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L'AVENIR DE LA PSYCHANALYSE

Augustin Menard

ERES | « Cliniques méditerranéennes »

2007/1 n° 75 | pages 179 à 191


ISSN 0762-7491
ISBN 978749207254
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Augustin Menard, « L'avenir de la psychanalyse », Cliniques méditerranéennes
2007/1 (n° 75), p. 179-191.
DOI 10.3917/cm.075.0179
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Cliniques méditerranéennes, 75-2007

Augustin Menard

L’avenir de la psychanalyse 1

L’avenir de la psychanalyse serait-il celui d’une illusion pour reprendre


un titre de Freud ? C’est ce que souhaiteraient ses adversaires. Je vais essayer,

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tout au contraire, de démontrer qu’elle se fonde sur un réel, sans oublier que
pour Hegel : « Quoi de plus réel que l’illusion en tant que telle ? » L’imagi-
naire a une consistance que l’on oublie derrière l’évanescence que le sens
commun lui attribue.
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La psychanalyse a trait au passé plus qu’à l’avenir dans la mesure où elle


rend compte de ce qui a eu lieu sans préjuger de ce qu’il adviendra. Freud
met en garde dans « Analyse avec fin et analyse sans fin » contre la tentation
de rivaliser avec le destin alors que nul ne sait, ce que le hasard (la tuché),
nous réserve. Nous sommes loin des experts de l’INSERM qui s’arrogent le
droit de prédire, et ce dès la maternelle, qui sera délinquant.
Je voudrais démontrer ici que la psychanalyse n’est pas une illusion et
que la logique rigoureuse de son discours lui permet « d’être en avance sur
la courbe de l’avenir qu’il dessine » (selon l’expression de J.A. Miller).
« Malaise dans la civilisation » sera pour nous une meilleure référence que
« l’Avenir d’une illusion ».
Au-delà des affrontements actuels, « Livre noir…/Anti-livre noir » et
sans sous-estimer la nécessité de défendre la psychanalyse partout où elle se
trouve attaquée, je voudrais tenter de dégager les enjeux fondamentaux qui
sont en cause.
J’essaierais dans un premier temps de cerner ce qu’est la psychanalyse,
puis de situer sa place par rapport aux autres disciplines, enfin d’envisager
ce qu’elle doit devenir pour rester fidèle à son éthique.

Augustin Menard, psychanalyste, 38 rue Pradier, 30000 Nîmes.


1. À partir d’une conférence dans le cadre du débat organisé par Rajaa Stitou à l’université Paul
Valéry Montpellier III le 17 juin 2006.
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CE QU’ELLE EST : UNE PRATIQUE ORIENTÉE PAR LE SYMPTÔME

La psychanalyse est avant tout une pratique issue d’une rencontre avec
le symptôme. C’est une pratique qui a des effets, et souvent plus rapides
qu’on ne le croit. C’est aussi une théorie qui découle de la pratique et qui est
d’autant plus rigoureuse qu’elle se heurte en retour à ses effets sur la pra-
tique qui la vérifie ou l’invalide (en ce sens elle est évaluable).
Ma thèse est simple : l’avenir de la psychanalyse c’est le symptôme, car
le symptôme est le témoin chez l’individu, comme dans les sociétés, d’un
irréductible qui fait objection, grain de sable, à toute approche qui se vou-
drait totalisante, exhaustive. Encore faut-il qu’il y ait des analystes à la hau-
teur de leur acte.
Freud a inventé la psychanalyse parce qu’il s’est soumis au réel du

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symptôme. À l’époque, la psychanalyse est née d’un échec de la médecine
qui refusait ce réel au symptôme hystérique, né chez des bourgeoises sou-
mises à une morale victorienne hypocrite et répressive de la vie sexuelle.
Freud s’est soumis à ce réel du symptôme. Il a été docile au discours du sujet,
sans a priori. En retour, il en a recueilli la vérité.
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Entendons-nous : le réel, ici, n’est pas la réalité. C’est cet impossible à


atteindre aussi bien par notre imagination que par nos mots, alors que la réa-
lité est ce qui du réel est structuré par l’imaginaire et le symbolique. Le réel,
selon Lacan, c’est « l’impossible à supporter », dont l’angoisse signale la pré-
sence. Lorsqu’il dit « le réel c’est l’impossible », c’est avant tout une défini-
tion clinique, mais c’est aussi celle de la science si l’on se réfère à Koyré 2.
La psychanalyse vivra si les psychanalystes maintiennent ce cap : le
symptôme comme boussole. Si elle devait être condamnée au tribunal des
évaluateurs, il n’en demeurerait pas moins un reste irréductible, l’équivalent
du « et pourtant elle tourne » de Galilée.
Freud a découvert une faille, une déhiscence au plus profond de l’être
humain, de l’être parlant, et qui se retrouve au niveau social dans chaque dis-
cours, dans chaque culture. C’est ce que Freud a nommé, assez impropre-
ment, car trop imaginarisant « castration » pour le sujet, « malaise » pour la
civilisation. Le terme allemand est Unbehagen qui est un « non bien être ».
Cet échec, cet impossible de structure, les idéologies, les religions, les
théories, qu’elles cherchent à le nier, à le dépasser ou simplement à le soula-
ger et quels que soient leurs mérites, ne peuvent le réduire complètement.
Les médicaments, quels que soient leurs bienfaits, les drogues quels que
soient leurs attraits n’en viennent pas davantage à bout.

2. A. Koyré, Études d’histoire de la pensée scientifique, Paris, Gallimard, 1973.


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C’est en quoi le symptôme psychanalytique se différencie des troubles


du comportement par lesquels il peut s’exprimer. Le trouble n’est que
l’écume du symptôme. Il n’est qu’un défaut de fonctionnement neurophy-
siologique ou même neuropsychique, mais réductible. Le symptôme com-
porte en lui un incurable avec lequel le sujet doit compter.
En bref, la théorie dégage de la pratique des invariants centrés sur un
impossible de structure qui est l’équivalent dans notre discipline du théo-
rème de Gödel en mathématique. Ce dernier démontre l’impossibilité de
clore une théorie complète des mathématiques, comme l’espéraient Cantor et
Bertrand Russell. C’est cet impossible qui fonde la répétition, soit ce qui ne
cesse pas de se répéter dans le symptôme, de répéter qu’il y a un impossible.
Le deuxième acquis est que le sujet n’est pas le moi du philosophe, n’est
pas la conscience. Sa pratique impose à Freud le concept de l’inconscient dif-

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férent de toutes notions précédentes de l’inconscient. Le moindre lapsus,
comme le moindre rêve, ou le moindre acte manqué, démontrent que « ça
parle » d’un lieu qui échappe au moi du sujet. L’homme n’est plus au centre
de lui-même, comme pour Copernic la terre n’est plus au centre de l’univers.
La faille ainsi révélée est intimement liée à la condition d’être parlant, et
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au fait que le langage ne peut rien dire de la vie, du sexe et de la mort. La rup-
ture effectuée par le langage entre la condition animale et la condition
humaine impose à l’homme des énigmes. Si Heidegger peut formuler : « Seul
l’homme meurt, l’animal périt », c’est qu’il y a pour l’homme le langage.
À l’inverse, ce manque est source d’un désir indestructible et recherche
d’une jouissance, véritable sel de la vie qui va bien au-delà de la satisfaction
du plaisir. D’emblée Freud a repéré dans le symptôme un contenu lié aux
questions concernant la vie, la mort, la différence des sexes, et que la vérité
du sujet se référait au sens des désirs refoulés. Les symptômes les expriment
d’une manière déguisée. Mais en outre, et on l’oublie souvent, ils réalisent
une satisfaction substitutive à ces désirs. Les symptômes sont porteurs d’une
jouissance vitale, c’est là que s’expriment les pulsions.
Du fait du langage, la pulsion n’est pas l’instinct, le désir n’est pas le
besoin, la demande n’est pas simple communication. Il y a une rupture radi-
cale non entre le corps et l’esprit, mais entre le savoir, l’épistême, le signifiant
et le psychosomatique. La coupure est épistémo somatique. Il convient de
délimiter sévèrement d’un côté le champ d’action de la psychanalyse et des
psychothérapies orientées par elle, de l’autre celui du cognitivisme, des TCC
et de toute psychologie fondée sur l’éthologie animale. Ce deuxième champ
est non moins respectable que le premier car l’homme est soumis aux lois de
l’éthologie animale, mais pas seulement à elles, je me réfère ici à Derrida 3.

3. J. Derrida, L’animal que donc je suis, Paris, Galilée, 2006.


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L’essentiel est de ne pas confondre, c’est d’un choix épistémologique qu’il


s’agit.
Contrairement à ce que soutient Damasio dans son livre L’erreur de Des-
cartes 4, Descartes ne fait pas passer la coupure entre organique et psychique,
corps et âme, il est sur ce point aussi moniste que Damasio. Non, il fait pas-
ser la coupure entre la pensée et l’étendue.
Dire que la coupure est epistémo somatique, veut dire que d’un côté
nous trouvons une continuité entre le psychosomatique, l’âme et le corps, la
cognition, le comportement et le conscient, c’est le côté du moi et de la
connaissance et de l’autre les pensées, le savoir, l’inconscient, le sujet, le Je qui
n’est pas le moi, ni le sujet de la connaissance, le savoir inconscient.
Ceci peut être une table d’orientation sous réserve de repérer qu’il y a
des passerelles entre les deux berges de ce hiatus, et que le cerveau a une

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fonction amboceptrice entre les deux. Peut-être que le terme d’interface, plus
moderne, serait plus évocateur. La pensée peut venir cisailler le corps chez
l’hystérique, l’âme chez l’obsessionnel, mais la pensée n’est jamais réductible à
son substrat organique, elle n’est pas sécrétée par le cerveau, seule l’intervention
de ce tiers qu’est le langage peut rendre compte de l’inconscient.
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Dans son raisonnement conscient (qui est toujours méconnaissance de


l’inconscient), une malade que je présentais récemment au Collège clinique
soutenait que sa mère n’était pas agressive envers elle, qu’elle n’avait jamais
été violente, et que de ce fait elle ne lui en voulait pas. Or, à deux reprises elle
fait le lapsus « violence maternelle » à la place de « violence matérielle ». Son
inconscient ici parle à partir d’un autre lieu et dément ses propos conscients.
C’est ici que la psychanalyse diverge de toutes les psychologies fondées
sur l’éthologie animale. Ainsi, les trois concepts fondamentaux de répétition,
d’inconscient et de pulsion constituent trois acquis théoriques essentiels. La
pratique va permettre à Freud de dégager un quatrième concept fondamen-
tal, le transfert.
Les effets de la psychanalyse, les effets de parole, seul médium, démon-
trent que le symptôme en tant que manifestation de l’inconscient est struc-
turé par le langage comme le rêve et les actes manqués, lequel modèle sa
forme. Dans cette pratique de parole, Freud découvre que le psychanalyste
est inclus dans le symptôme de son patient et dans le discours qui se déroule
entre eux, que l’analysant lui voue un amour lié au fait qu’il lui suppose un
savoir sur son symptôme. Le transfert existe dans les relations soignantes,
mais la psychanalyse seule lui donne sa rigueur théorique qui en permet le

4. A.R. Damasio, L’erreur de Descartes, Paris, Odile Jacob, 1995.


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maniement, en détourne les effets imaginaires, et permet une issue à cet


amour authentique.
La science exclut le sujet dans son souci d’objectivation, à l’inverse dans
l’expérience analytique l’analysant s’offre à nous comme sujet mais considère
son analyste en tant qu’il est aussi un sujet. Le transfert serait alors des deux
côtés dans une relation intersubjective.
Ici, les lacaniens se différencient des autres analystes. Dans une
démarche d’orientation scientifique, ils s’excluent eux-mêmes de la position
de sujet pour se faire le plus possible objet. Cela n’exclut pas le contre-trans-
fert de l’analyste, mais les lacaniens le traitent soit dans leur propre analyse,
soit dans leurs contrôles, réduisant ainsi la résistance imaginaire que com-
porte tout transfert. Dans son acte, l’analyste s’efforce de ne pas penser, lais-
sant cette tâche à son analysant.

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Grâce à la parole dans le champ du transfert, le symptôme peut se dire
et la répétition se rompre. C’est pour autant que les voies sans issues de l’im-
possible sont reconnues, que s’en ouvrent d’autres, sur d’autres possibles,
d’autres créations, non moins symptomatiques, mais moins ruineux quant à
la jouissance car plus en accord avec la pulsion. Ainsi, la psychanalyse élargit
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la liberté du sujet.

PLACE DE LA PSYCHANALYSE DISCIPLINE ORIGINALE, AUTONOME

Il convient de préciser cette place par rapport aux autres disciplines pour
en démontrer la spécificité, et démontrer que loin d’être en rivalité, elles ne
peuvent que s’enrichir mutuellement.
Freud a découvert un nouveau discours qui révèle l’échec, les impasses
des autres discours. Le discours psychanalytique n’a pas pourtant un privi-
lège sur les autres puisqu’il est lui-même soumis à un ratage de structure.
Son seul avantage, c’est qu’à le repérer il est possible de l’utiliser pour lui
trouver une autre issue.

Psychanalyse et philosophie

La psychanalyse a beaucoup à apprendre de la philosophie. Freud a pra-


tiqué Kant, Shoppenhauer, les philosophes anglais… et bien d’autres. Lacan
s’est appuyé sur Descartes, Hegel, Heidegger, Kierkegaard… N’oublions pas,
en ce qui nous concerne, que c’est Marx qui a inventé le symptôme. Dans son
analyse radicale et rigoureuse du capitalisme, il a repéré ce qui fait obstacle,
ce qui se met en travers. Il a mis le doigt sur la faille du discours du maître :
« Le travail génère une plus-value, soustraite par le maître à celui qui le pro-
duit » (c’est sur ce modèle que Lacan a fondé son objet a comme plus de
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jouir). C’est une vérité qui demeure et qui est même renforcée par l’échec de
sa mise en pratique dans le communisme. À vouloir combler la faille que
révèle le symptôme, un autre symptôme se substitue au précédent : c’est le
totalitarisme bureaucratique qui fait retour dans nos sociétés capitalistes.
C’est là que gît le risque du « tout évaluation », car l’utopie est de vouloir
supprimer cette faille. C’est la thèse que soutient Freud dans « Malaise dans
la civilisation ». Mais, la psychanalyse a un avantage sur la philosophie sou-
mise à la seule logique, à la seule cohérence de son raisonnement, car elle a à
s’affronter quotidiennement à la réalité de la clinique. Cela pourrait se
démontrer à partir de ce texte superbe de Michel Foucault « Maladie mentale
et personnalité 5 ».
L’important pour le psychanalyste est de se régler sur une éthique des
conséquences, non sur celle des intentions, et c’est par ce biais que la psy-

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chanalyse peut être utile à la philosophie.

Psychanalyse et science

La psychanalyse est une pratique issue de la science, qui tend au maxi-


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mum vers elle, mais qui s’en sépare. La science vise l’objectif, la psychanalyse
le subjectif, la science l’universel, la psychanalyse le singulier, le un par un.
La science le mesurable, le quantitatif, les statistiques, la psychanalyse le qua-
litatif, le non-mesurable. La science vise le savoir dans le réel, « Dieu ne joue
pas aux dés », nous dit Einstein, la psychanalyse relève d’un réel sans loi,
celui qu’Einstein refusait à Niels Bohr. Malgré ces oppositions de principe, la
psychanalyse tend vers la science, nous l’avons vu au sujet du transfert et
pour autant qu’elle ne soit pas mesurable elle ne doit pas se refuser à une
évaluation comme le souligne le professeur Widlöcher tant dans son livre Les
nouvelles cartes de la psychanalyse 6, que dans son entretien avec J.A. Miller 7, si
elle ne veut pas être rejetée, mais sous la réserve expresse que cette évalua-
tion spécifique, tienne compte du facteur qualitatif, du sujet, et du cas par cas
(ce qui ne saurait relever que de chaque école et en aucun cas de l’État). Et,
d’ailleurs un réel se dégage de la série des uns par un, comme le démontrent
les mathématiques (séries convergentes ou divergentes).

5. M. Foucault, Maladie mentale et personnalité, Paris, PUF, 1954.


6. D. Widlöcher, Les nouvelles cartes de la psychanalyse, Paris, Odile Jacob, 1996.
7. J.A. Miller, D. Widlöcher, « L’avenir de la psychanalyse », Débat 1er juin 2002, Revue PSN n° 1,
vol. I, janvier-février 2003.
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Psychanalyse et savoir universitaire

Le savoir universitaire est un savoir exposé, le savoir psychanalytique


un savoir supposé. Cela pose la question de l’enseignement de la psychana-
lyse à la faculté. Le psychanalyste doit aborder chaque cas particulier comme
s’il n’avait aucun savoir préalable, mais cela ne l’exonère pas pour autant du
savoir, Freud ne rêvait-il pas d’une université de psychanalyse où toutes les
disciplines seraient représentées 8 ? Le savoir exposé a sa place dans la for-
mation du psychanalyste, mais ne doit en aucun cas garantir une pratique
qui ne peut se fonder que sur une expérience subjective.

Psychanalyse et médecine

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La psychanalyse ne peut que se féliciter des immenses progrès des neu-
rosciences et des acquis de la chimiothérapie. La médecine traite l’aspect bio-
logique du symptôme mais ni son sens ni sa jouissance. Cependant, la
psychanalyse est l’avenir de la médecine car elle seule peut réhabiliter le sujet
que la médecine actuelle exclut. C’est dans une de ses disciplines les plus
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organiques comme la chirurgie, que cette nécessité de réintégrer le sujet est


le mieux perçu. Il revient à la psychanalyse le non-mesurable, le non-éva-
luable, la souffrance, la tristesse, la douleur, le handicap, la vieillesse, l’ap-
proche de la mort.

Psychanalyse et psychologie et psychothérapies

Les psychothérapies sont nées de la psychanalyse, mais celle-ci peut s’y


dissoudre. Il est important qu’elle marque ses différences avec les diverses
psychothérapies dites familiales, comportementalistes, cognitivistes et toutes
psychothérapies fondées sur le moi. Elles ne sont pas en concurrence car la
psychanalyse ne vise que ce qu’une psychothérapie non orientée par l’in-
conscient ne peut que laisser de côté. Elle ne peut pas être considérée comme
une variété de psychothérapie. Lorsque nous nous opposons aux TCC, ce n’est
pas tant la méthode thérapeutique, qui peut avoir des effets, que nous criti-
quons mais l’idéologie sous-jacente qui évacue la liberté du sujet au profit
d’un conditionnement. C’est à ce motif que Freud a abandonné l’hypnose
dont on nous vente à nouveau les mérites.

8. S. Freud « Doit-on enseigner la psychanalyse à l’université ? », dans Résultats, idées, problèmes,


t. II, Paris, PUF, 1984.
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Psychanalyse et religion

La religion met la vérité à la charge d’un Autre alors que la psychanalyse


est un effort pour dégager la vérité de chacun. Elles ne s’opposent pas pour
autant car la psychanalyse respecte les solutions choisies par chacun.

Psychanalyse et discours de la société de consommation

C’est le discours actuel, mélange du discours scientifique, capitaliste et


bureaucratique. L’objet de la jouissance a pris le pas sur les idéaux, mettant
au premier plan l’argent, la consommation. Il vise le bonheur par le comble-
ment du besoin et espère ainsi guérir la faille du sujet produisant une nou-
velle utopie, dont l’expression dans le domaine de la santé mentale a

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parfaitement été décrite par Roland Gori dans La santé totalitaire 9. C’est la rai-
son pour laquelle Canguilhem, il y a déjà longtemps, proposait de remplacer
les termes de « santé mentale » par ceux de « salubrité mentale 10 ».
De ce parcours, je retiendrais que la psychanalyse occupe dans notre
monde face au discours de la science ou de la bureaucratie, la place qu’occu-
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pait l’humanisme face à la religion. Lisez l’Érasme de Stephan Zweig 11 où se


démontre la place difficile de l’humanisme entre l’impérialisme catholique et
l’intransigeance luthérienne. La psychanalyse n’est pas conception du monde, elle
est soumission au réel, à l’opposé des idéologies, des croyances, des savoirs qui
se veulent absolus.

CE QU’ELLE DOIT DEVENIR POUR RESTER FIDÈLE À SON ÉTHIQUE :


À NOUVEAUX SYMPTÔMES, NOUVELLES PRATIQUES

Si nous conservons comme boussole le réel du symptôme, nous consta-


tons que sa cause relève de l’universel, le défaut dans l’univers, sa forme du par-
ticulier du discours lié à l’époque dans laquelle se situe le sujet, quant à son
traitement, il relève du singulier, du un par un dans le rapport que chacun
entretient avec sa propre jouissance.
Expression de l’inconscient « structuré comme un langage », le symp-
tôme, en effet, est porteur d’un sens. Il signifie un désir qui est toujours celui
de l’Autre pour autant que nous sommes exilés du langage qui nous est exté-
rieur. Mais le symptôme est aussi un mémorial de la jouissance liée à l’objet
perdu dont nous gardons à jamais l’empreinte singulière.

9. R. Gori ; M.-J. Del Volvo, La santé totalitaire, Paris, Denoël, 2005.


10. G. Canguilhem, Écrits sur la médecine, Paris, Le Seuil, 2002.
11. S. Zweig, Érasme, Livre de poche 14019, Paris, Grasset.
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Si l’on pouvait croire à l’époque de Freud que l’hystérie relevait de la


répression du sexuel, à notre époque le malaise des banlieues serait plutôt lié
à l’effondrement de l’autorité paternelle, à la chute des idéologies, au recul
des religions, auquel il faut bien dire que la psychanalyse a contribué. En fait,
ce n’est ni l’excès de répression ni la permissivité qui est responsable. Le seul
traumatisme est celui du langage, et l’invariant, ce qui ne peut être dit du
sexe ou de la mort. Seule la forme du symptôme change en fonction des civilisa-
tions. C’est la thèse que Foucault a développée très tôt concernant la folie.
Les psychanalystes sont loin de la nostalgie de Nerval : « Ils reviendront
ces Dieux que tu pleures toujours, le temps ramènera l’ordre des anciens
jours. » Il n’y a pas lieu de regretter un ordre ancien ni de critiquer un
désordre actuel. Le psychanalyste s’abstient de jugement, il prend acte des
formes actuelles du symptôme et accueille ce nouveau malaise, ces nouveaux

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symptômes.
En revanche, face à ces nouveaux symptômes, une nouvelle pratique
s’impose, je dirai même un nouveau psychanalyste. Ce n’est plus le patient
fortuné qui va sonner chez le psychanalyste. C’est le psychanalyste qui se
déplace au-devant de celui qui ne sait pas encore que la psychanalyse peut
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l’aider à faire quelque chose d’autre de son symptôme. Il doit intervenir dans
le malaise de la cité.
C’est ainsi qu’au CPCT de Montpellier nous accueillons gratuitement qui-
conque souhaite venir exposer ses difficultés et s’informer sur les possibilités
que la psychanalyse lui offre. Dans certains cas, des traitements de courte
durée y sont proposés, dans d’autres une orientation adéquate, fonction du
discours et du choix de chaque sujet.
Dans d’autres expériences, des psychanalystes vont ainsi auprès des
enfants, dans les quartiers difficiles faire une offre qui n’est pas celle d’une
cure classique, mais d’une écoute différente qui infléchira parfois de façon
décisive le parcours de vie d’un sujet, lui permettra de faire un pas de côté.
C’est ce que vise le CIEN lorsqu’il met au travail des acteurs issus de diverses
disciplines mais ayant tous affaire à des enfants.
Fidèle à l’axe choisi, je prélèverai parmi ce qu’il est convenu d’appeler
les nouveaux symptômes, et sans aucun souci d’exhaustivité trois exemples
démontrant avec Hölderlin que « là où le danger croit, croit aussi ce qui
sauve ».
Je choisirai l’anorexie, les nouvelles formes de psychose, la violence.

L’anorexie

L’anorexie dont tout le monde sait que sa fréquence augmente d’années


en années est particulièrement exemplaire du malaise actuel de notre société
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mais aussi d’une issue possible. En effet, l’anorexie révèle et désigne la


richesse de ce vide au cœur de l’être, son potentiel créatif, là où la boulimie,
la drogue, les addictions, la folie médicamenteuse démontrent a contrario
l’impossibilité de le combler. L’anorexie mentale chez un sujet singulier
donne la vérité de la société de consommation, soit d’une société qui mécon-
naît le manque fondamental. L’anorexique « mange rien » et se faisant
désigne ce qui au cœur de l’objet vaut plus que lui-même, qu’il y a une autre
valeur du cadeau que sa valeur marchande, qu’il y a des objets qui échappent
à l’étalon universel de l’argent, que ce que je désire n’est pas ce dont j’ai
besoin, que ce que je demande n’est pas l’objet, l’argent, la promotion mais
l’amour dont il témoigne. L’anorexique fait objection au tout comblable, au
despotisme de l’utile, du rentable, de l’efficace, de l’évaluable. Elle est refus
salutaire de notre modèle de société, elle témoigne avec Claudel de la valeur

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de ce rien : « N’est-ce rien que ce rien qui nous délivre de toute chose ? » mis
dans la bouche de Don Camille s’adressant à Dona Prouhèze. Elle est appel
d’air dans une société étouffante et dessine une issue.

Les formes actuelles de psychose


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Nous avons coutume d’appeler « psychoses ordinaires » ces psychoses


sans délire, sans hallucinations, que les anciens cliniciens nommaient « alié-
nés sans délire ». Leur extension est probablement liée à notre repérage ana-
lytique plus rigoureux mais est aussi contemporaine du déclin du père.
L’intérêt de ces psychoses est de démontrer que lorsque le principe organisa-
teur de l’Œdipe qu’est le père n’est pas en fonction, il y a nécessité de le rem-
placer par un symptôme. Sans le prêt-à-porter de l’Œdipe, sans l’exception
paternelle, chaque sujet, au un par un, est contraint de créer une solution sin-
gulière pour se soutenir dans l’existence. Il est d’ailleurs étonnant de consta-
ter la diversité et la richesse de ces créations à l’inverse d’une conception
déficitaire de la psychose. Bien au contraire, les solutions exceptionnelles
inventées par les psychotiques nous donnent une indication pour les
névroses. La solution œdipienne a ses limites et l’issue d’une névrose passe
par l’au-delà de l’Œdipe.

La violence

Ici, le problème est beaucoup plus complexe. Bien sûr, la pulsion de mort
freudienne (la discorde a précédé l’harmonie) est à l’œuvre mais cela ne suf-
fit pas. Le refus de la différence, de la singularité est une autre forme de la
négation du manque radical que préserve le langage. Le langage permet d’in-
terposer un tiers dans la relation mortifère (en miroir) avec le semblable.
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Lorsque ce tiers manque c’est la lutte entre le moi et son semblable. C’est la
lutte à mort du maître et de l’esclave qu’analyse Hegel.
Ce refus de la différence, c’est ce qui fonde le racisme, qui modifie la
structure de la famille avec l’invention de la « parentalité », qui a remplacé le
binaire père/mère. Il est important de repérer que ce refus de la différence est
en germe dans l’idéal démocratique, du tous pareils. Marcel Gauchet dans La
démocratie contre elle-même 12, Jean-Claude Milner dans Les penchants criminels
de l’Europe démocratique 13 l’ont bien démontré. Ce n’est pas la démocratie qui
est en cause, c’est de ne pas reconnaître l’impossible en cause dans le « tous
pareils ». Le fondement du racisme, c’est le refus de la singularité de la jouis-
sance de l’autre. Le « tous pareils » veut dire qu’est gommée la différence
sexuelle, la différence entre père et mère, c’est un monde de miroirs où
l’image de l’un renvoie à l’image de l’autre et où la seule issue est mortifère

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s’il n’y a pas de médiation.
Une ouverture s’esquisse si nous admettons que le langage ne sert pas
qu’à communiquer, il est aussi vecteur de jouissance. Les flots de discours et
les bataillons de cellules psychologiques à l’écoute ne serviront à rien, si au-
delà des mots n’est pas repéré le singulier de ce qui se dit.
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La clé (ou du moins une des clés), ce sont les jeunes des banlieues qui
nous la donnent : le respect. Ils n’ont pas lu Kant. Ils ne respectent à l’occa-
sion ni rien, ni personne sauf peut-être la force du petit chef. Ils ont pourtant
raison car notre société ne respecte pas ce qu’est l’intime de l’être de chacun
qui le différencie de tous les autres. L’idéal du même conduit au piège du
communitarisme, qui est un nouveau refus de la différence. Le respect
s’adresse à l’être humain qu’il soit voyou ou criminel, le refuser c’est le pous-
ser à s’adjoindre à d’autres pour exprimer par la violence ce qui lui est refusé
dans le discours.
Lorsque nous regroupons sous un seul vocable, une seule nomination
imaginaire les anorexiques, les drogués, les déprimés, les psychotiques, les
adolescents, les vieillards, etc., nous abolissons ce qui fait leurs différences,
nous nourrissons le symptôme qui est refus, révolte, précisément contre cela.
Le respect réintroduit le tiers entre semblables, disjoignant ce qui n’est pas du
pareil au même.

12. M. Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002.


13. J.-C. Milner, Les penchants criminels de l’Europe démocratique, Paris, Verdier, 2003.
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POUR CONCLURE

J’ai pris le parti d’être optimiste du moins à long terme, car, nous dit
Lacan : « Ce n’est pas moi qui vaincrais, c’est le discours que je sers. » Cet
optimisme ne doit pas nous empêcher d’être vigilant et de continuer à lutter
pour les apports de la psychanalyse à notre civilisation car sinon bien des
dégâts sont possibles qu’il vaudrait mieux éviter. J’espère avec Lacan que la
psychanalyse permettra « une issue du discours capitaliste 14. » Je me refuse
à penser que l’homme puisse opter un jour pour l’adaptation contre la créa-
tion, préférer l’exactitude à la vérité, la servitude à la liberté. L’homme futur
acceptera-t-il de se soumettre à un nouveau totalitarisme bureaucratique qui
le réduirait à une marchandise, à une unité comptable, à un chien de Pavlov ?
À l’inverse et pour tempérer cet optimisme, Annah Arendt 15 a montré com-

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ment la folie nazie a pu introduire « la banalité du mal » chez un être banal,
ordinaire sans qu’il en ait conscience. La Boétie déjà évoquait la servitude
volontaire. Mais, n’y aura-t-il pas toujours un Nietzsche pour réveiller le dio-
nysiaque sous l’apollinien, un Giordano Bruno pour dire à ses juges qu’ils
ont davantage peur de la vérité que lui de la mort, un Gödel pour rouvrir le
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trou du savoir, et je l’espère un psychanalyste pour entendre la souffrance de


l’homme ?
La révolte récente contre le CPE démontre le potentiel de résistance des
jeunes, lorsqu’ils sont visés en tant que sujet, pour être réduits à une unité
comptable (à un objet jetable disait Marie-Hélène Brousse dans une récente
conférence à Montpellier) et que les bonnes intentions ne suffisent pas.
La psychanalyse aura toujours sa place si le psychanalyste demeure
docile au réel du symptôme, car tout discours échoue à supprimer le Unbe-
hagen, ce manque fondamental qui fait obstacle au bonheur. La psychanalyse
est le seul discours qui reconnaît cet impossible et en fait le point d’appui de
la révélation du désir, et de la création singulière à chaque sujet. Elle se
réjouit du succès des autres disciplines, se réservant de prendre en charge le
sujet à partir du point où elles échouent. Elle accueille les souffrances du sujet
et lui propose de chercher avec lui la solution personnelle que les réponses
toutes faites ne lui auront pas permis de trouver.
Pour en revenir à l’illusion évoquée au début, celle-ci est à l’évidence du
côté de ceux qui croient pouvoir éradiquer le symptôme en niant le trou réel
dont il témoigne. C’est le fondement de toutes les utopies. Ni ostracisme à
l’égard des autres disciplines ou méthodes, ni sectarisme, ni racisme. C’est de

14. J. Lacan, Télévision, Paris, Le Seuil, 1973, p. 29.


15. H. Arendt, Eichmann à Jérusalem, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1976.
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l’échec de structure, que procède l’analyse. La psychanalyse parie sur la vie


contre la mort « jouant bonheur contre malheur », comme l’évoque Eluard,
sur le positif du symptôme, son réel, car « le réel parfois satisfait l’espérance,
c’est pourquoi contre toute attente elle survit. » pour le dire avec René Char.

Résumé
L’avenir de la psychanalyse c’est le symptôme. Elle seule y reconnaît non un trouble
(qui n’en est que la surface) à éradiquer, mais une réponse à un défaut structurel, une
faille, tant du sujet (castration) que de la société (malaise dans la civilisation). Le
symptôme est contingent dans sa forme, mais nécessaire dans sa fonction, il comporte
un noyau réel, indestructible et il revient à la psychanalyse de conduire chacun à
« savoir y faire avec ».
Discipline autonome, elle révèle l’impasse des autres discours et spécialement celui

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des TCC. Elle ne s’exclut pas pour autant du ratage inévitable, mais en fait levier.
À être docile au discours du sujet de l’inconscient, à laisser s’exprimer le désir et à res-
pecter les modalités propres de jouissance, la psychanalyse étend son champ d’appli-
cation aux nouveaux symptômes. L’anorexie mentale et les nouvelles formes de
psychose en sont le paradigme. En retour, elle en reçoit les clés pour aborder les phé-
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nomènes actuels de société : violence, identité sexuelle ou familiale…

Mots clés
Symptôme, réel, faille, sujet, inconscient, désir, jouissance, anorexie, psychose, violence.

THE FUTURE OF PSYCHOANALYSIS

Summary
The future of psychoanalysis is the symptom. Only psychoanalysis recognises within
it not a trouble to be eradicated (which is mearly superficial), but an answer to a struc-
tural defect, a flaw, as much for the subject (castration) as for society (civilisation and
its discontents). The symptom is contingent in its form, but necessary in its function.
It includes a real core, indestructable, and it is up to psychoanalysis to lead each one
to a way of « making do with it ».
An autonomous discipline, it reveals the impasse of other discourses and especially
the CBTs. Psychoanalysis does not exclude the inevitable failure, but uses it as a lever.
In being docile to the discourse of the subject of the unconscious, in allowing desire
to express itself and in respecting the particular modes of jouissance, psychoanalysis
extends the field of its application to new symptoms. Anorexia nervosa and the new
forms of psychosis are its paradigm. In return, it receives the keys for broaching cur-
rent societal phenomena : violence, sexual or family identity…

Keywords
Symptom, real, flaw, subject, unconscious, desire, jouissance, anorexia, psychosis, violence.

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