant dire par là qu'il résulte d'un choix effectif de la collectivité jugeant préférable de hausser de niveau de vie des
travailleurs embauchés, au détriment de l'emploi des chômeurs ainsi créés. Il convient de noter que l'analyse peut
s'étendre à toute rigidité du salaire à la baisse, en particulier aux effets des syndicats sur les prétentions salariales
et aussi à la simple existence d'une indemnisation du chômage. Celle-ci en effet incite les chômeurs, en l'absence
même de salaire minimum, à hausser leurs prétentions salariales et donc empêche la baisse rééquilibrante des salai-
res de se manifester sur le marché. »
[Bernard Gazier, Économie du travail et de l'emploi, Précis Dalloz, 1991. Pages 183-184.]
QUESTIONS :
 Qu’est-ce que le salaire minimum ?
 En quoi le salaire minimum est-il facteur de chômage selon les néo-classiques ?

Document 16 Les allégements de cotisations sociales


Les politiques destinées à résorber le chômage se sont donc scindées en deux.
D’un côté, les politiques visant à enrayer la progression du chômage dans les phases de ralentis sement économique
par des emplois aidés dans le secteur marchand. Dans l’euphorie de la fin des années quatre-vingt-dix, alors que le
chômage décroissait, ces politiques demeuraient malgré tout présentes, avec la justification de former des trem-
plins pour l’insertion dans des emplois plus durables. Dans un contexte où certains travaux voyaient l’horizon du
plein emploi se rapprocher (Pisani), cette politique, dont le coût apparaissait élevé, a été interrompue en 2002, au
profit d’une place plus importante laissée aux mécanismes de marché. Face à la dégradation de la conjoncture,
cette orientation a cependant contribué à la hausse du chômage dans le cycle. Progressivement réintroduit au fur et
à mesure que le ralentissement économique perdurait, ce type de traitement, qui prend acte d’une demande insuffi-
sante contribue à limiter l’impact du ralentissement de la croissance sur le chômage.
De l’autre, celles destinées à lutter contre le chômage issu des modes de régulation économique et sociale ont été
intensifiées, et l’impulsion de la stratégie européenne pour l’emploi est loin d’y avoir été étrangère : modération
des coûts salariaux, fluidité du marché du travail (barrières à l'entrée ou à la sortie, incitations, etc.), niveau de
fiscalité et prélèvements sociaux, efficacité du service public de l’emploi, contrôle des demandeurs d’emploi, for-
mation, etc. Tous ces domaines ont fait, et continuent de faire l’objet de réformes, dont les critères d’appréciation
sont de favoriser la sortie du chômage, l’adaptation et la mobilité dans l’emploi.
Dans cet esprit d’élimination des poches où le coût du travail est relativement trop élevé et la situation sociale est
la plus difficile se sont également développées des politiques d’emploi recentrées, tant les mesures ciblées direc-
tement sur des publics défavorisés, que les politiques d’allégements généraux de cotisations sociales sur les plus

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bas salaires. C’est aussi dans cet esprit que de nombreuses mesures vont chercher à accroître les gains financiers à
la reprise d’emploi.
[…]
Dès 1993, l’action publique en faveur de l’emploi s’était orientée vers des mesures générales de baisse du coût du
travail pour les non-qualifiés au voisinage du Smic par le biais d’allégements des cotisations sociales employeurs.
Ces allégements ont connu une évolution en trois temps. D’abord (jusqu’en 1997), il s’agit d’une démarche de
réduction du coût du travail au voisinage du Smic. Dans un deuxième temps (de 1998 à 2002), le champ des allé-
gements est étendu afin de compenser l’impact défavorable de la réduction du temps de travail sur le coût du tra-
vail des entreprises passées aux 35 heures. Enfin, la période la plus récente a vu l’extension des allégements de
charges aux entreprises restées aux 39 heures en vue de compenser l’effet défavorable de la convergence vers le
haut des Smics multiples sur leur coût du travail. Dès juillet 1993, est mis en place une exonération de cotisations
sociales d’allocations familiales, totale pour les salaires inférieurs ou égaux à 1,1 Smic, partielle (de 50 %) pour
les salaires compris entre 1,1 et 1,2 Smic. A partir de 1995, un allégement dégressif des cotisations patronales
d’assurance-maladie est introduit. En 1996 l’ensemble des dispositifs est fusionné dans un allégement dégressif de
cotisations sociales employeurs pour tous les salaires inférieurs à 1,33 Smic. La baisse du coût du travail au niveau
du Smic est de 12 % et, au total, plus de 5 millions de salariés ouvrent droit en 1997 à ces allégements. A partir de
1996, ces mesures représentent une dépense de plus de 6 milliards d’euros par an, soit plus que les aides à l’emploi
marchand ciblées sur des personnes en difficulté qui avaient été jusqu’alors le principal moyen d’action de la poli-
tique de l’emploi. A partir de 2000, l’allégement Aubry II se substitue à la ristourne bas salaires (RBS) pour les
entreprises passées à 35 heures. Cet allégement est dégressif, maximum au niveau du Smic (réduction de 26 points
de cotisations) et atteint un plancher de 610 €par an à environ 1,8 Smic et s'applique aux entreprises passées à 35
heures. L’allégement Fillon introduit en 2003, consiste en une réduction dégressive de cotisations sociales em-
ployeur de 26 points au niveau du Smic horaire et s'annulant à 1,7 Smic dans sa version finale. Le barème de l'allé-
gement Fillon a été modifié par la loi de finances de 2005 puisque les allégements de cotisations sociales patrona-
les s'annulent désormais à 1,6 Smic au lieu de 1,7.
Christine CHARPAIL, Frédéric LERAIS, Évaluation des politiques de l’emploi et du marché du travail en France(2000-
2004), DOCUMENT D’ÉTUDES, N° 114 Avril 2006, Dares.
QUESTIONS :
 Quelles sont les 2 types de politiques évoquées dans le texte ? En quoi s’opposent-elles ?
 Pourquoi alléger les cotisations sociales ?

Document 17

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Terminales ES Sous-emploi et demande

Chômage dans l'Union européenne

Taux de chômage %
Allemagne 9,5
Autriche 5,2
Belgique 8,4
Chypre 5,3
Danemark 4,8
Questions :
Espagne 9,2  Analysez le graphique de la page pré-
Estonie 7,9 cédente
Finlande 8,4  comparez le graphique précédent au ta-
France 9,5 bleau ci-contre
Grèce 9,8
Hongrie 7,2
Irlande 4,3
Italie 7,7
Lettonie 8,9
Lituanie 8,3
Luxembourg 4,5
Malte 7,3
Pays-Bas 4,7
Pologne 17,7
Portugal 7,6
République tchèque 7,9
Royaume-Uni 4,7
Slovaquie 16,3
Slovénie 6,5
Suède p 7,8
UE à 25 8,7
Champ : France métropolitaine.
p : données provisoires
Source : Eurostat

La théorie des déséquilibres C'est une théorie qui tente de réinterpréter Keynes dans une optique large-
ment influencée par Walras. Elle démontre l'existence de prix de déséquilibre
aussi stables que les prix de l'équilibre général. Cette théorie suppose une rigidité des prix et des salaires et donc leur incapa-
cité à équilibrer les marchés.
La théorie du déséquilibre est apparue initialement aux États-Unis avec les travaux de R. Clower et A. Leijonhufvud et un
article de R.J. Barro et H.I. Grossman7. Toutefois, elle fut essentiellement développée par des économistes français parmi
lesquels on trouve Jean -Pascal Benassy et Edmond Malinvaud.

Document 18
La théorie du déséquilibre dans sa formulation la plus globale isole ainsi deux marchés, celui du travail et celui
des produits, et deux rationnements possibles sur chaque marché : soit l'offre est rationnée, soit la demande. Une
combinatoire élémentaire se dessine alors. En partant du marché du travail, de deux choses l'une : ou l'offre est
rationnée, c'est une situation de chômage, ou la demande est rationnée, cela signifie que les employeurs ne trou-
vent pas toute la main-d’œuvre qu'ils seraient disposés à embaucher aux conditions du marché. Si l'offre de travail
est rationnée, de deux choses l'une : ou sur le marché des produits les offreurs sont rationnés (cas n°1), ou ce sont
les demandeurs (cas n°2). Si la demande de travail est rationnée, de deux choses l'une à nouveau : ou sur le marché
des produits les offreurs sont rationnés (cas n°3) ou ce sont les demandeurs (cas n°4).
[...] Nous pouvons commencer par éliminer le cas n°3. En effet, il correspond à une situation économiquement
incohérente ou du moins très peu vraisemblable. Les entreprises dans ce cas sont rationnées quant à leurs ventes et

7 « A general disequilibrium model of income and employment », American Economic Review, 1971.
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Terminales ES Sous-emploi et demande

aussi quant à leurs embauches. On comprend mal qu'elles puissent chercher de la main-d’œuvre additionnelle (sans
la trouver) alors qu'elles n'arrivent pas à écouler l'intégralité de leurs produits.
[...] Le cas n°4 ne peut pas ici retenir non plus durablement l'attention. En effet, il n'y a pas de chômage, au
contraire ce sont les entreprises qui sont rationnées sur le marché du travail, et ces mêmes entreprises ne peuvent
satisfaire la demande qui s'exprime sur le marché des produits. C'est ainsi une situation de pénurie avec manque de
travailleurs, une situation de « surchauffe » : il manque probablement des équipements, ou ceux qui sont installés
ne sont pas rentables. Ce cas est économiquement tout à fait crédible, et concrètement il évoque soit des économies
en reconstruction, soit encore des économies de type socialiste qui juxtaposent pénurie de main-d'oeuvre et pénurie
de produits.8
[...] Le cas n°1 est peu original : il y a chômeurs et mévente sur le marché des produits. C'est la situation banale
analysée par Keynes lorsqu'il démontrait le cercle vicieux dépressif qui instaure le sous-emploi : les entrepreneurs,
parce qu'ils ne vendent pas suffisamment, restreignent leurs embauches, et les travailleurs au chômage n'anticipant
pas de travail ni de salaire, restreignent quant à eux leurs achats. On retrouve ainsi, sur la base d'une typologie en
quatre cas, une configuration proche de ce que Keynes appelait l'équilibre de sous-emploi.
[...]Dans le cas n°2 il y a une demande forte et insatisfaite pour les produits, mais la production n'y répond pas
et donc les entrepreneurs limitent leurs embauches. C'est à nouveau du côté de leurs équipements qu'il faut cher-
cher les éléments d'interprétation économique. Les équipements peuvent manquer parce qu'ils n'ont pas été pro-
duits, ou parce qu'ils seraient trop chers à installer, ou encore les équipements sont vieillis et non rentables. Une
« barrière de rentabilité
» bloque cette configu-
ration, et génère l'insuf-
fisance en équipements.
Il y a ainsi coexistence
de chômage et d'une
demande insatisfaite sur
le marché des produits : cas non considéré par Keynes, qui a reçu le nom de « chômage classique » parce que la
rentabilité des capitaux engagés était une des préoccupations centrales des auteurs classiques de l'économie politi-
que."
[Bernard Gazier, op. cit., pages 280-281]
La typologie élémentaire que nous venons de démontrer oppose ainsi deux catégories de chômages aux sources
très différentes : l'un provient d'une insuffisance de la demande, et l'autre d'une insuffisance de rentabilité de l'of-
fre. En première analyse ces deux types de chômage paraissent mutuellement exclusifs. Toutefois un regard plus
attentif conduit à nuancer cette affirmation. Tout d'abord, il est hautement probable que selon les secteurs d'une
économie les situations pourront varier, et que coexistent des secteurs en situation classique, et d'autres en situa-
tion keynésienne. L'économie entière peut donc combiner, en proportions variables, du chômage classique et du
chômage keynésien. C'est ce que l'on peut appeler, à la suite de D. Taddei, le « chômage mixte » qui caractériserait
les difficultés durables du sous-emploi européen des années 1980."
[Bernard Gazier, op. cit., pages 281-282]
Questions sur les textes
 Exposez les 4 cas présentés ;
 Qu'est-ce que le chômage mixte ?

LA NOUVELLE ÉCONOMIE KEYNESIENNE

Document 19 Le salaire d'efficience


Les économistes keynésiens considèrent comme allant de soi que les cycles d'activité soient caractérisés par du
chômage involontaire. Cependant la construction d'un modèle de cycle avec chômage involontaire soulève une
difficulté évidente : pourquoi le marché du travail ne s'équilibre-t-il pas ? Par définition, les personnes se trouvant
involontairement au chômage souhaitent travailler pour une rémunération inférieure au salaire courant. Pourquoi
les entreprises ne saisissent-elles pas l'occasion pour réduire les salaires et ainsi accroître les profits ?

8 Ce cas est qualifié "d'inflation contenue". En effet, il existe une double pression à la hausse sur les salaires et les prix (donc la
situation est inflationniste), mais cette hausse est bloquée en raison de la rigidité des prix et des salaires.
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Terminales ES Sous-emploi et demande

[...] Les entreprises peuvent ne pas trouver profitable de réduire les salaires en présence de chômage involon-
taire. Les modèles examinés sont des variantes de l'hypothèse de salaire d'efficience selon laquelle la productivité
du travail dépend du salaire réel payé par l'entreprise. Si les réductions de salaire nuisent à la productivité, alors
diminuer les salaires aboutira à une augmentation des coûts du travail. [...]
Dans la plupart des emplois, les travailleurs ont quelque liberté en ce qui concerne leur rendement. Les contrats
peuvent rarement spécifier de façon stricte tous les aspects du comportement du travailleur. Les salaires aux pièces
sont souvent impraticables parce que le contrôle est trop cher ou trop imprécis. Les salaires aux pièces peuvent
aussi être impraticables parce que les mesures sur lesquelles ils reposent ne sont pas vérifiables par les travailleurs
créant ainsi un problème de risque moral. Dans ces circonstances, le paiement d'un salaire supérieur au salaire
d'équilibre peut être une façon efficace pour les entreprises de fournir une incitation au travail plutôt qu'à la négli-
gence. 9
Janet YELLEN 10, « Modèles de chômage avec salaire d'efficience », La Macroéconomie après Lucas, Écono-
mica, 1998 (1984).

 QUESTIONS :
 Pourquoi une baisse des salaires peut-elle avoir des conséquences néfastes pour l'entreprise ?
 Expliquez la phrase soulignée.
 En quoi la théorie du salaire d'efficience est-elle un prolongement de l'analyse keynésienne ?

Document 20 Insiders/outsiders
La théorie, ou le modèle des insiders / outsiders est un modèle théorique néo-keynésien qui permet d'expliquer
certaines rigidités à l'embauche sur le marché du travail. Il est apparu dans les années 80, notamment avec les tra-
vaux des économistes Assar Lindbeck et Dennis Snower.
Ce modèle oppose d'une part les insiders, par exemple salariés avec un contrat stable (comme un CDI : contrat à
durée indéterminée) et de l'autre les outsiders, travailleurs précaires ou chômeurs. Il s'agit d'une représentation
commune du marché du travail en terme de marché interne et marché externe, basée sur l'idée du dualisme du mar-
ché du travail de Paul Osterman. Les outsiders dont il est question, souvent jeunes (tranche d'âge de 18-24 ans),
nouveaux venus sur le marché du travail, seraient prêts à travailler pour un salaire moins élevé que celui des insi-
ders alors qu'on ne leur en laisse pas la possibilité.
Ce modèle permet de dégager le fait qu'en plus du montant du salaire, une variable prise en compte par l'em-
ployeur dans sa décision d'embauche (la « demande » sur le marché du travail, qui dépend de la productivité mar-
ginale du travail) est le coût du turn-over, qui comprend par exemple le coût de licenciement de l'ancien personnel,
celui du recrutement, le coût d'adaptation de la main-d'œuvre au poste... Sans compter la réglementation nationale
qui peut fixer des seuils minimum de salaire, il s'agit déjà d'un désavantage relatif pour l'embauche d'outsiders.
L'analyse en terme d'insiders/outsiders insiste ainsi sur le rôle de l'action, et notamment de l'action syndicale,
des insiders. Ils profitent de cette façon d'une véritable rente de situation en vue d'augmenter le coût du turn-over et
surtout l'augmentation des salaires, au détriment de l'embauche de nouveaux salariés, réalisant leur profit indivuel
avant le « bien collectif »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_des_insiders-outsiders

Cluzeau : Les syndicats protègent-ils leurs adhérents au mépris de ceux qui cherchent du travail ?
Jean-Paul Fitoussi : Les syndicats ont très peu d'adhérents. Je crois que le nombre d'adhérents est nettement in-
férieur à 10 %. Il y aurait donc en France 8 % de priviligiés et 92 % de non-priviligiés. Mais la question signifie :
les salariés qui ont un emploi profitent-ils de leur pouvoir de négociation pour barrer l'accès au marché du travail
aux chômeurs qui leur feraient concurrence ? C'est une théorie maintes fois répétée, celle des "insiders-outsiders".
Les insiders étant dans le système, les outsiders étant ceux qui cherchent à y entrer : les chômeurs, les jeunes, les
populations aux marges du marché du travail. Cette théorie, en réalité, essaie de légitimer la réduction de la protec-
tion du travail. Parce que si les insiders ont un pouvoir, c'est qu'ils sont protégés, notamment par le coût des licen-
ciements. Et donc l'entreprise préférera garder le salarié plutôt que de le remplacer par un chômeur, même plus

9 Inciter le travailleur à être plus productif ne constitue pas la seule raison de verser .un salaire supérieur au salaire d'équilibre. La
volonté de fidéliser les salariés et d'éviter ainsi les coûts de rotation de la main-d’œuvre liés aux départs et aux embauches est une
autre explication possible de cette stratégie.

10 Janet YELLEN est un e économiste américaine née en 1946. Professeur à l'université de Berkeley, elle a travaillé sur de nom-
breux sujets tels que le marché du travail et les politiques fiscales et monétaires. Elle a fait partie du Conseil de la Réserve fédérale
américaine, et a été responsable du Council of Economic Advisers du Président Bill Clinton.
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Terminales ES Sous-emploi et demande

qualifié que ce salarié, parce qu'il en coûterait cher à l'entreprise de le licencier. Est-ce cela le problème du chô-
mage ? Ma conviction est que non. Une des preuves que j'apporterai à l'appui de ma conviction, c'est que les salai-
res ont plutôt stagné en France depuis un quart de siècle. Les salaires augmentent de moins de 1 % par an en
moyenne. Si les insiders avaient le pouvoir qu'on leur prête, ils auraient très probablement obtenu des augmenta-
tions bien plus dynamiques. Donc en réalité, il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, les salariés se battent le dos au
mur. Et s'ils se battent le dos au mur, c'est que le risque de chômage est devenu un risque important pour toute
personne active.
http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3234,55-659543,0.html

QUESTIONS
 Exposez la théorie des insiders/outsiders.
 Quelle critique est faite par JP Fitoussi ?

Synthèse
SOUS-EMPLOI ET DEMANDE POUR KEYNES
 Pour les néoclassiques, le chômage est forcément volontaire
Les néoclassiques refusent toute spécificité au marché du travail. Sur ce marché comme sur les autres se confrontent une offre
et une demande qui sont respectivement une fonction croissante et une fonction décroissante du salaire réel.
L’offre de travail provient des ménages qui comparent l'utilité apportée par le loisir (c'est-à-dire le non-travail) et l'utilité
apportée par le salaire (qui permet de consommer). Plus le salaire est élevé, plus il compense la perte de loisir et donc plus
l'offre de travail est forte. La demande de travail provient des entreprises qui comparent le salaire (c'est-à-dire le coût du
travail) et la productivité des salariés. Les néoclassiques postulent que la productivité marginale est décroissante, c'est-à-dire
que chaque nouveau salarié embauché a une productivité inférieure au précédent. L’intérêt de l'entreprise est alors d'embau-
cher tant que le salaire est inférieur à la productivité marginale du travail. Puisque le comportement rationnel de l'entre-
preneur tend à égaliser la productivité marginale et le salaire, la demande de travail est une fonction décroissante du salaire.
Lorsque le marché fonctionne convenablement, le salaire est parfaitement flexible et permet d'égaliser l'offre et la demande de
travail. Tous ceux qui souhaitent être embauchés au salaire d'équilibre peuvent l'être. L'économie est donc en situation de plein
emploi. La théorie néoclassique du marché du travail, reprise notamment par A. C. Pigou dans The Theory of unemployment,
stipule donc que le chômage est forcément volontaire.
 Pour John Maynard Keynes, le chômage peut être involontaire
Keynes assiste à une manifestation de chômeurs aux États-Unis en 1932 ; les chômeurs ont manifestement besoin de trouver un
emploi ; comment peut-on affirmer alors que le chômage est forcément volontaire ?
La conception néoclassique du marché du travail doit être réfutée car les salariés sont victimes de l'illusion monétaire ; ils
n'ajustent pas leurs comportements aux variations du salaire réel comme l'affirment les néoclassiques, mais aux variations du
salaire nominal. L'équilibre potentiel existe, mais il n'y a aucune raison pour que les seules forces du marché y parviennent
puisque offre et demande de travail résultent de variables différentes (salaire nominal pour l'offre de travail et salaire réel pour
la demande de travail).
Selon Keynes, le niveau de l'emploi résulte de mécanismes macroéconomiques et non de mécanismes microéconomiques.
Le niveau de l'emploi n'est pas fixé sur le marché du travail, mais il résulte directement du niveau global de la production
qui lui-même résulte du niveau de la demande effective.
Les entreprises n'embauchent que si elles peuvent produire et ne produisent que si elles peuvent vendre.
Le chômage qui résulte de la différence entre le niveau de l'emploi et l'effectif de la population active peut donc être involon-
taire. Pour Keynes, une situation d'« équilibre de sous-emploi »> est donc possible ; il n'est pas nécessaire que l'économie soit
en crise et de connaître un déséquilibre sur le marché des biens et des services et être en situation de sous-emploi.
 Le principe de la demande effective
L'offre ne crée pas la demande. Un postulat de l'analyse classique, développé par Jean-Baptiste Say, affirme que l'offre crée
sa propre demande. Ce qui suppose que, la production induisant une demande équivalente, l'épargne est égale à l'investissement
et que l'action de la monnaie n'a pas d'importance véritable. En revanche, pour Keynes, la monnaie joue un rôle central dans
l'équilibre économique et toute épargne est un manque à gagner pour la consommation.
La demande effective, qui englobe la consommation et l'investissement, est le moteur de l'économie.
Le niveau de la consommation résulte du revenu distribué et de la propension à consommer. Le principal déterminant de
la propension à consommer est le revenu. Keynes annonce ce qu'il appelle « la loi psychologique fondamentale » : « En
moyenne et la plupart du temps les hommes tendent à accroître leur consommation à mesure que le revenu croît, mais non d'une
quantité aussi grande que l'accroissement du revenu. » Autrement dit, lorsque le revenu augmente, la consommation augmente
aussi, mais la propension à consommer diminue. Les autres déterminants sont ceux qui incitent les agents économiques à épar-
gner plutôt qu'à consommer (se constituer une réserve pour des risques éventuels ou prévisibles, léguer une fortune, faire
preuve d'avarice...).
L'investissement dépend du taux d'intérêt et de l'efficacité marginale du capital. Les entreprises investissent tant que l'ef-
ficacité marginale du capital est supérieure aux taux d'intérêt. L'efficacité marginale du capital est le rendement escompté de
l'investissement et le taux d'intérêt résulte de la confrontation entre l'offre et la demande de monnaie. Keynes s'oppose donc aux
néoclassiques sur bien des points :
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Terminales ES Sous-emploi et demande

- Le niveau de l'emploi ne se fixe pas sur le marché du travail et ne résulte donc pas directement du salaire ; c'est au contraire
le salaire qui résulte du niveau de l'emploi.
- La demande ne procède pas de l'offre, mais c'est l'offre qui procède de la demande.
- La monnaie n'est pas neutre car une variation de la quantité de monnaie en circulation peut jouer sur l'économie réelle par le
biais du taux d'intérêt.
 Les interventions de l'État sur la demande effective
Keynes pense que l'État doit soutenir la demande effective pour assurer le plein emploi. La politique principale sur laquelle
Keynes met l'accent est la politique monétaire. II faut créer de la monnaie afin de faire baisser les taux d'intérêt et encourager
l'investissement. Une politique de taux d'intérêt faible est donc toujours recommandée tant que le plein emploi n'est pas atteint.
Keynes préconise une « socialisation de l'investissement ». L'État doit favoriser l'investissement, en diminuant les taux d'in-
térêt pour favoriser l'investissement privé, ou bien en investissant lui-même, éventuellement grâce au déficit budgétaire. Keynes
pense que des grands travaux, en fournissant du travail et en distribuant des revenus sont des sources de richesse.
Une politique favorisant la consommation peut être favorable au plein emploi. Pour cela, il faut mettre en oeuvre une politi-
que de redistribution qui permettrait d'augmenter la propension à consommer et donc la demande effective.
ACTUALITE DE LA PENSEE DE KEYNES ET PROLONGEMENTS
 L'actualité du débat sur les causes du chômage
Le salaire est à la fois un revenu qui agit sur la demande effective et un coût qui pèse sur les entreprises.
Selon la théorie libérale, le coût élevé de la main-d’œuvre est la cause principale du chômage. Le niveau trop élevé des
salaires réduirait la demande de travail et accroîtrait l'offre, entraînant du chômage. Une politique de lutte contre le chômage
passe donc par la diminution des rémunérations et des charges sociales pour que les entreprises embauchent davantage.
Dans une conception keynésienne, le niveau de l'emploi est lié au niveau de la production ; les périodes de croissance sont
donc des périodes de création d'emploi, alors que la crise, le ralentissement de la croissance et encore plus la baisse de la pro-
duction seraient facteurs de chômage. Les périodes de crise sont effectivement des périodes de chômage important ; ce fut le
cas pendant la crise des années 1930, c'est le cas de la crise actuelle. Au contraire, la période de croissance des Trente Glorieu-
ses fut une période de relatif plein emploi.
 Les prolongements de la théorie keynésienne
Les théoriciens du déséquilibre, dont Edmond Malinvaud (1923-), tentent une intégration entre les théories néoclassique et
keynésienne du chômage. Ils considèrent que les déséquilibres proviennent de la rigidité à court terme des prix qui entrave
l'ajustement entre l'offre et la demande. E. Malinvaud distingue deux types de chômage qui requièrent des politiques différentes
: le chômage keynésien se caractérise par une offre supérieure à la demande sur le marché des biens et des services et sur le
marché du travail et nécessite une politique de relance de type keynésien ; le chômage classique provient d'un coût trop élevé
de la main-d’œuvre et nécessite une politique de réduction des coûts salariaux. À la fin des années 1970, le chômage classique
dominait, alors qu'en Europe, le chômage est, depuis le début des années 1990, surtout de type keynésien.
Les nouveaux économistes keynésiens pensent (contrairement à Keynes) que l'emploi est fixé sur le marché du travail, mais ils
pensent (comme Keynes) que le chômage peut être involontaire ; en effet, le marché du travail peut être en déséquilibre :
• Les salaires ne sont pas négociés au jour le jour en fonction du marché, mais ils le sont pour une période déterminée. Ainsi,
des contrats de travail signés pour un certain laps de temps créent des rigidités importantes.
• Les théories du salaire d'efficience montrent que l'entreprise peut avoir intérêt à offrir des salaires plus élevés que ceux du
marché afin :
- de diminuer le turn-over ;
- de motiver les salariés qui, par reconnaissance envers l'entreprise, sont plus productifs ;
- que les salariés hésitent à « tirer au flanc » par peur de perdre un salaire élevé en cas de licenciement ;
- d'attirer les salariés les plus qualifiés.
• La théorie « insiders/outsiders » affirme que les salariés en place dans l'entreprise, connaissant les coûts du turn-over, peu-
vent exiger des salaires plus élevés que ceux du marché.

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