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Claude Zilberberg ‘Tris et melanges dans la Quatritme Parabole Sans doute le bonheur est expansif, ila besoin d expansion. Mais ila aussi besoin d'une concentration, d'une intimisé. G.Bachelard Dans les limites définies, il ne saurait éte question d’envisager le totalité du texte de Aurora Consurgens. Un tel choix n’aboutirait, de notre point de vue, qu’a des propositions convenues dépourvues d'inté ret. Par voie de conséquence, nous avons choisi la Quatriéme parabole de la foi philosopbique qui consist dans le nombre trois. Nous V'avons cheisie pour des raisons 'opportunité: lnous span, au fi ans ets re courante, qu'elle abordait des problématiques pour le traitement desquelles la sémiotique dispose d'un certain nombre d’instraments conceptuels, Aprés avoir évoqué la question de Ia segmentation, nous jobserverons, en premier lieu, que le texte procéde a une mise en place des actants gui n'étonne pas le sémioticien I! aborde immédiatement aprés une problématique prometteuse: ils agit de c= que la regrettée Fr. Bastide « dénommé le “traitement dela matire™. Sa reflexion sins vit dans la pratique analytique qu’ A.J.Greimas avait ouverte dans le texte intitulé “La soupe au pistou”.? Mais, pour le domaine frangais, C'est incontestablement aux travaux de G. Bache'ard, aussi bien dans ses ouvrages ¢’épistémologie ~ nous avons en vue La formation de lesprit scientifique - que dans ceux consacrés i!"“imagination matérielle” qu'un champ d'investigation, jugé mineur, a été promu comme & connaitre et & apprécier. Bien entenda, la moralisation est immanente ti cette parabole ‘comme aux autres, Done trois directions de recherches: d’sbord l'actan- ialisation, puis ce que nous appellerons, faute de mieux le substantiaisa tion, enfin la moralsation. Enfin nous nous efforcerons de surprendre le paradigme des opérations spéculatives que le texte met en oeuvre et de assembler, au moyen d'un schéma narratif, les relations syntagmatiques quele texte enchaine C'est done en raison d'une relative familiarisaion que nous avons retenu la “quatritme parabole”: des hypothéses existent, et de deux choses l'une: ou bien elles seront confirmées, ou bien de nouvelles pren- dront leur rel@ve, Quis'en plaindait? Fe Rastde, “Le tritoment de la matitee (apétaions éémentaces)”, Act sion ues, 1X, 89.1987, 27 pags, "AJ Greimay, “La youpe au pistou oul constrction d'un cbjet de valeur", in Du rns 1, Pais, Les Editions da Sel, 1983, pp. 157-168. 26 CLAUDE ZILRERRERG 1, La segmentation Les questions relatives & la segmentation sont encore mal maitrisées En premier lieu, les opérations de segmentation sont le plan de expres sion d'une méthode qui @ pour plan du contenu la division et Panalyse Metire en ocure les premitres sans adhérer, sans “oie” 2 I vert heuristique des secondes n'a pas grand sens. Mais suppose ce point rés0- Ju, une autze difficulté prend corps. Sans doute un texte offte-tl certai nes pistes, certains repéres, conformes le plus souvent au genre dont relave le texte, mais la lecture sémiotique étant elle-méme un faire, ce faire ne saurait échapper aux contraintes par lesquelles elle I'a caractéri é. Clesteadire que le faire est une activité transformationnelle d'un w Ten un Etat IT, Sous ce rappel, la lecture courante enzegistre naive tment la présence de certains indicateurs, mais a T'issue du traitement sémiotique, il est probable qu'une segmentation cette fois raisonnée viendra se substituer tla premigre. La quatriéme parabole apparait dans segmentation segmentation La littérature alchimique ne fait pas mystéee de sa fascination pout les nombres: tension entre nombres pairs et nombres impairs: comment passer de deux & trois, puis de trois & quatre;’ tension les nombres impairs valotisés: 3, 7 ct 9 et ceux qui ne le sont pas: 5; tension entre les nombres impairs valorisés eux-mémes: “concurrence” entre 3 ct 7, qui sc wef simple lecture de a qutriéme puabole. La sepmenaton “naive” fait ainsi appel au contraste numérique 3/7 qui est en rapport avec attacherent'de Ja penséealchimigue s Fimparité. Le texte se distribue Inieméme en deux plages inégales la premigre est dominée par la problématique de la synthise trinitaire: “ces trois sont wn seul”; la seconde, bien plus étendue, par le “dan aux sept formes”, le chiflre sept Ean pou maine clare chifre abso, e chife parfait, Cette orgs tion est motivée, et méme bien motivée, puiequ'elle concentre et différencie, puisqu’elle vient & bout tour & tour de la division et de l'in- division, mals nous montrerons que le texte obéi galement dune autre logique, qui n'est pas intrinséquement supérieure ala premigre, mais qui cst recoanalisable dans d'autres textes litres, asi que dans des ‘modes de manifestation non-littéraires Le nombre est le formant commode, 'exposant d'une constante de la réflexion: pas de savoir sans division, sans différenciation, mais aussitot > CE ce que Jung apelle P“axiome central de 'alchimie” forms par Marie la prophé lessen deen dens, dew devien ose i tostae nat Fan comtequaone E.G Jung, Piychologe et actin, Pars, BuchetChastl, 1950, p32), “TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 27 introduction du discontinu fait naitre linterrogasion: comment relier ce qui vient d'étre discrétisé? Une des caractéristiques de 1a pensée alchimique consiste apparemment dans le fait d'avcir congu les relations centre les nombres et les relations de parenté selon le sang comme des modeles, des opérateurs conceptuels substituables l'un & l'autre, 2, Lectantalisation La quatritme parabole débute pat la phrase: “Celui gui aura fait la solonté de mon Poe et rejeté ce monde dans te monde, jel donnrai un Siege avec moi sur le trbne de mon royanme, sur Te trine de David et sur les Sidkes des rus d'lbraél® Sur le plan énoaciatt, elle met en présence, avec le syntagme “mor Pore”, le fils de Dieu comme énonciatear et un Enonciataie vitucl, “Celui gi.” non individue, slace vide condition- née parle destinateur. Au plan énoncif, nows reconnaissons, bien enten du en pestion inchoative, la sequence contractuclle attendue qui ext tune proposition d'écbange qui vaut certes comme amorce du parcours, “nabase”, mise en mouvement, mais également comme explictation de organisation axologique, valuative, immanente aunivers de discours exprime 2.1, Teneurde l'espace valuatif ‘Toutefois, les opérations transvaluatives, c'est -dire signficatives, semblent soumises & un préalable syntaxique, & savoir la constitution d'un objet de visée, que nous dénommons par commodité un adjet, et corrélativement d'un objet de refus, que, pour la méme raison, nous ‘dénomnmons un abjer. Les premigzes lignes du texte posent en effet abjer adjet > 1 “le monde” “le royausne” Le texte insiste sur le fait que ce qui est d’abocd posé est moins wn quelgue chose, voire une pluralité quelcongue, meis une exclusive, une ection, une projection dans la terminologie de la métapsychologie freu denne. Il est impérieux de “rejeter le monde dans le nzonde”, donc de le boucler, de le forclore. Nous sommes comme en présence du coup de semonce de 'arbitrarité, du geste inaugural, du “big bang” propre & tout micro-univers, qui introduit dans une continuité mpensable un pivot, tune césure élémentaire qui donne, en deca de cet arét, de cette frontié: te, carrire & la relativité, la réciprocité. En chacune des nappes ainsi délimitées, la circulation des valeurs devient possible. Epistémologiquement perlant, la valeur est un opérateur qui, & partir 28 CLAUDE ZILBERBERG de la dissimilation indiquée, établit une consmaunication entre deux (ou pplus de deux) sous-espaces inhérents 4 une partition. En effet, une patti tion dégage deux systémes de co-valews que nous symboliserons naive ‘ment, respectiverent 0, 0,0, etc., et 0"!, 0” 0, ete., dés lors pour un sujet, individuel ou collectif, outte organisation propre & chaque systéme, la question se pose de savoir comment il convient de formuler les conditions de l’échange entre v' et v, c'est-idire que siv’ est choisi comme valewr-base, quelle est sa contrevaleur en v", bref de préciser le comment? et le pourquoi? des opérations de trunsnaluation* qui advien- nent. La transaction proposée par I’énonciataire est complexe. Elle se déve- Joppe sur deux dimensions: une dimension pragmatique et une dimen. sion cognitive. 2.2. Ladimension pragatique Sur la dimension pragmatique, l"énonciataire convoque d'entrée la modalisation volitive et met en avant un objet model: “la volonté de moon Pére". En raison de sa place liminaire dans la chaine, nous désignons cet ‘objet modal comme la valeur-base laquelle entre en relation avec les con tre-valeurs: “un sidge avec moi sur le trine de mon royaume, sur le tréne de David et sur les sidges des tribus d’Isaal”. Deux remarques, plut6t deux constatations peuvent étre faites 1) sila condition de toute analyse est une présomption d'homogénéité, comment se présente-t-elle entre la valeur-base v" ["/a volonté de mon Péye”| et la contre-valeur v” (“un siege avec moi sur le tréne de mon royau ‘me, sur le tréne de David et sur les sieges des tribus d'rae?"}? est rason- nable de penser que la circulation des valeurs entre acteurs reléve ici dune narrativieé sereine eu égard & la narrativité proppienne, contlic: tuelle, violente que nous connaissons. Chaque acteur est, sil'expression est permise, demandeur de son manque, de son désir, et offreur de son excédent, de son non-désir: dans ce cas, “Dieu” est demandeur, sur la dimension volitive, de la réalisation de sa volonté, et offreur sur la dimension potestive, la dimension du pouvoir; le sujet simplement som- 1né de la transaction est demandeur de pouvoir et offreur, somme toute, d'effectivité. Mais les objets échangés doivent étre dabord échanges bles, c'est--dire commensurables, ou co-pensables, 8 un titre ou & un autre. II nous semble que ces objets sont des variéiés (Hielmslev) de la activité: Dieu, dans la sphere qui est la sienne, vise 'authentification de son faire-faire, de méme que le sujet se voit offrir de participer & l’exer- cice du pouvoir. Enfin, il n'est pas déraisonnable de penser que la facti- “Bien entend, nos pourtons slicer lex concepts de cade et de amcodage mis en ‘gewvre pur Li Strauss, le concept de tasostion mis en avant par Grelmas dans la ie face de Du sve mai le rerme de tranevalustionindiqne d’emblée sce sone de valeurs gui cirelent soi, ion ose dite en Te set lméie, soit ene sits "RIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 29 vité ressortit au niveau figuratif, et qu'elle a pour correspondant au hiveau figural la transitivité dont [Tjelmslev faisait, dans Les principes de Grammaire générale, le fond du langage. L’homogénéité s'établit dans les termes suivants: s figuralié ~ figuralicé réaisable + condition de rélisation alors: factivité figurative = transiivité + elasséme “humain”™ ii) Les objets de valeur mis en avant dans I'échange propose? offrent tune seconde propriété remarquable sous le rapport de la divisbilité: la “volonté de mon Pére” en v° s‘oppose iv" comme indivisible vs divisible. En effet, les objets de valeur en 2”, & savoir “un sidge ave moi sur le td. ne de mon royaume, sur le tréne de David et sur les siges des tribus d'lsraél", sont deux {ois divisibles: comme distinets et comme multiples pour la derniére occurrence En "absence d'une typologie proprement sémiotique des objets, ces caractéristiques restent difficiles 2 apprécier, mais comment penser Péchange sans quelque chiasme, sans le téte--téte d'une double ambiva lence: Dieu est projesé dans le champ valuatif comme une indivision en ‘mal de manifestante, et probablement de la manifestante par excellence, a savoir Ia manifestante volitive, puisque ce qui est voulu, c'est juste ment une passation du vouloir entre actants: Celus qui aura fat la volon- 16 de mon Pée...; pour sa pat, le sujet non-divin ext du cbté de la divis bilite et de la manifestation. Entre ces deux instances, le Fils est une figure de médiation: par son tr, il participe de la manifestée, le Pére, mais également de la manifestante, puisque son étre est parttif: “je lui donnera un siége avec moi sur le tréne de mon royaume”, et analogique pa convocation de la figure thématique du éréve; parson faire, qui est ici un Jaire-savoir, lequel {ait connaitre lintentionnalité du Pére, Entre une ‘manifestée indivisible, le Pere, et des manifestan:es divisées, séparée parses, bref des signifiants, le Fils vient établic une communication et il ‘est compréhensible que ce soit [ui qui prenne la parole. 2.3, Ladimension cognitive Sur la dimension cognitive, la méme ambivalence, a méme tension centre non-médiation et médiation, indivision et division, entre la transi- tivité de la division et l'intransitivité de l'indivision se produit. (Ce qui est & connaltze est par vocation aporétique. Dieu va étre tour & tour atime comme participa t comme exclu o s nous adoprons a terminologie proposée par Hjelmslev dans La catégorie des cas, comme atemsif puts comme Intensif Sa "parciipativné™ est méme double 5 Nows Inissons de ce le fait que le méatf de éehunge ot le chantage: “Cela qu arama vont dhaivoat mom coarons, e418." 30 CLAUDE ZILBERBERG Dieu est effusion, donation, distribution équanime puisqu’il “donne abondamment et san reprocbe a tous es peuple en votes etl ext partic prenante d'une ité qui est sous le régime de l'extensivité,* c'est-a-dire que les cases qui constituent Ia dimension, au lieu de respecter leurs limites, s'en échappent: “et 1'Esprit-Saint qui procéde de l'un et de l'autre, gal au Pére et au Fils en divinite”. La dimension de la “divinité” s'étend certes: du Pére au Fils, mais encore du Pére a l’Esprit-Saint et derechef du Fils a Esprit-Saint. La médiation qu’introduit l'extensivité revient ici & Diew, mais aussitét aprés le texte procéde a un revirement: en effet, létemité est par elle-méme indivisible et non partagée: “Car dans le Pore demeure 'éternite”; curieusement, le Fils semble privé du réle de média- teur qui lui avait été confie précédemment et c'est al'Esprit-Saint quest attribuée cette fonction: “dans l'Esprit-Saint demeure le lien de Uéternité et de léalité”. De figure extensive, nous aimerions dire phatique, Diew est devenu une figure intensive, tandis que l'Esprit-Saint, d'abord figure Intensive, x chargé en médtcr vant daller plus loin, nous aimerions ramasser ce chiasme qui jove sur les constituants de la structure: “ ad dimension pragmatique dimension cognitive fonctions don connexion donateur “donataire | connecté~ connécteur fonetifs Diewle Fils UEspri-Saint | Diewle Fils UEspritSaine formalivé intensivité | intensivité _extensivité _ Cette tension entre identité exclusive, ou intensive, et identité parti- cipative, ou extensive, appelle une interprétation sémantique. St Ton admet - demande qui n'est guére exorbitante ~ que Pintensivité est disjonctive et Vextensivité conjonctve, le réseau indiqué n'est pas sans rappeler Papproche du mythe d’CEdipe par Cl. Lévi-Strauss,’ laquelle a pour pivot la recherche, l'sjustement d'une “bonne distance” (Coque). Sous cette condition, lintensivité concentre, sole, éloigne pour autant que l'extensivité étend, identifie, rapproche. En paraphrasant, sinon en plagiant Lévi-Strauss, nous sommes amené A souligner que, sous le rap. UeHelmsles, Munich, W.Fink Verog, 1972, pp. 12113 EP TC LaviSuauss, "La structure dev mythes, it And seme mets Anthropologie smctarcle 1, Pasi, “TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE cre port du don, Dieu est trop bon, trop proche et menacé quasiment de capture”, dans la terminologie catastrophiste, per le donataire, tant et si bien que cet excés de proximité, faute de pouvoir étre résolu sous le rapport du don, doit étre compensé sous un autre rapport, celui de la connexion, de la “connexité” (V. Brpndal): Dieu, en manque de distance, cst signifié comme gardien de l'éernité, “Car dans le Pere demenre nité", et ainsi recouvre une distance qui, derechef, appelle un mé eur {Qui soit &la fois distinct de lui et pourtant homogene, I" Esprit Saint al ‘au Pére eta fils en divinite™, Sil'on tente, une fois de plus, de confronter la pensée dite rationnelle ce la pensée dite mythique, cette comparaison doit porter sur les direc- tions qu’elles se donnent et les choix qu'elles assument: la pensée ration- nelle semble faire choix de lunivocité et verrouille cette univocité, notamment par 'usage & outrance du principe de non-contradiction, tandis que la pensée mythique s'en moque, se plaisant & renverser &l'en- vi les attributions, les rées, les compétences des uns et des autres, &.con- fondre les uns et les antzes. Mais c'est peut-étre mal poser le probléme: Ta pensée rationnelle, minatieuse, précise, confinge, privilége la “com: prehension”, laquelle ne peut étre atteinte que dans des limites étrites, tandis que la pensée mythique pratique l'inverse: elle favorise I"exten: sion” et par conséquent juge les limites insupportables, Ainsi 'univoci- t&, le taisonnable sont comme achetés aux dépens de extension pat la pensée rationnelle, tandis que la pensée mythique, pour parcourir les vastes étendues ct filer les longues durées qu'elle affectionne, affirme ‘comme un droit a la plurivocité: “ces trois sont wn seul”. Tout se passe ‘comme sila pensée rationnelle ne voulait connaitre que le parce que et la pensée mythique que le pourtant® ou le quoique. La pensée rationnelle ‘ordonne, done & comprendre le monde parce qu'elle le compartimente tandis que la pensée mythique le confond parce qu'elle le totalise. Ainsi clle n'éprouve aucun trouble & signifier Diew comme acteur expansif, figure extensive sur la dimension du don, puis comme acteur concen- ‘rant, figure intensive sur la dimension cognitive. De méme, Dien peut apparaitre comme un fonctif en -eur sur la dimension du don, puis com- me un fonctif en -aire sur la dimension du temps. 2.4, La modulation Cette structure trinitaire de communication, ou ce qui revient au méme: de signification, est valorisée: “car toute la perfection consiste dans Te nombre trois", et sert de matrice prédicative & Vénonciateur qui va Pappliquer a différents domaines de signification. Ici s’introduit luni- vers da “comme”, de 'analogie, mais la démarche analogique est suscep- 4 Le Peis Robert en donne la dfinision suivante: Adverbs marguent opposition entre deus choses lide, dewcuspect contadctoies are meme chose 32 CLAUDE ZILBERBERG «ible d'interprétations différentes: en premier lieu, il semble qu'il suffi- rait de déclarer que les relations soupgonnées dans divers domaines clas sématiques bien définis, bien clivés, sont susceptibles du méme ordon- rangement, respectivement les relations intersubjectives ("Diew, le Fils et ['ExpritSaint”), les relations intrasubjectives ("le corps, Vesprit et Tame"), les relations interconceptuelles cognitives (“la mesure, le nombre ef le poids”) et enfin les relations interconceptuelles éthiques ("la sagesse, la vérité, la bonté”), Mais cette interprétation est facheusement tautolo- sique et guére heuristique. ‘Nous ferons appel au protocole hypothétique ordinaire en sémioti que: un parcours fecouvte une transformation et une transformation advient parce que, sous quelque rapport, elle est jugée bénéfique, qu'elle aboutisse & Ja disjonetion d’avee un abjet et/ou i Ja conjonction avec un adjet. Si, pour notre corpus, la situation finale, voulue, voit Panalogie prévaloir, la situation initiale doit, ele, valoie comme contraire. Qu'est ce a dire sinon que I'analogie introduit entre des grandeurs de content une loi, une dépendance, une nécessité,... de sorte que la situation ini tiale doie étre telle que chaque grandeur de contenu se présente comme rnon-dépendante, contingente, non-relative, seulement tributaire des coordonnées spatio-temporelles de son apparaitre. L’analogie affirme existence d'une régle de pensée & Ia fois immanente et transcendante;, elle est exercice, c'est--dire en résonance avec I'étymologie du vocable, “mise en mouvement”; elle est, surtout peut-étre, fibératrce puisqu'elle legalise les échanges entre le méme et l'autre, entendus ici non seule- ‘ment comme termes, mais également comme fonetions. En suivant Cas- siret, nous dirons que le texte refuse la scission, relative sans doute mais néanmoins effective, entre partie et tout: «Mais la conception mythique nadmet au fond aucune de ces défintions: a ce niveau rege encore une véritable absence de differences, une “indifference” intellectuelle et rélle entre le tout et les parties. Le tout n'a pas de parties, et ne se fragynente pas {a partie ext ici immédiatemsent le tout, ait et fonctionne conamie tel. (..) La partie est encore, dans le langage du mythe, la méme chose que le tout, parce quelle est un vecteur réel de Veffet, parce que tout ce qu'elle subit on ce quelle fat, ce qui lui advient de manidre passive ow active, est en méme temps une passion ou wne action du touts” 3. Lasubstantalisation La matrice trinitaize, aprés avoir été exploitée pour interdéfinir les tres de Ia noologie, va étre requise pour effectuer le méme travail d'identification entre les éléments cosmologiques: “Au Saint-Esprit est 9, Cassiner, La philoopbie des formes symboigus, tome 2, La pense myebigue, Pats, Les Editions de Minit, 1972, 58 ‘TRIS ETT MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 33 attribuée la bonté, lui par qui les choses terestres deviennentcélestes et cela «d'une triple fagon: en baprisant par l'eau, le sang et les flanntes.” 31. Tension définitionnelle Les éléments sont l'objet d'une élaboration assez particulitre, Pui qu'il est question du devenir, il convient d’envisager la relation entre Petre et le devenir, entre la permanence et le changement, A cet égard, nous faisons I'hypothése que, pour la quatriéme parabole, Pétre com mande le devenir. Le texte est dominé, dirigé par une équation interne et explicit, tlle que: vie = bumidité + ebaleur Ne lit-on pas: “L'me elle-méme est demeurée dans Veau (qui tui est {aujourd'builsemblable par la chaleur et Ubumidit€), en quoi consiste toute bie". Cette saisie équationnelle permet d'identifier les uns relativement aux autres ["ean”, le “sang” et le “few”. Nous avons indiqué plus haut {que la scission entre tout et partie était tenue pour impertinente par la pensée mythique, et de fait eau”, le “sang” et le “fen” ne sont pas des composantes, des traits isolables, mais des “répliques” de la “vie”, de la complexité duelle de [a “vie”. C'est dire que I'“eau” a’encl6t pas, ainsi gue le stipule le dietionnaire ~ cette camisole -, Ia seile humidité: elle chiffre nécessairement la jonction de Peau”, du “song” et du “feu” ‘Tout au plus pourrait-on dire que, dans le cas de "“eau”, le trait fhumi- de} est dominant et le trait {calorique/ récessif. Cette saisie équationnel: le commande le devenir des éléments et les parcours sont, puisque le texte envisage tour & tour chacun des éléments de la triade, sous le signe de la catalyse: sil’un des éléments, done une manifestante, est sommé et aque la manifestée soit précisément la jonction des traits fhumide/ et (cslrique, ll parcours va porter a maniesttca erase ‘Ainsisil'"ean” et le “sang”, porteurs du trait /humide], sont convoqués, avee valeurs de terme ab quo, leur parcours aura pou terme ad quam Ie “fen”. Ex réciproquement 3.2. Régime des échanges ‘Avec la triade “eau” ~ “sang” - “feu”, nous abordons & proprement pater I question du tnitement de bi maine et nous cclarons enteée qu'il constitue un langage si, comme I'indigue Saussure dans le CLG: «Dans ta langue, tout revient & des différences, mais tout revient aussi @ des proupements>.® Crest dite que les opérations de traitement de la matiére ‘ont pour principe d'intelligibilité les différences enregitables entre deus 10. de Saussne, Cour de lngistque porte, Pars, Payot, 1962, p17. 34 CLAUDE ZILBERBERG sgroupements. Ces opérations sont, somme route, ee qu’elles peuvent cre 1) relativement aux “substances” elles-mémes, elles se présentent com: 1e des extractions et des incorporations, relativement aux espaces occupés, elles se présentent comme des délocalisations et des transferts; ) relativement aux durées, elles se présentent comme instantanées ou différées, lentes ou diligentes. : Test aisé de mettre en place un traitement canonique fondé sur les conventions suivantes i) dans le couplage d'une extraction et d’une délocalisation, on aura econns l'opération élémentaire de “ti” reconnue par Greimas a travers ladénomination “décomposition” et par Fr. Bastide; ii) dans le couplage d'un transfert et d'une incorporation, on aura recon: nu 'opération de “mélange”, de “recomposition” pour Greimas, Le traitement canonigue se présente des lors ainsi extraction - éloslisation 2 transfért- incorporation présupposde présupposante Ceci n'est qu'un schéma (Hjelmslev) qui laisse de cdté bien des que- stions “pratiques”: celle de Vagent opérateur, unique ou varié d'un bout 3 Tauted processus, cele de a contnuité entre delocalistion et tran- sfert, celle des catalyseurs selon I'acception ordinaire du vocable, ete En un mot, toutes les variables qui relevent de la norme et de Pusage propres 3 une culture. Nous aimerions souligner plutdt le point suivant. «en usant de la terminologie de Hijelmslev dans La catégore des cas ct en fous appuyant sur les recherches de Greimas et de Fr. Bastide, nous avons le sentiment d’étre en présence da “systéme sublogigue” du“ttai= tement de la matitre”, c’est-dire d’un dispositif catégorial, générant des valeurs sous les deux espéces de rapports que nous connaissons, & savoir les rapports paradigmatiques et les rapports syntagmatiques, Les rapports paradigmatiques étant relatifs 3 l'extension des con. cepts, les écarts de sens sont tributaires des opérations de démarcation ct de segmentation dont toute dimension sémantique est susceptible: 4) Geare entre démarcation, entendue comme saisie du fout, et segments tion, entendue comme saisie d'une partie de la chaine (ou séquence), cart entre les séquences, ci du ti idisjoncif) et du mélange (conjone- i) cart entre les segments composant ls sequences dr et du mélange par mise en oeuvre d'accentuations ct datonisations”, voire de snéas "TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE, 35 tisations, Par exemple, Pextracton apparairaaccentue, “absolue” si aucune délocalisation wintervient, done siesta ext anéant in) relation des sequences et des segments & leuts limites la frontéve informant deux €tendues estelle une occlusion, un “culde-sae™ ou un “couloe™> Nous disposons des lors de cing eux d'écats xéateurs devas lation dy parcours complet aux sequences, soit de a phase présuppo tr donc intransitive, aux phases presupporenes,erdone transitives ii cation des sequences ene elles contiguite,chevanchement on sol tion de continue; i relation d'une séquence& ses segments: direction ‘rte ou modérée, io relation des segments entre eux: connivence, compatibilité ou antago: sation, incompatible ‘relation du parcours complet un ou plusieurs segments Tes rapport syntagmatigues donment liew a deur safsables majeurs 1<] enchainant une fermeture et une ouver- ture; la seconde, un “chainon implosif” [] enchainant une ouverte: eet une fermeture."” 3.3, Circulation et parcours Des trois membres de latriade, “eat” est le premier abordé. I est aisé de reconnaitre dans le passage le moment de la compéence et celui de la 1D point de vor épistémologigue stricto sna, ot sans enter dans les détails ness tes, nous tenons soulignerau passage les points suivants i) pour ke point de vue immanont ui, sans ete exclu doit dre prioritize, le sal fat instal et Vindaldextenstonnele Ses wnités Come diait Laut: “tout le ese est il a rlation d'un niveau supérieur 3 wn nivea ifrieue abl Ia detion de celsici sur ai lis nous sommes, ee fasan, sux prises avec modalsation, os plus exatement avec In sisi figural de Ta modaisation Ailes elations entre unites de méme nivens concernent Vpectuaiaton Sede Saussure, Cour de nattiyue pert, Pas, Payor, 1962, p79 & sie 36 CLAUDE ZILAERBERG performance. La compétence est affirmée plus qu'elle n'est détallée. Comme l'on pouvait s'y attend, toute extraction suppose quelque mélange antérieur, C'est le cas ici: “En vivifiant les ames tu fécondes les ‘eaus.”, mais ce mélange, cette synergic semble moins la cause de la com. pétence indiquée: “Car leat est 'aliment de tout ce qui germe.” que son effet. Quant & la performance, elle reléve d'un faire opérareur double “germer” et “laver” que l'on peut homogéneiser en considérant que “sermer” = faicesortiret “aver” ~ faire partie Leparcours de1"“eau” peut ére décrit dans les termes suivants: §) la phase de tri n'est pas manifestée comme tell, mais on peut considé rer que la délocalisation, “Peau descend du ciel, ext doublement syncréti au a “deacnte extpt on contenu sigue propre doa, as elle est, eu égard au tri lui-méme, extractive, et, eu égard au mélange pro- chain, sansferentele . mr Tmanifestante dexcente manifestée extraction | délocalisation transfert On peut justifier ce synerétisme puissant en soulignant que le lieu de partance étant le “cie?" et le lieu d'accueil, la “tere”, il n'est pas interdit de supposer que le “cie?" est détenteur du trait /pureté/ dont la quéte est Ia finalité ordinaire des opérations de tr, ) Ia phase de mélange est marquée deux fois: “tu fécondes les eaux” et “elle enivre la terre". On tiendra “vivifier”, “féconder” et “enivrer” pour des variantes combinatoires, des “variétés” dans Ia terminologie glossé- matique. Le parcours complet de Peau’ se présente ainsi: lieu de partance lieu accueil ————— ciel la terre extraction délocalisarion transfert incorporation —— descente enivrement sequence de ti séquence de mélange Le transfert descensionnel se révile étre également le transport d'une valeur modale: “la terre recoit delle une force qui attaque tout méta.” [RIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE. 37 Notre texte se situant sur une isotopie de la consmtunication, une isotopic phatique, ! I'“eau” est un sujet opérateur délégué du “Saint-Esprit”: de tméme que ce demier faisait “communiquer” les grandeurs noologiques, de méme I'"eau” fait “communiquer” les grandeurs matérelles et il est cconséquent que la “force” ici soit caractérisée par le pouvoir de pénétra tion selon une syntane qu'on aimeralt dire mininale, indhdable: & “Teau” non fécondée, non sanctifiée, le “métal” se ferme, demeure impé- nétrable et manifeste ainsi sa puissance de rejet, tandis qu'il s'aére, au contact dela “force”, pénétrable,s'oue, céde au pouvoir de a “force” Cette “force” est non seulement germinative mais également expulsi- ver “L'EspritSaint [lave les souilures en chassant les jumnées des des”. La pensée mythique pratique volontiers la substitution et Parrivée de l'un serait incomplete sans le départ de Vautre. Les “flammes” figurant dans le paradigme des sujets opérateurs, il convient de constituer le “few” en dimension sémantique polarisée: lesflaromes Lesfurées I ! positive égative Les opérations de tr et de mélange apparaissent sous lemprise du fem- po: elles sont cantét concentrées, fulgurantes, tantét étendues, séquen- tielles, demandant du temps. Le cycle complet de I"eau” se présente mélange i lange wi fécondation terre +eau Evacuation del'eau delafumée aut bas aout Ces transferts et ces transports demeurent délica's & interpréter et la sémiotique n'est pas suffisamment avancée pour déclarer avec certitude au’ elle ne modifie pas les contenus gu’elle appréhence du seul fait qu'elle les appréhende. Er singulitrement les opérations relatives i lajonction: il est loind tre certain que les opérations de conjonction et de disjonction, qui font Pordinaire de la description sémiotique, aieat la méme significa tion dans I’épistémé de laquelle la sémiotique, par la force des choses, participe - méme si une certaine continuité introduit un tempérament ~ et dans Pépistéme propre au discours qu'elle a entrepris de décrite, Selon le dictionnaire immanent que chacun porte en soi, ce “tésor intérieur qui 1 Pri itéralement, ce syntagme relive du pléonasme 38 (CLAUDE ZILBERBERG constitue la langue ches chaque individu’ (Saussure), la conjonction parait sopposer ala disjonction, mais si tel univers de discours a pour elé inhé rence (Hjelmslev), laconsécution: conjonction-disionction est sans doute susceptible d'une signification différente de cele que le car: tésianisme ambiant lui réserve. Dans bien des univers de discours, la dépendance continue d'envelopper l'indépendance, expulsion prouve Pappartenance, l'ex- est la mesure de I'in-. Dans son beau livre, Cassirer ‘observe finement: «Alors qu'au niveau de la pensée, de la métaphysigue lin- tellect doit s‘fforcer d'apporter des “preuves” de la survie de lime aprés la ‘mort, le rapport s'inverse dans le progrés naturel de Uhistoire de lespri ‘human, Ce n'est pas Vimmortalité mais la mortalité qu'il faut “prowver c‘esta-dire connaitre théoriquement, et qui doit ére mise en lumigreetassurée progessivement par des lignes de démarcation que la réflexion, elle seule, introduit dans lecontenu de 'expérience immédiatep."* L’analogie appelle la redondance. L’énonciateur, aprés avoir fait sien le point de vue de la source, adopte par embrayage celui della cible: “Envoie ton esprit, c'est-dcdire'eau” ,crimpose, moyennant!' équivalence: leparallélisme: 7 i mélange wi cente terre + esprit evacuation delesprit, delafumée Le troisitme membre de la triade, les flommes, regoit un traitement clliptique puisque seule la séquence du: mélange est présentée: “Lorsgu il aptise par les flammes, il infuse Vdme et lui donne la perfection dela vie” 1 -énoncatcurn/omer pus, comme pour Fea et esa faire arguments tik: = eau: “carl’eau est 'alimentde tout ce qui germe”; sang: “car lesidge de l'éme est dans le sang flames: "care feu donne la forme etachéve le tout” Latriade est par deux fois aspectualisée: 1 "lefeu(...)acbeve letout"; “L'eau (conserve) réchanffe le fetusdans la matrice pendant trois mois, Var Ienoui es trois mois suivants, feu protége les trois derniers mois” ar voie de conséquence, l’équation dant nous étions parti doit sécti- 14 E.Casster, La phiewphie des formes symbolignes oP cit P59, 19 Rernarquons saps nous yattarder qe la quarieme parable inverse dee habiruel des opérations qui debutec parla calcination gui aie sure de la dasoltion, "RIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARADOLE 39 vie = humidité, + chaleur, Cotte aspectuatisation rigoureuse s'introduit comme régle de pertinen- ce puisque les membres dela triade seraient, &son défaut, substituables les uns aux autres: I"‘eau”, le “sang” et ls “flammes” sont des sujets opé rateuss dont le faire est menacé d’'indifférenciation en raison des identi fications, des appartenances ou des incidences croisées qui scandent le texte: “ton esprit, cestédire l'eau”, “le sidge de T'éme est dans le sang", lorsqu'il baptise par les flammes, il infuse Vame’ Lest aisé décablit que les membres de In trade font ~analgie oblige ~ 4 peu prés lt méme survontr e BROS N\ plas ale ronavesn salud perfection 4. La morals Une des caractéristiques déroutantes du texte est le va-et-vient entre isotopie éémentaire, le discours sur 'cau, Ie feu, la terre,...et Pisoto pie morale, le discours sur le bien et le mal. Ainsi l'eau sert au Saint-E sprit 3 “(faire] germer” sar Visotopie élémentaire, et a “flaver] toutes les souillures” sur Tisotopie morale. Des connecteurs d'isotopies peuvent écre repérés, notamment le pur et limpur, mais ce sont plutot des effets seconds, des coincidences, & la limite des “calembours®,™ que des ra sons constituantes. Ce qui nous est devenu difficile & concevoir, dans la mesure oi a pen- sée rationnelle nous impose de croire & des domaines eloisonnés de perti- nnences distinctes, est au contraire aisé pour la pensée mythique puisque pour elle les éléments sont moralisés, Comment coneilier cette conviction avec Ia praxis, le faire opératoire & laquelle lalchimie est si fortement jitachés dan part, comment surmonter d aude part I apore propre 3 la moralité? Telles sont les deux tiches que semble se proposer fa secon- © L'exemple le pls sigificaif pour noure teste est bien évidemnent le mot “est ‘gig vocation, entre autres, signer la divine epi de Dew descent sa es props "sk Sart -Espit, kes substances corporelle, elles que les ares tte demons (Lite a ‘Ge méme avec rene Pep, et pour Lalchimie Stace qui hope dex cop sous Ue deiltion et ui cane dea abt, ju compart a sole 40 (CLAUDE ZILBERBERG de partie de la parabole, celle qui est aux prises non plus avec “trois for- mes", mais avec “sept formes” 4.1, Alcbimie et morale Sila temporalité a pour ressort une avancée de la division sur V'indivi sion ce et que nou insrons entre alchimie et morale tit probable ment, pour les véritables contemporains du texte, superflu dans la plus favorable des hypothises, sinon& coniresens, Lio nous pensons com tingence, ils pensaient nécessité En effet, cette moralisation est immanente au texte, c'est-i-dire coex: tensive a la quatriéme parabole, et nous pouvons, par une induction bien peu risquée, supposer qu'elle vaut pour 'ensemble du texte. Consi dérer que la moralisation est immanente au texte revient & poser gue: 4) sous l’angle du déplacement, le bien se dirige, se porte vers le mal en vue de le réduires ii) sous langle du transport, le bien détache de lui-méme une fraction ou tune composante de son étre ~ volet réflexif ~ et l'adresse, 'administre au mal - volet transitif ~ parce que, de deux choses l'une, ou bien ce der- nier est en position de manque absolu, ou bien il est affecté par une carence singulitre. Les écarts qui intéressent la dimension éthique sont de nature catégo- riale selon Pacception que la glossématique confére 2 ce terme, et gui consiste A réduire Ia grandeur a la seule fonction ~ détermination ou interdépendance - quelle contracte, relation constatable dans le proces -..) une grandeur n'est rien d'autre que deux ou plusieurs grandeurs & fone- tion mutueller.®* Plus prosaiquement, un procés donné, descriptible pour ce qui regarde les grandeurs qui le composent sous le triple rapport de leur position, de leur envergure et de ce que nous aimerions appeler leur contenance, génére des catégories générales qui contrélent les signi fications universelles propres 3 tele dimension. Faisons-cn V'application Anotre texte: 3 pour ce qui regard Ia position, le mal est un terme vise, ible, un er ii) pour ce qui regarde ’envergure, le mal est bien évidemment un terme capital, qu'on songe aux sept péchéscapitaux; ii) pour ce qui regarde la contenance, le mal, en position de eible, de récepteur, doit se modaliser: sourria-til ou se fermena-til au bien? le pécheur se “liguéfieratif"? ou bien optera-til pour I"endurcissement” en présence de la grce offerte? jette contenance a souvent importé davantage que la suite des “fau- 1 Ge que Casier signe comme le.) cate indifference dan Brel sple Indios ope 3), WL Heinslev, Pofigomines une shored lange, Pass, Les Ealtions de Minit, 1971p. 100. {TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 4 tes” proprement dites, mais que signifie exactement cette primauté sinon que le point de vue est dans la dépendance du parcours, du progrés dis parcours, de Ia sauvegarde de la “bonne allure” du parcours: la méchan- ceté du méchant a peut-étre surtout, peut-étre seulement, pour contenu. le fait qu'elle contrarie le parcours du bon, e'est-adire qu'elle l'inter rompt,” qu'elle l'entrave en se refermant sur elle-méme, bref en chan: geant une transitivité escomptée, “révée”, en int-ansitivité Dans le texte, le bien, la manifestée, a pour manifestante le complexe eat + feu, et le mal, de son c&té, a pour répondant exprimé la terre. Les ‘oppositions majcures sorganisent selon [categories ——_ bien os mal [ . chad os froid | Cer = a Le bien peut étre considéré comme un synerétisme de la triade: “ean” = “sang” ~ "few", Certes on peut ordonner les relations par le jeu de P'as similation et de ia dissimilation et ainsi rapprocher !"eau” et le “sang” et les opposer ensemble au “feu” mais, en vertu du principe de participa tion, assimilations et dissimilations paradigmatiques sont secondaires Le texte attache un prix certain & la consécu:ion syntagmatique des deux faire opérateurs: 1. leréchauffement 2. humidification méme s'il faut convenir qu'elle est en défaut dans |'énoneé suivant: «Leas (conserve) réchauffe le foetus dans la matrice pendant trois mois, ’air Te nourrit les trois mois suivants, le feu le protige les trois demiers mois. Enoncé qui brouille et les attributions et le rang qui leur sont assignés Par contre, dans le développement consacré aus “sept formes”, la consé ccution indiquée est respectee. Le réchauffement est, & la différence de humidification, aspectus- lisé inchoativité terminativité cnflaremer beinite In portée du concep interruption, vir Cl. 2ilberberg, “Pour intrdhire ef in Raton et poiigue dns, Pai, PUR. 1988, 99.9113. 42 CLAUDE ZILBERBERG Les optrations de tatement de Ia mative confrment dune fagon éonnante la description produite par Fr. Bastide. Le “feu” optre dTabord la transformation du compact en discret, dans les termes de 'énoncé méme une “subrilisation”, moyennant une opération d'ouvertu- re: abe feu, en pénétrant et en rendant subtil par a chaleur (..)». Ce pro gramme de pénétration apparait au service d'un programme d'expan- sion assez particulier: la combustion: «Le feu (..) consume toutes les par ties terrestres» et cette destruction est suivie de ce que Fr. Bastide appelle tune “structuration”, c’estA-dire le passage d'un état dit “amorphe” 4 un état dit “structuré”’ Pour "énonciateur “matiére” et “forme” sont don nées comme antinomiques: «Le feu (..) consume toutes les partes tere- sires qui ont Beaucoup de matire et peu de forme, Tant que le feu en effet posséde une mative, il ne cesse d'agir, voulant imprimer sa forme a la chose assiven La phase terminative du réchauffement n’a pas la netteté de la phase inchoative, L'énonciataire hésite sur les fagons d’éteindre, et pour cette séquence se contente surtout de donner la parole aux énonciateurs déle gués. II mentionne l'extinction directe: i étint le feu intense provogué dans la combustion, (..J"; la réversibilité: “Rafrachissement dans la cha leur ardente.”; le xetrait de la “vertu ignée”: “La chose dans laquelle se trowve la combustion, avant d’étre dssoute, posséde une vertu ignée qui est plus douce et plus digne que les vertus des autres éléments” L’humidification fait Vobjet du troisigme moment: «Troisiémement il amollit, cestardire qu'il liquéfie la dureté de la tere et dissout ses parties denies et tes compacein. Une des caractéristigues de ee texte est la discordance entre d'une part le niveau figuraif des éléments, dominge ici par la tension entre la triparttion “eau’”-"sang"-"feu” et la “tere”, qui ressortit 4 une logique de la motivation qui accompagne le texte en hhomologuant, par exemple, au passage la relation entre “mle” et “femelle” tla relation entre le "chaud” et le “foid”, et d'autre part le niveau figural des opérations de traitement de la mati qui obéit i une logique de la communication: pour que l'abjection d'un corps, ici la “ter ze", soit réduite, il faut, par exemple, que ce corps s'ouvre, que les quali- tés mauvaises, le “roid” et le “sec”, se retirent au bénéfice du “chaud” et de I"“bumide”, que la compacité afférente au “froid” et au “sec” soit attaguée parla forme afférente au “chaud” et a!“bumide”, Soucieux de rhe manquer ni l'une ni d Pautre logique, lénoneiaceut fait, comme l'on dit, ce qu'il peut. Lattachement aux chiffres impairs le conduit: 3) aussi bien & grouper sous son “sroisiémement” deux segments fonction nellement distincts: le segment ouerant: «lair ouorna les pores des parties de la terre» qui recoupe le méme segment ouvrant dans la séquence du réchauffement: «Le feu, en pénctrant et en rendant subtil par chaleur..n. et le segment que nous aimerions dénommer critique gui voit la substitu- "TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 43 tion des propriétés intervenir: “pour quelle recov la vertu du feu et de Teau” ji) & ne conserver des douze opérations prévues par le protocol alchimi gque que celles qui lui conviennent, opérations rangées selon un ordre libre, c'est-i-dire déviant.*? "Au terme de cet examen suceinct, les séquences du réchauffement et de humidification entretiennent Pune avec Pautre des relations de res- semblance trés fortes ‘elles admettent chacune comme préalable une ouverture; )clles sont a a la fois disjonctives et conjonctives: elles disjoignent respectivement de la “compacité” et de la “dureté”; elles conjoignent respectivement au “feu” et 9 I"eau”: welle [regit] la vertu du feu et de i) elles different en ce que le réchauffement est dissolvant et infor ‘ant, tandis que l"humidification est seulement dissolvante. Récapitulons. Les trois premitres séquences obéissent au schéma sui vant: elles enchainent une séquence de réchauffement et une séquence humidification, mais ce dédoublement, loin d'étre une véritable distinetion, est dans la dépendance de la complexité duelle de la “vie”, laquelle conjoint - nous l'avons vu - chaleur et humidité, Chague séquence comporte un moment douverture et un moment de transfor- mation, qui apparaissent, pour Pépistémé de I'époque, indispensables: i) G. Bachelard a bien montré que penser une substance, c'est penser tune intimité: «En analysant de telles intuitions, on se rendra vite comple rue, pour Iexprt précientfigue, “la substance a un intérieur”; mieux, la botnet acres Bou impr ale On eons 2 la recherche d'une “clé” pour oucrir les substaices». Cette effraction doit étre obtenue cose que coite et done per importe la fason: par pénétration et subtilisation dans le cas du réchauffement; par destruc- tion des défenses “naturelles” de la matitre dans le cas de I'humidifica- tion: ail liguéfie le dureté de la terre et dissout ses artes denses et trés com: pactes,»; par métaphorisation: «lar owwrina les pores des parties de la ter fi) en raison de leur substantialisation, les qualités doivent étre délogées de leur séjour afin que celuicci soit en mesure de “recevoir". Das lors ouverture est suivie dun tri et d'un mélange: le tri est marque par 'ex 2 Voie pou ce point précis .G Jung, Prychologe et aime, op. ct 1970, pp. 31- 312, 51 G. Bachelard, La formation de spi contig, Pasi, Vein, 1989, p. 99. 2 bid 2 La porosit ext, avec I sponglosté une des grandes rsgurces del penséealchim «ae. Dant won ouvrage, G. Bahlard cit plusieurs textes indiquant quel épange «const fu ce qu'il apple une “imoye oneal” et notamment cetente de Franklin: aba matics ommane et ume ese d ponte pour le ide lecngue ne pongenerecera pas Fea 3h ‘Crpantis de Pen ant pas petites qe les pores del epomge(-)» Wid, P79) 44 (CLAUDE ZILERBERG pulsion des males qualité, “ler parties emestes”, et le mélange pat Pajour ds la “vertu da feu etde Peas re séchanffement humidification a dissolution , dissolution parvolatilisation | ERM | par fiquéfacion réduction du | réduetion du éduction dct W ition du tution de contenant content contenant content Le quatritme moment est celui de Illumination”. Selon la logique remontante de la présupposition, i laquelle la narrativité nous a habitue ‘et qui veut que le suivant motive le précédent, Ia caractéristique struct. de ce moment semble résider dans le fait qu'il apparait comme valent de Greve glnfiane Si cette hypethtae et vrfic, i conviendra de montrer qu'elle assigne, pour ainsi dite « posterior, le séchauffement et Vhumidiiation onic composantes respective de "orene qualftante et del eorenve décive. Ce que novsnovspropesons ‘Mme si toutes les séquences comportent une strate adversative, elle est cl putcement vive peutee pace [art clafobcu fa ore agradualicé qui est pour Tui quasiment “mortelle”. Bien entendu cette ‘opposition est substantalisée, c'est--dire prise dans une dialectique de nwt t Vextrort pean le faite opéateur del pénétration, conformément aux voies battues de l'imaginaire alchimique. . Le paalisme immedi me oe ~“ilillumine quand il chasse toutes les ténébres du corps” = "Pane es bombs ences de none expr” €tablit le “corps” et I'“ime” comme séjours des téndbres, mais ce sea: ment est une incise qui fait appel a une technique vocative pure e suspend la praxis opératoire qui a la faveur de I'alchimie. Cette opéca- tion spécifique du quatritme moment est désignée comme “illumina. tion”, Son statut est double: elle désigne ala fois D Palgoritme entier qui mene da “noir” au “rouge” i) mais Ggalement le dernier segment de Palgorithme qui du conduit du ‘blanc” au “rouge” qui est donc, & la lettre, un rougeoiement, mais foguel le este préftre coll emphatique dilninaon” (on en vera dans un instant le raison 3 AJ. Greimas 6 Courtés, Sémiotique 1, Pais, Hahette, 1979, yp. 244.247, “TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 45 blanchiment illumination illumination _| Les eéments sont avant tout des suets opérateurs: tout Pheure, ret guia ec amollssat, aintenant ele blanbt:woat 3 Pheure, le foo subuilait, miotenant il lluntne, ce os signlie dans Punivers de {cours qu'll change le “blanc” en "rouge", la couleur valrisée pour toute la pensée alchimique ~ et pas seulement 2our elle semble-ti nron songe 3 Fopposiion “viande rowge”-"viande blanche”. Le blan- fiment et le rougeoiment n'ont pas, di fat de leat ordre apparition, Tavméme teneursyntaxigue Te blanchiment opére par I"eau” est an retrit, une soustraction: nous avons tle nove fat le blanc avee da el ye rougeoiment est, Iu, une teince: “et par state few es dit ent Te traitement des couleurs par lateinture a, pur ainsi dre, servi aux alchimistes de plan de 'expression. G. Bachelard qui a écrit sur la fasci- sation pour ee qu'il appelat "la vert tingeante® des pages définitives, ote, ule drame matenel of engage alchimiste ex, avons-nous dit, une Esloge du noi, du blanc et du rouge, Pati des momiositssubstatielles tein traverses purfications intermbiaies de la substance blanche, comment ateindve ls suprimes valeurs du rouge? Le feu vulgare donne des Colorations dun rouge fgce qui peuvent tromper le profane. Laut wn feu plus inte, une linture qi viene bl ois rile es impuretésintimes eb Jeter se eras son la substance. Cette tentureronge le noir, 8 apaise en blan Chisant, puis iomphe avec la rougenr intime de Vor. Transformer, c'est ‘eindien ® On ne saurat mieux le dire, L'acton dy “feu” es bien enten Gu'rapprochée de elle da *rubis": "Car if Brille ¢ la lune comme un rubis parson dme qui tein, acquse parla vertu du eu”. En effet, ls per Tes poesiouses sont, pour cetic épstémeé, des concentrés de rchesse, de puissance attractive, de "solarite” et defficience curative: «Le chance: Tor Bacon, qui ne dédaigne pas les richerses, remarque dans sa Splea Sylva rm "ce quily ade certain, c'est que les perespricewss contennent des ‘prt subi, wins que le démonte ler lat, expr au, par vote de sym Puidieapisent sur Phone d'une manisre oivifante et délectante. Celles vse pent le plas & produie un semblable effet ont le diamant, Véme- Faude, lorais etl topaze”».™ 25 G, Bachelend, Le eet ler ere da repos, Pais, J. Cox, 1948, p34 3G. Bachelatd, Le formation de esp scientifique op it. pp.139-140 4%6 CLAUDE ZILRERRERG 4.2. L’aporie de la moralité Nous pensons qu'il est possible de dire quelgue chose de l'aporie pro- pre ila moralité sans savoir au juste ce que recouvee la moralité. Qu'l existe, & cété des dimensions pragmatique et cognitive, une dimension morale est peu douteux, mais sa spécificité n'est pas claire: est-elle au principe des interdits sans lesquels nulle sociabilité ne semble pouvoir se projeter? se confond-elle avec la dimension fiduciaire? estelle le corrélat de la transcendance du destinateur? de I’échelle des peines et des récom: penses? Peut-tre est-lle rout cela ala fois, mais cette incertitude n'em- péche pas de discernerI'aporie propre & la moralisation. opposition du bien et du mal ne constitue pas le fond de la moralité, mais seulement sa condition. Le défi lancé 3 la moralisation est triple: it faire passer, non opposition du bien et du mal, mais a eéure entre jen et le mal? que se passe-til 8 cette césure? lorsque le bien et le mal viennent au ntact un de autre? " iii) quelle est la direction de la moralisation dans Punivers de discouts considéré? Le traitement de la moralité est en lui-méme atypigue puisqu'll est cell de toute dimension sémantiqa, et sut la base dela distinction intensiffextensif d'une part, et par catalyse de la “dynamique interne’ dlfferentiele propre & chactin de ces termes d'autre part, nous sommes cen mesure de dégager deux régimes érhigues canoniques, eux singuliers 4) une moralité intensive, élective, catégorielle, de direction concentran. te, telle que le bien est strictement défi, forclos. L'aura, le rayonne. ment de cette moralité est abjectal, sa dynamique est celle du rejet, et il est probable qu'elle se fonde surtout sur une dehiscence du bien lui-mé- me, telle que lantagonisation du “bon” bien, du “vrai” bien d'une part, avec le “mauvais” bien, le “faux” bien d’autre part, fait sens. Par li-mé- me, cette moralité se croit clairvoyante, subtile, et dénonce comme ayeuple et nave opposition entre le bien et le mal massvement consi lune moralité extensive, admissive, graduelle, de direction expansive, inverse de la précédente is limites du bien sont cette fois vagus, indé ‘finies, et apparaissent plutét, si expression est permise, comme des ‘passoires”. L'ambiance est adjectale puisque cette moralité s'attache moins & discerner des bons et des mauvais que des bons et des moins bons, en rot sinan en fais “cupérables”. Neus sommes maintenant en présence d'une morale de l'indulgence, de la compréhension, de la repentance etd absolution, . ” ° ‘es deux moralités ont chacune leur drame intime. Les morales qui avec leur propre... méchanceté: que faire de ce flot de mauvais qu elles engendrent continiiment ct qui les assitgent? A T'inverse, une moralité ui met accent sur 'adjet n'est-elle pas menacce par sa propre... bonté, “TRIS ET MELANGES DANS IA QUATREEME PARAOLE 47 par ce qu’une moralité concentrate ne manquera pas de dénoncer com fe un incompréhensible et insupportable aveuglement puisque cette Thoralité admissive est en danger de confondre les uns et les autres - en Juni 'on peut voir le péché sémiotique par excellence. Ici excts dass thilaion, 18 de dissimilation ~ comme sila moralté n'avait de compte & rendre qu’a 'aspectualité, Les affres de la moralisation, entées sur cette aporic, évoquent assez les courments des institutions tniversitaires contenporaines, mais non Geelles seules: ou bien elles établissent un concours d’entrée sévére, en derniére analyse un ti, puis se contentent de laisser les choses suivre fear cours en ninstitwant qu'un rang de sortie entre les admis; ou bien clles commencent par un mélange, mais encombrées par cette popula- tion nombreuse, mélée, elles s’efforcent au fil des ans d'opérer un cer- tain nombre de tris. | Si nous revenons au texte, les trois derniers item vont mettre exp ment I'accent sur la dimension morale. Le couple “par”-"impur” joue, comme précédemment le concept desprit”, le role de connecteur entre Jes isotopies matérielle et éthique. En effet, si les quatte premiers moments avait pour objet la terre morte et aride, e cnguitme moment se donne d’emblée le “pur”, mais surtout lopération méme qui en sépond Ia separation. En suivane Cassirer, nous assistons ic’ & Ta formation d'un templun: “La sacralisation commence lorsqu’on désage, de la totalité de espace, une région partculicre, qui est distinguée des autres, qui est entow rée et pour ainsi dire cldturée par le sentiment reliyeux. Cette notion de Sacralitation religicnse, ui se présente comme une division de Vespace, sest conerétisée linguistiquement dans Uexpression templum. Templum effet (vce téménos) remonte a la racine ter, couper, etre sigifie ten d'autre gue ce qui est découpé, ce qui est délimité." Et le propre de notre te Et précisément d'aborder les corps comme des espaces. Relativement & hos préoccupations, nous sommes en face de l'opération de tri par excel- Tence: “Le feu sépare les parties hétérogenes et entasse les bomoganes”, mais accent ainsi placé sur le tsi présuppose que I’étre est sous le signe de Vinstabilité, de la miscibilié, de la eéversibilité: “La teme se liquéfie et se change en feu (le feu se liquefie et se change en air, lair se liquéfie et se change en feu (le Jew se liguéfieet se change en tere ylorifiee”™ L’opéra 2 Dans sob teat, Fr Bade conse que le item dee mab pote sor uate 48 CLAUDE Z1LBERBERG tion dela séparation vient mettre fin & ces désives.” Ta pareté es ici une competence objet puisauelle est, par sa place dans a chaine, un tere d'amont, Ce qui nous autor & vor dans cette sequence une épreave qualifiante tournée vers, Pebjet. Le sixitme moment reprend le théme directeur de la pénétrabilité mais en I'inver sant d’une part puisqu’il est donné comme une extraction et en le dédou- Bane dare pa: i} sur l dimension pragmatique, cette extraction se éalise comme un fuiresortin "il améne ds surface Téme profonde et cache dans ls entra. tes", “Lui qui, dans sa force, fait sortir les enchainés”, “Tu as fat ortir mon dime du fond de Venfer" ii) sur la dimension cognitive, cette extraction se présente comme une manifestation; “Celut qui aura rendu Pocelie mantfese connat Feeame tout entre (.)” En raison du réle joué par la pénétrabilité, qui représente obstacle & sarmonter il est permis de vor dans cette sequence une épreuve dec ve. Comme pour la pénétration dans le premier parcours, la sortie dans ce second parcours est donnée comme le préalable de la connaissance. I] convient de remarquer que la reconnaissance de la valeur fonctionnelle sappuie certes sur lénumération des items, mais davantage sur les ana. logies ene ‘effectuées par I’analyse. Rapportée a la problématique du tri et du mélange, l’extraction se fine ‘lane le prolongement di tri majeur opéré dans Is sequence pre lente Le sepritme moment est désigné comme “inspiration” et se présente, ‘comme on pouvait en partie s'y attendre, comme un mélange, En effet, le *Saine-Esprit” dans le parcours du sujet, la teincure dans le premict parcours de Pobjet, valaient déja comme des mélenges, de sorte qu'une des singularités grammaticales de ce texte est certainement d'affirmer Pantériorité du tri sur le mélange, ce qui revient a mettre le tri au servic ce du mélange, ou encore de préférer l’expansion & la concentration. ‘Comme ae Vindiqne,, So ee est une transformation: qui a pour destinateur I'“Esprit du Seigneur”, pour sujet opérateur le Soule dese bouche, ex pour tecteire Tappostion "see spite 2 Jung indique que non seulement les éléments sont menaés de ou invtés fone et confonre es ns avec es autres" dt del oon de pina materia, cele de Peta fags permanens) tele di euganot - otf) ose ue nora. Bien ye es denx lomens sient antagonist consiuent mbme ine fed opposes pigs te onttent awn ew Seal Von crate mola deraute, Tou comme bptima ate Tour aw miller deromr on lad méne mate orignele dea pone: Phchobige abn, op. cit, p 903} masque Vinstrument hicméme entrctient un rapport encloge sees lances quart "Bw g uname nant enor fr pata oo rien materia si ae le aps tar nt as gw ope spout ibid ,op 308309) meee " "TRIS ET MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 49 Ce segment de I"“inspiration”, dans la mesure od cette opération ne figure pas dans linventaire des douze opérations alchimiques, est Pune des marques les plus nettes de la volonté de I’énonciateur de rabattre - dans la quatriéme parabole - la doctrine chrétienne sur 'alehimie. Nous y teviendrons. 5. Voiesinterprétatives 5.1. Le mythe comme exercice sprituel Notre premiére remarque sera relative & T'analyse méme que nous avons tenté de conduire. L’énonciateur montre moins d’intérét pour la composition des éléments proprement dits que pour les parcours et les vicissitudes qui les concernent. En simplifiant tout se passe comme sile mythe évitait la question: gui es-tu? et préférait demander: d'of viens- 142 of vas-tu? Les éléments sont moins des substances affichant des qua Tités que des agents qui les font ou les laissent circuler; les propriétés ne sont pas naturelles mais actuelles: accessibles quand elles font défaut, cessibles quand elles sone détenues. La métaphore convenable est moins le jeu déchecs cher a Saussure que le jeu de cartes: dotées de pouvoirs rmodaux, les cartes, en circulant entre les joueurs & Foccasion de chaque donne, fortifient les unset affaiblissent les autres, sibien que les joueurs sont d'abord les jouets de ce hasard récurrent, les premiers s'efforgant de mériter leur donne favorable, les seconds ‘de se montrer, par leur science du jeu, supérieurs ace handicap initial En second lieu, ce texte, aprés maint autre, conduit a s"interroger sur le contenu proprement sémiotique de la relation suet-objet. Résumons d'abord la question: quelle est la spécificité des grandeurs plongées dans un univers de discours dominé par la circulation, la convection, le trafic des pouvoirs modaux? Nous ne discernons qu'une seule direction possi Ble derépose: ete creation, atrayant parce que portewsedimré vu, suppose, chez les toutes les parties prenantes, un degré dlevé de liens Ce terme de "liber, situe av riven figeral, demande une assiette figurale, L'analyse sommaire du texte confirme pleinement Pune des remarques finales de l'étude de Fr. Bastide laquelle aprés s'étre demandé wf.) sles transformations qui permettent d'aller dun ter ‘me & V'aute de ces catégories peuvent passer par es fourchescaudines de la catéqorie conjonction|disionction» conclut par ces mots: «La jonction, si ‘om accepte ces restrictions posibles la définition du sujet dat, reste donc la seule opération abstraite et générale du niveau sémtio-naratif de surface du parcours génératifo.” La disjonetion et la conjonction sont des perfor rmances sémiatiques dont les compérences, les conditions de possibilité % Respectivementp.26et p. 27 de étude indigée dans lance 50 CLAUDE ZILBERBERG demandent d’étre précisées. A ce titre, sujet et objet sont moins des “pleins”, des compacités que des “vides”, des “places abstrites” pout Fr. Bastide, que l'on peut considerer: 4) soit comme monovalentes: elles valent exclusivement comme sources, ieux de partance ow exclusivement comme cibles,lieux d'accueil; ) soit comme bivalents elles valent comme relais,échangeurs, c'est-- dire ala fois comme sources et comme eibles. En second liew les grandcurs cédées ou recues doivent, au titre d'une compétence passive, etre pensées comme - jargon oblige - disjoignables et conjoignables, mais cela revient a dire qu’elles peuvent étre séparées de leur lieu dattache et associées, areffées sans dépérir. Sous le rapport de la disjonction au niveau figural, donc du tsi au niveau figuratify les inhérences sont changées en adhérences, dans l'exacte mesute oi sous le rapport de la conjonction et du mélange les adberences sont changées en inbévences. Le mythe met & Vépreuve la consistance en I'acception cou- rante du vocable dans ce sens qu'il fait prévaloir Ia décomposabilité ~ toujours le jargon - sur la composition, l'avatar sur I'identite. Dans une tetminologie empruntée & Hielmslev, le mythe, sur quelque domaine d'expérience qu'il porte, résout les eoexistences en alternances et c'est en ce sens que nous sollicitions plus haut le terme de liberté, sous les deux esptces: la liberté dissociative du ti et la libereé agrégative du mélange. On sait gue la découverte de corps irrémédiablement simples sonnale glas des espérances alchimistes. Au plan épistémologique, il nous semble que le déplacement mais éga Tement Fintegration des concepts se lise ins formule: dans la pet. sPeatveglossematigc, acl In fonction des fonctions semble bien cl le de direction." Cette direction, nous pouvons par convention, par commodit, Ia suspendre mentalemen, et sous cette condition, vane fl est vrai en demniére instance, nous pouvons envisager pour Iui-méme le couple: disjonctioniconjonction mais si nous suspendons cette condition... suspensive, nous retrouvons des grandeuts orientées, cest-idire des fonctifs. Et'de fait qu'est-ce qu'une disionction orientée sinon une mission? qu’est-ce qu'une conjonction orientée sinon une réception? Dans la méme perspective, les ries thémaciques pertinents d'émetteur et de récepteur viennent non supplanter mais rendre aux concepts de sujet et d'objet leur motion, leur motilité. Ce que nous concevons comme direction au niveau figural, Fr. Bastide le donne comme “déplacement”: wes desse opérations de trict de mélange (..) présupposent un déplacement.(..) On peut alors concevoir le déplacement comme disjonction d'avee la source, et coxjonction avec la 21 CL L Helmsley, Le langee, Pare, Les Edions de Minuit, 1966, , 142 & sv, a siqueles Biss dnpustiges, Pais, Les Edition de Minit, 1971, p 163 su fC nis ETT MELANGES DANS LA QUATIUEME PARABOLE 31 destination, Le sujet ainsi réduit est un lieu, un temps, vcire un espace cog if D'on notre proposition de modifier la terminologie du prograneme narra tif pour y améuager cette possibilit: les deux sujetsd'€at seraient désignés comme Emetteur, pour la source, et comme Récepteur pour la destina How.” ‘Le couple: mission}réception semble done plus “puissant” que le couple disjonetion/conjonction, mais comment dépasser la simple intuition? Rapporté a la “narrativité géné- ralisée” reconnue par la sémiotique greimassicnne, le couple émission/ réception prend rang de grandeur remplacante (selon Hijelmslev dans les Prolégoménes) ct le couple disjonction|conjonction celui de grandeur rem- placée.” Ici également, au titre de com-possibles, quatre régimes peu- vent éire prévus: metteur se disjoint de V'objet soit sur le mode partcipaif, eesti re d'une donation non diminutive: il n'est pas affecté par la renoncia tion; soit sur le mode défectif, c'est-dire d'une donation diminutive, éprowvante. le récepteur se conjoint & la grandeur soit sur le mode complétif, c'est aire pour mettre fin & un manque, soit sur le mode explétf Vajout de la grandeur n’entraine pas de modification pout le écepteur.* Cette circulation apparait done comme une analyse pratique: la fin de la connaissance est la décomposition en éléments ultimes, mais le mythe n'entreprend pas directement, frontalement cette tiche, mais indirecte- ment, tacitement, La mission est en un sens banale: «La connexion sup- pose la division, de méme que la division de son c6té n'a d'autre but que de réparer et de rendre possible cette connexion. En ce sens, toute pensée de expérience ex dialectique, |... i Pon voit en tui [le concept d'expérience] Tunité de la connexion et de la division, de la sunagdpt et de la diairesis. Le cercle logique qui semble se trouver en lui dans cette dialectique n'est >a id 5s La grandeur introdute par catalyse para pine sommable on peu Ia qualifier de ceeffcion shorigue de dct econnalte le fnmr-to cher 3 Nalery. "Ex ven fou) tne penton: pas 8 quelyuecbone = wows pens de quelque chose & quelque chose ~ (fom - {olin Cadiers, some 1 op ct, p. 1036) 4 Nous sommes en presence d'une entionpourtricereconnue par A. Heénaut sous la ‘ésomination“pasible” os "smpassible” qui parat susceptible de toner", de dynamiser Jes consitants dea pare dsjonctinjconjonction Aisjonction, sonnet, pase impassible pase impasse = deective pnicipative sconpltve explétive 32 CLAUDE ZILBERBERG rien dautre que Vexpression de ce mouvement cireulaire de la pensée qui doit toujours se développer & la fois synthétiquement et analstiquement, rogresser et réresser, en décomposant les contenus particuliers jusqu' leurs ‘acteurs constituifs pour ensuite produire ces contenus “sénétiquement” partir des facteurs qu'alors on présuppose>.”* Convient-il, & Pinstar de Cassirer Ini-méme dans cet extrait, de placer sur le méme plan le tri et le mélange, la disjonction et la conjonction, analyse ct la synthése? ou bien d'introduire quelque dissymétrie, quel- gue privilége comme nous avons fait en optant pour la dénomination “analyse pratique”? Loin d’opposer lanalyse 2 la synthése, nous instal- Jons I'analyse comme constant et la synthése comme variable: une analy se peut advenir sans synthése ultérieure, mais une synthése novatrice, et ‘non une simple recomposition ou reconstitution, présuppose une analy- se. Sur la dimension véridietoire, la synthése avere Panalyse. Dans la terminologie glossématique, a synthése détermine I'analyse 5.2, Rythmes namatif Tl nous faut maintenant préciser les raisons en vertu desquelles la tein: ture peut étre identifiée & l’épreuve glorifiante. Deux arguments peu vvent étre avancés 1) cette hypothése devient aisée & valider si on admet, aprés Greimas, «que certains parcours ont pour orientation préférentielle ce qu'il appelle la “construction d’ objets”: ii) pour une ou plusieurs raisons délicates a déméler — parce que, & Pin. star de historien, nous eésstons mal la tentation d'espliques la cause par effet... ~ la pensée dite rationnelle fait un grand usage de la linéar- 4, alors que la penséc, convientil de la dire préscientifique? ascientfi- aque? antiscientifigue? ne veut connaitre que le volume. En raison de ce que G. Bachelard appelle la “substantialisation de Vintime”, une qualité est une matidre et une matitre est un dedans. Au niveau figural, Palchi mie agit en fonction dune axiomatique de la rétension et au niveau figu- ratif elle doit affronter une inspéndirabiité que d Alembert incluait dans I dfntion do “cope qvelongne” par oporiton a ors atom que”: ale suppose que jaie entre les mains un corps solide quelcongue, iting d'abord ls rot choses, érendue, bornes en tous sens, et mpeg. trablite; je fais abstraction de cette demiére, il me reste V'idée d'évendue et celle de bornes, et cette idée constitue le corps géométrique,.. Je fais ensuite abstraction de l'étendue ou de lespace que ce corps renferme, pour ne con- sidérer que ses bornes en tous sens; et ces bornes me donnent ide de surface (qui se réduit, dune étendue de dews dimensions...» 2B. Cassrer, op, cit, pp. 39-54 % AJ. Grelman, Daven lop. cit p16 5 Antcle “surtace” dans le Ditionnare Robert, ci par Fr. Bastide dane son grade, pploat ‘TRIS EY MELANGES DANS LA QUATRIEME PARABOLE 33 5.2.1. Le prima de la vision et anivers claustral cease ext rélé pa le tée-uéce du verouil- lage vétensif ex ca devernouillage détenif, din caderas ct di sesame, Par tote de consequence, penetre, est connaite et connate, «est pene Yee Cet univers rescortit davantage une suite de bites, de “poupées ‘ises?s ouvrant ou se refermant le unes sur les autres, et une invest ation mentale deTespace, meme chez un Pascal, et congue davantage Eomme une succession de sorties et d’entrées que comme un change ment de places sur un échiguier ou an cadascre" Cette €quivalence, ncore sivage dans bien des pratigues ciscusives,instrit un syneret Sme entre dimension cognitive et dimension prajmatique: «La volonté Ue regarder a Uinteeur des cores rend la one "perpnte’, la tue “PonGiran te Elle fut de avision une oolencen.” Dans la séquence ela seintare, les changements successifs de couleur renseigneot k mete sujet opérateur sur le bon derolement de f opera tion, Cesta dire quils constituent un code aspectel élementaze mais | wirue daSchinet | dbname * elfen | oan ar ce parcours chromatique, la matiére accéde au réle actantiel di formateur et fait donc savoir l’observateur que les opérations sont arri- vées 3 leur terme et gu’elles ont été efficaces. Le te:me méme d“illan nation”, préféré A celui de rougeoiement ou de rutilation, ae foe ju’il se passe ici davantage qu'un simple changement de couleur. Et, de flit, c'est une eonloncion avec le “lumire": “Tu vos une lumibreadmi- rable dans les ténébres” - conformément a l’acception religieuse tradi- Sung nos enon as es i, Hide Inde dar acai a que sila decion ails selon mppochenondagromen ext a premre direnson a Keotkns Geen cect Rtement sow rete ans vero oka do ‘some dimension (1) 8 die provioneont comme tdiuart le dare dent tee {eel fe cee ge son to sete) Cate difrece tele one ue rein ti {eon lam es obj ose contra don itn de Fie te lation ata 28 tam debe erage en exert Youre in La care dt ca, Munich, W Fink, . 18) est difcie de ne pes entrevc: ies points dsppi da onsitionnement ‘Je imaginare rds Late tes veri de repo, ope,

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