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ÉRIC ALT
& ÉLISE
VAN BENEDEN
RÉSISTER
À LA
CORRUPTION
N°36
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TRACTS.GALLIMARD.FR
D I R E C T E U R D E L A P U B L I C AT I O N : A N T O I N E G A L L I M A R D
DIRECTION ÉDITORIALE : ALBAN CERISIER
ALBAN.CERISIER@GALLIMARD.FR

GALLIMARD • 5 RUE GASTON-GALLIMARD 75007 PARIS • FRANCE


W W W. G A L L I M A R D . F R

© ÉDITIONS GALLIMARD, 2022.


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L
a corruption a été longtemps perçue comme l’apanage des
pays en voie de développement. Il faut dire que les grandes
démocraties modernes ont gravé dans le marbre des
principes qui paraissent immuables, de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 à la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne. Cependant, nous avons
perdu le réflexe de défendre ces principes tant ils semblent
acquis. Il s’agit pourtant d’une mystification car ces principes
sont en réalité très fragiles. La démocratie doit en permanence
être protégée et secourue, car elle est confiée à des femmes et
des hommes imparfaits, y compris dans leur rapport au pouvoir.
Le combat contre la corruption consiste à opposer à cette nature
humaine imparfaite un contrôle citoyen intransigeant et à favoriser
des contre-pouvoirs vigilants. Comme l’écrivait l’anticonformiste
Georges Bernanos, « il faut beaucoup d’indisciplinés pour faire
un peuple libre1 ». Soyons donc indisciplinés et reprenons
ce pouvoir citoyen qui nous a été confisqué.
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4 1. UN COMB AT CI T O Y EN

U N E NNE MI À A B AT T RE , L A CORRU P T ION


La Déclaration des droits de l’homme de 1789 ne s’y est pas
trompée en proclamant, dès la première phrase de son pré-
ambule, que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de
l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de
la corruption des gouvernements ». La corruption est donc
l’ennemie jurée de la démocratie et la garantie des droits de
l’homme, la meilleure arme pour la combattre.
Selon le Conseil de l’Europe, la corruption est « une
menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les
droits de l’homme, sape les principes de bonne adminis-
tration, d’équité et de justice sociale, fausse la concurrence,
entrave le développement économique et met en danger la
stabilité des institutions démocratiques et les fondements
moraux de la société ».
On dit toujours que « le pouvoir corrompt ». Nous
constatons chaque jour à Anticor à quel point c’est vrai.
Peut-être que notre système politique évoluera un jour vers
davantage de démocratie directe, mais en attendant, faute
de meilleur système, il faut que le pouvoir arrête le pou-
voir. Le pouvoir appartient normalement au peuple dans
une démocratie, mais il n’est pas toujours facile pour les
citoyens de l’exercer.
La corruption est définie comme l’action de soudoyer
quelqu’un, de pervertir, d’altérer. C’est fondamentalement
un abus qui implique un détournement du pouvoir confié
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à un responsable politique ou administratif à des fins per-


sonnelles. Dans un sens strictement juridique, la corrup-
tion est un délit commis par une autorité publique, une
personne investie d’une mission de service public ou un élu
qui sollicite ou agrée sans droit, directement ou indirecte-
ment, offres, promesses, dons, présents ou avantages pour
accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte relevant de ses
fonctions ou facilité par celles-ci.
Lorsque l’on parle de corruption au sens large, on fait
référence aux atteintes à la probité, qui recouvrent la cor-
ruption, mais aussi le trafic d’influence, la prise illégale
d’intérêts, le détournement de biens publics, le favoritisme
et la concussion.
Depuis les années 2000, les citoyens ont progressive-
ment pris conscience de l’ampleur de la corruption en
France. Cela se traduit généralement par de la colère, voire
du mépris contre une classe politique qui a laissé de nom-
breux scandales discréditer son action, sans faire grand-
chose pour y remédier. L’abstention massive et le fatalisme
électoral que nous connaissons sont une conséquence
silencieuse mais brutale de cette colère.
Beaucoup de citoyens finissent par s’abandonner au
« tous pourris » et aux discours populistes. À Anticor, nous
savons que tous les élus ne sont pas pourris mais qu’au
contraire l’immense majorité a l’éthique chevillée au corps
et exerce ses fonctions dans des conditions laborieuses.
Nous avons choisi un combat difficile : plutôt que d’ali-
menter la défiance des citoyens envers leurs élus, nous nous 5
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6 battons pour que la confiance reprenne du terrain. Nos


actions en justice, qui ont donné une certaine notoriété à
notre petite association, peuvent contribuer à alimenter ce
sentiment de « tous pourris ». Ce n’est pas notre but : notre
objectif est d’écarter de la vie publique les responsables
politiques qui déméritent et de promouvoir une culture de
l’exemplarité.
Nous avons vigoureusement milité pour que la détention
d’un casier judiciaire vierge d’infraction à la probité soit
une condition pour se présenter à une élection. Emmanuel
Macron s’était engagé à faire passer cette mesure. Il ne l’a
pas fait. Il n’a pas non plus fait de l’exemplarité une qualité
sine qua non pour faire partie de son gouvernement mais a,
au contraire, « assumé » les nombreux dossiers et soutenu
ses ministres mis en cause. La bataille culturelle en faveur
de l’éthique ne semble pas gagnée au sein de l’exécutif.
Mais si les citoyens en font leur cheval de bataille, alors
peut-être peut-on espérer une réelle transformation de nos
institutions.

NO U S S OM M E S T OU S V IC T IM E S
Nous ne nous percevons pas forcément, en tant que
citoyens, comme victimes de la corruption. Pourtant, nous
le sommes sans aucun doute.
Il est incontestable que la corruption est systémique en
France et qu’elle impacte notre quotidien. Nous en subis-
sons tous les effets, en payant plus d’impôts, en bénéficiant
de moins de services publics, en vivant des injustices. Nous
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sommes victimes parce que la corruption a un coût, que


nos impôts viennent compenser. Un rapport européen a
évalué son coût à 120 milliards d’euros par an en France2. Il
s’agit seulement d’une évaluation bien sûr, car il est impos-
sible de chiffrer précisément un phénomène par nature
occulte. Mais cela donne une dimension du problème et
interroge sur les faibles moyens mis en place par le gouver-
nement pour lutter contre ce virus qui pèse à ce point sur
les finances de l’État.
Ce n’est pas le seul signal envoyé par nos institutions.
La France était en 2021 au vingt-deuxième rang du clas-
sement mondial de la perception de la corruption de
Transparency International, juste devant les Émirats arabes
unis. L’OCDE, dans son rapport du 14 décembre 2021, tout
en saluant la création du Parquet national financier, juri-
diction spécialisée dans les affaires politico-financières,
alerte sur la faiblesse de ses moyens. Ce parquet ne dispose
en effet à ce jour que de dix-huit magistrats chargés de
lutter contre des réseaux puissants. Quand on veut savoir
s’il existe une réelle volonté politique de lutter contre un
phénomène, il suffit de regarder les moyens alloués à cette
lutte. En matière de lutte contre la corruption, la réponse
institutionnelle est exceptionnellement décevante. Dans
un rapport de janvier 2020, le Groupe d’États contre la
corruption (GRECO), qui est une institution du Conseil
de l’Europe, exhortait la France à renforcer son arsenal
anticorruption. Il faut écouter ces signaux, qui sont sérieux
et alarmants. 7
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Il est incontestable que la corruption est systémique


en France et qu’elle impacte notre quotidien.
éric alt & élise van beneden

N ous ne nous percevons pas forcément, en tant que citoyens,


comme victimes de la corruption. Pourtant nous subissons tous
ses effets : nous payons plus d’impôts, nous bénéficions de moins
de services publics, nous vivons des injustices. La corruption est
un abus de pouvoir qui dégrade la démocratie toute entière. Elle
affecte l’économie, le vivre ensemble, la confiance en nos élus.
Mais il est possible de résister, comme en témoignent les auteurs
de cet essai, tous deux engagés dans une association agréée de
lutte contre la corruption, de combattre les manquements à la
probité des puissants et d’œuvrer pour l’éthique dans la vie pu-
blique. En démocratie, la souveraineté appartient aux citoyens.
Cette résistance citoyenne est aussi une opportunité pour tous
de se réapproprier un pouvoir dont ils ont été dépossédés.

ÉRIC ALT EST MAGISTRAT, VICE-PRÉSIDENT D’ANTICOR. ÉLISE VAN BENEDEN EST AVOCATE, PRÉSIDENTE
D’ANTICOR. .

MARS 2022
Résister
à la corruption
Éric Alt
et Élise Van Beneden

Cette édition électronique du livre


Résister à la corruption d’Éric Alt et Élise Van Beneden
a été réalisée le 28 février 2022
par les Éditions Gallimard.
Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage
(ISBN : 9782072992155 - Numéro d’édition : 544518).
Code Sodis : U46496 – ISBN : 9782072992193
Numéro d’édition : 544523.

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