MAGAZINE Science Et Vie HS N 309 - Septembre 2023

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é * BANQUISES, = GLACIERS, = PERGELISOL... OP GREFFE D/ORGANES weil SNe is Pa eS AMS EDUCATION POSITIVE LE VERDICT DES CHERCHEURS — SHAN SON teh a PALEOBOTANIQUE Peale} STTeN ora ae dasa) rads) aa McNealy pce lthelinamere Ee a ee BPH Kiosque disponitie sur N wont juerag,com yest NI) SEPTEMBRE 2023 SERIE ory Teepe REWORLD (Qreon’ gists ‘Sesh bushi ind 720g Deere pen Cater ae Ot a3800 REIEEE fetenspevotdnedacm : oxcTION ‘ BOL Ao ap ca i Paro cree some AVERT Sve itt bo een eeatoueenen era eee ees Sue Eee cecae tear oe areas erat toute, a Eieeecoeeitioe ‘ona ouecro ere es Ber coma rere, Sanne Mey Ba saree Jeux de miroir anion ver TENT Plus de 200 m de haut, 90 m de large et 480 km de long, la muraille duneeisirseromniacet de glace et de magie de Game of Thrones, qui protege Westeros feoneantvorsrakot Seana des contrées sauvages, symbolise pour certains notre tentative eee d'endiguer le déréglement de la nature. “J'ai commeneé ’écriture de Game of Thrones en 1991, avant que l'on parle du changement climatique. Mais il y a effectivement, dans un sens assez large, un rmvonscusrt ces aman certain paralléle”, ditl’auteur George R.R. Martin au New York Times ehtenstcrtanpiy gan en 2018. “Les habitants de Westeros se livrent a des batailles pour cease phate Ie pouvoir, le statut et la richesse. Et elles les occupent tellement Febseie eemenaon quills ignorent la menace de iver vient’, qui va potenticllement ope tetoats les détruire ainsi que leur monde.” Dans le sillage du succes de la CER Rane aen ae saga, un glaciologue américain, Martin Truffer, a calculé que dans les cegeege are conditions terrestres cette structure de glace ne pourrait supporter nea Tem acccmesitntret son propre poids, la base subissant une pression 180 fois supérieure i a celle d'un glacier classique. Sur notre planéte, ce scientifique vache surveille le “vélage” d'icebergs en Alaska, un phénoméne accéléré par le réchauffement climatique. Lorsqu'un glacier ~formé d’une accumulation de neige, donc d'eau douce~atteint la mer, son front se détache et forme un iceberg. L’eau étant une matiére fabuleuse, moins dense sous sa forme solide que sous sa forme liquide, unbloc de glace esp & NCOUKTURE: ALONESDYADORESTOCK- PERI REMONTE.C-CONTRE: HBO (eeuceenceeA |) flotte donc, méme si de 75 % & 90% de celui-ci reste immergé. Dans la [Taare 0% sce glace, ily a décidément de la magie... Pour combien de temps? [etfaten SEES Imei |i] | = Danielle McCaffrey SAV Hors Se +3 ie Sa Nea 16 “Toutes les de la Terre Recever Science &.Vie et ses Hors-Série Votre billetind'sbonnement sa trowe enp. 87. Pour commander . aY'établissement de liaisons faibles électros- tatiques appelées “liaisons hydrogéne" entre xo esttomes 0 Socronégatis ets etomes 2 * électropositifs de leurs molécules d'eau. | “~ Dans la glace Ih (classification scientifique + v s « de la glace la plus répandue sur le globe, ott h signifie hexagonal), phase solide qui existe « « a { dans les conditions de pression et de tempéra- ‘ > ture terrestres, les molécules d'eau sont liées en moyenne a quatre autres molécules d'eau dans un réseau cristallin rigide et hexagonal. SRV Hors Série 1 Parcontraste, les molécules d'eau sont davan- tage rapprochées les unes des autres dans eau liquide, ce qui provoque une densité supérieure. Voila pourquoi la phase solide de l'eau flotte sur sa phase liquide! Cette caractéristique peu commune explique que la glace de mer s'accréte en surface -et isole eau liquide sous jacente des rigueurs hiver- nales, Les nombreuses liaisons hydrogéne de la glace expliquent aussi sa chaleur latente élevée : & 0°C, il faut beaucoup d’énergie pour la faire fondre, car cela demande de cas- ser son réseau cristallin. A l'inverse, former de la glace libére beaucoup d’énergie. D'ot. une certaine inertie: “Cela prend du temps de faire changer le volume de la cryosphére”, compléte Gerhard Krinner, directeur de recherche CNRS a institut des géosciences et de l'environnement (IGE) de Grenoble et spécialiste du climat polaire. GLACES DE TERRE ET Les glaciers continentaux s'alimentent par Yaccumulation de flocons de neige —des agrégats de cristaux de glace~tombés & leur surface. S‘ils ne fondent pas, ils fusionnent sous I'effet du poids des précipitations suc- cessives et se métamorphosent pour donner naissance a de la glace polycristalline, dont les grains constitutifs sont plus grossiers que les flocons. “Ce solide se comporte comme une pte. C’est pourquoiles glaciers fluent de L@ORANELUNGVAC ALAM 12+ SAN Hors Sérlo comme une pate. C'est pourquoi les glaciers fluent de maniére lente ‘maniére lente”, explique Gerhard Krinner. En mer, le processus de formation de la glace est différent : la banquise s'y forme quand l'eau de mer descend sous les ~1,8°C, le point de fusion de 'eau salée étant plus bas que celui de l'eau douce, D'abord, des petits cristaux de glace fleurissent en mer et viennent flotter en surface. Si la température reste suffisam- ment basse, cette purée de pois ~appelée frasil- devient solide, forme des plaques de plusieurs métres et s'épaissit au cours de Vhiver, avant de se résorber a I'été suivant. Certaines banquises sont pluriannuelles, mais aucune ne dépasse les 20m d’épais- seur: au-dela, l'eau liquide sous la banquise est trop isolée du froid atmosphérique pour atteindre la température de fusion. En se formant, la glace de la banquise expulse une grande partie du sel de l'eau de mer dont elle provient, participant & augmenter la densité et la salinite des eaux de surface plongeant aux hautes latitudes de 'Atlantique nord. # Ce solide se comporte L’albédo, un bouclier blanc iain lec Renee Bol ene les rayonnements solaires, la glace constitue une clé de votite WES Zr ure ne Woe) Vee Banquises, calottesglacaires ou neigefrache, Ce eT ee et as eee noes ea ease incidente qu’ele diffuse Il varie entre 0 (corps noir, Pee eee ee ae Pe ne mee cee) eee y ti eed Se Sree te] oeermner eat ee cord Cee ent eet eta ened Cee ee nent sag eee tee Ca Mie eet ete ete cs de neige récentes: a glace nue conserve un albédo Perens Dans un contexte deréchauffement climatique, et eee reenter eee eer albédo”, susceptible damplifr le réchauffement Om ee ane ety yee eae ern Gerhard Krinner. Le substratrocheux ou océanique, Pe eee eee eee ae eae eur locale, etdonc une accélération dela fonte.” Preuve de a puissance du mécanisme eer eet eee ccs dans la direction opposée a causé trois épisodes eee eae aurait été presque entiérement recouverte Ce eee cre 720 et 635 millions dannées avant notre &e, Pinecrest ean ss Cee eee ce stemballer dans les décennies venir et transformer cei ae et nee a terrestres glacées sont trop petites pour permetire eer renee eee eo See Ee cure Cee eae ue des climatologues du Giec~dont fit pa esas PO ica nen ted pete eee een cee) Oa re ae dae ere ad la surface de banquise est bien plus variable Ce una) celle des inlandsis multimillénaires du Groenland Cee ae ere ed eee ee cece na ee mea ie cy que laren hiver eau réchauffeairetentrane une Sen ede or Oe eee oe ie cae climatique:on parle damplficationarctique”, Cee niece eed ee eae reat (Etats-Unis). Un mécanisme qui pourrait bien étre fatal aux ours polaires dans les décennies 8 ven a SRV Hors Série 13 ©5716) -AD 0B STOCK (3) z ‘CRYO-QUOI? ~~ LOrganisation météorologique mondiale, agence spécialisée des Nations unies, a annoncé que la cryosphere était désormais “une de ses principales Driorités”, a Yissue de son congrés mondial de mai 2023, qualifiant le sujet de “brillant”. Mais de quoi parle-t-on PréciséMeNt? mreorscaermaveue vrEENAr-cuLMAUMON ette eryosphére - du grec kryos, froid— désigne toutes les masses gelées de la Terre, présentant de multiples formes selon les origines de consitution de la glace, sa composition, ou encore la zone concerée. Les plus grandes ressources en eau douce de la planéte, dont dépendent plus d'un mil- liard de personnes, sont issues de la fonte des neiges et des glaciers de montagne (1). Liés au relief, ces derniers se sont formes suite l'accumulation et la compression de la neige. Au fil du temps, leur poids les entraine vers le bassin-versant. i Soe A bien plus grande échelle, on trouve les calottes glaciaires (2) de l'Antarctique et du Groenland, qui sont a différencier de la glace de mer de I'Arctique. Les calottes sont en effet constituées d'une épaisse couche de glace formée par les chutes de neige (donc de l'eau douce) sur un socle rocheux. Cette neige s'accumule depuis des millions d’années (34 millions d’années pour I'Antarctique), et se compacte en glace sous l'effet de son propre poids. Les vastes étendues de glace continentale dont la superficie depasse les 50000km? sont appe- ees inlansis (3), et sont corrélées a un climat plutét sec (la faible évaporation implique peu - de précipitations). En dega, ils'agit, de champs de glace (4), comme il s’en trouve en Norvege, Islande, Patagonie... Le poids accumulé par les centaines de métres, voire kilométres d’épaisseur, pousse la glace vers les cétes, donnant naissance a des plate- formes de glace, pouvant se fragmenter en icebergs (5) de tailles plus ou moins impor- tantes, qui flottent a la surface de l'eau. Ces apports d'eau douce et froide jouent un réle primordial dans la circulation océanique mon- diale au niveau des transferts thermiques et, de la capacité d'absorption du CO2 LArctique, quant a lui, est un océan de glace, constituant une banquise perma- nente (6). Sous l'effet des températures hivernales (~40°C), des paillettes de glace apparaissent quand la température de Yeau descend sous ~ 1,86°C. Le mélange d'eau et de morceaux de glace est appelé Comprendre frasil (7). En fonction des conditions, il cris- tallisera en une couche solide, pi¢geant des poches d'eau trés salée (saumure), couche sur laquelle les chutes de neige pourront s'accu- muler. Quand elle est suffisamment épaisse pour ne pas étre brisée par les vagues, cette glace de mer forme la banquise. La banquise cétiére est rattachée 4 la cote (le long d'une banquette cétiére qui ne bouge pas avec les marées) et peut rester en place plusieurs années on dit qu’elle est “pérenne” - ou étre une banquise saisonniére qui dure moins d'un an. La banquise de mer est dite dérivante quand elle se détache de la banquise cdtiére, ou quand elle est consti- tuée en mer. Moins visibles, les étendues gelées deterre sont tout aussi déterminantes pour le climat, ‘Le pergélisol (8), ou permafrost en anglais, est un sol gelé, quelle que soit sa composition en eau, calcaire, sable, humus, pendant au moins deux années consécutives. Sa tem- pérature moyenne est comprise entre -4°C. et -5°C et il est imperméable. Il peut parfois, atteindre plus d'un kilometre de profondeur, et ’épaisseur de la couche dite active -soit, Ja partie située en surface qui dégéle en é varie de 30cm plus de 260cm. Le pergélisol représente de 20% a 25 % des terres émer- gées dans lhémisphere Nord. * SRV Hors Série 15 16 SAN Hors Sire “Toutes les Comprendre glaces de la ‘Terre sont les barometres du climat”’ Glaciologue frangaise, Heidi Sevestre est membre du Club des explorateurs. Elle méne des expéditions chaque année et participe au programme de surveillance et d’évaluation de l'Arctique. Elle dresse pour nous un état des lieux dela fonte de la cryosphere et fait le point sur les défis a relever par la communauté scientifique. resemeuecareun SVHS:Est-cequetoutesles de Patagonie, en Argentine. Suh glacesdelaplanétesont De l'autre cété de la planéte, iy entrainde fondre? j'étudiais certains glaciers Heidi Sevestre: Il de Y'ouest de I'Himalaya yaquelques années, qui prenaient encore de la ily avait encore des. masse. Désormais, c'est glaciers quifaisaient tres difficile, pour ne pas exception. Parexemple, dire impossible, de trou- SS onparlait beaucoup dela ver des glaciers qui ne réa- stabilité du Perito Moreno, gissent pas au changement un glacier emblématique _climatique. Les calottes polaires, le Groenland et l'Antarctique, le pergélisol, la banquise... Toutes les glaces de la Terre fondent. Ce sont les barometres du climat, L'augmentation des concentrations en CO; ou de meéthane dans I'atmosphére ne se voit pas a l'cil nu. Un Glacier qui rétrécit, qui se raccoureit, ga se voit. ‘ecatconr HART SRV Hors Scie ‘BERNHARD EDMAIERSCIENCE PHOTO UBRARY a SVHS: Comment laglace fond-elle? H. S.: La glace a différentes maniéres de fondre. La pre- miére, c'est au contact de Yair. Pendant I'été, a cause dela température, une partie du glacier fond en surface et en partie basse, et c'est tout fait normal. Le glacier se recharge en hiver quand il fait froid. Le probleme, c'est qu’actuellement les glaciers ne se rechargent pas totale- ‘ment. En second lieu, la glace fond au contact de l'eau. Par exemple, l'eau de fonte, beaucoup plus chaude que la glace, peut entrer a 'inté- rieur des glaciers par des crevasses, On appelle cela des moulins. L’eau liquide fait alors fondre le glacier de Vintérieur. Une autre forme de fonte au contact de l'eau est observée sur les glaciers de I'Himalaya. Ces derniers fondent tellement vite que des lacs d'eau de fonte se forment devant les glaciers. Le lac en lui-méme est une source de chaleur immense qui entraine la fonte des falaises de glace qu'il touche. Du cété des calottes polaires, la fonte peut avoir lieu au contact de l'eau de mer. La ot les falaises de glace arrivent au niveau de locéan, d’énormes mor- ceaux de glace, des icebergs, se déctochent. Dans ce cas, on ne parle plus de fonte, mais de perte de volume. Actuellement, les tempéra- tures de l'océan augmentent et cela a une incidence sur les courants. La banquise, quiflotte surl'eau,n'y résiste pas. Certaines régions des poles dont la base est a deux kilométres de profondeur sous le niveau de la mer, non plus, Ce n'est pas que Ja température de surface de Yocéan qui est importante, mais aussi la température en Les Alpes francgaises se réchauffent deux fois plus vite que le reste du pays JD Z 5 profondeur, laoit les courants océaniques peuvent ame- ner des eaux tres chaudes. A d'autres endroits de la pla- nete, en Islande par exemple, la géothermie est aussi impliquée dans la fonte des glaces. SVHS:Leseffetsdu réchauffementclimatique sont plus forts dans lespoles etsurlesglaciers. Pourquoi? H.S. : D'abord pour les rai- ‘sons que je viens d’évoquer, Clest-&-dire les températures et le contact avec l'eau. Un autre facteur est la couleur de la glace et de la neige. En temps normal, les glaciers qui composent les Alpes par exemple sont recouverts, en lL On trouve toutes les formes de la cryosphére au Svalbard. C'est le paradis des glaciologues hiver et au printemps, d'une épaisse couche de neige. Cette surface blanche ren- voie jusqu’a 90% du rayon- nement solaire, on dit alors qu’elle a un albedo élevé, C'est-a-dire un fort pouvoir réfléchissant, Le souci, c'est que la superficie de ces sur- faces blanches diminue: les glaciers fondent, la neige tombe moins. Apparaissent cette image de larchipel norvégien du Svalbard, en 2022. En Arctique, le réchauffement climatique se déroule quatre foi plus vite que la moyenne mondiale, alors des cailloux, desroches, dela végétation dont!'albédo est beaucoup plus bas. La chaleur n'est pas réfléchie. AVinverse, ces surfaces grises ou vertes absorbent la chaleur. En plein été, ces roches deviennent des fours, ce qui acoélere encore plus la fonte des glaces. C'est pour ga que I'on dit que les Alpes frangaises se I Comprendre réchauffent deux fois plus vite que le reste du pays. Un autre aspect qui accélere le réchauffement des glaciers, ce sont les particules fines. Au Groenland, par exemple, la glace devient grise, recou- verte d'une poudre princi. palement due & la pollution atmosphérique provoquée par la combustion des éner- gies fossiles ou les feux de forét. A Paris, sur du gow: dron, ces particules ne sont pas visibles. Au Groenland, si, Elles catalysent la fonte de surface en changeant Yalbédo. SVHS:Vousvivezau Svalbard, unarchipel norvégien dans 'océan Arctique. Ilyala-basle centre universitaire le plus septentrionaldumonde. Pourquoiest-ceintéressant diy étudier laglaciologie? H. S.; Parce qu’on y trouve toutes les formes de la cryos- phere. Des glaciers ~ter- restres ou qui se terminent dans l'océan, des petits, des grands, des lents, des rapides-, de la neige, du per- gélisol sur des centaines de metres de profondeur, de la glace de mer et de lacs. C'est le paradis des glaciologues. Aussi, etc'esttrés important, la zone a été cartographiée des le XVI" siécle puisqu’on y chassait la baleine. Les premiéres expéditions scien- tifiques ont commencé peu aprés. Ona doncdes archives de mesures tres anciennes qui sont utiles au travail scientifique actuel. SVHS:Chaqueannée,vous participezadesexpéditions 3 SRV Hors Sie 19 deterrain. Que faites-vous pendant ces expéditions ? H.S.: On prend des mesures ou on positionne des ins- truments de mesure, on effectue des prélevements, on extrait des carottes de glace... aut savoir que tout Ie monde a envie de partir en expédition, mais qu'on n’a pas forcement besoin que tout le monde soit sur le terrain! Les expéditions cotitent cher et sont dange- reuses. Avant de partir, on se pose les bonnes questions. Pourquoi aller la-bas? N'y pas deja quelqu'un? Est-ce pour essayer une nouvelle technique? A-t-on vraiment besoin de récol ter des échantillons ou les images satellites peuvent- elles étre suffisantes ? Une fois qu'on s'est assuré qu'il n'y a pas d'autres solutions, on monte une équipe et on part en n’oubliant jamais que la nature est beau- coup plus forte que nous. Généralement, on a une feuille de route, un plan A, mais aussi un plan B, C, voire D. On part en se disant qu'on fera de notre mieux, dans un environnement trés dange- reux. La sécurité de l'équipe est placée au premier plan, la science en second. Si c'est Vinverse, on met 'équipe en danger. L’expédition ultime, CeestI'itinérance. C'est-a-ire qu'on dort sur le terrain: on ne rentre pas au chaud le soir sur un bateau ou dans une base scientifique. at s RPFSTUALICOVER MACESIABCIANOIA SVHS:Aquoiservent cesexpéditions? H. S.: L'un des enjeux actuels de la recherche en g 3 20+SRW Hors Sie “4 Les carottes de glace sont le livre dhistoire des changements climatiques survenus sur la planéte y, 7 Glaciologie, c'est de savoir quelle est la quantité d'eau contenue dans les glaciers, et quel est son potentiel d'aug- menter le niveau des mers en cas de fonte. Sure terrain, en avion ou en hélicoptére, on mesure, grace & l'utilisation d’ondes radio, 'épaisseur de la glace. La od on ne peut pas faire de mesures physiques, des modéles mathématiques nous permettent de déduire les dimensions des glaciers. Sur ce sujet, on commence Aavoir des mesures és fines. SVHS: Selonledernier rapportduGiec, le réchauffementclimatique se produit plus vite que prévu. Vousavezdit, parle passé, que lesphénomenes duréchauffementclimatique Perret een eis eee tet Pee Cones ‘au Groenland, grace 8 analyse des isotopes des Cer arr Peer gtr mrt Coepa enetee Percy vont siviteque les techniques demesure proposées par lasciencesontdépassées. Qu’est-ce que caveut dire? 5.: Que, jusqu’a présent, nos modéles sous-estiment les effets du changement climatique. Pour essayer de projeter le réchauffement de VArctique, par exemple, on utilise un modéle mathema- tique et numérique appelé CMIP6. Il prend en compte tout l'environnement, aussi bien ce qui reléve de I'hu- main que du non-humain : Yatmosphére, les glaciers, Tocéan, les émissions de gaz effet de serre, les foréts, les écosystemes... Pour autant, on s'est rendu compte qu'il ere ted chantillons d'eau dé fonte quis“ Prom R Ne errs supraglaciaire afin de Cea Ut eo Perea sous-estime la rapidité du réchauffement, notam- ment parce qu'ila du mal a prendre en compte la perte de la banquise, laquelle joue un r6le trés important en Arctique. Par ailleurs, on observe aujourd'hui des phénoménes sur le pergéli- sol que le modéle avait pro- jeté pour dans 70 ou 80 ans. Maintenant qu’on le sait, nous allons pouvoir amélio- rer ce modéle. Il y a encore beaucoup faire pour gagner en précision. En revanche, nos projections sont bonnes dans le sens oi les choses se passent comme on I'avait prédit, mais plus vite que prévu. Je crois que, dans la science, on est assez conser- vateur: ilnous faut du temps pour comprendre ce qui se passe et pour valider ce qui va se passer. On améliore constamment nos connais- sances et nos techniques. La glaciologie est une science toute neuve, Unautreaspect ‘important dela recherche deterrainenglaciologie, cestleprélévementde carottesde glace. Pourquoi? 1. Les carottes de glace sont le livre d'histoire des changements climatiques survenus sur la planéte. Elles nous permettent de reconstituer le climat sur Terre. Actuellement, en Antarctique, on peut trouver des glaces qui ont potentiel lement 1,5 million d’années. Claude Lorius, glaciologue frangais, a été l'un des pre- miers a comprendre que les glaces peuvent étre trés anciennes, Lhistoire raconte que, lors de l’Année polaire internationale de 1957, alors agé de 22 ans, il part en Antarctique sur la base Charcot. La-bas, i] utilise des bouts de carottes de glace comme glacons pour son whisky. Lorsqu’ll les plonge dans le liquide alcoolisé, la glace se brise & cause de la Comprendre {NEW YOR TMESIREA SRV Hors Série 21 pression, et il voit ensuite de petites bulles d’air remonter a la surface. Ila alors l'idée que ces bulles sont peut-étre des échantillons de 'atmos- phered'ily adescentaines de milliers d'années. Et ila rai- son! Ces petites bulles d’air ont une certaine concentra- tion de CO,, de méthane, de dioxyde d'azote, ot la glace quiles entoure contient diffé- rents isotopes d'oxygene. En résumé, la glace donne une idée des températures sur Terre au moment oi elle s'est formée, etles bulles une idée des concentrations de gaz a effet de serre de l'atmos- phérea cette époque. L’étude de ces données a mis en évi- dence le lien entre la concen- tration atmosphérique en gaz a effet de serre et 'évolution du climat. Actuellement, le projet Ice Memory mene des expéditions dans les glaciers qui sont les plus menacés par le réchauffement climatique pour y prélever des carottes avant que ces archives clima- tiques ne fondent. Les scien- tifiques qui travaillent sur ce programme vont analyser une partie de ces carottes et Yautre moitié sera envoyée en Antarctique pour étre stockée pour les générations futures. C’est une démarche trés poétique. C'est vital, pour nous, de comprendre comment les glaces ont réagi au changement clima- tique par le passé. Tous nos modéles mathématiques sont entrainés a partir de ce qui s'est passé avant. II faut done qu'on puisse savoir comment I’Antarctique aréagia +1°C ou +2°C pour les calibrer. 22S Hos Sie ecient me I Bere aN ee char ere tLe ssa Haute-Savoi me Peer rae) SVHS:Quels ont les prochains défisde la science concernant la fonte desglaces? H.S.:Je pense adeux choses. La premiére, c'est qu'il fau- drait qu'on réussisse a cal- culer la valeur économique d'un glacier. Les décideurs, les gouvernements en ont besoin. Voici un exemple je suis originaire de Haute- Savoie ol il ya actuellement beaucoup de discussions au sujet des stations de ski et de utilisation de l'eau. La station de La Clusaz dispose deja de quatre retenues col- linaires: des lacs creusés artificiellement en montagne pour stocker l'eau. Une cin- quiéme devrait étre creusée pourlaccés en eau potabledu village et pour les besoins en eau dela station de ski. Cette cinquime retenue devrait Sten Mn eet nti? étre construite surle plateau somptueux de Beauregard. Le probleme, c'est qu'elle risque de couper l'accés en eau d'une zone humide. La valeur économique d'une retenue collinaire est facile & calculer: elle représente des séjours au ski, du tourisme local et loin- tain, des nuitées, des repas au restaurant... Tout ga, on sait le calculer. En revanche, Ja valeur économique d'une zone humide, c'est plus diffi ile, Pourtant, elle nous rend, gratuitement, des services écosystémiques: elle absorbe des gaz a effet de serre, apporte de la biodiversité, elle filtre et redistribue l'eau de pluie et de fonte deneige. Sa valeur est énorme. Je suis convaincue que sion arrivait a calculera valeur économique de la zone humide versus la valeur économique de la retenue collinaire, on se ren- drait compte que la valeur de la zone humide est ines- timable. C'est exactement la méme chose pour les gla- iets. Une étude a été faite en ce sens par Christian Huggel, qui a estime la valeur écono- mique d’un bassin versant dans Himalaya ov il y a des glaciers 4 plusieurs centaines de millions de dollars par an. Les gouvernements nous demandent sans arrét des chifftes, IInous faut des billes pour pouvoir expliquer ce qu‘on perd quand les glaces fondent. Je suis persuadée que la comptabilité peut aider a sauver la nature. Le deuxiéme aspect sur lequel la science doit encore travailler, ce sont les éven- tuelles reactions abruptes des glaces au changement cli- ‘matique. Par exemple, on sait quilya des phénomenes sou- dains qui ont lieu au niveau du pergélisol, qui peut, tout & coup, se mettre a dégeler tres vite. Laméme chose peut se produire au Groenland et en Antarctique. Mais ce sont des phénomenes que les rap- ports du Giecne prennent en compte qu’en pointillé pour Vinstant. Ces déstabilisa- tions ultra rapides sont lies des points de bascule, des points de non-retour. Elles pourraient se déclencher si le réchauffement planétaire atteint les 2 °C. Sauf que, pour instant, on manque de données pour qu'il y ait un consensus concernant ces événements abrupts au sein de la communauté scienti- fique. Ainsi, dans le dernier rapport du Giec, en termes d'élévation du niveau de la mer d'ici la fin du siécle, on voit surles graphiques que la du chikungunya a fai oreo plupart des travaux montrent une élévation entre 40 centi- métres ouun metre. Maisilya aussi une petite ligne en poin- tillé appelée “low confidence, high impact”, qui table plu- t6t sur une élévation de 3 ou 4 metres. Or, 700 millions de personnes vivent entre 2éro0 et dix métres d’altitude. Si le Groenland disparait, 'éleva- tion serait potentiellement de 647 metres. L’Antarctique, Cest 58 metres, Il est done urgent de comprendre cette ligne en pointillé. Comprendre Nos modéles sous-estiment les effets du changement climatique 3 3 SRV Hors Série 23 \ 24.258 Hors Sie Wey Des consequences en cascade 30 La Bretagne va-t-elle deve “y) Sueurs froides A0, Aqua artes eres) Je point de bascule? re du pe Breen cnat coerictt Peper eee necctcoocretc Pee cea MEMO NSU! oem cas Tad Néanmoins, malgré une température Sa ene ee eens Alors que la fonte des glaces s'accéleére, les conséquences climatiques sont complexes a modeéliser. Acommencer parla perturbation de la circulation thermohaline, régulatrice des courants océaniques et thermostat de la planéte. srrraancoismauiono 26 SR Hors Sie ombinée a la dilatation ther- mique de l'océan, la fonte des calottes glaciaires et des deux inlandsis — étendues de glace continentale de plus de 50000 km? - situés au Groenland et en Antarctique a entrainé une hausse du niveau des mers. Celle-ci a été en moyenne denviron 20cm entre 1901 et 2018, d'aprés la synthése du sixieme rapport du Giec, publiée le 20 mars 2023. Cependant, bien que préoccupante, cette élévation du niveau de 'océan n'est que la partie émergée des conséquences climatiques dela fonte des, calottes glaciaires “Parmi ses effets plus indirects, la fonte des calottes glaciaires pourrait perturber la circulation océanique profonde et ainsi impac- terleclimat mondial", avance Gilles Ramstein, directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) a 'université Paris-Saclay. La cireu- lation océanique thermohaline désigne les mouvements grande échelle qui animent les masses d'eau océanique, entre surface et profondeur, suivant leur densité —elle-méme fonction de la température et de la salinite, Ce mouvement perpétuel joue un réle essen- tiel, bien que mal compris, dans la régulation du climat mondial. Probleme: la gigantesque circulation thermohaline a un talon d’Achille “Meme si focéan recouvre 70 % de la surface terrestre, il n'y a que quelques zones dans Ie monde oii I’eau est assez froide, salée et done dense pour plonger, explique Gilles Ramstein. La circulation océanique profonde dépend ainsi de quelques zones froides dans les hautes latitudes dans I'Atlantique nord.” En alimentant en eau douce ces zones de plongée d'eau océanique froide et sursalée, une fonte massive des glaces groenlandaises abaisserait la salinité des eaux prétes a plon- get, ce qui pourrait ralentir - voire stopper si la fonte est particuliérement brutale —la circu- lation thermohaline. Le mouvement est deja en marche: la part de circulation thermoha- line qui plonge dans I'Atlantique nord serait, son point le plus bas depuis un millénaire, selon une publication parue dans Nature Geoscience en 2021. La proportion de cette baisse imputable & l'activité humaine reste sujette a débat, méme si les climatologues du groupe de travail 1 du sixiéme rapport du Giec s'accordent a considérer que la circula- tion thermohaline va ralentir au XXP° siécle, et d'autant plus si activité humaine relache davantage de CO2. En ralentissant la circulation thermoha- line, 'accélération de la fonte de l'inlandsis, Alerter Le lion entre fonte du Groenland et ardification du Sahel s‘établit vec la circulation océanique. Le glacier de Sermeq Kujalleg (@ gauche) a perdu 40 km de surface depuis 1850... Adroite, au ‘Sénégal, le projet de grand mur vert qui tente de freiner avancée du Sahara. groenlandais participerait a une réaction en chaine aux effets potentiellement impor- tants sur le climat mondial. Parmi les consé- quences anticipées, on compte péle-méle le ralentissement du jet-stream en Europe, pouvant augmenter le risque de canicules; un réchauffement plus lent en Europe du Nord pour cause de diminution du Gulf Stream ; ou encore... 'aridification du Sahel, avec une forte diminution de la mousson ouest-africaine! Pour arriver cette der- niére conclusion, publiée en 2017 dans la revue PNAS, Gilles Ramstein et ses col- legues ont réalisé des projections d'une fonte de l'inlandsis groenlandais, alimen- tant I’Atlantique nord d'un volume d'eau douce équivalant a une hausse du niveau de Yocéan de 0,5 metre & 3 metres, entre 2020 et 2070. “Dans ces expériences, qui n'ont pas valeur de prédiction, mais d'exploration, nous avons montré qu’un écrowlement de la ‘OUANEHAFOWREDUUTEA SRV Hors Sie 27 2 28S Hors Sie circulation thermohaline peut bouleverser la mousson africaine”, indique Gilles Ramstein, qui insiste sur le fait qu'une telle connexion s’observe dans les archives climatiques. Plus étonnant encore, Alizée Chemison, doctorante au LSCE, a montré dans une étude publiée en 2021 dans la revue Nature Communications que l'accélération de la fonte du Groenland, alimentée par des émis- sions de CO; soutenues, pourrait augmenter dans les prochaines décennies le risque de paludisme en Afrique de !'Quest, en rendant le climat plus favorable aux moustiques vec- teurs de la maladie, “Le lien entre fonte du Groenland et climat au Sahel s’établit par y Un écroulement de la circulation thermohaline pourrait bouleverser la mousson africaine Ja circulation océanique, détaille Aurélien Quiquet, climatologue CNRS au LSCE. La mousson ouest-africaine est trés lide ala différence de température entre les masses atmosphériques terrestres et océaniques, et ces derniéres sont influencées par la tempé- rature océanique, qui dépend de la circula- tion thermohaline.” VENEMENTS DITS DE HEINRIC! L’étendue des effets potentiels de la fonte des deux inlandsis demeure toutefois incer- taine, faute d'une compréhension suffisante du lien avec I’évolution du climat mondial. “La réponse de la cryosphére [ensemble constitué par les glaces qui sont & la surface du globe terrestre, nouk] au réchauffement climatique n'est pas linéaire. Sil'on continue 4 relacher des gaz a effets de serre en sui- vant la trajectoire actuelle, il y a un risque d’emballement, car certaines calottes gla ciaires pourraient devenir instables", alerte Gilles Ramstein. Des événements clima- tiques passés démontrent que des débacles massives d'icebergs causées par 'instabilité a eos escent nes courants chauds de surface, En Dm Meee ocr des calottes glaciaires peuvent conduire, en raison d’un afflux régional massif d'eau douce, a une réorganisation globale de la circulation thermohaline. Ainsi, les événe- ments dits de Heinrich, lors des périodes glaciaires du quaternaire, ont été causés par Vinstabilité naturelle de la calotte Laurentide Alerter au Canada ou de la calotte fennoscandienne au nord de Europe. Chaque événement de Heinrich, d’une durée de plusieurs siécles, a augmenté le niveau de océan de quelques metres eta ralenti, voire stoppé, la circula- tion thermohaline. Lanature et les conséquences d'un embal: Iement similaire dans les décennies a venir restent en attente d’un consensus mon- dial entre climatologues, faute de modéles physiques faisant I'unanimité. En cause, la modélisation des calottes antarctiques, dont la fonte représenterait I'équivalent d'une hausse du niveau marin de 60 métres —bien loin des 7 métres de hausse que causerait la fonte de la calotte groenlandaise. “Quand on projette I'évolution du niveau marin et dur climat, les scénarios & fort impact, bien que trés peu probables, viennent d'une déstabili- sation des glaciers de I'Antarctique, dont on connait mal e socle rocheux. Pour améliorer la robustesse de nos projections, nous avons besoin de modéles capables de tournera plus haute résolution, mais aussi de campagnes de terrain pour rassembler davantage de données”, conclut Aurélien Quiquet. Une tdche de fourmi, tant '‘Antarctique regorge de glaciers et de calottes. « CChronologie des événements climatiques majeurs de la derniére période glaciaire (en orange, températures reconstituées) tenregistrés dans les carottes de glace polaire par le North Greenland Ice Core Project (NGRIP) et position des événements de Heinrich (hachurés gris), enregistrés dans les carottes de sédiment ‘marin de l'océan Atlantique nord. Gain SHTRGU CLASTED GPEn as eH er ot Noe teh be on bn 7 rit tins \ iio Moana epee plocine 184 \Ghn Ait i Wy j \ j v A 48 4 antarctigfe ‘20000 a 1g0099 99000 29000) hele cage AlcolT2, antes avant S000 AD eBoy 20000 SRV Hors Série 29 L | Alerter LA BRETAG VA-T-ELL DEVENIR..” UNE ILE?__ Quand la créativité d'un BR... de cartographie rencontre la réalité de la montée des eaux, cela sert une prise de conscience global. rzsonen cen Poe Sees cal Prema Rout Grecian neta cd Peete scone otoe etd Pre ecg BN eae see ete CRG besecc ne sceicetity Pee Ceti eee eid les glaciers venaient 4 fondre’, précise la légende. Liauteur se défend toutefois de tout crédit scientifique, méme si la conception reléve d'un certain sérieux. “La carte est trés eee et aon il, 'idée était juste de montrer quelque chose de purement fictf!” Une fiction qui ale mérite Cerone a eee Renter Cer emer acco) et océanographique de la Marine. “Cela peut Dee re eee mes cLt COTES Us aaa eats Potton emcees CoC Cn acca ac) eee eee ee) enue cene Cmca ee graphique et forestiere). “J'ai pris ce fichier topographique, dont la précision au sol est de Pe sumer ees eatctg Send Boe nny Cov oro ane eas ne era eo Cea Reno ne Etre cE na Co-o Lace UES Ue eRe es aT attelé a réaliserla carte de la France entiére. Cad Reo koLa Dans les faits, les hausses du niveau dela mer en Bretagne et dans le reste du monde Deedes ey wae aa ay Pee CRC en teense eens eee cay méme maniére. “II faut prendre en compte impact local”, précise Nicolas Pouvreau. Il Cece nee eee nd Z Cest a l’époque de Louis XIV que les plus anciennes mesures du niveau de la mer débutent en France VL J NOUVELLE NGE ee cMeu RoI yearn Pigotoes conus 2 fee oaoeh Caceres ‘aie, aetoas otto e Cree comer ao Boca ny teeter Preset een yee) Cotersoenase vce veer cneor ree tnaa re eer niveau de la mer débutent en France, "La ville fees ear eer eens de plus de trois cents ans! C'est unique au monde”, s’enorgueillit Nicolas Pouvreau. Un Peong eee escmaie coon secy ramos er veces ave Ome EER ory ie tile Snr iatntom ys marred cia. Cea recy Seed Cea Te ork ELC VOR Le RRO SEM NSTI KERATIN aNaHAdacrlgeenisaens(ane nut Coordination nationale de l'observation du EE Rea Ge cn ane cae Cee Coa GUERANDE ke iodk a ite Territoire de chasse, de reproduction ou refuge... La glace ou la neige sont vitales pour nombre diespéces. Pour celles-ci, la fonte de la cryosphére, c'est chaud... PARCORALIE HANCOK n ours polaire piégé sur un minuscule morceau de ban- quise au milieu de l'océan Arctique ; un autre, décharné et a l'agonie, errant au milieu d'une végétation rase; d'autres encore se rapprochant dangereusement des villes et se nourrissant dans les poubelles ou dans les décharges a ciel ouvert... Ces images ont fait de Yours polaire un symbole du réchauf- fement climatique. Et effectivement, pour lui, la menace est immense. Ce gros carni- vore se nourrit essentiellement de phoques qu'il chasse “au trou” :ilattend patiemment, qu'un phoque viene reprendre sa respira- tion dans I'un de ces creux formés dans la glace pour 'attraper. Or, avec le réchauffe- ment climatique, la banquise fond plus tot .RAYHONOISCENCE MOTO UBRARY 32+SAN Hors Str Alerter SRV Hors Série 38 g 4 Oe en en eh Aer efflorescences de phytoplancton Pee een) de la banquise qui a apporté erences chaque été et se reforme chaque hiver plus tard, ce qui raccourcit la période de chasse de Yours polaire et augmente de facto la durée de son jetine. Sa santé décline, et avec elle son succés reproducteur: le lait des femelles n'est plus assez riche pour nourrir les our- sons qui meurent prématurément, quand ils ne sont pas victimes de cannibalisme de la part de grands males affamés. Méme la sur- vie des adultes est impactée. Si bien qu'une étude réalisée par des chercheurs américains et canadiens publiée en 2020 dans Nature Climate Change annongait que dans un scé- nario oit les émissions de gaz a effet de serre + SAV Hoes Str continuent d’augmenter au rythme actuel, la totalité des populations d’ours polaires se seront éteintes d'ici 2100, Dans un scénario oii les émissions de gaz a effet de serre ont été seulement stabilisées, seuls quelques groupes survivront. En bref, l'ours polaire est condamné a disparaitre & moins que nos émissions de CO, ne commencent a diminuer des 2050. UN HABITAT INDISPENSABLE Lours blancest cependant loin d’étre la seule ‘espace polaire a voir sa survie menacée par la fonte de la banquise, A l'autre extrémité Ceillearanis: Bnaoseu cua de la planete, dans I'Antarctique, le sort de plusieurs mammiferes et oiseaux est lui aussi fortement lié& cette étendue de glace. ‘Contrairement aux éléphants de mer, le phoque de Weddell dépend entiérement de a banquise pour sa mue et sa reproduction. C'est un habitat qui lui est indispensable", indique Adélie Antoine, doctorante au sein du laboratoire Locean (Sorbonne Université/ CNRS). “Les manchots empereurs se repro- duisent également presque exclusivement sur la banquise”, précise Céline Le Bohec, chargée de recherche CNRS en biologie polaire au Centre scientifique de Monaco. Et Alerter lo augmentation du trafic maritime aura aussi des conséquences délétéres sur la faune et la flore yy dajouter: "On s‘attend a un déclin de 70% 4.90% des populations de manchots empe- reurs d'ici la fin du siecle.” D’autant que ce n'est pas seulement leur reproduction qui sera affectée si la glace de mer disparait. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraitre, la banquise est aussi une source de nourriture. “Lorsque la mer géle pour former la banquise, une partie du sel est expulsée. Ce phénomene a pour effet de former des canaux dans la glace, et dans ces canaux vivent des microalgues”, explique Guillaume Massé, océanographe et spécialiste de l'écosystéme polaire au CNRS. Au printemps, lorsque la couche de glace fond, ces microalgues sont liberées et on observe alors un “bloom” phytoplanc- tonique. Le krill, qui se nourrit de ce phy- toplancton, explose lui aussi, constituant une source de nourriture abondante pour de nombreux oiseaux marins, dont les man- chots Adélie et royaux, et pour les baleines. “Pas de banquise, pas de microalgues. Pas de microalgues, pas de krill. Pas de krill, pas de baleine. Toute la chaine alimentaire des régions polaires pourrait s'effondrer”, résume Guillaume Massé. Alors bien sdr, cer- taines espéces pourraient réussir a s'adap- ter. Dans la baie d’Hudson, au Canada, des ours polaires ont récemment été observés se jetant littéralement a eau pour attraper des bélugas. “Certains manchots semblent avoir augmenté leur consommation de salpes, des animaux proches des méduses. Mais celles- ci sont beaucoup moins nutritives que le Aaill, ce qui pourrait diminuer leur succes reproducteur”, indique Yan Ropert-Coudert, ‘© LOUSE MURRAY/SCIENCE PHOTO LRARY SRV Hors Série 35 “i 7 La disparition des glaciers va favoriser l’emprise des espéces introduites et, parla suite, la compétition A entre espéces directeur de Institut polaire francais Paul- Emile Victor. “En Antarctique, ott la fonte de la banquise est pour instant régionali- sée, il est possible que certains phoques se déplacent vers les zones particuliéres ot Jes conditions océanographiques restent ‘Au début des années 2000, la population du renard arctique (Vulpes lagopus) était estimée a 100 individus. Elle serait maintenant proche de 450, grdce &.un programme de conservation ‘mené par les pares nationaux de Finlande, en coopération avec la Suéde ot la Norvege. (OR P MARAZZUSCHINCE PHOTOUBRARY 36+ SR Hos Sie favorables 4 leur alimentation et ot poten- tiellement la banquise persiste. Mais cela reste une hypothese, car nous manquons encore de données temporelles suffisantes pour évaluer l'influence des changements d’habitat pour ces populations”, ajoute Adelie Antoine. DES PERTURBATIONS ACOUSTIQUES Mais tous les animaux polaires ne pourront, pas s'adapter. Surtout que d'autres menaces es guettent. “La disparition de la banquise va également ouvrir de nouvelles routes de navigation aux péles. Or, l'augmentation du trafic maritime aura aussi des consé- quences délétéres pour la biodiversité : risques de collision entre les bateaux et les animaux marins, perturbations acoustiques auxquelles sont trés sensibles l'ensemble des espaces, risques de fuite de gasoil...", s'inquiéte Yan Ropert-Coudert. “La péche industrielle pourrait également se dévelop- per dans ces zones jusqu’alors peu ou pas cexploitées. Sila pression de péche aug- ‘mente, cela constituera une menace supplémentaire pour des écosys- témes déja fragilisés”, ajoute Céline Le Bohec. La fonte des glaces pourrait également libé- rer des virus jusqu’alors pié- gés, d'autres pourraient étre introduits depuis les zones non polaires et se développer dans ces écosystémes moins englacés ; et certains d'entre eux pourraient étre patho- genes pour la faune et la flore locales. Enfin, les écosystémes polaires et subpolaires vont étre perturbés par des phénomenes de compéti- tion. Le renard blanc commence déja faire face @ un concurrent, le renard roux, qui remonte du sud et colonise certaines régions d’ Arctique ott le cli- mat s'est adouci. Idem pour la morue arctique qui se retrouve concurrencée par la morue et le capelan. Or, sou- ligne Guillaume Massé, “les phoques se nourrissent de morue arctique tres riche en lipides. La morue et le capelan fa sont beaucoup moins nutritifs, ce qui risque Lemanchot empereur (Aptenodytes forster)) se reproduit pendant "hiver antarctique. Chaque couple produit un seul ceuf, que les males couvent sur la banquise, Deninsuleanreiqe anda ees popu @ ons'attend aun déciin tonsdemanchotsAdéliedécinent.lesman- ey 70) % 4 G0 % des manchots chots papous ont tendance a les supplanter. Un phénoméne de compétition qui touche 779 IDETeUIS d'ici ala fin du aussi la flore dans les iles circumpolaires. “Aux abords du glacier Cook, surlesiles. iA Kerguelen, vivent des végétaux endémiques comme le chou des Kerguelen ou certaines azorelles, Au fur et a mesure que le glacier se retire, cela ouvre de nouveaux espaces pour ces plantes. Mais malheureusement, J La aalotte Cook, le plus grand © ‘glacier francais situé sur les iles > subantarctiques des Kerguelen, se réduit d’année en année et + devrait disparaitre a horizon 2100, selon une étude collective dde chercheurs du CNRS, publiée ‘en 2021 dans Antarctic Science. I pas uniquement pour elles: les espéces invasives sont plus compétitives et plus promptes 4 coloniser de nouvelles niches. La disparition des glaciers va done favoriser Temprise des variétés introduites et, par la suite, la compétition entre especes natives et espéces introduites”, détaille David Renault, biologiste 4 l'université de Rennes. LES "PERDANTS" DE LA FONTE La disparition de la glace ne concerne pas uniquement les écosystémes polaires. Partout sur la planate, les glaciers d'altitude fondent eux aussi peu a peu. En Europe, la plupart pourraient avoir disparu d'ici a la fin du sidcle. Avec, 1a aussi, de grands boule- versements pour la faune et la flore qui en dependent, “Les glaciers ne sont pas les zones sans vie que I'on imagine : on y trouve des bactéries, des levures, des algues, des SRV Hors Sie 37 La renoncule des glaciers ¥ (Ranunculus glacals), présente dans les régions montagnardes et subarctiques, pourrait 8 disparaitre sl elle venait & z s@ trouver en concurrence f avec d'autres espéces ou dans limpossibilité de s installer plus en altitude. ‘micro-invertébrés comme les tardigrades et les rotiféres. Dans les glaciers de Patagonie, un insecte, Andiperla willinki, a méme réussi a s‘adapter. Si les glaciers fondent, ces organismes sont condamnés 4 dispa- raitre”, indique Sophie Cauvy-Fraunié, chercheuse en hydro-écologie a I'Inrae Et de poursuivre: “Les glaciers d'altitude constituent également une réserve d’eau dont dépendent de nombreuses rivieres, des zones humides et des lacs. Leur dispa- rition pourrait a long terme conduire soit 4 leur asséchement, soit a des changements de communautés.” Les lacs glaciaires présentent des caractéristiques physico- chimiques trés particuliéres auxquelles les organismes qui y vivent se sont adaptés. “Leau est trés froide et trés turbide, en rai- son des frottements créés entre le glacier qui se déplace et la roche située en dessous. Ilya donc peu de lumiére, peu de plantes aquatiques et la faune est majoritairement 38+ SR Hors Sie 4 Larrivée de plantes sur des zones jusqu alors glacées va modifier la nature du sol et I'albédo constituée de détritivores, d’omnivores et de prédateurs”, détaille Sophie Cauvy- Fraunié. Idem dans les fjords, oit les glaciers se jettent directement dans la mer. “La bio- diversité y est souvent plus faible, mais on y observe des espéces plus rares, qui ont développé une grande spécificité 4 leur milieu”, ajoute-t-elle. En 2019, la chercheuse avait publié une méta-analyse dans laquelle elleamontré que 6 % 4 11% des populations passées au crible dans 234 études seraient les “perdants" du retrait des glaciers. Soit 7 parce qu'inféodées au systéme glaciaire, elles n’auraient pas réussi a s'adapter aux changements, soit parce qu’elles n'auraient pas supporté 'arrivée d'autres especes. Comme aux péles, des phénomenes de compétition vont en effet apparaitre. Une autre étude publiée en 2021 par l'équipe de Gianalberto Losapio (université de Lausanne, Suisse) montre quant a elle que, parmi les espaces de plantes poussant a proximité des glaciers, 22 % pourraient disparaitre une fois le glacier totalement fondu, "La renoncule des glaciers, le génépi noir ou la cardamine 4 feuilles de réséda Dans les régions temperées, le réchauffement climatique devrait également conduire a une diminution du manteau neigeux: i sera moins épais, apparaltra plus tard et fondra plus tot Etbien que cela signe des hivers globalement plus chauds, certaines espaces pourraient paradoxalement avoir... plus froid! En effet, méme lorsque les températures extérieures descendent trés bas, la température sous la neige reste stable, autour de 0 °C, et de nombreuses espaces y trouvent refuge. Dans cet écosystéme saisonnier appelé “subnivium’, mulots, lemmings (photo, a droit), campagnolset autres disparaftrait pas totalement, rongeurs continuent 'étre acifs tout apparition d'épisodes pluvieux plutot Uhiver. La grenouille des bois photo, que neigeux pourrait diminuer son gauche), qui vit dans les foréts du nord ddeAmérique, préfére quanta elle sfendormir et méme se cryogéniser pour économiser son énergie. Mas si le subnivium venait a dsparaitre elle serait exposée & des temperatures fluctuantes et enchainerait les cycles de gel et de dégeljusqu’a \epuisement. Méme chose pour les femelles bourdons q senterrent pour hibemer sous la neige.Certains vegétaux, dont les racines sont protégées du foid par le manteau neigeux, pourraient également voir leur survie impactée. Etquand bien meme le subnivium ne sont parmi les espéces végétales les plus 4 risque”, détaille Gianalberto Losapio. Et puis, ajoute-t-il, “il y aura également des effets indirects ou de rétroaction : Varrivée de plantes sur des zones jusqu’alors gla- cées va modifier la nature du sol et ’albédo Et ces effets vont méme se faire sentir a distance : les glaciers ont, par exemple, un effet rafraichissant dans les vallées”. S'ils disparaissent, le réchauffement pourra y étre encore plus intense que prévu, impac- tant ainsi la faune et la flore qui y vivent et qui, pourtant, ne dépendent pas directe- ment des glaciers. * ILS CHERCHENT LA NEIGE POUR PASSER LHIVER piege glace. lafinde ete, AVinverse, alors que 'Antarctique est tun désetfroid oi les préipitations sont rares, le changement climatique pourrait induire une augmentation des épisodes pluvieux ou neigeux sous ces latitudes. Moullés les poussins des ‘manchots ne seront plus protégé du foid, ce qui conduira leur mort “Cest ce quis‘est produit Dumont- Unilleen2014 et 2017 ouplusde 20000 couples de manchots ont conmu deux années sans qu aucun poussn ne survive, déplore Yan Ropert-Coudert, directeur de institut polar francais. Alerter pouvoir isolant, et le rendre moins confortable pour ceux qui y vivent. Voire morte, lorsque leau de pluie gee & nouveau et se transforme en SRV Hors Série 39 A QUAND LE POINT Que la cryosphere fonde a mesure que le climat se réchauffe, c'est une certitude. La question est de savoir dans quelle proportion, a quel rythme et surtout sila perte de ces glaces sera définitive ou non. La recherche d’un “point de bascule” peut répondre a certaines de ces interrogations. rravasanersniesser oint de bascule: température @ partir de laquelle I'évolution du climat induit une transfor- mation abrupte et irréversible d'un milieu, jusqu’é un nouvel équilibre climatique. “Les points de bas- cule sont médiatiquement et politiquement importants. IIs agissent comme des seuils d'alerte”, commente Didier Swingedouw, chercheur du CNRS au laboratoire environne- ments et paléoenvironnements océaniques: et continentaux, a l'université de Bordeaux. Cependant, “les systémes ne s'effondrent pas d'un coup. Leur évolution prend d’autant plus de temps que les volumes de glace sont importants", précise Gerhard Krinner, cli- matologue, directeur de recherche du CNRS institut des géosciences de I'environne- ment (IGE) et coordinateur du demier rapport de synthase du Giec publié en mars 2023. Les scientifiques s’accordent pour considérer les calottes polaires du Groenland et del'Antarc- tique de l'Ouest comme des éléments de bascule. Selon les modéles, cela pourrait se produire entre 1,5°C et 2°C de réchauffement, “Nous sommes a proximité de ces points de bascule”, affirme Gaél Durand, glaciologue etdirecteur de recherche du CNRSaT'IGE. Ce qui est plus incertain, c'est lamaniére dont les changements adviendront. "Nous avons déja 40+ SR Hors Sie observé des retraits de quelques kilo- métres sur le Groenland et des instabi- lités sur certains glaciers de I'Antarctique, maison ne sait pas comment cela vase passer grande échelle." INSTABILITE PAR EFFONDREMENTS Deux critéres attestent que les calottes polaires sont des éléments de bascule. Tout d’abord, elles connaissent des phénoménes d’amplification et leur perte est irréversible. “Lorsque Je Groenland aura fondu, il ne reviendra pas, puisqu’aux ‘mémes latitudes — en Sibérie ou au Canada - il n'y a pas de glace”, note Gerhard Krinner. En Antarctique, les plateformes de glace subissent une instabi- lité par effondrements, a mesure que l'eau sur laquelle elles sont posées se réchauffe, Et tout écroulement est définitif, “A moins d'imaginer que des systémes de ré ® baie et aider la plateforme DE BASCULE ? Temarque Gaél Durand. Lautre critére est importance des répercussions sur le cli- mat. Les chercheurs estiment qu'un tiers de la montée des eaux est di 4 la fonte du Groenland et de l'Antarctique. “Un réchauffementde 1,5°C entrainerait une augmentation du niveau des mers de 2mé 3m a un horizon de deux mille ans; un réchauffement de 2°C, une augmen- tation de 2m a 6m’, explique Gerhard Krinner. Il est cependant peu probable que Yeffondrement de ces calottes soit brutal étant donne I'inertie lige & leur épaisseur. SCENARIOS INQUIETANTS Et quid des glaciers de montagne, de la banquise et de la neige? D'aprés Gerhard Krinner, “cette notion de point de bascule ne applique pas a tous les éléments de la cryos- phere”. Prenons la glace de mer en Arctique. Sa fonte va étre rapide, car elle n'est épaisse que de 2m ou 3m. “Sile climat se refroidit a nouveau, la glace de mer va se reformer immé- diatement. Ce changement n'est pas irréver- sible”, observe Gerhard Krinner. Il en est de méme pour la neige qui perd environ 8% de son extension au printemps a chaque degré pris: elle reviendra dés que les hivers seront plus froids. Les glaciers de montagne, eux, fondent petit a petit. “Il est rare quills s'ef- fondrent d’un bloc et leur volume de glace est limité. A part dans I'Himalaya ou dans les Andes, oi certains glaciers assurent approvisionnement en eau de la popu- lation, la fonte des glaciers de montagne zne va pas modifier le systéme climatique régional’, complete le climatologue. Il n’en demeure pas moins que les scéna- rios sont inquiétants, Selon le Giec, méme ‘en limitant le réchauffement en dessous de 2°C en 2100, il ne resterait plus que 30% jlaciers d'Europe centrale. rgélisol, cette couche de glace fe un quart des terres émer- Themisphere Nord, “les modeles mathématiques qui décrivent sa fonte ne sont pas encore bien conus”, estime Didier Swingedouw, Le pergélisol est soumis a un phénoméne d’amplification qui pourrait constituer un élément de bascule. La libé- ration de méthane et de dioxyde de car- bone lors du dégel contribue a la fonte des glaces environnantes tout en alimentant le réchauffement. "On estime que le pergélisol contribuerait 4 une augmentation de 10 % 420 % des températures, une amplification importante, mais pas excessive”, modere Gerhard Krinner. De plus, cette amplifica- tion ne sera pas immédiate, car mobiliser la matiére organique gelée prendra du temps. Pour établir des prévisions significatives, le Giec étudie l'évolution du pergélisol en se concentrant sur les trois premiers metres. Celui-ci pourrait diminuer de ordre de 50% pour un réchauffement de 2°C par rapport ala période 1995-2014. “La notion de point bascule est 4 manier avec précaution, précise Gerhard Krinner, car elle ne concere pas tous les milieux et certains peuvent disparaitre plus rapidement que d'autres,” Son intérét est d’élaborer des prévisions en fonction de I’évolution des tem- pératures et, surtout, de l’échelle de temps a laquelle les bouleversements vont se pro- duire. “La question n’est plus de savoir sinous allons subir 2m d'augmentation de niveau des ‘mers, mais quand”, conclut Gaél Durand. = Alerter Lu Les points de bascule sont médiatiquement et politiquement importants. Ils agissent comme des seuils d’alerte 7 SRV Hors Série 4 Alerter Read Zimov, géophysicien Breet ree Beemer mies Neto e ena Cree Ere rem trees Aner tier) Brena ee icra) au-dessus du cercle polaire Ertem ey cue rnees Boeken) era ey Pee dix jours consécutifs malaré Moras prec te An n ce mois de juin 2023, une vague de chaleur a déferlé sur la Sibérie : a ville de Kourgan, dans | TOural, aainsi enregistré 38,3°C. ml Début 2020, les températures avaient déja dépassé les 38°C a Verkhoiansk, en République de Sakha, bien au-dela des moyennes enregistrées sur plusieurs années. Lorganisation World Weather Attribution avait estime dans un communiqué que les hautes, températures subies par la Sibérie étaient “quasi impossibles sans le réchauffement ci ‘matique”. accumulation dans Yatmosphere de gaz a effet de serre, causée par les activites, humaines, pourrait rendre ces événements extrémes plus intenses et frequents. Or, la température moyenne annuelle dela Terre est, aujourd'hui de 1,1°C supérieure & celle deere préindustrielle; la zone la plus septentrionale deI'hémisphere Nord, elle, s'est réchauffée d’ peu prés 4°C. “Quand on augmente la tempé- rature du systéme global, ona moins de neige, ‘moins de banquise, locéan se réchauffe et la température augmente beaucoup plus vite aux hautes latitudes nord”, explique Antoine Séjoumé, enseignant-chercheur au laboratoire de géosciences de I'université Paris-Saclay ot représentant frangais de |'International Permafrost Association. LE CERCLE INFERNAL Le changement climatique causé par les acti- vités humaines est effectivement en train de dégeler par endroits et en profondeur le per gélisol, soit un coffre-fort glacé de 18 millions de kilometres carrés, situé principalement au nord de la Norvege, de I'Amérique du Nord et deEurasie. Formé lors des périodes glaciaires dont la demiere, ily a plus de 20000 ans, il constitue 25 % de la surface des continents de Ihémisphére Nord et plus de 60% du ter ritoire de la Russie. Ce dégel en fait la boite de Pandore du xx" siécle, menacant de libérer le carbone issu de la matiére organique enfer- mée la depuisdes millénaires... otde loffriren pitance a des bactéries qui vont le transformer en COp et en méthane, puis les envoyer dans Yatmosphére. “Qui dit relargage de gaz effet de setre, dit augmentation plus importante de Ja température de lair et done, en retour, un SRV Hors Sri 43 ‘Vue aérienne d'un lac thermokarstique prés du village de Syrdakh, en République * de Sakha (Russie). En dégeiant, le pergelisol libére la matiére organique emprisonnée dans “*~ “ la glace: une source de CO, et de méthane. dégel plus important du pergélisol qui va relar- guerencore plus de gaz é effet de serre... C'est Je permafrost carbone feedback. Autrement dit, une boucle de rétroaction positive du dégel du pergélisol ou I'intensification du change- ‘ment climatique sera plus importante", avertit, Antoine Séjourne. En mars dernier, le Cluster polaire euro- péen qui regroupe les projets de recherche sur l’Arctique et I'Antarctique organisait un webinaire pour faire un point sur l'état de la recherche. Au cceur de exposé, les résul- tats du projet Nunataryuk (“De la terre a la er”, en inuvialuktun, une langue inuite) —entamé en 2017 et regroupant 28 parte- naires dans 12 pays différents—, qui travaille sur la compréhension de l'adaptation socio- économique des populations qui vivent sur le pergélisol. Gustaf Hugelius, chercheurau Bolin Center for Climate Research de 'université de Stockholm, y dressait un portrait en chiffres, de cette “bombe climatique" : “L'atmosphére contient l'équivalent de 900 Gt de carbone [equivalent a environ 420 parties par million (ppm) de CO,, uot], toute la végétation sur Terre représente un peu plus de 500Gt, les sols constituent le plus grand réservoir de carbone actif avec 3000 Gt, et la région du pergélisol représente prés de la moitié de ce réservoir.” La question est de savoir ot aura lieu ce dégel etl sera progressif. Car en cas de dégel bru- tal du pergélisol, !océan et la végétation les, LA C'est le permafrost carbone feedback. 44 SAN Hoes Sito Autrement dit, une boucle de rétroaction positive du dégel du pergélisol ou l'intensification du changement climatique sera plus importante yy puits de carbone —ne pourront pas jouer leur Ole correctement. En 2020, l'étude “Carbon Release Through Abrupt Permafrost Thaw", parue dans Nature Geoscience, avertissait, que “les émissions consécutives au dégel brutal de 2,5 millions de kilométres carrés ourraient fournir une rétroaction climatique similaire aux émissions de dégel progressif de l'ensemble de I'étendue du pergélisol de 18 millions de kilometres carrés, dans le cadre de la projection RCP 8,5 |scénario du Giec pour unréchauffement de 4°C en2100, aussi appelé “business as usual’, NDLR) LA COUCHE ACTIVE S'EPAISSIT Face a cette inconnue demeurent des certi- tudes: les conséquences du dégel du pergé- lisol se font deja sentir sur la terre ferme, La couche active, c'est-a-dire la partie du sol située au-dessus du pergélisol qui dégéle chaque été, s'épaissit. Alors qu'elle est nor- malement comprise entre 30cm et prés de 2m. selonles endroits, ele vas'approfondira cause de Yaugmentation des températures estivales et s'étendre sur le pergélisol. Le dégel brutal et localisé de celui-ci, constitué de glace, va provoquer un effondrement du sol et former des lacs, des thermokarsts. Ces derniers vont, entrainer des transferts d'eau souterrains et une minéralisation différente des eaux, avec Gone ee ee eater em oo Ps Era cuen eis elie (Russie), subit aussi les as climat. Les mai auts du Cot jorment avec le dégel du pergéliso. Alerter lo Nous allons documenter les changements sur Jes communautés bactériennes, les flux de gaz et la chimie des lacs. Ces demiers deviennent plus salés, plus troubles et moins potables 7 Yapport de sels qui étaient auparavant piégés dans la glace. Le projet PrismArctyc, mené par Antoine Séjourné, étudie ces modifications. D'abord dans de petits bassins-versants de Yakoutie centrale, en Sibérie, puis, depuis Yarrét des projets en Russie avecle déclenche- ment de la guerre en Ukraine, les recherches se poursuivent dans la région du Yukon au Canada. “Nous allons documenter les chan- gements sur les communautés bactériennes, les flux de gaz et la chimie des lacs. Ces der- niers deviennent plus salés, plus troubles et ‘moins potables. Cela pose un gros probléme ‘aux communautés autochtones qui dépendent deux pour leur consommation d'eau. Les lacs et les riviéres sont leur ressource principale puisqu'il est impossible de creuser dans le per- ¢gélisol pour atteindre les nappes souterraines ‘comme on le ferait chez nous”, explique-t-l. Une question de sécurité alimentaire, mais aussi d'altération du cycle hydrologique qui affecte la végétation. Au nord de la Norvege, par exemple, le pergélisol contient tres peu de glace. Alors, quand le dégel intervient, sile sol ne s'effondre pas, l'eau en revanche s’écoule en profondeur, ce qui asséche le sol. La vegé- tation habituée a évoluer sur un terrain humide est alors condamnée A plus de 10000km de la Sibérie, au labora- toire géoscience environnement de Toulouse, Laurent Orgogozo et ses collaborateurs du SR Hors Sri 45 projet HiPerBorea ont développé un simula- teur de la dynamique du pergélisol, baptisé PermaFoam, pour connaitre |'état actuel et passé du pergélisol et réaliser des projections sur son évolution, “PermaFoam simule la tem- pérature dans le sol, sa teneur en eau. Et, s'il yen a, on peut savoir si c'est de 'eau ou dela glace. Nous pouvons ainsi déterminer quand et oit le sol est gelé, et quand et oi il est dégelé”, explique Laurent Orgogozo. Cela en fonction du lieu géographique, de la météorologie (pré- cipitations et température de 'ait), de la topo- graphie et du type de sol et de couvert vegetal 17 MILLIONS D'HEURES DE CALCULS est ainsi possible de connaitre, d'une part, la dynamique saisonniére de la couche active ot son épaisseur maximum pendant l'été et, d'autre part, la dynamique multiannuelle afin de savoir sile pergélisol est en train de degeler sous l'effet du réchauffement climatique ou as. Mais pour cela, ilfaut des simulations sur plusieurs années. Alors, PermaFoam “mou- line” les données dans les supercalculateurs, notamment dans le Joliot-Curie, le super- calculateur du Trés Grand Centre de Calcul (TGCC, CEA). “Le projet HiPerBorea s'est vu attribuer 17 millions d’heures de calcul pour aider 4 prédire l'impact de la fonte du pergéli- sol sure fonctionnement thermohydrologique Les Evenks observent Cannot un chercheur du projet Nunataryuk Crise ce nr ies Par erco nests rctiques: Cofprendré leur impact ae cecnatineeemeuten mate ae ete te ESSE Gea oy de’ Arctique’, détaille Laurent Orgogozo. Une connaissance nécessaire pour mieux appré- hender les modifications du cycle du carbone et les transports de contaminants. Les résul- tats s'affichent en 3D, sur tout le volume du sol et pendant toute la période simulée. «qui peut aller jusqu'en 2100, Autre question: ot va toute la glace fondue? “On ne sait pas si elle va dans l'océan ou pas. r H luviales; formation de nouveaux entempsréelleclimatquichange {freemen ‘Au-dela des mesures et des modéles, _et la biodiversité: une surabondance ‘augmentation des temperatures dusol, des témoignages du réchauffement de prédateurs, des cycles delairet de eau; et (non- circulation climatique en Arctique viennent des de reproduction desinsectes modifiés, _del'arfroiddans le manteauneigeux.” peuples autochtones qui observent la disparition de certaines especes Ces conclusions sont rapportées par ces changements depuis des décennies. Les Evenks,éleveurs de rennes nomades de Sibére orientale, ont noté depuis 2005 des modifications abruptes duclimat local, dont certaines ont cause des mégafeux de lté 2021, Depuis 2072, les Evenks constatent un fort impact sur la ayosphére ‘© cONALO ViERAMNUNATARYUK 46S Hos Sie animales et, dans le méme temps, apparition dnsectes et doiseaux inconnus jusqualors cs latitudes. Depuis 2015, les changements sont également perceptibles dans cetvégétation; diminution des monticules de gure saisonniess; interactions entre ‘augmentation etla décruedes eaux tanthropologue Alexandra Lavrlier ett leveur de rennes evenk, Semen Gabyshey, tous deux chercheurs au sein dulaboratoirecultures-environnements -Actique-représentations-cmat 18 fatale pour leurs troupeaux. latopogrephie avec augmentation _(Cearc) de unversité de Versalles- Ans, Uhiver 2021-2022, unefamille tangible des événements extémes: Saint-Quentin, et auteurs de étude cevenk au périr 300 de ses rennes "Concurrencede nouvelles spaces Anindigenous Science ofthe Climate sous les crocs des loups affamés & végétales; interactionsatmosphére sol Change Impactson Landscape topography in Siberia, publiée en 2021 danse journal de tacadémie royale des sciences suédoise Cette étude ‘Mais on peut voir que Ja quantité d’eau que nous perdons actuellement est comparable A celle perdue a cause de la fonte de la glace en Antarctique”, notait Pier Paul Overduin, chercheur l'Institut Alfred-Wegener pour la recherche polaire et marine, au cours du webi- naire Nunataryuk. Concrétement, le pergéli- sol perd chaque année 144Gt de glace contre 150Gt pour la calotte de I’Antarctique, et pourrait ainsi acoroitre I'élevation du niveau. de la mer, accentuant I'érosion des cétes arc- tiques, un des dangers auxquels peuvent étre exposées les populations autochtones vivant sur le pergélisol, Selon I'atlas des populations, sociétés et économies de l'Arctique, établi dans le cadre du projet Nunataryuk, 66 % des communau- tés arctiques vivent surle pergélisol, et parmi elles 46% sont des populations cétieres en proie directe a I'érosion et a la montée des eaux marines. Mais elles doivent également, composer avec le risque d’instabilité des infrastructures: maisons construites sur s'étend de 2013 a 2020, période au cours de aquell ils ont associé le peuple evenk leurs recherches afin deffectuer des suvis quotiiens sur leterain; mesures météorologiques et observationsindigenes de lafaune, dela lore, du ciel et dela cryosphere”, rapportent les chercheurs. Soit 76000 kn scrutés qui ont permis de Aéfnirle “systéme de connaissances écologiques indigenes evenki” ‘UIIEKS (pour Evenki Indigenous Ecological Knowledge System). "Lanalyse IEKS documente mieuxles impacts dramatiquessous-estimés des changements enviromementauxsur ‘ les sociétés autochtones”, concluent “Enfant evenk, Alexandra Lailier et Semen Gabyshev, |e" novembre 2021. Alerter Les communautés locales ont besoin de comprendre de maniére holistique ce qui se passe Ia ou elles vivent J yy pilotis démolies ou de guingois sur un sol de plus en plus mou, routes effondrées, dangers d'accidents technologiques et de pollutions. en Arctique, 70% des infrastructures et 55 % des structures pétroligres sont actuellement construits sur du pergélisol. "Les commu- nautés locales ont besoin de comprendre de maniére holistique ce qui se passe lé ott elles vivent. Ces connaissances générales et spéci- fiques sont nécessaires pour réduire les incer- titudes et s'adapter avec succés aux conditions changeantes en termes d'infrastructures, mais, aussi de sécurité alimentaire et de mobili. exposait Susanna Gartler, anthropologue institut d'anthropologie culturelle et sociale de T'université de Vienne et membre du projet Nunataryuk, Les stratégies d'adaptation suf- firont-elles? Avant de le savoir, la seule action possible pour freiner cette réaction en chaine reste l'atténuation du changement climatique et le respect des accords de Paris pour mainte- ni augmentation de la température globale endessous des 2°C. * H i : SRV Hors Sri 47 MEGAFEUX, MEGADEGATS Dans les foréts de Sibérie, l'exposition aux flammes d'une dramatique intensité et de maniére réguliére est un phénoméne nouveau. La végétation n'est PAS AGAPtEe. rarrascareemmanvetie aPeANAT-CULHAUMON lioutchi, le 7 juin, 40,1°C. C'est un nouveau record en Sibérie, qui ne cesse d’afficher des températures extrémement élevées, apres un hiver glacial par -60°C!! L’emballement du réchauffement, climatique dans ces régions arctiques a pour conséquence la multiplication des mégafeux. Leterme “mégafeux” deéfinit es incendies qui s'autoalimentent ~en partie par une météo propre, créant des pyrocumulus et pyrocu- mulonimbus, trés chargés électriquement, & fort potentiel d’éclairs— et se propagent une vitesse supérieure a 50m/min, parfois, par des pyrotornades. Ils se comportent done de maniére incontrdlable et souvent impré- visible, et ont une distance de dissemination supérieure au kilométre, En Sibérie, en 2020, ce sont 26 millionsd’hec- tares brOlés, 244 mégatonnes (Mt) de CO2, émises, des anomalies de températures entre +6°C et + 10°C. Et, chaque année, de nou- veaux records tombent, Ainsi, en 2021, ce sont, plus de 800Mt de COz qui ont été relarguées, Dans cette région, les incendies surviennent de plus en plus tot dans a saison, mais égale- ment de plus en plus tard, Le service de sur- veillance de I’état de la planete, Copernicus (programme européen d'observations par satellites), fait état d'un incendie survenu en novembre, par-20°C: eau étant gelée a cette période, son accés était limité etles conditions metéorologiques de sécheresse ont permis Yembrasement de la région, 48+ SRV Hors Sie Contrairement aux foréts de Californie ou d' Australie, coutumieres des sécheresses et des incendies, les foréts circumpolaires ne sont pas capables de se régénérer aussi bien: la végétation a croissance lente n'est, as adaptée, et le sol (la couche organique), naturellement riche en carbone, brille en profondeur, apportant la chaleur au niveau du pergélisol. Cette vegetation alterne entre la toundra, composée d’herbes, mousses, lichens et arbustes, et, plus au sud, la taiga, laforét boréale, essentiellement composée de coniféres (pins, mélézes, épicéas) et de feuil- lus (bouleaux, peupliers, sorbiers) aux racines Pera oor dela Sibérie, Pyne ta eet ee superficielles qui, a stated lyk, AT cant cagmenie H ne s'enfoncent MJ lerisque dincendies, R pas. Les tour- Tour frequence, leur a Pas, es TOUT UD intensie et es extremes, ti uy te 38 Les feux de forat extrémes augmentent les emissions de gaz aeffet de serre (GES). Les émissions de GES provenant des incendies de forét alimentent le changement climatique. aussi, sans flamme, et les incendies peuvent rester tapis dans ce sol tout 'hiver —voire des années- et se réactiver au printemps, d’ot leur sumom de “feux zombies’ La fonte du pergélisol et la chaleur des flammes transforment le sol en un substrat, boueux, n’offrant plus un support solide pour les plantes ~des arbres s’effondrent les uns sur les autres, et les conditions sont encore plus propices a la propagation violente des incendies. Vite incontrdlables, aussi bien pour des raisons environnementales que par manque de préparation et de moyens pour les circonscrire, ces incendies se développent en mégafeux, participant par rétroaction au réchauffement climatique, par la production de gaz a effet de serre (COz, N20, méthane) et la dispersion de cendres venant obscurcir les neiges arctiques, Dans une publication parue dans Environmental Research Letters en 2016, les auteurs (Hoy, Turetsky et Kasischke) ont montré que la couche organique du sol, qui contient 21 % des stocks de carbone des régions boréales, devenait bien plus vulné- rable aux incendies & cause de la fonte du per- gélisol par la combustion et la chaleur dégagée par ces feux, aboutissant a une couche supé- rieure de plus en plus fine. Cet épuisement du sol conduit a des conditions plus séches, ‘empéchant la reconstitution du pergélisol qui est moins isolé, et produit un changement de Yécosystéme. Les coniféres laissent place aux arbustes ou aux arbres & feuilles caduques plus adaptés @ une couche supérieure du sol fine, avec des conséquences sur la faune et usage de ces terres, et donc sur le bilan car- bone mondial, Les régions boréales pourraient ainsi devenir des sources de CO2 plutot que des puits: une bombe a retardement... Alerter SRV Hors Sri 49 bow. | 1 52 Fonte record Suoiia cBatnle tte 56 Un labo dans la glace Pian, 58 La moitie des glaciers condamnes d'ici a 2100 62 La menace des lacs archeologie glaciaire cou! ye) Fonte ‘record pour fel Formée par les glaces a la surface de la mer, la banquise fond a toute allure. En Arctique, une trés récente étude a acté sa disparition Cobbsq-vatopy 0) LvtsmKo) Me 10(cw 0) ¢-\1AVERG(<1S/A0 10 Mert vient st bientot ent oi on d'eau de mer étude retent par une équipe de de Pohang (C au pole N t6t que plus denses que I'air, et il faut plus de temps pour le réchauffer, mais cela a commence... et va s'accélérer dans les années a venir. “C’est un cercle vicieux", s'inquiéte Sara Fleury, ingénieure de recherche au CNRS. Elle et ses collégues surveillent de prés l’évolution de la banquise a l'aide de mesures altimétriques par satellites. “La donnée principale a nos yeux est désormais son épaisseur. Car a partir d'elle, on peut obtenir le volume, et donc les masses perdues.” Or, il est difficile de voir ce qui est caché sous l’épais manteau blane, a la maniére des fameux icebergs. “Icebergs qui Observer m3 Ree eee ers Serer omer PEELE) sont a différencier de la banquise, précise par ailleurs l'ingénieure, ils sont constitués de la glace continentale d'eau douce en provenance de glaciers!" La banquise est, elle, de l'eau salée, congelée par les vents trés froids des zones polaites. “L’hiver, la température des- cend bien en dessous de zéro, explique Sara Fleury. L’eau en contact avec 'air commence 4 geler, la glace s'épaissit progressivement. Mais une fois qu'elle atteint une épaisseur de 1,542 metres, l'eau devient isolée de Fair.” La banquise se stabilise et s'étend uniquement en surface, Or cette surface joue un r6le capital SRV Hors Série 53

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