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Texte 4 Boltanski, Chiapello - Le Nouvel Esprit Du Capitalisme-Gallimard (2011)
Texte 4 Boltanski, Chiapello - Le Nouvel Esprit Du Capitalisme-Gallimard (2011)
2. L'ÉVOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE
DU MANAGEMENT DES ANNÉES 60 AUX ANNÉES 90
a. c Reconnus dans leur rôle de relais technique, les cadres demandent beaucoup
plus[ ...] ils se sentent trop insérés dans un contexte rigide ; il leur semble qu'ils sont
enrégimentés et qu'ils s'asphyxient[ ... ] ils se plaignent souvent de l'étroitesse de
leurs marges d'initiative ; ils supportent mal de n'être pas investis d'une large
confiance • (Aumont. 1963 e ).
b. c Les cadres aspirent davantage à la •cogestion". [ ... ] Ils souffrent de ne pas
·connaître plus les situations à partir desquelles sont fixés les objectifs" et de n'avoir
pas ·plus de contacts réels avec le patron". [ ...]Ils pensent que l'autorité de ceux-ci
[leurs chefs] peut demeurer intacte et se trouver même renforcée, si, au lieu d'opé-
rer dans le mystère, ils font en sorte de susciter chez leurs subordonnés le plus pos-
sible ·d'actes libres concourant à l'exécution des décisions prises au sommet" •
(Bloch-Lainé, 1963 e).
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a. c Dans la grande entreprise, le chef ne garde le contact qu'avec les chefs de ser-
vice, mais perd le contact avec les exécutants : ses ordres suivent la voie hiérarchi-
que, transmis et retransmis un grand nombre de fois, dénaturés parfois lors de ces
transmissions, en tout cas retardés. Comme les initiatives individuelles ne sont pas
tolérées, les ordres d'en haut doivent être nombreux et détaillés: c'est le règne du
papier[... ]. !.:attitude du personnel devient passive[... ]. !.:individu n'est plus qu'un
rouage dans un ensemble anonyme, soumis non à des hommes, mais à des règle-
ments,. (Borne, 1966 e).
b. c Le gigantisme er.tratne toujours un formalisme plus grand dans les relations,
depuis les formules réglementées jusqu'aux imprimés dont on use d'abondance. n
advient même qu'en certains sexvices l'individu ne soit plus connu, représenté et
manié que par les perforations chiffrées et codées d'un rectangle de carton. [... ]A ce
stade il devient évidemment difficile pour lui de garder les yeux fixés sur 1e but final
de l'entreprise» (Colin, 1964 @).
c. " La dimension de nos entreprises a tant augmenté que la limitation des liber-
tés individuelles est devenue un sujet d'intérêt national. Comme le dit John Gard-
ner : "Chacun s'inquiète à juste titre des restrictions nouvelles et subtiles qu'impo-
sent à l'individu les grandes organisations. Une société moderne se caractérise
forcément par une organisation complexe. Il n'y a pas le choix. Il faut donc nous
défendre de notre mieux contre ces contraintes considérables"» (Bower, 1968 e).
d. c Mais tous ces moyens ne sont que des "techniques" sans grand effet si elles
ne sont pas animées par un esprit "démocratique" des dirigeants. Ce problème
grave se pose d'ailleurs aussi bien dans l'entreprise de type collectiviste que dans
l'entreprise capitaliste» (Borne, 1966 e).
e. « Ces mentalités financières, mécaniques, productivistes, c;>nt été reproduites
sous des doctrines différentes, par des régimes politiques différents. Je n'ai pas
besoin de vous rappeler le national-socialisme, ou bien de vous référer au Stakhano-
visme, pour que vous reconnaissiez, ou à Berlin ou à Moscou, ce que Detroit, avec
Ford, avait déjà enseigné » (Devaux, 1959 ©).
Le discours de management des années 90 113
a. « [ll faut] Déterminer les rapports hiérarchiques entre les différents postes.
Ainsi toute personne saura qui est son chef et quels sont ses subordonnés; elle
connaîtra la nature et l'étendue de son autorité propre et de celle à laquelle elle est
soumise • (Bower, 1968 @).
b. «La position occupée sur l'organigramme indique suffisamment le rang hié-
rarchique, sans des symboles aussi vains que les différences d'ameublement des
bureaux. Minimiser ces symboles n'est pas supprimer la notion de rang hiérarchi-
que, qui est inhérente à l'entreprise du fait que certaines fonctions sont plus essen-
tielles que d'autres à l'accomplissement d'objectifs ou que certaines personnes
contribuent plus que d'autres à fixer ces objectifs • (Hughes, 1969 @).
c. « Le chef ayant défini les attributions et pouvoirs de ses subordonnés ne doit
pas s'ingérer dans ces domaines délégués • (Hugonnier, 1964 @).
118 Le nouvel esprit du capitalisme
a. • N'éveillez pas les espoirs ! Toutes les décisions n'appellent pas une participa-
tion. Si votre équipe ne peut pas apporter une contribution logique et raisonnable,
ne leur demandez pas leurs idées. Les gens qui sont sollicités dans ce sens en dédui-
sent souvent que leurs propositions seront automatiquement acceptées et réalisées.
N'éveillez pas d'espoirs inutiles. Expliquez clairement jusqu'où vous pouvez aller,
cela ne sera pas inutile • (Allen, 1964 C).
120 u nouvel esprit du capitalisme
a. • Les visions les plus riches et les plus mobilisatrices sont celles qui ont du
sens, qui répondent à des aspirations • (Bellenger, 1992 C).
b. • La vision confère du sens: elle pointe l'avenir du doigt: elle transcende les
objectifs à court tenne en les insérant dans un tout. Enthousiasmante, la vision est
non seulement une mission, mais aussi un puissant aimant. Comme les grands
défis, la vision réveille la capacité collective • (Crozier et Sérieyx eds, 1994 0).
c. • Le leader est celui qui est investi par le groupe, celui dans lequel, consciem-
ment ou inconsciemment, chacun se retrouve. Grâce à son influence, à son art de la
vision et à ses orientations, il crée un courant qui invite chacun au dépassement, à
la confiance et à l'initiative • (Cruellas, 1993 ©).
d. • Les bons leaders savent stimuler les autres par la puissance et l'enthousiasme
de leur vision et donner aux hommes le sentiment qu'ils font quelque chose
d'important et qu'ils peuvent être fiers de leur travail• (Moss Kanter, 1991 0).
Le discours de management des années 90 129
a. • Pour que la mobilisation autour d'une vision puisse être effective, le leader
doit également et absolument inspirer confiance • (Crozier et Sérieyx Eds, 1994 @).
b. • Il faut une capacité d'autonomie, comme il faut une capacité d'amitié.
Accompagner quelqu'un, c'est être à la fois très proche de lui pour s'intéresser à son
histoire et assez loin pour lui laisser un espace de liberté : c'est lui qui choisit
d'être aidé et cette aide doit être bâtie sur un vrai climat de confiance • (Aubrey.
1990 ©).
c. • Les stratégies de faire plus avec moins donnent un plus grand prix à la
confiance que les pratiques des entreprises traditionnelles. La collaboration, les
joint-ventures, les partenariats entre employés et entreprise ainsi que les multiples
formes d'alliance impliquent la confiance. Sans confiance, la communication de
l'information stratégique ou 1e partage de ressources essentielles serait impossible.
Mais ces mêmes partenaires doivent pouvoir compter l'un sur l'autre, être sOrs que
l'on n'abusera pas d'eux • (Moss Kanter, 1992 ©).
d. • En effet les individus sont de plus en plus sceptiques. Ils perçoivent les dis-
cours pour ce qu'ils sont : des intentions [... ]. Cette méfiance grandissante contraint
cependant les patrons à l'exemplarité, mais également à la constance et à la cohé-
rence jusque dans les moindres détails de l'action quotidienne. La confiance ne se
gagne qu'à ce prix • (Crozier et Sérieyx Eds, 1994 0).
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a. «Le rapport de forces n'est plus de mise lorsqu'il s'agit d'emporter radhésion,
de un sentiment de satisfaction et de confiance chez l'autre • (Aktouf, 1989 C).
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