You are on page 1of 84

Albert Failler

Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges


Pachymérès (livres VII-XIII)
In: Revue des études byzantines, tome 48, 1990. pp. 5-87.

Résumé
REB 48 1990 France p. 5-87
A. Failler, Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges Pachymérès (livres VII-VIIΙ). — La seconde partie de l'Histoire,
qui couvre les années 1282-1307, présente moins de problèmes de chronologie que la première, et le récit se déroule de
manière plus linéaire. Certaines questions exigent cependant d'être traitées plus longuement que ne le permettra la nouvelle
édition. Voici les points qui sont successivement examines : 1. Les étapes de la vie troublée de Michel Komnènos, le fils de .lean
le Bâtard le sébastokratôr de Thessalie ; 2 et 3. Le séjour d Andronic II en Bithynie et à Nymphée dans les années 90, avec la
visite rendue à cette occasion à Jean Laskaris et à Jean Bekkos sur le chemin de Taller; 1. La révolte d'Alexis Philanthrôpènos et
son aveuglement ; 5. Le séjour d' Andronic II à Thessalonique à l'occasion (tes fiançailles de Simonis avec le kral de Serbie ; 6.
La visite du patriarche Jean à l'empereur un peu avant sa démission; 7. La première expédition militaire de Michel IX et ses
revers en Asie ; 8, 9 et 10. Les campagnes de la Compagnie catalane en Asie et en Europe de 1304 à 1307.

Citer ce document / Cite this document :

Failler Albert. Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges Pachymérès (livres VII-XIII). In: Revue des études
byzantines, tome 48, 1990. pp. 5-87.

doi : 10.3406/rebyz.1990.1821

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1990_num_48_1_1821
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION
DANS L'HISTOIRE
DE GEORGES PACHYMÉRÈS

(LIVRES VII-XIII)

Albert FAILLER

Les procédés de composition utilisés par Georges Pachymérès ont


été étudiés dans deux articles précédents, qui portent le même titre
que celui-ci et qui concernent les livres I-VI1. Les conclusions
générales qui se dégagent de ces études peuvent être étendues à
l'ensemble de l'ouvrage et s'appliquent donc également à la seconde
partie, c'est-à-dire aux livres VII-XIII2. A une nuance près
cependant, qui n'est pas sans importance ! A mesure que les
événements se rapprochent de l'instant où l'auteur compose l'Histoire
ou, du moins, rédige la dernière mouture de son ouvrage, la
perspective en effet se rétrécit : l'auteur n'a plus le recul suffisant
devant l'événement pour en évaluer le sens et la portée, et les faits ne
peuvent plus être replacés dans un ensemble où seraient mises en
lumière les relations de causalité ou d'interdépendance entre les
éléments, ni dans une suite chronologique qui soit assez longue pour
être significative.
Il faut remarquer également que l'étude de la tradition manuscrite
apporte, pour la seconde partie, moins d'éléments concernant la

1. A. Faiij.er, Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges Pachymère,


REB 38, 1980, p. 5-103, et REB 39, 1981, p. 145-249.
2. Il faut préserver la numération continue des treize livres de l'Histoire,
conformément à la tradition manuscrite, et se garder d'adopter le parti suivi par le
premier éditeur, qui a distingué deux ensembles règne de Michel VIII (livres I-VI),
:

règne d'Andronic II (livres I-VI T) ; voir, à ce sujet, mes articles concernant la tradition
manuscrite de la première et de la seconde partie de l'Histoire La tradition
:

manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymérès, REB 37, 1979, p. 204 REB 47, 1989.
;

p. 164-167.

Revue des Études Byzantines 48. 1990, p. 5-87.


6 A. FAILLER

chronologie des événements, dans la mesure surtout où le texte est


plus stable et les variantes entre les manuscrits moins importantes3.
Ainsi se trouve posé le problème de la composition, de la révision et
de la rédaction définitive de l'ouvrage. La question ne sera pas
examinée dans cet article, dont le but est, plus modestement, de
fournir un cadre chronologique précis au texte de la nouvelle édition.
C'est pour la même raison que la bibliographie sera réduite au
minimum ; ne seront pris en compte que les articles ou les ouvrages
qui concourent à l'établissement des conclusions ou à une meilleure
illustration de la démonstration4, car il est inutile de citer, pour le
plaisir de les réfuter, les études qui, parties de prémisses différentes ou
manifestement erronées, ne peuvent conduire qu'à des conclusions
partielles et fausses, ou de mentionner des travaux qui n'ont pas
bénéficié au départ des connaissances et des instruments de travail
dont nous disposons aujourd'hui. De même, comme le but de la
présente étude est l'établissement de la chronologie, on négligera les
autres aspects du récit et des faits (prosopographie, topographie,
critique textuelle), s'ils ne concourent pas à cette fin.
L'un des problèmes de chronologie les plus complexes que pose la
première partie de l'Histoire est celui de la succession patriarcale dans
les premières années du règne de Michel VIII (1259-1266). La question
est d'autant plus importante que souvent l'auteur, lui-même ecclé
siastique, donne comme cadre à son récit l'action et la succession des
patriarches et construit son récit autour des événements marquants
de la vie ecclésiastique. Mais, dans la seconde partie de l'Histoire, le
partage et la datation des patriarcats sont sûrs. Cela facilite d'autant
l'établissement de la chronologie.
De plus, sans doute parce que les événements sont plus proches de
l'instant où l'historien les relate, les problèmes de chronologie sont, de
manière générale, moins fréquents et moins difficiles à résoudre que
dans la première partie. Le récit est d'ailleurs plus linéaire; les
anticipations et les retours en arrière, qui existent ici également et qui
confèrent son unité rédactionnelle à l'oeuvre, sont tout à la fois moins
nombreux et plus faciles à analyser. Il semble que la seconde partie de
l'Histoire a fait l'objet d'une moindre élaboration littéraire.
D'entrée, il convient de remarquer que la présentation et le
traitement des événements sont inégaux selon les périodes considér
ées. On pourrait être tenté de déduire que le règne d'Andronic II,
comparé à celui de son père, n'avait guère de relief et que l'historien

3. Voir REB 47, 1989, p. 114-120.


4. Ainsi la chronologie établie par P. Poussines (Bonn, II, p. 776-870) sera
mentionnée dans l'article dans la seule mesure où elle sert de point de départ ou de
référence pour l'une ou l'autre partie de l'exposé.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 7

se trouva démuni devant un effondrement subit de l'action et de


l'autorité impériales. De fait, à l'exception de la révolution qu'Andro-
nic II provoqua dans l'Église, en revenant au dogme traditionnel et
en chassant la hiérarchie mise en place par son père sous le patriarcat
de Jean Bekkos pour la remplacer par des hommes d'une orthodoxie
rigoureuse et sourcilleuse, l'historien signale peu d'événements
importants. Seule ressort, à l'autre bout du récit, l'équipée de la
Compagnie catalane à travers l'Asie Mineure et la Thrace, qui fait
l'objet d'une relation détaillée et qui occupe presque entièrement les
trois derniers livres de l'Histoire. Le récit paraît quelque peu
déséquilibré, si l'on compare le nombre d'années sur lesquelles s'étend
chacun des livres :
— 4 pour le livre VII (1282-1285 : changement de la hiérarchie
ecclésiastique après la mort de Michel VIII)
— 9 pour le livre VIII (1286-1294)
— 5 pour le livre IX (1294-1298)
5 pour le livre X (1299-1303)
— 2 pour le livre XI, 2 pour le livre XII et 3 pour le livre XIII
(1303-1307 : la Compagnie catalane dans l'empire byzantin). Pour ce
dernier cas, il faut encore ajouter qu'une même année peut être
partagée sur deux livres successifs, si bien que les livres XI-XIII ne
couvrent à eux trois que cinq années complètes (1303-1307), comme
chacun des deux livres précédents.
On laissera de côté certains problèmes de chronologie secondaires
ou isolés, dans la mesure où ils n'engagent pas la structure du récit, le
sens d'un événement ou la datation d'un ensemble de faits qui
s'enchaînent mutuellement. Voici la liste des points qui seront traités
successivement dans l'article :
1. La capture, l'emprisonnement et la mort de Michel Komnènos
(VII, 24-27)
2. La visite d'Andronic II à Jean Laskaris et son entretien avec
Jean Bekkos (VII, 35-36)
3. Le séjour d'Andronic II en Bithynie et à Nymphée (VIII, 18)
4. La révolte d'Alexis Philanthrôpènos (IX, 9-14)
5. Le séjour d'Andronic II à Thessalonique (IX, 33-X, 8)
6. La visite du patriarche Jean à l'empereur (X, 12)
7. L'expédition de Michel IX Palaiologos en Orient (X, 17-22, 26;
XI, 10, 15, 17)
8. La campagne catalane de 1304 en Asie Mineure (XI, 12- XII, 3)
9. La campagne catalane de 1305 en Thrace et l'assassinat de
Roger de Flor (XII, 3 XIII. 15)
10. La campagne catalane de 1306 et le départ de Thrace en 1307
(XIII, 18-38).
» a. failler

1. La capture, l'emprisonnement et la mort de Michel


Komnènos (VII, 24-27)

La majeure partie du livre VII est consacrée à la nouvelle politique


ecclésiastique inaugurée par Andronic II après la mort de son père, en
décembre 1282 : rejet de l'Union de Lyon et mise en place d'une
nouvelle hiérarchie ecclésiastique. Les faits sont rapportés dans
l'ordre chronologique et se déroulent de décembre 1282 (arrivée au
pouvoir d'Andronic II) à août 1285 (comparution de Jean Bekkos
devant le patriarche Grégoire de Chypre et sa condamnation à l'exil).
Deux récits posent cependant des problèmes de chronologie : d'une
part l'existence mouvementée et les malheurs de Michel Komnènos,
d'autre part la visite rendue par Andronic II aux deux illustres exilés
de Bithynie, l'ancien empereur Jean IV Laskaris et l'ancien
patriarche Jean XI Bekkos. Le second sujet est traité dans le chapitre
suivant.
Michel Komnènos, fils aîné de Jean Doukas, reçut comme son père
la dignité de sébastokratôr et devait assumer après lui le commande
ment de la région qui avait été attribuée en Thessalie au fils bâtard de
Michel II Angélos, le despote d'Épire5. Michel Komnènos était aussi
remuant que son père et il menaçait continuellement aussi bien le
territoire de l'Épire que les frontières occidentales de l'empire
byzantin. Le texte de Georges Pachymérès laisse supposer que la
succession n'était pas ouverte en Thessalie et que Jean Doukas était
encore en vie. Andronic II s'efforçait sans doute de capturer, avant
qu'il ne fût en place, un héritier qui promettait d'être aussi dangereux
que son père.
Le récit est amené indirectement et introduit par les aventures d'un
autre personnage, Kotanitzès, dont les liens avec la Serbie sont
apparus dans le livre précédent6. Sans le dire explicitement7,
l'historien mène de front deux récits indépendants, probablement à
cause du parallélisme des deux cas, mais il ne semble pas suggérer
quelque collusion entre Michel Komnènos d'une part, Kotanitzès et
les Serbes d'autre part.

5. Jean Doukas avait présenté une menace permanente pour les armées occidentales
de Michel VIII, qui marchaient précisément contre lui, lorsque la mort le frappa ; voir
les deux notices du Pl^P (n11 208 : Jean Doukas ; n" 221 : Michel Komnènos), qui groupe
les deux personnages sous le patronyme Angélos. On trouve le récit détaillé des
principaux épisodes de cet affrontement dans les Relations historiques de Georges
Pachymérès : IV, 26, 30-31 ; V, 27; VI, 35. Pour les livres I-VI, on renverra à la
nouvelle édition, publiée à Paris en 1984. Pour la seconde partie de l'Histoire, c'est-à-
dire les livres VII-XIII, les références seront données à l'édition de Bonn (Bonn, II,
1835).
6. Voir VI, 22 et 27.
7. Bonn, II, p. 671217.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 9

La fuite de Kotanitzès de Brousse, où il était enfermé dans le


Grand Monastère, se situe probablement en 1284, peut-être dès
l'année précédente. Elle éveilla les soupçons d'Andronic II, qui la
rapprocha des activités que le fils aîné de Jean Doukas, Michel
Komnènos, déployait également de son côté en Thessalie. Considérant
ce dernier comme le plus dangereux, il décida de s'attaquer d'abord à
lui. Il s'en entretint avec sa cousine, Anne Kantakouzènè, qui était
l'épouse de Nicéphore Angélos d'Épire, fils et successeur de Michel II
Angélos. Pour protéger leurs intérêts communs, l'empereur et la
basilissa d'Épire décidèrent d'un stratagème qui aurait pour résultat
de neutraliser Michel Komnènos : Anne se saisirait par ruse de son
neveu et le remettrait à Andronic II contre une forte somme d'argent.
On peut supposer que cet arrangement fut pris à l'occasion de la
conférence d'Atrammytion (février-avril 1284), où Anne siégea aux
côtés de sa mère Eulogie8. L'expédition envoyée à Dèmètrias, pour
protéger l'empire contre la Thessalie et recueillir l'illustre prisonnier
dont devait se saisir Anne Kantakouzènè, se solda par un échec, car la
peste décima l'armée et toucha son chef en personne. Plus tard9, écrit
l'historien, Michel Komnènos fut attiré dans le piège que lui tendirent
Anne et son mari. La date reste donc imprécise. Et d'autant plus
imprécise qu'elle est au départ d'une anticipation sur le récit qui,
comme on va le voir, s'étend jusqu'au terme même de l'Histoire :
1307.
Michel Komnènos fut donc remis à Andronic II par Anne
Kantakouzènè après 1284. L'empereur se contenta d'abord de le tenir
sous bonne garde et lui proposa même un mariage honorable avec une
de ses nièces, la fille de Jean Asen, empereur éphémère de Bulgarie, et
d'Irène Palaiologina10. Mais Michel Komnènos refusait cette captivité
dorée ; à maintes reprises, il essaya de s'enfuir, mais sans succès.
L'historien raconte sa dernière fuite, qui, vaine comme les précédent
es, eut lieu des années plus tard11. L'historien en fait une description
vivante et pittoresque, et il donne cette fois, bien que de manière
indirecte, une date plus précise : la fuite eut lieu alors qu' Andronic II
se trouvait à Thessalonique12. Or ce séjour, qui eut pour raison les
fiançailles du kral Milutin de Serbie avec Simonis, la fille d'Andronic
II et de Yolande de Montferrat, dura presque deux ans : du
printemps 1299 à novembre 130013. Ajoutons qu'il ne peut s'agir d'un

8. Bonn, II, p. 5978.


9. "Υστερον (Bonn, II, p. 729). L'adverbe est repris dans le titre même du chapitre.
10. Voir VI, 6.
1 1 μετά χρόνους (Bonn, II, p. 7323). La même expression revient plus bas (p. 751β), à
.

la lin du récit de l'évasion manquée.


12. Bonn. II, p. 733 4.
13. Bonn, IL p. ·2789-·2798. 2908.
10 A. FAILLER

séjour antérieur de l'empereur dans la ville, car l'historien précise


qu'Andronic II se rendait alors pour la première fois à Thessaloni-
que14.
Le dénouement de l'affaire est narré à la fin du même chapitre :
Michel Komnènos décida d'en finir; il mit le feu à sa cellule, il tua la
première personne qui entra pour le secourir et il fut tué à son tour
par un garde. Gela se passa huit ans plus tard : Huit ans s'étaient
écoulés depuis cet événement15, c'est-à-dire depuis sa dernière tentative
de fuite. Si l'on se contente, sans apporter plus de précisions et de
nuances, d'ajouter ces huit années à 1299 ou 1300, on aboutit à
l'année 1307 ou 1308. Mais on verra à la fin de cet article que
l'Histoire, dont le terme est l'été 1307, était entièrement composée à
cette date16. D'autre part, il faut exclure une interpolation plus
tardive, car elle aurait sans doute laissé quelque trace dans la
tradition manuscrite. L'épisode est même daté de manière plus
précise et placé en hiver, au milieu du mois de décembre17. Il
s'ensuivrait que l'événement serait à placer en décembre 1307 ou en
décembre 1308. Mais même la première date s'exclut d'elle-même, si
le terme de l'Histoire est bien l'été 1307. De fait, la mort de Michel
Komnènos est datée habituellement de 130718, et donc de décembre
1307, si on retient la précision apportée par Georges Pachymérès.
Mais la fin tragique de Michel Komnènos doit probablement être
reportée à la mi-décembre 1306, d'après les conclusions plus générales
qu'on peut tirer des informations données par l'historien dans le
dernier chapitre de l'ouvrage19.
D'ailleurs, cette date n'est pas absolument inconciliable avec la
durée de huit ans qui sépare la dernière fuite et la mort de Michel
Komnènos. Le passage peut même nous éclairer sur la manière de
compter les années que pouvaient utiliser Georges Pachymérès et

14. Ό βασιλεύς δ' έν Θεσσαλονίκη καθήμενος, τότε πρώτως ίδών έκείνην... (Bonn, II,
ρ. 284«-7).
15. 'Ογδόου γαρ έκ τούτου χρόνου διανυσθέντος (Bonn, II, ρ. 7519-761).
16. Ci-dessous, p. 82.
17. περί που σκφοφοριώνος τα μέσα, δς έστιν ό δεκέβριος (Bonn, II, p. 7611"12). Par souci
de recherche littéraire, l'historien utilise constamment les noms de mois du calendrier
athénien, et c'est par exception qu'il en indique, comme ici, l'équivalent du calendrier
julien. Comme les noms de mois sont fréquemment cités dans cet article, il est utile de
donner ici une nouvelle fois la correspondance entre les deux calendriers : έκατομβαιών
(janvier), ληναιών (février), κρόνιος (mars), βοηδρομιών (avril), πυαντιών (mai), μαιμακτηριών
(juin), ανθεστηρίων (juillet), ποσειδεών (août), γαμήλιων (septembre), έλαφηβολιών (octobre),
μουνυχιών (novembre), σκι,ροφοριών (décembre) ; voir aussi la nouvelle édition, p. 114 n. 1 .
18. Voir, par exemple, D. I. Polemis, The Doukai. A Contribution to Byzantine
Prosopography, Londres 1968, p. 97 n. 7; D.M. Nicol, The Despotate of Ε ρ ir os. 1267-
1479*, Cambridge 1984, p. 31 ; PLP, n» 221.
19. Voir ci-dessous, p. 79-82.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 11

peut-être ses contemporains. Si la fuite du captif coïncide avec le


début du séjour d'Andronic II à Thessalonique, on peut la dater du
printemps 1299, soit de l'année byzantine 6807 (1er septembre 1298-30
août 1299). Si l'on retient que cette dernière année fait partie
intégrante de la durée totale et constitue la première des huit années,
le terme de cette durée sera l'année 6814 (6806 + 8), qui correspond à
son tour aux dates suivantes de notre calendrier : 1er septembre 1305-
31 août 1306. Ainsi, à la mi-décembre 1306, on était dans l'année
byzantine 6815 (1er septembre 1306-31 août 1307), et huit années
(6807-6814) s'étaient en effet écoulées depuis le printemps 1299, non
pas en durée absolue, mais en décompte chiffré des années.
Au-delà d'un calcul dont les résultats ne se prêtent pas à une
démonstration rigoureuse, ce passage éclaire la composition de
l'Histoire dans son ensemble et montre que l'ouvrage n'a pas été
composé au fil des événements, mais en un espace de temps très
réduit : au-delà de notes primitives, de possibles ébauches successives
ou de rédactions provisoires, la rédaction définitive du livre VII est
postérieure à décembre 1306 et celle du livre XIII, comme on le verra
plus bas, antérieure à l'hiver 1307. Autrement dit, l'établissement
définitif de la seconde partie de l'Histoire a été fait en moins d'un an.
On reviendra sur ce problème, essentiel pour ce qui concerne la
composition de l'ouvrage, à la fin de l'article. La même question peut
d'ailleurs être posée pour la première partie de l'Histoire.

2. La visite d'Andronic II À Jean Laskaris et son entretien


avec Jean Bekkos (VII, 35-36)

Le chapitre précédent a montré comment l'historien procède par


anticipation. Ailleurs il opère des rétrospectives pour éclairer un
événement ou la conduite d'un homme. Ce survol du temps est la
marque de l'oeuvre littéraire et le signe qu'un matériau en soi brut et
limité dans sa signification subit une élaboration et un affinement.
L'Histoire de Georges Pachymérès n'est pas une chronique linéaire du
temps et des événements, mais un tableau qui illustre des séquences
et des conséquences, des causalités et des hasards, en les exposant et
en les juxtaposant. Dans le livre VII, on relève ainsi une rétrospecti
ve : dans le chapitre 9, l'auteur expose à nouveau les raisons qui
amenèrent Jean Bekkos, alors patriarche, à défendre par écrit ses
thèses dogmatiques. Plus fréquentes sont les anticipations : les
circonstances de l'abandon de la flotte (eh. 26), la fuite et la fin
tragique de Michel Komnènos telles qu'on vient de les exposer (eh.
27), la translation de la dépouille du patriarche Arsène au monastère
Saint- André de Krisis (eh. 31), la prise des dernières places de Syrie
12 A. FAILLER

par les Mamluks (eh. 32), enfin les entretiens de l'empereur avec Jean
Laskaris et Jean Bekkos, dont il va être question.
A l'issue du débat qui se tint à l'Alexiakos en août 1285, Jean
Bekkos fut définitivement relégué dans la forteresse de Saint-
Grégoire, située sur le golfe de Nicomédie20. L'historien décrit en
quelques mots la dureté de sa captivité et, anticipant sur le récit, il
mentionne l'adoucissement qui fut apporté au régime de détention
bien plus tard21, lorsque les prisonniers reçurent la visite de l'envoyé
de l'empereur, avant de s'entretenir avec le souverain en personne.
Mais avant de développer les faits et de les dater, il convient d'établir
le texte lui-même, qui a été mal compris par le premier éditeur.
Personne n'a d'ailleurs réexaminé le texte par la suite, si bien que
l'erreur a continué de se propager.
1. Le texte. — D'après le texte de la première édition, les
adoucissements apportés aux conditions de vie des détenus furent le
fait du patriarche Athanase, non de l'empereur lui-même. Voici la
brève incise en cause22 : ... άφεΐντο δσα τα ες χρείαν των αναγκαίων
άπρονόητοι, ουδέν πλέον άπονάμενοι βασιλέως, ότι μή μετά καιρόν έπ'
ανατολής όρμώντος, πατριαρχοΰντος 'Αθανασίου, τόν τε κατά τήν Έλενόπολιν
περαιωθέντος πορθμόν και τόν μέγαν λογοθέτην επ' αυτούς πέμψαντος... Ρ.
Poussines en a donné la traduction suivante : « Relicti sunt sine ulla
interim provisione pensionis ad victum, inopia diu frustra praestolata
necessarium ab imperatore subsidium, quoad aliquanto posterius
proficiscens in Orientem patriarcha Athanasius, et ad Helenopolim
fretum traiieiens, misit ad eos magnum logothetam»23. Voici
comment il faut en fait entendre le texte : «Les détenus furent laissés,
pour tous leurs besoins, démunis du nécessaire et sans bénéficier
d'aucun autre secours de l'empereur, si ce n'est que bien plus tard, au
moment de 'gagner l'Orient, sous le patriarcat d'Athanase, et après
avoir traversé le golfe qui touche à Hélénopolis, l'empereur envoya
vers eux le grand logothète». L'origine de l'erreur est claire : l'éditeur
a lié à tort όρμώντος πατριαρχοΰντος 'Αθανασίου, alors que le premier
participe doit être rapporté au substantif βασιλέως qui précède.
Comme en de nombreux autres cas, le premier éditeur a sans doute
copié son texte sur le manuscrit B, qui, contrairement aux deux
manuscrits A et C, ne met aucun signe de ponctuation entre les deux
participes et qui, une fois de plus, se montre ainsi inférieur à A et G.

20. Pour la localisation de la forteresse, voir ci-dessous, p. 21-22.


21. μετά καιρόν (Bonn, II, p. 10310).
22. Bonn, II, p. 1Ü3812.
23. Dans ses Notes chronologiques (Bonn, II, p. 781 et 782), P. Poussines interprète
ce passage conformément à la traduction qu'il en a donnée.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 13

II est plus étrange de voir le rédacteur de la version brève faire la


même lecture fautive du passage et affirmer avec netteté : "Υστερον δε
ό πατριάρχης 'Αθανάσιος, κατά την Έλενούπολιν προσβαλών και τον μέγαν
λογοθέτην έπ' αυτούς πέμψας ...(«Plus tard, le patriarche Athanase
aborda à Hélénopolis et envoya vers eux le grand logothète»). Sans
doute plus éloquemment que tous les autres, cet exemple montre à
l'évidence que Georges Pachymérès ne peut être considéré comme le
rédacteur de la version brève de l'Histoire, car il est inconcevable
qu'il ait pu commettre une telle erreur dans l'interprétation de son
propre texte24.
P. Poussines a vu les difficultés que soulevait sa traduction25, car
un anti-unioniste aussi farouche et un homme aussi intransigeant que
le patriarche Athanase pouvait difficilement s'apitoyer sur le sort de
Jean Bekkos. De plus, l'historien ne mentionne pas la présence
d'Athanase au moment de relater le voyage en Orient d'Andronic II
et de Théodore Mouzalôn (VIII, 18). De même, Georges Métochitès,
qui a laissé un récit détaillé de cet épisode, comme on le verra dans le
chapitre suivant de l'article, n'attribue au patriarche aucune
intervention en faveur des unionistes.
2. Les faits. — Les mesures de clémence en faveur de Jean Bekkos
et de Constantin Mélitèniôtès furent donc prises sous le patriarcat
d'Athanase, c'est-à-dire après le 14 octobre 1289, date de l'élection du
patriarche26. Comme la condamnation définitive des unionistes avait
été plus spécialement le fait de Grégoire de Chypre (1283-1289), sa
destitution du patriarcat créait une occasion favorable pour la
réconciliation de Jean Bekkos et des deux archidiacres (Georges
Métochitès et Constantin Mélitèniôtès) avec l'Église. D'après l'ordre
du récit de Georges Pachymérès, Grégoire de Chypre était d'ailleurs
décédé peu avant la visite de Théodore Mouzalôn à la forteresse de
Saint-Grégoire27.
Voici les faits. A l'occasion d'un voyage en Orient, Andronic II
envoya auprès des deux détenus (Constantin Mélitèniôtès et Jean
Bekkos, Georges Métochitès ayant été rapatrié à Constantinople pour

24. Sur la rédaction de la version brève et ses caractéristiques, voir A. Failler, La


tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère (livres I-VI), REB 37, 1979,
p. 164-178. Aux pages 175-178 de cet article, j'ai relevé un certain nombre d'erreurs
manifestes commises par le rédacteur de la version brève. Le cas présent laisserait
supposer que ce dernier suivait, comme P. Poussines, le texte de B, dans ce manuscrit
ou sur une copie identique.
25. Notes chronologiques : Bonn, IT, p. 782.
26. Bonn, II, p. 1031011, 10434.
27. La coïncidence des deux événements est évoquée ci-dessous, p. 24-26, avec plus
de détails.
14 A. FAILLER

cause de maladie) le grand logothète et protovestiaire Théodore


Mouzalôn, qui devait leur remettre de l'argent, adoucir leurs
conditions de détention dans la forteresse et proposer une nouvelle
conférence dogmatique, à l'issue de laquelle on espérait ramener les
trois unionistes au sein de l'Église. La conférence devait avoir lieu à
Lopadion, où Georges Métochitès aurait rejoint entre temps ses deux
amis depuis Constantinople. Mais elle fut ensuite annulée. Quant à
l'empereur, il gagna Nymphée en compagnie de Théodore Mouzalôn.
Grâce à la suite du récit, où les faveurs nouvelles d'Andronic II
envers les détenus sont rappelées28, la date de cette visite peut être
établie, mais seulement de manière approximative, car le passage
soulève divers problèmes. Cependant le départ de l'empereur peut
sans doute être placé au cours de l'année 1290, de même que la visite
de Théodore Mouzalôn, qui venait d'être nommé protovestiaire, et
l'entretien accordé par Andronic II aux deux détenus, au pied de la
forteresse. La question de la date exacte qu'il faut assigner au voyage
et au séjour de l'empereur dans les territoires orientaux fait intervenir
un ensemble d'événements connexes et elle sera traitée dans le
chapitre suivant de cet article.
Si la composition littéraire et la succession chronologique sont
logiques et clairs, il en va différemment du partage des chapitres et du
titre attribué au chapitre 36. On voit une fois de plus que la division
du texte en chapitres est postérieure à la rédaction et que les titres
auraient dû être placés en marge plutôt que dans le texte. C'est à la
fin du chapitre 35 (« Entretien de Bekkos avec Grégoire et son
entourage») que commence l'anticipation du récit concernant la visite
rendue par Théodore Mouzalôn à Jean Bekkos cinq ans après
l'entretien que l'ancien patriarche eut, en août 1285, avec Grégoire de
Chypre et qui avait scellé sa condamnation29. Le titre du chapitre
suivant («36. Visite de l'empereur à Jean l'ancien empereur») peut
égarer le lecteur, car la visite de l'empereur à Jean Laskaris n'est pas
mentionnée pour elle-même, mais pour expliquer la présence de
Théodore Mouzalôn en Bithynie et l'occasion de sa visite à Jean
Bekkos; la rencontre de l'empereur avec Jean Laskaris constitue une
simple incidente, qu'il faut franchir pour retrouver la suite de
l'anticipation amorcée à la fin du chapitre 35. Le premier paragraphe
du chapitre 3630 doit être considéré comme une simple parenthèse, et
il faut relier directement à la fin du chapitre 35 le deuxième
paragraphe du chapitre 36. La fin de l'anticipation est clairement

28. Bonn, II, p. 15345. Le récit de Georges Pachymérès peut être complété par celui
de Georges Métochitès, qui sera précisément analysé plus bas.
29. Bonn, II, p. 10310.
30. Bonn, II, p. 1031β-1042.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 15

annoncée : «Mais cela se passa plus tard»31. La dernière phrase du


chapitre 36, qui mentionne, pour la seconde fois, le départ en exil de
Jean Bekkos et des deux archidiacres après l'entretien de l'ancien
patriarche avec Grégoire de Chypre, replace à nouveau le récit sur sa
ligne chronologique et clôt la double anticipation que constitue la
visite de l'empereur à Jean IV Laskaris, puis à Jean Bekkos.
En d'autres termes, non seulement la coupure du texte à la fin du
chapitre 35 est mal venue, mais le titre du chapitre 36 («Visite de
l'empereur à Jean l'ancien empereur») est également mal approprié et
trompeur, puisqu'il ne s'applique qu'à la première phrase. Il eût été
plus logique de donner au chapitre 36, en négligeant le premier
paragraphe, une simple incidente, le titre suivant : «Visite de
l'empereur à l'ancien patriarche». L'ensemble se présente sur trois
plans chronologiques, qui s'interpénétrent dans le récit, comme le
montre clairement l'analyse du passage (fin du chapitre 35 : Bonn, II,
p. 103315; chapitre 36 : p. 10316-10512) :
1. envoi des unionistes en forteresse (p. 10339, 1051012);
2. entretien de l'empereur avec les détenus de la forteresse Saint-
Grégoire et assouplissement de leur détention (p. 1031015, 1043-10510);
3. visite de l'empereur à Jean IV Laskaris (p. 10316-1042).
Le premier fait se situe sur la ligne chronologique du récit (1285), le
deuxième constitue une anticipation par rapport au premier (1290),
tandis que le troisième est un retour en arrière par rapport au
deuxième (1290 également, mais un peu plus tôt dans l'année).

3. Le séjour d'Andronic II en Bithynie et à Nymphée (VIII, 18)

Si l'on excepte les anticipations qui viennent d'être mentionnées, le


livre VII couvre une période réduite : 1282-1285. Il n'en est pas de
même pour le livre VIII, qui, de tous les livres de l'Histoire, embrasse
la période la plus longue : neuf années (1286-1294). Il s'ensuit
nécessairement certaines imprécisions. Le contenu des trente-deux
chapitres du livre peut être ramené à quatre sujets principaux : le
tomos du patriarche Grégoire II et sa démission (1285-1289), le
premier patriarcat d'Athanase Ier (1289-1293), l'élection du moine
Kosmas au patriarcat (1294), la disgrâce de Constantin Palaiologos le
porphyrogénète (1291-1294). Si la succession patriarcale ne présente
aucun problème chronologique, il en va différemment des événements
politiques, qu'on peut regrouper autour du voyage d'Andronic II
dans les territoires orientaux et de son long séjour à la résidence
impériale de Nymphée.

:Π. Bonn. II, p. l()f>10.


16 A. FAILLER

Comme on vient de le voir dans le chapitre précédent, le


déplacement d'Andronic II en Asie Mineure est déjà évoqué dans le
livre VII par anticipation, à propos de Jean Bekkos, dont l'empereur
s'efforça d'adoucir la détention à la forteresse de Saint-Grégoire. Dans
le livre VIII, à présent, le séjour est relaté pour lui-même et dans son
contexte chronologique.
Comme le montre le cadre général de ce livre, le voyage de
l'empereur eut lieu au cours du premier patriarcat d'Athanase Ier, qui
commença le 14 octobre 1289 et se termina le 16 octobre 129332. On
connaît seulement la date du retour, qui est donnée sans mention de
l'année : Andronic II fit son entrée dans Constantinople un 28 juin33.
On peut donc éliminer d'emblée, pour la date de retour, l'année 1294,
qui a été avancée parfois34. A l'autre extrémité, on peut exclure les
années 1290 et 1291 à cause de la durée du séjour, qui, comme on le
verra plus bas, dépassa certainement les deux années. Restent alors
les années 1292 et 1293. Dans le précieux Tableau chronologique qu'il
a adjoint à son édition de 1669, P. Poussines considère que l'empereur
rentra à Constantinople le 28 juin 129235. Cette date a été générale
ment admise par la suite et elle a été diffusée par certains manuels de
chronologie, comme celui de É. de Murait36. Mais on a contesté plus
tard cette chronologie et on a proposé de retarder d'un an le retour
d'Andronic II à Constantinople et de le placer au 28 juin 129337. Dans
un précédent article38, j'ai accepté cette dernière conclusion, qui est
très probablement correcte.
Le voyage et le séjour d'Andronic II en Orient, dont seul le terme
final (un 28 juin, sans indication de l'année) est donc précisé dans
l'Histoire, posent trois problèmes, dont les solutions sont liées : quelle
est la date du départ, quelle est la durée du séjour et quelle est l'année
du retour. Aucun des trois points n'est certain. Le texte de Georges
Pachymérés laisse entendre que l'empereur quitta Constantinople peu
après la destitution du patriarche Grégoire et l'élévation du
patriarche Athanase Ier (juin et octobre 1289 respectivement), c'est-à-
dire en 1290 apparemment, et qu'il regagna la capitale peu avant la
démission d'Athanase Ier (16 octobre 1293) et l'élection du moine

32. Bonn, II, p. 1778e. Les deux dates ont été correctement établies par
P. Poussines (ibidem, p. 839 et 842).
33. εικοστή ογδόη μηνός μαιμακτηριώνος τήν μεγαλόπολιν εΐσεισιν (Bonn, II, p. 1653"4).
34. Voir, par exemple, Pia Schmid, Zur Chronologie von Pachymérés, Andronikos
L. II-VII, BZbl, 1958, p. 82.
35. Bonn, II, p. 841.
36. É. de Muralt, Essai de Chronographie byzantine. 1057-1453, Bàle/Genève 1871,
p. 460.
37. J. Verpeaux, Notes chronologiques sur les livres II et III du De Andronico
Palaeulogo de Georges Pachymère, BEB 17, 1959, p. 169-170.
38. A. Failler, Pachymeriana altéra, BEB 46, 1988, p. 68, avec la note 2.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 17

Kosmas (1er janvier 1294), c'est-à-dire probablement en 1293, et plus


précisément, puisque le jour et le mois sont cette fois mentionnés, le
28 juin 1293. Si l'empereur avait quitté Constantinople au printemps,
date habituelle de départ en campagne, l'absence aurait duré trois ans
et quelques mois : de la mi-avril 1290 (l'empereur quittant général
ement la capitale après la fête de Pâques, qui, en 1290, tombait le
2 avril) au 28 juin 1293. Mais Georges Pachymérès donne, sur la durée
du séjour, une autre indication, qui, bien que partielle, semble
contredire ce calendrier. Il convient donc de reprendre l'ensemble des
données pour les confronter.
Si l'on exclut la visite de l'empereur à Jean Laskaris et l'entretien
avec Jean Bekkos en Bithynie dont il a été question dans le chapitre
précédent, le fait le plus marquant du voyage en Asie Mineure est la
disgrâce du porphyrogénète Constantin Palaiologos, le frère cadet
d'Andronic II. Ce sont précisément les étapes de cette disgrâce qui
permettent de jalonner le séjour et d'en fixer la durée. Après avoir
traité ce premier point, on examinera trois autres questions, qui sont
susceptibles d'éclairer la chronologie du séjour d'Andronic II en Asie
Mineure : Les étapes d'Andronic II en Bithynie, La date de la mort
du patriarche Grégoire II, Quelques autres événements.
1. La disgrâce du porphyrogénète Constantin Palaiologos. — L'affai
re commença un 29 juin39, à l'occasion d'une réception au palais de
Nymphée : une querelle de préséance s'éleva entre Stratégopoulina et
Irène Rhaoulaina, qui, offensée, se lamenta auprès de son mari, le
porphyrogénète Constantin Palaiologos. Voulant laver l'affront fait à
sa femme, mais n'osant pas défier directement Stratégopoulina,
Constantin Palaiologos fit saisir un certain Constantin Maurozômès,
familier de la vieille dame et considéré comme son amant. Pour
déshonorer Stratègopoulina à travers son protégé, Constantin Palaio
logos le fit déshabiller et promener ainsi nu en public. Il s'attira le
ressentiment de l'empereur son frère, qui se contenta cependant de lui
manifester son irritation. Là-dessus, un moine Sabas, familier du
patriarche Athanase Ier, rapporta à l'empereur que Constantin
Palaiologos, secondé par Michel Stratègopoulos, complotait pour
l'évincer et s'emparer du pouvoir impérial. Andronic II se décida
alors à faire appréhender et emprisonner son frère cadet : on était au
mois de mars40. Le 28 juin de la même année41, la cour, partie de

39. Της 8' εικοστής έννάτης μηνός μαιμακτηριώνος (Bonn, Π, p. 15410).


40. Καί ταΰτ' έπράττετο κρονίου μηνός (Bonn, II, p. 1623). Sur l'ensemble de cet épisode
et les personnages qui en sont les protagonistes, voir aussi A. Faiu,f.r, art. cil., p. 68-
75.
41. και δη τοϋ αύτοϋ έτους (Bonn, II, p. I(i419-16[)'), εικοστή ογδόη μαιμακτηριώνυς
(Bonn, II. p. 1653).
18 A. FAILLER

Nymphée, arriva à Constantinople. L'ensemble de ces faits doit se


dérouler sur une année, car l'écart entre les deux premières dates, qui
n'est pas précisé, semble rapproché (29 juin pour le camouflet infligé
par Stratégopoulina à la femme de Constantin Palaiologos, mars pour
l'arrestation de ce dernier par l'empereur) ; on concevrait difficilement
qu'une durée de presque deux ans s'écoulât entre la réception du
29 juin et la convocation de mars. Peu après le retour de l'empereur
de Nymphée (28 juin), le patriarche Athanase Ier démissionnait :
c'était le 16 octobre 129342. L'année suivante, au début du patriarcat
de Jean (1294-1303), la cause de Constantin Palaiologos fut portée
devant le synode, et la condamnation du porphyrogénète pour crime
de lèse-majesté fut réitérée43.
La date de la démission du patriarche Athanase (16 octobre 1293)
constitue le premier point ferme de la chronologie, à partir duquel on
peut remonter en arrière. Il est ainsi possible de fixer le retour de
l'empereur dans la capitale au 28 juin 1293, de placer la convocation
et l'emprisonnement de Constantin Palaiologos en mars 1293, de
dater le défi lancé par Stratégopoulina à Irène Rhaoulaina du 29 juin
1292. A ce point précis se place l'autre indication chronologique de
l'Histoire à laquelle j'ai fait allusion plus haut : le 29 juin 1292, on
était dans la deuxième année de campagne de l'empereur4*. Autrement
dit, l'empereur avait quitté Constantinople entre le 29 juin 1290 et le
29 juin 1291, et sans doute assez longtemps après la première date ou
assez longtemps avant la seconde date ; sinon, l'historien se serait
probablement exprimé différemment, dans l'un et l'autre cas. En
conséquence, il faut exclure que l'empereur soit parti au début du
printemps 1290, comme on l'a admis généralement, à la suite de
P. Poussines45. D'après le contexte de l'Histoire de Georges Pachymé-
rès, Andronic II a quitté Constantinople dans la seconde moitié de
1290 ou la première moitié de 1291.

42. ήτις και έλαφηβολιώνος έξκαιδεκάτη ήν (Bonn, II, p. 17789).


43. Voir V. Laurent, Regesles, n° 1562 (mars 1294). La première condamnation
était donc antérieure d'une année exactement. Constantin Palaiologos mourut dans sa
prison dix ans plus tard, le 5 mai 1304 (Bonn, II, p. 424e"20).
44. Της δ' εικοστής έννάτης μηνός μαιμακτηριώνος, καθ' ήν και ή των αγίων 'Αποστόλων
εορτή τελείται, διετείας τρεχούσης έστρατοπεδευμένω τω βασιλεΐ... (Bonn, II, p. 1541012).
45. Voir les notes chronologiques : Bonn, II, p. 839. Mais, comme on l'a vu plus
haut, P. Poussines datait le retour de l'empereur à Constantinople du 28 juin 1292 et
ainsi il ne contredisait directement aucune des données chronologiques fournies par
Georges Pachymérès. Le texte cité à la note précédente s'entend probablement de
l'année considérée comme durée (l'empereur était en campagne depuis plus de douze
mois) plutôt qu'il ne se réfère au décompte d'années indictionnelles. Il ne permet donc
pas de repousser nécessairement le départ en campagne de l'empereur à l'année 6799
(1er septembre 1290-30 août 1291) : ce qui serait le cas, si le 29 juin 1292 se situait dans
la deuxième année indictionnelle de la campagne impériale (année 6800 : 1er septembre
1291-30 août 1292).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÉS 19

Peut-on tirer argument du témoignage de Nicéphore Grègoras pour


préciser ou compléter la relation de Georges Pachymérès? Le récit de
Nicéphore Grègoras se présente dans un contexte différent : après
avoir rapporté l'élection et les premières actions du patriarche
Athanase Ier, l'historien indique qu'en ces temps-là Constantin
Palaiologos était l'objet de calomnies, probablement infondées, et
qu'il était accusé d'aspirer à l'empire. Pour l'instant, le porphyrogé-
nète se trouvait en Lydie ; il avait épousé Irène Rhaoulaina peu
auparavant™, alors qu'i/ approchait déjà lui-même de sa trentième
année47. La précision est importante et le renseignement significatif, si
l'on se remémore que le porphyrogénète naquit au palais de
Constantinople après la prise de la capitale par son père Michel VIII,
c'est-à-dire après le 15 août 1261, et avant décembre 1261, car
Guillaume de Villehardouin, à qui on fit l'honneur d'être parrain à son
baptême, fut libéré vers cette date48. Autrement dit, si le porphyrogé
nète allait atteindre ses vingt-neuf ans49, le mariage date au plus tôt
de 1290 et se place même dans une année 1290 déjà bien avancée, s'il
est vrai que le porphyrogénète, né dans le dernier tiers de l'année
1261, est sur le point d'atteindre son vingt-neuvième anniversaire. Or
le mariage de Constantin Palaiologos précède son séjour en Lydie, qui
précède à son tour l'arrivée de son frère l'empereur; dès lors celle-ci
devrait être reportée vers la fin de l'année 1290, au plus tôt, et de
préférence même au cours des premiers mois de l'année suivante. Cela
cadrerait avec les conclusions qu'on a pu tirer plus haut du récit de
Georges Pachymérès et viendrait même les confirmer.
Mais la démonstration qu'on peut tirer du récit de Nicéphore
Grègoras est moins convaincante qu'il n'y paraît, car l'historien fait
certainement erreur sur la date de ce mariage50. En effet, le fils qui en
est issu avait presque dix-sept ans vers mars 130551 ; il faut donc faire
remonter le mariage en 1287 au plus tard, et le marié n'avait encore
que vingt-six ou vingt-sept ans, et non vingt-neuf. Si, comme il est
probable, Nicéphore Grègoras est bien informé sur la date de
naissance du porphyrogénète, il devait croire que, au moment de son

46. προ βραχέος (Bonn, I, p. 1907).


47. ές τριακοστών ήδη της ηλικίας χρόνον έγγίζων αυτός (Bonn, I, p. 1909"10).
48. Voir Georges Pachymérès : nouvelle édition, I, p. 121 n. 1, 122 n. 1, 247ie 17.
49. C'est ainsi qu'il faut sans doute traduire le texte cité plus haut : le prince allait
atteindre ses vingt-neuf ans, et non ses trente ans, comme l'a interprété J.L. van
Dieten (Nikephoros Grègoras. Rhomäische Geschichte. Historia rhomaïke, I, Stuttgart
1973, p. 162) : «als er schon fast dreißig Jahre alt war».
50. J.L. van Dieten (op. eil., p. 273 n. 322) date le mariage de Constantin
Palaiologos avec Irène Rhaoulaina de l'année 1290. Il aurait même dû le placer en
1291, après avoir donné de ce passage la traduction que j'ai citée à la note précédente.
51. Georges Pachymérès : Bonn. II, p. 5175.
20 A. FAILLER

séjour en Lydie, le porphyrogénète venait juste de se marier, comme


il le laisse entendre dans son texte52, et qu'il y était, pour ainsi dire,
en voyage de noces. Et de fait, le séjour de Constantin Palaiologos,
qui précède celui de l'empereur, comme l'admettent aussi bien
Georges Pachymérés que Nicéphore Grègoras, se situe vers le
printemps ou l'été de 1290. A cette date, Constantin Palaiologos, né
dans les derniers mois de 1261, allait atteindre ses vingt-neuf ans ou,
comme l'écrit Nicéphore Grègoras, le commencement de sa trentième
année. Ainsi Nicéphore Grègoras n'apporte ni précision ni contradic
tion au récit de Georges Pachymérés.

2. Les étapes d'Andronic II en Bithynie. — On a voulu expliquer


différemment la précision chronologique que Georges Pachymérés a
donnée sur la durée du séjour, lorsqu'il écrit qu'un an avant le retour
à Constantinople la campagne de l'empereur en était déjà dans sa
deuxième année53. On accepte d'une part le terme initial que
P. Poussines a assigné au séjour d'Andronic II en Asie Mineure
(printemps 1290), mais on refuse d'autre part le terme final qu'il lui a
fixé (28 juin 1292), et on le recule d'une année (28 juin 1293)54. Et
voici par quel biais : l'empereur aurait séjourné en Bithynie durant la
première année (printemps 1290-printemps 1291), qui ne serait pas
incluse dans le décompte donné par Georges Pachymérés ; il ne serait
arrivé que la deuxième année (printemps 1291) à Nymphée, où il
aurait passé deux ans et quelques mois (printemps 1291-juin 1293).
Ainsi son absence de Constantinople aurait duré trois ans et quelques
mois (printemps 1290-juin 1293)55.
Voyons si une telle hypothèse s'harmonise avec les textes.
Examinons les deux récits qui relatent le début du séjour et qui sont
dus respectivement à Georges Pachymérés et à Georges Métochitès56.
Georges Pachymérés ne dit rien, dans le présent passage du

52. Voir la note 46.


53. Voir, ci-dessus, la note 44.
54. Si en effet le récit de Georges Pachymérès peut rentrer dans la chronologie que
lui a fixée P. Poussines (départ de l'empereur au printemps 1290 et retour le 28 juin
1292, incident entre Stratègopoulina et Irène Rhaoulaina au palais de Nymphée le
29 juin 1291), il déborde par contre la nouvelle chronologie, qui fixe la même date au
départ de l'empereur, mais retarde d'un an son retour. La nouvelle hypothèse qu'on va
examiner a pour but de résoudre cette contradiction, qui ne serait qu'apparente.
55. Cette hypothèse a été avancée d'abord par V. Laurent (La date de la mort de
Jean Beccos, EO 25, 1926, p. 319) et reprise par J. Verpeaux (Notes chronologiques
sur les livres II et III du De Andronico Palaeologo de Georges Pachymère, REB 17,
1959, p. 169-170), selon lequel «le voyage impérial en Asie Mineure a duré un peu plus
de trois ans» (p. 170).
56. Georges Métochitès, Historia dogmatica : J. Cozza-Luzi, 1 (livres 1-11) et 11
(livre III), Rome 1871 et 1905 (= A. Mai, Nova Patrum Bibliotheca, VIII/2 et X).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 21

livre VIII, de l'itinéraire et des étapes du voyage; il écrit


simplement57 : «Après avoir parcouru la région de Bithynie et
accompli, en faveur de Bekkos et des autres, ce qui a été dit il y a peu,
l'empereur se rend à Nymphée». Mais plus haut précisément, comme
on l'a vu dans le chapitre précédent, il mentionne par anticipation la
visite d'Andronic II à Jean Laskaris et son entretien avec Jean
Bekkos58. Il signale qu'Andronic II quitta Constantinople et se rendit
d'abord à Dakibyza, pour rendre visite à Jean Laskaris et lui
demander pardon des sévices que lui avait infligés son père. Ensuite il
gagna le golfe de Nicomédie, qu'il traversa à la hauteur d'Hélénopo-
lis50, et de là il envoya Théodore Mouzalôn remettre de l'argent à
Jean Bekkos et à Constantin Mélitèniôtès, le troisième détenu
(Georges Métochitès) ayant été autorisé à rentrer à Constantinople
pour soigner sa maladie80. Théodore Mouzalôn se rendit à la forteresse
de Saint-Grégoire, d'où les deux détenus descendirent ensuite pour
rencontrer l'empereur. Andronic II espérait obtenir leur réconcilia
tion avec l'Église, maintenant que la doctrine du tomos du patriarche
Grégoire II avait été, de manière tacite, plus ou moins laissée à
l'abandon et puisque, comme on le verra plus bas, l'ancien patriarche
lui-même était décédé. On se mit d'accord pour organiser une
assemblée de «personnes savantes et pieuses» à Lopadion, où
l'empereur allait se rendre. Georges Métochitès serait ramené de
Constantinople pour l'occasion. L'historien ne souffle mot de la suite
qui fut donnée au projet et ne précise même pas si l'empereur se
rendit effectivement à Lopadion. En résumé, Georges Pachymérès
donne seulement, comme jalons assurés sur l'itinéraire de l'empereur,
les points suivants : Constantinople, Dakibyza, Hélénopolis, forteres
se de Saint-Grégoire, Nymphée.
Avant de poursuivre, il convient de déterminer l'emplacement de la
forteresse de Saint-Grégoire, qui a été souvent confondue sans raison
avec celle de Saint-Georges sur le lac de Nicée61. Georges Pachymérès

57. Bonn, II, p. 1533A


58. Bonn, II, p. 10310-10510. Le doute qui peut subsister sur l'identité de la forteresse
où était détenu Jean IV Laskaris, Dakibyza ou Nikètiata (voir REB 37, 1979, p. 154-
156; nouvelle édition, I, introduction, p. xxvm), n'affecte nullement le tracé de
l'itinéraire, car les deux forteresses sont également situées sur la rive septentrionale du
golfe de Nicomédie et ne sont d'ailleurs pas très éloignées l'une de l'autre.
59. L'expression, qui est déjà employée dans le livre II (nouvelle édition, p. 169e,
avec la note 1 de la page 168), indique le point de passage le plus court pour la
traversée du golfe de Nicomédie.
60. L'information est donnée tant par Georges Pachymérès (Bonn, II, p. 1031415,
p. 1041β~17) que par l'intéressé lui-même (Métochitès, III, 13 : Cozza-Luzi, p. 326).
61. Voir, par exemple, les cas de confusion mentionnés par W.M. Ramsay, The
Historical Geography of Asia Minor, Londres 1890, p. 209.
22 A. FAILLER

est le seul à nommer la citadelle, qui, dans le récit de Georges


Métochitès, est indiquée par le nom générique de «forteresse», et le
seul à en indiquer l'emplacement approximatif. La forteresse de
Saint-Grégoire est citée à trois reprises dans l'Histoire comme lieu de
détention, d'Irène-Eulogie Palaiologina et de sa fille Theodora dans le
premier cas, de Jean Bekkos et des archidiacres dans les deux autres
cas62. Seul le deuxième passage contient des données sur l'emplace
ment de Saint-Grégoire : «la forteresse qu'on trouve à sa droite en
entrant dans le golfe d'Astakos»63. Le renseignement est mince : la
forteresse se trouve sur la rive méridionale du golfe de Nicomédie (le
golfe Astakènos ou d'Astakos). Sans le dire expressément, Georges
Pachymérès suggère qu'elle était sise en bord de mer. Dans un récit
plus vague pour le reste, Nicéphore Grègoras confirme l'emplacement
côtier du lieu de détention des unionistes : «Bekkos et ses compa
gnons sont envoyés dans un fort sur le rivage de la Bithynie»64. Sans
jamais donner un nom à la forteresse, Georges Métochitès souligne à
cinq reprises l'isolement de ce véritable nid d'aigle, situé sur une
hauteur escarpée et inaccessible aux voyageurs65. L'itinéraire suivi
par l'empereur, qui débarqua à Hélénopolis et allait vers Nicée, vient
compléter ces menues informations. La forteresse doit être cherchée
nécessairement à l'est d'Hélénopolis, sur le segment de rivage
montagneux qui s'étend sur une vingtaine de kilomètres, dont cinq
environ sont en deçà de Prainétos (aujourd'hui Karamürsel) et une
quinzaine au-delà, car le reste du rivage est bordée par une plaine
côtière. De fait, la ville de Prainétos est le point de passage normal
pour le voyageur qui se rend de Constantinople à Nicée en traversant
le golfe de Nicomédie à la hauteur d'Hélénopolis. A ma connaissance,
on ne peut préciser davantage l'emplacement de la forteresse de
Saint-Grégoire, qui était sans doute située à l'ouest de Prainétos, bien
qu'on ne soit plus, à proprement parler, à Ventrée du golfe de
Nicomédie66.

62. Bonn, II, p. 15e, 1034β, 27015.


63. τό κατά δεξιά εισπλέοντι τον Άστακηνόν κόλπον φρούριον (Bonn, II, ρ. 1034~β). La
formule peut être une réminiscence de Thucydide (I, 24, 1) : Έπίδαμνός έστι πόλις έν δεξιά
έσπλέοντι τον Ίόνιον κόλπον.
64. ίζ τι πολίχνιον των περί Βιθυνίαν παραλίων πέμπεται αμα τοις άμφ' αύτω (Bonn, I,
ρ. 17123).
65. Métochitès, Ι, 122; 111,6,9, 11, 15 : Cozza-Luzi, p. 175; ρ. 322,324,325,327.
Il précise bien que les prisonniers y furent conduits en bateau au départ de
Constantinople (I, 122 : p. 175), même si l'information n'implique pas par elle-même
que le voyage se soit fait en bateau jusqu'au bout et que la forteresse soit située en bord
de mer.
66. Il est vrai que le verbe είσπλέειν n'a pas un sens si précis. Pour lui garder une
nuance de plus grande indétermination, on pourrait le traduire par une formule plus
vague : «rentrer» (dans le golfe), «naviguer plus avant» (dans le golfe). La forteresse de
Saint-Grégoire se trouvait probablement aux alentours de Kavak Iskelesi.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 23

Dans le chapitre 15 du livre III de son Histoire dogmatique, Georges


Métochitès donne un récit plus circonstancié des tractations entre
l'empereur et les unionistes et trace mieux les étapes du voyage
impérial, après avoir cependant omis la première de celles-ci, c'est-à-
dire la visite rendue à Jean IV Laskaris : arrivé en Orient, Andronic
II vient séjourner dans un village qui se trouve au pied de la
forteresse où sont emprisonnés Jean Bekkos et Constantin
Mélitèniôtès67. De là, il envoie un message aux détenus; ceux-ci sont
autorisés à descendre au village ; ils s'entretiennent avec Théodore
Mouzalôn et avec l'empereur, et ils donnent leur accord pour la tenue
d'une conférence à Lopadion, à laquelle Georges Métochitès se
rendrait de son côté ; après avoir reçu un accueil bienveillant, ils
reviennent à la forteresse. Quant à Andronic II et à Théodore
Mouzalôn, ils se rendent à Nicée, puis à Lopadion, où l'on ne tint pas
la conférence qui avait été envisagée. Au début du chapitre 17,
Georges Métochitès signale que, après leur séjour à Lopadion, le
souverain et son entourage gagnent Nymphée68.
C'est précisément sur ces passages de Georges Métochitès que
V. Laurent et, à sa suite, J. Verpeaux se fondent pour affirmer que le
voyage en Bithynie occupa la première année du séjour d'Andronic II
en Orient. Voici ce qu'écrit V. Laurent69, en soulignant lui-même les
données chronologiques qui fondent sa déduction : l'empereur «resta
quelque temps près de Brousse, dans l'espoir de convertir Jean Beccos ;
il fit ensuite un séjour long à Nicée, un autre très long à Lopadion, un
troisième plus long encore à Nymphée. Or, cette dernière étape fut à
elle seule de plus de deux ans». J. Verpeaux reprend cette analyse70 :
«Ce voyage a comporté quatre étapes : Brousse, Nicée, Lopadion,
Nymphée, de plus en plus longues au dire de Georges Métochite et la
dernière ayant duré, selon le témoignage de Pachymère, plus de deux
ans». Remarquons d'abord que la première étape n'est pas Brousse71,
qui se trouve loin du golfe de Nicomédie, mais le village situé au pied
de la forteresse de Saint-Grégoire. L'empereur emprunta l'itinéraire
suivant : Dakibyza, Hélénopolis, un village près de Saint-Grégoire,
Nicée, Lopadion, Nymphée. Entre Nicée et Lopadion, la route passe
bien par Brousse, mais aucun texte ne signale une halte, même brève,

67. Métochitès, III, 15 (Cozza-Luzi, p. 327) : κατασκηνοϊ μέν ό κρατάρχης εν τινι κώμη
περί τους πρόποδας τοϋ ορούς έφ' ου περιίστατο τό πολίχνιον.
68. Métochitès, III, 17 : Cozza-Luzi, p. 328-329.
69. V. Laurent, La date de la mort de Jean Beccos, EO 25, 1926, p. 318-319.
70. J. Verpeaux, Notes chronologiques sur les livres II et III du De Andronico
Palaeologo de Georges Pachymère, REB 17, 1959, p. 169.
71. Brousse fut le premier lieu de détention de Jean Bekkos, avant le synode de
1285, qui fut suivi de sa relégation définitive à Saint-Grégoire. Là est probablement la
source de la confusion commise par V. Laurent et, à sa suite, par J. Verpeaux.
24 A. FAILLER

dans cette ville. L'erreur commise par V. Laurent concernant le


passage à Brousse ne change d'ailleurs en rien l'évaluation de la durée
du voyage, mais les indications chronologiques qu'il a relevées dans le
texte de Georges Métochitès sont trop vagues pour autoriser des
conclusions aussi catégoriques. Il est imprudent et sans doute vain de
chercher à établir la durée d'un long séjour à partir de données aussi
imprécises.
Mais, même si cette analyse était fondée et si le souverain avait
passé une année entière en Bithynie (printemps 1290-printemps 1291),
avant de se rendre à Nymphée et d'y séjourner encore deux ans et
quelques mois (printemps 1291-juin 1293), le problème ne serait pas
résolu pour autant. En effet, lorsque Georges Pachymérès écrit que,
au moment de la réception qui se fit chez l'impératrice le 29 juin de
l'année précédant le retour à Constantinople, c'était la deuxième année
de campagne de l'empereur, il veut dire, de manière claire, que
l'empereur avait quitté Constantinople depuis plus d'un an, non qu'il
se trouvait à Nymphée depuis plus d'un an72, après avoir fait en
Bithynie un premier séjour dont la durée ne serait pas comptabilisée
dans ce chiffre. Il faudrait donc que l'empereur fût revenu à
Constantinople en 1292, selon la chronologie logique établie par
P. Poussines. Ajoutons que le titre du chapitre 18 de l'Histoire
(Départ de l'empereur pour Nymphée) suggère également que
Nymphée fut le but direct et immédiat du séjour en Asie Mineure. De
plus, à propos des ambassadeurs italiens qui accompagnent l'emper
eur,l'historien précise, sans faire état d'un tel intermède d'un an en
Bithynie, qu'ils se rendent avec lui à Nymphée73.

3. La dale de la mort du patriarche Grégoire II. — Le point initial du


séjour en Asie Mineure peut-il être plus précisément placé sur l'espace
indéterminé qu'on vient de lui fixer : vers septembre 1290-vers le
printemps 1291 ? Il faut à présent prendre en compte un autre
événement : la mort de l'ex-patriarche Grégoire II. Georges Pachy-

72. La traduction qu'a faite P. Poussines de ce passage est ambiguë : «altero


currente anno ex quo imperator castra illic habebat» (Bonn, II, p. 154). Au premier
abord, l'adverbe pourrait s'entendre en deux sens différents : à Nymphée ou en Asie
Mineure. Seul le second est acceptable ; mais P. Poussines s'empresse au contraire de
préciser dans ses notes (Bonn, II, p. 784) que l'adverbe, absent de l'original grec,
s'applique uniquement au séjour à Nymphée. Il est vrai que, pour P. Poussines, une
telle déduction ne change guère l'ensemble de la chronologie, car il considère que le
séjour en Bithynie dure peu de temps, moins de deux mois (c'est d'ailleurs une
évaluation raisonnable et plus plausible que celle présentée par V. Laurent pour les
besoins de sa démonstration) : parti en avril de Constantinople, l'empereur est à
Nymphée en juin {ibidem, p. 783, 784, 785).
73. Bonn, II, p. 153151β.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 25

mérès la mentionne dans le chapitre précédant le récit du séjour en


Asie Mineure74 : elle est donc immédiatement antérieure au départ de
l'empereur. En accord avec l'historien, Georges Métochitès ajoute
même qu'elle coïncida précisément avec le départ de l'empereur pour
l'Orient75. Mais on peut, et on doit sans doute, placer un certain laps
de temps entre la mort du patriarche et le départ de l'empereur et ne
pas entendre l'affirmation de Georges Métochitès d'une manière
rigoureuse et littérale76. Ces diverses données obligent donc également
à reconsidérer la date qui est habituellement assignée à la mort de
Grégoire II : 1290. Le Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit
précise même que la mort de l'ancien patriarche doit être placée dans
la première moitié de l'année : «1290 (1. H.)»77. Une telle conclusion,
dans sa précision, est probablement fondée sur la prémisse implicite
que l'ancien patriarche n'a pas survécu plus d'un an à sa démission
(juin 1289). Mais la date de la mort de Grégoire II n'est, à ma
connaissance, fournie par aucun texte. La date de 1290 est une simple
approximation, bien qu'on la lise avec une constance absolue dans
tous les articles et notices qui concernent le patriarche, sans
qu'apparaissent jamais le moindre point d'interrogation ou la
moindre réticence. Elle semble découler en effet logiquement du texte
de Georges Pachymérès : après avoir mentionné l'élection du
successeur de Grégoire II, le 14 octobre 1289, et l'invasion du
patriarcat, «peu après»78, par les moines de l'entourage d'Athanase le
nouveau patriarche, l'historien consacre un court chapitre (VIII, 17) à
la disparition de l'ancien patriarche : «Comme on en était là, l'ancien
patriarche Grégoire, consumé par une longue maladie et, comme
certains le prétendaient, par la mesquinerie à cause du mépris où il
était tenu, finit sa vie peu de temps après»79. Suit le récit du voyage de

74. Bonn, II, p. 1521215.


75. Φθάνει μέντοι καί Κύπριος έκμετρήσαι τα της ζωής, μικρόν δσον έπιβιούς μετά τήν έκ τοϋ
θρόνου κατέλευσιν, εν αΰταΐς εξόδοις ταΐς προς τήν Ιω τοϋ αύτοκράτορος συν Μουζάλωνι
(Métochitès : Cozza-Luzi, III, p. 329). Dans le récit de Georges Métochitès, la mort du
patriarche Grégoire II de Chypre (sans doute en 1290) est mentionnée après celle de
Théodore Mouzalôn (en 1294) ; le narrateur, qui lie constamment le sort des deux
hommes et voit en eux la source des malheurs de l'Église et des siens propres, se
contente d'abord d'écrire que Grégoire II était mort avant Théodore Mouzalôn et
précise ensuite qu'il mourut au moment du départ du souverain pour l'Orient. Cette
indication est certainement correcte, même si Georges Métochitès n'écrit qu'en 1303,
car il venait d'être lui-même rapatrié à Constantinople au moment où l'empereur partit
pour l'Orient.
76. Les ordres que, d'après Georges Pachymérès (Bonn, II, p. 1521*19), l'empereur
donna pour l'enterrement de l'ancien patriarche montrent, à tout le moins, qu'il était
encore présent à ce moment-là à Constantinople.
77. PLP, n« 4590.
78. 'Ολίγον το μεταξύ (Bonn, 11, p. 147le).
79. Bonn, II, p. 1521215. Voici la fin du texte : μετ' ού πολύ τελευτα τον βίον.
26 A. FAILLER

l'empereur à Nymphée (VIII, 18). P. Poussines considère que


Grégoire tomba malade dans les derniers mois de 1289 ou le premier
mois de 1290 et qu'il mourut «vers le mois de mars»80. C'est une
approximation raisonnable, mais elle est avancée sans preuve. La
mort du patriarche doit être postérieure de plusieurs mois, d'après les
autres éléments du récit.
De son côté, Nicéphore Grègoras est encore plus vague, et sa
chronologie ne mérite d'ailleurs pas, en règle générale, le crédit qu'on
lui a trop souvent prêté, comme on l'a montré une nouvelle fois au
début du présent chapitre. Voici, dans leur brièveté et leur
imprécision, les éléments de son récit : après sa démission, Grégoire II
se retira au monastère des Hodègoi ; il est invité bientôt81 par
Theodora Rhaoulaina à venir résider près de son monastère de Saint-
André de Krisis, où il meurt peu après82.
Comme la simultanéité des deux événements signalée par Georges
Métochitès, même si elle n'est pas entendue avec une exactitude
rigoureuse et absolue, au jour ou à la semaine près, doit cependant
être retenue, une même date peut être attribuée à la mort de
Grégoire II et au départ d'Andronic II pour l'Orient : très probable
ment deuxième moitié de 1290 ou, à la rigueur, première moitié de
1291. Le passage de l'empereur à Dakibyza et aux pieds de la
forteresse de Saint-Grégoire, que P. Poussines plaçait vers mai 129083,
doit être retardé de manière identique. Mais une même indéterminat
ion affecte les deux faits et rejaillit également sur la question posée
dans le chapitre précédent, car la visite d'Andronic II à l'ancien
empereur Jean Laskaris et son entretien avec Jean Bekkos et
Constantin Mélitèniôtès suivent immédiatement son départ de
Constantinople.
4. Quelques autres événements. — Georges Pachymérès mentionne
quelques autres faits susceptibles d'éclairer la chronologie du séjour
impérial à Nymphée. Mentionnons d'abord l'ambassade italienne, qui
accompagna l'empereur dans son voyage. Andronic II emmena avec
lui les ambassadeurs italiens84, qui étaient venus traiter du mariage
de Michel IX Palaiologos avec Catherine de Courtenay et que l'auteur
de l'Histoire rencontra plus tard personnellement à Nymphée85. La
précision chronologique manque là aussi, tant pour le voyage de

80. Bonn, II, p. 783.


81. δια βραχέος (Bonn, I, p. 17821).
82. χρόνου βραχέος παραρρυέντος (Bonn, I, p. 1791). Le récit de Grègoras, plus pauvre
que celui de Pachymérès, concorde avec lui pour les éléments qu'il contient.
83. Bonn, II, p. 783.
84. Bonn, II, p. 1531518.
85. Bonn, II, p. 15423.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 27

Georges Pachymérès que pour la durée du séjour des ambassadeurs.


Mais les tractations en vue de ce mariage, qui finalement ne fut pas
conclu, sont attestées ailleurs à cette date : vers juin 1291, des
ambassadeurs byzantins étaient présents en Apulie pour la même
affaire86. On peut penser que ces derniers furent envoyés en Occident
après l'arrivée à Constantinople des émissaires latins qui se rendirent
à Nymphée avec l'empereur dans la deuxième moitié de 1290 ou la
première moitié de 1291.
C'est également en l'absence de l'empereur qu'un grave incendie
éclata à Constantinople à la mi-novembre 1291 87. Georges Pachymér
ès indique qu'à cette date l'empereur résidait à Nymphée88. Mais
cette donnée ne permet pas de préciser la date de son départ de la
capitale, car, en toute hypothèse, Andronic II se trouva à Nymphée
au plus tard à partir de juin 1291. Par contre, on peut sans doute
invoquer ce récit à l'appui de la date de retour de l'empereur : juin
1293, et non juin 1292, comme l'avait proposé P. Poussines. Selon
Georges Pachymérès, après l'incendie les habitants «rebâtissent de
manière plus grandiose, en l'absence de l'empereur, de sorte que le
malheur exista seulement pour ses oreilles, mais non pour sa vue elle-
même. Lorsqu'en effet il arrive, on avait rebâti avec plus d'éclat, et la
délectation de la vue effaça l'amertume de l'ouïe chez un spectateur
réjoui»89. On peut juger qu'un tel travail de reconstruction et de
restauration aura nécessité plutôt dix-huit mois que six mois90.
Un autre fait est rapporté beaucoup plus loin (livre X)91, qui se
déroula également au cours du séjour d'Andronic II à Nymphée : le
fils de Ίζζ al-Din, Masour Mélèk, voulut se réfugier auprès de
l'empereur à Constantinople. Il se rendit dans la capitale, d'où on le
conduisit vers Nymphée, où l'empereur résidait alors. Cependant,
arrivé près d'Atrammytion, il changea brusquement d'avis et fit
demi-tour. Mais les pérégrinations de Masour Mélèk sont mal datées

86. F. Döi.ger, Regesten, n° 2143 (avant juin 1291). Les ambassadeurs italiens
étaient toujours présents à Constantinople au moment du couronnement de Michel IX,
dans l'année qui suivit le retour à Constantinople (21 mai 1294) ; voir Bonn, II, p. 19513~
16
87. Bonn, II, p. 1 78e 7 9.
88. Bonn, II, p. 17820.
89. Bonn, II, p. ISO4"8.
90. Il faut avouer cependant que la force de l'argument est toute relative ; on ignore
en effet l'étendue des dégâts et l'importance de la reconstruction, car il est difficile de
déterminer la portée réelle des termes littéraires que l'auteur utilise pour décrire le
sinistre. Ajoutons que, dans la chronologie de P. Poussines, six mois seulement
séparent l'incendie du retour de l'empereur à Constantinople (novembre 1291-juin
1292). sans que le premier éditeur de l'Histoire se soit étonné d'une reconstruction aussi
rapide (Bonn, II, p. 784).
91. Bonn, II, p. 328520.
28 A. FAILLER

et elles ne peuvent fournir de références chronologiques pour le séjour


qu'Andronic II fit à Nymphée.
Ainsi la confrontation des textes ne permet pas d'aboutir à une
conclusion précise et définitive sur la date à laquelle l'empereur quitta
Constantinople et qui est également la date du décès du patriarche
Grégoire II. Le contexte général suggère que ce fut à l'été ou, encore
plus probablement, à l'automne 1290, mais on ne peut pas non plus
exclure absolument l'hiver 1290-1291 ou le début du printemps 1291.
On peut affirmer seulement que l'empereur atteignit Nymphée au
plus tard en juin 1291, après avoir fait étape successivement à la
forteresse de Dakibyza, au village situé au pied de la forteresse de
Saint-Grégoire, à Nicée et à Lopadion.

4. La révolte d'Alexis Philanthrôpènos (IX, 9-14)

La chronologie des faits rapportés dans le livre IX est aujourd'hui


bien établie. Le couronnement et le mariage de Michel IX Palaiologos
sont datés de manière sûre, la révolte d'Alexis Philanthrôpènos de
manière à peu près sûre. Néanmoins, il n'est pas inutile de présenter
dans son ensemble la chronologie de ces faits à partir du Tableau
dressé par P. Poussines, car cela permettra d'exposer les conclusions
auxquelles le premier éditeur avait abouti et de les expliquer, et
fournira une nouvelle occasion d'illustrer la structure de l'Histoire et
les procédés de composition utilisés. L'exposé sera centré sur la
révolte d'Alexis Philanthrôpènos, car, dans le passage pris en compte,
c'est le seul épisode dont la date puisse être encore discutée. Voici en
quels termes le problème peut être posé : étant donné que, comme
l'écrit Georges Pachymérès, Alexis Philanthrôpènos fut aveuglé vers
Noël92, est-ce bien en 1295, comme on l'admet aujourd'hui, ou en
1296, comme l'a cru P. Poussines?
1. Le Tableau chronologique de P. Poussines. — A partir du Tableau
que P. Poussines présente à la fin du second volume de l'édition93, on
peut reconstituer, pour le livre IX, la chronologie suivante, en y
incluant les derniers chapitres du livre VIII pour mieux marquer
l'enchaînement des faits :
1294 janvier VIII, 28 Accession du moine Kosmas au patriarcat
mars VIII, 29 Condamnation synodale du porphyrogénète
VIII, 30 Entreprises démesurées du Bulgare Lachanas
printemps VIII, 31-32 Mort de Théodore Mouzalôn et son remplacement

92. Bonn, II, p. 229910.


93. Bonn, II, p. 843-847.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 29

1295 mai IX, 1


mai IX, 2
IX, 3
IX, 4

janvier IX, 5-6


IX, 7
ix, 8
IX, 9
juin IX, 15
IX, 16-17
juillet IX, 18-19
décembi re IX, 20-21
décembi re IX, 10-11
janvier ix, 12-14
IX, 22
septem t >re IX, 24
30 A. FAILLER

bonne chronologie dans les Notes98, qui précèdent le Tableau, et cela


malgré les erreurs du texte, qui ne sont peut-être pas de simples
coquilles typographiques et qui ont pu égarer l'auteur lui-même, dans
un deuxième temps, au moment où il a dressé le Tableau.
Dans le premier paragraphe du chapitre III des Notes,
P. Poussines écrit que le moine Kosmas devint patriarche kalendis
Ianuarii anni Christi 1293. Il faut évidemment lire 1294, comme
P. Poussines l'écrit ailleurs dans ses Notes et l'inscrit dans son
Tableau. Il ajoute que Michel IX Palaiologos fut couronné au mois de
mai suivant, et plus précisément le 21 mai, mais il ne mentionne pas
l'année. Dans le deuxième paragraphe des Notes, il date expressément
le couronnement de mai 1294. Cette date est nécessairement la bonne,
car le raisonnement de P. Poussines est fondé sur l'argumentation
suivante : Andronic II attendait l'installation du nouveau patriarche
(1er janvier 1294) pour procéder au couronnement de son fils, qui eut
donc lieu en mai 1294 et que P. Poussines n'entend nullement
repousser jusqu'en mai 1295". Mais, dans le troisième paragraphe des
Notes, il place le mariage de Michel IX ad diem 16 Ianuarii anni
Christi 1296, bien que le récit de l'historien le situe clairement
quelques mois après le couronnement. Une telle datation impliquerait
à nouveau que le couronnement fût placé en mai 1295. Il est possible
que cette confusion des chiffres dans les Notes se trouvait déjà sur le
manuscrit de P. Poussines et qu'elle a causé une nouvelle méprise
dans le Tableau. Malgré les erreurs du texte imprimé des Notes,
P. Poussines avait donc correctement daté de 1294 et de 1295 le
couronnement et le mariage de Michel IX Palaiologos, qu'il retarde
d'une année et place respectivement en 1295 et 1296 dans son
Tableau. Le fait que le chapitre III des Notes n'établisse pas ces
dates pour elles-mêmes et ait pour but premier de fixer la date à
partir de laquelle court le règne de Michel IX Palaiologos ne grève en
rien l'exactitude des conclusions auxquelles P. Poussines aboutit sur
le plan de la chronologie de l'ensemble des événements. En un mot, le
passage à l'année 1295 n'aurait pas dû être marqué dans le Tableau à
la hauteur de IX, 1, mais de IX, 5-6, tandis que le passage à l'année

98. Bonn, II, p. 785-787, 788, 790.


99. Or, dans le Tableau chronologique (Bonn, II, p. 844), le couronnement de
Michel IX figure comme deuxième événement de l'année 1295. Dès 1679, M. David
(Animadversiones in observationes chronologicas R.P. P. Possini è Societatis Iesu ad
Pachymerem, Dijon 1679, p. 45) avait relevé cette contradiction et noté que
P. Poussines entendait bien placer le couronnement en 1294, et non en 1295, comme le
Tableau chronologique le porte par erreur : «concedo ibi annum 1295. per inaduerten-
tiam à Possino inscribi»; à ce propos, voir ci-dessous, p. 251. Voir aussi J. Verpeaux,
Notes chronologiques sur les livres II et III du De Andronico Palaeologo de Georges
Pachymère, REB 17, 1959, p. 170-173.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 31

1296 aurait dû être à son tour décalé plus bas, à une place qu'il s'agit
à présent de fixer et qui est précisément en rapport avec la seconde
anomalie mentionnée plus haut.
La seconde anomalie que présente le Tableau chronologique de P.
Poussines concerne l'épisode d'Alexis Philanthrôpènos (IX, 9-14).
Alors que les événements précédents et suivants seraient rapportés
dans un ordre chronologique strict, ce passage constituerait, selon le
premier éditeur de l'Histoire, une longue anticipation. Le Tableau qui
a été reproduit plus haut montre en effet comment a été interprété le
récit : le chapitre 9 (Succès militaires d'Alexis Philanthrôpènos) se
situerait sur la ligne chronologique du contexte, tandis que les
chapitres 10-14 (Capture et aveuglement d'Alexis Philanthrôpènos,
Communication de ces nouvelles à l'empereur) seraient une longue
anticipation ; celle-ci pourrait en effet être justifiée par le mode de
composition qu'on a vu l'auteur adopter à maintes reprises et qui
consiste à transcender l'ordre chronologique, quand la logique du récit
y invite.
La structure générale du récit dans l'Histoire ne permet donc pas
d'écarter a priori cette hypothèse. Celle-ci s'avère néanmoins très
aléatoire, car le chapitre 9 ne contient aucun fait important et précis
qui mérite de figurer à son ordre chronologique, le reste étant alors
déroulé pour les besoins d'une narration continue. Ce n'est pas
davantage le début des opérations d'Alexis Philanthrôpènos en Asie
Mineure que l'historien entend dater en insérant ici ce récit, car celles-
ci ont duré plusieurs années et, qu'elles se terminent à Noël 1295 ou à
Noël 1296, elles commencent de toute manière bien avant les
événements rapportés précédemment et dont l'un (IX, 5-6 : Mariage
de Michel IX avec Marie d'Arménie) est daté de manière précise :
janvier 1295 (1296 par erreur, comme on l'a vu, sur le Tableau de
P. Poussines). Le chapitre 9 est seulement une introduction à ce qui
suit. En conséquence, la ligne chronologique doit être cherchée dans
ce qui suit. Logiquement, ce sont donc les faits relatés dans les
chapitres 10-14 qui correspondent au contexte sur le plan de la
chronologie. L'ensemble des faits tient sur une année et se termine
par l'aveuglement d'Alexis Philanthrôpènos à Noël 1295 et l'arrivée
de la nouvelle à Constantinople le mois suivant. Ainsi, le contexte
invite à placer en 1295 l'écrasement de la rébellion qui fut organisée
par Alexis Philanthrôpènos et qui eut comme épilogue l'aveuglement
de ce dernier.
2. Le Tableau chronologique de P. Poussines rectifié. — En fait, le
Tableau chronologique de P. Poussines semble fondé en partie sur une
méprise de l'éditeur lui-même, qui, après avoir bien analysé les
données chronologiques de l'Histoire dans les Notes, a mal transcrit
les résultats sur son Tableau. En d'autres termes, tout le passage
32 A. FAILLER

(VIII, 28 à IX, 24) intéressé par le Tableau chronologique reproduit


au début de ce chapitre, qui concerne effectivement les quatre années
1294-1297, donne un récit rigoureusement continu sur le plan de la
chronologie.
Reprenons maintenant le Tableau du début, en corrigeant la
chronologie de P. Poussines sur les deux points qui viennent d'être
examinés :
1294 Janvier
janvier VIII, 28
mars VIII, 29
VIII, 30
printemps VIII, 31-32
mai IX, 1
mai IX, 2
IX, 3
IX, 4
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 33

le deuxième groupe d'événements (capture et aveuglement d'Alexis


Philanthrôpènos, transmission des nouvelles à l'empereur) soit
également à avancer d'une année, et à placer en 1295-1296, non en
1296-1297. On a vu que l'erreur dans la datation du premier groupe
d'événements est due, dans le Tableau de P. Poussines, à une
distraction de l'éditeur, qui, après avoir établi une chronologie
correcte, a commis quelques confusions graves en l'exposant dans ses
Notes et a transposé ensuite ces erreurs dans son Tableau chronologi
que. Il est probable que cette première erreur en a entraîné une
seconde, concernant cette fois l'épisode d'Alexis Philanthrôpènos,
dont la chronologie n'est jamais évoquée par l'éditeur dans les Notes,
mais exposée seulement dans le Tableau chronologique.
Il faut admettre cependant que l'Histoire de Georges Pachymérès
ne garantit pas de manière absolue la chronologie qu'on vient
d'exposer pour l'épisode d'Alexis Philanthrôpènos et que les rapports
de succession ou de simultanéité des événements ne sont pas
explicitement marqués, sans compter qu'on ne peut jamais exclure
totalement une erreur de l'historien. Cependant, la dernière année de
campagne d'Alexis Philanthrôpènos se déroule à peu près sûrement
après le 16 janvier 1295 (Mariage de Michel IX avec Marie d'Arménie)
et avant le 1er juin 1296 (Tremblement de terre). Le chapitre 15, qui
commence par l'adverbe «Alors»101, signale le différend entre les
Génois et les Vénitiens, présenté ensuite comme contemporain du
tremblement de terre du 1er juin 1296. Cet adverbe se rattache à la
phase finale du séjour d'Alexis Philanthrôpènos en Asie Mineure et
enjambe le chapitre 14, qui évoque la situation désastreuse survenue
en Orient après l'aveuglement de ce général et dont la fin marque
clairement que l'auteur anticipe sur les événements : «Mais cela se
passa plus tard»102. Dès lors, il est impossible de placer la phase finale
de la rébellion d'Alexis Philanthrôpènos, qui est datée du mois de
décembre, après le tremblement de terre du 1er juin 1296.
C'est donc en décembre 1295 que le sort d'Alexis Philanthrôpènos
fut définitivement scellé et que sa carrière se termina avec sa capture
et son aveuglement. Selon Georges Pachymérès, le général commanda
en Orient pendant plusieurs années103. De fait, Maxime Planoudès
signale dans une lettre l'activité de ses troupes au large de Smyrne dès
1294 : le patriarche Athanase d'Alexandrie, envoyé en ambassade
pour négocier le mariage de Michel IX avec une princesse arménienne
ou chypriote, dut son salut à l'apparition d'une trière d'Alexis

101. Τότε (Bonn. H, p. "23214).


10'.?. Άλλα ταϋτα μεν ύστερον (Bonn. Π, p. 23213).
103. επί χρόνοις (Bonn, II. p. 2101011).
34 A. FAILLER

Philanthrôpènos104. La capture du général et son aveuglement eurent


lieu vers Noël 1295105; il avait fait ouvertement dissidence peu de
temps auparavant, car la rébellion avait été organisée rapidement106
et la nouvelle n'en était parvenue à Constantinople que le 1er janvier
1296107. Six jours plus tard, c'est-à-dire probablement le 6 janvier
1296108, en fin de journée, l'empereur apprenait la fin de la rébellion.
Le 6 janvier est le jour de l'Epiphanie.
3. Les données chronologiques des autres sources. — La rébellion
d'Alexis Philanthrôpènos est signalée également par Maxime Planou-
dès, comme on vient de le noter, et par Nicéphore Grègoras, dont
le récit, puisé sans doute directement dans l'Histoire de Georges
Pachymérès, mérite d'être cité. Le contenu de la relation et l'ordre
des matières lui-même rendent manifeste cette dépendance. Le
parallélisme des récits des deux historiens apparaîtra clairement dans
le tableau suivant, établi sur le même modèle que les précédents109 :
VI, 7, 4 Accession du moine Kosmas au patriarcat.
Couronnement de Michel IX Palaiologos.
VI, 8, 1-2 Mariage de Michel IX avec Marie d'Arménie.
VI, 8, 3 Succès militaires d'Alexis Philanthrôpènos.
VI. 8. 4-8 Capture et aveuglement d'Alexis Philanthrôpènos.
VI, 9, 1 Tremblement de terre.
Le récit contient deux données chronologiques, absentes du modèle
que fournissait l'Histoire de Georges Pachymérès : Nicéphore Grègor
as affirme qu'Alexis Philanthrôpènos se rendit à Nymphée en moins
de dix jours, depuis son quartier général de Philadelphie sans doute, et
qu'il fut aveuglé trois jours après sa capture110. On peut se demander

104. M. Treu, Maximi monachi Planudis epistulae, Bratislava 1890, p. 14638; sur
l'ambassade, voir F. Dölger, Regesten, n° 2157a (vers l'été 1294).
105. μηνός σκιροφοριώνος, περί που τας χριστουγεννίους ημέρας (Bonn, II, p. 229910).
106. Bonn, II, p. 2291213.
107. έκατομβαιώνος δέ πρώτη (Bonn. Il, p. 22910).
108. Άλλ' έξ εκείνου ουπω παρήλθεν ή έκτη (Bonn, II, p. 23017). On peut hésiter sur le
sens de la phrase et se demander si l'historien veut indiquer le 6 ou le 7 janvier. On s'en
tiendra à l'interprétation qu'en a donnée le rédacteur de la version brève : 'Αλλ' ουπω
παρήλθεν ή τοϋ μηνός έκτη.
109. Grègoras : Bonn, I, p. 1933-20214.
110. Bonn, I, p. 20020 et p. 2011819. Dans une mention postérieure, Nicéphore
Grègoras (Bonn, I, p. 3601318) écrit que le supplice infligé à Alexis Philanthrôpènos
était vieux de trente-huit ans au moment de l'avènement du patriarche Isaïe
(11 novembre 1323). L'affirmation est manifestement fausse, car on serait alors reporté
à l'année 1285 (1323 — 38 = 1285). Si l'on admet une erreur de dix ans, il est possible
que l'historien connaisse en effet la date exacte de l'aveuglement d'Alexis
Philanthrôpènos (1323 — 28= 1295), mais ce n'est qu'une supposition; voir aussi la
note de J. Boivin : Bonn, II, p. 1230.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 35

si l'historien ne procède pas à une simple estimation plutôt qu'il ne


dispose d'une réelle information nouvelle. En dehors de ces deux
chiffres, le récit de Nicéphore Grègoras ne contient aucun élément de
datation111. Le tremblement de terre (1er juin 1296) est simplement
présenté comme contemporain du supplice infligé à Alexis
Philanthrôpènos (début 1296) : «A ce moment-là»112. L'expression
apparaît comme une simple reprise de l'adverbe de temps employé
par Georges Pachymérès («Alors»)113.
Parmi les faits qu'on vient d'examiner dans le but d'en fixer la
date, deux sont également mentionnés dans des chroniques brèves. Le
premier est le couronnement de Michel IX Palaiologos, que la
précieuse Chronique brève de 1352 date de l'année 6802 (septembre
1293-août 1294)114 : elle confirme ainsi la date (21 mai 1294) retenue
par P. Poussines dans ses Notes et infirme la date inscrite par le
même dans son Tableau, à la suite d'une erreur ou d'une distraction.
Le second fait est l'aveuglement d'Alexis Philanthrôpènos, qui est
signalé par deux notices appartenant soit à une seule chronique soit à
deux chroniques étroitement apparentées115. L'aveuglement du «pin-
kernès», dans lequel les dates données obligent en effet à voir Alexis
Philanthrôpènos, est daté par le premier texte du 30 mars 6801
(30 mars 1293) et par le second texte de l'année 6805 (septembre 1296-
août 1297). Les deux notices sont erronées. L'éditeur des chroniques
brèves propose de voir dans la première date (30 mars 1293) celle du
départ d'Alexis Philanthrôpènos pour l'Asie Mineure ; c'est en effet
plausible, puisque, comme on l'a vu, le général y avait déjà passé
plusieurs années, lorsque sa rébellion échoua en décembre 1295, et
qu'il y était en tout cas présent en 1294. Il faut toutefois se garder
d'attribuer une valeur sûre à des textes qu'on a commencé par
corriger pour les rendre conformes à ce qu'on a cru y découvrir. Le
second texte est plus clair, mais il donne lui aussi une information
apparemment erronée : Alexis Philanthrôpènos aurait été aveuglé en
l'année 6805 (septembre 1296-août 1297), c'est-à-dire vers le 25 dé-

111. Les dates que J.L. van Dieten (Nikephoros Grègoras. Bhomäische Geschichte.
Historia rhomaïke, I, Stuttgart 1973, p. 165-168) a insérées dans sa traduction risquent
d'induire le lecteur en erreur; elles sont en effet approximatives ou inexactes : 1295 (au
lieu de 1293 probablement) pour le début de la campagne d'Alexis Philanthrôpènos en
Orient, fin 1296 (au lieu de décembre 1295) pour son aveuglement, 1er janvier 1296 (au
lieu de 1er juin 1296) pour le tremblement de terre. On corrigera dans le même sens la
note 348 de cet ouvrage (p. 277).
112. Κατά τούτον μέντοι τόν χρόνον (Bonn, I, p. 2027).
113. Voir la note 101.
1 14. Voir les références de la note 97.
115. P. Schreiner, Die byzantinischen Kleinchroniken, I, Vienne 1975, p. 194-195;
II, Vienne 1977, p. 213-215.
36 A. FAILLER

cembre 1296, si l'on retient par ailleurs que, comme l'écrit Georges
Pachymérès, on lui infligea ce supplice vers Noël.
Mais on a vu que l'événement doit être placé un an plus tôt, vers
Noël 1295. Cependant, la date indiquée par la Chronique coïncide
ainsi avec la date donnée par P. Poussines, dans son Tableau du
moins, car les contradictions entre les Notes et le Tableau ne
permettent pas de voir quel jugement le premier éditeur de l'Histoire
avait porté sur l'enchaînement réel des faits. Toujours est-il que les
deux témoignages se sont renforcés mutuellement, celui du Tableau
chronologique de P. Poussines et celui de la chronique brève, dont la
notice fut publiée par J. Boivin dès le début du 18e siècle, dans son
commentaire à l'édition de l'Histoire de Nicéphore Grègoras116. Il est
probable que c'est le Tableau chronologique de P. Poussines qui a
imposé cette date de 1296 dans l'historiographie postérieure, plutôt
que la publication de la notice de la chronique brève une quarantaine
d'années plus tard117.
Le présent chapitre aboutit donc à des conclusions déjà établies de
longue date, en particulier par P. Schreiner118 ou Angeliki Laiou119.
Le but était avant tout d'exposer la structure du récit dans ce
livre IX, d'illustrer les méthodes de travail du premier éditeur de
l'Histoire et de confirmer, par d'autres voies, des résultats déjà

116. Grègoras : Bonn, II, p. 1197.


117. P. Schreiner (Die byzantinischen Kleinchroniken, II, p. 214) pense au contraire
que l'introduction de la date fautive de 1296 dans la recherche ultérieure est due à J.
Boivin.
118. P. Schreiner, Studien zu den Βραχέα Χρονικά, Munich 1967, p. 181-185; Idem,
Zur Geschichte Philadelpheias im 14. Jahrhundert (1293-1390), OCP 35, 1969, p. 376-
383; Idem, Die byzantinischen Kleinchroniken, II, p. 213-215. Par contre, l'identifica
tion des personnes ou des titres n'est pas exempte de confusion dans ces études : on ne
voit pas comment le «pinkernès» de la chronique pourrait être le « prôtosébastos Alexis
Philanthrôpènos» (p. 213) : c'est le frère d'Alexis qui est prôtosébastos. Le gouverneur
qui se saisit d'Alexis Philanthrôpènos n'est pas «Constantin Libadènos» (Die
byzantinischen Kleinchroniken, II, p. 214), personnage d'ailleurs inconnu, mais Libada-
rios (PLP, n° 14859), auquel il est hasardeux par ailleurs d'attribuer le prénom de
«Constantin» (OCP 35, p. 383). D'autre part, le «pinkernès» de la chronique 23, Alexis
Philanthrôpènos, ne saurait être en même temps «prôtosébastos» (OCP 35, p. 376, avec
la note 1 ; Die byzantinischen Kleinchroniken, II, p. 213). Les deux dignités (13e et
14e rang dans la liste des Offices du Pseudo-Kôdinos : J. Verpeaux, p. 137910), qui se
suivent dans la hiérarchie aulique, s'excluent évidemment. L'erreur est due à une
mauvaise interprétation du texte de Georges Pachymérès (Bonn, II, p. 210e), où
l'insertion d'une virgule entre les mots τιμηθέντος et πιγκέρνης faciliterait l'intelligence
du texte. Le frère aîné d'Alexis Philanthrôpènos était prôtosébastos (13e rang), tandis
que lui-même était pinkernès (14e rang).
119. Angeliki Laiou, Constantinople and the Latins. The Foreign Policy of
Andronicus II. 1282-1328, Cambridge Mass. 1972, p. 80-84; Eadem, Some Observations
on Alexios Philanthrôpènos and Maximos Planoudes, Byzantine and Modem Greek
Studies 4, 1978, p. 89-99.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 37

acquis. En conclusion, on peut affirmer, avec une certitude à peu près


absolue, qu'Alexis Philanthrôpènos fut privé de la vue en décembre
1295. Les études qui présentent une autre chronologie s'inspirent
généralement du Tableau chronologique de P. Poussines, sans faire
état d'autres sources ou apporter d'argumentation nouvelle.

5. Le séjour d'Andronic II À Thessalonique (IX, 33-X, 8)

La fin du livre IX (ch. 25-33) couvre, en peu de chapitres, les


événements des années 1297 et 1298 (septembre 1297-décembre 1298).
Seul le chapitre 26, qui traite des relations entre les Tatars et les
Bulgares et en offre un aspect panoramique dans un ensemble de
retours en arrière et d'anticipations, pose des problèmes de chronolog
ie. Dans les autres chapitres de la fin du livre IX, l'Histoire n'offre
par endroits qu'une chronologie indécise, mais des sources parallèles
permettent de la préciser et montrent que les événements sont
rapportés, ici aussi, dans l'ordre chronologique. C'est ainsi que la mort
de Jean Komnènos, le souverain de Trébizonde, doit être datée du
16 août 1297120, et celle de Jean Bekkos de mars 1297121. On apprend
également, par la Chronique de Panarétos, qu'Eudocie Palaiologina,
la veuve de Jean Komnènos, ne partit pour Constantinople que le
13 juin 1298122. Ainsi la phase décisive des tractations engagées avec
le kral de Serbie ne commença qu'à partir de cette date, même si
l'empereur a pu lui proposer plus tôt la main de sa soeur. Après le
refus d'Eudocie, on décida de donner comme femme au kral la jeune
enfant des souverains, Simonis. Les tractations se déroulèrent dans les
derniers mois de 1298. L'empereur, qui devait se rendre lui-même à
Thessalonique pour conclure le mariage de sa fille avec le kral, fut
empêché, par la rigueur de la saison, de quitter sa capitale à la fin de
l'année 1298.
Andronic II partit de Constantinople au début de l'année suivante
et il y fut de retour le 22 novembre 1300123. La date du départ, si elle

120. Panarétos : O. Lampsidès, p. 635e.


121. V. Laurent, La date de la mort de Jean Beccos, EO 25, 1926, p. 316-319.
122. Panarétos : O. Lampsidès, p. 631 13. Ignorant ces dates précises et se fiant au
seul récit de Georges Pachymérès, P. Poussines (Bonn, II, p. 847) plaçait en 1298 aussi
bien la mort de Jean Komnènos que l'arrivée de sa femme à Constantinople, ou encore
la mort de Jean Bekkos.
123. Le jour et le mois sont indiqués par l'historien (ή S' ήν ή μηνός μουνυχιώνος εικοστή
δευτέρα : Bonn, II, p. 2901213), mais non l'année. Celle-ci se déduit cependant du
contexte : lorsqu'il rentra à Constantinople, le 22 novembre. Andronic II était absent
«depuis presque deux ans déjà » (èv δυσί χρόνοι,ς εγγύς έκδημούντων ήδη Bonn, II, ρ. 2901β~
:

17). Son absence va donc du début de l'année 1299, plus précisément de février 1299
(voir la note suivante), au 22 novembre 1300. P. Poussines a daté correctement le
38 A. FAILLER

est moins clairement indiquée, peut également être fixée de manière


précise : l'empereur quitta la capitale le vendredi soir avant le
«psychosabbaton», ou samedi des âmes, qui précède le dimanche de
l'Apokréô, c'est-à-dire le vendredi 20 février 1299124. L'historien date,
de manière précise, les étapes du voyage. L'empereur se rendit à
Dripeia, située à une douzaine de kilomètres de Constantinople. Là il
attendit quelques jours, pour donner le temps de le rejoindre à ceux

départ, mais il réduit l'absence de l'empereur à moins d'un an : début février -fin
novembre 1299 (Bonn, II, p. 848-849). On trouve la même chronologie chez É. de
Muralt (Essai de Chronographie byzantine. 1057-1453, Bâle-Genève 1871, p. 474, ηυ 1),
qui a vu le problème posé par la durée du séjour, telle que l'a établie P. Poussines, et
qui a essayé en conséquence de justifier la solution adoptée par le premier éditeur :
l'expression employée par l'historien (presque deux années) ne serait pas à entendre de
la durée de l'absence de l'empereur, mais indiquerait seulement les deux années
indictionnelles sur lesquelles s'étend l'absence, à savoir les années 6807 et 6808 (soit
septembre 1298 -août 1299 et septembre 1299 -août 1300). Mais une telle interprétation
du texte doit être exclue : l'historien veut manifestement indiquer la durée de l'absence
de l'empereur, qui a atteint presque deux ans (vingt et un mois exactement), non que le
voyage s'étend sur deux années indictionnelles (6807 et 6808), sans durer plus de neuf
mois. La présence de l'adverbe εγγύς enlève toute ambiguïté à la formule employée par
l'historien et dans laquelle il faut voir nécessairement l'expression d'une durée, car il
serait absurde d'écrire que l'absence de l'empereur s'étende sur presque deux années
différentes (années byzantines 6807 et 6808). La traduction survole d'assez loin le texte
pour avoir pu abuser l'éditeur dans un second temps : «principum e bienni absentia
primum apparentium». Dans ses Notes chronologiques, P. Poussines n'a pas non plus
examiné cette question. V. Laurent (Regestes, nos 1573-1575) est également tributaire,
au moins partiellement, de la chronologie de P. Poussines : dans un premier temps, il
place le séjour à Thessalonique en 1298-1299 (voir le n° 1575. Chronologie, où il donne
explicitement comme date du retour à Constantinople le 22 novembre 1299), mais, dans
l'Appendice (n° 3, Chronologie), il décale d'une année le séjour à Thessalonique : «avril
1299 à octobre 1300» (au lieu d'octobre, il faut sans doute lire novembre). Sur ce séjour
de la cour à Thessalonique et les activités qu'y déploya l'empereur, voir Angeliki
Laiou, op. cit., p. 95-100.
124. Voici l'expression employée par l'historien : όψέ παρασκευής ύπό λύχνων άφάς, τών
κεκοιμημένων κατ' Ιθος μνημονευομένων άρχαΐον (Bonn, II, p. 27813-2792). Le «samedi des
âmes» était dédié au souvenir des défunts; voir ThEE 12, 1968, col. 532-535
(G.G. Mpékatôros). Georges Pachymérès a commencé par placer le départ de
l'empereur au cours du mois de février (Μηνός 8è ληναιώνος ένεστηκότος : Bonn, II,
p. 2789), et non au début du mois de février, comme le premier éditeur de l'Histoire l'a
traduit («mense Februario ineunte» : p. 278) et interprété dans son Tableau chronologi
que, où il précise sa pensée : «ineunte Februario die parasceues, hoc est feria sexta,
quam incidisse oportuit illo anno... die sexta mensis eius...» (p. 848). En d'autres
termes, P. Poussines pense qu'il s'agit du premier vendredi du mois de février, soit le
vendredi 6 février 1299. L'ambiguïté, qui se présente également ailleurs dans l'Histoire,
porte sur le verbe ένίστασθαι. S'il avait calculé la date précise à partir des données du
calendrier liturgique que fournit l'historien, l'éditeur aurait été amené également à
rectifier sa traduction. Pour l'ensemble des problèmes de chronologie concernant le
séjour de l'empereur à Thessalonique, on peut consulter également l'ouvrage de
S. I. Kourousès, Τό έπιστολάριον Γεωργίου Λχκχπ-ηνοΰ (1299-1315 ca.) κχί ό Ιχτρός-
άχτουάριος 'Ιωάννης Ζχχχρίχς (1275 ca. -13281 ;), Athènes 1984-1988, p. 37-41.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 39

qui devaient l'accompagner. Arriva la première semaine des jeûnes,


qui commençait le 2 mars. Le samedi suivant, c'est-à-dire le 7 mars,
l'empereur parvint à Sèlybria ; il célébra le dimanche de l'Orthodoxie
(8 mars 1299) dans le monastère du Sauveur, en compagnie du
patriarche, venu le saluer pour son départ. L'empereur accorda au
patriarche une entrevue, qu'il écourta à dessein. Il arriva à
Thessalonique quelques jours tard.
A Sèlybria, le patriarche, opposé à l'alliance matrimoniale qu'on
allait conclure avec le kral de Serbie, eut une entrevue avec Simonis,
qui devait être remise à son futur époux. A cet endroit, Georges
Pachymérès donne une indication qui semble permettre de fixer la
date de naissance de la princesse. Il écrit que le patriarche voulut
souhaiter son anniversaire à la petite fille, avec un léger retard. Il
s'ensuit que Simonis était née en février. L'empereur avait quitté la
capitale le 20 février, et la rencontre de Sèlybria se déroula le 8 mars.
L'anniversaire de Simonis dut tomber quelques jours avant ce départ,
puisque, d'après Georges Pachymérès, le patriarche «la rencontrait
presque pour la première fois depuis son changement d'âge»125; il la
rencontrait même pour la première fois depuis l'anniversaire de son
baptême, et peu de temps après ce jour, précise-t-il12e. Gomme il a
écrit plus haut que Simonis «ne dépassait pas encore sa sixième
année»127, lorsque l'empereur décida, quelques mois plus tôt, de la
marier au kral de Serbie, on peut conclure que le sixième anniversaire
de sa naissance tombait en février 1299. Simonis était donc née en
février 1293.
Sur le séjour de l'empereur à Thessalonique, l'historien fournit peu
de données chronologiques. Avant la fête de Pâques, qui tombait le
19 avril en 1299, Andronic II fit parvenir au patriarche, pour ses
besoins et ceux de la bienfaisance, la dotation habituelle. Pour
exprimer son mécontentement, le patriarche ne quitta Sèlybria qu'en
juin ; lorsque sa santé l'obligea à regagner Constantinople, il continua
encore à refuser de remplir les devoirs de sa charge. Le but du voyage
de l'empereur était de remettre au kral de Serbie sa jeune fiancée,
Simonis. Cela eut probablement lieu vers la fin du mois d'avril 1299.

125. άρτι. πρώτως μετά την ήλικιώτιν σχεδόν μετάβασιν (Bonn, II, p. 2825"6).
126. Tel semble être le sens de l'expression ampoulée qu'utilise l'historien : où πολλω
τινι χρόνω μετά τα άμφιδρόμια (Bonn, II, p. 282e).
127. ουπω τον έκτον παραλλάττον ένιαυτόν (Bonn, II, p. 2751011). P. Poussines (Bonn,
II, p. 841) place sa naissance en 1292, mais sans raison. Pour définir l'âge de la petite
princesse, il emploie trois formules, qui sont apparemment contradictoires «nonduin
:

sexenni maiorem» (traduction, p. 275), «non multum sexenni maiorem» (Tableau


chronologique, p. 847), «vix octennem» (Tableau chronologique, p. 849). Selon
(iRÈGORAS (πέμπτον της ηλικίας αγούσης έτος : Bonn, I, p. 20317). Simonis était alors dans
sa cinquième année.
40 A. FAILLER

De Thessalonique, l'empereur essaya aussi de neutraliser les sébasto-


kratores de Thessalie, grâce à l'appui de sa cousine, Anne Kantakou-
zènè, la veuve de Nicéphore Angélos, le despote d'Épire128. Il reçut
également une ambassade des Vénitiens (X, 3). Il tenta, mais en vain,
de marier la fille de Nicéphore Choumnos à Alexis Komnènos, le
nouveau souverain de Trébizonde et finit par lui promettre son propre
fils Jean, malgré l'opposition de l'impératrice. Jean avait atteint ses
quatorze ans en 1300 : selon Georges Pachymérès, il franchissait l'âge
d'éphèbe, c'est-à-dire l'âge de la puberté et l'âge canonique du
mariage. On peut en déduire, sans risque d'erreur et de manière
approximative, que Jean Palaiologos était né en 1286.
Le séjour d'Andronic II à Thessalonique avait été précédé par
l'ambassade de Théodore Métochitès ; d'après le long rapport que
celui-ci a laissé, sa longue et difficile mission dut aboutir peu après la
fête de l'Apokréô129 (22 février 1299), vers le moment précisément où
Andronic II quittait Constantinople. Théodore Métochitès, quant à
lui, était parti de la capitale trois mois plus tôt, c'est-à-dire au plus
tard vers la mi-novembre 1298130. On peut penser que l'ambassadeur
avait donné des assurances à l'empereur, avant que celui-ci ne parte,
sur l'issue des négociations, bien que l'accord ne fût pas encore
définitivement acquis par l'ambassade qui traitait à Skopje. C'est en
cours de route, entre Constantinople et Thessalonique, que l'empereur
fut informé de l'issue heureuse des négociations et qu'il y répondit à
son tour de manière positive; on devait être au mois de mars 1299131.
Une dernière ambassade, vers la fin du mois d'avril, régla les derniers
détails du contrat, l'échange des otages et la remise de la princesse
Simonis au kral132.
En résumé, seule l'indication de la durée (presque deux années) du
séjour que fit l'empereur à Thessalonique oblige à repousser jusqu'en
1300 son retour (un 22 novembre), car l'historien ne rapporte aucun
fait qui impliquerait la présence de l'empereur à Thessalonique après
novembre 1299. A ce propos, on peut mentionner aussi le témoignage
de Nicéphore Grègoras, qui semble placer ce retour en 1299 : après

128. Voir F. Dölger, Regesien, n<> 2217 (vers fin avril 1299). Il serait plus prudent
d'attribuer une date plus vague aux contacts pris par Andronic II avec sa cousine
d'Épire depuis Thessalonique.
129. Théodore Métochitès : K. Sathas, MB, I, Venise 1872, p. 1841718.
130. Théodore Métochitès : K. Sathas, p. 1832223. Voir aussi F. Dölgkr,
Regesten, n« 2209 (13 juin 1298-début de l'hiver 1298); le document doit être placé en
novembre 1298.
131. F. Dölger, Regesten, n° 2216 (vers mars-avril 1299). On peut sans doute
préciser : en mars, car, aux premiers jours d'avril, l'empereur devait être arrivé à
Thessalonique.
132. F. Dölger, Regesten, n" 2218 (fin avril 1299).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 41

avoir rapporté que le kral, une fois marié avec Simonis, quitta
Thessalonique pour regagner la Serbie, l'historien écrit que l'empereur
rentra à Constantinople «l'année suivante»133; le mariage ayant été
conclu en avril 1299, l'année suivante, selon le comput byzantin, va
du 1er septembre 1299 au 30 août 1300; si l'on ajoute à cette donnée
l'indication de Georges Pachymérès, selon qui l'empereur rentra un
22 novembre, on aboutit au 22 novembre 1299. Mais il faut
remarquer d'une part que la transition chronologique qui vient d'être
relevée est utilisée constamment par Nicéphore Grégoras comme une
formule rituelle, souvent de manière aberrante, et d'autre part que la
chronologie de l'historien est trop souvent prise en défaut pour cette
période et ne mérite pas grande créance. Mais le chapitre suivant du
présent article va apporter d'autres arguments qui sembleraient
remettre en question la chronologie qui vient d'être établie.

6. La visite du patriarche Jean à l'empereur (X, 12)

Au terme de son séjour d'une vingtaine de mois à Thessalonique,


Andronic II rentra, comme on l'a vu, le 22 novembre 1300 à
Constantinople. Le patriarche Jean, revenu à Constantinople en juin
1299 et installé au monastère de la Pammakaristos depuis juillet de la
même année134, n'avait repris que partiellement ses activités. Mais le
1er février, de l'année 1301 très probablement135, l'empereur, revenu
dans sa capitale deux mois plus tôt, lui rend visite et le persuade de
s'établir à nouveau au patriarcat; le lendemain 2 février, jour de la
Purification136, le patriarche avait regagné son siège. Après la fête de
Pâques (2 avril 1301)137, un nouveau différend s'éleva dans l'Église à

133. Κατά τό έπιόν έτος (Bonn, I, p. 20414). J.L. van Dieten (Nikephoros Grégoras.
Rhomäische Geschichte. Historia rhomai'ke, I, Stuttgart 1973, p. 169 et 170) donne
comme dates de départ et de retour les années 1299 et 1300, mais alors il aurait dû
signaler que, s'inspirant probablement de Georges Pachymérès, il avait rectifié la
chronologie proposée par Grégoras.
134. Bonn, II, p. 28315-2845.
135. Πρώτη γοϋν ληναιώνος (Bonn, II, p. 29278). Si la chronologie est correctement
établie, on passe donc de juillet 1299 (voir la note précédente) au 22 novembre 1300
(voir la note 123, ci-dessus), puis au 1er février 1301. La suite du raisonnement
montrera l'opportunité de ce rappel.
136. και ή της υπαπαντής εορτή τον πατριάρχην και πάλιν έπί της εκκλησίας όρα (Bonn, II,
ρ. 2988"9).
137. Bonn, Π, p. 2981112. La double indication fournie par l'historien («le printemps
étant dès lors arrivé et les fêtes de Pâques passées») convient en effet parfaitement, car
la fête de Pâques suivait de peu le commencement du printemps en 1301. Mais ces
données chronologiques conviendraient tout aussi bien pour l'année 1300, où la fête de
Pâques tombait le 10 avril.
42 A. FAILLER

propos du métropolite Jean d'Éphèse ; Jean quitta à nouveau le


patriarcat pour se retirer au monastère de la Pammakaristos. Là-
dessus, une fraction des membres du synode remirent à l'empereur un
libelle dirigé contre le patriarche. Désireux de se maintenir sur son
siège, malgré sa retraite au monastère de la Pammakaristos, Jean
décida de plaider lui-même sa cause auprès de l'empereur et, comme
l'écrit Georges Pachymérès, «au soir du 25 du mois d'octobre, il
monte à cheval pour se rendre chez l'empereur»138. L'empereur pensa
que le patriarche l'avait rejoint afin de l'accompagner au monastère
des Palaiologoi pour la fête patronale. Ils s'y rendirent; au retour,
poursuit l'historien, et comme c'était le mardi («le troisième jour de la
semaine»139), Andronic II alla faire sa dévotion hebdomadaire au
monastère des Hodègoi, tandis que Jean regagnait le patriarcat.
Les éléments de chronologie donnés par l'historien dans ce
chapitre 12 semblent contradictoires. Les faits, qui sont datés d'un
25 octobre, se passent en l'année 1301, si la chronologie établie dans le
chapitre précédent est correcte, car il faut les placer entre le retour de
l'empereur de Thessalonique en novembre 1300 et la nouvelle retraite
du patriarche au monastère de la Pammakaristos en juillet 1302140. Le
patriarche se rendit chez l'empereur le 25 octobre, puis tous deux
gagnèrent le monastère de Saint-Dèmètrios des Palaiologoi, situé
probablement à la pointe du Sérail141. Le monastère avait été fondé
au 12e siècle par Georges Palaiologos ; après la prise de la capitale,
Michel VIII l'avait restauré pour en faire le monastère familial de la
dynastie régnante. On fêtait saint Dèmètrios le 26 octobre142, et
l'empereur participait en effet à la cérémonie, comme en témoigne le
Pseudo-Kôdinos143. Selon l'historien, après leur visite commune au
monastère des Palaiologoi la veille de la fête de saint Dèmètrios, le
patriarche revint à Sainte-Sophie, tandis que l'empereur se rendit,
comme il le faisait chaque mardi, au monastère des Hodègoi. Mais en
1301, le 25 octobre tombait le mercredi. Le synchronisme (mardi
25 octobre) convient seulement pour l'année 1300. Mais alors il
faudrait décaler l'ensemble du calendrier pour les événements
précédents : en particulier, l'empereur serait rentré de Thessalonique
en novembre 1299, et non en novembre 1300. C'est d'ailleurs la
conclusion à laquelle était parvenu P. Poussines144.

138. έπιβας ίππου, προς έσπέραν εικοστής πέμπτης μηνός έλαφηβολιώνος βασιλεϊ πρόσεισιν
(Bonn, II, p. 30289).
139. τρίτη της εβδομάδος (Bonn, II, p. 3021314).
140. Bonn, II, p. 3411315.
141. R. Janin, Églises et monastères (de Constantinople), p. 92-94.
142. J. Matros, Le typicon de la Grande Église, I, Rome 1962, p. 79.
143. Pseudo-Kôdinos : J. Verpeaux, p. 2421821.
144. Bonn, II, p. 796. P. Poussines assigne ainsi, comme on l'a vu plus haut, une
durée de neuf mois seulement au séjour de l'empereur à Thessalonique. On a déjà
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 43

Mais un problème identique de synchronisme se pose plus loin,


lorsque l'historien attribue au départ définitif du patriarche pour le
monastère de la Pammakaristos la date du vendredi 5 juillet145.
D'après le calendrier établi pour les événements qui précèdent, il ne
peut s'agir que de l'année 1302; mais, cette année-là, le 5 juillet
tombait un jeudi. Pour les années voisines, le synchronisme se réalise
seulement pour l'année 1303. Si l'on retenait donc le synchronisme
dans les deux cas, l'historien passerait sans transition, dans le récit
concernant la vie de l'Église, du mardi 25 octobre 1300 (visite du
patriarche à l'empereur) au vendredi 5 juillet 1303 (départ définitif du
patriarche pour le monastère de la Pammakaristos)146. En fait, le
contexte montre qu'il s'agit des deux années consécutives 1301 et
1302. Si, faute de recoupement, on ne peut en établir la preuve pour le
premier fait, pour le second événement toute équivoque disparaît, car
le patriarche Jean n'était plus en place au 5 juillet 1303, son
successeur, le patriarche Athanase, étant monté sur le trône pour la
seconde fois le 23 juin 1303147.
Reprenons les deux synchronismes évoqués par l'historien : visite
du patriarche à l'empereur un mardi 25 octobre, départ du patriarche
pour le monastère de la Pammakaristos un vendredi 5 juillet. Dans le
premier cas, le synchronisme ne s'applique qu'à l'année 1300, mais à
cette date l'empereur se trouvait encore à Thessalonique, d'après les
conclusions du chapitre précédent de cet article. L'erreur s'explique
mal, puisque la date s'appuie sur deux indices indépendants : veille de
la fête de saint Dèmètrios (25 octobre) et mardi (jour de visite au
monastère des Hodègoi). Le synchronisme étant manifestement faux,
on retiendra la date (25 octobre 1301, qui tombait un mercredi), de
préférence au jour de la semaine (mardi). Dans le second cas, le
synchronisme ne s'applique qu'à l'année 1303, mais à cette date Jean
n'était plus patriarche. L'erreur s'explique plus facilement, mais on
ne sait s'il faut retenir le quantième du mois (5 juillet 1302) ou le jour
de la semaine (vendredi), auquel cas il s'agirait du vendredi 6 juillet
1302. On ne voit pas d'explication vraisemblable à la première erreur;
mais, pour le second cas, on peut admettre que l'historien a appliqué
sur ses notes un comput inadéquat, comme on a cru pouvoir l'affirmer
ailleurs148.

remarqué plus haut (voir la note 123) qu'il n'a fait aucun exposé particulier sur ce point
de chronologie. Ses conclusions apparaissent seulement dans le Tableau chronologique
(p. 848-850).
145. Πέμπτην μέν ούν ήγε τω τότε μην ανθεστηρίων, ημέρα δ' ήν ή προ του σαββάτου
παρασκευή (Bonn, IT, p. 3411415). Voir V. Laurent, Regestes, n° 1583 (acte de démission,
peu après le 5 juillet 1302).
146. Bonn. II, p. 302 79 et p. 34 11415.
\ΑΊ εικοστή τρίτη μηνός τοΰ αύτοΰ (Bonn, 11, p. 38313).
148. Voir un passage du livre III : nouvelle édition, p. 317 n. 4; cf. BEB 39, 1981,
.

p. 172.
44 A. FAILLER

Ajoutons, pour terminer, que la chronologie établie dans le


précédent chapitre (séjour de l'empereur à Thessalonique de mars
1299 à novembre 1300 : ch. 1-8) et dans le présent chapitre (visite du
patriarche à l'empereur le 25 octobre 1301 et départ définitif du
patriarche Jean le 5 juillet 1302 : ch. 12 et 28) s'harmonise avec la
datation des autres événements narrés dans le livre X de l'Histoire :
retour de Jean au patriarcat le 2 février 1301 (ch. 9), éclipse de lune
en janvier 1302 (ch. 15), expédition de Michel IX Palaiologos en
Orient à partir d'avril 1302 (ch. 17-22), défaite des troupes byzantines
à Bapheus le 27 juillet 1302 (ch. 25), visite de l'empereur à l'ancien
patriarche Athanase dans son monastère le 18 janvier 1303 (ch. 36).
Le livre X couvre ainsi les années 1299-1302 et ne mord sur l'année
1303 que pour le dernier chapitre, dont on vient de mentionner le
contenu. Le récit épouse la continuité chronologique; il s'en écarte
rarement et seulement pour des anticipations ou des retours en arrière
d'étendue très limitée.

7. L'expédition de Michel IX Palaiologos en Orient (X, 17-22,


26; XI, 10, 15, 17)

Georges Pachymérès relate longuement la première entreprise


militaire de Michel IX Palaiologos. Le jeune empereur partit au
printemps, la saison qui marque normalement le début des campag
nes,et plus précisément vers la fête de Pâques de l'année 1302
(22 avril 1302)149, et il rentra à Constantinople le 24 janvier 1304150.
Prometteuse, mais vite décevante, la campagne de Michel IX
Palaiologos, qui venait de fêter ses vingt-quatre ans, dura donc plus
de vingt mois. Le récit de l'expédition est interrompu à plusieurs
reprises, car ce laps de temps est marqué par d'autres événements
importants que l'historien n'a garde d'oublier et qu'il insère pour
l'essentiel dans l'ordre chronologique de leur déroulement : en
premier lieu le recul des troupes byzantines en Bithynie, avec la grave
défaite de Bapheus, que ne peuvent compenser quelques petites
victoires locales (X, 25-26; XI, 9, 15-16), en deuxième lieu la
démission du patriarche Jean et le retour d'Athanase (X, 27-36 ;
XI, 1-8), en troisième lieu l'arrivée de la Compagnie catalane (XI, 12-
14).
Le recoupement de ces divers événements permet d'établir une
chronologie sûre pour l'ensemble des faits. Celle-ci sera présentée ici

149. "Αμα γοΰν ήρι, περί που τας πασχαλίους ημέρας (Bonn, II, p. 31014 15).
150. Bonn, II, ρ. 40519-4063 (ήμερα μέν εικοστή τρίτη έκατομβαιώνος μηνός..., τη
έξης...).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 45

dans le cadre de l'expédition du jeune empereur, car les autres


événements viennent, dans le récit de l'historien, s'interposer entre les
diverses phases de la campagne. P. Poussines a d'ailleurs établi, pour
cette partie de l'Histoire, une chronologie qui eût été parfaite, s'il
n'avait commis une méprise, à première vue inexplicable, à propos du
changement de patriarche en 1303 ; il a retardé d'un an et deux mois
d'une part la levée de l'excommunication que le patriarche Jean avait
portée contre ceux qui favoriseraient le rétablissement d'Athanase et
d'autre part le début du second patriarcat d'Athanase. Alors que ces
deux événements sont datés respectivement du 21 et du 23 juin 1303,
P. Poussines les a placés au 21 et au 23 août 1304151. L'erreur
provient simplement d'un mauvais calcul. Georges Pachymérès écrit
que le patriarche Athanase avait passé, dans son monastère du
Xèrolophos, dix ans moins neuf mois152 depuis son départ du
patriarcat, lorsqu'Andronic II vint le trouver, entamant ainsi une
négociation qui devait aboutir au retour d'Athanase au patriarcat
quelques mois plus tard. Cette visite eut lieu un 19 janvier. La durée
de neuf ans et trois mois court donc à partir du 16 octobre 1293, date
à laquelle se termine le premier patriarcat d'Athanase, et s'arrête à un
19 janvier. P. Poussines, qui connaissait le point initial de cette
durée, a déduit à tort que son point final était le 19 janvier 1304, car,
écrit-il, les neuf ans étaient écoulés au 16 octobre 1303. Là se trouve
l'erreur : les neuf ans étaient écoulés en octobre 1302, et non en
octobre 1303. La date de la visite d'Andronic II au monastère
d'Athanase, trois mois plus tard, est donc le 19 janvier 1303, et non
1304. Par contre, P. Poussines a bien daté l'arrivée de la Compagnie
catalane à Constantinople, que Georges Pachymérès a placée en
septembre de la deuxième indiction153 (septembre 1303). L'erreur de
calcul qu'on vient de mentionner a ainsi amené le premier éditeur à
disjoindre à tort des séries chronologiques qui sont expressément
données comme telles dans l'Histoire.
L'itinéraire suivi par le jeune empereur au cours de sa campagne en
Asie est clairement exposé dans le récit de l'historien. Avant de le

151. Voir les Notes (Bonn, II, p. 787-791) et le Tableau chronologique (Bonn, II,
p. 857). Il y a d'une part l'erreur sur l'année (1304 au lieu de 1303), qui, comme on va
l'expliquer, est due à un mauvais calcul, et d'autre part un décalage de deux mois (août
au lieu de juin), qui résulte de la première erreur, car l'éditeur a voulu transposer sur
l'année 1304 un synchronisme qui vaut pour 1303 et il a dû, pour que le synchronisme
se vérifie, remplacer juin par août. Sur les dates des deux patriarcats, voir V. Laurent,
La chronologie des patriarches de Constantinople au xme s. (1208-1309), BEB 27, 1969,
p. 148.
152. ή πύλη της καθ' αυτόν μονής έπ' ετη δέκα κεκλεισμένη, μηνών δεόντων εννέα (Bonn, II,
p. 3681"2).
153. Και τόν έπί τούτω γαμηλιώνα της δευτέρας έπινεμήσεως (Bonn, II, p. 3936"7).
46 A. FAILLER

décrire dans le détail et de traiter également des autres faits qui sont
relatés dans ce cadre, on peut relever les points suivants sur
l'itinéraire de l'empereur : Magnésie de l'Hermos, près de laquelle
aurait dû se dérouler la bataille manquée contre les Turcs et que ceux-
ci encerclèrent alors, en poussant jusqu'à la plaine de Mainoménos ;
Pergame, où l'empereur chercha refuge, en voyant l'ennemi courir le
pays autour de Magnésie ; Atrammytion et Cyzique, où il se replia
successivement, devant l'avancée des Turcs; Pègai, où il battit en
retraite devant le péril turc et où il tomba malade, avant d'être
miraculeusement guéri ; Kallioupolis, où il mit pied à terre en
rentrant d'Asie ; Dripeia, où il fit une dernière halte, à une douzaine
de kilomètres de Constantinople.
Reprenons à présent l'ensemble de ces déplacements dans le but
d'en fixer la chronologie. L'armée confiée à Michel IX était constituée
principalement d'Alains. Ceux-ci durent arriver dans l'empire byzant
in en 1302, à l'issue de tractations qui se déroulèrent, ou pour le
moins commencèrent, l'année précédente154. Les Alains furent
répartis en trois groupes. Un premier contingent traversa le détroit de
Kallioupolis et, avec l'appui des troupes byzantines stationnées dans
la région, il remporta un premier succès au lieu-dit Chèna (L'Oie), qui
n'est pas connu par ailleurs et qui doit peut-être au pittoresque de sa
dénomination d'avoir été mentionné par l'historien. Le lieu-dit doit se
trouver en Hellespont, sans qu'il soit possible de préciser davantage.
Un deuxième contingent partit en Bithynie pour appuyer les troupes
de Mouzalôn, qui n'en fut pas moins battu quelques mois plus tard à
Bapheus, près de Nicomédie. Quant à l'élite des Alains, qui formait le
troisième contingent, elle fut remise à Michel IX, qui prit le départ
vers Pâques, c'est-à-dire en avril 1302. En Orient, le premier
contingent d'Alains, dont le fait d'armes réalisé à Chèna vient d'être
signalé, devait rejoindre l'empereur et opérer sa jonction avec la
troupe d'élite qui lui avait été directement allouée155. D'après le récit
de l'historien, Michel IX traversa la Mysie et se rendit directement à
Magnésie de l'Hermos (ou du Sipyle, si, au lieu de situer la ville par
rapport au fleuve qui coule au nord, on la désigne du nom de la
montagne qui s'élève au sud), dans une zone courue par les Turcs de
Sarukhan. La bataille manquée dont nous entretient l'historien aurait
probablement dû se dérouler aux environs de Magnésie. De fait, on

154. F. Dölger, Regesten, η» 2241 (Anfang 1302). La date (début 1302) qu'attribue
F. Dölger au document officiel par lequel l'empereur acceptait de prendre les Alains à
son service est plausible, mais peut-être encore trop précise au vu des sources
invoquées.
155. Bonn, II, p. SIO
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÉS 47

apprend un peu plus bas que les Turcs parcouraient toute la vallée de
l'Hermos et allaient jusqu'à la plaine côtière et fluviale (sur la rive
droite de l'Hermos) de Mainoménos156.
Michel IX se trouva dès lors encerclé dans Magnésie avec son
armée. De plus, tandis que les troupes byzantines locales commenç
aient à faire défection, les Alains estimèrent avoir rempli leur contrat
d'un an et n'acceptèrent qu'à contrecoeur de le proroger de trois mois.
Passé ce délai, ils s'en allèrent : ils avaient passé quinze mois au
service de l'empire. Il n'est pas facile de délimiter exactement cette
période. Leur départ dut avoir lieu au cours de l'hiver 1302-1303,
puisque Michel IX s'enfuit de Magnésie après leur défection et que
cette fuite est placée par Georges Pachymérés au cours de l'hiver157.
Dès lors, une estimation approximative conduit à compter l'année de
service d'octobre 1301 à octobre 1302 et les trois mois supplémentair
es d'octobre à décembre 1302. On peut admettre tout au plus de
retarder de quelques mois cette durée globale de quinze mois, mais le
terme final doit être placé, au plus tard, vers mars 1303158. Mais ce ne
sont là qu'approximations. De plus, on ignore ce que recouvre
exactement l'année de service : une durée de douze mois ou une
campagne annuelle, qui se réduit normalement aux mois de printemps
et d'été.
Toujours est-il que les Alains gagnèrent alors Lampsakos pour
repasser en Europe. Mais une fois qu'ils eurent quitté l'Asie pour
l'Europe, ils se heurtèrent aux troupes byzantines, qui, sous le
commandement du grand domestique Alexis Rhaoul, avaient reçu la
mission de les empêcher de traverser et qui, incapables de faire
exécuter l'ordre impérial, les affrontèrent à leur arrivée sur la rive
européenne de la Propontide. Dans l'échauffourée qui s'ensuivit, le
grand domestique fut tué. On devait être au printemps 1303. Rien ne
permet de donner une date plus précise.
La défection des Alains et les événements qui en résultèrent (X, 19-
22) sont relatés par anticipation, et l'historien revient ensuite à la
situation politico-militaire (X, 23-26, 30) et ecclésiastique (X, 27-29,

156. Bonn, II, p. 31423. Sur l'emplacement de la plaine de Mainoménos


(Mémaniôménos étant la forme la plus habituelle du toponyme), voir Hélène
Ahrweiler, L'histoire et la géographie de la région de Smyrne entre les deux
occupations turques (1081-1317) particulièrement au xme siècle, TM 1, 1965, p. 63 et
carte (insérée entre les p. 178 et 179).
157. ύπό νυκτί και χειμώνι εκείθεν αναχωρεί (Bonn, II, ρ. 31 72) ; Χρήται... δια 8έ τους
εχθρούς χειμώνι (p. 31745); και οι μέν τω χει,μώνι έναπέψυχον (p. 31712"13).
158. En ce cas, on admettrait que l'année de service partirait de janvier 1302 et
coïnciderait exactement avec l'année 1302, les trois mois de prolongation correspon
dant alors au premier trimestre de l'année 1303.
48 A. FAILLER

31-33) de l'année 1302 et, plus précisément, du printemps 1302.


L'arrivée des trières vénitiennes et leur démonstration devant le
palais impérial sont précisément placées une année, jour pour jour,
avant le meurtre d'Alexis Rhaoul. Ainsi doit être entendue, en effet,
la première phrase du chapitre 23 : «Avant cela, au même mois de
l'année précédente et ce jour-là»159. C'est ainsi que P. Poussines a
interprété le passage160 et, dans son Tableau chronologique161, il a
placé l'arrivée des navires vénitiens d'une part et le meurtre d'Alexis
Rhaoul d'autre part au cours des deux étés consécutifs de 1302 et de
1303. Mais R.-J. Loenertz a voulu corriger le texte de Georges
Pachymérès, qui aurait commis un lapsus calami : il a proposé
de remplacer πέρυσι («l'année précédente») par πρότερον («auparav
ant»)162. Dans ce cas, l'adverbe de temps n'introduirait pas
un parallèle avec le meurtre d'Alexis Rhaoul, relaté dans le chapitre
précédent, mais avec une attaque antérieure des Vénitiens, celle qui
avait eu lieu six ans auparavant (IX, 18-19) et qu'on peut dater, de
manière précise, du dimanche 22 juillet 1296. S'il en était bien ainsi, il
deviendrait possible de dater la démonstration des Vénitiens du
22 juillet 1302. L'historien précise plus loin que celle-ci se déroula un
samedi midi163, et de fait le 22 juillet 1302 était bien un samedi.

159. Telle est la traduction littérale du passage : Συνέβη δέ προ τούτων, τοϋ αύτοϋ μηνός
τφ πέρυσι και ημέρας ταύτης... (Bonn, II, p. 3221314). L'historien a bien écrit και ημέρας
ταύτης, et non και της αυτής ημέρας ; mais, dans le cas présent, les deux formules
s'équivalent sur le plan de la chronologie. D'autre part, la construction de la phrase
empêche qu'on sépare les trois derniers mots de ce qui les précède pour les rattacher
directement à l'infinitif de la proposition («II arriva qu'avant cela, le même mois de
l'année précédente, des trières vénitiennes abordèrent ce jour-là à la Ville...»).
160. Voici la traduction qu'il en a donnée : «Contigit autem ante haec anno huic
superiori, sed eodem mense ac die quibus modo narrata gesta sunt...».
161. Bonn, II, p. 852 et 853.
162. R.-J. Loenertz, Notes d'histoire et de chronologie byzantines. I. Démonstrat
ion navale vénitienne devant Constantinople. 1302. VII. 21-22, BEB 17, 1959, p. 158-
162. Avec raison, R.-J. Loenertz conteste l'interprétation de ce passage par
É. de Muralt (Essai de Chronographie byzantine. 1057-1453, Bâle/Genève 1871, p. 479,
n° 14), qui date ainsi l'arrivée de la flotte vénitienne : «le même mois et jour qu'eut lieu
l'année suivante (τω πέρυσι qui d'ordinaire signifie l'année précédente) la révolte des
Alains à Gallipoli». É. de Murait, qui respecte l'ordre des événements tel que le
présente l'historien (p. 479, n° 14 : arrivée de la flotte vénitienne ; p. 481 , n° 8 : meurtre
d'Alexis Rhaoul), opère, dans le texte de Georges Pachymérès, un renversement des
termes qui l'oblige ensuite à une étrange hypothèse, car l'adverbe de temps πέρυσι,
auquel il attribue entre parenthèses un sens insolite, garde évidemment son sens
habituel : Georges Pachymérès écrit que la flotte vénitienne était arrivée à
Constantinople l'année précédant (τω πέρυσι) le meurtre de Rhaoul, et il n'écrit pas,
comme l'a cru É. de Murait, que le meurtre de Rhaoul eut lieu l'année suivant l'arrivée
de la flotte vénitienne ; la seconde formule revient d'ailleurs à exprimer la même réalité
sous un autre angle, mais c'est la première qu'a utilisée l'historien au début du
chapitre 23. R.-J. Loenertz (art. cit., p. 161 n. 12) n'a pas vu où se situe la faille dans
le raisonnement de É. de Murait.
163. μεσημβρίας σαββάτου (Bonn, II, p. 3232).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 49

Malgré une coïncidence étonnante, on ne peut pas retenir


l'hypothèse de R.-J. Loenertz164, car rien ne justifie une telle
correction. De plus, la version brève de l'Histoire, dont l'interpréta
tion est souvent précieuse, rapporte le passage analysé plus haut au
meurtre d'Alexis Rhaoul, et non à l'attaque des Vénitiens sur
Constantinople. Voici le texte : «Un an avant ces événements, des
trières vénitiennes arrivent à la Ville»165. En résumé, l'obscurité du
texte de Georges Pachymérès provient du fait que l'écrivain assigne
une même date, sur deux années consécutives, à deux événements,
mais sans dater aucun des deux événements.
Reste le texte de Nicéphore Grègoras, dans lequel R.-J. Loenertz a
cru trouver également un appui pour sa thèse, dans la mesure où
celui-ci a lié les deux attaques vénitiennes de 1296166 et de 1302167,
après avoir décrit la conduite des Alains dans le paragraphe
précédent, sans mentionner d'ailleurs expressément le meurtre
d'Alexis Rhaoul. La transition entre la première et la seconde
manifestation des Vénitiens est assurée par une notation chronologi
que, qui, de toute manière, est erronée : «L'été suivant»168. On peut
supposer que Nicéphore Grègoras s'inspire, ici encore, de l'Histoire de
Georges Pachymérès, dont il n'a pas démêlé au préalable les lignes
chronologiques qui s'entrecroisent continuellement. Il introduit
l'erreur et la confusion, là où son modèle souffre seulement d'un
manque de clarté et de précision, et son récit n'est pas fondé sur des
informations ou des sources indépendantes169.
Seules de nouvelles sources vénitiennes permettraient peut-être de
préciser les choses. D'après le récit de Georges Pachymérès, les deux
faits qui sont rapprochés dans l'Histoire et qui se déroulent à un an de
distance se sont passés au printemps, et même au début du
printemps, plutôt qu'au cours de l'été. Le récit de Georges
Pachymérès se termine par la mention du traité d'alliance avec
Venise qu'Andronic II accepta finalement de renouveler en septem
bre 1302170. Cette date constitue ainsi un terminus ante quern pour la

164. Celle-ci présentait aussi l'avantage de mieux justifier l'emploi des mots πάλαι et
τότε (Bonn, II, p. 32215 1β) ; voir R.-J. Loenertz, art. cit., p. 161 n. 12. Mais les deux
adverbes peuvent se comprendre aussi dans le contexte que Georges Pachymérès
semble donner à son récit, même si le choix des mots peut paraître moins approprié et
le sens moins évident.
165. Προ τούτων δέ χρόνου ενός, εφίστανται τη πόλει τριήρεις Βενετικού...
166. Bonn, I, p. 20713-2085.
167. Bonn, I, p. 2085-2105.
168. ές τοΰπιόν θέρος (Bonn, I, p. 2085).
169. Voir aussi l'interprétation divergente que donnent de ce passage
É. r>R Muralt (Essai de Chronographie byzantine. 1057-1453, p. 479, nu 14) et R-
J. Loenertz (art. cit.. p. 160 n. 12).
170. F. Döi.ger, Flegesten, n« 2247 (12-27 septembre 1302).
50 A. FAILLER

démonstration des navires vénitiens devant Constantinople, mais elle


est trop tardive pour donner un cadre précis aux événements
antérieurs, dont le traité est la conclusion. Le reste du livre X
concerne l'année 1302 (défaite de Mouzalôn à Bapheus le 27 juillet
1302, démission du patriarche Jean en juillet 1302 également) et le
début de l'année 1303 (avertissement signifié à l'empereur par le
patriarche Athanase en janvier 1303).
Mais reprenons l'ordre du récit dans l'Histoire. Le chapitre 23 («Sur
les navires vénitiens qui abordèrent à la Ville») marque un retour de
l'auteur à la ligne chronologique du récit, après une longue
anticipation, où Georges Pachymérès décrit l'expédition de Michel IX
et la défection des Alains, en conduisant son récit jusqu'au meurtre
du grand domestique Alexis Rhaoul par ces derniers, sans doute vers
le printemps 1303. C'est à cet endroit précis que l'historien revient à
la ligne chronologique du récit, après une anticipation qui couvre une
année entière. Tel est le sens des premiers mots du chapitre 23. Ainsi,
l'arrivée des navires vénitiens se situe après le départ de Michel IX
pour l'Orient, «au printemps, vers les jours de Pâques»171. Il n'en
reste pas moins qu'il est étonnant de voir l'historien affirmer que les
deux événements (meurtre d'Alexis Rhaoul et arrivée des navires
vénitiens à Constantinople) se sont passés le même jour d'un même
mois, à une année d'intervalle, sans qu'il indique dans aucun des deux
cas la date de l'événement. On peut seulement supposer qu'il a fait
preuve de négligence ou de distraction, convaincu en chacun des deux
cas d'avoir déjà donné la date et croyant s'y référer sans ambiguïté.
Par contre, l'étude des procédés de composition que l'écrivain utilise
de manière habituelle justifie l'imbrication des deux récits et nous
éclaire sur le rapport chronologique des deux faits : la démonstration
de la flotte vénitienne devant Constantinople est postérieure au
départ de Michel IX pour l'Asie et antérieure d'un an à la mort
d'Alexis Rhaoul; autrement dit, elle suit presque immédiatement le
départ du jeune empereur.
Georges Pachymérès mentionne une flotte de onze trières, auxquell
es s'ajoutaient sept bateaux de piraterie172; c'est, de manière
approximative, l'effectif que fixait la délibération tenue à Venise le
5 avril 1302173 : aux trois galères déjà en mer, on en ajouterait neuf

171. Bonn, II, p. 3101415; voir la note 1.


172. Και δή τριήρεις μια πλείους των δέκα έτοιμασάμενοι (Bonn, II, p. 32219-3231). Il faut
sans doute préférer la leçon du manuscrit C (δέκα) à celle des manuscrits A et Β
(δώδεκα), adoptée aussi par le premier éditeur. Deux bonnes raisons y poussent : le
premier manuscrit, bien qu'isolé, donne généralement de meilleures leçons que les deux
autres, la première expression apparaît comme plus logique que la seconde.
173. F. Thjriet, Délibérations des Assemblées vénitiennes concernant la Romanie, I,
Paris 1966, p. 91, n» 50.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 51

autres, qui devraient appareiller, au plus tard, le mercredi après


Pâques (c'est-à-dire le 25 avril); la flotte se rassemblerait à Monemba-
sie, où quatre galères seraient détachées pour des opérations
commerciales en direction de Chypre, de la Crète et de la Petite
Arménie ; les huit galères restantes se consacreraient à la lutte contre
les Byzantins, pendant quatre mois au moins. Il faut relever que les
galères sont envoyées, de manière explicite, pour livrer le combat à
Byzance (ad damnum imperatoris et gentis ejus). Les chiffres donnés
par Georges Pachymérès et le document vénitien, qui ne constitue
d'ailleurs qu'un ordre de départ toujours sujet à modifications, sont
presque identiques. C'est donc cette flotte, dont la formation fut
décidée en avril 1302 et qui devait quitter Venise à la fin du mois, qui
arriva dans la Corne d'Or et qui vint prendre position devant le palais
impérial. On peut penser qu'elle parvint à Constantinople en mai,
dans la deuxième quinzaine du mois. L'arrivée de la flotte vénitienne
à Constantinople dut coïncider à peu près avec le renvoi de
l'ambassadeur byzantin, qui fut prié de quitter Venise, s'il n'avait pas
de nouvelles propositions à présenter174. Ajoutons que la date à
laquelle la flotte vénitienne dut partir, d'après la délibération du
Sénat, exclut qu'elle ne soit parvenue à Constantinople qu'à la fin du
mois de juillet, c'est-à-dire au bout de trois mois de voyage, comme le
suggérerait la chronologie proposée par R.-J. Loenertz. Les do
cuments vénitiens connus ne semblent pas faire état des engagements
militaires auxquels la flotte fit face, une fois rendue en Romanie, ni
des résultats qu'elle y obtint. Un document daté du 3 juillet 1302
mentionne à nouveau la flotte envoyée au début de la saison, mais il
ne contient non plus aucune précision sur ses mouvements ; en date
du 26 juillet 1302, on prévoit l'envoi de nouvelles galées en Romanie
pour la fin du mois d'août175. Mais à partir du mois de septembre, le
ton change, car les négociations pour la reconduction de l'alliance
vénéto-byzantine sont sur le point d'aboutir176.
Au début du livre XI, on trouve la suite du récit des événements
ecclésiastiques (XI, 1-3, 6-8), puis la mention de la mort de
l'impératrice Theodora, la veuve de Michel VIII, en février 1303177

174. Ibidem, p. 93, n" 57. L'ordre est transmis à l'ambassadeur le 20 mai. Le 25 mai,
ordre est donné pour que la galère qui doit le ramener à Constantinople se tienne prête
à appareiller. Voir aussi F. Dölger, Regesten, ri" 2243 (printemps 1302).
175. F. Thirikt, Délibérations des Assemblées vénitiennes concernant la Romanie, I,
p. (.)5, ir- 62 et 03.
Ι7Γ). Ibidem, p. 97-101. n1- 67-69. 72-79.
177. La mort de Theodora a été mal datée l'erreur a porté d'abord sur l'année, puis
:

sur le calendrier liturgique. Theodora mourut «le lundi de la deuxième semaine des
jeûnes» (και ή δευτέρα της δευτέρας των νηστειών εβδομάδος νεκραν τήν άνασσαν είδε : Bonn,
Π. p. 37720-37S'). c'est-à-dire le lundi qui précède le deuxième dimanche des jeûnes, et
52 A. FAILLER

(XI, 4), et du départ de l'impératrice Irène pour Thessalonique en


avril 1303 (XI, 5). On en revient alors à l'expédition du jeune
empereur Michel IX et à la fin de son séjour en Asie. Dans un passage
qui constitue une anticipation, Georges Pachymérès a déjà signalé
que Michel IX avait gagné Pergame en toute hâte, au cours de l'hiver
1302-1303, parce qu'il se sentait menacé à Magnésie de l'Hermos178.
Dans un tableau général de la situation en Orient, qu'on peut dater de
l'été 1303, l'historien signale, en passant, que le jeune empereur est à
Atrammytion179 : vers le printemps 1303, il s'était donc replié sur des
positions plus sûres, en quittant Pergame pour Atrammytion. Vers
l'été, il gagna successivement Cyzique, puis Pègai180, où il tomba

non le lundi qui suit le deuxième dimanche des jeûnes. Dans le calendrier liturgique
orthodoxe, en effet, la semaine des jeûnes commence le lundi et se termine le dimanche.
Ainsi le lundi de la deuxième semaine des jeûnes est le lendemain du premier dimanche
des jeûnes ou du dimanche de l'Orthodoxie, correspondant au premier dimanche de
Carême du calendrier de l'Église latine. Theodora mourut donc le 25 février 1303.
P. Poussines (Bonn, II, p. 856) avait fixé le décès de l'impératrice mère au 16 février
1304 : l'année est établie en relation avec la dernière rencontre de l'empereur avec le
patriarche Jean, que P. Poussines a placée par erreur en 1304; mais le «lundi de la
deuxième semaine des jeûnes» est correctement placé au 16 février pour l'année 1304.
Dès 1679, dix ans après la parution de la seconde partie de l'Histoire de Georges
Pachymérès, M. David (Animadversiones in observationes chronologicas R.P. P. Possini
e Societatis Iesu ad Pachymerem, Dijon 1679, p. 47-48) corrigea l'erreur de P. Poussines
et plaça le décès de l'impératrice en 1303, et plus précisément au 25 février 1303, mais
son opuscule fut ignoré des historiens postérieurs ; voir mon article, ci-dessous, p. 247-
253. Aussi la datation de P. Poussines fut-elle généralement reprise; citons seulement
trois exemples : É. de Muralt, Essai de Chronographie byzantine. 1057-1453,
Bâle/Genève 1871, p. 484, n° 16; H. Delehaye, Deux typica byzantins de l'époque des
Paléologues, Bruxelles 1921, p. 175; V. Laurent, Une princesse byzantine au cloître.
Irène-Eulogie Choumnos Paléologine, fondatrice du couvent de femmes τοϋ Φιλάνθρωπου
Σωτήρος, ΕΟ 29, 1930, p. 41. A. Th. Papadopulos {Versuch einer Genealogie der
Palaiologen. 1259-1453, Munich 1938, p. 4) a rétabli l'année correcte pour la mort de
Theodora (1303), mais il s'est mépris cette fois sur la place du «lundi de la deuxième
semaine des jeûnes», qui, en 1303, tombait le 25 février, comme l'avait bien vu
M. David, et non le lundi suivant 4 mars (qui était le lundi de la troisième semaine des
jeûnes). Personne n'a contesté la date qu'a établie A. Th. Papadopulos et qu'on trouve
régulièrement dans les ouvrages écrits depuis lors ; on peut donner quelques exemples :
F. Halkin, Saint Michel de Chalcédoine, HEB 19, 1961, p. 159; C. Mango-
E.J.W. Hawkins, The Monastery of Lips (Fenari Isa Camii) at Istanbul. Additional
notes, DOP 18, 1964, p. 301 ; D. I. Polemis, The Doukai. A Contribution to Byzantine
Prosopography, Londres 1968, p. 109; V. Laurent, Regestes, Paris 1971, n° 1583 et
n° 1629; PLP, Vienne 1989, n° 21380. Ainsi le vieil ouvrage de M. David mérite encore
d'être lu.
178. Bonn, II, p. 3183.
179. Bonn, II, p. 33614.
180. Ce passage montre qu'il faut situer Pègai en bordure de mer, puisque le bateau
portant le viatique salvateur pouvait être aperçu de l'endroit où se trouvait l'empereur
malade. Ainsi, ici comme ailleurs dans l'Histoire, il faut voir dans Pègai l'actuelle
Karabiga, et non Biga, qui est distante de la mer d'une douzaine de kilomètres.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 53

malade. Sa maladie et sa guérison, présentée comme miraculeuse,


peuvent être datées d'août 1303, puisqu'elles suivent de peu le
tremblement de terre qui survint dans la région le 8 août 1303181.
Georges Pachymérès rapporte ensuite d'autres événements de
l'année 1303, dont l'arrivée des Catalans à Constantinople au mois de
septembre. C'est d'ailleurs au cours de l'hiver 1303-1304 que s'établit
le contact entre la Compagnie et le jeune empereur et que commença
une hostilité mutuelle qui n'allait pas se démentir et qui devait
trouver son dénouement dans le meurtre de Roger de Flor, commis
précisément dans et par l'entourage du jeune empereur. Les Catalans
avaient en effet traversé la Propontide et ils étaient venus hiverner à
Cyzique, afin de commencer leurs opérations en Orient dès le début du
printemps 1304. Pendant ce temps, Michel IX était à Pègai, où il se
remettait de sa maladie. C'est le 24 janvier 1304 que Michel IX
Palaiologos, accueilli par son père Andronic II, fit son entrée à
Constantinople182.

8. La campagne catalane de 1304 en Asie Mineure (XI, 12-


XII, 3)

Les trois derniers livres de l'Histoire sont consacrés en majeure


partie à l'action de la Compagnie catalane dans l'empire byzantin,
d'abord en Asie, puis en Europe. Dans le présent chapitre et dans les
deux derniers chapitres de cet article, on traitera de la chronologie des
déplacements qu'opérèrent les Catalans durant les quatre premières
années (septembre 1303-août 1307) de leur présence dans l'empire
byzantin telles qu'elles sont décrites par Georges Pachymérès. Les
titres qui sont donnés aux trois chapitres de l'article en indiquent
clairement le contenu : La campagne catalane de 1304 en Asie
Mineure, La campagne catalane de 1305 en Thrace et la mort de
Roger de Flor, La campagne catalane de 1306 et le départ de Thrace
en 1307. L'ensemble des données et des résultats est repris dans un
Tableau chronologique183, dont le but est de présenter une vue plus
synthétique de la chronologie et de la topographie des campagnes
successives des Catalans.
L'objectif de l'étude est modeste : établir la chronologie des
expéditions, sans viser à les décrire dans le détail. On portera
cependant une attention spéciale aux itinéraires suivis par les troupes,

181 'Ολίγον δέ πριν ή ταϋτα γενέσθαι, ποσειδεώνος μηνός ογδόη, σεισμός ενσκήπτει (Bonn,
.

Η, p. 3921718).
182. Bonn, Π, ρ. 10519-4063.
183. Voir ci-dessous, p. 83-87.
54 A. FAILLER

dans la mesure où la connaissance et l'évaluation du trajet peuvent


concourir à l'établissement du calendrier des expéditions. Le seul but
recherché est le suivant : rendre plus intelligible le texte de Georges
Pachymérès, en précisant, autant que possible, le cadre chronologi
que, qui constitue souvent la nervure du récit. Aussi sera-t-il fait
appel à la chronique des mêmes événements par le Catalan Ramon
Muntaner dans la seule mesure où celle-ci précise, complète ou rectifie
l'Histoire de Georges Pachymérès sur le plan chronologique.
Les grandes lignes de la chronologie sont d'ailleurs connues. On se
contentera, pour l'essentiel, de les retracer, en y apportant à
l'occasion quelques petites modifications et quelques légères rectifica
tions, comme il est naturel que tout réexamen du texte permette de le
faire. Sur un point, cependant, la correction sera importante, bien
qu'elle apparaisse comme matériellement infime : une leçon de la
nouvelle édition permet en effet de comprendre la structure et la
logique d'un passage de l'Histoire qui a intrigué plus d'un lecteur; elle
amène à reconsidérer un pan entier de la chronologie reçue jusqu'à
présent184.
Venons-en à ce qui fait l'objet de ce premier des trois chapitres de
l'article consacrés aux expéditions des Catalans en terre byzantine.
La Compagnie catalane, menée par Roger de Flor, son chef
incontesté, arriva à Constantinople en septembre 1303, partit en Asie
dès le début de l'hiver et rentra en Europe au début de l'automne
1304. Le séjour en Asie, qui constitue la première étape de sa présence
dans l'empire byzantin, ne dura donc qu'un an. C'est à tort que
P. Poussines lui attribue une durée de trois ans (1303-1306)185. Cette
première erreur en a entraîné d'autres, si bien que l'ensemble de la
chronologie que le premier éditeur de l'Histoire a établie pour les trois
derniers livres est inexact.
Selon Georges Pachymérès, Roger de Flor débarqua à Constantinop
le au mois de septembre de la deuxième indiction186, c'est-à-dire en

184. Voir ci-dessous, p. 70.


185. Tableau chronologique : Bonn, II, p. 854 et 861. P. Poussines, qui a ainsi
démesurément allongé le séjour des Catalans en Asie à cause d'une erreur de traduction
(voir, ci-dessous, les notes 190 et 193), a néanmoins bien daté l'arrivée de Roger de Flor
à Constantinople et le commencement de l'expédition catalane en Orient. M. David
(Animadversiones in observaiiones chronologicas R.P. P. Possini è Societatis Jesu ad
Pachymerem, Dijon 1679, p. 54-60, 62) corrigea la chronologie défectueuse de
P. Poussines dès 1679, c'est-à-dire dix ans après la parution de l'édition ; mais, comme
on vient de le signaler (voir, ci-dessus, la note 177), son étude est restée ignorée. Deux
siècles plus tard, G. Caro a rétabli, par une voie indépendante, la chronologie correcte
pour l'ensemble des expéditions menées par les Catalans en terre byzantine; voir ci-
dessous, p. 251-252.
186. Και τόν έπί τούτω γαμηλιώνα της δευτέρας έπινεμήσεως (Bonn, II, p. 393β~7) ;
Γαμηλιώνος μέν ούν (Bonn, II, p. 397910).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 55

septembre 1303. A partir de là on peut retracer assez précisément


l'emploi du temps et l'itinéraire des troupes. Peu après leur arrivée et
aux abords de Constantinople même, les Catalans livrèrent bataille
aux Génois, qui leur réclamaient le remboursement d'un prêt
contracté par Roger de Flor à son départ d'Occident. Puis les
Catalans quittèrent la capitale en octobre, ou peut-être dès la fin de
septembre, pour gagner Cyzique, sur la rive méridionale de la
Propontide ; plus précisément, ils s'établirent dans le faubourg de
Cyzique appelé Artakès, comme l'indique la Chronique de Ramon
Muntaner187 ; c'est de là qu'ils devaient partir pour leur campagne
contre les Turcs, que Michel IX avait échoué l'année précédente, au
printemps 1302, à repousser vers l'est. Lorsque les Catalans arrivèrent
à Cyzique en octobre 1303, Michel IX en était parti depuis quelques
mois; il se trouvait à présent à Pègai, plus à l'ouest; c'est là qu'il
apprit l'arrivée des Catalans en Orient; à cause des exactions
accomplies par ces mercenaires et sans doute aussi par jalousie et
par dépit d'avoir échoué lui-même dans la région dont on confiait
maintenant la défense aux Catalans, Michel IX fut en froid avec
eux dès le départ. Il interdit à Roger de Flor de pénétrer dans Pègai
pour venir le saluer. Cela se passait dans les derniers mois de 1303
ou au début de janvier 1304, à la fin de la campagne de Michel IX,
qui fut de retour à Constantinople le 24 janvier 1304188.
La Compagnie devait engager le combat contre les Turcs dès son
arrivée en Orient et, selon Ramon Muntaner, quitter Cyzique dès le
1er novembre189. Mais, à cause de la rigueur de l'hiver, Roger de Flor
décida d'attendre la belle saison et d'hiverner à Cyzique du
1er novembre à la fin du mois de mars. Il fit venir sa femme, restée à
Constantinople, et il prévoyait de partir en campagne le 1er avril 1304.
Georges Pachymérès signale aussi que les Catalans commirent leurs

187. Artakès ('Αρτάκης, aujourd'hui Erdek) se trouve à la pointe ouest de la


presqu'île de Cyzique. Ramon Muntaner, dont la Chronique est citée dans l'édition de
Barcelone de 1951 (Ramon Muntaner, Crànica. Vol. VI-IX. Text i notes per Ε. Β.),
avec les références au paragraphe du texte et aux pages et lignes de l'édition, donne au
lieu-dit le nom de «l'Artaqui» ou «l'Atarqui» (203 : p. 2514).
188. Bonn, II, p. 405714 1βΜ. Michel IX défendit pareillement aux habitants de
Cyzique de recevoir Roger de Flor après son départ de la ville (Bonn, II, p. 41 51011).
189. «era lo primer dia de noembre» (Ramon Muntaner, 203 : p. 282*30). Les dates
que fournit le chroniqueur catalan constituent sans doute de bonnes approximations,
mais la fréquence inhabituelle de chiffres comme le 1er ou le 15 du mois, ou de durées
évaluées à huit ou à quinze jours, doit rendre le lecteur circonspect, sans compter que
l'auteur ne mit ses mémoires au net qu'une vingtaine d'années après les événements. A
l'inverse, un argument plaide pour la valeur de ses informations : il tenait l'état des
effectifs et l'inventaire du matériel, de même que la liste des pertes en hommes et du
butin fait à l'occasion des batailles. Cela implique qu'il notait également le
déplacement des troupes au jour le jour.
56 A. FAILLER

exactions à Cyzique «du lever de l'arcture au printemps» et qu'ils y


passèrent «tout l'hiver»190. Vers la fin de l'hiver et avant son départ
en campagne, Roger de Flor vint à Constantinople pour y ramener sa
femme et exiger de nouvelles soldes; ce sera d'ailleurs l'objet
principal des audiences que l'empereur accordera généreusement aux
Catalans durant tout leur séjour. Le voyage de Roger de Flor à
Constantinople est daté par Ramon Muntaner : le chef catalan y vint
en mars; il était de retour à Cyzique le 15 mars et il distribua les
soldes les 16 et 17 mars191. Georges Pachymérès rapporte les mêmes
faits, sans les dater de manière aussi précise ; il signale que le
règlement des soldes se fit «durant tout le carême»192. Pâques
tombant cette année-là le 29 mars, le carême allait du 11 février à
cette date. Selon Georges Pachymérès, lorsque la «grande semaine»
fut arrivée (le lundi de la semaine sainte tombait le 23 mars) et alors
que le mois de mars se terminait, l'empereur envoya à Cyzique sa
soeur, la belle-mère de Roger de Flor, pour inciter ce dernier à partir
enfin en campagne193.

190. εις ήρος έξ άρκτούρου (Bonn, II, p. 41821"22), δια παντός χειμώνος (Bonn, II,
p. 4195). La première expression a été mal traduite par P. Poussines («a vere ad
Arcturum» au lieu de «ab Arcturo ad ver»), qui semble l'avoir confondue avec la forme
qu'elle revêt plus haut, dans le livre III : έξ ήρος ές άρκτοϋρον (nouvelle édition, p. 27310).
Le résultat immédiat d'une telle interprétation est de prolonger d'une année entière le
séjour des Catalans à Cyzique, où ils ne passèrent en fait que six mois. Il faut ajouter
que la forme utilisée ici par Georges Pachymérès (εις ήρος έξ άρκτούρου) est sans doute
une réplique de la précédente (έξ ήρος ές άρκτοϋρον), qui est une réminiscence de Sophocle
(Oedipe roi, vers 1137). L'historien opère un décalque, en gardant le génitif ήρος qui
paraît dès lors hardi et devant lequel il faut suppléer un mot comme εποχή, ώρα, καιρός.
Conformément à la traduction qu'il a adoptée, P. Poussines (Bonn, II, p. 800) a
considéré que les Catalans, arrivés à Cyzique à l'automne 1303, y sont encore demeurés
du printemps 1304 à l'automne 1304, alors qu'en réalité leur séjour va de l'automne
1303 au printemps 1304.
191. «en lo mes de marc» : en mars (Ramon Muntaner, 204 : p. 3017); «e fo tornat a
la companya, a l'Atarqui, al quinze jorn del mes de marc»: 15 mars (p. 303031) ;
«l'endemà» : 16 mars (p. 3128); «l'endemà» : 17 mars (p. 322·5). Pour l'appréciation de
ces dates, comme de celles qui suivront, il faut garder présentes à l'esprit les remarques
émises ci-dessus dans la note 189.
192. Si' δλης της τεσσαρακοστής (Bonn, II, p. 41917).
193. Bonn, II, p. 421121β (της μεγάλης εβδομάδος καταλαβούσης, κρονίου μηνός λήγοντος :
ρ. 421 12~13). A la suite d'une erreur de traduction (voir la note 190), P. Poussines a
indûment prolongé le séjour de la Compagnie catalane à Cyzique d'une première année
(1304). Rencontrant ensuite l'indication chronologique (semaine sainte tombant à la fin
du mois de mars) qu'on vient de mentionner et qui se rapporte à la mission d'Irène
Palaiologina à Cyzique quelques semaines avant le départ en campagne, P. Poussines
(Bonn, II, p. 801) s'est rendu compte que ce synchronisme ne pouvait s'appliquer à
l'année 1305, où Pâques tombait le 18 avril, et qu'il fallait donc prolonger d'une
seconde année (1305) le séjour à Cyzique et dater du printemps 1306 (année où Pâques
tombait le 3 avril) la venue d'Irène Palaiologina auprès de son gendre et le départ en
campagne die la Compagnie catalane ; ainsi Roger de Flor aurait passé intégralement les
années 1304 et 1305 dans son cantonnement de Cyzique et n'en serait parti qu'en avril
1306.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 57

Le 8 avril 1304, un affrontement entre Catalans et Alains provoqua


la mort du fils de Géôrgous, un chef alain. Le lendemain, 9 avril, ce
fut la bataille rangée. L'incident aura de grosses conséquences, car il
est, en partie du moins, à l'origine de l'assassinat de Roger de Flor
l'année suivante à Andrinople. Il faut retenir la date précise du
9 avril que donne Georges Pachymérès194. Elle est en contradiction
apparente avec le récit de Ramon Muntaner, selon qui la Compagnie
devait quitter Cyzique le 1er avril195, comme il avait été prévu
auparavant, alors que l'affrontement entre les Alains et les Catalans
semble avoir eu lieu à un moment où les troupes étaient encore à
Cyzique. La divergence doit sans doute être résolue ici encore au
détriment de Ramon Muntaner, dont les chiffres, comme on l'a
remarqué, manquent de précision.
Toujours est-il qu'en mai la Compagnie, qui était enfin partie en
campagne, se trouvait à Achyraous (Ralikesir)196, à environ quatre-
vingts kilomètres au sud de Cyzique. On manque ensuite de repère
chronologique précis pour les déplacements de la troupe, bien qu'on
connaisse son itinéraire pour cette première partie de l'expédition, en
particulier grâce au récit de Georges Pachymérès. Après Achyraous,
la Compagnie, continuant sa route vers le sud, passa par Germé197,
qui est située à une cinquantaine de kilomètres d'Achyraous et dont
la forteresse était occupée par les Turcs. Les Catalans mirent l'ennemi
en fuite. De là, ils se rendirent à Chliara198, à une quarantaine de
kilomètres par la route principale. Ils durent passer ensuite par
Thyateira et Sardes199, d'où l'armée byzantine avait chassé les Turcs
l'année précédente (XI, 16), et approcher Philadelphie, qui consti
tuait leur objectif essentiel. Ramon Muntaner signale la victoire
importante que les Catalans remportèrent à une journée de marche de
Philadelphie et qui est leur principal — et d'ailleurs unique — exploit
durant cette campagne ; la même bataille est mentionnée par Georges
Pachymérès et située, de manière plus précise, à Aulax200. Ensuite
Roger de Flor se rendit à Philadelphie, puis à Magnésie après un
séjour prolongé à Philadelphie201. Ramon Muntaner signale qu'entre
les deux villes il fit étape à Nymphée202. Le séjour des Catalans à

194. βοηδρομιώνος έννάτη (Bonn, II, p. 42311).


195. «el primer dia d'abril» (Ramon Muntaner, 205 p. 32e).
:

196. Επέστη πυαντιών, κάκείνους μέν είχεν ή Άχυράους (Bonn, II, p. 42319).
197. Bonn, II, p. 42513.
198. Bonn, Π, p. 42612.
199. Tel est en effet l'itinéraire habituel qu'empruntent les troupes pour se rendre
de Cyzique à Philadelphie; il fut suivi, par exemple, par les croisés.
200. Bonn. II, p. 42617.
201. Bonn, II, p. 4287 10.
202. «la ciutat del Nifs» (Ramon Muntaner, 205 p. 3313).
:
58 A. FAILLER

Magnésie fut l'occasion d'une querelle entre le dissident Attaleiôtés et


le grand hétériarque Nostongos Doukas. Ce dernier trouva un bon
prétexte pour abandonner son poste et se réfugier à Constantinople.
Mais Andronic II refusa d'entendre ses raisons et le traduisit en
justice pour désertion de poste. Le jugement eut lieu le dimanche
14 juin 1304203. La précision chronologique permet également de
dater les événements immédiatement antérieurs. Si l'on considère que
Nostongos Doukas était déjà à Constantinople depuis un bon nombre
de jours, comme le montre le récit, lorsqu'il est appelé à comparaître,
et qu'il avait quitté Magnésie pour la capitale après l'arrivée de Roger
de Flor, qui, de son côté, venait de faire le voyage depuis Philadelphie
et avait séjourné auparavant huit jours à Aulax et quinze jours à
Philadelphie204, on peut, sans risque d'erreur, dater de mai 1304
l'importante bataille qui opposa les Catalans aux Karmans d"Alishir
à Aulax.
Selon Georges Pachymérès205, Roger de Flor revint ensuite sur ses
pas, c'est-à-dire vers Philadelphie, et se rendit successivement, depuis
Magnésie, à Koula, située à environ vingt-cinq kilomètres au nord-est
de Philadelphie, et à Phournoi, dans la même région. Il repassa alors
pour la seconde fois à Philadelphie et, de là, il se dirigea vers le sud-
ouest et passa par Pyrgion et Éphèse. Mais Ramon Muntaner, qui
participait lui-même à l'expédition et qui donne plus de détails pour
cette partie de la campagne, omet de mentionner ce retour à
Philadelphie et voit la Compagnie se rendre directement de Magnésie
à Éphèse, tout en signalant sur ce chemin une halte qu'ignore Georges
Pachymérès : Thyraia, qui est située entre Pyrgion et Éphèse et où les
Catalans remportèrent une nouvelle victoire sur les Turcs206.
A partir de là, c'est-à-dire du passage des Catalans à Éphèse, qui
est attesté aussi bien par le chroniqueur que par l'historien207, il
devient difficile de faire concorder les deux témoignages. La
divergence des récits provient sans doute, au moins partiellement, de
la contradiction qui existe entre les intentions des deux auteurs :
Ramon Muntaner entend mettre en avant la bonne foi de Roger de

203. ήμερα κυριωνύμοο, μοαμακτηριώνος τεσσαρεσκαιδεκάτη (Bonn, II, p. 43211"12). Le


synchronisme se vérifie pour l'année 1304. Voir aussi F. Dölger, Regesten, n° 2266
(1304, vor juni 14) : nomination de Nostongos Doukas à la dignité de grand
hétériarque.
204. «vuit jorns» (Ramon Muntaner, 205 : p. 334) et «quinze jorns» (p. 3312). Là
encore, les chiffres que donne le chroniqueur ne sont sans doute pas à prendre de
manière rigoureuse ; ils indiquent cependant une durée globale qu'on peut retenir, avec
les nuances qui s'imposent, conformément à la remarque faite plus haut.
205. Bonn, II, p. 4351β-4361β.
206. Ramon Muntaner, 205 : p. 3314 («la Tira»).
207. Ramon Muntaner, 207 : p. 3619 («E com fo a la ciutat d'Altoloc, lo
megaduc ...»); Georges Pachymérès : Bonn, II, p. 43617.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 59

Flor, qui aurait été abusée et par Andronic II et par le chef de la


place de Magnésie, et, en conséquence, il tait les exactions commises
par son héros ; Georges Pachymérès veut montrer au contraire que
Roger de Flor se conduit en pillard et ne défend nullement les intérêts
de l'empire, pour lesquels il est censé combattre. Il faut retenir les
faits rapportés par Ramon Muntaner, même si sa version est partielle
et partiale, car le chroniqueur catalan a parcouru les étapes qu'il
décrit. Mais il faut retenir également le récit de Georges Pachymérès :
il montre que la campagne de Roger de Flor avait tourné à
l'affrontement direct avec Attaleiôtès à Magnésie et que la collecte
d'argent avait pris le pas sur les objectifs plus nobles de la reconquête
du territoire envahi par les Turcs. On peut essayer de se représenter
ce que fut la fin de la campagne catalane en Asie Mineure au cours de
l'été 1304 en empruntant successivement au texte des deux écrivains.
Pour cela, on reprendra chacun des récits à partir du dernier jalon
commun qu'on vient de mentionner : Éphèse. A l'examen, les deux
relations, également partielles, apparaîtront comme complémentaires
plutôt que contradictoires.
Commençons par Ramon Muntaner. Le chroniqueur catalan
présente un récit détaillé, qui mérite une foi d'autant plus grande que
l'auteur rapporte des souvenirs personnels, même s'il ne les met par
écrit qu'une vingtaine d'années plus tard. Selon cette version des
faits, la Compagnie catalane, qui venait de Thyraia, arriva à Éphèse,
où elle demeura huit jours208. Elle gagna alors Anaia, où elle séjourna
quinze jours. L'armée se rendit ensuite à la Porte de Fer209, qui devait
se trouver assez près d'Anaia et où elle engagea le combat avec succès
contre une importante armée turque. C'était «le jour de madame
sainte Marie d'août»210, c'est-à-dire le samedi 15 août 1304, jour de

208. «vuit jorns» (Ramon Muntaner, 207 : p. 3627).


209. On n'a pas trouvé de solution satisfaisante pour localiser cette Porte de Fer («la
Porta del Ferre», dans la Chronique de Ramon Muntaner). On peut penser à un
toponyme comme Sidèropylè. De toute manière, le lieu-dit se trouvait à proximité
d'Anaia. On y a vu à tort les Portes de Fer du Taurus, à la frontière de la Cilicie ou
Petite Arménie. C'était déjà l'interprétation de Moncada, qui a sans doute servi de
source aux divers commentateurs de la Chronique de Muntaner, parmi lesquels on peut
citer G. Schlumberger, Ll. Nicolau d'Olwer et A. Rubio y Lluch ; la même interpréta
tion, qu'on lit également dans l'annotation de l'édition de la Chronique citée ici (voir
p. 37, en marge), a été encore adoptée par E. Dade (Versuche zur W iedererrichtung der
lateinischen Herrschaft in Konstantinopel, Jena 1938, p. 86). Pour résumer en un mot
l'extravagance d'une telle équivalence, disons qu'elle consiste à insérer une grosse
expédition dans les limites étroites d'une petite expédition!
210. «qui fo lo jorn de madona santa Maria d'agost» (Ramon Muntaner, 207
:

p. 372e~27). Le caractère approximatif des chiffres fournis par Ramon Muntaner a été
évoqué souvent ; mais la présente indication, grâce à sa précision et à l'importance de la
fête en cause, mérite sans doute d'être retenue.
60 A. FAILLER

l'Assomption. La Compagnie catalane resta là huit jours; c'est au


retour à Anaia que Roger de Flor prit connaissance de l'ordre que lui
donnait Andronic II d'avoir à regagner au plus vite l'Europe, pour se
porter au secours de Michel IX sur la frontière bulgare211. Ramon
Muntaner consacre un court chapitre au retour de l'armée catalane :
elle prit la mer à Anaia, passa le détroit d'Abydos et vint s'installer,
sur ordre de l'empereur, à la forteresse de Kallioupolis212.
Le récit de Georges Pachymérès, qui donne une autre image de la
fin de la campagne, n'est pas continu, mais se trouve segmenté en
trois chapitres (XII, 26 et 31 ; XIII, 3); il faut donc rassembler les
données des trois passages, et le fait que les épisodes ne sont pas
racontés dans un ordre chronologique clair apporte un surcroît de
difficulté et même de confusion. Quatre toponymes sont mentionnés
pour illustrer les méfaits de Roger de Flor après son passage à
Éphèse : Chios, Lemnos, Mytilène et Magnésie. Mais le grand duc
sévit surtout à Mytilène, tandis qu'il s'acharna contre la forteresse de
Magnésie, où il avait déposé la plus grande partie de son butin de
guerre et où Attaleiôtès, après l'avoir accueilli avec faste à son
premier passage213, refusait à présent de le laisser entrer. C'est
apparemment au cours du siège que, selon l'historien, parvint à Roger
l'ordre de se replier en Europe214. L'itinéraire des troupes n'apparaît
pas clairement : les incursions à Chios et Lemnos ne sont pas datées,
mais elles semblent se situer aux deux extrémités du chemin que
parcoururent les Catalans pour leur retour en Europe. Georges
Pachymérès insiste davantage sur les deux autres places, qui
reçoivent la visite de Roger de Flor au moins à deux reprises. On voit
le chef catalan une première fois à Magnésie après la bataille d'Aulax,
c'est-à-dire en mai. Il y revint en fin de campagne pour réclamer ses
biens et il y soutint alors un long siège215. De Magnésie, il se rendit à
nouveau à Mytilène, écrit l'historien216. Roger de Flor avait donc fait
un séjour à Mytilène avant son dernier passage à Magnésie, et c'est
alors que Machramès avait été supplicié217. Mais, dans ce dernier
récit, l'historien affirme que, peu avant de faire subir ce traitement à
Machramès218, Roger de Flor proféra des menaces contre les habitants

211. Ramon Muntaner, 208 : p. 38.


212. Ramon Muntaner, 209 : p. 39-40.
213. Bonn, II, p. 428M292.
214. Bonn, II, p. 48019-4814. On a vu dans le paragraphe précédent que, selon
Ramon Muntaner, l'ordre impérial parvint à Roger de Flor alors qu'il se trouvait à
Anaia.
215. Bonn, II, p. 4418"9.
216. ύποστρέψας αδθις κατά Μιτυλήνην γίνεται (Bonn, II, p. 48017).
217. Bonn, II, p. 4377-4395.
218. μικρόν ή ταϋτα γενέσθαι πρότερον (Bonn, II, p. 439e).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 61

de Magnésie ; cela suppose un séjour différent du premier, et il faut


alors conclure que Roger de Flor fit au moins trois séjours à Magnésie.
Magnésie et Mytilène semblent néanmoins avoir constitué les deux
dernières étapes de l'expédition catalane en Asie. Au retour, une
partie des troupes remontèrent par voie de terre jusqu'à Lampsakos,
tandis que l'autre partie, embarquée sur les bateaux catalans, arriva à
Madytos. Toute la Compagnie se rassembla alors à Kallioupolis219.
On peut penser que Georges Pachymérès omet, par manque
d'informations, les épisodes de la campagne qui se déroulent autour
d'Anaia et que Ramon Muntaner, bien informé, fait pudiquement
silence sur le siège sans gloire de Magnésie et sur les exactions
commises à Mytilène et en d'autres lieux sur le chemin du retour en
Europe. Mais un même schéma général peut contenir l'ensemble des
épisodes rapportés par l'historien et le chroniqueur. Deux dates
seulement balisent les six mois (mai-septembre) que dura l'expédition
en Asie Mineure : mai (bataille d'Aulax) et 15 août (bataille de la
Porte de Fer). Si l'on considère que l'expédition se déploya sur un
périmètre restreint, il faut conclure que chacun des deux écrivains ne
fournit qu'un récit incomplet de l'expédition catalane en Asie.
Lorsqu'il écrit que «le grand duc résidait tantôt à Magnésie et tantôt
à Mytilène»220, Georges Pachymérès suggère un certain nombre
d'allées et venues sur un territoire bien délimité et montre qu'il
n'entend pas décrire de manière exhaustive l'itinéraire de Roger de
Flor.
Même s'ils n'utilisent pas les mêmes toponymes (Abydos pour
Ramon Muntaner, Madytos et Lampsakos pour Georges Pachymérès)
pour décrire la fin de l'itinéraire, l'historien et le chroniqueur
s'accordent sur la dernière étape de la Compagnie catalane à son
retour en Europe et désignent Kallioupolis comme lieu de rassemble
ment final. Les Catalans durent y arriver au début de l'automne 1304,
au terme d'une campagne qui avait duré six mois. La place assignée
au récit dans l'Histoire amène naturellement à situer l'événement
après la harangue que l'empereur adressa le 29 septembre 1304 au
groupe des ecclésiastiques récalcitrants221, c'est-à-dire en octobre
1304. Dans le même chapitre, Georges Pachymérès fait allusion «au
temps des labours» et, dans le chapitre suivant, il signale l'arrivée de
Roger de Flor à Constantinople à la fin du mois d'octobre222. Ramon
Muntaner ne fournit, quant à lui, aucune donnée chronologique sur la
date du retour de la Compagnie catalane et sur son installation à
Kallioupolis.

219. Bonn, II, p. 480"-", 4811115.


220. Τω μεν οδν μεγάλω δουκί, τοϋτο μεν κατά Μαγνησίαν, τοϋτο δέ κατά Μιτυλήνην διάγοντι
(Bonn, II, ρ. 451 10U).
221. Bonn, II, p. 46115-4621.
222- έν καιρώ άρότου (Bonn. II. ρ. 4845), μηνός έλαφηβολιώνος λήγοντος (ρ. 4856'7).
62 A. FAILLER

9. La campagne catalane de 1305 en Thrace et l'assassinat


de Roger de Flor (XII, 3-XIII, 15)

Roger de Flor retrouva à Kallioupolis l'ensemble de ses troupes


vers octobre 1304, c'est-à-dire un an exactement après avoir traversé
la Propontide et gagné Cyzique pour l'hiver 1303-1304. Georges
Pachymérès précise que les Catalans étaient installés en Thrace «au
temps des labours», c'est-à-dire à l'automne 1304 223. L'avenir
s'annonçait incertain pour la Compagnie, et la campagne sur les
frontières bulgares, si elle avait lieu, pleine d'embûches. Mais la
situation tourna à l'imprévu. Georges Pachymérès consacre à la
campagne de 1305 et à ses préliminaires près du quart de la seconde
partie de son ouvrage. Dans cette abondante matière, l'exposé qui
suit distinguera quatre parties : 1. Les tractations entre Roger de
Flor et Andronic II ; 2. L'assassinat de Roger de Flor; 3. La bataille
d'Hèmérè; 4. Après la bataille d'Hèmérè.
1. Les tractations entre Roger de Flor et Andronic II. — De
Kallioupolis, Roger de Flor se rendit auprès d'Andronic II, vers la fin
du mois d'octobre 1304224. Après avoir présenté les habituelles
revendications salariales pour ses troupes, il plaida la cause de
Berenguer d'Entença, qu'il avait lui-même attiré en Orient et qui
était arrivé à Madytos peu de temps auparavant, probablement au
cours du même mois d'octobre 1304. Au bout de quelque temps et
après plusieurs entretiens, semble-t-il, Roger de Flor arriva à
convaincre l'empereur, qui signa un chrysobulle en faveur de
Berenguer d'Entença225. Vers le même moment, le pirate génois

223. Voir la fin du chapitre précédent, où les données chronologiques correspondant


es sont rassemblées.
224. μηνός έλαφηβολιώνος λήγοντος (Bonn, II, p. 485e'7).
225. F. Dölger, Regesten, n° 2273 (novembre 1304). Le document est probablement
bien daté, mais il pourrait, à la rigueur, remonter aux derniers jours du mois précédent.
L'historien ne donne pas de précisions sur la durée du séjour de Roger de Flor à
Constantinople, ni sur les péripéties de la négociation avec Andronic II. Le titre du
chapitre 7 ("Αφιξις προς βασιλέα τοϋ μεγάλου δουκός ...) peut même induire en erreur : il ne
faut pas l'entendre d'un nouveau voyage de Roger de Flor à Constantinople depuis son
cantonnement de Kallioupolis, mais d'une nouvelle visite à l'empereur au cours d'un
même séjour, qui est signalé dans le chapitre 4. Ajoutons que la donnée chronologique
de l'Histoire (fin octobre : voir la note précédente) s'applique à l'arrivée de Roger de
Flor à Constantinople, et non au débarquement de Berenguer d'Entença à Kallioupolis,
comme F. Dölger, à la suite de F. Dadf (Versuche zur Wiedererrichtung der lateinischen
Herrschaft in Konstantinopel, Jena 1938, p. 91, avec la note 506), l'écrit dans le régeste
cité au début de la note. Il est vrai qu'elle vaut également, de manière indirecte, pour
l'arrivée de Berenguer d'Entença à Madytos, qui se place avant le départ de Roger de
Flor pour la capitale (Bonn, II, p. 484ie-4855). On peut supposer que Roger de Flor a
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 63

André Morisco vint se mettre au service de l'empereur226.


Là-dessus, Berenguer d'Entença se rendit à Constantinople depuis
Kallioupolis, qu'il avait gagnée au préalable, après son débarquement
à Madytos. Mais il hésitait à se rallier franchement à l'empereur et à
se mettre à son service ; il arriva à Constantinople à la mi-décembre
1304 227, mais il restait sur son navire. Il finit par accepter de se mettre
au service de l'empereur et il fut nommé grand duc le jour de Noël, le
25 décembre 1304 228. Il devint un conseiller très écouté de l'empereur,
qui sollicita son arbitrage devant les exigences inconsidérées qu'une
nouvelle ambassade des Catalans était venue poser en matière de
soldes229. D'après l'historien, la faiblesse d' Andronic II à l'égard des
Catalans finit par lui aliéner l'amitié de Berenguer d'Entença, qui
refusa de paraître à la fête des Lumières, c'est-à-dire de l'Epiphanie
(6 janvier 1305)230; il quitta Constantinople au bout de quelques
jours231, et il alla rejoindre ses compatriotes catalans à Kallioupolis.
Andronic II se heurtait à la même hostilité de la part de Roger de
Flor, qui, après son séjour d'octobre-novembre à Constantinople,
s'était attaché à consolider la forteresse de Kallioupolis232 et qui avait
refusé lui aussi de paraître à la cour impériale pour la fête de
l'Epiphanie233. Le chef catalan demandait à hiverner à Kallioupoli
s234, alors que l'empereur, pour le convaincre de partir, lui offrait la
dignité de césar et la possession de tout le territoire byzantin en
Orient, à l'exception des places fortes. Ces propositions lui furent
faites par l'intermédiaire de sa belle-mère, Irène Palaiologina, la soeur
d' Andronic II. Mais Roger de Flor continuait à réclamer les soldes.
Kanabourios, un familier de la princesse, faisait la navette entre
Kallioupolis et Constantinople, mais sans obtenir aucun résultat.
Alors Andronic II chargea Théodore Choumnos de porter à Roger de

rencontré Berenguer d'P^ntença avant de quitter Kallioupolis, mais l'historien ne le dit


pas expressément.
226. Bonn, II, p. 49512-4967.
227. περί τα μέσα γαρ σκιροφοριώνος άφΐκτο (Bonn, II, p. 49714).
228. Bonn, II, ρ. 4985"8.
229. Bonn, Π, ρ. 50112-5033. La suite du récit montre que cette ambassade est à
placer dans les derniers jours de décembre 1304 ou dans les premiers jours (avant le 6)
de janvier 1305.
230. Bonn, II, p. dO437.
231. La date du départ n'apparaît pas de manière claire : après avoir refusé
l'invitation à la fête de l'Epiphanie, Berenguer d'Entença resta encore dans le port· trois
jours et trois nuits (ήμέραις ολαις τρισί και νυξίν ισοας Bonn, II, p. 50410), puis il prit le
:

départ de nuit (ibidem, p. 50558). Apparemment ces trois nuits et trois jours sont à
compter à partir du 6, et Berenguer d'Entença serait donc parti le 9 janvier à la nuit
tombante.
232. Bonn, II, p. 505916.
233. Bonn, II. p. Γ>0£>16-Γ>062.
234. Bonn. IL p. F>06«
64 A. FAILLER

Flor ses insignes de césar, avec le chrysobulle de garantie, ainsi


qu'une grosse somme d'argent pour les soldes. Mais Théodore
Choumnos craignit pour l'argent et pour sa propre vie. Avant
d'arriver à Branchialion, qui se trouve près de Kallioupolis, il se
réfugia dans la forteresse de Tzimpè ; de là il retourna à Constantinop
le, jugeant qu'il ne pouvait conduire à bien sa mission235. On devait
être à la fin de janvier ou, au plus tard, au début de février 1305236.
Le calendrier des événements suivants, qui occupent approximati
vement un mois (mi-février-9 mars), peut être établi à partir de la
seule date que donne Georges Pachymérès dans ce passage : le 9 mars
1305237, qui était un mardi, Andronic II harangua les ambassadeurs
catalans en présence de la cour, désireux de leur démontrer et son bon
droit et leur mauvaise foi, et il stigmatisa les agissements de la
Compagnie catalane depuis son arrivée sur les terres de l'empire dix-
huit mois plus tôt. A cette date du 9 mars, les ambassadeurs catalans
étaient présents à Constantinople au moins depuis la veille et au plus
depuis quelques jours. Remontons à présent l'enchaînement des
événements, pour reconstruire le calendrier des faits précédents,
comme les indications chronologiques fournies par l'historien permett
ent de le faire. Quinze jours avant l'arrivée des ambassadeurs à
Constantinople238, Roger de Flor avait adressé une lettre d'excuses à
Andronic II pour les paroles impertinentes et blessantes qu'il avait
prononcées à son encontre devant ses troupes dix jours plus tôt239. Le
discours de Roger de Flor est à son tour postérieur à la mission de
Théodore Choumnos qu'on vient de relater dans le paragraphe
précédent240. En prenant comme référence le seul fait qui soit
précisément daté, c'est-à-dire la harangue adressée par Andronic II,
en date du 9 mars, à l'ambassade catalane, qui vient juste d'arriver à

235. Les circonstances de la mission infructueuse de Théodore Choumnos sont


décrites longuement par Georges Pachymérès : Bonn, II, p. 50812-50919.
236. Le récit de Georges Pachymérès ne permet pas de préciser davantage.
F. Dölger {Regesten, n° 2277) place en février 1305 la mission de Théodore Choumnos,
qu'il situe entre deux dates extrêmes : 6 janvier (invitation faite à Roger de Flor de
venir à Constantinople pour la fête de l'Epiphanie) et 9 mars (harangue d'Andronic II
devant l'ambassade catalane à Constantinople). Mais le deuxième terme est mal choisi :
en fait, la mission de Théodore Choumnos est antérieure au discours que Roger de Flor
prononça devant les siens vingt-cinq jours au moins avant la harangue d'Andronic II
du 9 mars, comme il apparaîtra dans le paragraphe suivant. En d'autres termes, s'il
faut bien placer la mission de Théodore Choumnos après le 6 janvier, on ne peut
cependant la situer plus tard que le 10 février, date approximative, d'après le contexte,
du discours prononcé par Roger de Flor devant ses troupes.
237. έννάτγ) κρονίου (Bonn, II, p. 51410).
238. έπί διωρία πεντεκαίδεκα ήμερων (Bonn, II, ρ. 51 45).
239. Ού πλείους έξ εκείνου των δέκα παρήλθον ήμέραι (Bonn, II, p. 5135).
240. Cela ressort du premier mot du chapitre 18 (Εϊτα : Bonn, II, p. 5108), qui place
d'emblée ces événements au lendemain de la mission de Théodore Choumnos.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 65

Constantinople, on peut fixer une date approximative à chacun des


événements antérieurs :
1 . Roger de Flor a dépêché l'ambassade catalane quelques jours
plus tôt; disons vers le 5 mars.
2. Roger de Flor a adressé une lettre d'excuses à Andronic II
quinze jours plus tôt; disons vers le 20 février241.
3. Roger de Flor a prononcé des paroles excessives contre
l'empereur dans le discours qu'il a adressé à ses troupes dix jours plus
tôt; disons vers le 10 février.
4. La mission de Théodore Choumnos s'était terminée auparavant;
disons qu'elle a pris fin avant le 10 février 1305.
Un mois après l'audience accordée par Andronic II à l'ambassade
catalane (9 mars 1305), Roger de Flor revêt enfin les insignes de césar
à Kallioupolis : c'était le 10 avril, en la fête de la résurrection de
Lazare (samedi précédant le dimanche des Rameaux)242.

2. L'assassinai de Roger de Flor. — Après avoir revêtu les insignes


de césar (10 avril 1305), Roger de Flor renvoya à Constantinople sa
belle-mère Irène Palaiologina, la soeur d'Andronic II, et sa femme
Marie Asanina, qui était enceinte. Il se montrait désormais disposé à
suivre les ordres de l'empereur et prêt à passer en Asie. Mais, avant de
retraverser la Propontide, il voulait rendre visite au jeune empereur
Michel IX, qui se trouvait encore à Andrinople. Il mettait en avant
son désir de saluer le jeune empereur, mais en fait il était poussé par le
désir de connaître l'importance de son armée et de braver un homme
dont l'hostilité envers la Compagnie catalane était connue depuis le
premier jour. Michel IX apprit bientôt l'arrivée du césar, que vint
annoncer un beau-frère de Roger, c'est-à-dire un frère de sa femme
Marie Asanina : cela se passait huit jours avant la fin du mois d'avril,
c'est-à-dire le vendredi 23 avril 1305. L'indication est fournie par
Georges Pachymérès, qui emploie une formule recherchée, mais claire
néanmoins : «le huitième jour d'avril finissant»243, c'est-à-dire sept

241. On ne peut exclure une autre interprétation du texte de Georges Pachymérès :


que le délai de quinze jours (voir la note 238) soit à placer, non entre l'envoi de la lettre
et l'ambassade, mais entre le discours et l'ambassade. On aurait alors le calendrier
suivant : 20 février pour le discours de Roger de Flor, 1er mars pour l'envoi de la lettre,
5 mars pour l'ambassade. Mais c'est moins probable. On peut supposer en effet que
Roger de Flor a attendu une réponse éventuelle à sa lettre avant de dépêcher une
ambassade.
242. κατά τήν ήμέραν της τοϋ αγίου Λαζάρου έγέρσεως (Bonn, Π, ρ. 5224).
243. Βοηδρομιώνος τοιγαροΰν ογδόη λήγοντος ήν (Bonn, II, p. 52413). L'expression doit
être ainsi entendue : le huitième jour de la dernière décade du mois, lorsqu'on remonte
de 10 à 1, ou, plutôt, de 30 à 21. Ce jour coïncide, selon une autre méthode de calcul et
en suivant cette fois le chemin inverse, c'est-à-dire en descendant de 21 à 30, à la τρίτη
66 A. FAILLER

jours avant la fin du mois. Roger de Flor se présenta aux abords


d'Andrinople cinq jours plus tard, le mercredi 28 avril : le mercredi de
la semaine dite de Thomas, écrit l'historien244. Roger de Flor fut reçu
par le jeune empereur dès ce jour aux abords de la ville. Le
lendemain, jeudi 29 avril, il fit son entrée à Andrinople en compagnie
du jeune empereur. Les 29 et 30 avril, le césar et l'empereur
conversèrent ensemble ; et le premier s'apprêtait déjà à partir, lorsque
les Alains, avec ou sans l'accord explicite du jeune empereur,
assassinèrent le chef de la Compagnie catalane. La mort de Roger de
Flor doit donc être datée du vendredi 30 avril 1305245. Le texte de
Georges Pachymérès n'est pas vraiment explicite, et on pourrait
concevoir, à la rigueur, que l'assassinat n'ait eu lieu que le lendemain
de ce jour, soit le 1er mai. Après avoir mentionné que Roger de Flor et
Michel IX s'entretinrent les 29 et 30 avril, l'historien passe à la

μετ' είκάδας. Pour un mois de 30 jours comme l'est avril, il s'agit donc du 23, comme l'a
établi G. Caro (Zur Chronologie der drei letzten Bücher des Pachymeres, BZ 6, 1897,
p. 118), plutôt que du 24, comme l'a cru E. Dade {Versuche zur Wiedererrichtung der
lateinischen Herrschaft in Konstantinopel, Jena 1938, p. 98), ou du 22, comme l'a
interprété le rédacteur de la version abrégée (άπριλλίου τοίνυν κβ'). Sur les deux manières
de compter les jours de la dernière décade du mois, voir F. K. Ginzel, Handbuch der
mathematischen und technischen Chronologie. Das Zeitrechnungswesen der Völker. II.
Zeitrechnung der Juden, der Naturvölker, der Römer und Griechen sowie Nachträge zum I.
Bande, Leipzig 1911, p. 322. P. Poussines (Bonn, II, p. 803-804), dont la chronologie
accuse un retard de deux ans (voir le chapitre précédent de l'article), s'est vu obligé de
corriger le mois, en remplaçant «avril» par «mars», afin d'obtenir un synchronisme
valable pour l'année 1307; de plus, il a mal interprété l'expression et l'a traduite ainsi
(Bonn, II, p. 524) : «octava supra vicesimam Martii mensis dies...» M. David
(Animadversiones in observationes chronologicas R.P. P. Possini è Societatis Iesu ad
Pachymerem, Dijon 1679, p. 50), qui a rétabli l'année et le mois corrects pour l'arrivée
de Roger de Flor à Andrinople (avril 1305, non mars 1307), a accepté, par contre, le
décompte des jours tel que l'avait présenté P. Poussines. En fait, pour ce qui est du
quantième du mois, l'expression utilisée par Georges Pachymérès équivaut à
30 — 7 = 23 (ou 31 — 7 = 24, pour un mois de 31 jours), non à 20 + 8 = 28.
244. Τετράς ήν της τοϋ Θωμά λεγομένης εβδομάδος (Bonn, II, p. 5252). L'intervalle de
cinq jours qui sépare l'annonce faite à Michel IX d'une arrivée imminente du césar et
son arrivée effective peut s'expliquer de deux manières : ou bien le césar est déjà arrivé
près d'Andrinople et attend de recevoir la permission du jeune empereur pour
l'approcher, ou bien le messager a été dépêché quelques jours avant le départ du césar.
Mais les données chronologiques sont assez précises, dans leur ensemble, pour mériter
d'être retenues : elles montrent que la première rencontre entre Michel IX et Roger de
Flor eut lieu le 28 avril 1305.
245. C'est la date retenue par G. Caro (art. cit., p. 118), qui est suivi par Angeliki
Laiou (Constantinople and the Latins. The Foreign Policy of Andronicus //. 1282-1328,
Cambridge Mass. 1972, p. 146). Partant du point fixe que constitue «le mercredi de la
semaine de Thomas» (28 avril 1305), M. David (op. cit., p. 52, 54, 61, 62-63) était arrivé
à la même conclusion, lorsqu'il plaçait la mort de Roger de Flor «ultimo die Aprilis vel
saltern primo Maij ».
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 67

relation de l'assassinat, sans donner aucune indication chronologi


que246.
Le témoignage de Ramon Muntaner est moins précis, mais il
s'accorde avec la date donnée par Georges Pachymérès : le chroni
queur écrit que Roger fut assassiné «le septième jour» après son
arrivée247; or, selon Georges Pachymérès, la nouvelle de son arrivée
fut annoncée à Michel IX le 23 avril et il mourut le 30. Les «sept
jours» de la chronique catalane se comptent ainsi à partir du 24 avril
(et jusqu'au 30), plutôt qu'à partir du 28 avril, date de sa rencontre
avec Michel IX. Dans le second cas, en effet, le meurtre de Roger de
Flor serait reporté au 4 ou au 5 mai248. Mais le texte de Georges
Pachymérès s'oppose à cette interprétation et exclut qu'un tel délai
s'écoule entre l'entrée de Roger de Flor à Andrinople et son
assassinat. Si l'on retient l'ensemble de ces conclusions, le témoignage
de Ramon Muntaner, loin de contredire celui de Georges Pachymérès,
peut même être invoqué pour préciser deux points de son Histoire :
1. Roger de Flor fut bien assassiné le 30 avril (7e jour à compter du
24), et non le 1er mai; 2. le césar était déjà rendu aux abords
d'Andrinople, lorsque son beau-frère vint, le 23 avril, annoncer au
jeune empereur son arrivée249.
3. La bataille d'Hèmérè. — Le meurtre de Roger de Flor changea la
situation. Michel IX crut le moment venu pour anéantir la Compag
nie catalane, qui venait de perdre son chef. Pendant les deux mois
qui suivirent, il mena son offensive avec constance, mais il essuya
échec sur échec. Georges Pachymérès en mentionne trois : Kallioupo-
lis, Branchialion, Hèmérè. La troisième bataille marqua la défaite
définitive de Michel IX face aux Catalans. Aussi convient-il d'en fixer
précisément les circonstances et la date, d'autant plus que les exposés
faits jusqu'à présent sur cet épisode sont souvent inexacts et toujours

246. Il convient d'émettre en outre une réserve sur l'authenticité du texte : le début
du chapitre 24 est transmis sous trois formes différentes dans les manuscrits ; c'est le
signe d'une corruption du texte original. On ne peut donc exclure absolument que
certaines précisions, par exemple chronologiques, aient été perdues.
247. «al setèn jorn» (Ramon Muntaner, 215 : p. 4624).
248. C'est l'interprétation que retient E. Dade (op. cit., p. 99 n. 548). L'éditeur de
la chronique de Ramon Muntaner (p. 46, en marge des lignes 18 et 27) fait
apparemment le même calcul, mais, tributaire de la chronologie établie par
P. Poussines (voir, ci-dessus, la note 243), il décale le calendrier d'un mois : arrivée de
Roger de Flor à Andrinople le 28 mars 1305 et assassinat le 4 avril.
249. C'est d'ailleurs l'impression qu'on retire du récit de l'historien : Roger, qui se
tenait à une certaine distance, envoya son beau-frère annoncer son arrivée, qui était
déjà effective, et préparer la rencontre avec Michel IX. Le jeune empereur dépêcha
alors une première délégation, pour s'informer des dispositions de Roger de Flor et des
conditions de sa visite, puis une seconde délégation, pour lui donner son accord.
68 A. FAILLER

confus, tant pour la description des faits que pour la fixation de la


chronologie.
Voulant tirer un profit immédiat de la disparition du chef de la
Compagnie catalane, Michel IX envoya des troupes encercler et
assiéger Kallioupolis dès le début du mois de mai. Mais, après
quelques succès partiels, les troupes byzantines durent lever le siège
et regagner leur base. Selon Ramon Muntaner250, le siège avait duré
quinze jours, c'est-à-dire, de manière approximative, toute la
première quinzaine de mai. Après la levée du siège, c'est-à-dire dans
la seconde quinzaine de mai, Berenguer d'Entença, devenu l'un des
deux chefs de la Compagnie catalane après la mort de Roger de Flor,
rassembla une flotte d'une vingtaine de bateaux et se mit à courir la
Propontide ; s'il échoua devant Artakès, où les Catalans avaient passé
leur premier hiver, et devant Proconnèse, il réussit par contre à
s'emparer d'Héraclée de Thrace le 28 mai 1305251; dès lors, il pouvait
même menacer la capitale. L'incendie de la maison de Rhaoul Pachys
par les Constantinopolitains excédés est présenté comme une
conséquence des exactions des Catalans, et plus particulièrement
comme une suite des massacres perpétrés à Héraclée de Thrace252. Il
doit donc dater des derniers jours de mai 1305 ou même, plus
précisément, du 30 mai, si l'enchaînement des faits est aussi étroit
que le texte le laisse entendre253.
Mais voilà qu'apparut la flotte génoise, qui surprit Berenguer
d'Entença à Rhègion, petit port situé seulement à une quinzaine de
kilomètres de Constantinople. L'historien écrit que la flotte arriva «le
soir» ou «cette nuit-là»254. La suite du récit montre qu'il entend
indiquer le soir du 30 mai 1305. La liaison chronologique entre les
divers épisodes qui sont rapportés n'est pas claire. L'historien veut-il
dire simplement que la flotte arriva le jour où Rhègion se trouva être
l'objet du pillage de Berenguer d'Entença, ou veut-il marquer plus
précisément la simultanéité entre l'incendie de la maison de Rhaoul et

250. Ramon Muntaner, 215 : p. 472e.


251. τοϋ αύτοϋ πυαντιώνος μηνός εικοστή ογδόη (Bonn, II, ρ. 5293).
252. Bonn, II, p. 532*-53310. Ramon Muntankr (216 : p. 5035), proche de l'autre
partie du conflit, rapporte que, dès après la prise d'Héraclée de Thrace (28 mai 1305),
l'amiral Ferran d'Aunes fut assassiné à Constantinople. Or il s'agit précisément du
gendre de Rhaoul Pachys; sur l'amiral, voir ibidem, 199, 201, 203, 206, 207, 213, 216 :
p. 207, 222\ 25«-» et 2929-302, 342231, 361618, 44810, 5035. Comme il apparaîtra dans la
nouvelle édition, Georges Pachymérès semble avoir mal identifié ce personnage.
253. La première phrase du chapitre 27 présente l'arrivée des bateaux génois, qui
accostèrent à Rhègion le soir du 30 mai (κατ' έκείνην τήν νύκτα: Bonn, II, p. 5331112),
comme la cause qui fit cesser la furie incendiaire et meurtrière des Constantinopolitains
à l'encontre des Catalans.
254. κατ' έκείνην τήν νύκτα (Bonn, II, p. 5331112), δείλης δ' όψίας (ρ. 5344).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 69

l'arrivée de la flotte génoise? Il est difficile de répondre. La réponse


n'a d'ailleurs pas une grande portée, car elle peut commander tout au
plus un léger déplacement d'un ou deux jours pour certains des
événements.
Toujours est-il que la flotte génoise pénétra dans le port de Rhègion
le 30 mai au soir, car, dans la suite du récit, l'historien indique
clairement que le lendemain fut le 31 mai255. Berenguer d'Entença
essaya, en répandant de fausses nouvelles, d'obtenir l'alliance des
Génois contre l'empereur, mais ceux-ci décidèrent, avant d'engager
quelque action, de consulter leurs compatriotes de Galata. La nuit
même, ils envoyèrent des messagers prendre des informations à
Constantinople, où ceux-ci rencontrèrent et les Génois de Galata et
l'empereur lui-même. Ordre fut donné à la flotte génoise d'attaquer la
flotte catalane de Berenguer d'Entença, qui fut battue à l'aurore du
31 mai et ramenée à Constantinople à l'heure de midi, dans
l'humiliant appareil des vaincus. Le lendemain, 1er juin, les vain
queurs furent reçus par Andronic II, qui les récompensa pour leur
victoire.
Quant à Michel IX, il avait repris son offensive contre les Catalans
après l'échec subi devant Kallioupolis au début du mois de mai. Il
quitta Andrinople256, pour venir s'établir à Pamphylon, à une
soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Rhaidestos, et de là il
envoya à nouveau son armée sur Kallioupolis. Mais les troupes
byzantines furent battues aux abords de la forteresse tenue par les
Catalans, à Branchialion. Georges Pachymérès ne donne aucune
indication chronologique sur cette bataille, mais Ramon Muntaner
précise qu'elle se déroula le «samedi, vingt-deux jours avant la saint
Pierre de juin» (29 juin)257. Mais les deux données se contredisent : si

255. της δ' αυτής ημέρας, ήτις ήν τριακοστή πρώτη πυαντιώνος (Bonn, II, p. 54114"15).
256. Dès le mois de mars, Michel IX avait reçu de son père l'ordre de rejoindre
Aprôs et de combattre de là les Catalans (Bonn, II, p. 5171316; voir F. Dölger,
Regesten, n° 2279 : peu après le 9 mars 1305). Le déplacement qu'il entreprit le
conduisit d'abord à Pamphylon, puis à Aprôs (Bonn, II, p. 549710).
257. «dissabte, a vint-e-dos jorns abans de la festa de sant Père de juny de l'any mil
trescents sis» (Ramon Muntaner, 220 : p. 541617). Le chroniqueur, qui ne mentionne
qu'exceptionnellement les millésimes, se trompe manifestement d'année : il s'agit de
1305, et non de 1306, quel que soit d'ailleurs le calendrier de référence. Si cela n'enlève
pas sa valeur au reste de l'information, on voit cependant que la Chronique n'est pas un
document sûr et doit être abordée avec circonspection. Au long d'un récit qui fourmille
de détails et témoigne d'une multitude de faits précis, l'auteur commet des méprises
étonnantes. Pour montrer le caractère approximatif ou erroné de sa chronologie, on se
contentera de citer les passages où il prétend que la Compagnie catalane se maintint
encore dans la forteresse de Kallioupolis durant sept années après la mort du césar
Roger de Flor : «F aixi tota hora feu Gallipol cap de la companya, ço es a saber, set
anys que el tinguem depuis lo césar fo mort», «haviem estât e'1 cap de Gallipol e en
70 A. FAILLER

la bataille se déroule le samedi, ce devrait être le 5 juin 1305, et ce


serait alors vingt-quatre (et non vingt-deux) jours avant la saint
Pierre de juin ; si au contraire la bataille se déroule vingt-deux jours
avant la saint Pierre de juin, ce devrait être le lundi (et non le samedi)
7 juin. On supposera de préférence que le chroniqueur a bien retenu le
jour de la semaine et confondu la date, plutôt que l'inverse258. Ainsi,
la bataille de Branchialion eut sans doute lieu le 5 juin 1305. Il
s'ensuit que Michel IX vint à Pamphylon aux premiers jours de juin
ou, au plus tôt, vers la fin de mai.
La nouvelle de la défaite de Branchialion parvint rapidement à
Andronic II, grâce à un message envoyé par Michel IX259. La défaite
eut une assez grande répercussion et l'agitation du peuple fut assez
grave pour qu'Andronic II décidât dans un premier temps de faire
entrer dans Constantinople des renforts militaires et dans un
deuxième temps d'imposer aux citoyens un serment de fidélité à
l'empereur; en effet, dans la crainte d'un soulèvement populaire,
Andronic II annonça cette dernière mesure dans une harangue qu'il
prononça en public. Le discours impérial est daté par Georges
Pachymérès du 11 juin 1305260. Telle est en effet la leçon du meilleur
manuscrit, le Vatican, gr. 204 (C). Comme en maints autres endroits,
P. Poussines a retenu au contraire la leçon de B, qui est d'ailleurs
transmise également par A : 1er juin261. Cette chronologie, qui dérive

aquella encontrada set anys depus lo césar fo mort» (Ramon Muntaner, 225 p. 6635 ;

:
231 : p. 8418"20). En fait, cette durée doit être réduite à deux années et deux ou trois
mois (30 avril 1305-juin 1307).
258. En présentant ce calendrier, Ramon Muntaner admet implicitement que la
saint Pierre tombait un dimanche et que la bataille eut lieu un samedi, trois semaines
et un jour (vingt-deux jours) avant la saint Pierre. On peut alors se demander si les
Catalans ne fêtèrent pas la saint Pierre le dimanche qui était le plus proche de la fête et
qui précédait de deux jours la fête (27 juin 1305). On peut rappeler aussi (voir ci-dessus,
p. 55 n. 189) que les données chronologiques fournies par le chroniqueur catalan
n'offrent pas toutes les garanties.
259. F. Dolger, Regesten, n° 2621 (avant le 1er juin 1305). La date donnée dans les
Regesten doit être corrigée, puisque la bataille n'eut lieu que le 5 juin. Il faut placer le
document, de manière plus précise, entre le 5 et le 1 1 juin, puisqu'à cette dernière date,
comme on va le voir, Andronic II était au courant de la nouvelle. Dans ce même
régeste, il faut, également corriger le lieu de la bataille, qui est Rranchialion, et non
Pamphylon, comme il est écrit par erreur. Pamphylon est le lieu de résidence de
Michel IX à ce moment et la base d'opérations des troupes byzantines que l'empereur,
absent lui-même de la bataille, envoya sur Kallioupolis et qui furent écrasées non loin
de cette ville, à Branchialion.
260. μαιμακτηριώνος πρώτη συν δέκα (Bonn, II, p. 5468).
261. L'erreur peut s'expliquer aisément par la perte d'un chiffre (σύν δέκα ou ι, selon
que le chiffre est donné en toutes lettres ou par les deux lettres du nombre 1 1 : πρώτη
σύν δέκα ou ta') ; voir la note précédente. Ce passage de l'Histoire est d'ailleurs corrompu
en maints endroits. Ajoutons que la version brève de l'Histoire donne une troisième
leçon : ίουνίου όκτωκαιδεκάτη (ιη')· La meilleure façon d'expliquer les trois leçons est de
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 71

des manuscrits A et B, a introduit de graves confusions dans l'analyse


du texte et des événements. Elle contredit la date que Ramon
Muntaner assigne à la bataille de Branchialion (le 5 juin, ou à la
rigueur le 7 juin) et qu'on n'a aucune raison de récuser. En effet, si la
harangue, qui est prononcée après la bataille de Branchialion, datait
du 1er juin, la bataille aurait dû se tenir avant le 1er juin et non le
5 juin. Mais le texte du manuscrit C permet d'harmoniser l'ensemble
des données fournies par l'historien et par le chroniqueur ; loin de se
contredire, celles-ci se complètent : la bataille de Branchialion eut
lieu le 5 juin, et Andronic II tint sa harangue le 11 juin.
Les hypothèses qui ont été forgées pour obtenir l'accord des sources
entre elles peuvent dès lors être ignorées. Mentionnons cependant
l'une d'elles, parce qu'elle continue à commander la présentation de
ces événements qui est faite jusqu'à aujourd'hui. E. Dade avait
proposé une correction au texte de Muntaner : la fête de saint Pierre
par rapport à laquelle est datée la bataille de Branchialion, qui eut
lieu vingt-deux jours avant la fête, ne serait pas la fête des saints
Pierre et Paul de la fin du mois de juin (29 juin), bien que Ramon
Muntaner l'affirme expressément262, mais la fête de saint Pierre aux
liens du mois d'août (1er août). La bataille aurait donc eu lieu vingt-
deux jours avant le 1er août, c'est-à-dire le 10 juillet, qui était
effectivement un samedi263. L'hypothèse pouvait paraître astucieuse ;
mais E. Dade ne semble pas avoir bien distingué l'enchaînement que
Georges Pachymérès a établi entre les faits et qui postule l'antériorité
de la défaite de Branchialion par rapport aux mesures prises par
Andronic II264, car celles-ci sont provoquées précisément par l'issue
de cette bataille. Mais la bonne leçon du texte dispense désormais de
recourir aux hypothèses. On verra d'ailleurs plus bas que la
présentation et la chronologie des faits telles qu'on les trouve dans
l'ouvrage de E. Dade sont à la source d'autres confusions.
Une fois repoussé l'assaut des troupes byzantines, qui étaient
venues attaquer les Catalans à Branchialion tout près de leur base de

supposer que le ou les chiffres n'étaient plus bien lisibles ; d'où les trois lectures
suivantes : a', ta', ιη'. Le seul critère matériel pousse à éliminer d'entrée ιη'. C'est une
nouvelle preuve de la corruption du texte. Par ailleurs, l'accord entre les manuscrits A
et Β est une constante de la tradition manuscrite, et le manuscrit C possède, à lui seul,
plus de poids que les deux autres manuscrits dans la plupart des cas.
262. Voir, ci-dessus, la note 257.
263. E. Dade, Versuche zur Wiedererrichtung der lateinischen Herrschaft in Konstan-
tinopeL Jena 1938. p. 103-104.
264. R. Dade (op. cit., p. 103 n. 567) affirme, à tort, que les deux faits sont
indépendants, alors que l'enchaînement logique des événements et du récit est clair.
Même fautif, le texte de l'édition de l'Histoire qu'il avait sous les yeux aurait dû
l'amener, de toute manière, à placer la bataille de Branchialion avant la harangue
d 'Andronic 1 1.
72 A. FAILLER

Kallioupolis, les Catalans poursuivirent à leur tour les troupes


byzantines. Le nouvel affrontement, que les historiens appellent
habituellement la bataille d'Aprôs, eut lieu à Hèmérè265, près d'Aprôs.
Ni Georges Pachymérès ni Ramon Muntaner ne donnent d'indication
chronologique. Il est certain cependant que la bataille d'Hémérè eut
lieu en juin. Le trajet suivi par Michel IX éclaire le déroulement des
opérations et la progression des troupes. Michel IX quitta Andrinople
en mai266; il arriva à Pamphylon267, d'où il envoya contre les Catalans
de Kallioupolis ses troupes, qui furent battues à Branchialion le
5 juin et qui revinrent en arrière; Michel IX, continuant entretemps
sa route vers le sud, arriva aux abords d'Aprôs268, et c'est près de
cette ville, au lieu-dit Hèmérè, qu'eut lieu la bataille décisive, la seule
à laquelle Michel IX participa personnellement au cours de la
campagne de 1305. Les mouvements des troupes et l'ensemble du
contexte donnent à penser que la bataille d'Hémérè se déroula dans la
deuxième quinzaine de juin.
A la lecture de la chronique de Ramon Muntaner269, on peut en
effet évaluer à une quinzaine de jours l'espace de temps qui sépare les
deux batailles de Branchialion et d'Hémérè : au lendemain du 5 juin,
les Catalans envoient leurs espions à Andrinople et à Constantinople
pour s'informer des projets de l'ennemi ; une fois les espions revenus,
les troupes catalanes quittent leur cantonnement de Kallioupolis et
elles arrivent au contact de l'armée ennemie trois jours plus tard. On
trouve d'ailleurs la même évaluation dans l'étude de E. Dade, qui,
après avoir daté du 10 juillet la bataille de Branchialion, place la
bataille d'Hémérè vers la fin juillet270. C'est donc à tort qu'on se
réfère à cet ouvrage pour placer la bataille d'Hémérè au 10 juillet
1305271. Comme on l'a vu, E. Dade entend appliquer cette date à la

265. Telle est la forme du toponyme. Ici comme ailleurs, il convient en effet de
préférer la leçon des manuscrits A et C (Ήμερη), reprise également dans la version
abrégée de l'Histoire, à celle de Β (Ίμέρι), qui a été retenue par le premier éditeur.
266. Georges Pachymérès (Bonn, II, p. 5437 et p. 5498) mentionne à deux reprises
le départ d'Andrinople, au début des chapitres 30 et 32. La répétition est justifiée par
l'insertion d'un autre événement (la réaction d'Andronic II), dont le récit est venu
rompre la continuité de la narration.
267. Bonn, II, p. 543'.
268. Bonn, II, p. 549e.
269. Ramon Muntaner, 220 : p. 55-56. Georges Pachymérès ne donne aucune
indication chronologique.
270. E. Dade, op. cit., p. 104 n. 569 («etwa Ende Juli»).
271. Comme le fait, par exemple, Angeliki Laiou, Constantinople and the Latins. The
Foreign Policy of Andronicus Π. 1282-1328, Cambridge Mass. 1972, p. 162 n. 16. On
trouve la même datation dans deux articles postérieurs du même auteur : Byz. 37, 1967,
p. 95 ; Byz. 38, 1968, p. 397. Cette chronologie a été adoptée également par le rédacteur
de la notice de Michel IX Palaiologos dans le PLP, n° 21529 (fascicule 9, p. 106).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 73

bataille de Branchialion, et non à la bataille d'Hèmérè, qui se déroule


une quinzaine de jours après. Ajoutons qu'il est plus correct — et plus
prudent — de donner à cette bataille le nom d'Hèmérè, plutôt que
d'Aprôs272, car la seconde dénomination laisse entendre que la ville et
la forteresse d'Aprôs furent prises par les Catalans, alors que ce ne fut
pas le cas : comme on le notera plus bas, l'historien byzantin et le
chroniqueur catalan s'accordent là-dessus.
En résumé, la bataille d'Hèmérè eut lieu dans le dernier tiers du
mois de juin 1305, une quinzaine de jours après celle de Branchialion,
qu'on peut dater en toute probabilité du 5 juin ; elle se déroula dans
la plaine devant Aprôs.
4. Après la bataille d'Hèmérè. — La bataille d'Hèmérè marqua pour
Michel IX la fin de l'offensive contre la Compagnie catalane. Après sa
défaite, le jeune empereur rebroussa chemin, repartit vers le nord,
repassa à Pamphylon et, au lieu de remonter jusqu'à Andrinople, il
s'arrêta à Didymotique273. Tel est l'itinéraire indiqué par Georges
Pachymérès, qui ne mentionne pas de séjour dans la forteresse
d'Aprôs; Ramon Muntaner écrit au contraire que Michel IX s'y
trouva avant la bataille et s'y réfugia après sa défaite274. Mais les
deux écrivains s'accordent à dire que les Catalans assiégèrent sans
succès la forteresse au lendemain de la bataille d'Hèmérè, durant une
huitaine de jours, précise Ramon Muntaner275. On était alors «au
coeur de l'été», ajoute Georges Pachymérès276. La bataille d'Hèmérè
s'étant déroulée dans la seconde quinzaine de juin, on était sans doute

272. Le manuel classique de l'histoire byzantine, dans la brève relation qu'il


consacre à la Compagnie catalane, semble bien placer la bataille «dans la forteresse
d'Aprôs», même si la préposition allemande est équivoque : «Bei der Festung Apros
wurde das gemischte, durch Alanen und Türken verstärkte Heer Michaels IX.
entscheidend geschlagen» (G. Ostrogorsky, Geschichte des byzantinischen Staates3,
Munich 1963, p. 407). C'est ainsi que les traducteurs du manuel ont interprété le texte,
même si le premier qui va être cité a été plus vague et, partant, plus prudent :
«L'armée ... subit une cuisante défaite à Apros» (J. Gouillard, Paris 1956, p. 516); «The
heterogeneous army of Michael IX ... was decisively defeated at the fortress of Aprus»
(Joan Hussey, New Brunswick 1969, p. 494); «Στό κάστρο "Απρους ό ετερογενής στρατός
του Μιχαήλ Θ'... δέχθηκε αποφασιστική ήττα» (I. Panagopoulos, III, Athènes 1981, p. 184).
Ce n'est qu'après la bataille d'Hèmérè que la forteresse d'Aprôs fut assiégée, en vain
d'ailleurs, par les Catalans.
273. Bonn, II, p. 55211 12, 5621314.
274. Ramon Muntaner, 221 : p. 572325, 591 2.
275. Georges Pachymérès : Bonn, II, p. 55324; Ramon Muntaner, 221 : p. 5913~
14 : pour la valeur qu'il convient d'accorder à ce chiffre de «huit» jours sous la plume du
chroniqueur catalan, voir ci-dessus, p. 55 n. 189.
276. έν άκμη και ταϋτα τοϋ θέρους (Bonn, II, p. 55213).
74 A. FAILLER

au mois de juillet 1305. Georges Pachymérès ajoute plus loin que


c'était l'époque de la moisson et que les épis étaient déjà mûrs277.
Michel IX n'avait pas renoncé au combat pour autant, comme le
montre le nouveau message qu'il adressa à son père en juillet 1305 et
dans lequel il l'invitait à envoyer des troupes fraîches en Thrace278;
mais la lutte contre les Catalans était désormais menée par
Andronic II et les Génois, dont l'empereur essayait de s'assurer
l'alliance.
La fin du livre XII et la première partie du dernier livre (XII, 33-
35; XIII, 1-15) de l'Histoire concernent encore l'été ou l'automne
1305. Au lendemain de la bataille d'Hèmérè, les Catalans étaient à
même, selon Georges Pachymérès, de courir toute la Thrace jusqu'à la
Marica279. Sur le front de la lutte byzantino-catalane, certains faits
marquants sont signalés : nouvelle ambassade d'Andronic II aux
Catalans, défection des Alains et des Tourkopouloi qui appuyaient
l'armée de Michel IX, prise de Madytos par Ferran Ximenis, envoi de
Berenguer d'Entença à Gênes comme prisonnier. A propos des deux
derniers faits se posent des problèmes d'authenticité textuelle et de
chronologie. Les chapitres 6 et 7 du livre XIII sont en effet perdus
dans leur teneur originale ; ils ne sont conservés que dans la version
abrégée de l'Histoire, où la brièveté des deux chapitres laisse
soupçonner qu'ils ont été gravement amputés.
Commençons par le chapitre 7, qui rapporte comment Berenguer
d'Entença fut envoyé comme prisonnier à Gênes. Capturé à Rhègion
le 31 mai 1305, il fut emmené à Trébizonde par la flotte marchande
des Génois, qui dut repasser à Constantinople un mois après son
départ, c'est-à-dire vers le début de juillet. Dans le livre précédent,
Georges Pachymérès écrit que Berenguer d'Entença fut embarqué sur
l'un des navires qui partirent immédiatement pour Gênes280. Mais
d'après le chapitre 7 du livre XIII, conservé seulement dans la
version abrégée, Berenguer d'Entença fut embarqué, au retour de
Trébizonde, sur l'un des deux navires qui restèrent servir l'empereur
dans les eaux du détroit durant deux mois, d'après l'accord déjà
mentionné par l'historien281. Dans ce cas, Berenguer d'Entença n'a

277. οι πρόσχωροι άφόβως έργάζοιντ' αν τα τοΰ θέρους (Bonn, II, p. 55317 18), τα μέν έπί
παρηβηκυίαις έφροττον ταΐς άθέραις (ρ. 5743).
278. F. Dölger, Regesten, n° 2622 (vers l'été 1305). Le message peut être daté de
juillet 1305, puisqu'il fut envoyé peu après la défaite d'Hèmérè.
279. Bonn, II, p. 56279.
280. Bonn, II, p. 5543S. Le récit de Ramon Muntaner (218 : p. 5124-523) semble
aller dans le même sens et admettre le départ immédiat de Berenguer d'Entença pour
Gènes, après que les Génois eurent refusé de le libérer contre la rançon qu'offraient les
Catalans.
281. Bonn, II, p. 554e".
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 75

quitté la région que vers septembre. Il est improbable que la


contradiction relevée entre les deux passages soit imputable à la
version brève de l'Histoire; le texte original donnait peut-être la
raison de cet ajournement ou la clef de ce qui apparaît maintenant
comme une inconséquence dans le récit.
C'est un problème plus difficile que pose le chapitre 6, dans lequel
est mentionnée la prise de la forteresse de Madytos par les Catalans
et, plus précisément, par Ferran Ximenis, qui en fera son quartier
général durant son séjour en Thrace. L'emplacement du chapitre
dans l'Histoire invite à placer l'événement au cours de l'été 1305,
après la bataille d'Hèmérè (juin) et avant le départ de Berenguer
d'Entença pour Gênes (probablement en septembre : chapitre 7) ou
l'incendie du quartier commercial de Constantinople (17 septembre :
chapitre 10)282. Mais la prise de Madytos est datée habituellement de
juillet 1306283, et non 1305. Selon Ramon Muntaner, la forteresse fut
prise un mois de juillet, après huit mois de siège (décembre-juillet),
par Ferran Ximenis, qui avait quitté l'armée catalane lors du premier
hiver passé à Cyzique et qui venait de la rallier à nouveau284. Le
contexte de la Chronique de Ramon Muntaner ne permet pas de
déterminer l'année. Mais la place du récit dans l'Histoire de Georges
Pachymérès invite à situer l'événement en 1305, non en 1306, car rien
ne justifierait l'insertion du récit au milieu de faits qui datent de l'été
1305; le début du siège serait lui-même bien postérieur à l'été 1305,
s'il n'avait été couronné de succès qu'en juillet 1306 (décembre 1305-
juillet 1306).
Les lieux parallèles des livres XII et XIII offrent divers
recoupements, qui concernent soit la ville de Madytos elle-même, soit
son assiégeant (Ferran Ximenis), soit son ultime ravitailleur (André
Morisco). A l'automne 1304, la ville de Madytos fut un des centres de
regroupement des Catalans qui rentraient d'Asie285 ; elle vit
débarquer, à peu près au même moment, Berenguer d'Entença (en

282. Pour ce chapitre important, la première édition a retenu le texte de la version


brève, où la date précise n'apparaît pas ; voir à ce propos A. Failler, Un incendie à
Constantinople en 1305, REB 36, 1978, p. 156-159 (les textes) et p. 165-167, (les données
chronologiques).
283. Voir, par exemple, E. Dade (Versuche zur Wiedererrichtung der lateinischen
Herrschaft in Konstantinopel, Jena 1938, p. 110 n. 596) ou l'édition de Ramon
Muntaner (223 : p. 61, en marge de la ligne 27).
284. Ramon Muntaner, 223 : p. 61-62. On peut, là aussi, s'interroger sur la valeur
des chiffres dans la chronique catalane (voir ci-dessus, p. 55 n. 189) et se demander si le
chiffre «huit» (huit mois de siège) n'a pas, ici encore, une valeur approximative, si ce
n'est symbolique, comme lorsqu'il est employé pour compter les jours (voir ci-dessus,
n. 275).
285. Bonn, II, p. 481 12.
76 A. FAILLER

octobre)286. Toutes les autres mentions concernent le siège ou


l'occupation de la forteresse par les Catalans287.
Ces passages n'indiquent pas non plus, de manière explicite, à
quelle date la ville fut prise, mais l'un d'eux suggère que Madytos
était aux mains des Catalans au cours de l'hiver 1305-1306, et un
autre montre que Madytos avait été prise avant le départ de
l'expédition catalane qui alla poursuivre les Alains sur la frontière
bulgare au printemps 1306 et qui partit de Kallioupolis en mai ou en
juin 1306288. On ignore quand Ferran Ximenis, qui avait quitté
l'armée catalane lors du premier hiver passé à Cyzique, est revenu en
Thrace et a pu commencer le siège de Madytos. Mais il est mentionné
parmi les Catalans qui menèrent une expédition à la frontière bulgare
au cours du printemps 1306289, et ainsi la prise de Madytos est
antérieure à l'été 1306.
Les courses d'André Morisco témoignent plus clairement encore
pour l'année 1305. Le pirate génois passé au service d'Andronic II
venait de ravitailler Madytos, peu de temps avant la chute de la
forteresse d'après le contexte290, lorsque, mécontent de son maître, il
renvoya auprès de l'empereur les marins grecs qui étaient à son
service ; ceux-ci ne durent leur salut qu'à l'apparition, dans le détroit,
des sept navires génois qui en sortaient; or ces navires, au retour de
Trébizonde, passèrent devant Kallioupolis vers le début du mois de
juillet 1305. En fait, l'événement central narré dans le chapitre 11 du
livre XIII est la défaite d'André Morisco à Halônion : cet événement
est à situer, sur le plan chronologique, entre l'incendie du quartier
commercial de Constantinople (17 septembre 1305 : chapitre 10)291 et
la prise d'Éphèse par les Turcs (24 octobre 1305 : chapitre 13). Tout
ce qui précède ce récit (ravitaillement de Madytos, échec du pirate
devant les deux navires catalans, capture de l'un de ses navires,
secours apportés aux marins grecs par les navires génois) est constitué
d'événements antérieurs à l'automne 1305, auquel le dernier paragra-

286. Bonn, II, p. 4841β-4851.


287. Bonn, II, p. 5783, 583«, 592e, 6028, 6251«.
288. Bonn, II, respectivement p. 592e"7 et p. 602811. Sur cette expédition, ses
conditions et sa chronologie, voir le chapitre suivant. Il est vrai que ce passage parle
d'une prise récente (πρό μικροϋ : Bonn, II, p. 6029), alors que, si on retient le mois de
juillet 1305 pour la capitulation de la forteresse devant les Catalans, il s'écoule presque
un an entre cette date et le départ de l'expédition catalane pour la frontière bulgare. La
place qu'occupe dans l'Histoire le récit de la prise de Madytos incite cependant à
retenir cette date.
289. Bonn, II, p. 6041*. Dans le chapitre suivant, on verra que les troupes
effectuèrent une lointaine et durable expédition et ne regagnèrent Kallioupolis qu'à la
mi-juillet 1306.
290. Bonn, II, p. 583811.
291. Voir ci-dessus, p. 75 n. 282.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 77

phe du chapitre fait une nouvelle allusion en indiquant qu'on était


«au temps des labours»292.
Le procédé de composition est trop habituel chez l'historien pour
qu'il soit besoin d'insister : le chapitre 6 du livre XIII, qui rapporte
la prise de Madytos par Ferran Ximenis, ne constitue pas une
anticipation, mais il s'inscrit dans le contexte chronologique, tandis
que le chapitre 11 est, dans sa première et dans sa majeure partie, un
retour en arrière et le rappel d'un événement antérieur de deux
saisons. On peut donc conclure que Madytos fut prise par Ferran
Ximenis en juillet 1305.

10. La campagne catalane de 1306 et le départ de Thrace


en 1307 (XIII, 18-38)

Après avoir consacré à l'année 1305 une cinquantaine de chapitres,


Georges Pachymérès traite des deux années suivantes plus rapide
ment, en une vingtaine de chapitres. Avec le chapitre 18 du
livre XIII, on parvient au printemps 1306293 : la flotte envoyée par
les Génois à Andronic II, sur sa demande, arrive à Constantinople.
Les tractations avec Gênes avaient commencé l'année précédente et
elles continuèrent jusqu'à la conclusion du mariage du fils de
l'empereur, Théodore Palaiologos, qui recevait de sa mère l'héritage
du marquisat de Montferrat, avec la fille du Génois Opicino Spinola ;
le jeune prince gagna l'Italie sur l'un des bateaux qui repartirent vers
Gênes au cours de l'été 1306. Là-dessus, la nouvelle ambassade
catalane dépêchée auprès de l'empereur n'obtint aucun résultat.
Hésitant entre la guerre et la négociation comme ses alliés génois,
Andronic II envoya à son tour une ambassade à Kallioupolis pour
présenter ses nouvelles propositions.
Mais les Catalans avaient quitté en masse les forteresses de
Kallioupolis et de Madytos pour se lancer à la poursuite des Alains,
qui voulaient rallier la Bulgarie. Ils les défirent sur la frontière
bulgare et tuèrent leur chef, qu'ils tenaient pour responsable du
meurtre de Roger de Flor. Devant les hordes catalanes qui
traversaient la Thrace, l'empereur fit évacuer les campagnes et
ordonna aux habitants de se réfugier dans les forteresses : c'était le
temps des moissons294. Sur le chemin du retour, les Catalans
assiégèrent en vain Andrinople, puis Pamphylon, et ils rentrèrent à
Kallioupolis. Ils apprirent alors que la flotte génoise, qui avait fait

292. και ταΰτα έν καιρώ άρότου (Bonn, Π, ρ. Γ)864).


293. άμ' ήρι (Bonn, Π, p. 59711).
"294. και ταϋτ' ήδη καιρού δρέπανου ουκ απο και θερισμοϋ (Bonn, II, ρ. 6021β~17).
78 A. FAILLER

entretemps le voyage de Trébizonde et qui convoyait Théodore


Palaiologos en Italie, venait de passer devant la forteresse, qu'elle
avait voulu donner un coup de semonce à la maigre garnison qui
résidait là, qu'elle avait néanmoins été défaite et qu'elle avait perdu
son chef dans l'opération.
Ces faits sont relatés aussi bien par Ramon Muntaner que par
Georges Pachymérès. Les précisions données par l'un et par l'autre
permettent d'établir une chronologie assez précise. Selon Ramon
Muntaner, qui décrit avec force détails les épisodes d'une victoire
dont le mérite lui revient tout entier, les Génois arrivèrent devant
Kallioupolis un samedi de la mi-juillet295, attaquèrent la forteresse et
perdirent Antoine Spinola le lendemain dimanche, tandis qu'une
partie des effectifs de l'expédition catalane envoyée contre les Alains
parvenait à Kallioupolis dès le lendemain lundi et que le gros de la
troupe regagnait sa base le surlendemain, c'est-à-dire le mercredi. Si
le chroniqueur attribue un sens strict aux données du calendrier, ce
samedi de la mi-juillet ne peut être que le 16 juillet 1306, les deux
samedis les plus proches (9 et 23) étant déjà notablement éloignés de
la mi-juillet296. Pour marcher contre les Alains, les Catalans ont dû
quitter Kallioupolis au moins un mois et demi plus tôt, car Ramon
Muntaner compte douze jours de marche jusqu'au campement des
Alains à la frontière bulgare297, et Georges Pachymérès signale, au
retour, un siège d'une huitaine de jours devant Andrinople et un
nouveau siège devant Pamphylon298. On obtient ainsi une durée
totale d'environ un mois et demi. Il est possible que l'absence des
Catalans de Kallioupolis a duré deux mois entiers et qu'ils se sont mis
en marche dès le mois de mai.

C'est encore en juillet 1306 que dut arriver à Kallioupolis une


nouvelle ambassade d'Andronic II299, tandis que les Catalans, une fois
rentrés de leur expédition punitive contre les Alains, ravageaient la
Thrace et que Michel IX faisait encore une fois appel à son père et lui

295. «un dissabte a vespre» (Ramon Muntaner, 227 : p. 7029), «en mig juliol»
(p. 732SM).
296. Par prudence, on a cependant fait suivre ces dates d'un point d'interrogation
sur le Tableau chronologique qui clôt cet article, car on a vu à maintes reprises que les
indications chronologiques de Ramon Muntaner n'ont sans doute pas la précision
qu'elles se donnent. Mais cette indétermination n'invalide pas pour autant la suite du
raisonnement dans ses étapes essentielles.
297. «dotze jornades» (Ramon Muntaner, 226 : p. 661β).
298. Bonn, II, p. 603"-6058.
299. F. Dölger, Hegesten, n° 2298 (avant juillet). L'ambassade doit être datée de
juillet, car elle fut envoyée après le départ des bateaux génois de Constantinople et elle
arriva après leur passage à Kallioupolis.
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 79

demandait d'envoyer des troupes dans la région300. Georges Pachymé-


rès relate les courses des Catalans à travers la Thrace durant l'été ; il
signale la prise de diverses places (col du Ganos, Eudèmoplatanon) et
la reddition d'autres places (Rhaidestos, Saint-Élie). A l'automne, les
Catalans remportèrent une victoire près de Bizyè, dont la forteresse
resta cependant aux mains des troupes byzantines ; ils échouèrent
devant Brysis et Tzouroulou ; l'historien précise en effet que ces deux
dernières places furent attaquées au moment des vendanges, des
semailles et des labours301. Il signale aussi que Tagchatziaris chercha
refuge au même moment à Aprôs, qui était donc à ce moment aux
mains des Turcs alliés aux Catalans302. Pendant la seconde moitié de
l'année 1306, les tractations continuèrent cependant entre les
Catalans et Andronic II, qui tantôt essayait d'utiliser les Turcs
d' Isaac Mélèk contre eux et demandait des secours en Géorgie303 et
tantôt leur envoyait une ambassade en utilisant la médiation des
Génois304.
C'est probablement au cours de l'automne 1306 que Berenguer
d'Entença, libéré de sa geôle génoise dès l'année précédente et partie
prenante de l'ambitieux projet qui visait au rétablissement d'un État
latin, refit son apparition à Kallioupolis305. Les événements de la fin
de cette année et du début de l'année suivante ne sont relatés ni par
Ramon Muntaner ni par Georges Pachymérès, qui passent immédia
tementau récit du départ des Catalans, au printemps 1307. Peut-être
les deux chapitres et demi qui manquent dans l'Histoire de Georges
Pachymérès apportaient-ils quelques lumières sur cette période et
précisaient-ils la chronologie ; mais ils ne traitaient pas, du moins
d'après les titres conservés306, des activités de la Compagnie catalane.

300. F. Dölger, Regesien, n° 2623 (juillet 1306). L'indication du mois se trouve dans
le texte de Georges Pachymérès (μηνός άνθεστηριώνος : Bonn, II, p. 6085β).
301. και πολλούς κακώς έποίουν εις τρυγητόν έξιόντας (Bonn, II, p. 6271213) ; και ήν
έντεϋθεν τοις γεωργοΰσιν έξιέναι κατά σποραν των καρπίμων ... (ρ. 6283"4) ; δια ταΰτα και τα τοϋ
άρότου ήπράκτουν (p. 628e).
302. En fait, la forteresse d 'Aprôs, que les Catalans avaient assiégée sans succès
après la bataille d'Hèmérè vers la fin du mois de juin 1305, était en danger de tomber
aux mains des Catalans ou, plutôt, de leurs alliés turcs à la fin de cette même année, car
Maroulès y fut envoyé par Andronic II à l'automne 1305 (Bonn, II, p. 58779).
303. F. Dölger, Regesten, n° 2292 (1305-1306). L'ambassade byzantine était partie
au cours de l'hiver 1305-1306. Les représentants de la Géorgie durent arriver à
Constantinople au cours de l'été 1306, mais les tractations n'aboutirent pas et les
ambassadeurs géorgiens repartirent.
304. F. Dölger, Regesten, n<*> 2301-2302 (avant le 14 octobre 1306).
305. Voir E. Dade, Versuche zur Wiedererrichtung der lateinischen Herrschaft in
Konstantinopel, Jena 1938, p. 119; Angeliki Laiou, Constantinople and the Latins. The
Foreign Policy of Andronicus II. 1282-1328, Cambridge Mass. 1972, p. 178.
306. Voir, à ce propos, A. Failler, La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges
Pachymérès (livres VII-XIÏI), REB 47, 1989, p. 172-173. Ajoutons que les événements
80 A. FAILLER

On en vient ainsi aux derniers moments que passa la Compagnie


catalane en Thrace. C'est en avril ou mai que la migration commença.
On abandonna Rhaidestos, Panion et le Ganos307, sans dégarnir
toutefois la forteresse de Kallioupolis. En avant partirent Berenguer
de Rocafort, Berenguer d'Entença et Ferran Ximenis, qui allèrent
assiéger Mégarision et Ainos308. Le siège d'Ainos dura plus d'un
mois309. C'est là qu'une modeste flotte byzantine attaqua les Catalans
au mois de juillet310. C'est là également que l'infant Ferrand, arrivé le
20 mai à Kallioupolis311 et envoyé par le roi Frédéric de Sicile pour
mettre fin aux dissensions qui affaiblissaient le camp des Catalans et
pour assurer le commandement général de la Compagnie, vint trouver
Berenguer de Rocafort, avec lequel il discuta une quinzaine de jours,
au dire de Ramon Muntaner312, qui l'accompagnait. Ne réussissant
pas à obtenir l'assentiment de tous pour assumer le commandement
général de la Compagnie, il était dès lors déterminé à repartir. Au
même moment, on décida de quitter définitivement Kallioupolis et
Madytos, les uns par mer et les autres par voie de terre, en se fixant
comme lieu de rassemblement Christopolis (l'actuelle Kavalla, à
environ cent quarante kilomètres à l'est de Thessalonique). Le départ
de Kallioupolis, quartier général des Catalans depuis leur retour

narrés dans le chapitre 30, qui précède la lacune des manuscrits et qui est sans doute
complet, se rapportent encore probablement à l'année 1306. Mais la partie du
chapitre 33 qui a été conservée et qui suit immédiatement la lacune des manuscrits se
rapporte déjà au printemps 1307 (avril 1307).
307. Bonn, II, p. 6361718. Pour ce qui concerne la topographie de la Thrace, Georges
Pachymérès est autrement précis que Ramon Muntaner, qui cite peu de toponymes
dans sa Chronique et qui se trompe sans doute en écrivant que « Redisto » ou « Redristo »
(Rhaidestos) et «Panido» (Panion) furent occupés par Rocafort dès 1305 (222 : p. 60;
223 : p. 638) et abandonnés par lui au moment de partir, au printemps 1306, à la
poursuite des Alains à la frontière bulgare (225 : p. 6511). Il est plus probable que ces
forteresses, comme le rapporte Georges Pachymérès, furent prises par les Catalans en
1306 seulement et abandonnées au moment du repli général en 1307.
308. Dans le dernier chapitre de l'Histoire, la relation de Georges Pachymérès
s'appauvrit. On ne relèvera pas ici, de manière systématique, les contradictions, les
inexactitudes ou les incertitudes de son récit. Le but est seulement d'établir une
chronologie au moins approximative des événements.
309. Cette précision est absente du texte de la première édition (Bonn, II, p. 6521),
qui reprend pour ce chapitre la version abrégée. Elle est conservée dans le Paris, gr.
1723 (μηνός δλου πολεμοϋντες), le seul à avoir préservé la fin de l'Histoire dans la version
originale, ou du moins la plus proche de l'original. Le texte a été édité par J. Boivin,
dans l'annotation de son édition de Nicéphore Grègoras (édition de Bonn, II, p. 1205).
310. Θέρους Se ήν ακμή (Bonn, II, p. 638e). De cette formule on peut déduire qu'on
était déjà, au plus tard, au mois de juillet; à l'autre extrémité, le texte de Ramon
Muntaner empêche de repousser cet affrontement au mois suivant.
311. A. Rubio y Lluch, Diplomatari de l'Orient català. 1301-1409, Barcelone 1947,
p. 4112; Angeliki Laiou, Constantinople and the Latins. The Foreign Policy of
Andronicus II. 1282-1328, Cambridge Mass. 1972, p. 181.
312. «quinze dies» (Ramon Muntaner, 230 : p. 844).
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 81

d'Asie Mineure en octobre 1304, ne dut pas se faire avant l'été 1307,
puisque, comme on vient de le voir, le siège d'Ainos durait encore en
juillet. Mais le plan de repli n'apparaît pas clairement. Il est probable
que les troupes qui assiégeaient Ainos (et peut-être Mégarision) ne
regagnèrent pas leur base de Kallioupolis, mais qu'elles attendirent
l'arrivée des détachements qui quittèrent les derniers la forteresse de
Kallioupolis et qu'elles s'adjoignirent à eux au passage. Mais peu de
temps après, alors que la Compagnie poursuivait sa marche vers
l'ouest, les factions catalanes s'affrontèrent : Berenguer d'Entença fut
tué et Ferran Ximenis se rallia à Andronic II. Dès lors, la Compagnie
avait perdu tous ses chefs historiques, à l'exception de Berenguer de
Rocafort. On devait être au milieu de l'été313. Les Catalans durent
arriver à Kassandreia (située à une quarantaine de kilomètres au sud
de Thessalonique, en Chalcidique) au plus tard au mois d'août314,
peut-être dès le mois précédent.
Là s'arrête le récit de Georges Pachymérès, qui dut terminer la
rédaction de son livre XIII peu après le déroulement des derniers
événements rapportés. Les renseignements que contient le dernier
chapitre de l'Histoire sont inexacts en partie et contradictoires sur
certains points : l'historien croit que la dissension entre les chefs
catalans a éclaté à Kassandreia315, alors que le témoignage de Ramon
Muntaner, selon qui le combat se déroula peu avant l'arrivée à
Christopolis (à deux journées de cette ville), est sûr316. Dans le
paragraphe 2 du chapitre, l'auteur nous apprend que, selon la
rumeur, les Catalans sont en train de traverser la Marica soit pour
gagner leur patrie, soit pour attaquer le Mont Athos317. Le

313. E. Dade (Versuche zur Wiedererrichtung der lateinischen Herrschaft in


Konstantinopel, Jena 1938, p. 126-127) considère que le siège d'Ainos se tint en juin et
que le meurtre de Berenguer d'Entença eut lieu début juillet. Mais il faut décaler
légèrement l'ensemble des événements, si l'on prend en compte d'une part que le siège
n'est pas terminé «au coeur de l'été», lorsque Maroulès, en route vers Thasos, passe à
Ainos, et d'autre part que l'infant Ferran de Mallorca, arrivé à Kallioupolis le 20 mai,
se rend un peu après à Ainos et y passe quinze jours, tandis que Muntaner l'y
accompagne et prend le temps de revenir à Kallioupolis pour préparer le départ des
Catalans, avant de quitter définitivement la forteresse avec les derniers détachements.
314. Une lettre écrite le 31 août 1305, peut-être à Kassandreia, semble faire état de
la situation de la Compagnie après l'affrontement qu'on vient de mentionner ; voir
A. Rubio y Lluch, op. cit., p. 42.
315. Bonn, II, p. 6524.
316. Ramon Muntaner, 232 : p. 8524.
317. Bonn, II, p. 651716. L'emploi du présent (περώσι) laisse entendre que l'historien
rédige son récit au moment de l'événement ou, plus précisément, au moment où la
rumeur lui parvient. Le texte de la première édition est tiré de la version abrégée, mais,
comme il reproduit fidèlement le contenu de l'original — si du moins le manuscrit Β
(Paris, gr. 1723), le seul des trois manuscrits-sources à conserver ce passage, contient de
son côté un texte fidèle — , il suffira, pour notre propos, d'y renvoyer, sans mentionner
82 A. FAILLER

paragraphe 3 semble dès lors rédigé plus tard et constituer une


addition318, où il serait fait état de renseignements nouveaux :
revenant en arrière, l'auteur signale la levée du siège d'Ainos, qui
avait duré un mois, puis l'arrivée de la Compagnie dans la région de
Kassandreia319, où l'historien situe l'épilogue : la mort de Berenguer
d'Entença, la fuite de Ferran Ximenis et la capture de l'infant Ferran
de Mallorca, qui renforcèrent le pouvoir de Berenguer de Rocafort.
Dans ce paragraphe 3, l'historien annonce que les Catalans enten
daient à présent se diriger vers Thèbes, et non plus vers leur patrie ou
vers l'Athos, comme l'indiquait le paragraphe précédent.
En fait, les Catalans passèrent plus d'une année à Kassandreia,
qu'ils quittèrent à la fin de l'année 1308, après avoir essayé en vain de
s'emparer de Thessalonique ; ils parvinrent au début de l'année
suivante en Thessalie et s'établirent effectivement dans le duché de
Thèbes. Il semble dès lors que le contenu du paragraphe 3 implique
une rédaction postérieure à 1307, puisqu'il est fait état d'informations
qui concernent déjà l'année 1308 et peut-être l'année 1309. Le terme
chronologique de l'Histoire reste néanmoins l'été 1307, comme entend
le marquer la dernière phrase320.

les différences entre les deux textes. Les incursions des Catalans sur l'Athos sont
confirmés par Danilo, le biographe des souverains et des archevêques serbes ; voir
Dj. DANièic, Éiuoli kraljeva i arhiepiskopa srpskih, réimpr. Londres 1972, p. 341-356 :
«Katalani i Mogovari» (p. 3542223). Au moment des attaques catalanes, Danilo était
hipoumène de Chilandar, le monastère qui fut sans doute le plus maltraité. Ces attaques
eurent lieu au cours de l'été 1307 et de l'année 1308.
318. Bonn, II, p. 65211β. La version abrégée contient deux précisions absentes du
texte original, tel du moins qu'il figure dans le manuscrit Β : Ferran Ximenis se réfugia
dans la forteresse byzantine de Xantheia («auprès d'un dignitaire impérial», selon le
manuscrit B), les troupes catalanes gagnèrent la Thessalie (Thèbes selon le manusc
rit B) en quittant Kassandreia. Mais ceci ne prouve pas que la version abrégée enrichit
son modèle, mais suggère plutôt que, conformément à ses caractéristiques habituelles,
le manuscrit B omet des passages de l'original.
319. Mais là encore on peut s'interroger sur la valeur des textes conservés, car une
autre précision du récit suggère que l'auteur connaissait le lieu de l'épisode final et que
la mention de Kassandreia cache une confusion entre le lieu de la lutte fratricide
(Christopolis) et le lieu d'arrivée (Kassandreia). Selon la version abrégée de l'Histoire,
en effet, Ferran Ximenis se réfugia «auprès du domestique à Xantheia» (αυτομολεί τω
δομεστίκω προς Ξάνθειαν : Bonn, II, p. 6521112). Or Xantheia est précisément proche de
Christopolis, mais très éloignée de Kassandreia. Mais la leçon du Paris, gr. 1723, qui,
malgré ses défauts, est plus proche de l'original que la version abrégée, est ici plus
vague et moins satisfaisante : Ferran Ximenis «rallie un dignitaire de l'empereur»
(αυτομολεί τινι των μεγιστάνων του βασιλέως). On peut se demander si le bon texte, qui est à
la base du Parisinus et de la version brève, n'est pas perdu et si la version brève n'a pas
conservé, fût-ce dans une autre teneur, certains passages de l'original que le
manuscrit B a perdus.
320. Bonn, II, p. 6521"19. Les quarante-neuf années qu'embrasse l'Histoire ne
peuvent se compter que de l'été 1258 (mort de Théodore II Laskaris, nomination de
Michel Palaiologos à la dignité de despote et bientôt d'empereur, naissance d'Andronic
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 83

Tableau chronologique
Les Catalans dans l'empire byzantin (1303-1307)

Dans le Tableau chronologique qui suit sont répertoriés les divers


épisodes qui concernent la présence de la Compagnie catalane en Asie,
puis en Europe, de 1303 à 1307, tels qu'ils viennent d'être exposés
dans les trois chapitres qui précèdent. A l'occasion sont mentionnés
également certains faits qui n'ont aucun rapport avec les activités de
la Compagnie catalane, dans la mesure où ils permettent de mieux
dater ce qui la concerne.
Le mois et le quantième du mois — exceptionnellement la saison
seulement — sont indiqués, lorsqu'ils sont donnés par une source. Si
le mois ou la saison, sans y être directement spécifiés, peuvent être
déduits de la source, ils sont mis entre crochets. Les autres
événements sont mentionnés selon les séquences que présentent les
sources, sans indication de temps.
Le Tableau est destiné avant tout à illustrer le texte de Georges
Pachymérès, et presque tous les faits qui sont mentionnés ci-dessous
sont relatés dans son Histoire. Les épisodes qu'on lit seulement dans
la Chronique de Ramon Muntaner321 sont accompagnés d'un astéris
que (*). Une seule abréviation est utilisée : v. (= vers).

1303 septembre Constantinople arrivée de Roger de Flor


— combat entre Catalans et Génois
Cyzique/Artakès cantonnement d'hiver des Cata
lans
— victoire de Fort Goulielmou

Palaiologos le futur empereur) à l'été 1307 (départ des Catalans de Thrace et arrivée à
Kassandreia). P. Poussines, dont la chronologie accuse une avance de deux ans (voir les
deux chapitres précédents de cet article) à partir de la campagne catalane en Asie
(placée en 1306 au lieu de 1304) et de l'assassinat de Roger de Flor (placé en 1307 au
lieu de 1305), considère l'été 1308 comme le terme de l'Histoire. Dans son Tableau
chronologique (Bonn, II, p. 866-870), il range sous l'année 1308 l'ensemble des faits qui
sont relatés dans le livre XIII et qui s'échelonnent en réalité de l'été 1305 à l'été 1307.
Comme il ne justifie pas cette chronologie dans ses Notes, on ignore pourquoi il a opéré
une telle contraction des faits. On peut supposer que l'année 1308 s'est imposée à lui
comme terme ultime de l'Histoire, dès lors qu'il avait placé l'arrivée de Michel VIII au
pouvoir au 1" janvier 1260 et accepté que l'ouvrage, conformément à la dernière phrase
du texte, couvrait quarante-neuf années (début 1260-fin 1308) ; et le calcul est cette fois
correct, puisqu'il fallait inclure dans ce chiffre les deux années extrêmes (1260 et 1308).
321. Les dates et les durées que fournit le chroniqueur catalan sont reportées sur le
Tableau qui suit; on les appréciera avec les nuances qui s'imposent, comme on l'a noté
plus haut ; voir ci-dessus, p. 55 n. 189.
84 A. FAILLER

novembre 1 annulation du départ des Cata


lans*
arrivée de Marie Asanina*
envoi de la flotte catalane à
Chios*
Pègai Roger refoulé de la ville
1304 mars Constantinople visite de Roger
mars 15 Cyzique/Artakès retour de Roger
mars 16-17 — distribution des soldes
mars — arrivée d'Irène Palaiologina
avril 1 — départ prévu (et effectif?) des
Catalans*
avril 8 — meurtre du fils de Géôrgous
avril 9 — combat entre Catalans et Alains
mai Achyraous séjour des Catalans
Germé passage des Catalans
— Chranislav sauvé de la
son
Chliara passage des Catalans
[mai] Aulax victoire des Catalans sur
'Alishir
— séjour des Catalans (8 jours)
Philadelphie séjour des Catalans (15 jours)
Nymphée passage des Catalans*
Magnésie épisode d'Attaleiôtès
— Nostongos réfugié à Constanti
nople
Koula passage des Catalans
Phournoi passage des Catalans
Philadelphie nouveau passage des Catalans
Pyrgion passage des Catalans
Thyraia victoire des Catalans sur les
Turcs*
— Muntaner dépêché à Anaia*
Éphèse séjour des Catalans (8 jours)
Anaia séjour des Catalans (15 jours)*
août 15 Porte de Fer victoire des Catalans sur les
Turcs*
— séjour des Catalans (8 jours)*
— ordre de retour à
nople*
Anaia passage (et embarquement?) des
Catalans*
Mytilène séjour des Catalans
— supplice de Machramès
Magnésie siège infructueux des Catalans
— ordre de retour à Constantinople
Mytilène nouveau passage des Catalans
Abydos retour des Catalans*
Madytos/Lampsakos retour des Catalans
[v. octobre] Kallioupolis regroupement et installation des
Catalans
[octobre] — arrivée de Berenguer d'Entença
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 85

octobre fin Constantinople visite de Roger


arrivée d'André Morisco
décembre visite de Berenguer d'Entença
décembre 25 — Berenguer fait grand duc
arrivée d'une ambassade des
Catalans
1305 janvier Kallioupolis refus de Roger d'aller à Cons
tantinople
retour de Berenguer de Cons
tantinople
Tzimpè passage de Théodore Choumnos
Chios secours envoyés par Roger
février v. 10 Kallioupolis harangue de Roger aux Catalans
février v. 20 lettre de Roger à Andronic II
mars v. 5 — envoi d'une ambassade à
Andronic II
mars 9 Constantinople audience d'Andronic II aux
Catalans
ordre donné à Michel IX de se
rendre à Aprôs
Kallioupolis arrivée de la flotte de Sancho
d'Aragon
avril 10 Roger de Flor fait césar
troupes catalanes envoyées de là
en Orient (Cyzique, Pègai, Lopa-
dion)
Roger renvoie sa femme à Cons
tantinople
avril 23 Andrinople annonce de l'arrivée de Roger
avril 28 accueil de Roger par Michel IX
avril 29 entrée de Roger et de Michel IX
dans la ville
avril 30 assassinat de Roger
mai Kallioupolis annonce de la mort de Roger
arrivée et départ de Sancho
d'Aragon
siège par les troupes de Michel IX
mai 28 Héraclée de Th prise de la ville par Berenguer
d'Entença
Constantinople incendie de la maison de Rhaoul
mai 30 Rhègion pillage de la ville par Berenguer
d'Entença
arrivée de la flotte génoise
mai 31 — victoire des Génois sur les Cata
lans
capture de Berenguer d'Entença
juin Pamphylon arrivée de Michel IX, venant
d'Andrinople
envoi de troupes byzantines sur
Kallioupolis
juin 5 Branchialion défaite des troupes byzantines
juin 1 1 Constantinople harangue d'Andronic II
Aprôs arrivée de Michel IX
86 A. FAILLER

Hèmérè (Aprôs) défaite de Michel IX


Aprôs siège infructueux des Catalans
Andrinople révolte des détenus catalans
Ténédos prise de l'île par André Morisco
Pamphylon arrivée de Michel IX
Didymotique arrivée de Michel IX
message de Michel IX à Andro-
nic II
Constantinople envoi d'une ambassade aux
Catalans
André Morisco fait amiral
Thrace défection des Alains et des Tour-
kopouloi
juillet Madytos prise de la ville par Ferran
Ximenis
Kallioupolis passage de la flotte génoise
Halônion défaite d'André Morisco
[septembre ?] Kallioupolis Berenguer d'Entença emmené à
Gênes
Rhaidestos siège infructueux des Catalans
Hexamilion prise de la forteresse par les
Turcs
Aprôs siège de la forteresse par Marou-
lès
octobre 24 Éphèse prise de la ville par les Turcs
Constantinople envoi d'une ambassade à Gênes
envoi d'une ambassade en Géorg
ie
arrivée d'une ambassade d'Isaac
Mélèk
envoi d'une ambassade à Isaac
Mélèk
arrivée d'une ambassade cata
lane
1306 printemps Constantinople arrivée des navires génois
arrivée d'une ambassade cata
lane
Kallioupolis départ de l'expédition contre les
Alains
arrivée d'une ambassade byzant
ine
frontière bulgare victoire des Catalans sur les
Alains
Andrinople siège infructueux des Catalans
Pamphylon siège infructueux des Catalans
juillet (16?) Kallioupolis arrivée des navires génois en
route vers Gênes
juillet (17?) attaque des Génois contre la
forteresse
mort d'Antoine Spinola
juillet (18/20?) retour de l'expédition catalane
arrivée d'une ambassade byzant
ine
CHRONOLOGIE ET COMPOSITION DANS L'HISTOIRE DE PACHYMÉRÈS 87

Ganos occupation par les Catalans


(col du Ganos, Eudèmoplatanon)
juillet message de Michel IX à Andro-
nic II
Constantinople arrivée d'une ambassade d'Isaac
Mélèk
arrivée d'une ambassade de
Géorgie
Saint-Élie reddition aux Catalans
Rhaidestos reddition aux Catalans
Kallioupolis arrivée d'une ambassade géno-
byzantine
Constantinople marche de Rocafort sur la capi
tale
[automne] Brysis siège infructueux des Catalans
Bizyè victoire des Catalans près de la
ville
Eudèmos défaite d'Isaac Mélèk devant les
Catalans
exécution d'Isaac Mélèk
Tzouroulou siège infructueux des Catalans
Aprôs Tagchatziaris réfugié dans la
ville
Kallioupolis retour de Berenguer d'Entença
[printemps] Constantinople mort du despote Jean Palaio-
logos
avril Rhodes secours envoyés par Andronic II
avril 2 Constantinople mort de Constantin Mélitèniôtès
Kallioupolis regroupement des Catalans, qui
abandonnent Rhaidestos,
Panion et le Ganos
Mégarision siège infructueux des Catalans
Ainos siège infructueux des Catalans
mai 20 Kallioupolis arrivée de l'infant Ferran de
Mallorca (Gidas)
Ainos séjour de l'infant Ferran
(15 jours)*
été affrontement catalano-byzantin
Kallioupolis départ définitif des Catalans
Christopolis dissensions entre les Catalans
meurtre de Berenguer
d'Entença
défection de Ferran Ximenis
août Kassandreia installation des Catalans.

Albert Failler
C.N.R.S. - LIRA 186
et Institut français d'Études byzantines

You might also like