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Bulletin de correspondance

hellénique

La végétation à Délos
Waldemar Déonna

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Déonna Waldemar. La végétation à Délos. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 70, 1946. pp. 154-163;

doi : https://doi.org/10.3406/bch.1946.2566

https://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_1946_num_70_1_2566

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LA VÉGÉTATION A DÉLOS

L'île de Délos n'est qu'une « terre montueuse, rocailleuse, dénudée et


sans eau. Un rocher démantelé, couvert de ruines, voilà ce qu'est encore
Délos (2) ». Elle est résolument hostile à la végétation. Quelques figuiers
ont réussi à pousser à l'abri des ruines, quelques roseaux &e dressent çà
et là ; partout ailleurs ce ne sont que des herbes courtes et drues,. des
plantes basses au feuillage raide et piquant, qui s'allient aux pierres pour
blesser les pieds des visiteurs. De rares paysans et bergers de Myconos
viennent ensemencer de maigres champs entourés de murets, où la pierre
est plus abondante que la terre végétale, y cultiver des melons, et paître
des chèvres et des brebis de bonne volonté. Délos était-elle dans l'antiquité
moins stérile qu'elle ne l'est aujourd'hui ? Il le semble, à en croire les
documents épigraphiques (3).

Apollon délien possède, entre autres biens (4), des immeubles construits,
qu'il loue aux particuliers (5). On n'en a pas retrouvé les emplacements (6),
mais on peut suivre dans les comptes les variations de leurs revenus, leur

(1) Sous le titre «La vie privée des anciens Déliens. Commerce, industrie, agriculture»,
j'avais écrit une « Introduction générale » au tome XVIII de l'Exploration archéologique de
Délos, 1938. Vu son étendue, ce texte n'a pu y trouver place, et il est resté inédit. J'en extrais ce
chapitre.

, Abréviations : cf. Exploration archéologique de Délos, XVIII, iv.


(2) Cayeux, £, IV, 1, 1-2. — Sur l'eau à Délos, E, XVIII, 91.
(3) Hatzfeld, Les trafiquants italiens, 32.
(4) DCA, 145; L'administration des biens sacrés.
(5) Molinier, Les maisons sacrées de Délos au temps de i 'indépendance de Vile, 315-166 av.
J.-C, 1914 ; DCA, 146 ; BCH, XIV, 133 ; XXXV, 77 ; Mélanges Glotz, II, 520 ; Davis, On the
Upkeep of Sacred Houses on Delos, BCH, LIX, 1935, 78. — Ex. de loyers de propriétés bâties,

BCH, XIV, 1890, 433 ; VI, 1882, 62.


(6) DCA, 308.
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importance grandissant au détriment de la terre cultivée, à mesure que


Pélos s'accroît et devient une place de commerce plus achalandée (1).
Le dieu possède aussi des propriétés rurales, sises à Délos même, à
Rhénée, à Myconos, dont on peut dresser la liste, et dont on connaît les
noms (2). Leur revenu varie suivant les époques, et il semble que le
maximum en soit atteint en 297, pour décroître ensuite sans cesse. Comme
pour les maisons, les comptes fournissent d'intéressants renseignements
sur les contrats de location, les fermiers, l'état de leurs domaines et leur
production, détails strictement réglementés (3). A l'époque athénienne,
les fermiers doivent justifier à la fin de leur bail du nombre des figuiers,
oliviers, pieds de vigne qu'ils laissent, et si ce nombre est inférieur à celui
qui a été enregistré dans l'état des lieux dressé lors de leur entrée, ils doivent
payer une indemnité (4). Il est défendu, sous peine d'amende, de lâcher
le bétail dans les vi'gnes (5). Au nie siècle, la plus belle ferme comprend
72 figuiers, 560 pieds de vigne, le tout loué 3111 drachmes en 297, mais
seulement 799 en 179 (6). Il semble en effet qu'avec le temps la propriété
rurale décline, à cause du développement commercial, et que plusieurs
fermiers ne parviennent même plus à s'acquitter de leur dû (7). En 189,
dans un domaine, le nombre des pieds de vignes et de figuiers n'a diminué
pour l'une et l'autre espèce que d'une unité depuis 250, soit en 60 ans (8),
mais ailleurs le nombre des pieds de vigne, qui était de 700, est tombé à
.

600, de 250 à 200 av. J.-C, et en 179 il n'y en a plus que deux unités (9),
c'est-à-dire que la plantation est ruinée.
Des jardins, xýjtcoi, entourent le sanctuaire — il y en a près du Létôon (10),

(1) BC1I, VI, 1882, 60 ; Archives des missions scientifiques, XIII, 1887, 425.
(2) DCA, 145 ; 308, note 1 ; Mélanges Glolz, II, 518. — La localisation en a été tentée par
Homolle. Pour Délos et Rhénée, BCH, XIV, 1890, 423, 390 sq. ; pour Myconos, BCH, XXXII,
1908, 453, 498 ; XXXIV, 154, etc.
Voir dans les comptes les fermages, ex. : BCH, VI, 1882, G3 ; VIII, 1884, 313, n°s 15-16 ;
XIV, 1890, 421 ; 390; XXVII, 1903, 79; XXVIII, 1904, 1G2-4 ; XXIX, 1905, 491 ; XXXII,
1908, 18 ;449 ; XXXV, 1911,5,251,282.
(3) Loi réglementant la location des terrains sacrés, de la fin du ive s., la iepà стиуураф^ des
inscriptions, BCH, VI, 1882, 63 ; XIV, 1890, 431, 452 ; 1907, 51, note 2, 90.
(4) DCA, 163, note 2 ; Durrbach-Roussel, Inscr. de Délos, n» 1416, p. 54, В I, 1. 42.
(5) Ibid., note 3. — Droit du dieu sur les pâturages de ses terres, BCH, VI, 1 182, 67 ; Durrbach-

Roussel, n° 1416, p. 54, В I, 1. 45 (15G-5).


(6) Glotz, Le travail dans la Grèce ancienne, 415.
(7) Ibid. — ■ La cliute des loyers de ferme à Délos après 250 est l'indice que les habitants
trouvent le commerce de transit plus lucratif que l'agriculture. Tarn, La civilisation hellénistique,
trad. 1936, 117.
(8) Durrbach, Inscriptions de Délos, n° 403 ; 78, 1. 49.
(9) Ibid., n° 445, p. 200 ; BCH, XXIX, 1905, 530.
(10) BCH, LUI, 1929, 208, en 157-6.
156 W^DEDNNA

.
— et un bois sacré, aXaoç, couvre l'emplacement entre le péribole à l'est
et le sanctuaire des. Taureaux, où l'on n'a pas retrouvé de vestiges de
constructions (1). • .-.'..'

Une propriété du temple s'appelle Фотхес, « les Palmiers », assurément


à cause des arbres qu'elle porte (2). Arbre sacré d'Apollon et d'Artémis (3),
le palmier est aimé à Délos où il rappelle de vieilles légendes. C'est lui que
Léto entoure de ses bras, quand elle met au monde les jumeaux divins (4),
et cet arbre, vénéré près du Lac Sacré, qu'Ulysse avait admiré, était encore
montré aux voyageurs au temps de Gicéron (5). Il est d'usage de faire
pousser ou de dresser des palmiers près des temples de ces divinités (6),
et leur existence est attestée à Délos, dans le téménos d'Apollon, le Létôon,
le Pythion, l'Asklépieion (7). Cependant il est difficile de savoir s'il s'agit
d'arbres naturels ou d'ex-voto en bronze. Nicias consacre en 417 à Apollon
un grand palmier en bronze (8), dont la chute entraîne celle du colosse
des Naxiens (9) ; on en a retrouvé l'emplacement (10), et des fragments
circulaires en marbre, l'un avec le nom NIKIA2, exhumés dans un
tas de déblais à l'Ouest du téménos, proviennent de sa base (11).
D'après Sémos, un habitant de Naxios dédie aussi au dieu un palmier
de bronze (12). Il y en avait un, peut-être en argent, dans le temple
d'Apollon (13). Mais les palmiers du Létôon, ó èv ток Ayjtóhíúi cpotviš (14),

(1) CfíAI, 1904, 729; BCH, XXXI, 1907, 503.


(2) BCH, XIV, 1890, 429.
(3) Palmier, en tant qu'arbre de ces divinités, BCH , XXXIV, 1910, 23G, note 4, 239.
(4) Sur la légende et ses variantes (Léto embrasse le palmier, ou le palmier et l'olivier, ou
l'olivier seul, ou deux lauriers), Lebègue, Recherches, 45-6, 98 ; E, XI, 307, et note 10.
(5) BCH, XLVIII, 1924, 437, réf. ; Lebègue, Recherches, 37, 45, 98, 195.
(6) BCH, XXXIV, 1910, 239-40.
(7) E, XI, 307, et note 2; Durrbach, Inscriptions de Délos, n° 461, p. 273, 1. 40 ; BCH, XXXIV,
1910, 179.
(8) Plutarque, Nicias, 3, 5 ; Lebègue, Recherches, 262 ; Homolle, Les archives, 10, note 4 :
BCH, XXXIV, 1910,, 236, note 4 ; 389, n» 29 ; XLV, 1921, 231 ; XLVIII, 1924, 217.
(9) Le colosse des Naxiens a été déplacé ; son emplacement primitif se trouvait bien, comme
le dit Plutarque, près du palmier de Nicias. Picard et Replat, L'emplacement primitif du colosse
des Naxiens, BCH, XLVIII, 1924, 217 (cet emplacement, 217, fig. 2).
(10) BCH, XLV, 1921, 236, 535, pi. VII ; XLVIII, 1924, 218 sq., fig. 2, 3, 4, 15 ; E, VII, 1,
Le portique de Philippes, 3, fig. 3, n° IX.
(11) ВСЯ, XXXIV, 1910, 389-90, n° 29.
.

,v (12) Athen., XI ; BCH, XV, 1891, 146, note 3.


(13) Durrbach-Roussel, Inscr. de Délos, 1935, n° 1409, 29, Ba II, 1. 51 ; BCH,. XV, 1891, 146.
(14) IG, XI, 2, 154, 1. 39 ; Homolle, Les archives, n° X, A, 1. 39 ; BCH, XXIX, 1905, 456 (arbre
naturel) ; XXXIL 1908, 40, note 4 (id.) ; XXIV, 1910, 179 ; LUI, 1929, 211 (id.); XLV, 1921,
230, note 7 ; XLVIII, 1924, 437, note 1 ; Durrbach, Inscr. de Délos, n° 154, A, 1. 39. Courby
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du Pythion (1), et de l'Asklépieion (2), sont-ils des arbres véritables ou


des offrandes ? Un compte fait allusion à une chambre qui renferme un
palmier, oáXa^oc ou ó <poïvti;, et dans ce cas il s'agit bien d'un ex-voto (3).
Un bloc, au Sud du Portique d'Antigone, creusé d'une cavité demi-
circulaire, pourrait avoir été la base d'un monument de ce genre (4). Peut-
être un palmier s'élevait-il dans le sanctuaire d'Artémis Eileithyia au pied
du Cynthe (5) ; on en voit en effet sur les reliefs votifs consacrés à cette
déesse (6). Sur l'un d'eux, une femme enceinte s'appuie contre le tronc (7),
et l'on peut supposer que le contact de l'arbre sacré facilitait la
délivrance des femmes ; n'est-ce pas en embrassant le tronc du palmier que
Léto avait procréé ses enfants divins (8) ?
Notons encore que le palmier paraît sur les peintures rrturales des autels
domestiques (9), comme sur des lampes chrétiennes de Délos.

F. Durrbach a écrit que les états des domaines sacrés nfc mentionnent
pas ď oliviers (10), mais il a rectifié lui-même cette assertion (11). En effet,
un compte signale dans un domaine, sans doute à Myconos, une plantation
de 98 oliviers et de 86 autres arbres qui sont sans doute des» oliviers
sauvages (12). Mais l'île ne peut suffire à sa consommation d'huile, qui est
un des objets principaux de son commerce.

mentionne que l'on a trouvé à côté du temple D du téménos d'Artémis (pour lui le Létôon), une
plaque de pierre qui pourrait être la base de ce palmier ou d'un monument votif analogue, BCH,
XLV, 1921, 230 ; XLVIII, 1924, 256.
(1) BCH, XXIV, 1910, 179 ; Durrbach, Inscr. de Délos, n» 199, A, 1. 80 ; Vallois,
L'architecture hellénique et hellénistique de Délos, I, 1944, 33.
(2) Homolle, Les archives, n° XVIII, A, 1. 55 ; BCH, XXXII, 1908, 40 ; XXXIV, 1910, 179 ;
Durrbach, Inscriptions de Délos, n° 159, A, 1. 55.
(3) BCH, XXXIV, 1910, 179; xà xupLdma та èm той 0aXá[i.ou ou ó cpotvil;. Durrbach, Inscr. de
Délos, n. 461, 273, 1. 40, en 169.
(4) E., V, 96, fig. 124 ; BCH, XLVIII, 1924, 256. — Courby y dresse un arbre votif, analogue
au palmier de Nicias ; d'autres, un mât de navire sacré.
(5) E., XI, 307.
(6) BCH, XLVI, 1922, 83, 85 ; XLVIII, 1924, 438, note 1 ; E., XI, 303, 307; CRAI, 1923,
266.
(7) BCH, XLVI, 1922, 85 ; XLVIII, 1924, 438, note 1 ; E, XI, 307.
(8) Cf. sur un relief d'Eleusis, rite d'incubation sous un palmier, BCH, XXXIV, 1910, 233,
pi. VIII.
(9) Bulard, La religion domestique, 363 ; E., IX, 110, L, pi. X, 2; 120, 135, 136, pi. XVIII b,
159 ; MP, XIV, 1908, 82 ; DCA, 280, note 2.
(10) Durrbach, Choix, I, 230.
(11) Ibid., 280.
(12) BCH, 1908, 83, n° 21, en 208.
158 W. DEONNA

II existe aussi des oliviers sacrés (1). La tradition qui associe cet arbre
à l'accouchement de Léto au lieu du palmier, paraît pour la première fois
dans Euripide, et cette innovation, conforme aux intérêts athéniens, fait
fortune et triomphe après 166, c'est-à-dire après que l'île est retombée sous
la domination athénienne (2). On vénère l'olivier qui a poussé dans l'Arté-
misicn, sur le sema des Vierges hyperboréennes Hyperoché et Laodiké,
le seul dont l'emplacement soit connu (3), et qui est mentionné par
Hérodote, Callimaque, Pausanias (4). Dans un curieux rite de purification,
car l'olivier a une vertu cathartique (5), les navigateurs, «les marchands
de l'Egée » (Callimaque), mains attachées au dos, viennent mordre l'arbre
sacré (6), après avoir subi la flagellation rituelle à l'autel des Cornes, le
Д-ýjXou xay.bc, (3oo[i.<Tç. Une pierre évidée, trouvée près de l'Artémision et de la
dite tombe, en aurait-elle entouré le tronc (7) ?

Euripide mentionne un troisième arbre dans le mythe de l'accouchement


de Léto, le laurier apollinien (8). Celui-ci, d'un emploi fréquent dans le
culte, devait croître dans les sanctuaires comme dans les domaines de l'île.
Dans ces derniers poussent aussi des figuiers (9)'; le domaine de Panormos,
par exemple, en compte 29 en 250 et en 200 (10).

Le culte délien utilise les branchages et le feuillage de ces arbres. On


prétendait que les premières palmes de victoire avaient été décernées à
Délos ; Thésée les avait détachées lui-même de l'arbre sacré, à l'occasion
des jeux qu'il avait célébrés avec ses compagnons à son retour de Crète.
Ce n'est toutefois qu'à la fin du ve siècle que la palme est offerte en Grèce

(1) Lebègue, Recherches, 98 ; Vallois, ВС И, XLVIII, 1924, 435 sq.


(2) BCH, XLVIII, 1924, 436, note 1, 437 sq. ; E., XI, 69, noto 4.
(3) Hér. IV, 34 ; Callimaque, Hymne à Délos, 321 ; Paus., VIII, 23, 5, xai êÀoua те tj èv
'AxpoTCÓXei xai r\ roxpà At]Xî<hç.
(4) REG, 1923, 21 ; Vallois, L'Artémision, le monument des Hyperboréens, Volivier sacré et le
Keratôn, BCH,'XLVIU, 1924, 411 sq., 435, 436, 441, 444; E., XI, 50, note 2, 69. note 4, 305,
note 9.
(5) Usages rituels de l'olivier, BCH, XLVIII, 1924, 441, 438, note 1, réféi\
(6) Lebègue, Recherches, 43, réf. ; BCH, VIII, 1884, 436 ; XLVIII, 1924, 356, note 2, 436.
(7) BCH, XLVII, 1923, 525 ; XLVIII, 1924, 256.
(8) Lebègue, Recherches, 46, 98 ; BCH, XLVIII, 1924, 436, note 1 ; 438 ; E., XI, 69, note 4.
(9) Voir plus haut. Durrbach, Inscr. de Délos, n° 351, 120, 1. 6 ; n" 373, 19, 1. 5.
(10) Durrbach, n° 452, 210.
LA VÉGÉTATION A DÉLOS 159

aux vainqueurs des agônes, et l'on a supposé que les Athéniens ont été
les premiers à s'en servir, lorsqu'ils firent revivre en 426 les jeux déliens (1).
La palme, décernée en prix dans les jeux, figure souvent sur les peintures
des autels domestiques (2) et sur les mosaïques (3) à Délos, et elle s'y
associe parfois à un autre prix, l'amphore. Peut-être fait-on venir de Délos
les palmes des jeux panathénaïques.
L'es branches du laurier prophylactique (4) fournissent au culte les
goupillons à répandre l'eau bénite ; avec elles on balaie les parvis, on
procède à des fumigations (5), et les comptes mentionnent les dépenses
faites en branches de laurier et de myrte pour le service des autels (6).
Le feuillage du laurier, fréquent sur les peintures murales (7), entre dans
la composition des guirlandes et devient un élément courant du répertoire
décoratif à l'époque hellénistique, sur les lampes, les bols à reliefs, même
les chapiteaux de chambranles (8).
Les branches ď olivier servent aux mêmes usages. Déjà Thésée,
contraint par la tempête de relâcher à Délos, avait promis à Apollon, s'il
triomphait du Minotaure, de lui offrir des rameaux de cet arbre (9).
Les comptes portent souvent les dépenses faites en rameaux divers,
хАшатикс, que les choreutes tiennent en main (10).
Tous ces arbres, sacrés ou non, fournissent quelque profit au sanctuaire
par la vente de leurs fruits et de leur bois (11).

Dans les domaines, on cultive la vigne, et huit d'entre eux possèdent de


600 à 2.250 pieds (12). Mais cette culture diminue avec le temps. Délos ne

(1) Bulard, La religion domestique, 443.


(2) Ibid., 215 sq., 139, 143, 144 ; E., IX, pi. VIII a ; MP, XIV, 1908, 83, pi. IV; E., XIV,
36-7 (avec amphore).
(3) MP, XIV, 1908, pi. X, A, XI ; amphore avec palme, mosaïque de la maison aux masques,
BCH, LVII, 1933, 141, pi. X ; E., XIV, 36.
(4) DCA, 278-9 ; Bulard, La religion domestique, 367.
(5) BCH, L, 1926, 309: '
(6) Durrbach, Inscr. de Délos, n° 338, 101, 1. 23, Sácpvou xai (i,uppívai km (kopouc; 224.
(7) Bulard, La religion domestique, 217; souvent le laurier forme des bouquets de trois ou
quatre feuilles, ibid., 366 sq., 217.
(8) E., VIII, 277, fig. 146-7.
(9) Paus, ;BCH, XLVIII, 1924, 441..
(10) BCH, XXXI, 1907, 54-5 ; XIV, 1890, 500.
(11) BCH, XIV, 1890, 458 ; XXXII, 1908, 40 (palmier débité en poutres).
(12) BCH, XXXII, 1908, 81 ; Durrbach, Inscr. de Délos, n° 351, 120, 1. 6 ; n. 373, 19, 1.5 ;
DA, Vinum, 914, note 46 ; IG, XI, 287, 1. 153 sq.
Ï60 • W. DEONNA •
peut assurémeflt suffire à sa consommation en vin, pas plus- qu'en huile,
(1).'
et importe cette boisson Rappelons qu'un règlement rituel du culte
d'Isis enjoint l'abstention de vin (2). Un domaine est dénommé сритаХЕос ;
on appelle ainsi un lieu planté en vergers ou en vignobles, par opposition
aux terres labourées (3).

Un autre domaine est dit Xs^wv, terme qui désigne une prairie, un lieu
propre à l'élevage, mais « il est difficile, dans l'état de désolation où est
tombée Délos, et sous les pierres qui la couvrent presque tout entière, de
trouver un endroit qui réponde à cette description » (4) ; il est vrai que ce
domaine n'était pas nécessairement situé dans l'île même, mais peut-être
à Myconos ou à Hhénée.

Les Déliens cultivent-ils les légumes ordinaires qui servent à leur


nourriture ? En tout cas, les comptes mentionnent souvent les dépenses faites
en pois chiches, fèves, sésame, etc., pour la nourriture des ouvriers ou
pour les festins rituels (5). Mais la maigre terre délienne ne peut subvenir
aux besoins de la population nombreuse pas plus en légumes frais ou» secs
qu'en céréales (6), et les deux épis de blé qui décorent le diadème d'Isis
assimilée à Déméter (7), les épis d'or offerts à Apollon ne sont à Délos que
purs symboles. • •

Fleurs et fruits ont aussi leur rôle dans le culte (8), sont noués en
guirlandes dont l'image paraît souvent sur les peintures murales (9), les
mosaïques, les autels (10), comme dans l'ornementation banale des

(1) Sur le commerce des vins à Délos, voir la notice spéciale de notre « Introduction générale ».
(2) BCH, VI, 1882, 350, n° 79 ; Mélanges Holleaux, 272.
(3) BCH, XIV, 1890, 480.
(4) BCH, XIV, 1890, 428.
(5) Ex. Durrbach, Inscr. de Délos, n° 461, 270; 1. 53 (en 169), èpéêivGot xaî xúapioi ; n°
464, 279, 1. 15 (vers 170), èpé6tv&ot, оУ)ста[ла, fiiXi, Xáxava, xápua, etc.; aux ше et ne s., comptes
pour les Posideia et les Eileithyiaia, E., XI, 306, note 4; BCH, XXXIV, 1910, 141, 143. Des
« graines ovales allongées », mêlées à des os calcinés et à des cendres, ont été trouvées dans une
petite fosse, devant l'antre du Cynthe, BCH, LV, 1931, 277, réf.
.

(6) Sur le commerce du blé à Délos, voir notice spéciale de notre « Introduction générale ».
(7) Bas-relief isiaque, BCH, XXXI, 1907, 524, fig. 23 ; CE, 275, et note 8, réf. — Inventaire
de 156-5, F. Durrbach-Roussel, Inscr. de Délos, n. 1417, 74, A, II, 1. 160.
(8) Offrandes de fruits dans le culte domestique, Bulard, La religion domestique, 11, 78.
(9) Bulard, 376.
(10) E, XVIII, 380.
LA VÉGÉTATION A DÉLOS 161

multiples objets mobiliers, tables (1), lampes, brûle-parfums (2), réchauds.


Pour en protéger la maturité, on invoque la déesse 'Отоорос, dont le nom se
lit sur la tranche gauche d'une stèle funéraire, remployée sans doute
comme dalle sous un autel consacré à cette divinité (3). Protectrice de
l'agriculture, Agathe Tyché paraît avoir conservé à Délos son caractère
champêtre ; sa statue délienne porte une corne d'abondance dorée, et
sur la tête une couronne de bronze (4).

Les ex-volo déposés dans les temples ont souvent la forme de végétaux
et de fruits (5). Certaines de ces offrandes remplacent, peut-être la dîme sur
la récolte payée primitivement en nature (6) ; d'autres sont des symboles.
Les ^puffouv 6époç, Xtjïov /puaouv, épis d'or (7), évoquent-ils la moisson mûrie
par Apollon ? On voyait à Delphes une moisson d'or, ex-voto de Méta-
ponte, et des ex-voto analogues (8). Un bouquet de trois épis en or, œuvre
d'un orfèvre du ive s. av. .].-{)., trouvé dans une tombe de Syracuse,
rappellerait plutôt le bouquet d'épis des prêtresses de Déméter et aurait
la valeur d'un symbole de vie éternelle (9). Dans des églises de Suède et
de Finlande on consacre des épis d'argent ou dorés, sans douté pour
obtenir une bonne récolte (10).
Voici des xpiOou, grains d'orge (11) ; des póSa, roses en or, en argent (12) ;

(1) Ex. tables d'ardoises, E., XVIII, 58, n» 24.


(2) E., XyiII, 377, n» 191.
(3) BCH, XXXIII, 1909, 511, n° 30 ; Roussel-Launey, Inscr.de Délos, n" 2482.
(4) DCA, 245 ; BCH, XLV, 1924, 267-8.
(5) Usage de consacrer dans les temples des images de fruits et de fleurs, DA, Donarium,
375, note 160.
(6) ВСЯ, XV, 1891, 156 ; VI, 1882, 145, 146.
(7) BCH, XV, 1891, 156 ; CIA, I, 161 ; DA, Donarium, 375, note 160 ; s. v. Apollo, 313.
(8) La Coste-Messelière, Au Musée de Delphes, 1936, 29, note 4.
(9) Wolters, Die goldenen Aehren, Festschrift Lœb, 1930, 111, pi. XVI ; id. Geslalt und Sinn
der Aehre in antiker Kunst, Antike, 1930, VI, 284 ; Goldene Aehren in einem Grab bei Syrakus
einer Demeterpriesterinn, Arch. Anz., 51, 1936, 592 sq., fig. ; Boll. ďArle, XXXI, 1938, 35Ô,
fig. 27.
(10) Kâllstrôm, Silberne Aehren aus dem M ittelalter als kultische Gegenstànde in schwedischen
und finlandischen Kirchen, XIVe Congrès Internat. Hist, de Г Art, 1936, résumés, 70.
(11) BCH, XV, 1891, 156, etc.
(12) BCH, X, 1886, 465, 1. 100, póSov •/pwaouv |v ÇuXtot. асттатсл/ ; XIV, 1890, 408, póSov
ápyupouv; XV, 1891, 143, póSov ; XXXII, 1908, 64, 1. 21, póSov xaí átXXa xpuaà Tcav-roSocTtá ;
' XXVII, 1903, 87, póSov xal ciTécpavoç; Durrbach, Inscr. de Délos, n° 298, 43, 1. 127,
xaí čóSov xpuoa ; BCH, XXIX, 1905, 512 ; XXXII, 1908, 64, 1. 14-5, póSov xaí aTéqxxvoç zp
Auaávppou AaxeSaifiovíou oùv ток ÇuXcoi èv cïk та póSov ; même offrande, oúv ток ^óStot ; BCH,
XV. 1891, 138.
162 . W. DEONNA

des [лт)Ха, pommes (1), ou vases en forme de ce fruit, parfois avec


dédicaces (2), quelques-unes pleines de terre (3), en or, ou en métal doré,
argenté ; des pooci ; grenades, ou vases de cette apparence, en or, argent,
métal doré (4), fruit fréquent sur les peintures murales (5), où les esclaves
les présentent sur un plateau avec d'autres au génie domestique (6), et
qui constituent aussi des bijoux (7). Voici un xcoSeocv, vase en tête
de pavot (8) ; des TrsvTOpoêoi, pivoines, en or, en bronze doré, parfois
associées à un serpent (9) ; un èpivswv ^aXxoiTOv, sans doute un figuier ou une
figue de bronze (10) ; une plante en or, limonium, Xet,(xíóvt.ov xpuaoov (11) ;
une vigne en or, а^теЛос xpua-yj (12), qui rappelle la vigne et le platane de
même métal de Crésus, œuvre de Théodoros de Samos (13). Puis ce sont
des fleurs, av0é[Ka (14), des couronnes de laurier, de lierre, de chêne, de vigne,

(1) ВСЯ, X, 1886, 465, 1. 105 (or) ; XIV, 1890, 406 ; XV, 1891, 133 ; XVI, 1891, 133; 1. 41 ;
XXIX, 1905, 479 (or;) XIV, 1890, 412, етохруирос; XXVII, 1903, 88, етихристос ; Durrbach,
Inscr. deDélos, n° 2.98, 45, 1. 170.
(2) BCH, XV, 1891, 133. — Pommes votives avec dédicaces ; IG, 556, 558 ; DA, Donarium,
375, note 160 ; Deonna, Quelques croyances superstitieuses de la Grèce ancienne, II, La pomme
d'Akontios el de Kydippé, HEG, XLÍI; 1929, 176.
(3) BCH, XIV, 1890, 405 ; XXXII, 1908, 49, 1. 13, jxvjXa xpuaà è'via тсХ^рт) yîjç ; XXXII,
1908, 65, I. 27, (i.îjXa xpuaa ïyovxa. у-rçv. Serait-ce le reste du noyau de fonte ?
(4) BCH, XIV, 1890, 406, pood xP^aï ; XV, 1891, 134, 1. 44 ; XXVII, 1903, 87; XXXII,
1908, 64, I. 21, poal sm/puaai етгта ; Durrbach, Inscr. de Délos, n° 298, 45, 1. 170, pjXa
xal poaç. •
Dans l'Héraion archaïque, de petites grenades en terre-cuite, de style insulaire, creuses, avec
de petits cailloux formant grelot à l'intérieur, sont des objets décoratifs ou des jouets, et sont
suspendues au plafond, aux murs. La grenade est l'attribut d'Héra. E., X, 9, 16, n° 11, 25, n09
40, 59, n» 126, pi. VII, XXXVII ; E., XI, 168, fig. 128. Les vases; en forme de grenade sont
fréquents dans l'archaïsme, Arch. Anz., XLIII, 1928, 385, n° 79, fig. 99, réf.
(5) E., IX, 60, n° 30, pi. II, 2 ; 159, pi. XVIII, b ; MP, XIV, 83, iig. 20-6 ; Bulard, La religion
domestique, 67, 238, note 2, 299, 354. Noter que ces grenades sont souvent groupées par trois.
(6) E., IX, pi. XIX.
(7) E., XVIII, 282, note 5.
(8) Durrbach, Inscr. de Délos, n» 298, p. 48, 1. 165. — Bijoux à tête de pavot, E., XVIII, 282,
n° 148. •
(9) Ibid.,n° 298, 44, 1. 159; n° 300, 154, 1. 6; BCH, XIV, 1890, 404, 405; XV, 1891,
129 ; XXVII, 1903, 88 ; 1908, 12 ; 64, I. 29, Trevropoêoç, ravTÓpo6ot, 7revTOpo6oç xpuoouç,
робос yjxkx.ox>ç lîuxpuaoç; X, 1886, 465, Ôcptç apyupouç 7i£vrópo6ov ty<ù4 xpucroûv rcepî ток
Sur le symbolisme de ces ex-voto, Deonna, Un ex-voto délien, la pivoine, Mélanges Marlins
Sarmenio, Porto, 1935, 108.
(10) BCH, XXXV, 1911, 16-7, 1. 7. 'Epiveoç, forme attique pour èptvéoç, figuier, figue.
(11) ВСЯ, VI, 1882, 30, n» 11 ; Durrbach, Inscr. de Délos, n» 442, 142, 1. 11 ; n° 385, 32, 1. 16;
n.421, 100, 1.30; n» 455, 220, 1. 10 ; n°461, 266, 1. 14 ; n° 465, 281, 1. 12.
(12) BCH, IV, 1882, 146 ; X, 1886, 466 474, 1. 89-90 ; XIV, 1890, 406 ; XV, 1891, 129, 134 ;

XXVII,
298, 44,1903,
1. 148
87;; DA,
XXXII,
Donarium,
1908, 64,369,I. note
19; 89.
Durrbach,
— DansInscr.
l'Artémision.
de Délos, n» 295, 29, 1. 11 ;
(13). Hérodote, VII, 27. •
(14) BCH, X, 1886, 465, 1. 105 ; XIX, 1890, 406; VI, 1882, 125. Seraient-ce. des pièces de
parures, des éléments de colliers ? Cf. E., XVI II, 302.
.
' 163'
LA VÉGÉTATION A DÉLOS • .

de myrte (1); des phiales dont les ornements ressemblent à des glands,
des dattes, des mûres (2) ; des bijoux dont les éléments ont l'aspect de
fruits ou leur sont comparés (3).

A Délos, où l'agriculture ne joue qu'un rôle insignifiant, on ne dédie que


rarement dans les sanctuaires des insirumenls agricoles; tout au plus
trouve-t-on la mentkm de harnachements en bois doré pour. bœufs (4),
cpáXapa £úXiva xs/puato^éva (3owv. Mais, lors des labourages d'automne et de
printemps, on voue à Apollon l'eîpeaicov/], l'offrande symbolique de tous
les fruits de la terre (5). '
.

W. Deonna.

(1) E., XVIII, 312.


(2) Ваткхк?), de paxía, ronce. Sans doute un vase décoré d'ornements en forme de mûres,
comme d'autres le sont de glands, de dattes, (âaXavom), xapuom), ВСН, XV, 1891, 156. —


Phiales хароат), ВСН, VI, 1882, 433, 1. 40, 42 ; 37-8, 1. 80-2.
(3) E., XVIII, 302.
(4) DCA, 402, 1. 47-50.
(5) BCH, XIV, 1890, 422; DCA, 278-9. M. Roussel reconnaît des jeunes gens porteurs de
Veiresioné sur des peintures murales, que M. Bulard interprète uniquement par les rites de la
religion italique. Bulard, La religion domestique, 209, note 4. —■ Sur Veiresioné, DA, Eiresioné,
497.

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