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Paul Gautier

Un chrysobulle de confirmation rédigé par Michel Psellos


In: Revue des études byzantines, tome 34, 1976. pp. 79-99.

Résumé
REB 34 1976Francep. 79-99
P. Gautier, Un chrysobulle de confirmation rédigé par Michel Psellos. — Edition critique d'un chrysobulle conservé dans le
Parisinus gr. 1182 et le Vaticanus gr. 672. Un empereur anonyme accorde à un de ses favoris deux domaines voisins de la
capitale, dont l'un vient d'avoir été confisqué à un autre serviteur du trône impliqué dans une conspiration. Ce haut fonctionnaire
qui bénéficie de la faveur impériale a pu être identifié : c'est le magistros, prôtoasèkrètis et mystikos Epiphane Philarétos. On a
pu également établir l'identité de l'autre personne : il s'agit du patrice et préposé aux suppliques Nicolas Cheilas. De l'enquête
prosopographique et historique il ressort que ce chrysobulle a dû être octroyé par Constantin X Doukas vers 1060/1061.

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Gautier Paul. Un chrysobulle de confirmation rédigé par Michel Psellos. In: Revue des études byzantines, tome 34, 1976. pp.
79-99.

doi : 10.3406/rebyz.1976.2043

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1976_num_34_1_2043
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION RÉDIGÉ
PAR MICHEL PSELLOS

Paul GAUTIER

Le texte du chrysobulle que nous publions ci-après a été conservé dans


deux manuscrits du xme siècle réputés pour contenir la majeure partie des
œuvres de Michel Psellos : le Parisinus graecus 1182 (sigle P)1 et le Vaticanus
graecus 672 (sigle V)2 ; on ne prendra pas en considération le Vaticanus
graecus 19003, qui n'est qu'une copie tardive (xvne s.) et sans intérêt du
second. Dans Ρ le chrysobulle se trouve inséré (f. 152V-153) entre : a) une
interprétation allégorique de la chaîne d'or d'Homère4, et b) une lettre
au protosyncelle (Léon Paraspondylos) sur les miracles opérés par Grégoire
le Thaumaturge5. Dans V il figure entre : a) un document impérial concer
nantun échange de propriétés (le chôrion Ai Kalai, sis dans la banlieue
asiatique de Constantinople) entre un empereur (Michel Doukas ?) et le
protoproèdre et grand drongaire de la Veille Constantin, neveu du patriarche

1. Cf. H. Omont, Inventaire sommaire des manuscrits de la Bibliothèque nationale, I,


Paris 1898, p. 247-251. Pour la composition du manuscrit, dont les folios sont passable
ment brouillés, on consultera l'étude fondamentale de D. Serruys, Note sur le manuscrit
de Psellus : Parisinus 1182, BZ 21, 1912, p. 441-447.
2. Cf. R. Devreesse, Codices Vaticani graeci. Tomus III. Codices 604-866, Cité du
Vatican 1950, p. 122-126.
3. Cf. P. Canart, Codices Vaticani graeci. Codices 1745-1962. Tomus I. Codicum
enarrationes, Cité du Vatican 1970, p. 581-586.
4. Ed. K. Sathas, Sur les commentaires byzantins, Annuaire de V Association pour
V encouragement des études grecques en France 9, 1875, p. 215-219.
5. Ed. Kurtz-Drexl, Michaelis Pselli scripta minora (désormais cité SM), I, Milan
1936, p. 142-144.
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Michel Cérulaire, qui reçoit en contrepartie de son chôrion Ai Kalai deux


chôria situés en Thrace (Kyklobion et Hagios Stephanos)6, et b) une lettre
de Psellos à Michel Doukas7. Comme on s'en rendra compte à la lecture de
l'apparat critique, V se signale à l'attention par un grand nombre de
variantes, d'additions et d'inversions; on serait tenté de prime abord de
donner la préférence à ce témoin plus prolixe, mais l'examen de ses leçons
révèle qu'elles sont pour la plupart superfétatoires et que le texte de Ρ a
chance d'être le plus sincère.
Ce document impérial, déjà édité par Sathas8, uniquement d'après P,
n'est pas complet : il se trouve amputé de deux parties essentielles, le pro-

6. Ibidem, p. 356-360 : texte extrait du Vaticanus graecus 672, témoin unique.


7. Idem, SM, II, n° 188.
8. K. Sathas, MB, V, Paris 1876, p. 213-217.

CHRYSOBULLE1

„ . . Il n'y a pas lieu de s'étonner si, à la vue du grand soleil


Proouiuon qui. brille
, :„ d,, une immense
. clarté,
, ,, qui. chevauche
, , sur les
,
hauteurs, qui du haut de la voûte céleste illumine la terre entière et dans sa course
à la fois double et opposée irradie le levant et le ponant, le nord et le midi, quel
qu'un est saisi d'admiration et de stupeur et est par tous ses sens suspendu à sa
lumière, et s'il le révère par un flot de paroles. En effet, ce qu'il voit le stupéfait,
il exprime par la parole ce qu'il ressent et, ses sens jouant le rôle de témoins devant
la grandeur, il est poussé à l'admiration et à la louange par tout son souffle vital2.
Et si, à la vue d'un basileus rutilant de pourpre et de perles, qui rend la justice

1. Ce lemme introduit par les copistes caractérise adéquatement le document, puisque


le terme revient deux fois dans le corps du texte (1. 70, 102). On notera qu'il ne s'agit
pas d'un chrysobulle de donation, mais d'un chrysobulle de confirmation (1. 68-71).
Sur ce type de document, voir Denise Papachryssanthou, Actes du Prôtaton, Paris 1975,
p. 182. Il paraît bien en effet que la donation inconditionnelle du chôrion situé près
de Phlôrion, qui avait jadis fait l'objet d'un échange (1. 57-59), ait été contestée par
les précédents propriétaires, et c'est pour couper court à ces revendications que le prôtoa-
sèkrètis Epiphane a sollicité ce chrysobulle de garantie. Le long exposé sur les avatars
de ce chôrion a pour objet de justifier les droits impériaux sur cette propriété et, en consé
quence, la légalité de la donation. — Cette traduction a été revisée par le P. Hélias et
Denise Papachryssanthou : qu'ils soient remerciés pour les corrections et suggestions
qu'ils ont proposées.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 81

tocole et l'eschatocole, qui eussent fourni les éléments d'identification


(date et signature) que nous sommes maintenant réduit à rechercher par
le biais aléatoire d'une enquête prosopographique. En effet, le seul moyen
de connaître l'empereur au nom duquel Michel Psellos a rédigé ce chryso
bulleest de situer chronologiquement les quelques hauts fonctionnaires
qui y sont mentionnés et notamment le prôtoasèkrètis à qui ce document
était destiné. Nous éditerons d'abord le texte grec en respectant les divisions
des divers éléments qui caractérisent la rédaction de cette catégorie d'actes
impériaux9. Puis, nous procéderons à l'identification des dignitaires nommés
dans le chrysobulle.

9. Cf. F. Dölger-J. Karayannopulos, Byzantinische Urkundenlehre. I. Die Kaiser


urkunden, Munich 1968, p. 117-125, spécialement p. 120-122. Sur le genre littéraire du
prooimion, on consultera H. Hunger, Prooimion, Vienne 1964 ; R. Browning, Notes
on Byzantine Prooimia, Vienne 1966.

Χρυσόβουλλον

Ου &αυμαστον εϊ τις, τον μέγαν θ-εώμενος ήλιον άπείρω φωτί


καταλάμποντα και εφ' ύψηλοΰ διϊππεύοντα και άπό της ουράνιας άντυγος
πασαν καταπυρσεύοντα γήν τω τε έναντίω και διπλφ τής ανατολής μέρος
άπαν και τής δύσεως βορράν τε και νότον καταφαιδρύνοντα τής κινήσεως,
5 άγαταί τε και τέθ-ηπε και δλαις αίσθήσεσι του φωτος άπηώρηται και τιμ^
ταΐς των λόγων ύπεροχαΐς" δ γαρ ορα, τούτο εκπλήττεται, και δ πέπονθ-ε,
τη γλώττη κοσμεί καί, μαρτυρούσαν έχων τω μεγαλείω την α'ίσθ-ησιν,
δλω τφ ψυχικω πνεύματι επί το θαΰμα καί το έγκώμιον διεγείρεται. Ούδ'
εϊ τις τοίνυν, βασιλέα όρων πορφυρίδι καί μαργαρίταις συναποστίλβοντα

Ρ = Parisinus graecus 1182, f. 152Μ53 ; V = Vaticanus graecus 672, f. 282^-284.


3-5 διπλφ της κινήσεως άνατολήν καί δύσιν, βορράν τε καΐ νότον καταφαιδρύνοντα
άγαταί V | βοράν Ρ 9 πορφυρίτισιν άποστίλβοντα V

2. Le rédacteur a emprunté l'expression à Plutarque (Moralia. De communibus


notitiis, 46 : Bernardakis, VI, p. 357 12) ou plutôt à son auteur favori, Synésios de Cyrène
(De insomniis, 5 : PG 66, 129342). Sous la plume de Psellos elle ne vise qu'à l'enjolivement,
et on se gardera de lui attribuer quelque valeur philosophique.
82 P. GAUTIER

par son sceptre, comme on dit3, qui par la chaîne d'or de ses paroles tient suspendu
comme du haut du ciel4 tout être et toute force, quelqu'un tremble et adore, il
ne fait donc pas non plus une chose inouïe et étrangère au comportement du
commun.
Ce qui, en revanche, est étonnant, c'est que quelqu'un, estimant digne de la
situation suprême et impériale celui qui se trouve dans un état inférieur, parce
qu'il voit son désir réalisé et l'avenir comme étant déjà présent, met au rang des
basileis celui qui alors avait place parmi le commun, qu'il lui témoigne vénération
et déférence et accomplit tous les gestes qui caractérisent l'attitude d'un sujet.
Or, tel s'est montré et manifesté envers notre Pouvoir le magistros et prôtoa-
sèkrètis Epiphane5 : ayant vu sans doute en nous quelque vague lueur6, il a
conjecturé que c'était une lumière d'origine solaire ; il a honoré notre éclat ter
restre comme si c'était un flambeau supraterrestre ; il a admiré ce qui n'était
chez nous que coucher du soir comme un lever de soleil à l'aurore, et il a discerné
la volonté indicible de Dieu à notre endroit par de mystérieux enfantements du
cœur7.

Narraùo „ C'est
la intégré
. , \pourquoi
dans
, , corps
le notre des
Pouvoir
, serviteurs
l'a pris
du
, en
trône,
Λconsidération,
„ promu
la
à un grand honneur et lui a confié la charge de mystikos du Pouvoir8. Mais notre
Pouvoir veut maintenant accroître aussi sa fortune, pour qu'il dispose d'une
aisance matérielle conforme à l'éminence de son rang illustre. Ma majesté l'établit
donc propriétaire de deux proasteia (domaines), et le terme est exact : leur ap
pellation est conforme à l'étymologie, puisqu'ils sont situés à proximité de la
Ville. L'un en effet se trouve près du village qu'on appelle Phlôrion9, l'autre

3. Cette expression d'origine homérique (cf. Iliade, π, 206) semble empruntée textuell
ement à Philostrate {Vita Apollonii, 1, 18). Psellos l'emploie encore dans une lettre
(Sathas, MB, V, n° 182, p. 46321) adressée à Jean d'Euchaïta selon le Parisinus graecus
1182, f. 233V, mais à Nicolas Sklèros selon le Barberinianus graecus 240, f. 136 (fausse
inscription).
4. Encore une expression empruntée à Homère (Iliade, vin, 19) qui revient souvent
chez Psellos.
5. Sur ce haut fonctionnaire, voir plus bas. Le texte ne permet pas de décider si
Epiphane était prôtoasèkrètis avant l'avènement de l'empereur, mais ceci paraît probable.
6. Emprunt possible à un auteur bien connu de Psellos, Olympiodore (In Aristotelis
meteora commentaria, 18, 12 : Stiive, p. 148). Elle figure aussi chez Jean Chrysostome
(Homilia 41 in Johannem : PG 59, 23531).
7. Emprunt possible à Platon (Lettre 2, 313a). Ici s'achève le prooimion en trois
sections correspondant au type décrit par H. Hunger, Prooimion, p. 189-190.
8. On notera que la charge de mystikos, qui dans les taktika du Xe siècle est de quelques
degrés inférieure à celle de prôtoasèkrètis (cf. N. Oikonomidès, Les listes de préséance
byzantines des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 24927·31 : taktikon Bénésévic ; p. 271 la·15 :
taktikon de l'Escorial) est présentée ici comme une promotion par rapport à celle-ci.
On se gardera d'en déduire qu'elle lui était devenue supérieure. La promotion d 'Epiphane
paraît consister à cumuler deux charges : le chef de la chancellerie devient aussi le conseiller
privé et le confident de l'empereur. La disparition de ce cumul après le ixc s. (ibidem,
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 83

10 καΐ άπο σκήπτρου, β φασι, θεμιστεύοντα και τή χρυσή των λόγων σειρ^
ώσπερ εξ ουράνιας άκρότητος πασαν άπαιωρουντα φύσιν καΐ δύναμιν,
είτα ύποπτήσσει και σέβεται, καινόν τι ποιεί και ασύνηθες ταΐς τών
πολλών διαθέσεσι.
Τουναντίον μέν οδν εκείνο θαύματος άξιον, ζί τις τον έπ' έλάττονος
15 σχήματος του μείζονος και βασιλικού αξιών, ώς αυτό τοΰτο ορών δ βούλεται
καΐ το μέλλον ώς ένεστώς, ϊσα τοις βασιλεΰσιν άγει τδν τέως μετά τών
άλλων ταττόμενον καΐ διευλαβεΐται και ύποστέλλεται και τάλλα ποιεί οίς
υπηκόου σχήμα χαρακτηρίζεται.
Τοιούτος περί το κράτος ημών ό μάγιστρος Έπιφάνιος και πρωτοαση-
20 κρήτις ώπται και δεδοκίμασται, καΐ λυχνιαΐόν τι φώς ίσως εν ήμΐν ίδών,
ήλιακήν τοΰτο φρυκτωρίαν είναι έτόπασε και την ύπόγειον ημών α'ίγλην
ώσπερ ύπέργειον δαδουχίαν έτίμησε και την έσπέριον ημών δύσιν ώς
άνατολήν έφαν έθαύμασε και τδ απόρρητον περί ημάς βούλημα του Θεοΰ
ώδΐσιν άρρήτοις της ψυχής έγνωμάτευσε.
25 Δια ταΰτα προσπέφυκε τούτω το κράτος ημών και του κύκλου
τών περί το βήμα ήξίωσε και εις οψος ήρε τιμής και τήν μυστικήν του
κράτους ύπηρεσίαν έπίστευσε* νυν δέ και εύπορώτερον άπεργάσασθαι
βούλεται, ίν' εχη κατάλληλον τφ ύπερέχοντι της λαμπρότητος τήν εκ του
βίου δαψίλειαν. Ποιείται τοίνυν τούτον ή βασιλεία μου δεσπότην δύο
30 προαστείων ώς αληθώς* έτυμολογικώτερον γαρ τήν κλήσιν είλήφασιν,
αύτου που πρό του άστεος κείμενα* τό μέν γαρ προς τω χωρίω ο Φλώριον

11 ύπεραιροΰντα V 12 έπειτα V 19 πρωτασηκρήτις V 20 ΐσως ήμΐν ένιδών V


21 είναι om. Ρ 22 ώσπερ : ώς V 30 έτυμολογικωτέραν V 31 που om. Ρ
|| προ προ Ρ

ρ. 324) et la séparation des deux charges dans les documents des xie-xue siècles accusent
le côté exceptionnel de la position d'Epiphane.
9. Ce chôrion est mentionné par Jean Comnène dans son typikon du Pantocrator
(cf. P. Gautier, Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator, REB32, 1974, p. 123, 1. 1562).
A. SamotrakèS (Λεξικον γεωγραφικον και ιστορικόν της Θράκης, Άρχεϊον τοΰ θρακικού
λαογραφικού καΐ γλωσσικού θησαυρού 28, 1963, ρ. 543), s'appuyant sur des rense
ignements fournis par M. Gédéon (Παλαιάς εύωρίας θρακώα κέντρα, Θρακικά 6, 1936,
ρ. 18-19), le situe entre Constantinople et Région (Kuçuk-Çekmece). Ce petit village
se trouve de fait presque à mi-chemin entre Région et Hagios Stephanos (San Stefano),
près de la voie ferrée. Il est relevé sur la carte militaire allemande (1/200 000) de 1915 :
Floria çiftlik, à 2,5 km à l'est de Région. On glanera des données intéressantes sur son
état au xixe siècle dans A. Paspatès, Τα θρακικά προάστεια του Βυζαντίου, 'Ελληνικός
Φιλολογικός Σύλλογος 12, 1875, ρ. 40.
84 P. GAUTIER

jouxte le village Ta Galataria10. Le possesseur précédent était le préposé aux


requêtes Nicolas11, qui ne les avait pas acquis tous les deux de la même façon. Il
possédait l'un en effet pour l'avoir acheté ; quant à l'autre, celui qui est situé
près de Phlôrion, il le tenait de son épouse, qui ne l'avait pas apporté en dot ni
ne lui en avait fait don : ce bien d'autrui entra en sa possession par le jeu des
circonstances, comme cela arrive fréquemment. En effet, la femme qui avait
partagé la vie de Nicolas avait été auparavant l'épouse d'un autre homme qui
l'avait légalement épousée, et elle avait précisé son union avec lui en devenant
mère de deux filles. Quand celui-ci décéda, elle convola régulièrement en secondes
noces et vécut avec Nicolas un certain temps. Puis, usant à son gré du contrat,
elle lui compta dans un acte une dot de quarante livres et, en guise de complément
au contenu de la dot, elle offrit à son mari le bien en question et un modeste
immeuble bâti dans le Bykinon, lieu situé près du grand théâtre et connu de tout
le monde12. Voilà donc les biens qu'elle apporta à son mari, sans compter ses
chers enfants, fardeau pour lui plus pesant que du plomb.
Nicolas était à cette époque au nombre des humbles, étant encore hypogram-
mateuôn et bien loin de la brillante fortune, pourrait-on dire. Mais, à la suite
d'un brusque retournement de circonstances, il fut, comme par enchantement,
introduit au palais et se trouva à l'intérieur des lieux sacrés. Aussitôt donc tout
pour lui fut transformé. Sa maison devient plus brillante, sa fortune plus import
ante, et son train de vie changea complètement. 11 acheta des propriétés, en échan
gea d'autres. C'est qu'en effet, ayant adopté un comportement plus familier envers
ses deux belles-filles, de parâtre s 'étant mué en père, ayant sous l'influence de son
épouse modifié son attitude à leur égard, et ayant gardé leurs biens paternels,
à savoir l'immeuble sis à Bykinon et le domaine situé près de Phlôrion, parce que
vils et de peu de valeur, il leur donna en contrepartie comme dot des biens plu
sieurs fois plus importants que ceux-là. Bref, il traita ces filles d'autrui comme si
elles étaient ses propres filles, et il obtint la possession légale de l'immeuble et
du domaine, après avoir échangé de petits biens contre un plus important. De cette

10. Galataria figure sur la carte (1/400 000) de Kiepert-Melching (1913), également
à mi-chemin entre Région et Hagios Stephanos, au nord-est de Phlôrion et à environ
un kilomètre de la mer. Voir aussi R. Janin, Constantinople byzantine2, Paris 1964,
carte n° vin. C'est dans ce chrysobulle qu'on trouve, à notre connaissance, la mention
la plus ancienne de ce chôrion, en dépit de l'affirmation répétée de M. Gédéon {art. cit.,
p. 18 ; Βυζαντινόν κοιμητήριον, 'Εκκλησιαστική 'Αλήθεια 22, 1902, p. 250), qui prétend
avoir lu dans des manuscrits contenant des synaxaires, sous la date du 28 novembre
et à propos des soldats martyrisés ce jour-là en Thrace par Constantin Copronyme :
'Ιωάννης άπό του Γαλαταρίων, au lieu de άπό των λεγαταρίων. Cette affirmation est
infirmée par les manuscrits utilisés par Nicodème l'Hagiorite, Doukakès et H. Delehaye,
notamment par le Vaticanus graecus 1613 (Synaxaire de Basile II), f. 211. La fonction
de légatarios et d'apo-légatarios est une fonction militaire bien connue. Cf. N. Oikono-
midès, op. cit., p. 382, s.v. ; A. Paspatès (art. cit., p. 40), qui ne connaissait pas notre
texte, situait Galataria à proximité du village de Phlôrion.
11. Nicolas Cheilas ; voir plus loin.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 85

ονομάζεται ϊδρυται, τω δέ το χωρίον τα Γαλατάρια έγγειτονοΰν έστιν.


ΤΩν την κυριότητα προσεχώς 6 επί τών δεήσεων είχε Νικόλαος, ούκ εξ
όμοιας της αφορμής τήν κτήσιν άμφοΐν είληφώς* το μέν γαρ ώνησάμενος
35 Ισχηκε, το δέ κατά τό Φλώριον παρά της αύτοΰ γαμέτης προσεκτήσατο,
ούκ εις προίκα προσαγαγούσης, ού δωρησαμένης, άλλα γέγονεν αύτω ϊδιον
το άλλότριον εκ της τών πραγμάτων περιστάσεως, οία πολλά ε'ίωθ-ε γίνεσθαι.
*Η γάρ τοι τω Νικολάω συμβιώσασα, γαμέτη ετέρου ανδρός πρότερον
χρηματίσασα κατά νόμους συνωκηκότος αύτη και δυσί θ-υγατράσι τήν προς
40 εκείνον περιορισαμένη συνάφειαν, έπει εκείνος μετήλλαξε τήν ζωήν, προς
δεύτερους έννόμως γάμους άπέκλινε και τω Νικολάω μέχρι τινός συμβεβίωκεν.
Είτα κατά τό βουλητόν αύτη χρησαμένη τοις συμβολαίοις, έν γράμμασι
μέν τεσσαράκοντα λίτρων προίκα τούτω άπηριθμήσατο, οία δέ τίνα έφόλκια
του σώματος της προικός τοΰτο δή τό κτήμα τ<ο γαμέτη προσήνεγκε και
45 οίκον ού πάνυ λαμπρόν κατά τό Βύκινον ίδρυμένον τόπος δέ οδτος άγχου
που του μεγάλου θεάτρου τοις πασι κατάδηλος. Ταυτά τε οδν τω άνδρί
προσενήνοχε καΐ τα φίλτατα, άχθ-ος έκείνω μολίβδου περιβριθ-έστερον.
rHv μέν οδν τηνικαυτα τοις άδοξοτέροις συναριθ-μούμενος ό Νικόλαος,
ύπογραμματεύων ^τι και της βελτίονος, ως αν τις είπη, τύχης πόρρω
50 κείμενος" τών δέ πραγμάτων άθ-ρόον μεταβαλόντων, ώσπερ έκ μηχανής
άνεδό&η τοις βασιλείοις και εντός τών άδυτων έγένετο. Εύθ-ύς οδν αύτω
τα πάντα μετεσχημάτιστο* 6 τε γαρ οίκος αύτω λαμπρότερος γέγονε και
ό πλούτος βαθ-ύτερος και δλως αύτω τό σχήμα του βίου μετήλλακτο. Τα
μέν οδν έξωνεΐτο κτήματα, τα δέ κατηλλάττετο" ταϊς γαρ δυσίν αύτοΰ
55 προγοναϊς οίκειοτέρω ήθ·ει χρησάμενος και τον πατρωόν εις πατέρα μετενε-
γκών και δια μέσης τής γαμέτης προς έκείνας τήν σχέσιν μετοχετεύσας,
τα πατρώα ταύταις, τόν τε έν τω Βυκίνω οίκον και τό κατά τό Φλώριον
προάστειον, ώς ευτελή τε και εΰωνα κατασχών, άντιδίδωσιν αύταΐς εις
προίκας τούτων πολλαπλασίονα. Και τό δλον ώς θυγατράσιν εαυτού ταΐς
60 άλλοτρίαις έχρήσατο και έ'ννομον έαυτφ τήν δεσποτείαν του ο'ίκου και του
προαστείου πεποίηκε, καταλλαξάμενος πλείονος τα έλάττονα. Γέγονεν

32 έκγειτονών V 33 δεήσεων + γεγονώς V 35 δέ + το V ,36 προσαγούσης


V || ού : ουδέ V 38 τφ + ρηθέντι V 40 επειδή V 44 δή : τέ V 47 προ-
σηγήοχε V 48 οδν om. V 49 εΐπη τις transp. V | πόρρω + που V 51 τφ
βασιλεΐ V 52 έγεγόνει V 58 προάστειον : κτήμα V

12. Cette mention du Bykînon — autre graphie de Boukinon — est à ajouter à celles
relevées par R. Janin, op. cit., p. 326-327. Elle a l'avantage d'être plus précise que les
autres et de ruiner l'hypothèse avancée par cet historien. Le Bykinon n'était pas « une
tour de garde à l'entrée du port Sophien », mais un quartier, qu'il faut sans doute chercher
entre l'hippodrome, appelé ici le grand théâtre, et le port Sophien.
86 P. GAUTIER

façon Nicolas devint donc propriétaire du domaine, ayant fermé la bouche à ses
belles-filles par un lien solide, autrement dit par un bâillon d'or. Mais tout lui fut
brusquement enlevé, car il fut plus tard convaincu de démence et de stupidité,
surpris à comploter contre notre Pouvoir et clairement condamné pour motifs
de rébellion. Pour cette raison toute sa fortune lui fut confisquée et tomba dans
le domaine impérial.

„..
Dispositio
.. cesPuisque
, .
biens, ma
parce
majesté
qu ,.,ilspeut
appartiennent
faire. don à au
qui pouvoir,
elle veut
. eh
de
bien, puisqu'elle a octroyé au magistros et prôtoasèkrètis Epiphane la propriété
de cet homme sise près de Phlôrion, elle en confirme la donation par le présent
chrysobulle comme par un lien infrangible. En effet, si les biens qui appartiennent
à la magnificence du pouvoir sont solidement garantis, ceux aussi à qui elle trans
fèreune partie de ces biens sont assurés de la même sécurité, et si un empereur
qui confisque et enlève des biens ordonne la saisie et la confiscation après l'examen
des motifs, la donation est garantie dans les deux cas à ceux qui l'ont reçue de sa
main13. De fait, le bien des filles de l'épouse de Nicolas provenait d'un héritage
paternel ou peut-être maternel, mais, puisqu'une contrepartie plus brillante et
plus importante leur fut accordée par le parâtre, il entra dans la fortune de celui
qui avait fait l'échange14, mais quand sa fortune lui fut enlevée pour le compte
du fisc, cette partie aussi lui fut ôtée, et les deux propriétés susdites sont tombées
dans le domaine impérial. Mais qu'importe cela au prôtoasèkrètis ? On ne doit
pas en effet s'enquérir de l'origine d'un bien de l'empereur, mais, quand on est
bénéficiaire, adorer. Bien que ce soit une prérogative réservée aux empereurs que
d'avoir l'agrément de tous pour tous leurs actes, néanmoins nous leur accordons
en contrepartie cette disposition conforme à la loi et nous mettons au premier plan
ce qu'il y a obligation de faire.

Par conséquent, le prôtoasèkrètis n'aura à redouter


nul importun à propos du bien qui est situé à Phlôrion,
que ce soit des gens de la famille de Nicolas ou les filles de son épouse. Les pre
miers en effet se heurteront au décret de confiscation, les secondes à la contre
partie plus importante reçue, les deux au même titre à notre décision, car à
chacune des parties se trouve fermée non seulement la porte du tribunal, mais
encore jusqu'au droit de porter plainte. La chicane, qui en d'autres cas peut d'aven
ture bouleverser les affaires, ne pourra d'aucune façon critiquer les mesures prises

13. Ce principe de droit sera inclus par Psellos dans sa Synopsis legum (Zépos, JGR,
VII, p. 38344-45 ) : Si quelqu'un reçoit quelque chose du fisc par don de l'empereur ou
par échange avec lui, il en devient propriétaire incontinent.
14. Autrement dit, l'empereur s'est abstenu de toucher au contenu de la dot, et cela
parce qu'il s'est conformé à la loi qui prescrit que la dot n'est pas confisquée, quand
la fortune de l'époux est frappée de confiscation. Cf. Synopsis basilicorum, D vil 2 et 7 :
Zépos, JGR, III, p. 183, 184 ; Psellos, Synopsis legum : ibidem, VII, p. 40427.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 87

μέν οδν εκείθεν δεσπότης του κτήματος ό Νικόλαος, έμφράξας το στόμα


ταΐς προγοναΐς άδροτέρω δεσμώ χρυσίου ήτοι άποδέσμω. Πάντα δε άθρόον
άφήρητο, παραπλήξ ΰστερον και έμβροντησίας άπελεγχθ-είς και κατά του
65 ημετέρου κράτους μεμελετηκώς και σαφώς επί τυραννικαΐς αίτίαις έαλωκώς.
Δια ταύτα δεδήμευται αύτω ή σύμπασα του βίου ΰπαρξις και υπό τήν
βασιλικήν πέπτωκεν έξουσίαν.
Και ώς άφωσιωμένα τφ κράτει δωρεΐται ταύτα οΐς αν ή βασιλεία
μου βούληται, ώσπερ και τω μαγίστρω Έπιφανίω και πρωτοασηκρήτις
70 το κατά το Φλώριον εκείνου κτήμα δωρησαμένη, τω παρόντι χρυσοβούλλω
ώς άδαμαντίνω δεσμοί τήν δωρεάν έμπεδοΐ. Ει γαρ τω μεγαλείω του
κράτους τα υποκείμενα κατησφάλισται, και οίς άν εκείθεν μερίς τούτων
κατενεχθή μετά της όμοιας ασφαλείας περίεισιν* ει δέ και βασιλεύς δημεύων
και αφαιρούμενος μετά της τών λογισμών επισκέψεως ποιείται και τήν
75 άφαίρεσιν και τήν δήμευσιν, άμφοτέρωθεν ισχύει τοις εκείθεν λαβοΰσιν ή
δωρεά. rHv μέν γαρ τών της γαμέτης του Νικολάου θυγατέρων κατά
άλλ'
πατρφαν ή μητρώαν ϊσως κληροδοσίαν τό κτήμα, άντιδόσεως αύταΐς
παρά του πατρώου γενομένης λαμπροτέρας και μείζονος, μέρος της του
άνταλλάξαντος υπάρξεως γέγονε* παντός δέ αύτω του βίου αφαιρεθέντος
80 εις τον δημόσιον, και το μέρος προσαφηρέθη και τοις βασιλικοΐς δικαίοις
τα είρημένα δύο ταΰτα ύποπέπτωκε κτήματα. Άλλα τί τω πρωτοασηκρήτις
ταύτα ; Ου γαρ έρευναν δει τίνα οπόθεν ό βασιλεύς εσχηκεν, άλλα λαμβάνοντα
προσκυνεΐν. Πλην ει και γέρας ώσπερ τοις βασιλευσιν έξαίρετον, τ6 παρά
πάντων έστι συγκεχωρηκος εν άπασιν, άλλ' ουδέν ελαττον ήμεΐς τούτοις
85 άντιδιδόαμεν τήν εν νόμω ταύτην διοίκησιν και δ δέον πραχθήναι τών
πράξεων προεισφέρομεν.
Ούδένα τοίνυν ό πρωτοασηκρήτις τών περιέργων φοβήσεται του
κτήματος ε'ίνεκα του κατά τό Φλώριον, ου τών άπό του μέρους του Νικολάου,
ου τών άπό της γυναικός αύτοΰ θυγατέρων τω μέν γαρ ή δήμευσις άντικεί-
90 σεται, ταΐς δέ ή μείζων άντίδοσις, άμφοΐν δ' επίσης δ ημέτερος δρος·
κέκλεισται γαρ έκατέροις ου θύρα μόνον δικαστηρίου, άλλα και πρωτολογίας
εισαγωγή. Και τό της γνώμης περίεργον εν άλλοις ίσως τας πράξεις καινοτο
μούν τά γέ τοι παρά βασιλέως ταττόμενα και τυπούμενα ουδαμώς μωμήσαι

62 μέν om. Ρ 63 άδροτέρφ άποδέσμφ χρυσού. Πάντα V 64 άφήρηται Ρ 66 αύτφ


om. V || βίου + αύτοΰ V 69 βούλεται V || ώσπερ + δέ V || τφ + δηλωθέντι V |
πρωτασηκρήτις V 71 ώς : ώσπερ V 74 καΐ : ή V || μετά + καΐ V 75 λαμ-
βάνουσιν V 77 ϊσως om. Ρ 81 ταΰτα om. V 82 οπόθεν βασιλεία ά έσχηκεν V
88 ένεκα V || του κατά το Φλώριον om. V 91 ού : ή V | δικαστή V 92 είσα-
γωγεϊ V 92-93 καινοτομεί V 93 γέ τοι : μέντοιγε V
88 P. GAimER

et décrétées par un empereur. Même l'éloquence des rhéteurs, qui arrive à tout
par l'art de la persuasion, qui brouille certaines lois, en détourne d'autres de
leur sens, ne pourra jamais dominer la puissance impériale, pas plus qu'elle ne
peut dominer un torrent impétueux, un feu tourbillonnant, un fleuve débordant.
Ainsi donc, les larmes qui provoquent l'émoi, les cris, les lamentations et tout ce
qui peut attendrir un juge, mais aussi une éloquence séduisante, une voix ensor
celante et toute autre manœuvre sont-elles récusées et écartées.
Cet homme aura donc la propriété des biens qui lui ont été donnés, tout le
monde gardant le silence sa vie durant comme dans un mystère. En effet, notre
chrysobulle, tel un chant ou un hymne qu'on récite devant les initiés, les somme
de se taire. Qui plus est, prenant les devants, nous prescrivons que personne
absolument, ni un législateur, ni un juge, ni la partie frappée par la confiscation,
ni celle qui, avant la confiscation, avait obtenu d'autres biens en échange de la
propriété, ni qui que ce soit, ne causent gêne et tracas au prôtoasèkrètis au sujet
de ce qu'il a reçu en donation de la part de ma majesté. Il lui sera loisible de gérer
ses biens à son gré, de les aliéner, d'en faire don de n'importe quelle façon, de
les léguer, de les échanger, de les vendre et de faire toute opération que la loi
et la coutume autorisent aux propriétaires à titre définitif. De même que celui-ci,
pour avoir reçu de notre Pouvoir une donation de propriétés, participe à notre
droit, de même celui qui reçoit de lui ces biens bénéficiera de la même assurance,
et cette même garantie, qui découle de notre faveur qui est aussi la première comme
d'une source, s'étendra à tous les héritiers, entourée et enserrée comme par une
corde bien tressée et infrangible.

95 περιτρέπουσα V 97 και2 + το V 99 και1 : ναι V | θέλγητρα V 100 τε :


ται V 101 οδτος : ό πρωτασηκρητις V 103 μύσταιΥ 104 αυτούς προκελεύεται V

L'argumentation ampoulée du prooimion repose sur la comparaison suivante :


celui qui est rempli d'admiration devant l'éclat de la majesté impériale ne mérite
pas plus de félicitations que celui qui exprime de l'enthousiasme devant la lumière
aveuglante du soleil. En revanche, on se doit d'admirer la perspicacité de celui
qui a prédit qu'une personne qui n'est pas de sang royal accéderait un jour au
trône impérial. Ce fut le cas du magistros et prôtoasèkrètis Epiphane qui avait
discerné et annoncé qu'un homme du commun, à savoir l'empereur qui délivre
le chrysobulle, assumerait un jour le gouvernement de l'empire. Il résulte de cette
argumentation que le souverain en question ne saurait être Theodora, ni Michel
Doukas, à qui Dölger attribue ce document1, puisqu'en tant que fils aîné de

1. Dölger, Regesten, n° 1023.


UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 89

δυνήσεται" άλλ' ουδέ ρητορεύουσα γλώττα και πάντα ισχύουσα τη πειθ·οΐ,


95 και των νόμων τους μεν συγχέουσα, τους δέ παρατρέπουσα, βασιλικής
άν ποτέ κράτηση δυνάμεως, ουδέν έλαττον ή ρεύματος παρασύροντος και
πυρός παφλάζοντος και ποταμού κατακλύζοντος. Ένταΰ&ά γέ τοι και
δάκρυον πάθος κινούν, ολολυγή τε και οιμωγή και δσα χαυνοΰν δικαστήν
δύναται και μήν και Φ-έλγητρον γλώττης και φωνή γοητεύουσα και τ&λλα
100 έλήλεγκταί τε και άπελήλαται.
"Εξει τοίνυν οΰτος τών δωρηθ-έντων αύτφ κτημάτων τήν κυριότητα,
ώσπερ έν μυστηρίω τω βίω σιγώντων απάντων ό γαρ χρυσόβουλλος λόγος
ημών ώσπερ φδή τις ή ομνος τοις μύσταις ύπαναγινωσκόμενος, σιγάν
αύτοΐς έγκελεύεται. Αυτό γέ τοι και προλαβόντες παρεγγυώμεθ-α του
105 μηδένα τών απάντων, μή δικών νομοθέτην, μή δικαστήν, μή το δημευθ-έν
μηδ'
μέρος, μή το πρδ της δημεύσεως άντιλαβόν του κτήματος Ιτερα,
άλλον τινά, 6χλον τω πρωτοασηκρήτις και πράγματα παρασχεΐν έφ' οίς
παρά της βασιλείας μου δωρεάν εΐληφεν. Έξέσται δέ αύτω ώς άν βούλοιτο
τα περί τών κτημάτων ο'ικονομεΐν, έκποιεΐν, κατά πάντα τρόπον δωρεΐσθ-αι,
110 κληροδοτεΐν, άνταλλάττειν, πιπράσκειν, τάλλα ποιεΐν όπόσα και νόμος και
εθος τοις άπεριγράφοις τω χρόνω δεσπόταις διδόασιν ώσπερ δέ λαβών
οΰτος παρά του κράτους ημών τών κτημάτων τήν δωρεάν και τό ήμέτερον
προσείληφε δίκαιον, ούτω δή και ό πρδς αύτοΰ ταΰτα λαμβάνων τήν αυτήν
έπισπάσεται δύναμιν, και ρυήσεται ώσπερ άπο πηγής της ημετέρας και
115 πρώτης χάριτος επί πάσας διαδοχας ό αυτός της ισχύος λόγος, άντιπλε-
κόμενός τε και συμπλεκόμενος ώσπερ εύπλόκω και άδαμαντίνω σειρ$.

105 απάντων μή μόνων μή νομοθέτην V 111 άπεριγράπτοις V | δεσπόταις τφ χρόνω


transp. V 113 προς αύτοϋ : παρά τούτου V 116 ώσπερ + έν V

Constantin Doukas il devenait à la mort de son père l'héritier légitime de la


couronne. Comme le document a été rédigé par Michel Psellos, il faut choisir
entre les autres empereurs qu'il a servis : Constantin Monomaque (1042-1055),
Michel le Stratiotique (1056-1057), Isaac Comnène (1057-1059), Constantin
Doukas (1059-1067) et Romain Diogène (1068-1071), qui, tout en étant tous
membres de la noblesse sénatoriale, ne pouvaient se prévaloir de leur ascendance
pour revendiquer la direction de l'empire. Faute de pouvoir éliminer d'emblée
l'un ou l'autre d'entre eux à l'analyse du chrysobulle, nous allons tenter de con
naître le nom du donateur en procédant à l'identification des fonctionnaires qui
y sont mentionnés.
Le préposé aux suppliques Nicolas n'a pas encore fait l'objet d'une enquête
prosopographique. Il n'est pourtant pas aussi inconnu qu'il y paraît : des lemmes
90 P. GAUTIER

inédits de lettres de Psellos permettent en effet de dissiper partiellement l'obscurité


qui l'enveloppe. Mais il faut d'abord éviter un malentendu à son sujet et se méfier
de l'homonymie. La charge de préposé aux suppliques fut en effet occupée par un
Nicolas Sklèros dans la seconde moitié du siècle. Sur deux sceaux de l'Ermitage
on déchiffre en effet cette légende : Σφραγίς Νικολάου μαγίστρου και επί των
δεήσεων του Σκληρού2, et Σφραγις Νικολάου μαγίστρου, βέστου και επί των
[δεήσεων του Σκληρού]3. Nous voyons deux raisons de refuser d'identifier le pré
posé aux suppliques Nicolas mentionné dans le chrysobulle avec Nicolas Sklèros :
d'une part, le rédacteur du document insiste sur l'origine sociale très humble
(1. 48-50) de ce fonctionnaire qui sera compromis dans une conjuration, et il va
de soi qu'il n'aurait pu s'exprimer en ces termes, même s'il avait eu à stigmatiser
la révolte d'un Sklèros ; d'autre part, nous connaissons suffisamment la carrière
de Nicolas Sklèros pour savoir qu'elle n'a pas été brisée par une mesure d'incar
cération et de confiscation. Des sceaux et la correspondance de Psellos nous
apprennent qu'il a été successivement vestes et juge des Bucellaires, vers
le milieu du siècle ; peut-être patrice et préposé aux suppliques ; sûrement
magistros et préposé aux suppliques, probablement vers 1060/1070 ; proè-
dre et juge de l'Egée, vers 10704 ; protoproèdre, grand skévophylax des
Blachernes et prôte de la procession5, aux alentours de 1070/1080 ; enfin,

2. Cf. N. L. Lichacev, Istoriceskoe znacenie italo-greëeskoj ikonopisi izobrazenija


Bogomateri ν proizvedenijach italo-greceskich ikonopiscev, Saint-Pétersbourg 1911, Append
ice,p. 14-15, nos 19-20 (deux exemplaires). G. Schlumberger {Mélanges d'archéologie
byzantine, lre série, Paris 1895, p. 269, n° 134 ; non reproduit) a lu, mais avec hésitation,
le titre aulique patrik{iou) au lieu de magistr{ou) sur le sceau n° 19 de Lichaöev (ancienne
collection Schlumberger). Leur description de l'avers et du revers donne pourtant à
penser qu'ils éditent la même pièce. On ne retiendra donc que sous bénéfice d'inventaire
le titre de patrice attribué à Nicolas Sklèros.
3. Cf. Lichacev, op. cit., p. 14, n° 17.
4. Cf. Kurtz-Drexl, SM, II, n° 37 : Auproèdre Nicolas Sklèros (Psellos y fait mention
du 44
n° césar
: A [Jean
Nicolas
Doukas]
Sklèroset (il
d'un
est empereur
à la tête du
enthème
campagne
de l'Egée)
qui doit
; n°être
56 Romain
: A Sklèros
Diogène)
(il a été;
dépossédé d'un domaine, mais pas du fait de l'empereur qui s'emploiera à pallier cette
mésaventure) ; n° 60 : Au juge de VEgée (il est relevé de son commandement sur sa
demande) ; n° 63 : A Nicolas Sklèros (il reçoit l'ordre de se retirer dans son domaine
de Mitza Kathara et d'y attendre une faveur impériale imminente) ; nos 123-128 : Au
juge de VEgée. La lettre 25 du recueil de Sathas lui est certainement adressée : elle est
anépigraphe dans l'édition, mais dans le Laurentianus graecus lvii-40, f. 66, elle a comme
lemme : Au juge de VEgée. Celui-ci ne peut être que Nicolas Sklèros, puisque l'auteur
fait allusion à la mort d'un vestarque, qui est Anastase Lizix, pleuré dans une autre
lettre de Psellos au même juge de l'Egée (Kurtz-Drexl, SM, II, n° 127). Il est possible
que les lettres 95 et 135 (anépigraphes) de Sathas soient adressées à Nicolas Sklèros.
On trouvera des renseignements plus détaillés sur sa carrière dans la monographie à
paraître de W. Seibt. Voir aussi Ja. Ljoubarsku, Psell ν otnosenijach s sovremennikami
(Psell i themnie sudy), RESEE 10, 1972, p. 23-24, 31-32.
5. Cf. V. Laurent, Le Corpus des sceaux de Vempire byzantin, V, 2 : l'Eglise, Paris
1965, n° 1202. Pour la date de ce sceau, voir W. Seibt, Byzantinoslavica 35, 1974, p. 82
(vers 1080/1090).
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 91

il est attesté comme curopalate et grand drongaire de la Veille en 10846.


Nicolas mentionné dans le chrysobulle est-il à identifier avec l'un ou l'autre
des préposés aux suppliques correspondants de Psellos ? On ne retiendra pas la
lettre 89 du recueil de Sathas, puisqu'elle est adressée à Léon, neveu du métrop
olite de Patras, et date — Psellos est seulement vestes — des environs de 1052.
La lettre 176 du même recueil datant de 1069, le préposé aux suppliques à qui elle
est adressée pourrait être ce Léon qui mourra à Mantzikert le 26 juin 1071 ou
bien Constantin Iasitès7. Le destinataire de la lettre 149 de Kurtz-Drexl doit
être, compte tenu du sujet évoqué, le préposé aux suppliques de la chancellerie
patriarcale. Reste donc à examiner la lettre 12 de Sathas. Dans le Parisinus graecus
1182, d'où l'éditeur l'a extraite, le lemme se réduit à la mention de la fonction
du destinataire : Au préposé aux suppliques. Elle est heureusement transmise par
trois autres témoins, et ce sont eux qui vont nous donner la clef de l'identification.
Dans le Petropolitanus graecus 250, f. 116V, la suscription est la suivante :
Προς τίνα δυσχεράναντα επί τη προς αυτόν δια την του χείλους ογκωσιν
άστειότητιΛ Même sans ce lemme qui se borne à donner un résumé de la lettre,
nous saurions que celle-ci est adressée à un préposé aux suppliques, puisqu'il est
fait état de la fonction du destinataire à la dernière ligne du texte. Dans le Vaticanus
graecus 1912, f. 153V, le début de la même suscription s'enrichit d'un élément
prosopographique intéressant : Προς Νικόλαον πατρίκιον και επί των δεήσεων
δυσχεράντα9... Mais le détail essentiel est fourni par le Laurentianus graecus
lvii-40, f. 73 : Προς τον επί των δεήσεων Νικόλαον τον Χειλαν. Ce patrice
Nicolas Cheilas est un nouveau venu en prosopographie. Cette famille, qui émerge
dans les sources au ixe siècle en la personne d'un compagnon de jeux de l'empereur
Michel III10, ne sera vraiment bien représentée qu'aux xme-xive siècles, où l'on

6. Cf. Zépos, JGR, I, p. 349 : Du curopalate et grand drongaire de la Veille Nicétas


Sklèros. A cette leçon retenue par les éditeurs il faut substituer celle (Nicolas) donnée
par exemple par le Laurentianus graecus lxxx-6. Cf. Dölger, Regesten, n° 1113. Dans
les Parisini graeci 1263 (f. 248V), 1358 (f. 355), 1359 (f. 41), le lemme est ainsi abrégé :
Néara lysis de kyr Alexis Comnène sur le droit d'appel. Du fait que la lysis n'est datée
que par le mois (janvier) et l'indiction (sept), on peut hésiter entre les années 1084, 1099,
1114, mais la première des trois paraît mieux convenir au déroulement de la carrière de
ce haut fonctionnaire. Signalons encore que le Sklèros mentionné dans le lemme d'un
prostagma d'août 1082 (Zépos, JGR, I, p. 296) n'est pas Nicolas, mais Michel Sklèros,
protoproèdre (et non pas prôtoasèkrètis), exisôtès et juge du thème de Thrace et Macéd
oine ; la fausse lecture de l'édition a été redressée par F. Dölger, BZ 32, 1932, p. 238.
C'est le même personnage qui figure dans la liste de présence du synode des Blachernes
de 1094/1095 : REB 29, 1971, p. 218, 251.
7. Voir plus loin.
8. Cf. A. Papadopoulos-Kérameus, Μιχαήλ Τελλοΰ έπιστολαΐ ανέκδοτοι, Νέα Σιών
7, 1908, ρ. 497 : uniquement le lemme, qui comporte un jeu de mots sur le nom (ou
surnom : le Lippu ?) du destinataire.
9. Cf. P. Canart, Codices Vaticani graeci. Codices 1745-1962, Cité du Vatican 1970,
p. 662 ; l'auteur a lu pri(mikèrion) au lieu de p(at)ri(kiori).
10. Cf. Théophane Continué : Bonn, p. 17221, 198 17, 253 16 ; Jean Skylitzès :
Bonn, II, p. 15922, 1751(> = Thurn, p. 9641, 10890.
92 P. GAUTIER

dénombre une dizaine de membres. Quant à Nicolas, le seul à porter ce prénom,


nous ne savons rien d'autre à son sujet que ce que nous en dit Psellos.
Dans la lettre 12 de Sathas il raille longuement, mais sur le mode enjoué, le
caractère acariâtre de son correspondant et donne à penser que Nicolas Cheilas
était un personnage complètement dépourvu d'humour. Un détail cependant
retiendra l'attention : il semble bien qu'il était un ancien élève de Psellos. Celui-ci
lui écrit en effet : « Quant à moi, je te demandais d'avoir le regard tourné vers
en haut, puisque, bien que tu ne sois pas un philosophe, tu es l'élève du philo
sophe. » Et encore : « Quand Aristote se voyait raillé par Platon pour son impat
ience de jeune poulain, il était plus flatté des railleries de son maître que des
éloges des autres personnes11. » De cette indication il résulte que Nicolas Cheilas
n'a pu accéder à la haute fonction de préposé aux suppliques, compte tenu de ce
que nous savons des débuts de la carrière professorale de Psellos, qu'après le
règne de Constantin Monomaque. Cet empereur n'est donc pas, quant à la date,
à prendre en considération.
Le prôtoasèkrètis Epiphane ne nous est pas mieux connu que Nicolas12 :
le seul auteur à en faire mention est encore Michel Psellos. La lettre 169 du recueil
de Sathas est à cet égard un document important, puisque dans la suscription
nous lisons à la fois la fonction et le patronyme d'Epiphane : Έπιφανίω πρω-
τοασηκρήτις τω Φιλαρέτω13. Bien que le nom de famille ne figure pas dans le
chrysobulle, la similitude du prénom et de la fonction rendent l'identification
quasi indubitable. L'incertitude est d'ailleurs levée par le contenu de la lettre qui
contient un élément intéressant. Psellos écrit en effet, après quelques considérations
amphigouriques : « Je n'ignore pas que mon cher Epiphane est un nouvel initié
dans les enclos sacrés et les mystères de la cour impériale et qu'il a besoin au bon
moment de gens qui l'observent, qui fassent pour lui des incantations et qui
l'incitent au bon moment à les imiter14. » Si le terme mystèria était une façon
rhétorique de désigner la charge de mystikos, il s'ensuivrait que la lettre serait
à peu près contemporaine du chrysobulle, c'est-à-dire de l'époque où Epiphane,
tout en restant prôtoasèkrètis, fut promu à cette nouvelle fonction. Mais cette
interprétation est sujette à caution : il se peut tout bonnement que Psellos félicite
son correspondant, qui paraît bien avoir été lui aussi un de ses anciens élèves, à en
juger par la finale de la lettre, de sa promotion à la tête de la chancellerie impériale.
La famille des Philarétos est très peu représentée aux xie-xne siècles : signalons un
Constantin proèdre et un Jean ostiaire et ek prôsopou du Myrélaion, connus par

11. Cf. Sathas, MB, V, p. 2467"8·13-15.


12. Il ne figure pas dans la liste des mystikoi dressée par R. Gutlland, Le mystique,
REB 26, 1968, p. 279-296. L'auteur ne relève que cinq titulaires, dont deux anonymes,
pour le xie siècle : ibidem, p. 284.
13. La même suscription figure, à un élément près, dans le Vaticanus graecus 1912,
f. 177V : Τω πρωτοασηκρήτις τω Φιλαρέτω.
14. Cf. Sathas, MB, V, p. 431 13"16.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 93

des sceaux inédits15, et un Manuel, prêtre de Sainte-Sophie et signataire, au f. 19,


du Vaticanus graecus 811 16. Quant à Epiphane, il ne réapparaît pas dans la cor
respondance de Psellos. Nous ignorons s'il est ce mystikos à qui celui-ci adressa
la lettre 114 de Sathas après sa vêture monastique, donc après 1055. Ni dans
cette lettre, ni dans la lettre 169, l'empereur auquel il fait allusion ne peut être
identifié.
Cette absence de repères chronologiques provoque un grand embarras. La
liste des préposés aux suppliques et des prôtoasèkrètis connus à l'époque envi
sagée ne saurait être d'un grand secours, tant elle est lacuneuse et chronologique
ment déficiente. Il ne sera toutefois pas inutile de la dresser, ne serait-ce que pour
corriger, clarifier et compléter le travail si méritoire de R. Guilland17. Comme
seuls nous intéressent les fonctionnaires qui exercèrent ces charges entre 1042
(avènement de Constantin Monomaque), voire 1056 (avènement de Michel le
Stratiotique), et 1071 (avènement de Michel Doukas), pour les raisons exposées
plus haut, nous exclurons ceux qui sont attestés avant ou après cette période18.
Les préposés aux requêtes connus à l'époque envisagée sont les suivants :
1. Le neveu du métropolite de Patras, Léon, qui reçut une lettre de Psellos,
quand ce dernier n'était encore que vestes, soit donc avant 105419. Mais il n'est
pas exclu que ce Léon fut un fonctionnaire ecclésiastique. De toutes manières,

15. Dumbarton Oaks Collection, 55.1, nos 3246, 4964.


16. Cf. R. Devreesse, Codices Vaticani graeci. III. Codices 604-866, Cité du Vatican
1950, p. 348.
17. R. Guilland, Le Maître des Requêtes, Byz. 35, 1965, p. 97-118.
18. Comme préposés aux pétitions sont attestés : — 1. Au début du siècle, Théodore,
protospathaire impérial, chartulaire du génikou logothésiou, juge à l'hippodrome et
juge du Péloponnèse et de l'Hellade (cf. G. Schlumberger, Sigillographie de l'empire
byzantin, Paris 1884, p. 191 ; K. Konstantopoulos, Βνζαντιακα μολνβδόβουλλα τοϋ
εν 'Αθήναις νομισματικού μουσείου, Athènes 1917, η° 402 ; tous les deux ont lu « spa-
thaire et grand chartulaire »). Sur un autre sceau du même dignitaire (Dumbarton Oaks
Collection, 55.1, n° 2843) on lit : protospathaire impérial et préposé au chrysotriklinos.
— 2. Jean, protospathaire et chartulaire du génikon, qu'il faut placer sous le patriarcat
d'Eustathe (1019-1025), et non pas, comme on l'a fait, sous celui d'Eustrate Garidas
(1081-1084). Cf. RhallèS-Potlès, Σύνταγμα των θείων και Ιερών κανόνων, V, Athènes
1855, ρ. 5712 = PG 119, 860β. Il ne fait probablement qu'un avec Jean, protospathaire,
préposé au chrysotriklinos et grand chartulaire, connu par un sceau (Fogg Art Museum,
n° 602). — 3. Léon, protospathaire et préposé au chrysotriklinos, attesté par trois sceaux
(Corinthe. Musée, n° 2730 ; Dumbarton Oaks. Coll. Shaw, n° 512 ; Dumbarton Oaks
Collection, 58.106, n° 4936). Il est probablement identique à Léon protospathaire et juge
à l'hippodrome, mentionné dans un acte de mai 1030. Cf. G. Ficker, Erlasse des Patriar
chen von Konstantinopel Alexios Studites, Kiel 1911, p. 21. — 4. Le protoproèdre Const
antin Choirosphaktès, attesté en 1088. Cf. P. Gautier, Le synode des Blachernes (fin
1094). Etude prosopographique, REB 29, 1971, p. 251-252. — 5. Le protocuropalate
Jean Taronite : ibidem, p. 246-247. — 6. Le protoproèdre Jean Solomôn, connu par un
sceau (Dumbarton Oaks Collection, 55.1, n° 3324) : à vrai dire, on ignore s'il a exercé
cette fonction sous Alexis Comnène ou sous ses prédécesseurs.
19. Cf. Sathas, MB, V, n° 89.
94 P. GAUTIER

on se gardera de le confondre, pour une raison chronologique, avec son homo


nyme, le protospathaire et juge de l'hippodrome attesté en mai 103020.
2. Le magistros Jean, mentionné dans le sèmeiôma de juillet 105421.
3. Le protospathaire et juge des Anatoliques Léon22. Mais ce personnage est
sans doute à exclure de la liste : il s'agit apparemment d'un représentant provinc
ial du bureau central et, de surcroît, sa dignité paraît trop modeste pour le milieu
du siècle.
4. Le protospathaire Nicolas connu par un sceau inédit23 : vu son titre
aulique modeste, ce fonctionnaire est à placer au plus tard dans les premières
années du règne de Constantin Monomaque.
5. Léon, décédé à Mantzikert le 26 août 1071 24.
6. Le protoproèdre Constantin lasitès connu par un sceau inédit25. Comme
ce fonctionnaire était déjà curopalate avant la mort de Psellos (1078, date pro
bable) qui lui adressa deux lettres26, on ignore s'il fut préposé aux pétitions avant
ou après le précédent.
7. Le protoproèdre Jean Solomôn — en fonction avant Alexis Comnène ? —
connu également par un sceau27.
8. Le magistros Nicolas Sklèros attesté dans cette charge (vers 1060/1070)
par les trois sceaux susmentionnés.
La liste des prôtoasèkrètis connus durant la période envisagée est encore plus
réduite que la précédente28. Outre le magistros Epiphane Philarétos mentionné
dans le document, nous relevons :
1. Un prôtoasèkrètis, qui intervient vers 1041/1042 dans un conflit entre

20. Voir note 18.


21. Cf. PG 120, 745Ö. R. Guilland (art. cit., p. 104-105) l'identifie à tort avec Jean
Xiphilin.
22. Cf. V. Laurent, Les sceaux byzantins du Médaillier Vatican, Cité du Vatican 1962,
n°93.
23. Fogg Art Museum, n° 141 : Nicolas, protospathaire impérial, préposé au chryso-
triklinos et aux pétitions.
24. Cf. Attaliate : Bonn, p. 16712 ; Skylitzès Continué : Tsolakès, p. 1521 =
Bonn, II, p. 701 12. On ignore s'il est ce préposé aux suppliques anonyme à qui Psellos
écrit depuis Césarée de Cappadoce en 1069 : Sathas, MB, V, n° 176.
25. Istanbul, Musées, n° 490 : Constantin lasitès, protoproèdre et préposé aux péti
tions.
26. Kurtz-Drexl, SM, II, n° 6 ; Sathas, MB, V, n° 171.
27. Dumbarton Oaks Collection, 55.1, n°3324 : Θεοτόκε βοήθει 'Ιωάννη πρωτοπροέ-
δρφ καΐ επί των δεήσεων τφ Σολομώντι.
28. Durant le reste du siècle sont attestés comme prôtoasèkrètis : — 1. Pierre, en
fonction probablement au cours des premières décennies, puisqu'il était contemporain
d'Eustathe Maléïnos (Peira, xrv a : Zachariae a Lingenthal, JGR, I, p. 3530). Il pourr
aitne faire qu'un avec le spatharocandidat impérial et asèkrètis Pierre attesté par un
sceau (Dumbarton Oaks. Coll. Shaw, n° 436), voire avec l'asèkrètis Pierre Rhômaios
connu aussi par un sceau (Vienne. Musée, n° 479 ; Dumbarton Oaks. Coll. Shaw, n°
1259). — 2. Nicolas, qui était concomitamment juge du thème de Chaldia, en mai 1024.
Cf. G. Ficker, Das Epiphanios-Kloster in Kerasus und der Metropolit Alaniens, BNJ 3,
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 95

les asèkrètis, mais Psellos n'a pas jugé utile de nous donner son nom29.
2. Le prôtovestès Jean Xéros, qui occupa la charge sous Constantin Mono-
maque et peut-être vers la fin du règne30.
3. Michel Psellos, qui résigna cette charge de son plein gré, après l'avoir
apparemment exercée peu de temps sous un empereur qui reste encore à identifier3 * .
D'après le lemme du Baroccianus graecus 131, f. 290 v, un assez bon témoin, c'est
lorsqu'il était vestarque que Psellos renonça à cette charge : Λόγος του αύτου
βεστάρχου του Ψελλού δν έποίησεν δτε άνεβάλλετο την του πρωτοασηκρητις
άξίαν. Si l'on prête foi à cette suscription, on est obligé de conclure que Psellos
a exercé cette fonction au cours d'un intervalle de temps qui n'excède pas cinq
années : c'est en effet durant ce laps de temps qu'il passa de la dignité de vestes
à celle de proèdre. Vestes, il l'a été jusque vers 1052/1053. Il décline cette qualité
à la fin d'une lettre adressée au vestarque et préposé au caniclée Basile32. Comme
le titulaire de ce poste, que celui-ci occupait en janvier 105 5 33, s'appelait en
juin 1052 Jean34, il va de soi que Psellos était encore vestes entre 1052 et 1055,

1922, p. 9470 (l'éditeur a lu asèkrètis dans le Vatic, gr. 1187, f. 281V) ; N. A. Bées, Ή εν
Κερασοΰντι μονή του αγίου Έπιφανίου και ό μητροπολίτης Άλανίας Νικόλαος, Άρχεϊον
Πόντου 16, 1951, p. 26019 (prôtoasèkrètis dans le Scorial. gr. R.I. 15, dont le Vaticanus
n'est qu'une copie). — 3. Basile, après 1035 et avant 1090, auteur de trois poèmes sur
l'œuvre de Syméon le Nouveau Théologien (flO22), qui fut publiée après 1035 par
Nicétas Stéthatos : PG 120, 308 e. Cf. J. Koder-J. Paramelle, Syméon le Nouveau Théolo
gien,Hymnes, I, Paris 1969, p. 35, 64-66. Ce Basile fut aussi bienfaiteur (ktètôr) du mon
astère de l'Evergétis. Cf. J. Pargoire, Constantinople. Le couvent de l'Evergétis, EO 9,
1906, p. 369-370 (l'auteur hésite sur la date à laquelle apparut ce fonctionnaire) ; R.
Janin, Les églises et les monastères [de Constantinople]2, Paris 1969, p. 183-184 (l'auteur
ne se prononce pas). — 4. Le protoproèdre Jean, attesté en février 1082 (M. Goudas,
Βυζαντιακα έγγραφα έν "Αθω Ιεράς μονής του Βατοπεδίου, EEBS 3, 1926, ρ. 126) et
en mars de la même année (Th. Uspenskij, Dëloproizvodstvo po obvinenijou Ioanna
Itala ν eresi, IRAIK 2, 1897, p. 426).
29. Sathas, MB, V, n° 13, p. 25313.
30. La carrière de ce haut fonctionnaire a été reconstituée par V. Laurent, Les sceaux
byzantins du Médaillier Vatican, Cité du Vatican 1962, n° 111. La datation proposée par
l'éditeur me paraît incertaine.
31. Kurtz-Drexl, SM, I, p. 361-371. Il me semble qu'on ne peut traduire le verbe
παρητήσατο qui figure dans la suscription, autrement que par « il démissionna ». C'est
le sens courant de ce verbe, et il est utilisé d'ailleurs avec cette signification par Psellos
à propos précisément de cette renonciation (Sathas, MB, V, p. 49124, 49322 : ήμεϊς...
ot τας πρώτας αρχάς πάλαι παραιτησάμενοι... πάλαι πασαν παρητησάμην αρχήν).
32. Sathas, MB, V, n° 88, p. 33229 ; également dans une lettre à Léon, neveu du métrop
olite de Patras : ibidem, n° 89, p. 3349.
33. Jean Skylitzès : Bonn, II, p. 6108 = Thurn, p. 47884.
34. Cf. P. Lemerle, Actes de Lavra, Paris 1970, p. 19140 (acte 31) : Jean, préposite,
préposé au koitôn et au caniclée. Sur ce fonctionnaire, dont on ignore encore s'il est
identique à l'eunuque et logothète du drome Jean, le favori de Constantin Monomaque,
attesté en janvier 1055, voir Germaine Rouillard, Note prosopographique : le pré
posite Jean επί τοϋ κοιτώνος et έπί του κανικλείου> ΕΟ 32, 1933, ρ. 444-446.
96 P. GAUTIER

ou plus exactement entre 1052 et 1053/1054, car nous constatons qu'il était déjà
vestarque au milieu de 1054. Le sèmeiôma exposant l'affaire de l'excommunicat
ion de Michel Cérulaire par les légats romains nous informe en effet qu'en juillet
de cette année-là le dernier des trois envoyés de l'empereur au patriarche était
Kônstas, vestarque et consul des philosophes*5 . C'est la première attestation. Nous
en avons une autre : dans l'hypomnèma du procès au cours duquel fut enregistrée
la résiliation du contrat de mariage entre son gendre Elpidios Kenchrès et sa fille
adoptive, le mot vestarque — le plaignant est appelé deux fois le moine Michel —
revient exactement trente fois36. Ce document est daté d'août 1056 et a été rédigé
peu de temps avant le décès de l'impératrice Theodora (31 août) qui intervint
en l'affaire.
Psellos fut nommé proèdre par Isaac Comnène. Cette promotion, qui récomp
ensait d'éminents services rendus secrètement à l'usurpateur, fut impromptue.
C'est au moment où le nouvel empereur s'apprêtait à embarquer sur le navire
qui le mènerait à la capitale, le soir du 31 août 1057, qu'il déclara à
Psellos qui l'escortait : « Je te donne maintenant la dignité et le nom de
proèdre du sénat37. » Celui-ci fit à l'occasion étalage de ce titre dans ses le
ttres38. Cette promotion à une dignité dont les titulaires étaient alors en
nombre infime39 ne fut pas appréciée par le drongaire de la Veille Machè-
tarios, et Psellos lui écrit : « Ne sois pas irrité de ma dignité de proèdre
(proédria)40 . »
Si Psellos fut prôtoasèkrètis en tant que vestarque, il l'aurait donc été entre
1053 et 1057, or cette éventualité paraît exclue. Il ne l'était pas en juillet 1054 :
puisque le sèmeiôma susmentionné indique les fonctions des deux autres envoyés
de l'empereur au patriarche, il est bien certain que Psellos n'était alors que consul
des philosophes. Il ne le fut pas non plus dans la seconde moitié de 1054 et dans
les premiers mois de 1055, quand il se résigna à prendre l'habit monastique et le
chemin de l'Olympe de Bithynie. Il est exclu qu'il l'ait été en 1056 : le lemme de
l'hypomnèma d'août 1056 nous apprend que le procès se déroula en présence

35. PG 120, 745ß. Les deux autres envoyés étaient Etienne, moine et économe de la
Grande Eglise, et Jean, magistros et préposé aux suppliques.
36. Cf. Sathas, MB, V, p. 203-212.
37. Cf. Chronographie : Renauld, II, p. 1105 (qui traduit erronément : «président du
sénat »).
38. Cf. Sathas, MB, V, n° 38, p. 2727 = p. 440e (Au vestarque Chasanès, juge de
Macédoine) ; ibidem, n° 155, p. 40618 (A un nouveau baptisé) ; l'empereur mentionné
dans le lemme ne peut être Constantin Monomaque. Voir aussi sa lettre à l'impératrice
Catherine, épouse d'Isaac Comnène : ibidem, n° 112, p. 35730.
39. On en comptait à peine une demi-douzaine à l'époque. Cf. Ch. Diehl, De la signi
fication du titre de « proèdre » à Byzance, Mélanges offerts à M. Gustave Schlumberger,
I, Paris 1924, p. 105-117. Voir aussi N. Oikonomidès, Les listes de préséance byzantines
des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 299.
40. Sathas, MB, V, n° 108, p. 352«, 3533.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 97

d'un prôtoasèkrètis, qui n'était évidemment pas Psellos41. Le fut-il de septembre


1056 à août 1057, sous Michel le Stratiotique, et serait-ce en cette qualité qu'il
fut envoyé auprès de l'usurpateur Isaac Comnène, en compagnie du proèdre
Constantin Lichoudès et du proèdre Théodore Alôpos42 ? Le silence des sources
ne permet pas d'échafauder pareille hypothèse.
La solution la plus simple serait donc de rayer Psellos de la liste des prôtoa
sèkrètis. On se demandera en effet s'il ne s'est pas borné à refuser, à décliner
la charge qu'on lui avait proposée. Le verbe παρητήσατο du Parisinus graecus
1182, et surtout le verbe άνεβάλλετο du Baroccianus graecus 131 sont susceptibles
d'une telle interprétation43. Mais, l'exégèse de cette pièce, importante à beaucoup
d'égards, étant très délicate, réservons l'éclaircissement de cette énigme pour
une étude ultérieure.
4. Le vestarque Grégoire Aristènos, qui fut un ami et un correspondant de
Psellos, a pu exercer cette charge sous Romain Diogène44. Il est attesté sans
mention de charge ni de dignité en 108245 et comme proèdre en 1094/109546.
5. Le magistros Eustrate Choirosphaktès, qui fut tué à Mantzikert le 26 août
107 147. C'est lui, ou bien Grégoire Aristènos, l'un des destinataires anonymes
d'une lettre collective envoyée par Psellos depuis Césarée de Cappadoce en
106948. Eustrate était magistros et protonotaire du drome vers 107049.
6. Aux alentours de 1070, le protospathaire (lecture incertaine) et juge à
l'Hippodrome Basile Kékauménos50.

41. Le lemme est absent dans Sathas, qui a extrait le texte du Parisinus graecus 1182.
On le trouve dans le Laurentianus graecus lvii-40, f. 273 : Το ίσον τοΰ γεγονότος
υπομνήματος παρά τοΰ αύτοϋ μοναχού Μιχαήλ τοΰ Ψελλού, βεστάρχου τηνικαΰτα
βντος, επί τη δίκη αύτοΰ προσώπω δήθεν τοΰ πρωτοασηκρήτις, τοΰ έπί των κρίσεων,
τοΰ νομοφύλακος και τοΰ σκρίβα, επί διαλύσει της μνηστείας τοΰ γαμβροΰ αύτοΰ
Έλπιδίου τοΰ Κεγχρή.
42. Cf. Jean Skylitzès : Bonn, Π, p. 63218 = Thurn, p. 49683. Alôpos est appelé
Léon par Zonaras (Bonn, III, p. 661 4), mais son vrai prénom est bien Théodore (Sathas,
MB, V, n° 50, p. 828).
43. Voir par exemple Sathas, MB, V, p. 2058.
44. Kurtz-Drexl, SM, II, nos 111 (Au prôtoasèkrètis Aristènos), 148 (A Aristènos ;
du contenu de la lettre il ressort qu'il est vestarque et prôtoasèkrètis). Il est exclu qu'il
soit le prôtoasèkrètis anonyme à qui Psellos adresse la lettre 201 de la même collection :
le qualificatif employé, officiel et dépourvu de chaleur, s'oppose à cette identification.
45. Cf. Th. Uspenskij, art. cit., p. 429.
46. Cf. P. Gautier, Le synode des Blachernes (fin 1094). Etude prosopographique,
REB 29, 1971, p. 258.
47. Attaliate : Bonn, p. 16713'14 ; Skylitzès Continué : Bonn, II, p. 70113 (l'édi
teura lu : Eustathe) = Tsolakès, p. 1521.
48. Cf. Sathas, MB, V, n° 176 (Au prôtoasèkrètis, au libellisios et au préposé aux
pétitions).
49. Ibidem, nos 124, 176 (p. 45514).
50. Cf. S. Mercati, Versi di Basilio Cecaumeno in morte di Anastasio Lizix, Studi
Bizantini 1, 1925, p. 161. Vérification faite sur place, le manuscrit utilisé (Atheniensis
BN 1040, f. 290v) porte bien prôtasèkrètis et non pas asèkrètis (Mercati).
98 P. GAUTIER

Comme il était à prévoir, ces listes sont trop clairsemées pour qu'on puisse
intercaler avec certitude Nicolas Cheilas et Epiphane Phuarétos entre l'un ou
l'autre des hauts fonctionnaires ci-dessus mentionnés, et par conséquent identifier
l'empereur qui a délivré le chrysobulle. Mais il reste un dernier indice à examiner :
le complot dans lequel fut compromis Nicolas Cheilas. De la lecture du document
impérial on retire la nette impression que la promotion d'Epiphane Phuarétos
au poste de mystikos a suivi d'assez près l'avènement du souverain en question
et, par voie de conséquence, que la conjuration à laquelle participa Nicolas
Cheilas fut ourdie au début du règne. Parmi les empereurs de la période envisagée
qui furent visés dès leur avènement, c'est à Constantin Doukas que l'on pense
spontanément.
Dans sa Chronographie'*il Michel Psellos décrit un complot ourdi contre cet
empereur par une coterie de gens de toutes conditions, mais le récit est si allusif
que, n'étaient les renseignements des autres historiens byzantins, on conjecturerait
que les comploteurs avaient projeté un siège de la capitale par terre et par mer.
La réalité est toute différente. Selon Attaliate52, qui donne de cette affaire un
récit circonstancié et sensiblement différent de celui, très succinct, de Skylitzès53,
les conspirateurs passèrent à l'action lors d'une visite de Constantin Doukas
au sanctuaire des Manganes le jour de la fête de saint Georges (23 avril). Les
conjurés, qui comptaient même dans leur rang l'éparque de la ville, avaient
projeté de noyer le monarque quand il s'en reviendrait par mer des Manganes
au grand palais. Ils étaient convenus de susciter une émeute populaire dans
l'agora, de libérer les prisonniers et de faire en sorte qu'il n'y eut, au moment
où la nouvelle de l'émeute parviendrait au souverain, aucun navire au mouillage
des Manganes. Au premier bruit de cette révolte, Constantin Doukas, qui était
accompagné de sa femme et de ses enfants, se disposa à rejoindre le grand palais
au plus vite, et, pour ce faire, descendit au rivage, mais la trirème impériale
n'étant pas embossée auprès du monastère, il dut se contenter d'une chaloupe
de fortune. A cet instant apparut un navire dont les marins, à la solde des conjurés,
voulurent prendre l'empereur à bord, mais il déclina leur invite et échappa ainsi
à la noyade. Selon une autre version de l'affaire, la trirème apparut et fonça
droit sur la chaloupe en vue de l'envoyer par le fond, mais une manœuvre hardie
du pilote la sauva de la collision, et le monarque en fut quitte pour la peur. L'en
quête révéla que des fonctionnaires civils et militaires de haut rang avaient trempé
dans ce coup d'Etat. Mais le souverain fit preuve de clémence : il se contenta
d'exiler les coupables et de confisquer leur fortune. D. Polemis, qui a donné

51. Renauld, II, p. 148-149.


52. Attaliate : Bonn, p. 71-75.
53. Skylitzès Continué : Bonn, II, p. 651-652 = Tsolakès, p. 111. Jean Zonaras
(Bonn, III, p. 674-675) s'inspire de son propre aveu (p. 6733) du Thrakèsios, c'est-à-dire
de Jean Skylitzès.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 99

un résumé de ce complot54, est d'avis qu'il eut lieu en l'année 1061 55 ; il appuie
cette datation sur une expression d'Attaliate56 qui lui paraît désigner le dimanche
de Thomas ou dimanche après Pâques, qui en 1061 tombait le 22 avril, donc la
veille de la Saint-Georges, mais cette interprétation nous paraît contestable :
l'expression pourrait bien être très banale et donc moins précise, si bien que l'année
1060, c'est-à-dire la première année du règne de Constantin Doukas, où Pâques
tombait le 26 mars, semble tout aussi plausible.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur la prédiction d'Epiphane concernant l'acces
sion au trône du souverain qui lui octroie le document. La plupart des empereurs
byzantins qui ne furent pas promus en vertu d'un droit dynastique ont fait l'objet
avant leur élévation des prédictions les plus flatteuses, et Constantin Doukas
n'a pas fait exception. Psellos57 écrit — à une époque, il est vrai, où c'est le fils
aîné de ce dernier qui régnait — qu'il ne manqua pas de gens pour lui promettre
le gouvernement de l'empire, alors qu'il affectionnait dans ses atours une extrême
simplicité et dans son comportement l'attitude d'un simple particulier.
Les résultats auxquels aboutit cette enquête sont décevants : aucun des éléments
examinés ne permet d'identifier à coup sûr l'empereur qui a délivré le chrysobulle
de confirmation. On peut cependant maintenant procéder par élimination. Ce
souverain ne saurait être Theodora (1055-1056), ni Eudocie (1067), ni non plus
Michel Doukas (1071-1078) qui était destiné à régner à la mort de son père.
On exclura aussi Michel le Stratiotique (1056-1057) et Isaac Comnène (1057-
1059), qui, à notre connaissance, n'ont pas fait l'objet d'un complot répondant
à celui qui est mentionné dans le chrysobulle. Romain Diogène (1068-1071)
sera aussi écarté, puisque nous connaissons deux prôtoasèkrètis durant ses deux
ans et demi de règne ; il n'y a donc pas place apparemment pour Epiphane
Philarétos à cette époque. Constantin Monomaque (1042-1055) ne sera pas non
plus retenu : Nicolas Cheilas et Epiphane Philarétos étant d'anciens élèves de
Psellos, il est peu probable qu'ils aient accédé aux hautes charges de préposé
aux suppliques et de prôtoasèkrètis sous ce monarque. On conclura donc, mais
sous toutes réserves, que l'empereur au nom duquel Psellos a rédigé ce chrysobulle
a chance d'être Constantin Doukas. Dans cette hypothèse, Nicolas Cheilas et
Epiphane Philarétos ont été respectivement préposé aux pétitions et prôtoasèk
rètis au début de son règne, vers 1060/1061 ; c'est, en conséquence, à cette date
qu'il conviendrait d'assigner le document impérial que nous rééditons. A quel
titre Psellos a-t-il été chargé de le rédiger ? Nous ne disposons présentement
d'aucun élément pour répondre à cette question. Ce que nous savons, c'est qu'il
fut particulièrement bien en cour durant le règne de cet empereur, qui le choisira
comme précepteur de ses fils Michel et Andronic.

54. The Doukai, Londres 1968, p. 31.


55. Notes on Eleventh-Century Chronology. 2. — The Conspiracy against Doukas
(23 April, 1061), BZ 58, 1965, p. 61-62.
56. Bonn, p. 7121 : Μετά δέ τήν του θείου πάσχα σωτήριον έπιφοίτησιν.
57. Chronographie : Renauld, II, p. 135.

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