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Analyse de La Contribution de L'état Burkinabé Et de La Coopération Culturelle À La Structuration de La Filière Cinéma Au Burkina Faso - REFSICOM
Analyse de La Contribution de L'état Burkinabé Et de La Coopération Culturelle À La Structuration de La Filière Cinéma Au Burkina Faso - REFSICOM
Burkina Faso, which capital Ouagadougou is described as the capital of African cinema, is one
of the countries where there have been particularly massive cinema closures and where the
various links in the sector suffer from the scarcity of foreign subsidies that support the
production. Indeed, many films shot in Burkina have been produced through cultural
cooperation led by institutions such as the International Organization of Francophonie (OIF), the
French Ministry of Foreign Affairs or the European Union. This situation has triggered
dependency situation where these donors’ support to the Burkina cinema has progressively
diminished. Even the biennial Panafrican Festival of Cinema and Television of Ouagadougou
(Fespaco) depends largely on external subsidies. This article analyzes the dysfunctions of the
cinema sector in Burkina, by highlighting the major role that the public authorities must play to
support the sector to organize lay the foundations of a film industry in Burkina Faso.
Introduction
Ouagadougou au Burkina Faso est souvent appelée capitale du cinéma africain du fait
de l’organisation périodique dans cette ville depuis 1969, du Festival Panafricain du
Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (Fespaco). 2019 marquera le
cinquantenaire de ce festival. Le dossier de presse de l’édition 2019 du Fespaco résume
bien les ambitions qu’il s’est données : « biennale qui rassemble les années impaires,
pendant une semaine, des professionnels ou non, africains et du reste du monde,
autour d’un facteur commun : le cinéma africain et celui de la diaspora africaine. Cette
rencontre est un cadre d’épanouissement, de promotion, d’émulation, de distribution et
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Les données de terrain sous forme de verbatim utilisés dans cet article sont issues de
l’exploitation d’une partie de ces éléments d’enquête. Il est question d’extraits de propos
de personnes interrogées qui viennent appuyer nos analyses. Les propos des enquêtés
sont parfois mis en tension avec des points de vue d’auteurs ayant produit des travaux
sur la filière cinéma en Afrique de manière générale. Des documents collectés pendant
l’enquête ont aussi été exploités à l’instar d’un extrait du dossier de presse élaboré pour
la 26e édition du Fespaco qui a eu lieu du 23 février au 02 mars 2019.
Analyse de la situation du cinéma burkinabé
Selon Yssouf Saré[1] , spécialiste des industries culturelles rencontré en entretien, la
situation du cinéma burkinabé s’est dégradée ces dernières années du fait, entre
autres, de la baisse des subventions publiques nationales et internationales. De l’avis
de M. Saré, en dépit de plusieurs aspects positifs: potentialités socioéconomiques
qu’on lui reconnait ; accompagnement de l’Etat par le biais de la construction
d’infrastructures ; acquisition d’équipements ; soutien à la formation, à la création, à la
production, à l’exploitation/diffusion et à la promotion, la filière cinéma et audiovisuelle
au Burkina Faso traverse depuis quelques années une crise. « Cette crise est
accentuée par la raréfaction du financement due à la fermeture des guichets extérieurs
qui rend précaire la production, mais aussi la faible capacité financière des sociétés de
production, limitant ainsi les possibilités de production, de commercialisation et
consommation. » Selon M. Saré (entretien du 07 février 2019), cette crise dans la filière
cinéma va au-delà du Burkina et touche durement certaines branches comme
l’exploitation de films africains en salles.
Du reste, beaucoup de salles de cinéma ont fermé en Afrique. À ce sujet, selon Claude
Forest (2012), pendant que la fréquentation en salles a augmenté, ensuite s’est
stabilisée dans tous les pays du Nord depuis le milieu des années quatre-vingt-dix,
l’Afrique quant à elle vit depuis deux décennies une évolution contraire du fait de
facteurs d’ordres politique, social et économique qui affectent les populations.
Parallèlement à cette situation, on constate sur la même période une baisse
significative de la production cinématographique des pays africains. Cette baisse
accompagne la fermeture des salles de cinéma dans beaucoup de pays. Au Burkina
Faso, il n’y a pratiquement plus de salles de cinéma. Cet état de fait n’est pas
spécifique au Burkina Faso, mais est une réalité pour la grande majorité des pays
d’Afrique. À ce propos, Claude Forest laisse savoir que : « il n’y a toutefois pas de
marché sans marchand, et la crise de la production s’est opérée parallèlement à la
fermeture des salles de cinéma, de nombreux pays n’en recensant désormais plus
aucune sur ce continent. Mais il ne peut y avoir de salles sans spectateurs, et la
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est tombé dans une période où on privatisait des sociétés. Puis la SONACIB a été
liquidée au milieu des années 2000, donc le fond 30115 a cessé de fonctionner à partir
de cette liquidation ». Hien Armel (entretien du 07 février 2019)
L’État Burkinabé a aussi entrepris des actions pour aider la filière cinéma à se structurer
pour mieux se professionnaliser.
Pour cela, il a adopté en 2013, un ensemble de textes intitulés « textes réglementaires
sur le cinéma et l’audiovisuel ». En préface de ce recueil de textes réglementaires, le
ministre de la Culture et du Tourisme à l’époque, M. Baba Hama, affirme : « pour espérer
redynamiser l’ensemble des activités de notre cinéma et de notre audiovisuel, il nous
faut les doter certes de moyens financiers plus conséquents, mais surtout d’un cadre
réglementaire plus adapté ». Plusieurs acteurs, professionnels et scientifiques,
évoquent la mise en place d’un cadre juridique approprié comme étant une priorité que
les États africains devraient mettre en place pour aider la filière cinéma à s’organiser.
Mais selon le Directeur général du Cinéma et de l’Audiovisuel (DGCA) du Burkina, M.
Armel Hien que nous avons rencontré, cette règlementation de la filière cinéma au
Burkina Faso a du mal à se mettre en œuvre faute de moyens financiers pour assurer
par exemple le suivi sur le terrain de certaines exigences d’exercice des différents
métiers de la filière.
C’est en 2016 que la mise en œuvre des arrêtés concernant la règlementation de la
filière cinéma a commencé. À ce propos, le DGCA, M. Hien Armel indique :
« Et là on a un manque de moyens financiers pour la mise en œuvre de ces arrêtés. Par
exemple s’il y a un tournage de film, et nous voulons un véhicule pour aller contrôler
sur le plateau de tournage. Comme nous devons le faire afin de nous assurer que tous
ceux qui sont sur les plateaux ont leur carte professionnelle pour exercer, on n’a pas les
moyens pour aller à chaque fois qu’il est nécessaire sur le terrain. Cela est dû au fait
que le statut de la DGCA ne donne pas une autonomie de fonctionnement favorable aux
actions concrètes sur le terrain. Il y a toute une procédure administrative complexe qui
diminue l’efficacité de cette institution ». M. Hien Armel (entretien du 07 février 2019)
En outre, la réglementation actuelle ne couvre pas tous les corps de métiers de la filière
cinéma, par exemple les scénaristes ne sont pas pris en compte. De plus les textes pris
ne sont pas contraignants en cas de non-respect, ce qui diminue leur efficacité. Il s’agit
là d’une illustration des limites des textes actuels et du statut de la structure chargée
de veiller au respect de ces textes.
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Le Fespaco : un maillon de la diplomatie culturelle
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burkinabé
Le Fespaco a officiellement pour but de promouvoir le Burkina Faso sur le plan culturel
à l’international. À ce propos, M. Philippe Savadogo[2] que nous avons interviewé (le 11
février 2019), nous indiquait : « lorsque j’ai pris la direction du Fespaco au milieu des
années 1980, j’ai vite été persuadé que la survie du festival passait par une promotion
vigoureuse qui devait le hisser comme un festival de son temps, un vecteur essentiel de
la diplomatie culturelle. » Pendant ce festival, cette promotion est assurée en diffusant
des films, en créant des lieux de rencontre entre acheteurs potentiels de films et
producteurs et en initiant des débats sur l’avenir du cinéma africain. Comme l’indique
Amanda Reda : « en tant que fait de communication, le festival a par ailleurs été assez
peu étudié, du moins en France, alors même qu’il constitue un objet complexe :
dispositif de communication, machine médiatique, espace mettant en jeu plusieurs
dimensions de la médiation, lieu où s’exerce un regard sur l’Autre, sans parler des
dimensions socio-économiques et politiques. » (Rueda, 2009, 150) Ici, nous nous
intéressons moins au volet médiatique du Fespaco et à l’aspect économique du cinéma
africain et de l’audiovisuel (MICA), nous nous concentrons plutôt sur les missions de
promotion du cinéma africain par le Fespaco, lequel est une institution publique
rattachée au ministère burkinabé de la culture.
Le Fespaco joue un rôle important pour les professionnels du secteur, notamment en
leur fournissant un canal de promotion et de diffusion de leurs productions, dans un
contexte où le cinéma africain traverse une conjoncture difficile. En évoquant
l’importance des festivals de cinéma pour les professionnels, Samuel Lelièvre indique
que :
« L’un des obstacles à la constitution d’une économie viable des cinémas africains est la
quasi-absence de réseaux de distribution ou de diffusion suffisamment importants
pour engendrer des revenus réinjectables dans le circuit de production. Les festivals
comblent la fragilité de cette économie globale du cinéma. […] Dans les pays où les
télévisions ne s’impliquent pas dans le processus de production, les festivals
deviennent très logiquement des acteurs incontournables pour la diffusion des
œuvres[3]. » (Lelièvre, 2011b, 126)
En tenant compte de ces aspects, on appréhende mieux le rôle important que le
Fespaco joue pour le cinéma africain.
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Étudier les questions de coopération culturelle entre pays, c’est faire cas de la
diplomatie culturelle. Cette pratique diplomatique est ancienne et a commencé à la fin
du XIXe siècle en France. C’est à cette « époque que la IIIe République invente la
diplomatie culturelle et encourage la création, en 1883 de l’Alliance française »
(Gazeau-Secret, 2010, 39). Les soutiens que la France, la Belgique, l’Union
européenne, la Chine et d’autres pays apportent à l’organisation du Fespaco et à la
production de films au Burkina s’inscrivent dans la logique de cette diplomatie culturelle
qui est une action d’influence comme nous le montrerons dans la suite de cet article.
D’ores et déjà, nous pouvons dire que les soutiens apportés par la francophonie à la
filière cinéma dans plusieurs pays francophones d’Afrique est une diplomatie d’influence
et fait partie des attributions de cette institution de coopération internationale. La
question de cette mission de la francophonie est notamment posée dans les
termes suivants par certains diplomates français :
« N’est-il pas évident que la Francophonie est un atout considérable pour la diplomatie
d’influence renouvelée que le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la
France (2008-2020) appelle de ses vœux ? L’une des cinq priorités qu’il retient pour
notre action extérieure est bien d’assurer la présence des idées, de la langue et de la
culture françaises tout en servant la diversité culturelle » (Gazeau-Secret, 2010, 41).
La francophonie est un atout considérable de la diplomatie culturelle française qui a
pour zone d’action privilégiée l’Afrique francophone à travers un soutien à la filière
cinéma notamment.
Mais la francophonie n’est pas la seule institution active pour la diplomatie culturelle
française. On peut y ajouter le Centre national de la cinématographie (CNC) qui
soutient aussi des films africains. En matière de coopération culturelle, Samuel Lelièvre
indique :
« Une large partie de la production cinématographique africaine est soutenue par le
Fonds européen de développement, le ministère français des Affaires étrangères (MAE)
– la première institution occidentale à avoir aidé au développement des cinémas
africains –, le Centre national de la cinématographie (CNC) pour les films d’expression
française, le fonds Sud (dépendant à la fois du MAE et du CNC) qui est l’un des
soutiens importants pour les cinémas africains, l’Organisation internationale de la
francophonie, ou divers fonds privés tels que le Hubert Bals Fund. » (Lelièvre, 2011a,
130)
En plus des subventions pour la production de films en Afrique, la coopération culturelle
de certains pays européens aide des chaines de télévision africaines à couvrir leurs
grilles de programmes à l’année, avec des films et autres contenus culturels. À ce
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est disponible pour l’audiovisuel et le cinéma, ce qui en fait le plus important Fonds de
financement du cinéma ACP (Afrique‐Caraibes‐Pacifique) ». (Gagné, 2014, 2)
Lors de notre entretien avec une responsable – Madame Sawadogo Nathalie – du
volet culture de la délégation de l’Union européenne à Ouagadougou cet aspect a
également été évoqué. Certes la coopération culturelle apporte un soutien important
aux filières cinématographiques dans plusieurs pays africains, mais comme : « les
innombrables plans d’aide des anciennes métropoles (Allemagne, Belgique et France
essentiellement) vis-à-vis de toute ou partie de la filière cinéma d’un pays ou de zones
géographiques se sont heurtés aux mêmes difficultés et ont dressé un même constat
de l’insuffisance, voire l’inutilité, de simplement apporter des capitaux ou des savoir-
faire » (Forest, 2012). Et les limites de la coopération culturelle ne s’arrêtent pas à ce
niveau, on peut y ajouter l’impact de la coopération culturelle en termes de restrictions
des droits de producteurs. Pour bénéficier de subventions étrangères, certains
producteurs ont dû se soumettre à des critères de sélection qui ont fini par les éloigner
des attentes des publics africains en matière de contenus filmiques. À ce sujet, M.
Baba Hama affirmait lors de notre entrevue :
« Des producteurs de films africains sont allez chercher des fonds auprès d’institutions
internationales qui font des dons pour l’aide à la production de films. Sans cela, il y
aurait eu nettement moins de films africains. L’inconvénient est que cela nous a
enfermés dans un type de cinéma, qui promeut des valeurs sociétales, culturelles, mais
qui est parfois peu vendable. Ces institutions ne sont pas des maisons de production
donc ils ont leurs critères sociétales (sic) et donc il s’agissait d’aide liée pour ces
cinéastes africains. Une sorte de camisole de force qui n’a pas permis au cinéma
africain d’évoluer vers une industrie. On produisait des œuvres monumentales pour l’art,
puisque les bénéficiaires de subventions n’avaient de remboursements à faire. Ils ont
ainsi contribué à la sauvegarde de la culture africaine. » Baba Hama (Entretien du 04
février 2019)
Analysant les incidences de la coopération culturelle, M. Philippe Savadogo, indique
que lorsqu’un réalisateur propose son œuvre à une production étrangère auprès de
bailleurs de fonds, il y a nécessairement une soumission à des clauses juridiques et
morales et à un devoir de résultat. Pour lui :
« Les clauses juridiques sont les tenants et aboutissants que le producteur souhaite
voir inclus. C’est déjà la clause la plus insupportable parce qu’il est question de la
possession des droits des films coproduits. Lorsque le réalisateur n’a plus les droits sur
son film, cela constitue une menace pour lui. Parce que si une personne ou institution a
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les droits sur un film, il peut les diffuser comme il veut et ce film peut être voué à un
échec économique en termes de vente. » Philippe Savadogo (Entretien du 11 février
2019)
À titre d’illustration, M. Savadogo nous informe que le CNC français dispose de plus de
400 films de réalisateurs africains qui, à une époque, ont produit des films grâce au
soutien financier de la coopération française. Et la direction en charge du cinéma au
niveau de l’OIF, qui a beaucoup aidé à la production de films africains, dispose aussi de
droits sur la plupart des films qu’ils ont coproduits depuis une quarantaine d’années.
Les stratégies de relance de la filière cinéma en
Afrique
Comme décrit supra, la filière cinéma au Burkina Faso, et en Afrique de manière
générale, rencontre actuellement des difficultés de divers ordres. Pour mieux
comprendre cette situation, il faudrait aussi étudier l’adéquation des films africains avec
les attentes des publics et les contextes sociopolitiques de certains pays africains qui
connaissent souvent de l’instabilité politique (Forest, 2012). Cette situation n’est pas
favorable à une structuration pérenne d’une industrie du cinéma.
Des perspectives de relance du cinéma africain sont cependant présentes et connues.
Comme solution, un auteur comme Francisco Ayi d’Almeida propose de se baser sur les
institutions régionales de coopération comme l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) ou la Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) pour lancer les bases solides d’une future industrie du cinéma. Selon lui,
plusieurs raisons justifient la pertinence d’accorder la priorité à une approche
d’intégration régionale : l’étroitesse des marchés nationaux, le sous-équipement et
l’insuffisance d’infrastructures de base, la perte de l’importance des frontières
nationales sous l’effet de l’internationalisation des échanges et des mutations des
processus de distribution numérique qui fait fi des frontières. De plus, l’étroitesse des
marchés locaux soutiendrait difficilement des productions filmiques diversifiées : la
plupart des productions cinématographiques des pays africains sont déjà orientées
vers les marchés intérieurs et ont du mal à se placer sur les marchés internationaux
même à l’échelle africaine. De ce fait, M. Ayi d’Almeida pense qu’orienter la production
culturelle africaine vers l’exportation sur des marchés internationaux ne semble pas être
une priorité malgré les atouts connus de certaines filières.
« En revanche, la coopération intra et inter – régionale est un objectif stratégique
prioritaire à prendre en considération, en procédant par étapes allant du sous-régional
au régional puis à l’inter-régional. Pour autant, cela n’exclut pas la possibilité de
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combiner une stratégie intra- africaine orientée vers les marchés régionaux, et une
autre tournée vers les marchés internationaux » (Ayi d’Almeida, 2006).
Ainsi, en se positionnant sur un plan sous régional, les économies d’échelle permettront
de faire baisser par exemple les coûts de production de films et de rendre l’offre plus
compétitive sur un marché mieux ciblé. Cela nécessite une coopération au niveau
institutionnel et juridique entre organes sous régionaux.
Les coproductions entre pays africains sont aussi des pistes à envisager pour favoriser
l’ouverture à de nouveaux marchés pour des films africains. En effet, lors de notre
rencontre avec le directeur général du cinéma et de l’audiovisuel au Burkina, celui-ci
nous a informé que parmi les types de soutien que son institution apporte aux
producteurs, il y a la volonté de les accompagner en termes de coproduction entre
pays. Il a mentionné plusieurs exemples, dont la signature il y a un an d’une convention
de coopération culturelle entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire facilitant entre autres
les coproductions de films entre ces deux pays. Le principe est que deux
professionnels burkinabé et ivoirien peuvent coproduire une œuvre cinématographique
et demander à leurs structures de tutelle institutionnelles respectives de les
accompagner dans l’obtention d’une autorisation officielle qui ferait que leur film
profiterait d’avantages pour conquérir à la fois les marchés burkinabé et ivoirien. La
Direction générale du Cinéma et de l’Audiovisuel burkinabé et son équivalent ivoirien
devront alors donner leur aval pour que cette coproduction ivoiro-burkinabé puisse se
concrétiser et bénéficier de ces avantages. Les coproductions entre pays africains sont
donc à encourager fortement.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, la plupart des salles de cinéma ont fermé en
Afrique. Dans les perspectives de relance du cinéma africain, certains auteurs et
professionnels du secteur suggèrent de rendre les films plus accessibles aux publics
africains en passant par le cinéma numérique ambulant (CNA) : « on sait que la plupart
des films africains sont accueillis très favorablement par les spectateurs africains, ce
point constituant généralement ce qui pousse les cinéastes africains à faire des films et
à souhaiter que ces films soient vus par leurs compatriotes. Le problème, on l’a dit, c’est
que les populations n’ont que très peu accès à ces films. » (Lelièvre, 2010) Ce constat
est corroboré par plusieurs professionnels du cinéma (réalisateurs, producteurs,
exploitants de salles, responsables d’institutions en charge du cinéma) que nous avons
rencontrés au Burkina. Une des caractéristiques du CNA est que, dès le départ, il
s’agissait d’une initiative qui concernait les villages.
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« Alors que les pratiques cinématographiques africaines sont, essentiellement pour des
raisons techniques et politiques, nées dans les villes et n’ont pu aller dans les villages
que relativement tardivement, le CNA ne commence à investir les villes que récemment,
et le plus souvent, à l’occasion des festivals ou de manifestations tels que le FESPACO
ou les rencontres photographiques de Bamako. Autrement dit, dans des grandes villes
d’Afrique de l’Ouest». (Lelièvre, 2010)
Dans le contexte difficile actuel du cinéma burkinabé, certains réalisateurs ont adopté
le CNA comme stratégie de lancement et de diffusion de films. Le réalisateur Dao
Soungalo que nous avons interrogé a affirmé :
« Quand le Fespaco s’approche, je prépare un film que je fais sortir pendant le festival.
Je le fais passer par le canal du cinéma ambulant, le film a une grande audience et je le
fais connaitre. Après le Fespaco je fais des tournées dans plusieurs villes du Burkina,
pour le diffuser sous forme de cinéma ambulant. Après j’ai un partenaire français qui me
permet de mettre mon film en ligne pour des visionnages payants. Voici une des
stratégies que j’utilise pour rentabiliser mes films ». Dao Soungalo (Entretien du 04
février 2019)
Comme on peut le constater, certains réalisateurs/producteurs africains comme M. Dao
cherchent des alternatives pour pallier le manque de salles de cinéma et la baisse des
subventions pour la production de films. En outre, M. Dao nous a aussi indiqué que
cette stratégie qu’il utilise a aussi pour but de « couper l’herbe aux pieds » des pirates
en diffusant massivement son film pendant une période courte, puis en le mettant en
ligne pour des visionnages payants. Cela lui permet de tirer le maximum de revenus de
son film avant qu’il ne soit piraté.
Dans le cadre de la relance de la filière cinéma et pour aider les professionnels, la
DGCA a en projet d’installer bientôt un système de billetterie. Les avantages d’un tel
système sont connus comme le mentionne Forest (2012) qui indique que ce dispositif
permet, entre autres, le contrôle des recettes en salles, l’imposition d’une comptabilité
hebdomadaire et des tickets à double souche, la création d’un corps d’inspecteurs
assermentés et d’un organisme d’État adapté (Type CNC en France ou DGCA au
Burkina Faso). Il est question de mettre en place un arsenal juridique de contrôle et de
coercition qui permettra de réduire les fraudes et d’assurer une bonne santé financière
à toute la filière.
Conclusion
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Ouagadougou au Burkina Faso est qualifiée de capitale du cinéma africain, et cela est
fièrement revendiqué par les Burkinabés, qui savent que plusieurs tentatives de
récupération du Fespaco ont eu lieu. De nombreux professionnels du secteur affirment
qu’il y a une alchimie du Fespaco qui a pris au Burkina et que des pays ayant bien plus
de moyens financiers pour organiser des festivals panafricains s’interrogent sur les
raisons pour lesquelles ils n’arrivent pas à avoir autant de succès que le Fespaco.
Mais cette fierté, utilisée comme moyen de diplomatie culturelle, a un coût que le
Burkina a du mal à assumer seul, créant une dépendance extérieure pour l’organisation
du festival chaque deux ans. De plus, en tant que pays abritant la capitale du cinéma
africain, le Burkina Faso s’est vu progressivement déclassé par plusieurs de ses pays
voisins en matière de production de films. Ces dernières années, les films burkinabés
étaient sous représentés au Fespaco au point où pour l’édition 2019, la Présidence de la
république du Burkina a consacré un budget considérable pour soutenir des
producteurs qui concourront pendant le cinquantenaire du festival et où trois longs
métrages burkinabés sont en compétition.
Cependant, cela est insuffisant pour accompagner le potentiel du cinéma burkinabé,
dont la filière a besoin de structuration, de professionnalisation et l’Etat est interpellé
pour accompagner les cinéastes burkinabés à mieux organiser leur filière.
a
Références
1 M. Yssouf Saré est le Directeur Général de la chaine de télévision privée burkinabé BF1 et président de
l’union burkinabé des éditeurs privés de services de télévision (UBESTV). Il est un des experts nationaux
qui ont conduit l’étude diagnostique commanditée par la délégation de l’Union européenne à
Ouagadougou, en vue de lancer un programme de financement des industries culturelles.
2 M. Philippe Savadogo est un ancien Délégué Général du Fespaco, ancien ambassadeur du Burkina Faso à
Paris, et ancien Représentant Permanent de la Francophonie auprès des Nations Unies.
a Références bibliographiques
AYI D’ALMEIDA Francisco, « L’enjeu de l’intégration régionale pour les industries culturelles africaines »
Africultures 2006/4 n° 69, pp.149 à 151.
BOUQUILLION Philippe, Les industries de la culture et de la communication. Les stratégies du
capitalisme, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2008.
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