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Résumé
REB 34 1976Francep. 79-99
P. Gautier, Un chrysobulle de confirmation rédigé par Michel Psellos. — Edition critique d'un chrysobulle conservé dans le
Parisinus gr. 1182 et le Vaticanus gr. 672. Un empereur anonyme accorde à un de ses favoris deux domaines voisins de la
capitale, dont l'un vient d'avoir été confisqué à un autre serviteur du trône impliqué dans une conspiration. Ce haut fonctionnaire
qui bénéficie de la faveur impériale a pu être identifié : c'est le magistros, prôtoasèkrètis et mystikos Epiphane Philarétos. On a
pu également établir l'identité de l'autre personne : il s'agit du patrice et préposé aux suppliques Nicolas Cheilas. De l'enquête
prosopographique et historique il ressort que ce chrysobulle a dû être octroyé par Constantin X Doukas vers 1060/1061.
Gautier Paul. Un chrysobulle de confirmation rédigé par Michel Psellos. In: Revue des études byzantines, tome 34, 1976. pp.
79-99.
doi : 10.3406/rebyz.1976.2043
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1976_num_34_1_2043
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION RÉDIGÉ
PAR MICHEL PSELLOS
Paul GAUTIER
CHRYSOBULLE1
Χρυσόβουλλον
par son sceptre, comme on dit3, qui par la chaîne d'or de ses paroles tient suspendu
comme du haut du ciel4 tout être et toute force, quelqu'un tremble et adore, il
ne fait donc pas non plus une chose inouïe et étrangère au comportement du
commun.
Ce qui, en revanche, est étonnant, c'est que quelqu'un, estimant digne de la
situation suprême et impériale celui qui se trouve dans un état inférieur, parce
qu'il voit son désir réalisé et l'avenir comme étant déjà présent, met au rang des
basileis celui qui alors avait place parmi le commun, qu'il lui témoigne vénération
et déférence et accomplit tous les gestes qui caractérisent l'attitude d'un sujet.
Or, tel s'est montré et manifesté envers notre Pouvoir le magistros et prôtoa-
sèkrètis Epiphane5 : ayant vu sans doute en nous quelque vague lueur6, il a
conjecturé que c'était une lumière d'origine solaire ; il a honoré notre éclat ter
restre comme si c'était un flambeau supraterrestre ; il a admiré ce qui n'était
chez nous que coucher du soir comme un lever de soleil à l'aurore, et il a discerné
la volonté indicible de Dieu à notre endroit par de mystérieux enfantements du
cœur7.
Narraùo „ C'est
la intégré
. , \pourquoi
dans
, , corps
le notre des
Pouvoir
, serviteurs
l'a pris
du
, en
trône,
Λconsidération,
„ promu
la
à un grand honneur et lui a confié la charge de mystikos du Pouvoir8. Mais notre
Pouvoir veut maintenant accroître aussi sa fortune, pour qu'il dispose d'une
aisance matérielle conforme à l'éminence de son rang illustre. Ma majesté l'établit
donc propriétaire de deux proasteia (domaines), et le terme est exact : leur ap
pellation est conforme à l'étymologie, puisqu'ils sont situés à proximité de la
Ville. L'un en effet se trouve près du village qu'on appelle Phlôrion9, l'autre
3. Cette expression d'origine homérique (cf. Iliade, π, 206) semble empruntée textuell
ement à Philostrate {Vita Apollonii, 1, 18). Psellos l'emploie encore dans une lettre
(Sathas, MB, V, n° 182, p. 46321) adressée à Jean d'Euchaïta selon le Parisinus graecus
1182, f. 233V, mais à Nicolas Sklèros selon le Barberinianus graecus 240, f. 136 (fausse
inscription).
4. Encore une expression empruntée à Homère (Iliade, vin, 19) qui revient souvent
chez Psellos.
5. Sur ce haut fonctionnaire, voir plus bas. Le texte ne permet pas de décider si
Epiphane était prôtoasèkrètis avant l'avènement de l'empereur, mais ceci paraît probable.
6. Emprunt possible à un auteur bien connu de Psellos, Olympiodore (In Aristotelis
meteora commentaria, 18, 12 : Stiive, p. 148). Elle figure aussi chez Jean Chrysostome
(Homilia 41 in Johannem : PG 59, 23531).
7. Emprunt possible à Platon (Lettre 2, 313a). Ici s'achève le prooimion en trois
sections correspondant au type décrit par H. Hunger, Prooimion, p. 189-190.
8. On notera que la charge de mystikos, qui dans les taktika du Xe siècle est de quelques
degrés inférieure à celle de prôtoasèkrètis (cf. N. Oikonomidès, Les listes de préséance
byzantines des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 24927·31 : taktikon Bénésévic ; p. 271 la·15 :
taktikon de l'Escorial) est présentée ici comme une promotion par rapport à celle-ci.
On se gardera d'en déduire qu'elle lui était devenue supérieure. La promotion d 'Epiphane
paraît consister à cumuler deux charges : le chef de la chancellerie devient aussi le conseiller
privé et le confident de l'empereur. La disparition de ce cumul après le ixc s. (ibidem,
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10 καΐ άπο σκήπτρου, β φασι, θεμιστεύοντα και τή χρυσή των λόγων σειρ^
ώσπερ εξ ουράνιας άκρότητος πασαν άπαιωρουντα φύσιν καΐ δύναμιν,
είτα ύποπτήσσει και σέβεται, καινόν τι ποιεί και ασύνηθες ταΐς τών
πολλών διαθέσεσι.
Τουναντίον μέν οδν εκείνο θαύματος άξιον, ζί τις τον έπ' έλάττονος
15 σχήματος του μείζονος και βασιλικού αξιών, ώς αυτό τοΰτο ορών δ βούλεται
καΐ το μέλλον ώς ένεστώς, ϊσα τοις βασιλεΰσιν άγει τδν τέως μετά τών
άλλων ταττόμενον καΐ διευλαβεΐται και ύποστέλλεται και τάλλα ποιεί οίς
υπηκόου σχήμα χαρακτηρίζεται.
Τοιούτος περί το κράτος ημών ό μάγιστρος Έπιφάνιος και πρωτοαση-
20 κρήτις ώπται και δεδοκίμασται, καΐ λυχνιαΐόν τι φώς ίσως εν ήμΐν ίδών,
ήλιακήν τοΰτο φρυκτωρίαν είναι έτόπασε και την ύπόγειον ημών α'ίγλην
ώσπερ ύπέργειον δαδουχίαν έτίμησε και την έσπέριον ημών δύσιν ώς
άνατολήν έφαν έθαύμασε και τδ απόρρητον περί ημάς βούλημα του Θεοΰ
ώδΐσιν άρρήτοις της ψυχής έγνωμάτευσε.
25 Δια ταΰτα προσπέφυκε τούτω το κράτος ημών και του κύκλου
τών περί το βήμα ήξίωσε και εις οψος ήρε τιμής και τήν μυστικήν του
κράτους ύπηρεσίαν έπίστευσε* νυν δέ και εύπορώτερον άπεργάσασθαι
βούλεται, ίν' εχη κατάλληλον τφ ύπερέχοντι της λαμπρότητος τήν εκ του
βίου δαψίλειαν. Ποιείται τοίνυν τούτον ή βασιλεία μου δεσπότην δύο
30 προαστείων ώς αληθώς* έτυμολογικώτερον γαρ τήν κλήσιν είλήφασιν,
αύτου που πρό του άστεος κείμενα* τό μέν γαρ προς τω χωρίω ο Φλώριον
ρ. 324) et la séparation des deux charges dans les documents des xie-xue siècles accusent
le côté exceptionnel de la position d'Epiphane.
9. Ce chôrion est mentionné par Jean Comnène dans son typikon du Pantocrator
(cf. P. Gautier, Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator, REB32, 1974, p. 123, 1. 1562).
A. SamotrakèS (Λεξικον γεωγραφικον και ιστορικόν της Θράκης, Άρχεϊον τοΰ θρακικού
λαογραφικού καΐ γλωσσικού θησαυρού 28, 1963, ρ. 543), s'appuyant sur des rense
ignements fournis par M. Gédéon (Παλαιάς εύωρίας θρακώα κέντρα, Θρακικά 6, 1936,
ρ. 18-19), le situe entre Constantinople et Région (Kuçuk-Çekmece). Ce petit village
se trouve de fait presque à mi-chemin entre Région et Hagios Stephanos (San Stefano),
près de la voie ferrée. Il est relevé sur la carte militaire allemande (1/200 000) de 1915 :
Floria çiftlik, à 2,5 km à l'est de Région. On glanera des données intéressantes sur son
état au xixe siècle dans A. Paspatès, Τα θρακικά προάστεια του Βυζαντίου, 'Ελληνικός
Φιλολογικός Σύλλογος 12, 1875, ρ. 40.
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10. Galataria figure sur la carte (1/400 000) de Kiepert-Melching (1913), également
à mi-chemin entre Région et Hagios Stephanos, au nord-est de Phlôrion et à environ
un kilomètre de la mer. Voir aussi R. Janin, Constantinople byzantine2, Paris 1964,
carte n° vin. C'est dans ce chrysobulle qu'on trouve, à notre connaissance, la mention
la plus ancienne de ce chôrion, en dépit de l'affirmation répétée de M. Gédéon {art. cit.,
p. 18 ; Βυζαντινόν κοιμητήριον, 'Εκκλησιαστική 'Αλήθεια 22, 1902, p. 250), qui prétend
avoir lu dans des manuscrits contenant des synaxaires, sous la date du 28 novembre
et à propos des soldats martyrisés ce jour-là en Thrace par Constantin Copronyme :
'Ιωάννης άπό του Γαλαταρίων, au lieu de άπό των λεγαταρίων. Cette affirmation est
infirmée par les manuscrits utilisés par Nicodème l'Hagiorite, Doukakès et H. Delehaye,
notamment par le Vaticanus graecus 1613 (Synaxaire de Basile II), f. 211. La fonction
de légatarios et d'apo-légatarios est une fonction militaire bien connue. Cf. N. Oikono-
midès, op. cit., p. 382, s.v. ; A. Paspatès (art. cit., p. 40), qui ne connaissait pas notre
texte, situait Galataria à proximité du village de Phlôrion.
11. Nicolas Cheilas ; voir plus loin.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 85
12. Cette mention du Bykînon — autre graphie de Boukinon — est à ajouter à celles
relevées par R. Janin, op. cit., p. 326-327. Elle a l'avantage d'être plus précise que les
autres et de ruiner l'hypothèse avancée par cet historien. Le Bykinon n'était pas « une
tour de garde à l'entrée du port Sophien », mais un quartier, qu'il faut sans doute chercher
entre l'hippodrome, appelé ici le grand théâtre, et le port Sophien.
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façon Nicolas devint donc propriétaire du domaine, ayant fermé la bouche à ses
belles-filles par un lien solide, autrement dit par un bâillon d'or. Mais tout lui fut
brusquement enlevé, car il fut plus tard convaincu de démence et de stupidité,
surpris à comploter contre notre Pouvoir et clairement condamné pour motifs
de rébellion. Pour cette raison toute sa fortune lui fut confisquée et tomba dans
le domaine impérial.
„..
Dispositio
.. cesPuisque
, .
biens, ma
parce
majesté
qu ,.,ilspeut
appartiennent
faire. don à au
qui pouvoir,
elle veut
. eh
de
bien, puisqu'elle a octroyé au magistros et prôtoasèkrètis Epiphane la propriété
de cet homme sise près de Phlôrion, elle en confirme la donation par le présent
chrysobulle comme par un lien infrangible. En effet, si les biens qui appartiennent
à la magnificence du pouvoir sont solidement garantis, ceux aussi à qui elle trans
fèreune partie de ces biens sont assurés de la même sécurité, et si un empereur
qui confisque et enlève des biens ordonne la saisie et la confiscation après l'examen
des motifs, la donation est garantie dans les deux cas à ceux qui l'ont reçue de sa
main13. De fait, le bien des filles de l'épouse de Nicolas provenait d'un héritage
paternel ou peut-être maternel, mais, puisqu'une contrepartie plus brillante et
plus importante leur fut accordée par le parâtre, il entra dans la fortune de celui
qui avait fait l'échange14, mais quand sa fortune lui fut enlevée pour le compte
du fisc, cette partie aussi lui fut ôtée, et les deux propriétés susdites sont tombées
dans le domaine impérial. Mais qu'importe cela au prôtoasèkrètis ? On ne doit
pas en effet s'enquérir de l'origine d'un bien de l'empereur, mais, quand on est
bénéficiaire, adorer. Bien que ce soit une prérogative réservée aux empereurs que
d'avoir l'agrément de tous pour tous leurs actes, néanmoins nous leur accordons
en contrepartie cette disposition conforme à la loi et nous mettons au premier plan
ce qu'il y a obligation de faire.
13. Ce principe de droit sera inclus par Psellos dans sa Synopsis legum (Zépos, JGR,
VII, p. 38344-45 ) : Si quelqu'un reçoit quelque chose du fisc par don de l'empereur ou
par échange avec lui, il en devient propriétaire incontinent.
14. Autrement dit, l'empereur s'est abstenu de toucher au contenu de la dot, et cela
parce qu'il s'est conformé à la loi qui prescrit que la dot n'est pas confisquée, quand
la fortune de l'époux est frappée de confiscation. Cf. Synopsis basilicorum, D vil 2 et 7 :
Zépos, JGR, III, p. 183, 184 ; Psellos, Synopsis legum : ibidem, VII, p. 40427.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 87
et décrétées par un empereur. Même l'éloquence des rhéteurs, qui arrive à tout
par l'art de la persuasion, qui brouille certaines lois, en détourne d'autres de
leur sens, ne pourra jamais dominer la puissance impériale, pas plus qu'elle ne
peut dominer un torrent impétueux, un feu tourbillonnant, un fleuve débordant.
Ainsi donc, les larmes qui provoquent l'émoi, les cris, les lamentations et tout ce
qui peut attendrir un juge, mais aussi une éloquence séduisante, une voix ensor
celante et toute autre manœuvre sont-elles récusées et écartées.
Cet homme aura donc la propriété des biens qui lui ont été donnés, tout le
monde gardant le silence sa vie durant comme dans un mystère. En effet, notre
chrysobulle, tel un chant ou un hymne qu'on récite devant les initiés, les somme
de se taire. Qui plus est, prenant les devants, nous prescrivons que personne
absolument, ni un législateur, ni un juge, ni la partie frappée par la confiscation,
ni celle qui, avant la confiscation, avait obtenu d'autres biens en échange de la
propriété, ni qui que ce soit, ne causent gêne et tracas au prôtoasèkrètis au sujet
de ce qu'il a reçu en donation de la part de ma majesté. Il lui sera loisible de gérer
ses biens à son gré, de les aliéner, d'en faire don de n'importe quelle façon, de
les léguer, de les échanger, de les vendre et de faire toute opération que la loi
et la coutume autorisent aux propriétaires à titre définitif. De même que celui-ci,
pour avoir reçu de notre Pouvoir une donation de propriétés, participe à notre
droit, de même celui qui reçoit de lui ces biens bénéficiera de la même assurance,
et cette même garantie, qui découle de notre faveur qui est aussi la première comme
d'une source, s'étendra à tous les héritiers, entourée et enserrée comme par une
corde bien tressée et infrangible.
les asèkrètis, mais Psellos n'a pas jugé utile de nous donner son nom29.
2. Le prôtovestès Jean Xéros, qui occupa la charge sous Constantin Mono-
maque et peut-être vers la fin du règne30.
3. Michel Psellos, qui résigna cette charge de son plein gré, après l'avoir
apparemment exercée peu de temps sous un empereur qui reste encore à identifier3 * .
D'après le lemme du Baroccianus graecus 131, f. 290 v, un assez bon témoin, c'est
lorsqu'il était vestarque que Psellos renonça à cette charge : Λόγος του αύτου
βεστάρχου του Ψελλού δν έποίησεν δτε άνεβάλλετο την του πρωτοασηκρητις
άξίαν. Si l'on prête foi à cette suscription, on est obligé de conclure que Psellos
a exercé cette fonction au cours d'un intervalle de temps qui n'excède pas cinq
années : c'est en effet durant ce laps de temps qu'il passa de la dignité de vestes
à celle de proèdre. Vestes, il l'a été jusque vers 1052/1053. Il décline cette qualité
à la fin d'une lettre adressée au vestarque et préposé au caniclée Basile32. Comme
le titulaire de ce poste, que celui-ci occupait en janvier 105 5 33, s'appelait en
juin 1052 Jean34, il va de soi que Psellos était encore vestes entre 1052 et 1055,
1922, p. 9470 (l'éditeur a lu asèkrètis dans le Vatic, gr. 1187, f. 281V) ; N. A. Bées, Ή εν
Κερασοΰντι μονή του αγίου Έπιφανίου και ό μητροπολίτης Άλανίας Νικόλαος, Άρχεϊον
Πόντου 16, 1951, p. 26019 (prôtoasèkrètis dans le Scorial. gr. R.I. 15, dont le Vaticanus
n'est qu'une copie). — 3. Basile, après 1035 et avant 1090, auteur de trois poèmes sur
l'œuvre de Syméon le Nouveau Théologien (flO22), qui fut publiée après 1035 par
Nicétas Stéthatos : PG 120, 308 e. Cf. J. Koder-J. Paramelle, Syméon le Nouveau Théolo
gien,Hymnes, I, Paris 1969, p. 35, 64-66. Ce Basile fut aussi bienfaiteur (ktètôr) du mon
astère de l'Evergétis. Cf. J. Pargoire, Constantinople. Le couvent de l'Evergétis, EO 9,
1906, p. 369-370 (l'auteur hésite sur la date à laquelle apparut ce fonctionnaire) ; R.
Janin, Les églises et les monastères [de Constantinople]2, Paris 1969, p. 183-184 (l'auteur
ne se prononce pas). — 4. Le protoproèdre Jean, attesté en février 1082 (M. Goudas,
Βυζαντιακα έγγραφα έν "Αθω Ιεράς μονής του Βατοπεδίου, EEBS 3, 1926, ρ. 126) et
en mars de la même année (Th. Uspenskij, Dëloproizvodstvo po obvinenijou Ioanna
Itala ν eresi, IRAIK 2, 1897, p. 426).
29. Sathas, MB, V, n° 13, p. 25313.
30. La carrière de ce haut fonctionnaire a été reconstituée par V. Laurent, Les sceaux
byzantins du Médaillier Vatican, Cité du Vatican 1962, n° 111. La datation proposée par
l'éditeur me paraît incertaine.
31. Kurtz-Drexl, SM, I, p. 361-371. Il me semble qu'on ne peut traduire le verbe
παρητήσατο qui figure dans la suscription, autrement que par « il démissionna ». C'est
le sens courant de ce verbe, et il est utilisé d'ailleurs avec cette signification par Psellos
à propos précisément de cette renonciation (Sathas, MB, V, p. 49124, 49322 : ήμεϊς...
ot τας πρώτας αρχάς πάλαι παραιτησάμενοι... πάλαι πασαν παρητησάμην αρχήν).
32. Sathas, MB, V, n° 88, p. 33229 ; également dans une lettre à Léon, neveu du métrop
olite de Patras : ibidem, n° 89, p. 3349.
33. Jean Skylitzès : Bonn, II, p. 6108 = Thurn, p. 47884.
34. Cf. P. Lemerle, Actes de Lavra, Paris 1970, p. 19140 (acte 31) : Jean, préposite,
préposé au koitôn et au caniclée. Sur ce fonctionnaire, dont on ignore encore s'il est
identique à l'eunuque et logothète du drome Jean, le favori de Constantin Monomaque,
attesté en janvier 1055, voir Germaine Rouillard, Note prosopographique : le pré
posite Jean επί τοϋ κοιτώνος et έπί του κανικλείου> ΕΟ 32, 1933, ρ. 444-446.
96 P. GAUTIER
ou plus exactement entre 1052 et 1053/1054, car nous constatons qu'il était déjà
vestarque au milieu de 1054. Le sèmeiôma exposant l'affaire de l'excommunicat
ion de Michel Cérulaire par les légats romains nous informe en effet qu'en juillet
de cette année-là le dernier des trois envoyés de l'empereur au patriarche était
Kônstas, vestarque et consul des philosophes*5 . C'est la première attestation. Nous
en avons une autre : dans l'hypomnèma du procès au cours duquel fut enregistrée
la résiliation du contrat de mariage entre son gendre Elpidios Kenchrès et sa fille
adoptive, le mot vestarque — le plaignant est appelé deux fois le moine Michel —
revient exactement trente fois36. Ce document est daté d'août 1056 et a été rédigé
peu de temps avant le décès de l'impératrice Theodora (31 août) qui intervint
en l'affaire.
Psellos fut nommé proèdre par Isaac Comnène. Cette promotion, qui récomp
ensait d'éminents services rendus secrètement à l'usurpateur, fut impromptue.
C'est au moment où le nouvel empereur s'apprêtait à embarquer sur le navire
qui le mènerait à la capitale, le soir du 31 août 1057, qu'il déclara à
Psellos qui l'escortait : « Je te donne maintenant la dignité et le nom de
proèdre du sénat37. » Celui-ci fit à l'occasion étalage de ce titre dans ses le
ttres38. Cette promotion à une dignité dont les titulaires étaient alors en
nombre infime39 ne fut pas appréciée par le drongaire de la Veille Machè-
tarios, et Psellos lui écrit : « Ne sois pas irrité de ma dignité de proèdre
(proédria)40 . »
Si Psellos fut prôtoasèkrètis en tant que vestarque, il l'aurait donc été entre
1053 et 1057, or cette éventualité paraît exclue. Il ne l'était pas en juillet 1054 :
puisque le sèmeiôma susmentionné indique les fonctions des deux autres envoyés
de l'empereur au patriarche, il est bien certain que Psellos n'était alors que consul
des philosophes. Il ne le fut pas non plus dans la seconde moitié de 1054 et dans
les premiers mois de 1055, quand il se résigna à prendre l'habit monastique et le
chemin de l'Olympe de Bithynie. Il est exclu qu'il l'ait été en 1056 : le lemme de
l'hypomnèma d'août 1056 nous apprend que le procès se déroula en présence
35. PG 120, 745ß. Les deux autres envoyés étaient Etienne, moine et économe de la
Grande Eglise, et Jean, magistros et préposé aux suppliques.
36. Cf. Sathas, MB, V, p. 203-212.
37. Cf. Chronographie : Renauld, II, p. 1105 (qui traduit erronément : «président du
sénat »).
38. Cf. Sathas, MB, V, n° 38, p. 2727 = p. 440e (Au vestarque Chasanès, juge de
Macédoine) ; ibidem, n° 155, p. 40618 (A un nouveau baptisé) ; l'empereur mentionné
dans le lemme ne peut être Constantin Monomaque. Voir aussi sa lettre à l'impératrice
Catherine, épouse d'Isaac Comnène : ibidem, n° 112, p. 35730.
39. On en comptait à peine une demi-douzaine à l'époque. Cf. Ch. Diehl, De la signi
fication du titre de « proèdre » à Byzance, Mélanges offerts à M. Gustave Schlumberger,
I, Paris 1924, p. 105-117. Voir aussi N. Oikonomidès, Les listes de préséance byzantines
des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 299.
40. Sathas, MB, V, n° 108, p. 352«, 3533.
UN CHRYSOBULLE DE CONFIRMATION 97
41. Le lemme est absent dans Sathas, qui a extrait le texte du Parisinus graecus 1182.
On le trouve dans le Laurentianus graecus lvii-40, f. 273 : Το ίσον τοΰ γεγονότος
υπομνήματος παρά τοΰ αύτοϋ μοναχού Μιχαήλ τοΰ Ψελλού, βεστάρχου τηνικαΰτα
βντος, επί τη δίκη αύτοΰ προσώπω δήθεν τοΰ πρωτοασηκρήτις, τοΰ έπί των κρίσεων,
τοΰ νομοφύλακος και τοΰ σκρίβα, επί διαλύσει της μνηστείας τοΰ γαμβροΰ αύτοΰ
Έλπιδίου τοΰ Κεγχρή.
42. Cf. Jean Skylitzès : Bonn, Π, p. 63218 = Thurn, p. 49683. Alôpos est appelé
Léon par Zonaras (Bonn, III, p. 661 4), mais son vrai prénom est bien Théodore (Sathas,
MB, V, n° 50, p. 828).
43. Voir par exemple Sathas, MB, V, p. 2058.
44. Kurtz-Drexl, SM, II, nos 111 (Au prôtoasèkrètis Aristènos), 148 (A Aristènos ;
du contenu de la lettre il ressort qu'il est vestarque et prôtoasèkrètis). Il est exclu qu'il
soit le prôtoasèkrètis anonyme à qui Psellos adresse la lettre 201 de la même collection :
le qualificatif employé, officiel et dépourvu de chaleur, s'oppose à cette identification.
45. Cf. Th. Uspenskij, art. cit., p. 429.
46. Cf. P. Gautier, Le synode des Blachernes (fin 1094). Etude prosopographique,
REB 29, 1971, p. 258.
47. Attaliate : Bonn, p. 16713'14 ; Skylitzès Continué : Bonn, II, p. 70113 (l'édi
teura lu : Eustathe) = Tsolakès, p. 1521.
48. Cf. Sathas, MB, V, n° 176 (Au prôtoasèkrètis, au libellisios et au préposé aux
pétitions).
49. Ibidem, nos 124, 176 (p. 45514).
50. Cf. S. Mercati, Versi di Basilio Cecaumeno in morte di Anastasio Lizix, Studi
Bizantini 1, 1925, p. 161. Vérification faite sur place, le manuscrit utilisé (Atheniensis
BN 1040, f. 290v) porte bien prôtasèkrètis et non pas asèkrètis (Mercati).
98 P. GAUTIER
Comme il était à prévoir, ces listes sont trop clairsemées pour qu'on puisse
intercaler avec certitude Nicolas Cheilas et Epiphane Phuarétos entre l'un ou
l'autre des hauts fonctionnaires ci-dessus mentionnés, et par conséquent identifier
l'empereur qui a délivré le chrysobulle. Mais il reste un dernier indice à examiner :
le complot dans lequel fut compromis Nicolas Cheilas. De la lecture du document
impérial on retire la nette impression que la promotion d'Epiphane Phuarétos
au poste de mystikos a suivi d'assez près l'avènement du souverain en question
et, par voie de conséquence, que la conjuration à laquelle participa Nicolas
Cheilas fut ourdie au début du règne. Parmi les empereurs de la période envisagée
qui furent visés dès leur avènement, c'est à Constantin Doukas que l'on pense
spontanément.
Dans sa Chronographie'*il Michel Psellos décrit un complot ourdi contre cet
empereur par une coterie de gens de toutes conditions, mais le récit est si allusif
que, n'étaient les renseignements des autres historiens byzantins, on conjecturerait
que les comploteurs avaient projeté un siège de la capitale par terre et par mer.
La réalité est toute différente. Selon Attaliate52, qui donne de cette affaire un
récit circonstancié et sensiblement différent de celui, très succinct, de Skylitzès53,
les conspirateurs passèrent à l'action lors d'une visite de Constantin Doukas
au sanctuaire des Manganes le jour de la fête de saint Georges (23 avril). Les
conjurés, qui comptaient même dans leur rang l'éparque de la ville, avaient
projeté de noyer le monarque quand il s'en reviendrait par mer des Manganes
au grand palais. Ils étaient convenus de susciter une émeute populaire dans
l'agora, de libérer les prisonniers et de faire en sorte qu'il n'y eut, au moment
où la nouvelle de l'émeute parviendrait au souverain, aucun navire au mouillage
des Manganes. Au premier bruit de cette révolte, Constantin Doukas, qui était
accompagné de sa femme et de ses enfants, se disposa à rejoindre le grand palais
au plus vite, et, pour ce faire, descendit au rivage, mais la trirème impériale
n'étant pas embossée auprès du monastère, il dut se contenter d'une chaloupe
de fortune. A cet instant apparut un navire dont les marins, à la solde des conjurés,
voulurent prendre l'empereur à bord, mais il déclina leur invite et échappa ainsi
à la noyade. Selon une autre version de l'affaire, la trirème apparut et fonça
droit sur la chaloupe en vue de l'envoyer par le fond, mais une manœuvre hardie
du pilote la sauva de la collision, et le monarque en fut quitte pour la peur. L'en
quête révéla que des fonctionnaires civils et militaires de haut rang avaient trempé
dans ce coup d'Etat. Mais le souverain fit preuve de clémence : il se contenta
d'exiler les coupables et de confisquer leur fortune. D. Polemis, qui a donné
un résumé de ce complot54, est d'avis qu'il eut lieu en l'année 1061 55 ; il appuie
cette datation sur une expression d'Attaliate56 qui lui paraît désigner le dimanche
de Thomas ou dimanche après Pâques, qui en 1061 tombait le 22 avril, donc la
veille de la Saint-Georges, mais cette interprétation nous paraît contestable :
l'expression pourrait bien être très banale et donc moins précise, si bien que l'année
1060, c'est-à-dire la première année du règne de Constantin Doukas, où Pâques
tombait le 26 mars, semble tout aussi plausible.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur la prédiction d'Epiphane concernant l'acces
sion au trône du souverain qui lui octroie le document. La plupart des empereurs
byzantins qui ne furent pas promus en vertu d'un droit dynastique ont fait l'objet
avant leur élévation des prédictions les plus flatteuses, et Constantin Doukas
n'a pas fait exception. Psellos57 écrit — à une époque, il est vrai, où c'est le fils
aîné de ce dernier qui régnait — qu'il ne manqua pas de gens pour lui promettre
le gouvernement de l'empire, alors qu'il affectionnait dans ses atours une extrême
simplicité et dans son comportement l'attitude d'un simple particulier.
Les résultats auxquels aboutit cette enquête sont décevants : aucun des éléments
examinés ne permet d'identifier à coup sûr l'empereur qui a délivré le chrysobulle
de confirmation. On peut cependant maintenant procéder par élimination. Ce
souverain ne saurait être Theodora (1055-1056), ni Eudocie (1067), ni non plus
Michel Doukas (1071-1078) qui était destiné à régner à la mort de son père.
On exclura aussi Michel le Stratiotique (1056-1057) et Isaac Comnène (1057-
1059), qui, à notre connaissance, n'ont pas fait l'objet d'un complot répondant
à celui qui est mentionné dans le chrysobulle. Romain Diogène (1068-1071)
sera aussi écarté, puisque nous connaissons deux prôtoasèkrètis durant ses deux
ans et demi de règne ; il n'y a donc pas place apparemment pour Epiphane
Philarétos à cette époque. Constantin Monomaque (1042-1055) ne sera pas non
plus retenu : Nicolas Cheilas et Epiphane Philarétos étant d'anciens élèves de
Psellos, il est peu probable qu'ils aient accédé aux hautes charges de préposé
aux suppliques et de prôtoasèkrètis sous ce monarque. On conclura donc, mais
sous toutes réserves, que l'empereur au nom duquel Psellos a rédigé ce chrysobulle
a chance d'être Constantin Doukas. Dans cette hypothèse, Nicolas Cheilas et
Epiphane Philarétos ont été respectivement préposé aux pétitions et prôtoasèk
rètis au début de son règne, vers 1060/1061 ; c'est, en conséquence, à cette date
qu'il conviendrait d'assigner le document impérial que nous rééditons. A quel
titre Psellos a-t-il été chargé de le rédiger ? Nous ne disposons présentement
d'aucun élément pour répondre à cette question. Ce que nous savons, c'est qu'il
fut particulièrement bien en cour durant le règne de cet empereur, qui le choisira
comme précepteur de ses fils Michel et Andronic.