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Le consommateur face au naturel: représentations explicites et implicites de l’aspect

naturel d'un produit laitier

Vincent CALLEGARI
Etudiant 3ème année
Grenoble Ecole de Management
vincent.callegari@grenoble-em.com

Audrey CAPY
Etudiante 3ème année
Grenoble Ecole de Management
audrey.capy@grenoble-em.com

Caroline CUNY
Professeur assistant
Grenoble Ecole de Management
caroline.cuny@grenoble-em.com
Le consommateur face au naturel: représentations explicites et implicites de l’aspect
naturel d'un produit laitier

Résumé
Depuis quelques années, on assiste à la multiplication de produits alimentaires dit
« naturels », répondant à une demande croissante des consommateurs. Pourtant, ce concept est
flou tant pour les consommateurs que pour les industriels. L’objectif de cette étude est donc
de comprendre ce que signifie la naturalité pour un produit laitier. Ainsi, les représentations
en mémoire implicite et explicite du « naturel » de 292 étudiants interrogés sur des yaourts
Danone ont été mesurées. Les résultats montrent que les concepts les plus associés à naturel
sont : authentique, bio, pur, réel, sain, traditionnel. Ce protocole original révèle aussi qu’il
existe des divergences de représentations de « naturel » en explicite et en implicite chez le
consommateur. Il apparaît donc que la communication autour d’un yaourt naturel demeure
compliquée et que pour comprendre ce que signifie vraiment ce concept dans l’esprit du
consommateur, les marketers ne peuvent se contenter de rapports verbaux.
Mots-clefs : Naturel, Mesures implicites, Mesures explicites, Yaourts, Danone

Consumers & naturalness: explicit and implicit representations of the natural aspect of
a dairy product

Abstract:
Since few years, more and more "natural" food products have been launched, following a
growing consumer demand. However, this concept is unclear both for consumers and
industry. The objective of this study is therefore to understand what naturalness means for a
dairy product. Thus, implicit and explicit memory representations of "natural" were measured
by 292 students tested on Danone yoghurts. The results showed that the concepts mostly
associated to natural are: authentic, organic, pure, real, healthy and traditional. This original
protocol also revealed that important differences exist between implicit and explicit
representations of "natural" in the consumer’s mind. It seems consequently that
communicating about natural yoghurt remains complicated. To really understand what this
concept means in consumers’ minds, marketers cannot only rely on consumers verbal reports.
Key-words: Natural, Implicit measures, explicit measures, Dairy products, Danone
Le consommateur face au naturel: représentations explicites et implicites de l’aspect

naturel d'un produit laitier

Introduction

De plus en plus de produits alimentaires se veulent être naturels : tendance de fond ou simple

effet de mode ? Aujourd’hui, les consommateurs français sont à la recherche de produits

alimentaires à la fois bons pour la santé et équilibrés (Bernstein, 2009). De plus, ils sont de

plus en plus exigeants quant à la qualité et à la provenance des produits alimentaires. Le goût

de l’aliment doit être également préservé et non altéré par des substances artificielles.

Le mode de consommation des Français évolue donc vers une tendance « bio » et « naturel ».

En effet, selon le baromètre annuel de l’Agence Bio, réalisé en Octobre 2008, 44% des

Français ont consommé au moins un produit bio, et ce, au moins une fois par mois sur toute

l'année 2008. C’est pourquoi, on assiste à la multiplication des offres de produits alimentaires

dits « 100% naturel », « Bio », « 0% », « sans ajout artificiel ». Ces produits occupent une

place importante sur le marché et sont devenus un véritable argument de vente.

Pour répondre aux besoins et exigences du consommateur, l’industrie agro-alimentaire

souhaite s’appuyer sur cette tendance. Ainsi, la naturalité d’un produit alimentaire peut

représenter un axe stratégique pour positionner son offre. Cependant, comment définir cette

naturalité ? Aujourd’hui, il n’existe pas une définition exacte du mot « naturel », mais un

éventail de définitions. Il est alors difficile de cerner le concept « naturel » et les attributs

associés au « naturel », d’autant plus que le consommateur peut être influencé, dans sa

perception du naturel, par le contexte actuel (tendance et norme sociétale qui le pousse à

manger sain et équilibré). Afin de mieux comprendre le consommateur face au naturel, il est

intéressant d’analyser sa perception du naturel en testant ses représentations tant implicites

2
(automatique, inconscient, rapide) qu’explicites (lente, consciente, fortement dépendante du

contexte).

L’objectif de cette étude était alors de savoir comment le consommateur perçoit l’aspect

naturel d’un produit alimentaire, notamment des yaourts. Il s’agissait de voir quels sont les

concepts et les attributs des yaourts Danone associés explicitement et implicitement au terme

naturel.

1. Définition du naturel et de ses concepts associés

Dans un premier temps, il est nécessaire de faire un état des lieux des définitions du

« naturel ». Le Dictionnaire du Petit Larousse définit un produit naturel « Qui est fait

uniquement à partir de produits bruts, sans mélange avec quelque chose d'artificiel, de

synthétique ». Par ailleurs, la FDA (Food and Drug Administration) a proposé en 1991 une

définition: un produit naturel est « un produit composé uniquement d’ingrédients qui ne sont

pas du fait de l’homme » (Hostetler, 2008).

La littérature scientifique ne définit pas ce terme en lui préférant des concepts proches :

« authentique », « sans éléments artificiels », « bio », « bon pour la santé ». Du point de vue

du consommateur, le terme naturel est confus : ils désignent un produit naturel le plus souvent

par rapport à ce qu’il n’est pas ou par rapport à des notions proches, comme l’authenticité,

issu de l’agriculture biologique ou encore issu du terroir. En effet, la littérature nous indique

que le consommateur se focalise surtout sur les éléments non naturels d'un produit (additif,

noms chimiques, conservateur, colorant...). La présence de ces entités non naturelles dans un

produit diminue la sensation naturelle du produit (Evans, De Challemaison et Cox, 2009 ;

Rozin, 2004). Finalement, les attributs principaux d’un produit laitier pouvant être plus ou

moins associés à un aspect naturel sont la texture (brassée ou ferme), le contenant (avec fruit,

sans fruits, avec édulcorant), la matière du pot de yaourt (en verre ou en plastique) et les

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rajouts (avec ou sans matière grasse). D’après la littérature, pour clarifier cette notion de

naturel, on peut répertorier les concepts sémantiquement proches de naturel (tableau 1).

Concept Références Définition


Camus (2003) a soulevé qu'un produit peut être considéré comme naturel lorsque la
Authentique Produit dont on connaît l'origine (Camus, 2003)
fabrication est jugé comme naturelle et/ou lorsqu'on connaît l'origine du produit
Anstine (2007) a montré que les consommateurs ne connaissaient pas la différence entre
Bio Issus de l'agriculture biologique (portail du bio en ligne)
un produit bio et un produit natu rel et donc était pour eux la même chose
La FDA (Food and Drug Administration) a proposé en 1991 une définition d'un produit
naturel : "un produit composé uniquement d’ingrédients qui ne sont pas du fait de Qui est resté dans son état d'origine, naturel, n'a pas été
Brut
transformé (Grand Robert en ligne)
l’homme" (Hostetler, 2008)
A base végétale avec des matières premières "propres et
Ecologique Selon Evans, De Challemaison et Cox (2009), un produit naturel serait reconnu plus sain et
ren ouvelables" (portail du bio en ligne)
plus écologique par les consommateurs en se basant sur le travail de Roin (2005)
Rozin (2005) a montré que toute intervention humaine dans le processus avait un impact
Qui vient de l'origine, qui date de l'origine, qui y remonte
Originel négatif sur la naturalité d'un produit; d'où le fait qu'un prod uit naturel serait quelque
chose d'originel (Grand Robert en ligne)
Rozin (2005) a démontré que le simple fait d'ajou ter un élémen t artificiel dans un produit
altérait la perception de l'aspect naturel de ce produit, comme les additifs alimentaires ("E- Qui ne contient aucun élément étranger et qu i est sans
Pur
numbers"): un produit naturel se veut être pur mélange (Grand Robert en ligne)
Le Grand Robert en ligne définit un produit naturel comme "relatif au monde physique", Ce qui existe concrètement et q ui n'est pas le fruit du
Réel
donc réel. rêve ou de l'imagination (Grand Robert en ligne)

Selon Evans, De Challemaison et Cox (2009), un produit naturel serait reconnu plus sain et Ce qui est bon pour la santé et qui n’est pas perverti
Sain
(Grand Robert en ligne)
plus écologique par les consommateurs en se basant sur le travail de Rozin (2005)
Berry dans "the Dairy Fo od" (2009) a révélé que les Américains consommaient plus de
Qui n'est formé que d'un ou de peu d'éléments (Grand
Simple prod uits naturels et que cela passait par la réduction des aliments. Ainsi, quelque
Robert en ligne)
ingrédient rend le produit plus simple et donc plus naturel.

Camus (2003) a montré qu'un produit dont la fabrication respecterait la tradition peut être Ce qui respecte la tradition, soit une façon d'agir, de
Traditionnel
perçu par les consommateurs comme étant naturel. penser, qui vient du passé (Grand Robert en ligne)

Tableau 1 : Concepts associés à Naturel dans la littérature

Le « Bio » concerne les produits issus de l'agriculture biologique et peut être considéré

comme naturel, mais un produit naturel n’est pas nécessairement bio. Concernant

« l’authentique », Camus (2003) distingue trois dimensions de l’authenticité marchande

perçue : l’origine, le symbolique et l’unique. C’est le facteur « origine » qui prête le plus à

confusion, puisque les consommateurs associent parfois l’idée de naturel avec l’origine. Un

produit « écologique » est à base végétale avec des matières premières "propres et

renouvelables" (portail du bio en ligne). Les autres concepts associés, et définis par le Grand

Robert en ligne, sont : « Réel » (ce qui existe concrètement et qui n'est pas le fruit du rêve ou

de l'imagination), « Traditionnel » (ce qui respecte la tradition, soit une façon d'agir, de

penser, qui vient du passé), « Sain » (ce qui est bon pour la santé et qui n’est pas perverti),

« Pur » (comme un produit qui ne contient aucun élément étranger et qui est sans mélange),

« Originel » ( qui vient de l'origine, qui date de l'origine, qui y remonte), « Brut » (qui est

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resté dans son état d'origine, naturel, n'a pas été transformé), « Simple » (qui n'est formé que

d'un ou de peu d'éléments). Ceci est illustré dans le tableau 1.

On constate alors que le naturel est associé à beaucoup de concepts proches mais différents,

c’est pourquoi il est difficile de cerner le terme « naturel » et d’en avoir une définition exacte.

A l’aide de mesures implicites et explicites, l’étude présente pourra apporter un éclairage

quant à la représentation de l’aspect naturel dans l’esprit du consommateur.

1.2. Evaluations implicites et explicites d’un produit

Fazio et Olson (2003) ont défini les mesures implicites comme des mesures utilisant un

protocole de recueil de données non centré directement sur l’objet d’investigation par

opposition aux mesures explicites qui reposent sur un rapport verbal direct sur l’objet

d’investigation. En effet, un test implicite est une mesure indirecte qui ne concentre pas

l'attention du sujet interrogé sur les caractéristiques du concept ou du produit. L'idée est de

bloquer la boucle de contrôle (Cunningham et Zelazo, 2007) et d’avoir un accès direct aux

représentations automatiques et non conscientes. Se référant aux modèles à traces multiples de

la mémoire (Versace et al., 2009), nous suggérons en effet que toute présentation d’un

produit, quelque soit la modalité sensorielle utilisée, active automatiquement en mémoire les

représentations sémantiques associées à ce stimulus. Comprendre ce type d’associations est

donc particulièrement important à étudier en marketing, puisque la présentation des différents

attributs-produits (logo, marque, couleur, goût, etc.) va activer un certain nombre de

représentations qui vont en retour influencer le comportement du consommateur et sur

lesquelles il peut être utile de se baser pour développer des actions marketing réussies. Or une

partie de ces représentations automatiquement activées est inaccessible à la conscience, i.e. le

consommateur ne peut pas faire un rappel conscient et contrôlé de ces représentations

(Fitzsimons et al., 2002 ; Greenwald et Banaji, 1995), d’où l’utilisation de méthodologies

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spécifiques pour mesurer ces associations sémantiques non conscientes : les mesures

implicites.

Enfin, ces mesures implicites permettent de diminuer les erreurs de mesures liées à

l’utilisation des mesures auto-rapportées (test explicite) en plus d’étudier les influences

inconscientes (Bargh, 2002 ; Trendel et Warlop, 2005).

L’implicite est mesuré via les temps de réaction des personnes interrogées pour une tâche

précise. Dans notre étude, nous avons utilisé un test implicite d’amorçage sémantique afin de

mettre en évidence une association automatique entre deux concepts ou un concept et un

produit. L’effet d’amorçage sémantique est lié à la force de la relation entre l’amorce et le

stimulus cible (Fazio, 2001). Plus la relation sera forte, plus l’effet d’amorçage sera important.

1.3 Hypothèses

Les hypothèses portent soit sur les tests implicites (H1, H2) soit sur les tests explicites (H1

bis, H2 bis).

H1 : Le temps de réaction pour répondre aux concepts liés à naturel sera plus court si ceux-ci

apparaissent après la présentation d’un attribut ou d’un concept associé à naturel que si ceux-

ci apparaissent après la présentation d’un attribut ou d’un concept sémantiquement éloigné.

H1 bis : Les concepts sémantiquement proches de naturel comme originel, simple ou pur

seront perçus plus naturels que les concepts sémantiquement éloignés.

H2 : Le temps de réaction pour répondre aux concepts liés à naturel sera plus court si ceux-ci

apparaissent après la présentation d’une photo de produit laitier qui active automatiquement

des représentations associées à naturel que si ceux-ci apparaissent après la présentation d’une

photo sémantiquement éloignée.

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H2 bis : L’ajout de substances dans un yaourt (édulcorant ou fruits), les procédés de

transformation (allégé ou originel) et la matière du packaging (plastique ou verre) diminue la

perception du naturel intrinsèque par rapport à un yaourt nature.

2. Méthodologie

Pour tester ces hypothèses nous avons décidé de procéder en deux étapes. La première étape

(test 1) consiste à connaître les concepts liés à « naturel », tandis que la deuxième étape (test

2) consiste à tester les caractéristiques qui rendent un yaourt « naturel ».

2.1 Participants

292 étudiants ont participé à cette étude répartis de la manière suivante : 86 étudiants ont

réalisé le test 1 (moyenne d’âge : 20,1 ±0,8) et 206 étudiants ont été interrogé sur le test 2

(moyenne 20,0 ± 0,7). Ils ont été recrutés par hasard au sein de Grenoble Ecole de

Management et n’ont pas été rémunéré pour cette étude. Ce choix de participants s’est fait sur

un critère de facilité et parce que les produits laitiers testés étaient bien connus de ceux-ci.

2.2 Séquences choisies et déroulement général

Pour le test 1, nous avons testé les concepts associés au terme « naturel ». Les concepts

représentaient d’une part, des adjectifs proches du terme « naturel » (« authentique »,

« simple », « traditionnel »…), et d’autre part, les attributs d’un yaourt associés au terme

« naturel » (« lait-écrémé », « lait-entier », « crémeux », « allégé »…).

Pour le test 2, nous avons testé l’association des concepts les plus proches du mot naturel

(« sain », « authentique », « pur », « réel », « traditionnel », « bio ») avec 11 images de

yaourts Danone.

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Pour chaque test, chaque participant était reçu par un assistant de recherche, dans le

laboratoire d’expérimentation de Grenoble Ecole de Management, et informé du déroulement

de l’étude à l’aide d’une feuille de consignes. Il s’installait dans un box délimité par deux

cloisons empêchant la communication avec les autres box, devant un ordinateur. Puis, il était

amené à démarrer l’étude, en commençant toujours par le test implicite (10 minutes environ)

suivi du test explicite (questionnaire de 10 minutes environ).

2.3 Mesure implicite : Tâche de Décision Lexicale (TDL)

Pour mesurer les représentations en mémoire associées à « naturel », nous avons élaboré un

protocole de test d’amorçage visio-sémantique. Il s’agit ici de tester les participants en leur

demandant de réaliser une tâche qui n’a rien à voir avec l’objectif réel de l’évaluation. Les

participants avaient pour consigne de déterminer le plus rapidement possible si des chaînes de

caractères étaient de véritables mots de la langue française ou pas (tâche de décision lexicale).

Pour répondre, ils disposaient de deux touches matérialisées sur le clavier de leur ordinateur

de test par des étiquettes jaunes : 2 pour « pseudo- mot » et 9 pour « mot ».

Chaque séquence du Test 1 était organisée de la manière suivante :

1/ Présentation d’un point de fixation au centre de l’écran pendant 1000 ms (millisecondes)

destiné à orienter l’attention des participants sur ce point particulier.

2/ Présentation du mot « naturel » au centre de l’écran pendant 1000 ms (Amorce).

3/ Apparition d’une chaîne de caractères restant à l’écran jusqu’à ce que le participant donne

sa réponse avec un délai de 5 secondes maximum (Cible).

Le test 1 était composé au total de 60 séquences dont 20 séquences test et 40 séquences

distractives destinées à empêcher les participants de comprendre le réel objectif de l’étude.

Les séquences distractives regroupaient soit un vrai mot (concept « authentique», attribut

« lait-écrémé ») suivi d’un pseudo-mot (natruza) ; soit un vrai mot (concept « authentique»,

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attribut « lait-écrémé ») suivi d’un mot contrôle (couette, journal). Les séquences test

associaient, elles, un mot concept (10) ou attribut (10) suivi par le mot « naturel ». Les

concepts sémantiques cibles ou attributs cibles étaient les suivants : Authentique, Bio, Brut,

Ecologique, Originel, Pur, Réel, Sain, Simple, Traditionnel; et Yaourt, Dessert, Plaisir, lait-

entier, lait-écrémé, onctueux, velouté, allégé, crémeux, édulcorant.

Chaque séquence du Test 2 était organisée de la manière suivante :

1/ Présentation d’un point de fixation au centre de l’écran pendant 1000 ms (millisecondes).

2/ Présentation d’une photographie de Yaourt Danone au centre de l’écran pendant 1000 ms

(Amorce).

3/ Apparition d’une chaîne de caractères restant à l’écran jusqu’à ce que le participant donne

sa réponse avec un délai de 5 secondes maximum (Cible).

Le test 2 était composé au total de 132 séquences dont 66 séquences test et 66 séquences

distractives. Les séquences distractives regroupaient des photographies de Yaourts Danone

(11 différents) suivies d’un pseudo-mot (66). Les séquences test associaient, elles, une image

de yaourt Danone suivie par un véritable mot de la langue française. Ces mots constituaient

les concepts sémantiques cibles et étaient les suivants : Authentique, Bio, Naturel, Réel,

Sain, Traditionnel. Les yaourts présentés étaient : Les 2 vaches, Activia, Activia Fraise,

Danette Chocolat, Danone Nature, Danone Origines Fraise, Danone Origines Nature,

Taillefine Fraise, Taillefine Nature, Taillefine Stevia, Velouté Nature. Ils ont été choisis pour

les caractéristiques soit du pot (pot en verre, présence du mot bio) soit du yaourt lui-même

(fruits, édulcorant, allégé en matières gras).

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Figure 2 : Exemple de séquence test dans la tâche de décision lexicale du Test 2

2.4 Mesure explicite : Questionnaire

Après le test implicite, les participants ont ensuite répondu à un questionnaire en ligne.

Les questionnaires administrés étaient différents pour le test 1 et le test 2.

Test 1

Le but de l’expérience explicite était d’évaluer, chez l’étudiant, la perception du naturel en

général et d’un yaourt naturel. En effet, en premier lieu, ils ont été interrogés sur l’association

des concepts suivants au mot « naturel » et mot « yaourt naturel »: « authentique », « bio »,

« brut », « écologique », « originel », « pur » « réel », « sain », « simple », « traditionnel ».

Les réponses ont été données sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait

d’accord). Puis, ils ont été interrogés sur l’association des noms suivants au concept

« naturel » : « yaourt », « dessert », « plaisir », « lait-entier », « lait-écrémé », « onctueux »,

« velouté », « allégé », « crémeux », « édulcorant », « fraise ». Les réponses ont été données

sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord).

Test 2

Le but du test 2 explicite était d’analyser l’association entre 5 concepts se rapprochant du mot

naturel avec les 11 yaourts Danone présentés (cf. les yaourts présentés en implicite). Ces 5

concepts sélectionnés, grâce au test 1, étaient « authentique », « bio », « pur », « réel » et

« sain », en plus du concept « naturel ». Les réponses ont été données sur une échelle de 1

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(pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord). Des questions de contrôle portant sur leur

consommation et connaissance des yaourts ont aussi été posées. Enfin, pour les deux tests, ils

devaient indiquer leur genre, âge, s’ils étaient droitiers ou gauchers.

3. Résultats

Afin d’avoir des données fiables, les données aberrantes (outliers) ont été supprimées. Cela

concerne les données situées à plus ou moins 3 écart-types de la moyenne par condition

expérimentale (1,38% des données pour le test 1 en implicite et 1,88% pour le test 2 en

implicite). De plus, nous avons gardé uniquement les étudiants consommant des yaourts.

3.1. Test 1

Réponses à la tâche de décision lexicale

Pour connaître les concepts que les candidats associent le plus rapidement avec naturel, nous

avons analysé les temps de réaction moyens (TR) pour les réponses correctes à la tâche de

décision lexicale, centrés par sujet. Une ANOVA à un facteur révèle une différence

significative entre les différentes amorces pour la cible « naturel », F(9, 604)=2,91, p<0,01.

Les concepts les plus associés à « naturel » sont : réel (TR 503ms), pur (TR 511ms),

traditionnel (TR 512ms), sain (TR 527ms). Nous faisons la même opération pour les attributs

produit, l’ANOVA révèle une différence significative entre les différentes amorces pour la

cible « naturel » F(9, 588)=2,07, p<0,05. Les attributs les plus associés à « naturel » sont :

velouté (TR 533ms) et crémeux (TR 536ms).

Réponses au questionnaire

De même, une ANOVA à un facteur sur les moyennes des réponses données aux échelles

montre une différence significative entre les concepts F(9, 839)=10,48, p<0,001. Ainsi quatre

concepts se dégagent comme étant plus fortement associé à « naturel » que les autres concepts

11
: « authentique » (4,00/5,00), « bio » (3,96), « sain » (3,95) et « pur » (3,86). Par ailleurs,

selon les participants, un produit laitier naturel est : sain (62%), bio (50%), simple (42%) et

authentique (30%). De plus, même si 95% d’entre eux associent un produit laitier à du lait, il

n’en reste pas moins que le yaourt est bien placé (72%).

En ce qui concerne les attributs produit, l’ANOVA montre une différence significative F(10,

923)=40,64, p<0,001. Ainsi, si « lait entier » (3,69), « plaisir » (3,37) et « fraise » (3,26) sont

plus fortement associés à « naturel » que les autres attributs, en revanche, « édulcorant »

(1,32) et « allégé » (1,63) apparaissent comme peu associés à « naturel ». De plus, les

candidats estiment qu’un produit laitier peut contenir des matières grasses (moyenne de 4,0

sur 5) et il peut être savoureux (pour 78% des étudiants) et crémeux (35%).

3.2. Test 2

Afin de pouvoir faire le test 2 implicite et de tester les concepts les plus associés à naturel,

nous avons fait un pré-test sur un échantillon des résultats du test 1. Les concepts qui sont

ressortis de ce pré-test et que nous avons testés en implicite sont : bio, sain, traditionnel,

authentique, réel.

Réponses à la tâche de décision lexicale

Une ANOVA à un facteur a été réalisée sur les moyennes des temps de réaction pour les

bonnes réponses à la tâche de décision lexicale pour chaque concept avec 11 modalités, soit

les 11 yaourts testés. Nous avons trouvé qu’il y a des différences significatives que pour le

concept « bio », F(10,1051)=2,108 ; p<0,05. En faisant un test post hoc LSD afin de comparer

les yaourts deux-à-deux, on remarque des différences significatives (p<0,05) pour Activia

(avec un temps de réaction moyen plus faible) et pour Taillefine Stevia (avec un temps de

réaction moyen plus élevé) par rapport aux autres yaourts.

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En regroupant tous les autres yaourts dans un même groupe et en faisant une ANOVA avec 3

modalités (Activia, Taillefine Stevia et autres yaourts), on trouve des différences

significatives, F(2,1059)=7,616 ; p<0,05 : le temps de réaction moyen est plus long pour

Taillefine Stevia que pour les autres yaourts (119ms) alors que les candidats ont un temps de

réaction moyen plus rapide de 57ms pour Activia par rapport aux autres yaourts.

Réponses au questionnaire

Une ANOVA à un facteur avec 7 modalités (authentique, bio, pur, réel, sain, traditionnel,

naturel) a été réalisée sur les notes attribuées pour chaque paire yaourt-concept (1 : pas du

tout d’accord, 5 : tout à fait d’accord). Nous avons trouvé des différences significatives pour

tous les concepts. Nous avons ensuite regroupé les yaourts en fonction de leurs

caractéristiques : la présence de fruits (des fraises en l’occurrence), la présence d’édulcorant,

le pot en verre, la présence du « bio » sur le packaging, la texture du yaourt et le fait que le

yaourt soit allégé en matières grasses. Pour connaître d’où viennent ces différences, nous

avons réalisé un test post hoc LSD. Le tableau 1 montre les différences des notes moyennes

entre les yaourts par concept si celles-ci sont significatives (p<0,05). Par exemple, pour le

concept bio : -0,32 signifie que le yaourt 1 a moyenne moins élevée de 0,32 par rapport au

yaourt 2 donc il est perçu comme moins naturel.


Traditionnel

Authentique

Yaourts comparés
Caractéristiques
Naturel
Réel

Sain
Pur

Bio

Yaourt 1 Yaourt 2
Activia Fraise Activia ns ns ns -0,32 ns -0,7 ns
Fruits Danone Origines Fraise Danone Origines Nature ns -0,69 ns -0,33 -0,35 -0,65 -0,36
Taillefine Fraise Taillefine Nature ns -0,81 ns ns ns -0,4 -0,81
Edulcorant Taillefine Stevia Taillefine Nature -0,27 -0,81 -0,25 0,31 ns -0,47 ns
Pot en verre Danone Origines Nature Danone Nature 0,96 ns ns ns 0,6 ns ns
Ecriture bio Les 2 vaches Danone Nature ns ns -0,37 2,36 ns ns 0,5
Texture Velouté Nature Danone Nature ns ns ns ns ns ns ns
Allégé Taillefine Nature Danone Nature -0,94 ns -0,32 -0,22 -0,86 ns -0,66
Tableau 1 : Différences des moyennes en traitement post hoc LSD.

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Hypothèse 2 bis : la présence des fruits et de l’édulcorant

On remarque que les moyennes des yaourts à la fraise sont moins élevées que pour les mêmes

yaourts natures, et ce, pour tous les concepts : le fait qu’il y ait des fruits diminue donc la

perception du naturel. Le yaourt Taillefine Stevia, contenant un édulcorant naturel extrait de

stévia, est moins bien noté que le Taillefine Nature pour tous les concepts sauf pour « réel ».

On peut en conclure que la présence de l’édulcorant a une influence négative sur la perception

du naturel.

Hypothèse 2 bis: le pot en verre

Le yaourt Danone Origines Nature, qui a un pot en verre, est mieux noté que le Danone

Nature qui a un pot en plastique pour les concepts significatifs. De ce fait, le fait que le yaourt

soit contenu dans un pot en verre a une influence positive sur la perception du naturel du

yaourt.

Hypothèse 2 bis : l’écriture bio

En comparant les moyennes des yaourts « Les 2 vaches » (où le bio est inscrit sur le

packaging) et Danone Nature, on remarque que la différence de celles-ci est soit positive, soit

négative en fonction des concepts.

Hypothèse 2 bis : yaourt allégé en matières grasses

Le yaourt « Taillefine Nature » sur lequel est inscrit 0% de matières grasses a des moyennes

plus basses que le yaourt « Danone Nature ». On en déduit que le fait que le yaourt soit allégé

en matières grasse a une influence négative sur la perception du naturel.

Hypothèse 2 bis : la texture du yaourt

Aucun des concepts n’a des différences significatives en fonction des yaourts. De ce fait, on

peut en déduire que la texture du yaourt n’a pas d’incidence sur la perception du naturel.

4. Discussion

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L’objectif de l’étude était de voir ce que signifie l’aspect naturel d’un produit laitier pour le

consommateur en implicite (tâche de décision lexicale) et en explicite (questionnaire).

Les résultats de la tâche de décision lexicale ont montré que les quatre concepts les plus

associés automatiquement au mot naturel sont « traditionnel », « pur », « réel » et « sain »

ainsi que la texture veloutée ou le caractère crémeux d’un produit laitier. Cependant, aucune

des images de produits que nous avons testés n’est associée à naturel. Les résultats du

questionnaire ont montré que « bio », « authentique », « pur» et « sain » sont les concepts les

plus associés à naturel. De plus, un yaourt crémeux, onctueux, sans édulcorant, sans fruit, non

allégé en matières grasses, contenant du lait-entier et dans un pot en verre est considéré

comme plus naturel.

Puisque notre objectif premier était de comprendre ce que les participants comprennent par

« naturel », on peut remarquer deux points importants. Premièrement, ceux-ci ont une idée

assez précise des concepts, attributs et type de yaourts associés explicitement à naturel.

Deuxièmement, les deux seuls concepts cohérents entre les représentations implicite et

explicite associés à « naturel » sont « sain » et « pur » ; en ce qui concerne les attributs-

produits, seule la caractéristique « crémeux » est associée explicitement et implicitement à

« naturel ». Le reste du discours verbalisé des participants n’a pu être retrouvé en implicite.

Ainsi, face à un yaourt dans un rayon de supermarché, aucune des activations automatiques en

mémoire n’est associée à l’aspect « naturel » du produit, même si le yaourt Activia active

automatiquement le concept « bio », concept lui-même proche de « naturel » selon les

consommateurs. Ainsi, le concept de naturel reste flou pour le consommateur, tout comme la

différence entre un produit naturel et un produit traditionnel, de même avec les 4 autres

concepts retenus dans le test 2. On peut dire qu’il y a un « halo » du naturel avec des

frontières qui ne sont pas encore définies, tant les biais culturels et politiques restent

importants. Cet effet provient vraisemblablement de la définition même des concepts et

15
contribue à montrer l’importance de travailler sur la définition de la naturalité et de ses

attributs.

Pourquoi existe t-il des différences de représentations implicite et explicite de « naturel » ?

Tout consommateur soumis à un stimulus crée automatiquement des traces en mémoire. Ces

traces regrouperont à la fois des activations liées au stimulus présent mais aussi à son

expérience passée avec ce stimulus. Ainsi, la perception n’est pas indépendante de la mémoire

et le comportement est ainsi directement influencé par ces activations automatiques (Versace

et al., 2009). Ici, le test implicite nous a permis de voir qu’aucun des yaourts testés n’active

automatiquement le concept « naturel ». Le concept naturel n’est donc, soit pas associé à un

produit laitier, soit pas associé aux seuls produits laitiers testés ici. En explicite, le concept

naturel semble clair et le consommateur arrive à définir un yaourt naturel. Cependant, ces

mesures explicites sont fortement biaisées par la situation d’étude (biais de désirabilité

sociale, post-rationalisation), le processus de réflexion (Cunnigham et Zelazo, 2007) ou le

biais de consistance : les participants se souviennent de leurs précédentes réponses et

essayent, par la suite, d’être cohérents avec ces réponses (Trendel et Warlop, 2005).

Même si, en combinant ces deux tests, nous arrivons à voir les influences de certains attributs

sur la perception du naturel, nous n’arrivons pas à donner une définition précise d’un yaourt

naturel à partir des yaourts existants. Il est donc possible développer un positionnement

original avec comme avantage distinctif la naturalité d’un produit laitier en travaillant sur

d’autres attributs de produits que ceux déjà existants. Ainsi, il est nécessaire de continuer à

rechercher les attributs du yaourt qui évoquent automatiquement le naturel dans l’esprit des

consommateurs et trouver des stimuli qui activent automatiquement des traces en mémoire

liées à l’expérience du participant. Aussi, il serait intéressant de mesurer indépendamment les

attributs naturels qui ont été associés au yaourt Danone. En contrôlant les attributs

indépendamment, par exemple en changeant la couleur mais pas la marque (packaging non

16
réel), on pourrait voir quel attribut seul, ou quelle combinaison d’attributs, est le(la) plus

associé(e) à la naturalité. En contrôlant complètement ces facteurs dans un paradigme

expérimental, on pourrait de plus ajouter d’autres mesures comme l’intention d’achat.

Même si cette étude comporte des limites, concernant l’échantillon testé qui mériterait d’être

plus important, mais aussi plus diversifié en termes d’âge, elle peut être une réelle valeur

ajoutée pour un industriel souhaitant développer un « produit naturel ».

Conclusion

Ce protocole original a permis de montrer que le consommateur associe assez facilement

certains concepts et attributs de produit à l’aspect naturel d’un yaourt Danone, mais qu’il

existe une grande disparité entre ce qu’il verbalise et ce qui est automatiquement activé dans

son esprit. Aussi, la prise en compte des résultats implicites et explicites permettrait aux

entreprises développant des produits « naturels » d’avoir une vision plus claire de la

représentation du naturel chez le consommateur : pour développer un produit laitier

« naturel », il faut trouver de nouveaux attributs qui sont, soit associés directement à

« naturel », soit à des concepts proches, et aller au-delà du discours des consommateurs.

Bibliographie

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