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Julie Dubois
Julie Dubois
THESE pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITE BORDEAUX II
Membres du Jury
THESE pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITE BORDEAUX II
Membres du Jury
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Remerciements
Je tiens à lui exprimer mes remerciements pour m’avoir accueillie dans son équipe de
ses conseils précieux, et de son soutien tout au long de ce parcours en recherche et lui exprime
ma sincère gratitude.
qualité de rapporteur.
Je remercie le Docteur Gabriel ETIENNE qui, sans hésiter, a soutenu ce projet qui n’aurait
pu voir le jour sans l’appui d’un clinicien et sans ses patients. Je le remercie de sa
Je remercie l’ensemble des membres et chercheurs de l’unité VINCO qui m’ont tous,
directement ou non, aidé dans ce parcours. Je remercie plus particulièrement pour leur aide
précieuse et leur amitié, Docteur Audrey Laroche, Docteur Lydia Lartigue et Docteur Charles
Dupin.
de l’Institut pour les services qu’ils m’ont rendu et pour leur compréhension au cours de ces
années de thèse, au Docteur Françoise Durrieu, à Sylvie Huët, à l’ensemble des techniciens du
laboratoire et aux internes successifs, en particulier aux Docteurs Laurie Monnier et Olivia
Bossi.
Je remercie mes parents et amis qui m’ont permis, par leur soutien, de mener à bien ce travail.
4
Table des matières
Introduction 9
5
II. Les polymorphismes génétiques : fonctions et associations dans les SMD 37
II.1. Les polymorphismes génétiques 37
II.2. Les single nucleotide polymorphisms (SNP) 38
II.3. SNP et syndromes myélodysplasiques 40
V. Résultats 59
V.1. Résultats des génotypages de la SNP Chip 384 sur la cohorte de 65 patients 59
V.2. Résultats des génotypages des SNP rs2308321 et rs2308327 sur la cohorte de
validation 61
I. Introduction 62
II. Objectif 64
6
III. Patientes, matériels et méthodes 65
III.1. Patientes 65
III.2. Matériels 66
III.3. Méthodes 66
IV. Résultats 66
II. Objectifs 80
7
III.4.2. Western blot 91
III.5. PCR quantitative 92
III.6. Étude de la méthylation du promoteur de MGMT 93
III.7. Tests de cytotoxicité 94
III.7.1 Agents cytotoxiques testés 94
III.7.2. Tests d’inhibition de croissance au MTT par mesure de l’activité métabolique 95
III.7.3. Mesure de l’inhibition du pouvoir clonogène 95
III.8. Co-cultures des lignées WT et SNP1+2 et quantification d’allèles 96
III.9. Étude de la demi-vie de la protéine MGMT 97
IV. Résultats 97
IV.1. Analyses in silico 97
IV.1.1. Structure secondaire des ARNm 97
IV.1.2. Fréquence d’utilisation des codons 99
IV.1.3. Propriétés physico-chimiques des acides aminés substitués 99
IV.2. Génération des lignées isogéniques exprimant la MGMT sauvage ou variante 100
IV.2.1. Absence d’expression de la MGMT dans la lignée 293T 100
IV.2.2. Expression de la MGMT dans les lignées transduites 102
IV.3. Chimiosensibilité des lignées isogéniques 104
IV.3.1. Inhibition de croissance évaluée par tests au MTT 104
IV.3.2. Inhibition de l’efficacité de clonage 106
IV.4. Recherche d’un avantage prolifératif conféré par la variation étudiée 107
IV.5. Demi-vie des protéines MGMT commune et variante 109
V. Discussion 110
8
Ce travail de thèse a été réalisé au sein de l’équipe de pharmacogénétique des agents anti-
cancéreux, sous la direction du Pr. Jacques Robert, dans l’unité INSERM U916 VINCO
(Validation et Identification de Nouvelles Cibles en Oncologie) dirigée par le Pr. Josy
Reiffers. Notre équipe étudie le rôle des polymorphismes génétiques dans la réponse aux
agents anti-cancéreux, dans des modèles cellulaires in vitro, et chez les patients, dans des
essais cliniques. Ces approches ouvrent la voie vers la possibilité de prédire la réponse à
différents traitements et ont pour objectif de parvenir à une thérapie anti-cancéreuse
personnalisée à chaque patient.
Nous nous sommes intéressés aux syndromes myélodysplasiques, qui sont un groupe
hétérogène de pathologies myéloïdes dont l’incidence est en augmentation en raison du
vieillissement de la population. Les formes secondaires de syndromes myélodysplasiques,
c’est-à-dire celles faisant suite à un traitement anti-cancéreux, ont un pronostic
particulièrement péjoratif et sont une préoccupation médicale importante dans le suivi à court
et à long terme des patients pris en charge par les oncologues et les radiothérapeutes pour un
cancer primitif. Ces formes de myélodysplasies liées au traitement sont en augmentation,
d’une part en raison de l’utilisation plus large des agents cytotoxiques, chimiothérapie et
radiothérapie, et d’autre part en raison de la survie prolongée des patients traités pour un
cancer primitif, laissant la possibilité du développement d’une leucémie secondaire.
9
myélodysplasiques et les génotypes de 384 polymorphismes de simple nucléotide (SNP,
Single Nucleotide Polymorphism).
Ce manuscrit de thèse expose notre étude en deux parties. La première partie est consacrée à
la recherche translationnelle effectuée depuis le recrutement prospectif des patients atteints de
cette pathologie, jusqu’au génotypage et à l’identification d’une association entre le caractère
secondaire des myélodysplasies et certains polymorphismes génétiques, complétée par une
étude épidémiologique pour rechercher la valeur prédictive de cette association. La deuxième
partie expose les études fonctionnelles réalisées in vitro sur l’impact biologique des
polymorphismes identifiés.
10
A. Identification de polymorphismes génétiques associés aux
syndromes myélodysplasiques
I.1. Définition
I.2. Étiologies
Selon la définition de l’OMS, les SMD primaires ou de novo surviennent en dehors de tout
antécédent d’exposition à une chimiothérapie et/ou une radiothérapie pour un cancer antérieur
(1). De nombreux facteurs de risque interviennent dans la prédisposition aux SMD primaires,
parmi lesquels le tabagisme, l’exposition aux toxiques chimiques et aux solvants utilisés en
agriculture (fertilisants, herbicides, pesticides), l’exposition aux dérivés du benzène (industrie
pétrochimique, peintures) et des antécédents familiaux d’hémopathies (2, 3). Des hémopathies
congénitales telles que l’anémie de Fanconi, les syndromes de Diamond-Blackfan et
Shwachmann-Diamond, la dyskératose congénitale, sont associées à un risque augmenté de
SMD. Le risque de SMD et de leucémie aiguë (SMD/LA) à la suite de l’exposition aux
radiations ionisantes a été étudié chez les survivants de Nagasaki après l’explosion de la
bombe atomique, chez qui le taux de SMD croît de manière linéaire en réponse à la dose de
radiations ionisantes reçues, et ceci jusqu’à 40 à 60 ans après l’exposition (4).
11
Les SMD secondaires représentent 10 à 20 % des cas de SMD et surviennent à la suite d’une
chimiothérapie et/ou radiothérapie pour un cancer antérieur. Les agents cytotoxiques
impliqués sont représentés dans le Tableau I.
I.3. Épidémiologie
Les SMD touchent principalement le sujet âgé avec un âge médian de 70 ans et une incidence
annuelle de 3 pour 100 000 habitants mais atteignant 20 pour 100 000 en incidence spécifique
à la tranche d’âge des plus de 70 ans (1, 5). Une étude épidémiologique, le projet
HAEMACARE (6), a répertorié les cas d’hémopathies de 2000 à 2002 à partir de 44 registres
européens de cancer. Le taux d’incidence standardisé à l’âge était de 24,5/100 000 pour les
hémopathies lymphoïdes et de 7,5/100 000 pour les hémopathies myéloïdes. Parmi les
hémopathies myéloïdes, les plus fréquentes étaient les leucémies aiguës, avec un taux
d’incidence standardisé (par référence à l’âge) de 2,96/100 000, les autres hémopathies
myéloprolifératives, de 1,76/100 000, puis les syndromes myélodysplasiques, de 1,24/100
000. Les taux d’incidence observés des SMD apparaissent plus faibles en Europe qu’aux
États-Unis, probablement en raison d’une sous-déclaration de ces pathologies dans les
registres de cancer, car elles ont été longtemps considérées comme non-malignes, jusqu’à
l’adoption de l’ICD-O-3, classification internationale des pathologies en oncologie (3e
édition), en 2000. Le groupe de travail sur la surveillance des cancers rares en Europe,
RARECARE, a publié récemment une étude des cas d’hémopathies myéloïdes enregistrés
entre 1995 et 2002 dans 64 registres européens de cancer (7). Ici encore, les plus fréquentes
sont les leucémies aiguës (taux d’incidence = 3,7) et autres hémopathies myéloprolifératives
(taux d’incidence = 3,1), puis venaient les SMD (taux d’incidence = 1,8), suivis des
12
pathologies histiocytaires et dendritiques (taux d’incidence = 1,1). Enfin, il existe une légère
prédominance masculine des SMD.
Chez les patients traités pour un lymphome de Hodgkin, le risque de SMD/LA secondaire est
10 à 80 fois supérieur à celui de la population générale avec une incidence cumulée à 10 ans
comprise entre 1 % et 10 %. Brusamolino et al. (9) ont analysé une série de 1659 patients
traités pour lymphome de Hodgkin sur un suivi de 10 ans. Le risque leucémogène le plus
important concerne les patients traités par le protocole MOPP (méchloréthamine, vincristine,
procarbazine, prednisone) avec un risque cumulé à 10 ans de 2,2 %, plus important encore si
la radiothérapie a été associée (10,2 %). Le risque est quasi nul lorsque la méchloréthamine
est enlevée des protocoles et aucun cas de SMD/LA secondaire n’avait été observé parmi les
153 patients de cette étude traités par ABVD (adriamycine [doxorubicine], bléomycine,
vinblastine, dacarbazine), seul ou avec radiothérapie, protocole le plus largement utilisé
aujourd’hui.
Les patients atteints de lymphome non-hodgkinien sont à risque de SMD secondaire avec une
incidence cumulée globale de 10 %, chez les patients traités soit par chimiothérapie
conventionnelle, soit par chimiothérapie intensive suivie de greffe autologue de cellules
souches, dans les 10 ans suivant le traitement initial (10). D’une manière intéressante,
l’incidence des SMD/LA secondaires, considérés comme liés au traitement antérieur du
lymphome, est plus élevée après greffe autologue de cellules souches. La procédure elle-
même de la greffe pourrait être en cause avec les conditionnements par irradiation corporelle
totale et la prolifération cellulaire augmentée lors du recueil des cellules souches et pendant la
phase de greffe (11).
13
l’irradiation cérébrale. Pui et al. (12) ont suivi 827 patients traités et en première rémission de
LAL ; le risque de second cancer cumulé à dix ans était de 5,1% et le délai médian
d’apparition de ces cancers secondaires après la fin de traitement de la LAL était de 4,8 ans.
Il existe un risque augmenté de SMD/LA secondaire chez les patientes traitées par radio-
chimiothérapie pour un cancer du sein. Praga et al. (13) ont revu 19 essais randomisés de
patientes traitées par épirubicine et cyclophosphamide pour cancer du sein. Le risque cumulé
à 8 ans était de 0,55 %, mais avec une grande variabilité entre les patientes ayant reçu des
doses cumulées standard (0,37 %) ou élevées (4,97 %) d’épirubicine. Dans une large étude
cas-contrôles française (14), le risque de SMD/LA secondaire chez les femmes traitées pour
cancer du sein était supérieur chez celles ayant reçu une chimiothérapie à base de
mitoxantrone par rapport à celle à base d’anthracyclines, avec un risque relatif de 15,6 et 2,7
respectivement. Après ajustement des variables liées au type de traitement par analyse
multivariée, ce risque était encore augmenté en cas d’utilisation de facteur de croissance
granulocytaire G-CSF et chez les patientes ayant reçu en outre de la radiothérapie.
14
l’évolution vers la leucémie aiguë, avec un blocage de la différenciation cellulaire à un stade
précoce de maturation et cette fois une résistance à l’apoptose (16, 17).
Alors que des anomalies caryotypiques sont connues et associées aux SMD depuis des
décennies, des anomalies moléculaires de gènes intéressant de nombreuses voies cellulaires,
non visibles à l’examen cytogénétique classique, ont été récemment décrites, ainsi que des
anomalies de la régulation épigénétique de l’expression de certains gènes, ou encore un rôle
du micro-environnement médullaire ou du contexte immunitaire de l’hôte. Ce large spectre
d’anomalies génétiques et épigénétiques pourrait expliquer l’hétérogénéité du phénotype
clinique des SMD.
15
a) Le sous-type « alkylant »
Le sous-type alkylant des SMD se présente avec des délétions ou pertes des chromosomes 5 et
7 et se déclarent en phase chronique précoce de SMD après une période de latence de 5 à 10
ans après le traitement alkylant. Les agents alkylants sont connus pour induire des ponts inter-
brins bloquant la transcription ou la réplication, des adduits sur les bases de l’ADN entrainant
des mutations et des lésions chromosomiques variées.
Parmi les patients avec anomalies du 7 et chromosome 5 normal, on observe souvent des
mutations du facteur de transcription AML1 (RUNX1) et des mutations associées des gènes
RAS (KRAS et NRAS). Une méthylation du promoteur de P15 (INK4B) est associé à la
progression de la maladie avec un excès de blastes et transformation en LAM. (19)
Les patients avec délétion partielle ou totale du 5, avec ou sans anomalie du 7, ont
classiquement un caryotype complexe (plus de trois anomalies cytogénétiques) et leur
pronostic est extrêmement sévère. Chez ces patients, on observe une association significative
de la délétion du 5 avec des mutations de TP53, et avec une perte d’hétérozygotie du gène
TP53 par une délétion 17p (20, 21). Cette perte de p53 est responsable d’une instabilité
génétique conduisant aux caryotypes complexes avec des réarrangements chromosomiques
importants, des amplifications ou duplications des bandes 11q23 et 21q22 concernant les
gènes MLL et AML1 respectivement (22). Chez ces patients atteints de SMD secondaires aux
agents alkylants, les mutations de TP53 et la perte d’hétérozygotie du gène muté sont associés
une survie globale significativement plus courte qu’en cas de TP53 non mutés.
Parmi les SMD/LA de novo, des délétions similaires des bras longs des chromosomes 5 et 7
peuvent être observées, bien que moins fréquentes que dans les SMD secondaires. Ces
leucémies primaires avec anomalies du 5 et du 7 montrent une évolution et un pronostic
similaires à ceux des SMD/LA secondaires et ont été associées à une exposition préalable aux
toxiques chimiques, solvants organiques et pesticides.
16
Les transcrits de fusion chimériques issus du réarrangement du gène MLL avec des partenaires
variés sont les plus fréquents et entraînent des LAM de type myélo-monocytaire, LAM 4 ou
LAM 5 de l’ancienne classification cytologique FAB (23). Des mutations coopératrices de
cette leucémogenèse sont retrouvées sur la voie de la protéine RAS avec des mutations
activatrices de RAS et de BRAF (24). Les mutations de RAS étaient également décrites dans
les LAM de novo avec réarrangement du gène MLL.
D’autres translocations récurrentes impliquent les bandes 21q22 ou 16q22 et conduisent à des
réarrangements chimériques entre les gènes du Core Binding Factor (AML1 ou RUNX1 et
CBF) et des partenaires multiples. Ces anomalies font suite le plus souvent au traitement par
anthracyclines. Comme dans les LAM de novo, les réarrangements des gènes du CBF
coopèrent avec des mutations de FLT3 et de KIT. Ces mutations ponctuelles de FLT3 ou la
duplication en tandem ITD-FLT3 sont également retrouvés associées aux cas de LA
secondaires avec réarrangements PML-RARA de la translocation t(15 ;17).
Il existe une coopération dans la leucémogenèse entre des mutations des gènes de classe I qui
activent constitutionnellement les voies de signalisation des MAP kinases comme FLT3, KIT,
FMS, RAS et BRAF, et des mutations de classe II inactivant des facteurs de transcription
hématopoïétiques tels AML1, CBFB, MLL et RARA. Les mutations de classe I des voies des
récepteurs à activité tyrosine kinase et des molécules de transduction du signal en aval
semblent être mutuellement exclusives. Elles s’associent de manière significative aux
mutations de classe II, tels que RAS muté associé à AML1 réarrangé ou RAS muté avec les
réarrangements du gène MLL. (20) Cette coopération entraine une augmentation de la
prolifération et un blocage de la différenciation caractéristiques des phases de transformation
en LAM.
17
Tableau II. Principales voies génétiques impliquées dans la pathogénie des SMD/LA.
Adapté de Pedersen-Bjergaard, Leukemia, 2006 (20)
d) Le syndrome 5q-
Des cas de SMD primaires avec délétion interstitielle du bras long du chromosome 5 comme
anomalie cytogénétique unique, associée à une anémie réfractaire sans excès de blastes,
représentent une entité clinico-biologique spécifique : le syndrome 5q-. Ces patients ont un
taux de plaquettes normal, voire augmenté, et un pronostic très favorable avec un risque très
faible de progression vers la LA. À la différence des anomalies du 5 associées à d’autres
anomalies, souvent des caryotypes complexes, où la région commune délétée est en 5q31, la
18
région délétée dans le syndrome 5q- est plus distale, en 5q33.1. Son étude a permis
l’identification d’un gène impliqué directement dans la genèse de ce syndrome. Ebert et al.
(26) ont identifié par stratégie d’ARN interférence le gène RPS14 dont l’haplo-insuffisance
est directement responsable du phénotype de la maladie. La perte de fonction de la sous-unité
ribosomale RPS14 dans des progéniteurs hématopoïétiques normaux reproduit la maladie et la
réexpression de cette protéine restaure le phénotype normal. D’autres protéines ribosomales
non fonctionnelles sont retrouvées dans l’anémie de Blackfan-Diamond, une hémopathie
congénitale qui se caractérise également par une altération de la différenciation érythrocytaire
et une anémie macrocytaire réfractaire. Une étude récente a montré que la délétion de deux
micro-ARN situés en 5q33, miR-145 et miR-146, coopère avec la délétion 5q33.1 du gène
RPS14, en donnant un avantage sélectif au clone 5q- (27).
Des translocations et inversions impliquant la bande 3q26 sont identifiées dans les SMD. Ces
anomalies activent l’expression du gène EVI1 qui à son tour dérégule l’activité de plusieurs
facteurs de transcription, tels MDS1-EVI1, GATA1, PU.1 et RUNX1, responsables d’un
défaut de l’hématopoïèse. L’hyperexpression de EVI1 est associée à un mauvais pronostic.
(29)
Hormis les anomalies moléculaires précédemment décrites comme souvent associées à des
sous-types cytogénétiques particuliers (TP53, RAS, BRAF, FLT3, KIT), un large panel
d’anomalies moléculaires a été récemment décrit dans les SMD/LA et indique que de
multiples mécanismes moléculaires sont impliqués dans la pathogénie de ces leucémies. Elles
se rencontrent dans les gènes qui interviennent dans la régulation épigénétique de la
transcription, tels que TET2, ASXL1, DNMT3A, IDH1/2. De plus, une régulation épigénétique
aberrante pourrait entraîner la répression de gènes au rôle important dans l’arrêt du cycle
19
cellulaire et la différenciation, contribuant à la transformation maligne des cellules souches
hématopoïétiques normales.
TET2 est le gène le plus fréquemment muté dans les SMD, chez près de 20 % des patients, et
sa mutation est également retrouvée dans les syndromes myéloprolifératifs (10 %), la
Leucémie MyéloMonocytaire Chronique (LMMC) (30 % à 50 %) et les LAM post-SMP et
post-SMD (25 %) (30). TET2, comme son homologue TET1, code une dioxygénase qui avec
l’-cétoglutarate permet la conversion des 5-méthyl-cytosine en 5-hydroxyméthyl-cytosine,
altérant ainsi l’empreinte épigénétique créée par les ADN méthyltransférases. Les mutations
de TET2 ne semblent pas entraîner de dysplasie, puisqu’on les retrouve dans les SMP, ni
d’accélération proliférative des SMD/LA puisqu’on les trouve également dans les SMD de
bas risque. TET2 muté pourrait faire acquérir une étape pathogénique commune aux
pathologies myéloïdes, comme l’augmentation de la dominance du clone pathologique. Les
mutations de TET2 sont de mauvais pronostic dans la LMMC et les LAM, leur rôle
pronostique est encore controversé dans les SMD.
Des mutations d’ASXL1 ont été décrites dans 10 % des SMD et SMP, 17 % des LAM et plus
de 40 % des LMMC qui sont classées comme syndromes frontières entre SMD et SMP. La
fonction de la protéine codée par ASXL1 est peu connue mais c’est une protéine nucléaire
impliquée dans les modifications de la structure chromatinienne. La fréquence de ces
mutations dans les stades tardifs de SMD/LA font suggérer un rôle dans la progression de la
maladie (31).
Les mutations d’IDH1 et IDH2 ont d’abord été décrites dans les gliomes. IDH1 et IDH2 sont
des enzymes NADP+ dépendantes qui convertissent l’isocitrate en -cétoglutarate et se
localisent respectivement dans le cytoplasme et dans l’appareil mitochondrial. Les mutations
conduiraient à un gain de fonction de la protéine avec une augmentation du taux de 2-
hydroxyglutarate produit par les cellules. Les mutations d’IDH1 et IDH2 sont retrouvées dans
les cas de SMD (5 %), de syndromes frontières SMP/SMD (9 %) et de LAM post-SMP et
post-SMD (10 %) (32). Ces mutations semblent s’associer aux caryotypes normaux des LAM
de novo, NPM1 muté et sans duplication interne de FLT3 conférant un pronostic défavorable
dans ces cas (33). Les mutations d’IDH1 et IDH2 n’ont pas de valeur pronostique claire dans
20
les SMD et SMD/SMP mais leur présence dans les phases précoces de SMD, de SMP/SMD
chroniques et dans leur phase accélérée suggère un rôle dans le phénotype dysplasique.
La mutation V617F du gène JAK2, faisant désormais partie des critères diagnostiques de la
maladie de Vaquez, de la myélofibrose primitive et de la thrombocythémie essentielle, a été
décrite dans les SMD. On la retrouve dans 5 % des cas « tout venant » de SMD où elle n’a pas
de valeur pronostique. Une forme particulière de SMD, l’anémie réfractaire avec
sidéroblastes en couronne (ARS, Anémie Réfractaire Sidéroblastique) et thrombocytose
(ARS-T), montre une association très fréquente avec cette mutation retrouvée dans 60 % des
cas d’ARS-T. La mutation activatrice de cette protéine à activité tyrosine kinase dans le
groupe des ARS avec thrombocytose, et son acquisition lors du passage des formes ARS à
ARS-T, font suggérer que cette forme clinique est en fait un syndrome frontière entre SMD et
SMP. (34)
– Anomalies du spliceosome
Récemment, les techniques de séquençage de nouvelle génération ont permis d’identifier des
mutations de facteurs d’épissage ayant un rôle important dans le système du spliceosome. Les
mécanismes de régulation de l’épissage sont une machinerie complexe faisant intervenir des
petites ribonucléoprotéines. Ils prennent en charge la maturation des pré-ARNm en ARNm et
contrôlent la diversité des variants d’épissage. Une mutation de la sous-unité de facteur
d’épissage SF3B1 a d’abord été décrite dans les SMD. SF3B1 muté est retrouvé dans 68 à 81
% des ARS et ARS-T et dans 7 % des cas de SMD et SMP/SMD sans sidéroblastose. Un rôle
de ce facteur d’épissage et de la régulation post-transcriptionnelle en général est évoqué dans
la pathogenèse de cette forme clinique avec anomalie de la répartition cellulaire du fer dans
les érythroblastes (35). La valeur clinique de cette mutation en termes de pronostic, de survie
et de taux de transformation en LAM, montre à ce jour encore des résultats discordants entre
un effet favorable de SF3B1 muté ou l’absence d’effet, probablement en raison de
l’hétérogénéité des cohortes cliniques étudiées. D’autres mutations de facteurs d’épissage
impliquent une régulation post-transcriptionnelle anormale comme mécanisme potentiel dans
la pathogénie des SMD. Ainsi U2AF1 présente une mutation faux-sens dans 8,7 % des cas de
SMD primaires et est associé à un risque augmenté de progression de la maladie vers la LAM
(36). Récemment une étude française a montré, à partir de 220 patients atteints de SMD, que
près de la moitié des patients présentaient des mutations de quatre gènes de la régulation de
l’épissage : SF3B1, SRSF2, ZRSR2, U2AF35 (37). Ces mutations apparaissent mutuellement
21
exclusives et chacune s’associe à d’autres gènes altérés dans les voies de régulation
épigénétique de la transcription. Ainsi, la moitié des patients avec DNMT3A mutés présentait
une mutation de SF3B1, les patients avec TET2 muté présentaient plus fréquemment les
mutations de SRSF2 et ZRSR2 et ceux avec ASXL1 muté s’associaient plus fréquemment à
l’altération de U2AF35. Ainsi, un lien entre ces deux voies moléculaires impliquées dans la
pathogénie des SMD est souligné. Enfin, leurs résultats montrent une association de ces
différentes mutations avec des phénotypes cliniques distincts de SMD au sein de cette
pathologie très hétérogène.
Des mécanismes de régulation épigénétique comme la méthylation des îlots CpG des
promoteurs des gènes ou des modifications de la structure des histones, régulent l’expression
des gènes. Les SMD présentent fréquemment des anomalies de la régulation épigénétique
avec des hyperméthylations de promoteurs de gènes impliqués dans la prolifération, comme
les régulateurs du cycle cellulaire CDKN2A, CDKN2B, l’adhésion cellulaire avec la E-
cadhérine (CDH1) et CTNNA1. (38) Ces anomalies épigénétiques fréquentes offrent des
possibilités thérapeutiques avec l’utilisation des agents déméthylants qui ont permis des
stabilisations prolongées des SMD (Voir chapitre I.7.2).
L’hyperméthylation du promoteur de CDKN2B (ou INK4B ou p15) a été très étudiée. C’est un
inhibiteur de CDK4 et CDK6 régulant ainsi l’entrée des cellules en phase G1. Son promoteur
est hyperméthylé dans 30 à 80 % des cas de SMD tous stades confondus, mais cette extinction
génique est associée à la progression de la maladie vers la LAM, au pourcentage de blastes
médullaires, aux délétions du 5 et du 7, au groupe des SMD/LA secondaires et à un pronostic
défavorable (39, 40). Le rôle fonctionnel de l’inactivation de CDKN2B a été établi dans un
modèle murin déficient où la formation des progéniteurs myéloïdes est augmentée
comparativement aux souris sauvages (41).
Une hyperméthylation globale du génome est associée à un pronostic défavorable des SMD
avec une progression plus rapide vers la LAM. Issa et al. (42) ont établi une signature de
méthylation prédictive de la survie globale et de la survie sans progression des SMD. Pour
cela, ils ont testé la méthylation d’îlots CpG des promoteurs d’un panel de 10 gènes (CDH1,
CDH13, ESR1, NOR1, NPM2, OLIG2, P15, PGRA, PGRB, RIL) et établi sa valeur
pronostique : la survie sans progression était de 6,4 mois chez les patients avec une
méthylation forte contre 14,9 mois chez ceux avec une méthylation faible (p = 0,01) sur 317
patients.
22
I.4.4. Microenvironnement et immunologie
I.5. Diagnostic
Le phénotype clinique des patients atteints de SMD est hétérogène de par le nombre et la
profondeur des cytopénies, la cellularité et le taux de blastes médullaires.
I.5.1. Clinique
Dans la grande majorité des cas un SMD est découvert à l’occasion d’un hémogramme
systématique, parfois indiqué devant des symptômes non spécifiques liés à l’anémie : asthénie
et altération de l’état général.
On recherche également l’ancienneté des cytopénies pour apprécier l’évolutivité du SMD, des
agents étiologiques (radiothérapie, chimiothérapie, immunosuppresseurs, exposition
professionnelle au benzène et dérivés, cette dernière pouvant faire l’objet d’une déclaration
comme maladie professionnelle indemnisable). Enfin, on peut retrouver des signes de
23
pathologie dysimmunitaire associés, fréquents dans les SMD (arthropathie, polychondrite,
vascularite, etc.).
I.5.2. Biologique
Le diagnostic de SMD est avant tout cytologique et repose sur l’examen attentif des frottis de
sang et de moelle.
a) Cytopénies
Sur une numération sanguine avec taux de réticulocytes et formule sanguine avec frottis, on
établit :
– Une anémie, anomalie la plus fréquente (90 % des cas). Elle est typiquement
normochrome, normo- ou macrocytaire, arégénérative. Le seuil critique retenu en faveur
d’un SMD est une hémoglobinémie inférieure à 10 g/dL. On peut observer sur le frottis
des anomalies qualitatives des hématies : anisocytose, poïkilocytose, ponctuations
basophiles, érythroblastes circulants.
– Une neutropénie, qui est isolée ou associée à l’anémie dans 20 à 30 % des cas. Le seuil
critique retenu en faveur d’un SMD est inférieur à 1,8×109/L polynucléaires neutrophiles.
Ces derniers présentent souvent des anomalies morphologiques témoignant de la
dysgranulopoïèse : dégranulation, hyposegmentation nucléaire (aspect de type Pseudo-
Pelger), ou hypersegmentation.
– Une thrombopénie est observée dans 30 % des cas, souvent modérée (supérieur à
50×109/L plaquettes), isolée ou associée aux autres anomalies. Le seuil critique retenu en
faveur d’un SMD est inférieur à 100×109/L plaquettes. On recherche sur le frottis des
anomalies morphologiques : plaquettes géantes, microplaquettes, granulations anormales
ou absentes, présence de micromégacaryocytes, témoins de la dysmégacaryopoïèse.
b) Cytologie médullaire
Le myélogramme, après aspiration du suc médullaire par ponction sternale ou iliaque, est
l’élément essentiel du diagnostic. La biopsie ostéo-médullaire n’est pas indiquée devant une
suspicion de SMD sauf en cas d’hypocellularité du myélogramme rendant le diagnostic
différentiel difficile entre une aplasie médullaire ou une myélofibrose et un véritable SMD à
moelle pauvre.
24
Au myélogramme, trois constatations cytologiques sont essentielles au diagnostic de SMD :
Cette richesse médullaire contraste avec les cytopénies périphériques et est le témoin d’une
hématopoïèse inefficace (Photo 1).
Ces signes de dysmyélopoïèse doivent être présents dans au moins 10 % des cellules d’une
lignée pour avoir une significativité.
25
Photo 1 : cellularité médullaire augmentée,
coloration MGG, grossissement 10x.
10x
10
60x
60x
60x
26
c) Anomalies cytogénétiques
Les anomalies chromosomiques, déjà décrites au chapitre I.4.2., sont retrouvées dans 50 %
des cas de SMD primaire et dans 80 % des cas de SMD secondaire. La répartition et la
fréquence de ces anomalies dans les SMD au diagnostic sont décrites dans le tableau II. Dans
certains cas de diagnostic difficile, comme devant l’absence de critères morphologiques
suffisants au myélogramme, la présence d’une de ces anomalies chromosomiques récurrentes
est un argument présomptif pour établir le diagnostic de SMD devant des cytopénies d’origine
indéterminée. (45)
Tableau III. Fréquences des anomalies cytogénétiques décrites au diagnostic des SMD
Anomalies cytogénétiques SMD SMD secondaires
Non équilibrées
+8 10 %
-7 ou del(7q) 10 % 50 %
-5 ou del(5q) 10 % 40 %
del(20q) 5-8 %
-Y 5%
i(17q) ou t(17p) 3-5 %
-13 ou del(13q) 3%
del(11q) 3%
del(12p) ou t(12p) 3%
del(9q) 1-2 %
idic(X)(q13) 1-2 %
Équilibrées
t(11;16)(q23;p13.3) 3%
t(3;21)(q26.2;q22.1) 2%
t(1;3)(p36.3;q21.2) 1%
t(2;11)(p21;q13) 1%
inv(3)(q21q26.2) 1%
t(6;9)(p23;q34) 1%
en dehors de ces trois anomalies, et en l’absence des critères morphologiques suffisants
au myélogramme devant des cytopénies chroniques d’origine indéterminée, les autres
anomalies cytogénétiques sont considérées comme des arguments en faveur du diagnostic
de SMD.
27
d) Autres examens biologiques
Dans le cas de critères insuffisants pour le diagnostic de SMD : caryotype normal, dysplasie
médullaire inférieure à 10 % des cellules d’une lignée, cytopénies à la limite supérieure des
seuils et en dehors de toute autre cause de cytopénie ; on définit les ICUS (Idiopathic
Cytopenia of Undetermined Significance) ou en dehors de toute autre cause de dysplasie, les
IDUS (Idiopathic Dysplasia of Undetermined Significance) (50). Ces catégories « pré-
malignes » doivent être surveillées sur l’évolution de leur cytopénies et cytologie médullaire à
la recherche d’un SMD.
28
I.5.3. Classification diagnostique
Le syndrome 5q- : il est définit par la présence de la del(5q) isolée au caryotype. Il prédomine
chez la femme et répond aux critères d’anémie réfractaire sans excès de blastes dans 75 % des
cas. Il comporte une anémie très macrocytaire, une érythroblastopénie, des mégacaryocytes
hypolobés et une thrombocytose. Son pronostic est favorable avec un risque de transformation
en LAM faible inférieur à 10 %. Enfin les patients avec le syndrome 5q- répondent au
traitement immunomodulateur par lénalidomide avec 67 % de réponse érythroïde majeure
(arrêt du besoin transfusionnel) et 45 % de rémission cytogénétique (51).
29
Tableau IV. Classification diagnostique des SMD selon l’OMS 2008 (1)
Les SMD et LA secondaires à un traitement par chimio- et/ou radiothérapie sont regroupés
sous la désignation de leucémies myéloïdes secondaires au traitement selon la définition de
l’OMS. On y retrouve les LAM secondaires, les SMD secondaires et les syndromes frontières
SMD/ syndrome myéloprolifératif secondaires, le plus souvent avec une composante de
leucémie myélomonocytaire chronique. Les agents étiologiques ont été décrits dans le tableau
I. Les SMD/LA secondaires comptent pour 10 à 20% des cas de SMD. On oppose les
SMD/LA secondaires dits « classiques », secondaires aux agents alkylants et aux radiations
30
ionisantes et les SMD/LA secondaires aux agents interférant avec la topoisomérase II qui
représentent 20 à 30% des cas de SMD secondaires. La première catégorie, faisant suite aux
agents alkylants, se déclare généralement entre 5 et 10 ans après le traitement, en phase
chronique de SMD, avec des signes dysplasiques médullaires, des cytopénies périphériques,
un excès de cellules blastiques mais moins fréquemment en phase de LA. Cette forme de
SMD secondaire est associée sur le plan cytogénétique à des pertes et délétions des
chromosomes 5 et/ou 7. A l’inverse, les LA secondaires aux agents inhibiteurs de
topoisomérases II se déclarent après une latence courte de 1 à 5 ans après le traitement, en
phase de leucémie aiguë d’emblée et s’associent à des translocations chromosomiques
équilibrées impliquant les gènes MLL (11q23) et RUNX1 (21q22). En pratique clinique, cette
distinction est théorique, les patients ayant le plus souvent reçu différentes lignes de
traitements avec ces deux classes d’agents cytotoxiques, mais elle souligne les différences des
voies moléculaires activées entre ces deux formes (voir I.4.2).
I.6. Pronostic
La cytogénétique des SMD est la variable indépendante qui a la plus grande valeur
pronostique. Greenberg et al. (52) ont ainsi établi en 1997 trois groupes de risque
cytogénétique :
– Risque favorable : caryotype normal, del(5q) isolée, del(20q) isolée et perte du Y.
– Risque défavorable : caryotype complexe (plus de trois anomalies) et anomalies du 7.
– Risque intermédiaire : autres anomalies.
Un score pronostique, le score IPSS (International Prognostic Scoring System) est déterminé
pour prédire la survie globale et le risque de transformation en LAM. Ce score IPSS est basé
sur trois variables : le nombre de cytopénies, le pourcentage de blastes médullaires et le
groupe de risque cytogénétique. Ce score permet de reconnaitre quatre groupes pronostiques:
risque faible, intermédiaire-1, intermédiaire-2, élevé (Tableau V).
31
Tableau V. Score pronostique IPSS (International Prognostic Scoring System) : faible (0
point), intermédiaire-1 (0,5 à 1 point), intermédiaire-2 (1,5 à 2 points), élevé (plus de 2 ,5
points) et études de survie (A) et de risque de transformation en LAM (B) sur 816 patients,
établis par Greenberg et al. 1997 (52)
Valeur
Variable pronostique 0 0,5 1 1,5 2
Blastes médullaires <5% 5 à 10 % - 11 à 20 % 21 à 30 %
Caryotype Bon Intermédiaire Défavorable
Cytopénies 0à1 2à3 -
Cytopénies : Hb < 10 g/dL, PNN < 1 800/mm3, Plaquettes < 100 000/mm3.
Int-2 1,2 an
Elevé 0,4 an
Int-2 1,1 an
Elevé 0,2 an
Sur 816 patients, Greenberg et al. (52) ont établi que la survie médiane était de 5,7 ans pour le
groupe de risque faible et de 0,4 an pour le groupe de risque élevé, avec un risque de 25 %
d’évolution en LAM de 9,4 ans pour les risques faibles et de 0,2 an pour le groupe de risque
élevé. Ce score est toujours celui utilisé en pratique clinique aujourd’hui et généralement on
regroupe les risques faible et intermédiaire-1 en groupe à « bas risque » et les risques
intermédiaire-2 et élevé en « haut risque ».
32
Cependant le score IPSS prenait en compte en 1997 les SMD avec 20 à 30 % de blastes,
classées depuis 2002 en LAM par l’OMS. On sait également que les catégories
morphologiques de la dernière classification de l’OMS ont une valeur pronostique, par
exemple une dysplasie érythroïde isolée est de meilleur pronostic qu’une dysplasie
multilignée chez des patients classés dans le même groupe IPSS. Aussi, ce score est basé sur
les anomalies présentes au diagnostic et ne prend pas en compte l’évolution dans le temps des
cytopénies et l’aggravation du score. En 2007, Malcovati et al. (53) ont défini un score
pronostique basé sur la classe morphologique OMS, la cytogénétique et la dépendance
transfusionnelle des patients, le score WPSS (WHO classification-based Prognostic Scoring
System). Avec ce score, ils ont établis un système dynamique pour mieux prédire la survie et
le taux de progression en LAM, particulièrement pour les SMD de bas risque où la distinction
morphologique et la dépendance transfusionnelle et ses conséquences modifient le pronostic.
Greenberg et al. ont révisé le score IPSS à partir de 7012 patients, au lieu de 816 pour l’IPSS
(Greenberg et al., Revised International Prognostic Scoring System for Myelodysplastic
Syndromes, Blood 2012 120 :2454-2465). L’IPSS révisé a permis de déterminer cinq groupes
cytogénétiques de pronostic différent. Ainsi sont désormais prises en compte les anomalies du
chromosome 3 comme étant de mauvais pronostic, la nouvelle catégorie de très bon pronostic
inclut la perte du chromosome Y, et celle de très mauvais pronostic les caryotypes complexes
avec strictement plus que trois anomalies. Egalement, la distinction des pourcentages de
blastes médullaires entre < 2 % et 2 à 5%, ainsi que la profondeur des cytopénies, permet au
final de définir cinq scores pronostiques corrélés à la survie médiane et au taux de
transformation en LAM, au lieu des quatre de l’IPSS.
Le pronostic des SMD/LA secondaires, qui présentent plus fréquemment des anomalies
cytogénétiques de risque défavorable, est le plus péjoratif avec une survie médiane de 8 mois
et une survie à 5 ans inférieure à 10 % pour les SMD secondaires de type « alkylants » (1).
Les SMD/LA secondaires aux agents inhibiteurs de topoisomérases II, avec translocations
équilibrées, sont de meilleur pronostic mais présentent toutefois des survies médianes plus
faibles que leurs équivalents de novo avec les mêmes translocations équilibrées.
I.7. Traitements
La classification des patients atteints de SMD en groupe pronostique de bas risque (IPSS
faible et intermédiaire-1) et de haut risque (IPSS intermédiaire-2 et élevé) guide les
33
indications thérapeutiques. Les traitements symptomatiques restent fondamentaux et sont
indiqués quel que soit le stade de la maladie.
a) Transfusions érythrocytaires
Elles sont à envisager de manière chronique. Le seuil d’hémoglobine (Hb) pour des
transfusions érythrocytaires se situe à 8 g/dL ; cependant chez cette population âgée il
convient de privilégier une qualité de vie optimale avec le maintien en ambulatoire le plus
possible, et le seuil transfusionnel sera individualisé autant que possible. Il est nécessaire de
maintenir un taux d’Hb > 8 g/dL dans toutes les circonstances qui augmentent la
consommation d’oxygène : infections sévères, complications pulmonaires, insuffisance
cardiaque, etc. Les culots globulaires doivent être phénotypés en système Rhésus et Kell.
b) Transfusions plaquettaires
Compte tenu de la nécessité d’envisager ce traitement au long terme avec les risques
d’inefficacité rapide par allo-immunisation, il faut en réduire les indications en dehors d’un
geste opératoire, d’un syndrome hémorragique ou d’un taux de plaquettes inférieur à
10×109/L.
Il est identique à celui des infections survenant chez les patients neutropéniques post-
chimiothérapie, ceux atteints de SMD présentent en plus un déficit fonctionnel des PNN qui
accroit le risque infectieux. Il est recommandé aux patients atteints de SMD avec neutropénie
de disposer à l’avance d’antibiotiques à large spectre à débuter au moindre signe infectieux :
par exemple, l’association amoxicilline - acide clavulanique 3 g/j + ciprofloxacine 1 g/j.
La ferritine sérique est un bon marqueur de la surcharge en fer dans les SMD. Les IRM
hépatique et cardiaque sont également indiquées selon des protocoles d’examens bien définis.
34
Le Groupe Français des Myélodysplasies (46) suggère, chez les patients régulièrement
transfusés, de suivre le taux de ferritine sérique tous les trois mois et de débuter un traitement
chélateur du fer pour une ferritinémie supérieure à 1000-1500 ng/mL et chez les patients
ayant reçu plus de 20 concentrés érythrocytaires. Le traitement chélateur peut être effectué
soit par voie parentérale par la deferoxamine (Desféral®), soit par voie orale par le deferiprone
(Ferriprox®) ou le déférasirox (Exjade®).
I.7.2. Traitement des SMD de « haut risque » (IPSS intermédiaire 2 et élevé) chez les
patients non éligibles à l’allogreffe
L’azacytidine (Vidaza®) a été approuvé par la FDA (Food and Drug Administration) à la suite
d’un essai randomisé de phase III comparant l’efficacité de l’azacytidine aux traitements
symptomatiques (transfusions, antibiotiques) chez des patients souffrant de SMD de toute
catégorie IPSS et OMS (54). En Europe, l’autorisation de mise sur le marché du Vidaza® a été
obtenue en 2009 à la suite d’un second essai de phase III randomisant les patients avec SMD
de risque intermédiaire-2 ou élevé selon l’IPSS, entre l’azacytidine et les traitements
conventionnels choisis avant la randomisation (traitements symptomatiques ou cytarabine à
faible dose ou chimiothérapie d’induction standard) (55). La survie globale était de 24,5 mois
dans le bras azacytidine contre 15 mois chez les patients des bras « traitements
conventionnels ». La survie à deux ans a été de 50,8 % chez les patients sous azacytidine
contre 26,2 % chez les patients sous « traitements conventionnels » (p < 0,0001). Le
traitement par azacytidine a montré un temps de progression en LAM de 13,0 mois contre
7,6 mois chez les patients sous traitement conventionnel (p = 0,0025). L’analyse des
différents sous-groupes a retrouvé des résultats similaires en termes de survie globale quelle
que soit la tranche d’âge ou le groupe de risque cytogénétique IPSS, et d’une manière
intéressante la réponse à l’azacytidine était la plus favorable dans le groupe avec anomalies du
7 (délétions ou monosomie).
La décitabine (Dacogen®) a été approuvée par la FDA pour les patients de risque
intermédiaire 1, 2, et élevé à la suite de l’essai de phase III randomisant ces patients entre un
bras décitabine et un bras « traitements symptomatiques » : les patients sous décitabine
présentaient un taux de réponse globale (réponse complète et réponse partielle) significatif (17
% contre 0 % pour les traitements symptomatiques, p < 0,001) ; ces réponses étaient durables
et permettaient une indépendance transfusionnelle (56). En France la décitabine est disponible
en ATU nominative (Autorisation Temporaire d’Utilisation) (48).
35
b) Chimiothérapie intensive
À la dose de 20 mg/m2/jour en une ou deux fois, et deux semaines par mois, la cytarabine à
faible dose permet des rémissions complètes ou partielles de courte durée mais où les
cytopénies induites sont compatibles avec une prise en charge ambulatoire.
Un traitement par EPO recombinante est recommandé chez les patients ayant moins de 9 à 10
g/dL d’Hb et une mauvaise tolérance clinique après vérification du taux sérique d’EPO qui
doit être inférieur à 200 UI/mL pour espérer un taux de réponse satisfaisant. Il est
recommandé de débuter le traitement en utilisant des posologies de 40 000 à 60 000 unités
pour l’érythropoïétine alpha et de 300 g/semaine pour la darbépoïétine alpha.
b) Traitement de la neutropénie
L’utilisation de G-CSF ou GM-CSF n’est pas recommandée. Elle peut permettre de diminuer
la fréquence des épisodes infectieux mais n’entraîne aucune amélioration de survie. De plus
son innocuité en termes de risque de transformation leucémique est incertaine.
c) Traitement de la thrombopénie
d) Le lénalidomide (Revlimid®)
36
Un essai clinique mené chez 148 patients suivis pour un syndrome 5q- et dépendance
transfusionnelle a montré une amélioration du taux d’hémoglobine chez 76 % des patients, et
une indépendance transfusionnelle chez 67 %. Une réponse cytogénétique était également
observée pour 67 % des patients (51). Le lénalidomide a donc été approuvé dans cette
indication aux États-Unis par la FDA, mais en Europe, en raison d’un doute quant à une
majoration du risque d’évolution leucémique chez les patients traités par lénalidomide,
l’Agence européenne du médicament n’a pas accordé l’AMM dans cette indication.
L’utilisation du lénalidomide est admise par l’HAS pour les SMD de faible risque, avec
del(5q) et dépendance transfusionnelle, et ne répondant pas à l’érythropoïétine. Son
mécanisme d’action dans les SMD est incertain, on retient ses rôles anti-angiogénique, anti-
inflammatoire et immunomodulateur.
Des variations fréquentes de la séquence des gènes sont rencontrées tout au long du génome
et sont responsables de la grande diversité de l’espèce humaine : ce sont les polymorphismes
génétiques. Leur fréquence varie d’un gène à l’autre, elle est plus élevée dans les introns que
dans les exons. Les polymorphismes génétiques sont le support de variations phénotypiques
mineures mais peuvent aussi expliquer les différences entre les individus dans la
prédisposition héréditaire à certaines pathologies ou la sensibilité à certains médicaments.
Parmi les polymorphismes génétiques, on distingue les séquences répétées où le motif répété
et le nombre de répétition permet de regrouper les micosatellites avec la répétition de un à
cinq nucléotides, et particulièrement les CA repeat où le dinucléotide CA est répété souvent
dans les introns des gènes, les minisatellites avec quelques dizaines de nucléotides répétés et
les satellites avec des centaines de nucléotides répétés un très grand nombre de fois. Parmi les
satellites, on distingue les éléments dispersés et transposables SINE (short interspersed
elements) et LINE (long interspersed elements), ces derniers dériveraient d’une
rétrotranscriptase virale qui se serait réinsérée dans le génome et existent à raison de 500000
copies dans le génome où ils peuvent inactiver certains gènes. Les polymorphismes de
séquence sur un nucléotide unique (SNP single nucleotide polymorphism) sont
biochimiquement identiques aux mutations par substitution mais sont des évènements
37
fréquents avec au moins 10% de fréquence allélique, soit 1% d’homozygotes variants, et non
délétères à la différence des mutations rares et délétères.
Les SNP sont des polymorphismes génétiques de séquence sur un nucléotide unique. C’est la
source la plus importante de variabilité interindividuelle transmissible et leur fréquence est
importante, d’au moins un SNP tous les 1000 nucléotides environ. Ces polymorphismes
ponctuels peuvent être des transitions par remplacement d’une base purique par une autre base
purique ou d’une base pyrimidique par une autre base pyrimidique, ou des transversions
lorsqu’une base purique est remplacée par une base pyrimidique ou inversement.
Les SNP ont des fonctions potentielles perturbant l’information génétique et peuvent entraîner
des modifications de la structure, de l’expression, de la stabilité, de l’activité de la protéine
codée. Lorsqu’il est situé en région codante des gènes, le SNP peut être silencieux ou
synonyme s’il ne modifie pas l’acide aminé codé par le codon ; il peut être non-synonyme et
faux-sens si le codon modifié entraîne une substitution d’un acide aminé par un autre ; enfin il
peut être non-synonyme et non-sens s’il conduit à la formation d’un codon stop ou à
l’altération d’un site d’épissage entraînant la troncation de la séquence protéique. Même
synonymes, les SNP peuvent avoir des conséquences fonctionnelles, qui sont liées à la
modification du niveau de traduction de la protéine en raison par exemple, d’une différence
dans la disponibilité en ARN de transfert (certains codons, d’utilisation rare, correspondent à
des ARN de transfert synthétisés en faible quantité) ; ou bien d’une modification de la
stabilité de l’ARN messager liée à des différences de structure secondaire. Par ailleurs, s’ils
sont situés en régions non-codantes (introns, régions 5’ et 3’ UTR) et sur les séquences
régulatrices (promoteurs, silencers et enhancers, sites de liaison de micro-ARN, gènes codant
des micro-ARN), ils peuvent avoir des conséquences sur le phénotype en modifiant par
exemple le niveau de transcription du gène par une perturbation de l’interaction entre les
facteurs de transcription et la région promotrice ou régulatrice.
Le séquençage du génome humain et les progrès des techniques de biologie moléculaire ont
permis ces deux dernières décennies de répertorier plus de 10 millions de SNP ainsi que
l’essor d’une nouvelle discipline, la pharmacogénétique. L’étude de SNP intéressant des
gènes impliqués dans le métabolisme, le transport ou la détoxication des xénobiotiques a
permis de montrer leur association avec l’efficacité ou la toxicité d’une chimiothérapie. La
pharmacogénétique peut apporter des informations précieuses en oncologie en permettant de
prédire la réponse à une chimiothérapie ou sa toxicité afin de proposer une prescription
38
individualisée des médicaments (58). Par exemple, la thymidylate synthase (TS) est la cible
du 5-fluoro-uracile (5-FU) qui inhibe la conversion du dUMP en dTMP catalysée par cette
enzyme ; le niveau d’expression du gène TS dans les tumeurs est corrélé à l’efficacité du 5-
FU. Le gène de la TS présente un polymorphisme de répétition en région non codante, sur la
séquence promotrice : l’allèle sauvage montre trois répétitions en tandem, l’allèle variant deux
seulement. Il a été montré que la double répétition s’accompagnait d’un niveau d’expression
plus faible de la TS par rapport à la triple répétition et était associée à un gain de survie chez
les patients traités par 5-FU pour cancer colorectal (59).
Les polymorphismes génétiques sont ainsi responsables d’une variabilité individuelle dans la
réponse aux chimiothérapies mais également d’une susceptibilité individuelle différente au
risque de cancer face à l’exposition aux carcinogènes de l’environnement. Dans les deux cas,
les mêmes gènes sont impliqués dans les voies de métabolisme et de transport des
xénobiotiques, ainsi que de réparation des lésions de l’ADN, voies qui sont utilisées pour
détoxiquer les xénobiotiques de l’environnement et moduler ainsi le risque de cancer chez le
sujet exposé et pour prendre en charge les médicaments et moduler leur efficacité et leur
toxicité. L’épidémiologie moléculaire est apparue ainsi comme une nouvelle discipline durant
ces deux dernières décennies et de nombreux SNP ont été identifiés comme marqueurs de
susceptibilité au cancer. L’identification de SNP associés à certains cancers est d’une grande
difficulté, en raison du nombre potentiel de SNP candidats et des problèmes liés à
l’identification d’une interaction faible entre un génotype et un phénotype. Les progrès
techniques permettent d’explorer en une seule analyse plusieurs millions de SNP dans un
échantillon d’ADN par les SNP arrays.
39
fonctionnels parce qu’ils leur sont associés dans le même haplotype. Leur utilisation éloigne
donc de la réalité physiopathologique de l’association identifiée.
Une possibilité plus « raisonnable » que le GWAS est de rechercher un nombre restreint de
polymorphismes fonctionnels présents sur des gènes dont le rôle dans la détoxication des
xénobiotiques est connu ou supposé : gènes de métabolisme, de transport, de réparation de
l’ADN, gènes codant pour les protéines cibles des médicaments ou pour des protéines
impliquées dans l’oncogenèse ou la signalisation, etc. Il est possible de réaliser ainsi des
études « multiplexées » en génotypant un certain nombre de polymorphismes situés dans des
gènes candidats. Les préférences vont souvent aux gènes impliqués dans les voies de
l’oncogenèse et à ceux dont la variabilité et le rôle ont déjà été étudiés dans les cancers (60).
Par exemple, des gènes de réparation de l’ADN du mécanisme du NER (Nucleotide Excision
Repair) comme XPD (Xeroderma Pigmentosum group D) ont été étudiés, ainsi que les effets
des polymorphismes de ce gène sur la réparation des adduits de l’ADN causés par les
carcinogènes de la fumée de cigarette. Les différentes études cas-témoins analysant les SNP
de ce gène et le risque de cancer du poumon ont montré des résultats discordants ou des
associations faibles entre les SNP de ce gène et le risque de cancer du poumon (61). Par
contre, la combinaison de différents polymorphismes au sein du même gène ainsi que
l’association de différents SNP de différents gènes d’une même voie moléculaire, comme
celle de la réparation de l’ADN, pourrait montrer des associations plus fortes avec le risque de
développer un cancer.
En hématologie, les études pharmacogénétiques ont surtout été faites dans la leucémie aiguë
lymphoblastique de l’enfant, et ont recherché des associations entre la réponse à l’étoposide et
les polymorphismes des gènes de métabolisme CYP3A5 et GSTP1 et de transport MDR1.
Dans les syndromes myélodysplasiques (SMD) peu d’études ont été réalisées en raison de la
faible utilisation à la chimiothérapie dans son traitement.
Par contre, la recherche d’une prédisposition aux SMD/LA et plus particulièrement aux
SMD/LA secondaires aux chimiothérapies et/ou radiothérapie est d’un intérêt grandissant ces
dernières années. Comprendre les facteurs de susceptibilité individuelle permettrait
d’identifier les patients à risque de SMD secondaire et d’adapter la chimiothérapie du cancer
primaire en conséquence, mais également de mieux expliquer les différents processus
moléculaires de la leucémogenèse. Ainsi, il existe une interaction entre les effets
génotoxiques des xénobiotiques et les caractéristiques individuelles du sujet exposé qui est
40
influencée par des polymorphismes génétiques des voies de métabolisme et de réparation de
l’ADN propres à chaque individu (8).
Les enzymes de métabolisme de phase I représentées par la famille des cytochromes P450
transforment les xénobiotiques en espèces réactives intermédiaires, le plus souvent par l’ajout
d’un groupement hydroxyle. Ces composés sont ensuite pris en charge par les enzymes de
phase II, enzymes de conjugaison qui les transforment en composés plus hydrophiles pour
permettre leur élimination. Ces enzymes de phase II sont représentées par des transférases
telles que l’UDP-glucuronosyl-transférase, la sulfotransférase, la NAD(P)H-quinone
oxidoréductase (NQO), la glutathion S-transférase (GST). L’étoposide, le cyclophosphamide
et d’autres composés sont des substrats du cytochrome CYP3A4. Un variant polymorphique
dans la région promotrice du gène CYP3A4 affecte la production du métabolite catéchol de
l’étoposide, qui est un précurseur des dérivés quinoniques fortement génotoxiques. Felix et al.
ont étudié la fréquence de ce variant dans 99 cas de leucémies de novo et 30 cas de LA
secondaires : ils ont observé que le variant est présent dans 19 % des cas de LA de novo
contre 3 % seulement des cas de LA secondaires (p = 0,026) (62). Ces données suggèrent que
le génotype sauvage du CYP3A4 de ce SNP entraîne une augmentation de la production des
espèces réactives intermédiaires génotoxiques et est associé à un risque augmenté de
leucémies secondaires.
Un autre polymorphisme prédisposant aux LA avec anomalies du 5 et/ou du 7 est situé sur le
gène de réparation ERCC2 (XPD) appartenant au mécanisme du Nucleotide Excision Repair
41
(NER). Sur une cohorte de 927 patients atteints de LAM, le polymorphisme de substitution
Lys/Gln au codon 751 du gène ERCC2 a été recherché. L’allèle variant codant pour la
glutamine était significativement associé au risque de développer une LA avec délétion 5q ou
7q, mais pas avec les autres anomalies cytogénétiques (64). Il a été montré in vitro que les
dérivés hydroquinone du benzène provoquaient des délétions des chromosomes 5 et 7 sur les
progéniteurs hématopoïétiques (65). Ces différentes études suggèrent un rôle prédisposant des
polymorphismes de NQO1 Pro/Ser et ERCC2 Lys/Gln pour le risque de développer une LA
avec anomalies du 5 et/ou du 7 face à l’exposition professionnelle au benzène ou aux
traitements alkylants.
Enfin, une hypothèse prometteuse est que les espèces réactives échappant à la détoxication
complète par les enzymes de phase II, ou produites en excès à cause de polymorphismes des
gènes de métabolisme de phase I, provoquent des lésions sur l’ADN qui sont insuffisamment
réparées en raison de polymorphismes des gènes de réparation de l’ADN, affectant leur
capacité à réparer. Ainsi une combinaison entre des polymorphismes de différentes voies
moléculaires pourrait aboutir à des lésions significatives et au risque associé de LA. C’est
l’exemple des cas de LAM portant la combinaison de deux SNP au niveau de deux gènes de
réparation de l’ADN, RAD51-G135C et XRCC3-Thr241Met, qui est associée à un risque 3,77
fois plus élevé de développer une LAM par rapport aux cas contrôles sans pathologie (OR =
3,77, p = 0,009). L’association de ce double variant à un troisième polymorphisme d’un gène
de métabolisme (délétion de GSTM1) augmente d’un facteur 15 le risque de développer une
LAM par rapport aux sujets contrôles témoins (OR = 15,3, p = 0,01) (66).
42
Nous avons vu que les syndromes myélodysplasiques étaient un groupe hétérogène de
leucémies, sur le plan de la cytogénétique et des formes cliniques, avec des entités clinico-
biologiques distinctes (syndrome 5q-, ARS), ainsi que sur le plan du pronostic, avec des
évolutions lentes et favorables ou au contraire agressives ; les LA post-SMD sont de très
mauvais pronostic et les formes de SMD/LA secondaires, à la cytogénétique plus souvent
altérée, ont le pronostic le plus défavorable.
Nous savons que des polymorphismes génétiques de type SNP peuvent influencer
l’interaction entre les toxiques carcinogènes de l’environnement ou des chimiothérapies et
l’individu exposé, par sélection des sujets les plus à risque en raison de variations dans les
capacités des systèmes de métabolisation, de détoxication, de transport des xénobiotiques, ou
encore des voies de réparation des lésions de l’ADN. En particulier, seule une partie des
patients traités pour un cancer primitif vont développer un SMD/LA secondaire : il existe
donc des facteurs individuels qui influencent cette susceptibilité et ces facteurs peuvent être
recherchés dans la variabilité individuelle déterminée par les polymorphismes génétiques.
Les objectifs de ce travail sont d’identifier des polymorphismes génétiques associés à des
caractères cliniques et biologiques des SMD, avec en particulier :
– Les formes cytogénétiques : caryotype normal, caryotype complexe, anomalies du 7.
– Les formes cliniques particulières : syndrome 5q-, ARS.
– Les formes pronostiques : IPSS bas ou élevé.
– Les formes de novo ou secondaires de SMD/LA.
Pour cela, nous avons génotypé 384 polymorphismes de type SNP, à l’aide d’un système
multiplexé dédié, chez 65 patients atteints de SMD sélectionnés de manière prospective. Les
SNP ont été choisis au sein du laboratoire selon une approche gène-candidat et SNP-candidat,
et la réalisation de l’outil a été confiée à la société Illumina. Cela nous a permis de déterminer,
sur notre population, le génotype de 384 SNP au sein de 217 gènes d’intérêt impliqués dans
les voies de métabolisme, détoxication, transport des xénobiotiques, de réparation des lésions
de l’ADN et plus généralement dans l’oncogenèse.
43
IV.1. Patients
La population étudiée est représentée par une première cohorte composée de 65 patients
sélectionnés sur des critères diagnostiques : SMD et LAM avec dysplasie multi-lignée,
primaires ou secondaires, au diagnostic ou en cours de suivi, traités ou non. Le diagnostic de
SMD et LAM a été réalisé selon la classification diagnostique de l’OMS révisée en 2008 (1).
(Tableau IV) Par définition, les SMD et LAM secondaires étaient des SMD et LAM avec
antécédent de chimiothérapie et/ou radiothérapie pour un cancer antérieur.
Soixante-cinq patients ont été sélectionnés de manière prospective entre septembre 2009 et
janvier 2011, ils ont été informés de cette étude et ont donné leur accord à l’utilisation des
échantillons biologiques à une fin de recherche, selon les réglementations en vigueur : article
1211-2, alinéa 2 du Code de la Santé Publique «… l’utilisation d’éléments ou de produits du
corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été
prélevés ou collectés, est possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été
opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin… » .
En raison du caractère non identifiant des polymorphismes recherchés dans notre étude, le
consentement exprès du patient, obligatoire pour les examens de génétique constitutionnelle
(article 16-10 du Code Civil), n’a pas été retenu, comme cela a été proposé dans le rapport de
l’HAS, Septembre 2009, Service des bonnes pratiques professionnelles « Cryopréservation de
tissus, cellules et liquides biologiques issus du soin » (67).
Parmi ces 65 patients, 49 étaient pris en charge à l’Institut Bergonié, Bordeaux, 13 au CHU
de Bordeaux (Hôpital du Haut-Lévêque et hôpital Saint-André), et 3 au CH de Dax. Les
caractères cliniques et biologiques de ces patients sont décrits dans le tableau VI où l’on
observe un sex ratio légèrement en faveur des hommes, des populations SMD primaires et
secondaires assez équilibrées avec cependant une proportion plus importante de LAM, de
cytogénétique anormale et complexe et de score IPSS élevé dans le groupe des SMD
secondaires.
44
Tableau VI. Caractéristiques cliniques et biologiques des 65 patients atteints de SMD/LA
primaires (n=44) et secondaires (n=21).
Total Primaires Secondaires
n=65 (%) n=44 (%) n=21 (%)
Age au diagnostic
Age médian 67 67 66
(amplitude) (25 – 85) (25 – 85) (36 – 83)
Sexe
Homme 37 (57) 27 (61) 10 (48)
Femme 28 (43) 17 (39) 11 (52)
Diagnostic
CRDU 8 (12) 5 (11) 3 (14)
CRDM 15 (23) 9 (20) 6 (29)
AREB I 9 (14) 7 (16) 2 (10)
AREB II 8 (12) 7 (16) 2 (10)
LAM 15 (23) 7 (16) 8 (38)
Syndrome 5q- 5 (11) 5 (11) 0
ARS 4 (6) 4 (9) 0
LMMC (forme frontière SMD) 1 (2) 1 (2) 0
Cytogénétique
Favorable 35 (63) 28 (67) 7 (50)
Normal 28 (50) 22 (52) 6 (43)
del (5q) isolée 5 (9) 5 (12) 0
del (20q) 1 (2) 0 1 (7)
Y- 1 (2) 1 (2) 0
Défavorable 12 (21) 6 (14) 6 (43)
Anomalies du 7 7 (13) 4 (10) 3 (21)
Complexe 9 (16) 5 (12) 4 (29)
Intermédiaire 9 (16) 8 (19) 1 (7)
Score IPSS
Bas risque 31 (49) 23 (55) 8 (38)
Faible 9 (14) 7 (17) 2 (10)
Intermédiaire 1 22 (35) 16 (38) 6 (29)
Haut risque 32 (51) 19 (45) 13 (62)
Intermédiaire 2 14 (22) 11 (26) 3 (14)
Elevé 18 (29) 8 (19) 10 (48)
CRDU : Cytopénie Réfractaire avec Dysplasie Unilignée, CRDM : Cytopénies Réfractaires avec Dysplasie
Multilignée, AREB I : Anémie Réfractaire avec Excès de Blastes de type I (5 à 10%), AREB II : Anémie Réfractaire
avec Excès de Blastes de type II (10 à 20%), LAM : Leucémie Aigüe Myéloïde, ARS : Anémie Réfractaire avec
Sidéroblastes. Score IPSS : International Prognostic Scoring System, selon Greenberg et al. Blood, 1997 (52).
Les patients appartenant à plusieurs catégories sont comptabilisés plusieurs fois, certains patients n’ont pas eu
d’examen cytogénétique.
45
IV.1.2. Cancers primaires et traitements reçus
Parmi les 65 patients de cette première cohorte, 21 (32 %) étaient des SMD/ LAM
secondaires. Les cancers primitifs de ces 21 patients sont présentés dans le Tableau VII.
Tableau VII. Cancers primitifs des 21 cas de SMD/LA secondaires de la première cohorte.
Le délai moyen de survenue des SMD/ LA secondaires était de 5,3 ans et variait de 1 à 19 ans
entre la date de la première chimiothérapie reçue et la date du diagnostic du SMD/ LA
secondaire. La majorité des patients ont bénéficié d’une polychimiothérapie et 29% ont reçu
en plus de la radiothérapie. Ces patients ont reçu en moyenne trois classes d’agents
cytotoxiques différents, y compris ceux avec plusieurs lignes de traitements, et au maximum
sept classes d’agents cytotoxiques différents. La répartition des différentes classes de
traitements cytotoxiques parmi les 21 patients est présentée dans le Tableau VIII.
46
IV.1.3. Analyses cytogénétiques
Les caryotypes médullaires ont été réalisés pour la majorité des patients au Laboratoire
d’Hématologie du CHU de Bordeaux, hôpital du Haut-Lévêque. Un minimum de 20
métaphases ont été analysées. Les groupes de risque cytogénétique suivent la dernière
classification en vigueur à ce jour, celle du score IPSS définit par Greenberg et al. en 1997
(52).
Parmi les 44 cas de SMD primaires de notre cohorte de 65 patients, on retrouve (Tableau VI)
– Cytogénétique de pronostic favorable (caryotype normal, perte du Y, del (5q) isolée, del
(20q)) : 28 patients dont 5 avec délétion 5q isolée.
– Cytogénétique défavorable (caryotype complexe ( 3 anomalies), anomalies du 7) : 6
patients dont 4 avec anomalies du 7.
– Cytogénétique intermédiaire (autres anomalies du caryotype) : 8 patients.
– Deux patients n’ont pas eu de caryotype réalisé au diagnostic.
IV.2.1. Échantillons
47
IV.2.2. Extraction de l’ADN
L’extraction d’ADN à partir des frottis de muqueuse jugale par écouvillon a été réalisée avec
le kit QIAamp® DNA Investigator Kit (Qiagen) selon les instructions du fournisseur. Ces
extractions ont permis de recueillir en moyenne 1 µg d’ADN total et de bonne qualité par
écouvillon.
L’extraction d’ADN à partir des prélèvements sanguins sur EDTA a été réalisée avec le kit
QIAamp® DNA Blood Mini Kit (Qiagen) selon les instructions du fournisseur. Ces
extractions ont permis de recueillir en moyenne 14 µg d’ADN total et de bonne qualité, à
partir de 200 L de sang total, avec de grandes variations de rendement liées à l’existence
d’une leucopénie, fréquente chez ces patients, ou au contraire d’une hyperleucocytose.
Le génotypage des SNP a été réalisé sur une puce à façon utilisant la technologie
BeadXpress®, Illumina et que nous avons nommé SNP Chip 384. La conception de cette puce
a été réalisée au sein de l’équipe de pharmacogénétique du laboratoire INSERM U916
VINCO par le Pr Jacques Robert selon une approche SNP candidats et gènes candidats.
L’approche gènes candidats a orienté la sélection vers 214 gènes impliqués dans les voies de
métabolisme, de détoxication et de transport des xénobiotiques, dans la réparation des lésions
de l’ADN ou encore des gènes ayant un rôle important dans les voies de l’oncogenèse et la
signalisation cellulaire. Pour la sélection des 384 SNP, la préférence a été donnée à ceux
situés en région codante, ou déjà connus pour être impliqués dans la réponse aux
médicaments ou dans la survenue de cancer ; enfin les SNP dont la fréquence de l’allèle
mineur était inférieure à 10 % ont été exclus. Nous avons choisi une puce SNP candidats
plutôt qu’une approche génome entier (GWAS, Genome-Wild Association Studies) car, pour
des raisons statistiques, il est nécessaire de diminuer le nombre de tests d’associations réalisés
si l’on veut conserver la possibilité d’en identifier quelques-uns de façon significative en
diminuant le risque d’erreur dû au hasard . Cette puce personnalisée, dédiée au génotypage
de polymorphismes d’intérêt pour les études de pharmacogénétique, permet alors de cibler
des SNP d’intérêt et d’identifier des associations significatives entre 384 SNP et les critères
cliniques étudiés.
Les informations sur les SNP ont été récoltées à partir de la dernière base de données au jour
de la conception, soit Human Genome Build 36 et dbSNP version 127. Les séquences des
SNP sont validées par un score, le SNP Score de 0 à 1 qui reflète la capacité à concevoir un
test valide en tenant compte de la MAF (Minor Allele Frequency) du SNP et de la faisabilité
48
de détection du variant par la technologie Golden Gate® (voir ci-dessous). La MAF utilisée
est celle de la base de données HapMap-CEU pour les Caucasiens. Des SNP déjà validés par
Illumina ont le score maximal avec les oligonucléotides originaux validés pour la technologie
Golden Gate®.
Les causes d’échec de design sont nombreuses. Celui-ci est rendu impossible par des
séquences encadrantes du SNP trop courtes, une faible complexité de séquence ne permettant
pas de déterminer le brin complémentaire, des allèles multiples de SNP (tri ou tétra-allélique),
des polymorphismes d’insertion ou de délétion. Le design est à prendre avec précaution pour
les SNP en région dupliquée ou avec des séquences répétées, un Tm hors limite, la présence
d’un autre SNP dans la région à moins de 60 nucléotides.
La première version de la puce SNP Chip 384, établie en 2009, a permis la réalisation de 1200
génotypages au total répartis sur dix études françaises. La concordance des génotypes a été
testée par comparaison aux génotypes obtenus par les techniques classiques de RFLP ou par
pyroséquençage et retrouvait plus de 95 % de concordance sur des lignées cancéreuses du
panel NCI-60 (National Cancer Institute) et du panel JFCR-45 (Japanese Foundation for
Cancer Research). La seconde version de la SNP Chip 384 en 2010, que nous avons utilisé
pour cette étude, a permis le génotypages de 2400 échantillons répartis en quinze études
françaises.
49
Allele Specific Oligonucleotide) complémentaires des deux allèles possibles, sauvage ou
variant, du SNP ; un troisième oligonucléotide, complémentaire d’une région située de 1 à 19
bases du SNP, permet l’identification du locus du SNP (LSO, Locus Specific Oligonucleotide)
(Figure 1).
Les étapes de la réaction débutent par un marquage de l’ADN matrice par la biotine. Puis,
vient l’hybridation de l’ASO complémentaire de la séquence précédent le SNP et qui possède
la base spécifique du génotype du SNP pour cet échantillon. Le LSO s’hybride par sa zone
complémentaire de la séquence suivant le SNP, il porte une séquence nommée Illumicode qui
permettra l’identification du locus du SNP. Puis, une polymérase et une ligase effectuent
l’extension de l’allèle spécifique et la ligation au LSO. Enfin, une étape d’amplification des
fragments générés est réalisée avec des amorces universelles complémentaires des régions
non spécifiques des ASO et LSO. Les amorces universelles complémentaires des ASO sont
marqués par des fluorochromes, cyanine 3 ou cyanine 5 et sont identiques pour tous les SNP :
par exemple, une amorce marquée par la cyanine 3, complémentaire des ASO portant la base
sauvage des SNP, et une amorce marquée par la cyanine 5, complémentaire des ASO portant
la base variante des SNP. La détection du SNP intervient donc avant l’étape d’amplification.
La technologie Veracode® permet l’identification des SNP parmi les génotypages multiplexés
de plusieurs loci simultanément. Cette technologie repose sur l’utilisation de micro-cylindres
de silice possédant une surface en verre qui portent des éléments codants par phénomène de
diffraction holographique. Sur ces cylindres sont fixés des oligonucléotides complémentaires
de chacun des Illumicode des 384 SNP, eux-mêmes apportés par les LSO. Les fragments
d’ADN double-brin marqués par la cyanine 3 ou 5 et amplifiés à l’étape précédente, sont
transférés dans une chambre de lecture, par une liaison biotine/ streptavidine -bille
paramagnétique, et hybridés aux différents micro-cylindres alignés sur une plaque (VBP,
Veracode Bead Plate) (Figure 2). Les signaux de fluorescence des cyanines à la surface des
cylindres sont lus par une caméra CCD et le signal électrique sortant est associé au locus du
SNP par le codage holographique de chaque micro-cylindre. Il existe 30 cylindres pour un
LSO, donc pour un SNP. Ainsi chaque locus est testé plusieurs fois, en moyenne 15 à 18 fois,
et cette redondance optimise le rapport signal sur bruit. La taille microscopique et le codage
holographique de ces cylindres permettent virtuellement un multiplexage illimité.
50
Figure 1. Etapes de la réaction de séquençage par hybridation spécifique d’allèle suivie d’une
extension et ligation puis d’une amplification avec marquage par fluorochrome.
51
Il existe de nombreux contrôles de la qualité des différentes étapes du séquençage
BeadXpress®. Ces différents contrôles vérifient l’absence d’hybridation aspécifique des
oligonucléotides, le rendement de la PCR en fonction du pourcentage de GC, l’absence
d’interférence liée au sexe du patient. Un contrôle teste la réaction d’extension-ligation sur la
distance entre l’ASO et le LSO sur 15 pb, un autre vérifie l’hybridation des amorces ayant le
Tm le plus élevé. Enfin, il existe des contrôles de l’hybridation des produits amplifiés sur les
micro-cylindres, de la lecture des signaux cyanine 3 et cyanine 5 et de la lecture du code barre
holographique des micro-cylindres.
Le traitement des informations issues des génotypages a été réalisé à l’aide du logiciel
Genome Studio®, Illumina. Ce logiciel permet l’association des différentes données (Figure 3)
:
Ce traitement des données a été réalisé par un ingénieur de notre équipe, M. Sofiane
Aitouferoukh. Sur la population de nos 65 échantillons de patients, qui présentent trois
génotypes possibles, le logiciel Genome Studio® va automatiquement déterminer trois
clusters de population selon leur génotype. Un score de qualité est calculé pour chaque
génotype, donnant la mesure de la plus ou moins bonne répartition d’un génotype donné au
sein des trois clusters, c’est le score GenCall variant de 0 à 1. Si le GenCall est inférieur à
0,15 le génotype est exclu car considéré trop éloigné du centre du cluster. Une évaluation de
la qualité des échantillons d’ADN est faite par le CallRate qui définit le pourcentage de SNP
pour un échantillon donné qui ont obtenu un score GenCall supérieur à la limite acceptable (>
0,15). En théorie le CallRate attendu pour des échantillons d’ADN humain de bonne qualité
est supérieur à 99 %. Le CallRate peut être diminué en cas de perte d’hétérozygotie ou de
variation du nombre de copies de l’échantillon d’ADN génomique. Sur notre population
génotypée, en excluant 10 SNP qui ne donnent aucun résultat quel que soit l’échantillon, le
CallRate est de 97.4 %, pour les 374 SNP restants, c’est à dire qu’ils ont tous eu un GenCall
supérieur à la limite acceptable, c’est à dire que leur répartition en trois clusters a été complète
52
(Figure 4). Enfin, le score CallFrequency détermine pour chaque SNP, le pourcentage
d’échantillons donnant un résultat valide.
53
IV.3. Analyse statistique des résultats de la SNP Chip 384
L’analyse statistique a eu pour but de rechercher une différence de distribution des génotypes
des 384 SNP entre les différentes catégories clinico-biologiques des 65 patients. Le test exact
de Fisher a été utilisé pour comparer deux à deux ces groupes cliniques à la recherche du rejet
de l’hypothèse d’indépendance dans la répartition des génotypes :
– SMD primaires versus SMD secondaires
– Score pronostique IPSS élevé versus IPSS bas
– Cytogénétique normale versus cytogénétique anormale
– Caryotype complexe versus non complexe
– Anomalies du chromosome 7 versus autres caryotypes
– Délétion 5q isolée versus autres caryotypes
– Excès de cellules blastiques au diagnostic versus absence d’excès
– LAM versus SMD
– SMD de type ARS versus autres diagnostics
Pour effectuer ce test de Fisher 384 fois pour les 65 patients répartis entre ces neuf catégories,
un algorithme codé en langage bioinformatique R a été développé par un chercheur de notre
équipe, le Dr Audrey Laroche. Les significativités obtenues par les p-value dérivées de ces
tests multiples ont été ajustées par la correction de Benjamini et Hochberg afin de corriger le
taux de faux positifs, FDR (False Discovery Rate), pour chaque SNP (68). Un risque α de 5%
après correction a été retenu comme seuil de significativité.
IV.4.1. Patients
Une deuxième cohorte de patients, représentant le set de validation, a été sélectionnée selon
les mêmes critères d’inclusion que pour la première cohorte. Cette cohorte de validation
compte 45 patients à ce jour, 33 pris en charge à l’Institut Bergonié, Bordeaux, 5 ayant
consulté à l’Institut Gustave Roussy, Villejuif, et 7 pris en charge au CHU de Bordeaux
(Hôpital du Haut-Lévêque). Cette seconde population de 45 patients se répartit en 22 patients
avec SMD primaires et 23 avec SMD/LA secondaires et leur caractères clinico-biologiques
sont décrits dans le tableau IX.
54
Tableau IX. Caractéristiques cliniques et biologiques des 45 patients
de la cohorte de validation (SMD primaires n=22 et secondaires n=23).
55
Parmi les 23 SMD/LA secondaires, les cancers primitifs sont les suivants (Tableau X) :
Le délai moyen de survenue du SMD après le début du traitement par radio- et/ou
chimiothérapie était de 5 ans et variait de 4 mois à 16 ans. La majorité des patients ont
bénéficié d’une polychimiothérapie et 43% ont reçu en plus de la radiothérapie. Ces patients
ont reçu en moyenne trois classes d’agents cytotoxiques différents, y compris ceux avec
plusieurs lignes de traitements, et au maximum cinq classes d’agents cytotoxiques différents.
La répartition des différentes classes de traitements cytotoxiques parmi les 21 patients est la
suivante (Tableau XI) :
Tableau XI. Fréquences des différentes classes de traitements cytotoxiques reçus parmi les
23 cas de SMD/LA secondaires de la deuxième cohorte.
Classe de traitement cytotoxique reçu Nombre de patients, n=23 (%)
Agents alkylants 15 (65)
Agents Inhibiteurs de topoisomérases II 13 (57)
Dérivés du platine 3 (13)
Poisons du fuseau 8 (35)
Anti-métabolites 6 (26)
Radiothérapie 10 (43)
Radio-isotope anti-CD20 3 (13)
Taxanes 1 (4)
Les patients ayant reçu plus d’une classe thérapeutique sont comptabilisés
plusieurs fois.
Les deux SNP identifiés sur la première cohorte ont été retenus et recherchés par
pyroséquençage sur les échantillons du set de validation (deuxième cohorte de patients). Nous
56
les nommerons SNP 1 et SNP 2. Le pyroséquençage a été réalisé au sein de notre laboratoire
sur l’appareil Pyromark® Q96 ID de Qiagen.
Les amorces utilisées pour le pyroséquençage des SNP 1 et SNP 2 du gène d’intérêt sont :
57
Figure 5. Réaction de pyroséquençage et interprétation d’un pyrogramme.
58
V.1. Résultats des génotypages de la SNP Chip 384 sur la cohorte de 65
patients
Les 65 échantillons des patients ont été génotypés avec succès pour 374 SNP sur les 384
testés. L’analyse d’associations par les tests exacts de Fisher retrouve une répartition
dépendante du caractère primaire ou secondaire des SMD pour deux polymorphismes:
rs2308321 et rs2308327 du gène de réparation MGMT (MéthylGuanine MéthylTransférase).
Ces deux SNP sont en effet associés de manière très significative au groupe de patients
atteints de SMD secondaire par rapport au groupe SMD primaire, après un test exact de Fisher
montrant une significativité p = 4,77.10-5. Après correction des tests multiples effectués 384
fois et en conservant un taux de faux positifs (FDR) de 5 %, la correction de Benjamini et
Hochberg a montré une significativité de cette association avec p = 0,009. La répartition des
allèles communs et variants des SNP respectent l’équilibre de Hardy-Weinberg dans les deux
groupes primaire et secondaire de SMD. Ces deux SNP sont en parfait déséquilibre de liaison,
c’est à dire qu’ils sont liés dans leur génotype et s’expriment conjointement : homozygote
commun AA/AA, hétérozygote AG/AG, homozygote variant GG/GG. La fréquence de
l’allèle mineur (MAF, Minor Allele Frequency) dans la population générale est 0,159 obtenue
à partir de la base HapMap européenne CEU accessible dans la base dbSNP du NCBI
(http://www.ncbi.nlm.nih.gov/projects/SNP/snp_ref.cgi?rs=2308321). La distribution
attendue des génotypes dans la population générale est alors : 0,690 d’homozygotes
communs, 0,301 d’hétérozygotes et 0,009 d’homozygotes variants. La distribution des
génotypes dans nos deux populations de SMD primaire et secondaire est la suivante (Figure
6) :
50
5
Nombre de patients
génotype homozygote
variant GG
25
génotype
39 1
hétérozygote AG
12
génotype homozygote
8 commun AA
0
SMD/LA primaire SMD/LA secondaire
Figure 6. Distribution des génotypes variants (AG + GG) et communs (AA) dans la
première cohorte de 44 patients avec SMD primaires et 21 avec SMD secondaires.
59
Ce tableau de contingence montre les fréquences génotypiques des populations SMD primaire
et secondaire et les fréquences attendues dans la population générale (Tableau XII) :
Ces deux polymorphismes de MGMT sont deux transitions où une adénine est remplacée par
une guanine ; non synonymes, ils entrainent la substitution d’un acide aminé en région
codante du cinquième exon du gène (voir Deuxième partie de la thèse) :
L’association entre ces SNP et le caractère secondaire des SMD est la seule relation
significative retrouvée avec les SMD secondaires. Aucune autre association significative n’a
non plus été retrouvée par les analyses statistiques de distribution des 384 génotypes des 65
patients entre :
Enfin, la concordance de 100 % des génotypes entre les échantillons d’ADN constitutionnel
par frottis jugal d’ADN et d’ADN supposé « tumoral » par extraction du sang, pour les 50
premiers patients de cette cohorte, indique soit une très faible proportion de cellules tumorales
60
circulantes dans le sang, soit l’absence de perte d’hétérozygotie aux loci des SNP testés. Cette
concordance montre en outre une bonne reproductibilité des résultats de la SNIP Chip 384.
Les deux SNP, que nous nommerons désormais SNP1 pour rs2308321 et SNP2 pour
rs2308327 pour plus de simplicité, ont été recherchés par pyroséquençage pour génotyper les
45 patients de la deuxième cohorte afin de valider cette association avec le caractère
secondaire des SMD.
La répartition des génotypes des deux SNP de MGMT est la suivante (Figure 7) :
30
Nombre de patients
génotype homozygote
2 variant GG
20 7
génotype
hétérozygote AG
10 20
16
génotype homozygote
commun AA
0
SMD/LA primaire SMD/LA secondaire
L’analyse du tableau de contingence par un test exact de Fisher montre une association non
significative, p = 0,1346 entre le génotype variant AG des SNP et le caractère secondaire des
SMD (Tableau XIII).
61
La fréquence de l’allèle variant, bien que trois fois supérieure dans le groupe des SMD
secondaires par rapport au groupe des SMD primaires, ne s’écarte pas significativement de
celle attendue dans la population générale. Ces distributions respectent l’équilibre de Hardy-
Weinberg.
L’intégrité du génome est constamment compromise par des lésions de l’ADN d’origine
endogène (perte spontanée d’une base créant un site abasique, attaques de radicaux oxygénés
créant la 8-oxoguanine, désaminations, mésappariements par erreur de l’ADN polymérase
lors de la réplication, méthylations accidentelles) et d’origine exogène (dimères de
pyrimidines à la suite de radiations ultraviolettes, adduits d’hydrocarbures aromatiques tel le
benzopyrène, adduits en N7 et en O6 de la guanine ou en N3 de l’adénine par les agents
alkylants et les platines, cassures double brin par les radiations ionisantes ou les inhibiteurs de
topoisomérase) (69). L’ensemble des mécanismes de réparation intervient constamment pour
maintenir cette intégrité.
Malgré leur hétérogénéité, les SMD présentent des caractères communs tels que leur
incidence chez les sujets âgés, leurs anomalies chromosomiques et, pour les formes
secondaires, leur association avec les agents ciblant l’ADN. Cette association avec
l’endommagement de l’ADN pourrait être le point de départ de la pathogénie des SMD
apparaissant par génotoxicité cumulative et augmentation des besoins en réparation de l’ADN
avec l’âge. Les défauts des systèmes de réparation de l’ADN ont souvent été impliqués dans
les SMD. Maciejewski et al. (70) ont mesuré chez les patients atteints de SMD des taux élevés
de 8-oxoguanine, faisant supposer la formation de lésions oxydatives importantes ou un
défaut de réparation de ces lésions. Ces auteurs ont montré une prévalence significative du
polymorphisme Ser326Cys du gène OGG1 chez les patients myélodysplasiques par rapport à
des sujets témoins et cette association était la plus significative avec les stades avancés de
SMD et chez ceux avec anomalies chromosomiques. L’insuffisance de réparation et la
tolérance des lésions définissant l’instabilité génétique que l’on rencontre dans les SMD
62
résulterait en partie ici d’une dysfonction du BER (Base Excision Repair), mécanisme de
réparation par excision de base qui prend en charge les lésions d’oxydation à l’origine de la 8-
oxoguanine. Mais des dysfonctions d’autres mécanismes de réparation sont à l’origine de
dommages, depuis les cassures simple-brin résultant d’une réparation incomplète générant des
cassures double-brin à la mitose suivante puis les aberrations chromosomiques caractérisant
les SMD. D’autres études impliquent le NER (Nucleotide Excision Repair) dans la
progression des SMD, en montrant notamment une réduction de l’expression des gènes du
NER (ERCC1, ERCC3, ERCC5) dans les phases avancées de SMD et une augmentation de la
radiosensibilité aux rayons X par rapport aux individus témoins (71).
MGMT est le seul gène intervenant dans le mécanisme de réparation par réversion directe. Il
code une transférase qui prend en charge la réparation des adduits méthylés sur l’O6 de la
guanine (Voir Deuxième partie de la thèse : Généralités). La lésion O6-meG est fréquente et
induite de manière endogène ou de manière exogène par les carcinogènes méthylants de
l’environnement et les cytotoxiques alkylants. Une réparation insuffisante des guanines
méthylées peut induire une activation oncogénique par des mutations G>A, des cassures
chromosomiques et des réarrangements, conduisant normalement à l’apoptose de la cellule. Il
a été montré que les tumeurs n’exprimant pas la MGMT présentaient des taux élevés de
mutations G>A des gènes RAS et TP53 conduisant à l’oncogenèse (72, 73). Un autre
argument en faveur du rôle oncogénique de la suppression de l’activité de la MGMT est que
plus de 30 % des tumeurs colorectales, cérébrales et de la sphère ORL présentent une
extinction épigénétique de l’expression de la MGMT par hyperméthylation de son promoteur
(74). Ces cassures offrent les possibilités de recombinaisons homologues et d’échanges de
chromatide aboutissant aux remaniements chromosomiques (75, 76). Ces altérations peuvent
dépasser les capacités réparatrices des systèmes de réparation de l’ADN, spécialement s’il
existe une faiblesse intrinsèque de ces systèmes et/ou une augmentation des besoins en
réparation. Des changements minimes dans la capacité de réparation par la MGMT pourraient
être associés à un risque augmenté de SMD/LA, particulièrement suite à une exposition à des
carcinogènes. L’association identifiée entre les deux variants polymorphiques du gène
MGMT et le groupe de SMD/LA secondaires appuie cette hypothèse.
Des études cas/témoins ont recherché le risque de cancer associé aux différents
polymorphismes de MGMT. De par le rôle de la MGMT dans la réparation de l’ADN et la
protection contre les événements oncogéniques, de nombreuses études ont recherché des
variations de l’incidence des cancers en fonction de l’expression ou des polymorphismes de
MGMT. Kaur et al. (77) ont montré chez 139 sujets caucasiens porteurs d’un cancer du
63
poumon, toutes histologies confondues, et un nombre de sujets contrôles identique, une
association faiblement significative entre le variant Ile143Val du gène MGMT chez les
patients atteints d’un cancer du poumon (OR = 2,1, IC95% = 1,01-4,7, p = 0,047) ; ce risque
n’était pas retrouvé lorsque l’analyse portait uniquement sur les sujets fumeurs. Bigler et al.
(78) ont recherché un rôle éventuel des polymorphismes Ile143Val et Leu84Phe (rs12917)
dans la cancérogenèse colorectale en génotypant 694 patients porteurs de polypes colorectaux
et 601 sujets contrôles ; ils n’ont pas observé d’association significative. De nombreuses
autres études ont porté sur le risque de cancer de l’endomètre, de cancer du sein, de carcinome
épidermoïde buccal, de cancer gastrique, de mélanome, de gliome et n’ont pas retrouvé de
lien significatif entre ces polymorphismes de la MGMT et l’augmentation du risque de cancer
(79). Aucune étude n’a été publiée sur le risque de leucémie et SMD secondaire en fonction
des génotypes variants de la MGMT.
La possibilité de prédire le risque de leucémie secondaire serait un atout majeur dans la prise
en charge des patients devant recevoir une chimiothérapie ciblant l’ADN et pourrait
améliorer le rapport bénéfice / risque des chimiothérapies prescrites pour le cancer primitif.
Nous nous sommes intéressés aux patientes traitées pour cancer du sein parce qu’il s’agit d’un
cancer fréquent, que les patientes présentent des survies prolongées permettant le
développement de LA secondaires, que les protocoles de chimiothérapie ciblant l’ADN sont
standardisés, et qu’il existe une alternative thérapeutique aux anthracyclines par une réduction
de leur dose et/ou leur remplacement par un taxane.
Si, parmi les patientes traitées pour cancer du sein avec LA secondaire, la fréquence de
l’allèle variant suivait la distribution observée dans le groupe SMD/LA secondaires de la
première cohorte de 65 patients, à savoir 60 % de génotypes variants ; et si une centaine de
patientes traitées pour cancer du sein sans LA secondaire présentaient une distribution
64
génotypique identique à celle de la population générale, alors le risque relatif calculé serait
significativement en faveur du caractère prédictif du polymorphisme comme facteur de risque
de développer une LA secondaire. Ces résultats attendus sont représentés dans le tableau XIV,
et le risque relatif calculé serait alors de 5,31, rapport des taux de la maladie chez les
individus exposés et non exposés.
Tableau XIV. Résultats attendus des génotypages des deux polymorphismes pour les 6
patientes traitées pour un cancer du sein et ayant développé ou non une LA secondaire
Homozygote Homozygote
Hétérozygote
commun variant
Cohorte étudiée de 65
39 5 0 p = 4,7.10-5
patients : SMD/LA primaires
SMD/LA secondaires 8 12 1 p = 0,009 (corrigé)
Cohorte Sein avec LA : 6 cas
2 4
génotypes attendus : p attendu = 0,04
Cohorte Sein sans LA : 100
75 25
cas génotypes attendus :
III.1. Patientes
Dans l’essai de phase III PACS01 de la FNCLCC randomisant les patientes traitées pour un
cancer du sein opérable, avec envahissement ganglionnaire, entre chimiothérapie adjuvante
par six cycles de FEC (5-fluoro-uracile, épirubicine, cyclophosphamide) ou trois cycles de
FEC suivis de trois cycles de docétaxel, six cas de LA secondaires ont été enregistrés sur un
suivi de 8 ans à ce jour (80). Quatre cas sont survenus dans le bras des 995 patientes ayant
reçu six cycles de FEC et deux cas parmi les 1001 patientes ayant reçu 3 cycles de FEC et 3
cycles de docétaxel. La réduction de la dose cumulée d’épirubicine (600 mg/m2 à 300 mg/m2)
pourrait avoir ainsi réduit le risque de LA.
Dans le cadre d’un appel à projets de recherche pour la valorisation des bases PACS par le
groupe Unicancer, anciennement FNCLCC, nous avons proposé de génotyper les six patientes
ayant développé une LA de l’essai PACS01 pour les deux polymorphismes de MGMT
identifiés dans notre cohorte de 65 patients SMD. Un avis consultatif a été demandé au
Comité de Protection des Personnes Sud-Ouest et Outre-Mer III au sujet de l’extension de la
recherche utilisant les échantillons biologiques conservés des 1999 patientes atteintes de
cancer du sein incluses entre 1997 et 2000. L’avis du CPP (référence CPP N°2012/04) a
65
autorisé l’utilisation de ces échantillons devant l’absence de changement de finalité de cette
extension de recherche et son absence de conséquence sur la prise en charge ultérieure des six
patientes, dont 4 sont décédées à ce jour. En retour le groupe de travail de valorisation des
bases PACS a accepté notre projet.
Le groupe de patientes n’ayant pas développé de LA secondaire était constitué d’une cohorte
indépendante de l’essai PACS01 de 188 patientes dont le génotypage avait déjà été réalisé sur
la puce SNP Chip 384, traitées pour cancer du sein dans l’essai de l’EORTC 10994. Un avis
favorable du CPP Sud-Ouest avait été obtenu concernant l’utilisation des prélèvements
biologiques (référence CPP N°2011/08) de ces patientes.
III.2. Matériels
Pour cinq patientes sur les six ayant développé une LA de l’essai PACS01, du matériel
biopsique a été récupéré. Il s’agissait de biopsies tumorales ou saines, du tissu mammaire ou
ganglionnaire, conservées en paraffine. Les blocs de paraffine ont été reçus du centre Paul
Papin (Angers), de la clinique Saint-Luc (Bruxelles), du CH de Bourg-en-Bresse, du CHU de
Nantes et du CH de Liège (Belgique).
L’extraction de l’ADN a été réalisée à partir de 8 à 10 copeaux des zones cerclées des blocs
en zone tumorale et/ou saine. Le déparaffinage a été fait par lavages au toluène et à l’éthanol
absolu. L’extraction d’ADN a été réalisée selon les indications du kit QIAGEN® QIAamp
DNA FFPE Tissue. Ces extractions ont permis de recueillir 10 µg d’ADN de bonne qualité
pour 8 à 10 copeaux par bloc.
III.3. Méthodes
Le génotypage des deux SNP rs2308321 (SNP1) et rs2308327 (SNP2) a été réalisé par
pyroséquençage avec les amorces d’amplification et selon la technique décrite précédemment
(voir Première partie A : IV.4.2.).
66
L’identification de deux polymorphismes d’un gène de réparation de l’ADN associés très
significativement (p = 0,009 après correction pour tests multiples) au caractère secondaire des
myélodysplasies est intéressante en raison des interrogations mécanistiques quant à la
leucémogenèse de ces pathologies qu’elle soulève. En effet, une réparation insuffisante des
guanines méthylées par la MGMT peut induire une activation oncogénique par des mutations
G>A, des cassures chromosomiques et des réarrangements, conduisant normalement à
l’apoptose de la cellule (73, 81). Les deux polymorphismes identifiés lors de cette étude sont
situés en région codante du gène, sur le cinquième et dernier exon, et sont non-synonymes,
entraînant une substitution d’acide aminé. Ainsi, ces variations pourraient avoir un effet sur la
fonction de la protéine MGMT. Il est légitime de supposer qu’une variation de séquence de
cette transférase puisse entraîner une dysfonction, même minime, dans la réparation des
adduits en O6G et conduire à la persistance d’anomalies génétiques et à la création de
remaniements chromosomiques secondaires dont les délétions et les pertes chromosomiques
qui sont très fréquemment retrouvées dans les syndromes myélodysplasiques.
Cependant, cette association unique et significative parmi les 384 SNP génotypés n’a pas été
confirmée de manière significative sur la deuxième cohorte de patients, bien que l’on observe
une tendance vers cette association avec 30 % de génotypes variants parmi les SMD
secondaires contre 9 % parmi les SMD primaires. Alors même que les tailles des deux
cohortes sont du même ordre de grandeur (65 et 45), avec 21 cas de SMD secondaires dans la
première et 23 cas dans la seconde, l’association très significative retrouvée dans la première
cohorte (p = 0 ,009) aurait dû être mise en évidence dans la seconde. La sélection des patients
a été réalisée de manière identique, SMD primaires ou secondaires, au diagnostic ou dans le
suivi ; les centres hospitaliers participants sont les mêmes à l’exception de l’Institut Gustave-
Roussy pour cinq patients dans la deuxième cohorte. Enfin, l’extraction d’ADN a été réalisée
dans les mêmes conditions, et aucun problème technique n’est survenu dans l’étape de
pyroséquençage pour la deuxième cohorte. Le respect de l’équilibre de Hardy-Weinberg dans
la répartition des génotypes a permis d’éliminer un biais dans la sélection des patients, la
qualité de l’échantillon d’ADN ou le séquençage lui-même.
Une explication possible à cette absence du résultat attendu est à rechercher dans
l’hétérogénéité possible des deux populations, les SMD étant à l’origine un groupe hétérogène
d’hémopathies sur les plans clinique et biologique. Si l’on se penche sur les différents sous-
types de la classification diagnostique des SMD (Figure 8), on n’observe pas d’écart
67
distinguant les deux populations. Les formes sans excès de blastes (RCMD et RCUD)
représentent la même proportion de patients, de même que les AREB I et II et les phases
aiguës de LAM. Les entités particulières, ARS et syndrome 5q-, de même que les formes
frontières LMMC, sont également représentées dans les mêmes proportions.
LMMC 4
2
ARS 4
6
Synd. 5q- 2
8
LAM 20
23
AREB II 18
12
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Fréquence des sous-types de SMD
dans les deux populations (%)
En distinguant les différents traitements cytotoxiques reçus par les patients avec SMD
secondaires dans les deux populations (Figure 9), alors même que chaque patient a reçu
plusieurs classes de chimiothérapie différente et souvent plusieurs lignes de traitement, les
fréquences des patients ayant reçus des agents alkylants, des inhibiteurs de topoisomérase II
ou des poisons du fuseau sont équivalentes dans les deux groupes. Par contre, les patients
ayant reçus des dérivés du platine sont deux fois plus fréquents dans la première cohorte que
dans la deuxième. Cela pourrait être une explication possible à la différence de distribution
des génotypes, la MGMT pouvant être impliquée dans la réparation des adduits de platine.
Cependant, le détail des génotypes de ces patients, que ce soit ceux ayant reçu un platine ou
ceux ayant reçu anthracycline, alkylant ou poison du fuseau, montre une distribution du
génotype variant identique à celle observée dans les deux groupes de SMD secondaires, à
savoir environ 60 % de génotypes variants dans les SMD secondaires de la première cohorte
et 30 % chez ceux de la seconde cohorte, quel que soit le traitement reçu. Cette différence
dans la fréquence des traitements aux dérivés du platine ne semble donc pas suffisante pour
68
expliquer la non-significativité de la présence du polymorphisme variant dans les SMD
secondaires de la deuxième cohorte.
taxanes 4
0
radioisotope 13
0
radiothérapie 43
29
anti-métabolite 26
57
dérivés du platine 13
38
poison du fuseau 35 2eme cohorte (n=23)
29
inh. topoisomérase II 57
43
65 1ere cohorte (n=21)
alkylant 67
0 20 40 60 80
Fréquence des traitements cytotoxiques
antérieurs des SMD secondaires¹ (%)
Figure 9. Répartition et fréquence des traitements reçus par les patients avec SMD
secondaire dans les deux cohortes étudiées. ¹ Les patients appartenant à plusieurs
catégories sont comptabilisés plusieurs fois.
Enfin, si l’on compare les résultats des caryotypes médullaires dans les deux cohortes, on
n’observe pas d’hétérogénéité dans la fréquence des anomalies cytogénétiques observées au
diagnostic (Figures 10 et 11).
normal 49
49
69
normal 30
47
anomalies du 5 et/ou 30
7 33
SMD secondaires
complexe 35
27
2ème cohorte (n=20
tranlocations / 25 caryotypes réalisés)
inversions 27
Cette association très significative d’un variant polymorphique du gène MGMT avec les SMD
secondaires (p = 0,009) sans aucune autre association retrouvée, ni avec les caractéristiques
cytogénétiques, ni avec les formes cliniques et biologiques de SMD, est à retenir mais reste à
confirmer sur une deuxième population dont le recrutement des patients continue à ce jour. Il
est possible qu’une association de plusieurs polymorphismes aurait une valeur significative
plus forte, comme cela a été montré dans des profils associant des polymorphismes de
plusieurs gènes de réparation (voir II.2. et (66)) ou de plusieurs gènes du métabolisme des
xénobiotiques (82), ce qui soulève des mécanismes possibles d’accumulation des différents
variants aux conséquences fonctionnelles suffisantes pour augmenter le risque de SMD
secondaire. Cela est d’autant plus vrai que les polymorphismes, à la différence des mutations
inactivatrices, peuvent entraîner une réduction uniquement faible de la capacité fonctionnelle
de la protéine issue du gène variant.
70
cyclophosphamide, même si les doses cumulées de chacune des deux classes augmente le
risque de LA secondaire (13).
Ici encore, la pénétrance de ces leucémies secondaires serait déterminée par des modifications
génétiques additionnelles, par une combinaison entre différents variants alléliques de
différents gènes et non pas uniquement par la variation allélique d’un seul gène. Il serait
intéressant d’identifier d’autres polymorphismes significativement associés aux SMD/LA
secondaires en se focalisant, à l’intérieur même du panel des 384 SNP génotypés, sur les
polymorphismes touchant uniquement les 73 gènes de réparation présents sur la SNIP Chip
384. La susceptibilité aux cancers et leucémies apparaît plus comme un trait polygénique avec
des interactions complexes entre variations génétiques et exposition environnementale ou
endogène (83). En outre, il serait intéressant d’étudier la combinaison d’un variant allélique
avec d’autres facteurs de risque non génétiques, tels que l’utilisation de facteurs de croissance
granulocytaire, la dose cumulée d’épirubicine, l’âge.
71
I.1. Fonction
La MGMT est l’unique acteur du mécanisme de réparation par réversion directe. C’est une
transférase qui prend en charge les adduits méthyles sur l’oxygène en position 6 de la
guanine, en transférant de manière covalente ce groupement méthyle sur un résidu interne, la
cystéine 145 de MGMT (Figure 12). Cette réaction est stœchiométrique, une molécule de
MGMT prenant en charge une lésion O6-meG. La MGMT n’agit qu’une fois, sa forme alkylée
est ensuite dégradée par le système du protéasome.
Figure 12. Réaction de réparation directe d’une lésion de l’ADN par la MGMT,
qui transfère le groupement méthyle de l’O6-meG sur la fonction thiol d’un
résidu cystéine interne, restituant une guanine non méthylée (69).
72
la guanine (10% des cas), N3, N7, N1, N6 de l’adénine et enfin, moins fréquemment, O2 et O4
de la thymine et N2 et N4 de la cytosine.
L’adduit O6-meG n’est donc pas l’un des adduits les plus abondants mais fait partie des plus
importants en terme des conséquences fonctionnelles qu’il entraîne sur la réplication et la
division cellulaire. L’alkylation en O6G génère des adduits chimiquement stables ; cette lésion
est très mutagène par mésappariement de la guanine méthylée ; elle est de plus cytotoxique
par les conséquences d’une mauvaise réparation par le système MMR (Mismatch Repair). En
effet, la persistance de la lésion O6-meG conduit à un mésappariement O6-meG:Thymine puis
à la réplication suivante, à la mutation par transition G>A. Le mésappariement O6-meG:T est
également responsable du recrutement du système de réparation MMR qui, activé de manière
inefficace contre cette lésion, réalise des cycles futiles de réparation en remplaçant la thymine
par une autre thymine pour finalement engendrer des cassures simples brins par la création de
sites abasiques. Ces cassures sont source de phénomènes d’échanges et de recombinaisons
homologues aboutissant à des remaniements chromosomiques et à l’apoptose. L’exploitation
des lésions O6-alkylguanine par les chimiothérapies à base d’agents méthylants passe donc
par une toxicité secondaire à l’intervention du MMR post-réplicatif (76). La lésion O6-
chloroéthylguanine va, elle, réaliser un pont inter-brin avec la cytosine opposée, bloquant la
réplication. La MGMT a également la capacité, mais de manière moins efficace, à réparer une
variété d’autres lésions alkylées en O6-guanine comme les adduits butyle, benzyle,
chloroéthyle, et pyridyloxobutyle ainsi que les lésions O4-méthyl-thymine (85).
La lésion O6me-G est donc une lésion mutagène et carcinogène et son rôle dans l’oncogenèse
a été démontré. Ainsi, in vivo, les souris transgéniques knock out pour le gène MGMT ont une
susceptibilité augmentée au développement de tumeurs en réponse aux carcinogènes et aux
effets toxiques des agents alkylants anti-tumoraux (86). À l’inverse, les souris transgéniques
surexprimant le gène MGMT montrent une résistance à la carcinogenèse induite par les agents
alkylants et une réduction du développement des tumeurs spontanées (87). Chez l’homme, il a
été montré que les tumeurs n’exprimant pas la MGMT présentaient des taux élevés de
mutations G>A des gènes RAS et TP53 conduisant à l’oncogenèse (72, 73). Un autre
argument en faveur du rôle oncogénique de la suppression de l’activité MGMT est que plus
de 30 % des tumeurs colorectales, cérébrales et de la sphère ORL présentent une extinction
épigénétique de l’expression MGMT par hyperméthylation de son promoteur (74).
73
I.2. Expression
La réversion directe des lésions de l’ADN par la MGMT, souvent qualifiée de « réaction
suicide », n’agit qu’une fois, son activité est donc très dépendante de la disponibilité cellulaire
en MGMT, c’est à dire du niveau de transcription du gène et de la dégradation de la protéine.
L’expression de la MGMT est ubiquitaire dans les tissus mais son niveau d’expression est très
variable d’un tissu à l’autre ; on désigne ainsi les phénotypes Mer- et Mer+ selon la faible ou
la forte expression de MGMT respectivement. L’activité de MGMT varie beaucoup entre les
différents tissus sains d’un même individu, entre les mêmes tissus de différents individus et
entre les cellules d’un même tissu. Son expression est la plus élevée dans le foie, suivi du
côlon et du poumon ; elle est relativement très faible dans les tissus nerveux et myéloïde (88).
Cette expression est principalement régulée par la méthylation des sites CpG de son
promoteur. L’îlot CpG sur MGMT s’étend sur 777 pb avec 97 sites CpG et inclut la séquence
promotrice du gène qui ne possède pas de boîte TATA ni CAAT, et une séquence régulatrice
enhancer de 59 pb située à la jonction entre le premier exon et le premier intron (72, 89)
(Figure 13).
Esteller et al. (74) ont évalué l’hyperméthylation du promoteur de MGMT dans plus de 500
tumeurs primaires en comparaison avec leur équivalent tissulaire sain par une technique de
PCR spécifique de séquence méthylée (MSP, Methylation Specific PCR) et montré sa
corrélation avec la perte d’expression de la protéine MGMT, de son ARNm et de son activité
catalytique. Ils ont observé que l’extinction génique par hyperméthylation était fréquente dans
les gliomes, les tumeurs coliques, les lymphomes, les tumeurs ORL et les cancers du poumon
non à petites cellules (Figure 14). L’hyperméthylation du promoteur de MGMT serait un
événement précoce de l’oncogenèse car elle a été observée dans des petits adénomes coliques.
74
Figure 14. Pourcentage de tumeurs cancéreuses primaires de 23 types cellulaires
différents présentant une hyperméthylation du promoteur de MGMT. n = nombre
d’échantillons analysés. Tiré de Esteller et al. Oncogene 2004 (72).
Enfin, la méthylation du promoteur de MGMT, et donc son expression et son activité dans les
tissus tumoraux, permet de prédire la réponse aux agents alkylants. Dans les glioblastomes,
l’hyperméthylation du promoteur de MGMT est corrélée à une augmentation de la survie sans
progression et de la survie globale chez les patients traités par témozolomide et/ou
radiothérapie (91). Une autre implication possible de MGMT en clinique est la possibilité de
potentialiser l’action des traitements alkylants par l’O6-benzylguanine (O6BG). En effet, cette
dernière est structuralement proche de l’O6-méthylguanine et détourne l’activité transférase de
MGMT en réalisant un leurre ; le taux résiduel de MGMT disponible pour réparer les adduits
sur l’ADN s’en trouve alors diminué. Des stratégies de protection contre la cytotoxicité
médullaire des agents méthylants (témozolomide) ou chloroéthylants (BCNU) ont été testées
in vivo par thérapie génique. Le transfert du gène MGMT muté (P140K) sur un résidu rendant
la transférase insensible à l’action de l’O6BG dans des progéniteurs hématopoïétiques permet
de diminuer la toxicité des alkylants sur ce compartiment médullaire tout en conservant une
sensibilité accrue du compartiment tumoral aux alkylants lors de l’ajout de l’inhibiteur O6BG
(92).
L’expression de MGMT a ainsi une double responsabilité en oncogenèse, d’une part parce
qu’elle prévient la carcinogenèse en réparant les lésions mutagènes et cytotoxiques de l’ADN,
et d’autre part en thérapie anti-cancéreuse puisqu’elle limite l’efficacité des chimiothérapies
alkylantes.
75
I.3. Structure
Le gène MGMT (ID NCBI : 4255) est situé en 10q26.3 et s’étend sur plus de 170 kb d’ADN
génomique. Il contient cinq exons, les quatre derniers seulement étant codants. La séquence
promotrice s’étend sur 1,2 kb à l’extrémité 5’ du gène et inclut le premier exon et une partie
du premier intron. Elle ne présente pas de boîte TATA ni CAAT et contient des régions riches
en GC. Elle présente un promoteur minimal de 88 pb et une séquence enhancer de 59 pb
localisée à la jonction exon/intron du premier exon. Elle comporte les sites de fixation aux
facteurs de transcription Sp1 et AP-1 et également des éléments de réponse aux
glucocorticoïdes.
La MGMT appartient à la superfamille des alkyl transférases qui sont très répandues dans les
espèces animales. Les analyses cristallographiques comparatives des différentes espèces du
vivant ont permis d’identifier des motifs structuraux conservés impliqués dans la
reconnaissance et la liaison à l’ADN, la reconnaissance du substrat, le mécanisme de transfert
du groupe alkyle et le détachement de l’ADN de la MGMT alkylée. Le domaine C-terminal
de la protéine (résidus 86 à 207) contient le site actif de l’activité alkyl transférase avec le
motif conservé PCHR où la Cys145 est le site accepteur d’alkyle, et le domaine de liaison à
l’ADN avec son motif HTH (helix-turn-helix) (Figure 15). La MGMT utilise le motif HTH, la
deuxième hélice ayant un rôle de reconnaissance de l’ADN, pour se lier au sillon mineur de
l’ADN. Une charnière d’asparagine (Asn-hinge) lie les domaines fonctionnels HTH et PCHR
entre eux et les stabilise par la formation de deux surenroulements serrés (Figure 16). Cette
charnière joue un rôle dans le changement conformationnel de la protéine alkylée pour son
détachement de l’ADN (93). Ce domaine C-terminal contient donc les éléments nécessaires à
la liaison à l’ADN et au transfert du groupement alkyle, la fonction du domaine N-terminal
est encore inconnue. Ce domaine N-terminal (résidus 1 à 85) possède un site de liaison pour
un atome de zinc, co-activateur de la réaction catalytique, et la suppression du domaine N-
terminal abolit l’activité du domaine C-terminal suggérant un rôle structural important du
76
domaine N-terminal dans l’orientation adéquate du domaine C-terminal pour réaliser son
activité catalytique.
Figure 15. Alignement des séquences primaires, structure secondaire (bleu : hélice α, rouge :
feuillet ), et motifs conservés de MGMT dans trois espèces (homme, bactérie E. coli et
archéobactérie P. kodakaraensis). Le site actif Cys145 est en blanc, les résidus conservés
sont marqués par un astérisque, les résidus non conservés mais similaires sont en lettres
capitales. La charnière d’asparagine fait le lien entre le motif HTH possédant les sites de
liaison à l’ADN et le site catalytique accepteur d’alkyl PCHR. Les deux encadrés rouges
signalent la position des deux SNP de notre étude : Ile143Val et Lys178Arg. Adapté de
Daniels et al., Mutat Res 2000 (94).
Figure 16. Structure cristallographique aux rayons X de MGMT. A. MGMT avant réaction. Le
domaine N-terminal est en vert, le C-terminal en jaune, le motif HTH en bleu. C145 : site actif
catalytique, N137 : début de l’Asn-Hinge, charnière de liaison entre HTH et site actif. B.
MGMT lié à l’ADN par la reconnaissance par la deuxième hélice du motif HTH du sillon
mineur de l’ADN. Tiré de Tubbs et al., DNA Repair 2007 (93).
77
I.4. Dégradation de la MGMT
La protéine MGMT ayant accepté le groupement alkyle sur un résidu interne, la cystéine 145,
est adressée par ubiquitinylation au protéasome. Il a été montré dans des lignées cellulaires
que l’ubiquitinylation de MGMT formait des complexes liant de manière covalente deux,
trois ou neuf molécules d’ubiquitine de 8,5 kDa à la protéine MGMT (22-25 kDa), signal
d’adressage au complexe protéique de dégradation, le protéasome (95). Il a été montré
également que des mutations substituant la cys145 par une phénylalanine (C145F) ou d’autres
résidus de grande taille entraînaient une altération stérique du site actif avec pour conséquence
une augmentation de l’ubiquitinylation et de la dégradation de MGMT, indépendamment du
traitement par l’O6BG (96). Un changement conformationnel de la protéine MGMT alkylée
serait le signal d’adressage à l’ubiquitinylation en augmentant la capacité de l’alkyl-MGMT à
servir de substrat à l’ubiquitine ligase. Les études cristallographiques par rayons X de la
forme alkylée et non alkylée de MGMT ont montré que la Cys145 réalise un réseau de
liaisons hydrogène fonctionnellement important entre des résidus proches : Tyr158, His146 et
Ile141. Ce réseau hydrogène est indispensable à la stabilité et à l’activité de la protéine. La
liaison de l’adduit alkyle sur la fonction thiol de la Cys145 entraîne une rupture de ce réseau
de liaisons hydrogène et un changement conformationnel résultant en l’ouverture d’une
charnière d’asparagine formée par les résidus Asn137 à Pro144 (97). Cette ouverture permet
la dissociation entre l’alkyl-MGMT et la double hélice d’ADN, et augmente sa
reconnaissance par l’ubiquitine ligase E3.
Le résidu Ile143 est adjacent au site actif Cys145 accepteur de groupement alkyle et le
polymorphisme Ile143Val pourrait affecter la fonction de MGMT. Il pourrait notamment
interférer avec sa stabilité ou sa dégradation car il prend part à la charnière asparagine qui
joue un rôle important dans le changement conformationnel, signal de l’adressage de la forme
alkylée de MGMT à l’ubiquitinylation puis à la dégradation par le protéasome. De plus, des
contacts hydrophobes qui stabilisent l’interface entre la charnière asparagine et le domaine N-
terminal de la protéine sont réalisés par les résidus Val139, Ile141, Leu142 et Ile143, ce
dernier étant le siège du polymorphisme Ile143Val (SNP1) de notre étude (97).
Parmi les centaines de SNP identifiés dans le gène MGMT, 19 sont des SNP non synonymes
avec substitution d’acide aminé en région codante, accessibles depuis la base dbSNP du
NCBI. Parmi eux, les trois plus fréquents sont :
78
Nucléotide variant SNP ID Exon Acide aminé MAF
C2740214T rs12917 3 Leu84Phe 0,125
A2798995G rs2308321 5 Ile143Val 0,159
A2799101G rs2308327 5 Lys178Arg 0,159
Un résidu acide aminé est d’autant plus important pour la structure et la fonction d’une
protéine s’il est dans ou proche d’une séquence conservée au cours de l’évolution, c’est-à-dire
une séquence essentielle à la fonction de la protéine. Les variations polymorphiques situées
dans un domaine fonctionnel ont donc d’autant plus de chances d’entrainer des conséquences
sur la capacité de réparation de MGMT. La localisation de quelques SNP, dont les deux qui
nous intéressent, est représentée dans la structure tertiaire de la protéine sur la figure 17. Le
polymorphisme Ile143Val est adjacent au site actif Cys145 et à sa séquence conservée PCHR,
et il est situé sur la charnière Asn-hinge faisant jonction entre le site actif et les deux hélices
du motif HTH de liaison à l’ADN. Le polymorphisme Lys178Arg pourrait ne pas avoir de
conséquence fonctionnelle sur l’activité de MGMT car celle-ci est maintenue lorsque la
protéine est tronquée à partir du résidu 176 (98).
79
L’implication de ces deux polymorphismes Ile143Val et Lys178Arg dans les études
d’épidémiologie moléculaire ne sera pas rediscutée ici (voir Première partie, B. Etude
épidémiologique, Introduction). Plusieurs équipes ont recherché l’impact fonctionnel de ces
variants sur les capacités de réparation de MGMT. Ma et al. (99) ont étudié des souches
bactériennes d’E. coli transfectées par le gène MGMT sauvage, variant ou double variant. À
partir d’extraits protéiques des souches bactériennes et en présence d’un oligomère d’ADN
méthylé avec des lésions O6-meG sur un site de restriction et marqué au 32
P, ils n’ont pas
observé de différence d’activité de la protéine MGMT. En outre, la survie bactérienne en
réponse au traitement alkylant par MNNG (N-méthyl-N’-nitro-N-nitrosoguanidine) était
identique avec les différentes souches sauvage et variant. Margison et al. (100) ont obtenu les
mêmes résultats sur les protéines recombinées MGMT sauvage et variantes agissant sur un
substrat d’ADN méthylé marqué au tritium. Ils n’observent pas de différence sur la cinétique
de transfert des groupements méthylés, ni sur la stabilité thermique des protéines. Par contre,
l’inactivation de MGMT par addition de PaTrin-2 (O6-4-bromothényl-guanine), un pseudo-
substrat de MGMT équivalent à l’O6BG, montre une inhibition moindre de la forme variante
Val143 par rapport à la forme commune Ile143. Dans cette même étude, les auteurs ont
également déterminé que le niveau d’expression des deux allèles, commun ou variant, chez
les patients hétérozygotes et à partir des cellules mononucléées sanguines, n’est pas le même
et présente un déséquilibre d’expression allélique parfois en faveur de l’allèle commun et
parfois en faveur de l’allèle variant. Cela supposerait que la grande variation interindividuelle
de l’activité MGMT pourrait reposer sur cette différence du taux d’ARN messager déterminée
génétiquement par le SNP. Ce déséquilibre d’expression allélique avait déjà été observé sur
du tissu pulmonaire sain où le taux d’expression de la protéine MGMT variait largement entre
les individus en liaison avec les deux allèles d’un SNP silencieux du troisième exon
(rs1803965) (101).
Les objectifs de cette seconde partie de l’étude ont été de caractériser les relations
fonctionnelles possibles entre génotype et phénotype, c’est-à-dire de rechercher les
conséquences fonctionnelles des SNP Ile143Val (SNP1) et Lys178Arg (SNP2) du gène
MGMT, identifiés dans la première partie de l’étude comme associés au caractère secondaire
des SMD/LA afin d’identifier un lien biologique explicatif entre la présence des génotypes
variants et le développement de leucémies secondaires.
80
Ces conséquences sont à rechercher au niveau :
81
SP6 53...70
attB1 85...109
165 EcoRI (1)
Chlor R 1965...2623
pOTB7_cDNAmgmt
2636 bp
Différentes souches d’E. coli sont utilisées pour l’amplification des plasmides par culture
bactérienne :
– Le plasmide pOTB7 a été obtenu à partir d’un culot de culture de DH10B dont le
génotype est : F- endA1 recA1 galE15 galK16 nupG rpsL ΔlacX74 Φ80lacZΔM15
araD139 Δ(ara,leu)7697 mcrA Δ(mrr-hsdRMS-mcrBC) λ- ;
– Les transformations des produits de mutagenèse dirigée ont été réalisées avec des
bactéries XL1-Blue dont le génotype est : endA1 gyrA96(nalR) thi-1 recA1 relA1 lac
glnV44 F'[ ::Tn10 proAB+ lacIq Δ(lacZ)M15] hsdR17(rK- mK+) ;
– L’étape de sous-clonage de la réaction entre attB et attP (réaction BP) a été réalisée
avec des TOP10 dont le génotype est : F- mcrA Δ(mrr-hsdRMS-mcrBC)
φ80lacZΔM15 ΔlacX74 nupG recA1 araD139 Δ(ara-leu)7697 galE15 galK16
rpsL(StrR) endA1 λ- ;
– L’étape finale de sous-clonage dans le plasmide d’expression lentiviral possédant les
séquences LTR, séquences instables, a été réalisée avec les bactéries STBL3 dont le
gène RecA13 élimine les recombinaisons homologues des séquences instables. Leur
génotype est: F- glnV44 recA13 mcrB mrr hsdS20(rB-, mB-) ara-14 galK2 lacY1
proA2 rpsL20 xyl-5 leu mtl-1.
82
Les cultures bactériennes sont réalisées dans du milieu LB liquide (Luria Broth) stérilisé par
autoclavage (120°C, 20 min), à 37°C, sous agitation à 250 rpm. Les cultures en milieu solide
sont réalisées avec du milieu LB additionné de 2 % d’agar avant stérilisation.
Les antibiotiques utilisés pour la sélection positive des colonies transformées sont :
L’extraction d’ADN à partir des cultures bactériennes est réalisée avec les kits Plasmid Mini®
et Plasmid Maxi®, Qiagen en fonction des volumes des cultures et selon les recommandations
du fournisseur. La digestion par les enzymes de restriction choisies à partir de chaque carte de
restriction des plasmides permet de vérifier les différentes étapes du clonage, notamment la
présence complète de l’insert MGMT et son orientation, par la migration des produits de
digestion sur gel d’agarose et analyse des fragments obtenus.
83
avec 125 ng de chacune des amorces sens et anti-sens. Un tampon 10×, des dNTP et l’ADN
polymérase Pfu Ultra sont ajoutés dans un volume final de 50 L. Les cycles d’amplification
sont : une dénaturation 30 secondes à 95°C, puis 16 cycles de 30 secondes 95°C, 1 minute à
55°C, 5 minutes à 68°C. Les trois types de variants ont été créés : SNP1, SNP2 et SNP1+2.
Cette amplification a été réalisée avec le thermocycleur Veriti®, Applied Biosystems.
Chacune de leurs séquences a été ensuite vérifiée par séquençage direct.
84
III.1.3. Sous-clonages des plasmides mutés à destination du plasmide d’expression
lentiviral
La technologie Gateway® (Life Technologies) a été utilisée pour sous-cloner le gène MGMT
du plasmide pOTB7 dans le vecteur final d’expression destiné à la production lentivirale, en
réalisant deux étapes de sous-clonage. Cette technologie permet le transfert de séquences
d’ADN encadrées par des sites spécifiques de recombinaison en maintenant le cadre de
lecture et l’orientation de l’ADNc.
Le deuxième sous-clonage, la réaction LR, a utilisé ce plasmide d’entrée pour réaliser une
seconde recombinaison site-spécifique avec le plasmide de destination (pSD69) portant les
sites attR1 et attR2. Le plasmide résultant de cette réaction est pSD69-MGMT où l’ADNc de
MGMT est compris entre les sites attB1 et attB2. Les enzymes et protéines nécessaires à ces
réactions sont l’intégrase, l’IHF (Integration Host Factor) et l’excisionase (Figure 20).
Les plasmides non clonés pDONR et pSD69 ont été fournis par une autre équipe de notre
unité INSERM (Dr Élodie Richard).
85
Figure 20. Réactions de recombinaison site-spécifique de la technologie Gateway®.
Les produits clonés sont sélectionnés par leur gène de résistance à différents
antibiotiques. Les produits non clonés sont détruits par l’effet létal pour les bactéries
E. coli du gène codé par ccdB. Tiré de www.lifetech.com Life Technologies, Gateway®
Recombination Cloning Technology.
86
puroR (pac) 8129...8728 HIV SIN LTR U3*RU5 1...234
8111 PstI (3) SV40 ORI 435...641
murine PGK promoter 7600...8108 F1 ORI 802...1260
WPRE 6990...7588
attB2 6956...6980 ampR (bla) 1392...2252
pSD69_mgmt
6587 PstI (3) 8844 bp
cDNA MGMT 6053...6887
6256 PstI (3)
pUC ORI 2397...3070
attB1 5967...5991
human PGK promoter 5439...5954
5427 EcoRV (1)
cPPT 5276...5399 RSV LTR U3 3476...3707
RRE 4551...4792 HIV LTR RU5 3708...3889
Figure 21. Plasmide d’expression lentiviral obtenu après les deux réactions de sous-clonage.
Il code pour l’ADNc de MGMT sous la dépendance du promoteur hPGK. On retrouve les
séquences lentivirales LTR et SIN-LTR, WPRE et cPPT. Les sites de restriction PstI et EcoRV
ont permis la vérification des plasmides après digestion par ces enzymes.
87
III.2. Production des particules lentivirales
III.2.1. Principe
La production des particules virales infectieuses, mais défectives pour la réplication, a été
réalisée par une co-transfection transitoire des cellules HEK293T (cellules humaines
embryonnaires de rein, immortalisées par les protéines E1A et E1B de l’adénovirus) avec une
combinaison de trois plasmides en présence de phosphate de calcium (Figure 22).
Plasmide d’enveloppe
RSV VSV-G Poly A
Cotransfection
Gag
Pol
Particules lentivirales
recombinantes
Figure 22. Principe de la production des vecteurs lentiviraux. La co-transfection de
trois plasmides dans des cellules 293T permet leur expression et la recombinaison
en particules lentivirales qui sont récoltées dans le surnageant cellulaire.
88
tropisme du vecteur car la reconnaissance sur la membrane de la cellule cible ne semble pas
faire intervenir de récepteurs protéiques spécifiques, mais des phospholipides membranaires.
Les plasmides PAX et pSD11 ont été fournis par une autre équipe de notre unité INSERM (Dr
Élodie Richard).
III.2.2. Protocole
Cette production a été réalisée au laboratoire de niveau de sécurité P2, tout comme l’infection
lentivirale jusqu’au J14 post-transduction.
Le 1er jour, 5,5×106 cellules 293T cultivées dans du milieu Dulbecco’s Modified Eagle’s
Medium (DMEM 1× ; Gibco BRL) supplémenté avec 10 % de sérum de veau fœtal (SVF ;
Gibco BRL) décomplémenté (1h à 56°C), sont ensemencées par boîte de Pétri de 10 cm
préalablement recouverte de poly-L-lysine (0,001%), et incubée à 37°C sous 5 % de CO2.
Le 2e jour, le milieu de culture est remplacé par 5 mL de milieu DMEM, SVF 10 %. Les
cellules sont co-transfectées avec les trois plasmides. Le mélange est composé de 10 g de
plasmide d’empaquetage, 15 g de plasmide de transfert et 4 µg de plasmide d’enveloppe
dans un volume final de 450 l (filtré à 0,22 µm). Puis 50 l de CaCl2 2,5 M sont ajoutés et
cette solution est mise en suspension goutte à goutte dans 500 l d’HBS 2× (pH 7,12 : NaCl
280 mM, Na2HPO4 1,5 mM, HEPES 100 mM) pour précipiter l’ADN par la formation de
complexes ADN/ CaCl2/ Phosphate. Après 3 à 5 min d’incubation à température ambiante,
89
cette suspension est répartie sur les cellules 293T. Les cellules sont ensuite incubées 6 h à
37°C sous 5 % de CO2.
Six heures après, les cellules sont lavées une fois avec du milieu DMEM sans sérum puis
incubées avec 7 mL de milieu OPTIMEM 1× (Gibco BRL®) + HEPES 20 mM à 37°C, 5 %
CO2.
Trente-six heures après, les surnageants de culture sont prélevés, centrifugés à 2500 rpm
pendant 10 min à 4°C et filtrés à 0,22 m pour éliminer les débris cellulaires en suspension.
Cette production lentivirale est effectuée pour les quatre différents plasmides d’expression :
WT, SNP1, SNP2 et SNP1+2. Les particules virales sont aliquotées et conservées à –80°C.
La lignée HEK293T (ou 293T), une lignée non tumorale humaine embryonnaire de rein, a été
choisie pour construire le modèle d’expression isogénique des différentes formes commune et
variantes de la MGMT, car cette lignée n’exprime pas le gène MGMT et ne porte pas de
mutation de TP53 (TP53 sauvage). En effet, l’induction du promoteur du gène MGMT et donc
le taux d’expression de l’ARNm et de la protéine semblent dépendants du statut sauvage de
TP53 en réponse aux dommages à l’ADN par des radiations ionisantes (102). Cette lignée
était disponible au laboratoire et se cultive en DMEM additionné de 10 % de SVF à 37°C et
sous 5 % de CO2.
L’infection lentivirale a été effectuée au laboratoire P2 sur les cellules 293T ensemencées la
veille en plaque 12 puits à raison de 105 cellules/puits. La transduction a été réalisée pendant
une nuit, selon une gamme de dilution des vecteurs WT, SNP1, SNP2 et SNP1+2 : 2 L, 5
L, 10 L, 50 L et 200 L ont été répartis sur les cellules à demi-confluence dans un
volume final de 500 L de DMEM + 10 % SVF. Après 12 h, le surnageant a été enlevé, le
tapis cellulaire lavé délicatement au PBS et remis en culture avec du DMEM + 10 % SVF.
Des puits contrôles non transduits et transduits avec un vecteur lentiviral contrôle (pER15),
n’exprimant pas la MGMT, ont été réalisés dans le même temps.
A 48 h après transduction, la sélection des cellules transduites a été réalisée par addition de
puromycine à la concentration de 2,5 g/mL dans le milieu de culture, les cellules ayant
intégré le transgène expriment le gène de résistance à la puromycine. Cette sélection opère dès
24 h et s’effectue sur deux à trois jours.
Dès 24 h, la puromycine entraine la mort de 100 % des cellules non transduites et l’évaluation
approximative du titre lentiviral peut se faire par l’observation du pourcentage de mort
90
cellulaire des différents puits transduits selon la gamme de dilution des vecteurs. Le nombre
de cellules ensemencées, divisé par la plus forte dilution de la gamme de vecteurs où on
observe une survie des cellules transduites, permet d’évaluer le titre infectieux de ces
vecteurs. Pour les conditions d’infection avec les vecteurs WT, SNP1, SNP1+2, 50 L de
vecteur ont permis la résistance des cellules transduites à la puromycine. Pour le vecteur
SNP2, le pouvoir infectieux est plus fort avec une résistance dès 10 L de particules virales.
Le titre viral exprimé en TU/mL (Transforming Unit/mL) est alors de 2×106 TU/mL pour les
vecteurs WT, SNP1, SNP1+2 et de 1×107 TU/mL pour le vecteur SNP2. Les MOI
(Multiplicity Of Infection), correspondant au nombre de particules virales divisé par le nombre
de cellules transduites, calculées à posteriori ici, sont alors de 1 avec 50 L de virus et de 4
avec 200 L de virus WT, SNP1 et SNP1+2. Elles sont de 1 avec 10 L et 5 avec 50 L de
virus SNP2.
Après 14 jours de culture et plusieurs passages des cellules transduites, le risque infectieux
pour le manipulateur est faible et les cultures cellulaires peuvent se faire dans une pièce de
culture classique P1.
Un culot cellulaire des lignées a été lavé au PBS froid et centrifugé à 900 rpm 10 minutes à
4°C. Le culot a été repris dans un tampon de lyse FT Lysis Buffer (Freeze-Thaw lysis buffer :
KCl 0,6 M, Tris-Cl pH 7,8 20 mM, glycérol 20 %) auquel a été ajouté un cocktail
d’inhibiteurs de protéases (Protease Inhibitor Cocktail EDTA free®, Merck Millipore).
L’extraction a été réalisée par choc thermique dans l’azote liquide avec trois cycles de
congélation/décongélation des lysats cellulaires, puis centrifugé à 13 000 rpm, à 4°C pendant
15 min. Le surnageant de protéines solubles a été récupéré et traité par 1 L de benzonase,
une endonucléase, pour éliminer les traces d’ADN. Les extraits ont été immédiatement
congelés en aliquotes à –80°C.
Le dosage des protéines a été réalisé avec le kit DC Protein Assay® (BioRad) par une réaction
colorimétrique et la réalisation d’une gamme d’étalonnage de BSA (Bovine Serum Albumine),
selon les recommandations du fournisseur.
Le transfert des protéines du gel sur une membrane PVDF (polyvinylidene fluoride) a été
réalisé par un système de transfert sec, l’iBlot 7-minutes Blotting system® (Invitrogen) selon
les recommandations du fournisseur. Puis la membrane a été saturée pendant une heure sous
agitation avec une solution de blocage contenant du PBS-Tween (PBS 0,1 % Tween-20
(Sigma)) et 5 % de lait en poudre. Le marquage par l’anticorps primaire monoclonal de souris
anti-MGMT (MT3.1, sc-56157, Santa Cruz®) a été effectué dans une solution PBS-Tween 2,5
% + lait en poudre, et à la dilution 1/200e de l’anticorps, sous agitation à 4°C une nuit. Le
lendemain, la membrane a été lavée trois fois par du PBS-Tween puis incubée avec
l’anticorps secondaire, anti-IgG de souris, pour l’immunodétection de MGMT, au 1/10 000e
dans une solution de PBS-Tween +2,5 % lait en poudre pendant une heure. A nouveau trois
lavages en PBS-Tween ont été réalisés.
Les autres immunodétections réalisées sont celles de l’actine avec l’anticorps primaire de
lapin anti-actine polyclonal (AV40173, Sigma®) à la dilution 1/1000e et l’anticorps secondaire
correspondant; et celle de IB avec l’anticorps primaire de lapin anti-IB polyclonal (sc847,
Santa Cruz®) à la dilution 1/1000e et l’anticorps secondaire correspondant.
L’extraction d’ARN à partir des lignées cellulaires MCF7 (contrôle positif d’expression de la
MGMT) et 293T a été réalisée avec le kit RNeasy Mini® (Qiagen), selon les
92
recommandations du fournisseur. Les amorces choisies pour la RT-PCR quantitative de
MGMT ont été alignées sur la jonction exon 2/exon 3 de l’ARNm de MGMT pour s’affranchir
d’une contamination par l’ADN génomique. Leur spécificité a été vérifiée par alignement de
séquence sur la séquence de référence ARN NM_002412.3.
La réaction de transcription inverse est réalisée avec le kit Superscript VILO cDNA
Synthesis® (Invitrogen), selon les recommandations du fournisseur et à partir de 1 g d’ARN.
La réaction a été réalisée sur le thermocycleur 9700 GeneAmp® (Applied Biosystems) selon
les cycles suivants : 10 min à 25°C, 60 min à 42° C, 5 min à 85°C. L’ADNc obtenu a servi de
matrice à la PCR quantitative de MGMT et de deux gènes de ménage, GAPDH et la sous-
unité ribosomale 18S, contrôles positifs de la réaction car de niveau d’expression équivalent
quelles que soient les lignées cellulaires. Cette PCR quantitative utilise l’agent intercalant
fluorescent SYBR Green avec le kit Express SYBR Green ER qPCR SuperMixes ®
(Invitrogen). Cette amplification a été réalisée sur le thermocycleur Rotor Gene® (Qiagen),
selon les cycles : dénaturation de 2 min à 95°C, 40 cycles de 15 s à 95°C, 60 s à 60°C, 30 s à
72°C.
L’îlot CpG du promoteur du gène MGMT s’étend sur 777 pb et comporte 97 sites CpG. Des
amorces ont été choisies pour amplifier et séquencer un fragment de 103 pb contenant 10 sites
CpG par pyroséquençage afin d’effectuer une mesure quantitative de la méthylation de ces
sites. Une conversion au bisulfite des ADN, issus des lignées ou des échantillons de patients,
a permis la conversion des cytosines non méthylées en uracile, laissant les cytosines
méthylées inchangées. On obtient ainsi des séquences différentes selon que les sites CpG sont
méthylés ou non. L’étape la plus critique d’une évaluation de la méthylation est donc
l’obtention d’une conversion complète des cytosines non méthylées par une incubation de
l’ADN avec des concentrations élevées de sels de bisulfite à haute température. Cette
conversion a été effectuée avec le kit EpiTect Bisulfite® (Qiagen) sur le thermocycleur Veriti®
(Applied Biosystems) selon des cycles de dénaturation et d’incubation permettant la
sulfonation et la désamination des cytosines : 5 min à 95°C, 25 min à 60°C, 5 min à 95°C, 85
min à 60°C, 5 min à 95°C, 175 min à 60°C. La purification des ADN convertis se fait sur les
93
colonnes de purification du kit par des étapes de désulfonation, lavages et précipitation. Un
contrôle de conversion (ADN non méthylé) a été traité selon les mêmes étapes.
Deux tests ont été utilisés pour évaluer la cytotoxicité des agents anti-cancéreux. La
cytotoxicité d’un agent peut s’exprimer par la concentration de médicament induisant 50 %
d’inhibition de croissance ou par celle induisant 50 % d’inhibition d’efficacité de clonage. Le
premier est un test comparant la croissance d’une population cellulaire traitée à celle d’une
population non traitée, c’est un test de viabilité par une mesure de l’activité métabolique des
cellules à un instant t. Le deuxième test interroge la survie cellulaire d’une population traitée
par rapport à une non traitée en mesurant la capacité des cellules viables restantes à former
des colonies cellulaires.
94
– Cisplatine, solution à 1 mg/mL, Merck®, ajouté dans le milieu DMEM, solution stock
conservée à température ambiante.
Ces tests utilisent la réduction d’un sel de tétrazolium (le bromure de 3,4,5-diméthylthiazol-
2,5-diphényl tétrazolium ou MTT) en formazan par les déshydrogénases mitochondriales des
cellules viables. Il évalue donc l’activité métabolique mitochondriale des cellules. Le MTT-
formazan forme des cristaux violets solubles dans le DMSO et dont on peut évaluer la
concentration par spectrophotométrie à la longueur d’onde de 530 nm. Les cellules
ensemencées en plaque à 96 puits doivent rester en phase exponentielle de croissance
jusqu’au moment de la mesure. Les cellules des lignées modifiées 293T ont été ensemencées
à raison de 700 cellules par puits dans 100 L de volume final la veille du début du
traitement. L’agent cytotoxique testé est ajouté le lendemain selon une gamme de
concentrations adéquates, les dilutions de la solution stock du médicament dans le milieu de
culture DMEM +10 % SVF étant effectuées extemporanément. Le temps de contact des
cellules avec l’agent cytotoxique a été de 72 h pour toutes les expériences. Après incubation,
la quantité de cellules métaboliquement actives est mesurée par coloration au MTT (Thiazolyl
Blue Tetrazolium Bromide, CAS 293-93-1, Sigma) à la dose de 0,5 mg/mL en 200 L
DMEM final par puits pendant 4 h. Puis les cristaux de formazan ont été solubilisés par
addition de DMSO et les plaques ont été lues au spectrophotomètre à 570 nm. Chaque
condition (traitée et non traitée) est réalisée en triplicat interne. Les expériences sont
reproduites indépendamment 3 à 4 fois pour obtenir des triplicats inter-expériences et des
écart-types.
Ces essais évaluent la capacité d’une cellule viable à donner naissance à une colonie
cellulaire. L’évaluation de la viabilité cellulaire par essai de clonogénicité élimine donc les
cellules en quiescence cellulaire et celles avec mort cellulaire différée, donnant une mesure
plus juste de la viabilité. Différentes mises au point des conditions de réalisation de cette
expérience ont été testées. La procédure retenue a été réalisée en plaque 6 puits avec un
ensemencement (sans agar) à très faible densité cellulaire. Les cellules des différentes lignées
293T ont d’abord été traitées pendant 72 h avec l’agent cytotoxique choisi selon une gamme
de concentrations, des contrôles non traités étant réalisés en parallèle. À 72 h, les cellules ont
été comptées de façon précise et ensemencées en conditions clonogéniques à raison de 500
cellules par puits dans un volume final de 2,5 mL de DMEM +SVF 10 %, puis incubées à
95
37°C sous 5 % de CO2 pendant 7 jours. Au 7e jour, l’observation au microscope inversé de
colonies cellulaires de taille suffisante, c’est-à-dire supérieure à 50 cellules par colonie, a
déterminé l’arrêt de la culture. Les colonies ont été fixées à l’éthanol à 70 % pendant 15 min,
rincées au PBS et colorées au crystal violet (solution à 2,3%, Sigma) pendant 10 min, puis
rincées à l’eau et séchées. Un comptage visuel des colonies a été effectué. L’efficacité de
clonage des témoins est le nombre de colonies divisé par le nombre de cellules ensemencées,
sans traitement. De même, les résultats obtenus pour chaque concentration de médicament
sont exprimés en pourcentage de survie par rapport au contrôle non traité et (nombre de
colonies divisé par le nombre de cellules ensemencées, que multiplie l’efficacité de clonage).
Chaque condition est réalisée en triplicat interne et l’expérience est reproduite trois fois
indépendamment pour obtenir un triplicat inter-expériences et des écart-types.
Les co-cultures ont été effectuées en mélangeant des nombres égaux de cellules des lignées
293T-WT et 293T-SNP1+2. Ces cultures en flacons ont été réalisées en triplicat avec et sans
traitement par une dose infra-toxique de BCNU, celle correspondant à 10 % d’inhibition de
croissance en MTT, soit 1 M. Ces co-cultures ont été cultivées à long terme pendant 91
jours. Une extraction d’ADN est réalisée tous les 7 jours (Blood and Cell culture DNA
Minikit®, Qiagen).
Une gamme de mélange des ADN de chacune des lignées 293T-WT et 293T-SNP1+2 extraits
au J0 a été réalisée pour étalonner la mesure des quantités de chaque allèle présent selon les
proportions : WT/SNP1+2 = 100/0, 90/10, 80/20, 70/30, 60/40, 50/50, 40/60, 30/70, 20/80,
10/90, 0/100.
La technique de pyroséquençage permet de génotyper les loci variants mais aussi de quantifier
le taux relatif d’allèle commun ou variant présent dans l’échantillon, la hauteur du pic du
pyrogramme correspondant à la mesure quantitative du nucléotide détecté. Des amorces de
pyroséquençage ont été élaborées pour génotyper les deux loci des SNP, elles sont différentes
de celles utilisées pour le séquençage des ADN des patients, le gène MGMT apporté dans les
lignées correspondant uniquement à la séquence codante (ADNc) et non à l’ADN génomique.
Les amorces utilisées sont :
SNP1 : amorce sens : TTTTCCAGCAAGAGTCGTTCAC
amorce anti-sens biotinylée : TCATGGGCCAGAAGCCATT
amorce de séquençage : CCTGTCCCCATCCTC
SNP2 : amorce sens : AGGACTGGCCGTGAAGGAA
96
amorce anti-sens : CCCTGCCAGACCTGAGCT
amorce de séquençage : GGCCACCGGTTGGGG
Les western blots anti-IB et anti-MGMT ont été réalisés comme décrits précédemment. La
cinétique de décroissance de la protéine IB a été réalisée sous stimulus par le TNF à la
concentration de 10 ng/mL final (Shenandoah Biotechnology Inc., référence 100-111, aliquots
stock à 100 µg/mL en PBS 0,1% BSA), et les extraits protéiques ont été réalisés à 15 min, 30
min, 1 h et 2 h après addition de TNF. L’inhibiteur du protéasome MG132 (CAS 133407-
82-6, Sigma) a été utilisé à la concentration de 10 M pendant 4 h de préincubation des
cellules. La cinétique de décroissance de MGMT a été réalisée sous le stimulus par l’O6BG
(CAS 19916-73-5, Sigma, soluble dans le méthanol à 20 mg/mL) à la concentration de 80
M. Les protéines ont été extraites 2 h, 4 h, 6 h, 8 h et 10 h après addition d’O6BG. Le
cycloheximide (CAS 66-81-9, Sigma) a été utilisé à la concentration de 100 M pour inhiber
la synthèse protéique durant cette période.
Nous avons recherché des différences fonctionnelles entre les protéines MGMT commune et
variantes à l’aide de plusieurs approches. Nous avons d’abord tenté de savoir quelles
pouvaient être a priori les conséquences structurales des changements liés au polymorphisme,
au niveau des ARN messagers et au niveau des protéines. Nous avons ensuite comparé
expérimentalement des lignées isogéniques que nous avons générées, ne différant que par le
remplacement des acides aminés du double polymorphisme Ile147Val et Lys178Arg, (1) en
évaluant leur sensibilité différentielle aux agents cytotoxiques mettant en jeu une réparation
utilisant ou non la MGMT ; (2) en recherchant si le polymorphisme conférait un avantage
prolifératif aux cellules exprimant la MGMT variante ; (3) en analysant la stabilité des
protéines commune et variante vis-à-vis de la destruction protéasomale.
La structure secondaire des ARNm de MGMT dans leur forme commune ou variante a été
analysée par un logiciel de l’université de Vienne accessible en ligne (RNA fold) à partir du
97
serveur http://rna.tbi.univie.ac.at/cgi-bin/RNAfold.cgi. Cet outil permet de prédire la structure
secondaire d’énergie libre minimale sur le plan thermodynamique en se basant sur la
probabilité d’appariement des nucléotides des séquences. On recherche ainsi une différence
dans la structure des tiges et des boucles en épingle à cheveux qui pourrait être causée par la
transition G>A des SNP1 et SNP2. La figure 23 montre ces structures et la valeur de leur
énergie libre minimale. Nous n’avons pas observé de différence dans les structures
secondaires des différentes séquences ARNm commune et variantes, ni dans l’énergie
minimale libre de leur structure.
Figure 23. Structures secondaires des séquences des ARNm des gènes commun (WT) et
variants (SNP1, SNP2 et SNP1+2). Les couleurs correspondent à la probabilité d’appariement
des nucléotides entre eux de la plus faible (bleu) à la plus forte (rouge). Les flèches indiquent
la position des deux SNP. L’énergie libre minimale des structures est exprimée en kcal/mol.
98
IV.1.2. Fréquence d’utilisation des codons
– Un pH isoélectrique équivalent : Ile : 5,94 ; Val : 5,96 et Lys : 9,59 ; Arg : 11,15.
– Une hydrophobie voisine selon l’échelle de Kite et Doolittle : Ile et Val sont
hydrophobes, Lys et Arg hydrophiles.
– Une chaîne latérale aliphatique pour Ile et Val, basique pour Lys et Arg.
– À pH neutre, non chargés ou apolaires pour Ile et Val, basiques pour Lys et Arg.
Il n’existe donc pas a priori de différence structurale majeure entre les deux protéines, ce qui
ne peut exclure une différence fonctionnelle si la remplacement des acides aminés se situe eu
niveau du centre actif de l’enzyme.
99
IV.2. Génération des lignées isogéniques exprimant la MGMT sauvage ou
variante
a) Expression protéique
L’absence d’expression de la MGMT par les cellules de la lignée 293T a été vérifiée par
western blot (Figure 24) avec, comme contrôle positif d’expression, les extraits protéiques
d’une lignée connue pour son expression (MCF7).
Figure 24. Western blot anti-MGMT réalisé sur des extraits protéiques
des lignées MCF7 (témoin positif) et 293T.
d) Expression du transcrit
100
Figure 25. Courbes d’amplification des gènes 18S, GAPDH et MGMT réalisées en triplicat à
partir de l’ADNc issu des transcriptions inverses des ARNm des lignées MCF7 et 293T.
Afin de déterminer la cause de l’absence d’expression de la MGMT par la lignée 293T, une
mesure de la méthylation des sites CpG du promoteur du gène MGMT a été mise au point par
technique de pyroséquençage. Après conversion au bisulfite des cytosines non méthylées, un
fragment de 103 pb a été amplifié et séquencé sur dix sites CpG. Les ADN contrôles du
fournisseur Qiagen présentent un taux de méthylation des dix sites CpG de 5 % en moyenne
pour le contrôle non méthylé et de 86 % en moyenne pour le contrôle hyperméthylé. L’ADN
extrait de la lignée 293T, converti au bisulfite, amplifié et séquencé, présente une
hyperméthylation des dix sites CpG analysés avec une moyenne de 85,5 % (Figure 26). La
lignée 293T n’exprime donc pas la protéine MGMT en raison de l’hyperméthylation de son
promoteur.
100
de méthylation des 10 sites
Moyenne des poucentages
80
60
CpG
40
20
0
contrôle non contrôle 293T
méthylé hyperméthylé
L’infection lentivirale de la lignée 293T a été réalisée par les quatre types de vecteurs
exprimant soit la forme commune de la MGMT soit les formes variantes : SNP1, SNP2 et
SNP1+2, selon une MOI (multiplicity of infection) de 1 et de 4. Après sélection des cellules
transduites par la puromycine, les lysats protéiques ont été utilisés pour mesurer l’expression
de la protéine MGMT par western blot. L’immunodétection permet d’observer son expression
dans les lignées transduites WT, SNP1, SNP2 et SNP1+2, d’intensité plus forte à MOI 4 qu’à
MOI 1, et une absence d’expression dans la lignée transduite avec le vecteur vide (pER15)
(Figure 27).
Figure 27. Western blot anti-MGMT des lignées transduites par les différents
vecteurs lentiviraux exprimant la MGMT (WT, SNP1, SNP2, SNP1+2) et vide (pER15) à
différentes concentrations virales (MOI 1 et 4). 293T NT (non transduit) et MCF7:
contrôles négatif et positif respectivement d’expression de la MGMT.
La mesure du rapport des intensités des bandes détectées de la MGMT et de l’actine permet
de comparer les intensités d’expression entre les différentes lignées (Figure 28). Les lignées
d’expression équivalente ont été choisies pour la suite des expériences : 293T-WT (MOI 4),
293T-SNP1 (MOI 4), 293T-SNP2 (MOI 1) et 293T-SNP1+2 (MOI 4).
0.2
Rapport eds densités
MGMT/ actine
0.1
0.1
0.0
102
La stabilité dans le temps de cette expression a été vérifiée par des western blots effectués à
distance de l’infection lentivirale. La figure 29 est le western blot anti-MGMT réalisé trois
mois après transduction des lignées. Il montre une stabilité de l’expression de la MGMT dans
les lignées 293T-WT, 293T-SNP1, 293T-SNP2 et 293T-SNP1+2.
L’induction de la transcription du gène MGMT étant dépendante des lésions causées à l’ADN
(103), nous avons vérifié l’absence de réexpression du gène MGMT endogène des cellules
293T non transduites sous traitement cytotoxique. Pour cela, la lignée 293T a été traitée par
0,6 M de cisplatine et 800 M de témozolomide pendant 72 h avant extraction des protéines.
L’immunodétection de la MGMT montre une absence d’expression dans ces lignées traitées,
les lignées transduites étant utilisées comme contrôles positifs d’expression (Figure 30).
Figure 30. Western blot anti-MGMT de la lignée 293T non transduite (NT)
traitée pendant 72 h par du cisplatine ou du témozolomide.
103
IV.3. Chimiosensibilité des lignées isogéniques
Les tests d’inhibition de croissance au MTT ont été réalisés avec un temps de contact de 72 h
des cellules avec l’agent cytotoxique, sauf pour l’inhibition de croissance induite par le
témozolomide qui a nécessité 96 h de traitement avant mesure. Chaque test a été réalisé en
triplicat interne et a été répété trois fois indépendamment, les barres d’erreur Y représentant
les erreurs standards de la moyenne (SEM ou SE).
Sur les courbes d’inhibition de croissance par le BCNU (carmustine) (Figure 31), nous avons
observé comme attendu une moindre sensibilité des cellules exprimant la MGMT par rapport
aux cellules non transduites, avec une IC50 (dose inhibant la croissance de 50 % par rapport
aux cellules non traitées) de 30 M pour les lignées transduites et une IC50 de 7 M dans les
lignées non transduite et transduite avec le vecteur vide. Nous n’avons pas observé de
différence significative entre les différentes formes de la MGMT, commune ou variantes.
150
par rapport au contrôle non traité
% de prolifération cellulaire
125
100 293T NT
293T pER15
75
293T WT
50
293T SNP1
25 293T SNP2
0 293T SNP1+2
0,1 1 10 100 1000
BCNU (µM)
Figure 31. Inhibition de croissance des lignées transduites et non transduite (NT)
par une gamme de concentration de BCNU : 5, 25, 50, 100, 250 et 500 M.
Sur les courbes d’inhibition de croissance par le témozolomide, nous avons observé une
résistance encore plus forte des cellules transduites, avec une IC50 de 700 M par rapport aux
cellules non transduites pour lesquelles l’IC50 est de 300 M (Figure 32). Les différences
observées entre les différents allèles exprimés de la MGMT ne sont pas significatives.
104
150
50 293T SNP1
293T SNP2
25
293T SNP1+2
0
10 100 1000
Témozolomide (µM)
125
par rapport au contrôle non traité
% de prolifération cellulaire
100
75 293T NT
293 pER15
50
293 WT
25
293 SNP1
0
0,1 1 10 100
Cisplatine (µM)
105
100
Figure 34. Inhibition de croissance des différentes lignées transduites et non transduite
(NT) par une gamme de melphalan : 0,5, 1, 5, 10, 50 et 100 M.
1
rapport au contrôle non traité
Fraction survivante par
0,75
0,5
0,25
293T SNP1+2
0 293T WT
0,1 1 10 100
BCNU (µM)
Figure 35. Inhibition de l’efficacité de clonage des lignées exprimant les allèles WT et SNP1+2
de la MGMT par le BCNU utilisé aux concentrations de 5, 10, 25, 50 et 100 M. Les barres
d’erreur Y représentent l’erreur standard de la moyenne.
106
IV.4. Recherche d’un avantage prolifératif conféré par la variation étudiée
Afin d’objectiver des différences faibles dans la survie ou la prolifération des cellules portant
des allèles différents de la MGMT, nous avons réalisé une quantification allélique sur des
cultures mixtes à long terme. Pour cela, nous avons réalisé des co-cultures (50 – 50) de
cellules 293T-WT et 293T-SNP1+2, sans traitement ou soumises à une pression de sélection
par le BCNU, co-cultures que nous avons laissé évoluer sur le long terme (3 mois) avant de
quantifier une éventuelle différence dans leurs proportions respectives. La quantification
allélique par pyroséquençage a été calibrée grâce à une gamme de dilution de l’ADN 293T-
WT par l’ADN 293T-SNP1+2. La figure 36 montre cette gamme d’étalonnage de la mesure
quantitative de l’allèle variant par rapport au commun. Il existe une excellente corrélation
entre la fraction de l’allèle variant de la gamme de dilution et sa quantification par la mesure
de la hauteur du pic G (variant) au pyrogramme.
y = 0,9986x + 7,8591
R² = 0,97959
100% SNP
120
Rapport des hauteurs de pic
100
80 40% WT
(G/A)
60 60% SNP
40
90% WT
20
10% SNP
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
QA pyro
Fraction relative d’ADN SNP 1+2 (%) Linéaire (QA pyro)
Les co-cultures ont été traitées par une dose infra-toxique de BCNU (1 M, correspondant à
l’IC10 pour les cellules 293T-SNP1+2 en test au MTT) pendant 91 jours et des co-cultures non
traitées ont été cultivées en parallèle. La mesure quantitative des taux d’allèles présents est
représentée en pourcentage relatif de l’un par rapport à l’autre en fonction du temps de culture
et sur trois échantillons de co-cultures indépendantes (Figure 37).
107
60
40
30
20
Non traité
10 1µM BCNU
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Jours
Figure 37. Fréquence relative de l’allèle variant par rapport au commun dans les co-
cultures traitées et non traitées. Les barres d’erreur Y représentent les écart-types sur
trois co-cultures indépendantes.
Nous avons observé une diminution de la fraction de cellules 293T-SNP1+2 dans les
mélanges au profit des cellules 293T-WT au cours du temps, sans traitement comme en
présence constante de BCNU. La représentation relative de chaque allèle dans les co-cultures
non traitées est montrée sur la figure 38. On observe un avantage prolifératif de l’allèle WT
sur l’allèle SNP1+2, avec et sans sélection par le BCNU.
100%
90%
Fréquences relatives des allèles
80%
70%
WT et SNP 1+2
60%
50%
40%
WT
30%
20%
SNP 1+2
10%
0%
3 7 14 21 28 35 42 56 64 78 84 91
Jours
Figure 38. Fréquences relatives des allèles WT et SNP1+2 dans les co-
cultures non traitées cultivées sur 91 jours.
108
IV.5. Demi-vie des protéines MGMT commune et variante
La protéine MGMT est connue pour être dégradée par le système du protéasome après
ubiquitinylation, dès qu’elle a transféré le groupement alkyle sur son résidu interne Cys145.
Afin d’étudier la demi-vie des protéines exprimées par les lignées 293T-WT et 293T-
SNP1+2, nous avons d’abord testé l’activité protéasomale de ces deux lignées transduites afin
d’exclure une différence qui serait due à des capacités de dégradation différentes. Pour cela, la
dégradation d’une protéine connue pour être prise en charge par le protéasome a été mesurée :
il s’agit de IB qui, sous stimulation par le TNF, est dégradée rapidement, libérant ainsi le
facteur de transcription NFB. L’expression de IB a été mesurée par western blot sur des
extraits protéiques de chaque lignée, avec une cinétique de traitement par le TNF. La figure
39 montre une décroissance du taux de IB proportionnelle au temps d’exposition au TNF,
cette décroissance étant équivalente dans les deux lignées.
1
Rapport IKB/ actine
0,75
0,5
0,25
293T SNP1+2
293T WT
0
TNF 0 TNF 15' TNF 30' TNF 1H
Figure 39. Cinétique de décroissance de l’expression de la protéine IB
sous traitement par TNF mesurée par western blot.
109
100
Expression MGMT/actine
par rapport au t0 (%)
75
50
SNP1+2
25 SNP1+2 + O6BG
WT
0 WT + O6BG
0 2 4 6 8 10
Heures
Figure 40. Cinétique de décroissance de l’expression de la MGMT dans les deux lignées
293T-WT et 293T-SNP1+2 sous traitement par l’O6BG, mesurée par western blot.
Les analyses fonctionnelles réalisées à la recherche d’une différence entre les protéines
MGMT commune et variantes nous ont conduits à plusieurs observations. Tout d’abord, au
niveau structural, les deux polymorphismes étudiés entraînent des substitutions d’acides
aminés ayant des propriétés physico-chimiques similaires et la structure secondaire du
transcrit de MGMT n’est pas modifiée par la variation étudiée. Cependant, la fréquence des
codons utilisés pour la traduction du transcrit en protéine diffère, et il existe une disponibilité
moindre des ARN de transfert utilisés dans la traduction de la protéine variante par rapport à
ceux utilisés pour traduire la forme commune. L’utilisation d’un codon plus rare est
susceptible d’affecter l’efficacité de la synthèse de la protéine comme cela a été suggéré pour
des SNP synonymes du gène MDR1 où les codons variants, utilisés moins fréquemment que
les codons communs, entraînaient une traduction moins efficace de la glycoprotéine P, avec
des modifications de la conformation et de l’insertion du complexe transmembranaire et des
conséquences fonctionnelles sur la spécificité de substrat de la P-gp (104).
Au niveau fonctionnel, l’étude de la variation du gène MGMT a été rendue possible par la
création d’un modèle cellulaire isogénique d’expression stable des protéines MGMT
commune et variantes. La chimiosensibilité de ces cellules a été testée vis-à-vis de différents
agents alkylants. Les tests d’inhibition de croissance par le BCNU ont montré des sensibilités
différentes selon que la forme commune ou la (les) forme(s) variante(s) de la MGMT est
110
(sont) exprimée(s) et, bien que ces différences ne soient pas significatives, la MGMT portant
la double variation est apparue plus sensible au BCNU que la forme commune, sur trois
expériences indépendantes. La même constatation a été faite pour l’inhibition de croissance
entraînée par le témozolomide. En revanche, aucun effet de l’expression de la MGMT n’a été
observé lors des tests d’inhibition de croissance induite par le melphalan ou le cisplatine.
Les nitrosourées, tel que le BCNU, forment des mono-adduits chloroéthyles en O6G, et le
témozolomide, appartenant comme la dacarbazine à la famille des alkylants triazènes et
hydrazines, est un agent méthylant en O6G, N7G et N3A, la lésion O6MeG étant la plus
mutagène et cytotoxique. L’action de la MGMT permet de réparer directement ces lésions
alkylées en O6G. Le melphalan, lui, appartient à la famille des moutardes azotées et est un
alkylant bi-fonctionnel qui forme des adduits bis-chloroéthyles en N7G entraînant des
mésappariements N7G:T et des pontages inter- et intra-brins N7G:N7G, à la suite d’une
deuxième alkylation. Ces pontages sont également les lésions formées par les dérivés du
platine où les pontages intra-brins N7G:N7G représentent 95 % des pontages réalisés (84). Les
lésions par N-alkylation sont principalement réparées par le système du Base Excision Repair
(BER) qui reconnaît la lésion méthylée, l’excise par une N-méthyl ADN glycosylase en créant
un site abasique ; une endonucléase et une ligase permettent ensuite le remplacement du
nucléotide et le rétablissement de continuité du brin d’ADN. Les pontages inter- et intra-brins
sont, eux, préférentiellement pris en charge par le Nucleotide Excision Repair (NER) qui
incise le brin lésé et retire le nucléotide alkylé, conduisant à des cassures double-brin qui
donnent lieu à des recombinaisons par les systèmes de recombinaison homologue et non
homologue (HR, homologous recombination et NHEJ, non homologous end joining). La
réversion directe par la MGMT n’a donc pas de rôle direct sur la réparation des N-alkylations
et des pontages secondaires aux moutardes azotées et aux dérivés du platine, et nos résultats
sont en accord avec ces conceptions. Cependant, les agents chloro-éthylants eux-mêmes, tels
le BCNU, peuvent engendrer, après formation d’un mono-adduit chloro-éthyle obtenu par une
première alkylation, une lésion secondaire résultant en un pontage inter-brins (O6G:N1C le
plus souvent) qui est pris en charge par le système du NER et les recombinaisons HR et
NHEJ. Ainsi les lésions causées par les agents alkylants sont complexes et mettent en jeu
différents mécanismes de réparation. De nombreux facteurs influencent le choix des voies
moléculaires de réparation qui prennent en charge ces lésions ; ils sont dépendants de l’agent
alkylant, du type cellulaire et du statut de prolifération cellulaire (105).
Afin d’objectiver des différences fonctionnelles a priori faibles entre les cellules exprimant
les formes commune ou variantes de la MGMT, différents tests ont été réalisés avec un temps
111
d’observation croissant, depuis les tests métaboliques au MTT sur 72 h, les tests de survie
cellulaire par clonogénicité sur 7 jours et enfin la quantification allélique sur trois mois. Seul
ce dernier a révélé une différence significative dans la prolifération des cellules avec un
avantage de la forme commune de la MGMT par rapport à la forme variante dans des co-
cultures réalisées au long cours. Cet avantage prolifératif conféré aux cellules exprimant la
MGMT commune suggère que celle-ci serait plus efficace sur les lésions alkylées en O6G,
entraînant moins de mort cellulaire que la protéine MGMT variante. Cependant, cet avantage
de prolifération, observé en absence de traitement alkylant et donc dans une situation dans
laquelle la MGMT répare les lésions O6-alkylguanine endogènes, n’est pas potentialisé par
l’addition d’un traitement alkylant à faible dose. On peut supposer que cette dose infratoxique
de BCNU est trop faible pour exercer une pression de sélection sur la fonction de réparation
de la MGMT. Nous aurions pu réaliser des expériences complémentaires pour quantifier les
allèles commun et variant après un traitement bref des co-cultures, mais à des doses fortement
cytotoxiques de BCNU, et avec un réensemencement des cellules survivantes. Enfin, on ne
peut exclure une différence de prolifération entre des cellules issues de deux clones différents,
indépendante de la fonction de la MGMT, dans ce modèle cellulaire où l’intégration
lentivirale peut entraîner des phénomènes de mutagenèse insertionnelle et/ou d’activation de
gènes impliqués dans les voies de prolifération ou de survie cellulaire selon le site d’insertion
de la structure provirale.
La question posée sur une différence apportée par la double variation Ile143Val/Lys178Arg
sur la fonction de la MGMT a été étudiée par Ma et al. (99) qui n’ont pas observé de
différence entre les variants à partir des tests de survie des souches d’E. coli transfectées avec
les différents gènes variants de la MGMT. Mijal et al. (106) n’ont pas montré de différence de
prise en charge de différents substrats (O6 -benzyl, -butyl, 4-oxo-4-(3-pyridyl)-butylguanine)
par les MGMT commune et variantes. Margison et al. (100) ont observé une résistance plus
grande de la forme variante 143Val au pseudo-substrat PaTrin2, ce qui suggère que le site
actif de la MGMT pourrait être affecté par la variation, ce qui entraînerait un impact
fonctionnel sur la prise en charge de certains groupements alkylés par la MGMT. Nos
résultats sur les demi-vies des protéines MGMT commune et variantes, sous traitement par le
pseudo-substrat O6BG, montrent une moindre stabilité de la protéine MGMT double-variante
avec une demi-vie réduite de moitié par rapport à celle de la protéine commune. Ce résultat,
qui est en cours de confirmation, suggère une dégradation plus rapide de la forme variante.
La raison de cette dégradation plus précoce, qu’elle soit secondaire à une meilleure prise en
charge des groupements O6-benzyl-guanine ou à une modification autre du site actif ou de la
112
conformation protéique, déclenchant un signal d’ubiquitinylation et l’adressage au
protéasome, reste à déterminer. La différence observée des demi-vies protéiques ne peut donc
présager d’une capacité de réparation différente apportée par la variation, cette dernière ne
pouvant être objectivée que par un test in vitro mesurant l’activité catalytique des protéines
recombinantes MGMT sur un substrat d’ADN méthylé.
Finalement, les lésions O6-meG et N-méthyl purine (N-meG et N-meA) sont des lésions aux
conséquences importantes dans la carcinogenèse par les réarrangements chromosomiques
qu’elles sont susceptibles d’entraîner. La lésion O6-meG est à la fois mutagène par le
mésappariement O6-meG:T qu’elle entraîne et génotoxique en raison de la reconnaissance de
ce mésappariement par le système MMR et l’induction de cycles futiles de réparation pouvant
générer les cassures double-brin cytotoxiques. Ce mésappariement est donc à haut risque de
recombinaison car il induit des échanges entre les chromatides (SCE, sister chromatide
exchange) ; la génotoxicité de l’O6-meG est dépendante de la réplication qui génère le
mésappariement lui-même, et du système MMR pour sa conversion en cassures simple- et
double-brin. En effet, l’inactivation du système MMR dans des cellules Mer– (n’exprimant
pas la MGMT) entraîne une résistance de ces cellules à l’effet cytotoxique des agents
alkylants mais pas à leur effet mutagène (105).
113
chromosomiques (107). Enfin, les cassures double-brin peuvent être réparées par les systèmes
de recombinaison homologue (HR) et non homologue (NHEJ).
La MGMT n’est donc pas le seul rempart contre l’effet génotoxique des lésions O6-alkylG :
en particulier, les protéines du système MMR (MSH2 et MSH6 pour la reconnaissance du
mésappariement, MLH1 et PMS2 pour l’excision de la thymine et son remplacement) et
celles impliquées dans la recombinaison bypass pourraient influencer le devenir de ces
lésions. Des modifications de fonction et/ou de structure de ces voies pourraient être associées
à la variation de la MGMT et avoir un impact sur le taux de création des SCE, des cassures et
des aberrations chromosomiques potentiellement leucémogènes. Un schéma représentant
l’intervention de ces différentes voies dans la prise en charge des lésions O6-alkylguanines est
présenté sur la figure 41.
114
Figure 41. Voies de réparation impliquées dans la prise en charge des lésions O6-
alkylguanines depuis l’action de la MGMT jusqu’à la formation des SCE, des cassures
double-brin et des réarrangements chromosomiques potentiellement leucémogènes.
115
Cette étude s’est intéressée aux syndromes myélodysplasiques et a permis la constitution
d’une cohorte de 65 patients souffrant de cette hémopathie, ainsi que le recueil de leur ADN
constitutionnel. Nous avons étudié la répartition, chez ces patients, des génotypes de 384 SNP
impliqués dans la réparation de l’ADN, le métabolisme, le transport et la détoxication des
xénobiotiques. Les différents critères cliniques analysés (stade OMS, anomalies
cytogénétiques, stade IPSS, etc.) ont montré une association préférentielle du génotype
variant de deux SNP d’un gène de réparation de l’ADN, le gène MGMT, avec le caractère
secondaire de ces hémopathies, et aucune autre association n’a été observée en ce qui
concerne les 374 polymorphismes analysables. L’identification d’une association avec le
caractère secondaire des SMD en particulier est intéressante par la possibilité d’établir sa
valeur en tant que marqueur génétique de risque de SMD secondaire, ce qui représenterait un
outil de prédiction précieux car les SMD secondaires ont un pronostic très péjoratif, alors
même qu’ils peuvent être en rémission de leur cancer antérieur traités par chimio- et/ou
radiothérapie. L’implication du gène MGMT dans cette association est également intéressante
car la transférase MGMT est l’unique enzyme responsable de la prise en charge des adduits
O6-alkylguanine sur l’ADN, qui sont les lésions mutagènes et cytotoxiques créées par les
agents alkylants. Cette association très significative entre le génotype variant du gène MGMT
et les SMD secondaires est à confirmer sur une deuxième cohorte comptant 45 patients à ce
jour et dont le recrutement se poursuit.
Les études fonctionnelles réalisées sur les polymorphismes du gène MGMT ont montré en
effet que la présence seule de la variation identifiée n’entraîne pas de modification importante
de la chimiosensibilité des cellules. Des tests plus sensibles comme celui de la quantification
allélique sur des co-cultures à long terme permettent en revanche de suspecter une différence
de prolifération à long terme. Des explorations fonctionnelles complémentaires sont
nécessaires pour évaluer clairement l’impact de ces polymorphismes sur la fonction de
réparation de la MGMT.
116
En conclusion, la susceptibilité individuelle face au risque de SMD secondaires pourrait être
liée à des modifications de la capacité de réparation des dommages à l’ADN, en partie à la
réparation des lésions alkylées par la MGMT, et en partie selon d’autres mécanismes de
réparation. Les lésions O6-alkylguanine sont en effet responsables de l’apparition de lésions
secondaires elles-mêmes prises en charge par d’autres mécanismes de réparation. En outre,
des variations impliquant les voies de métabolisme et détoxication des xénobiotiques
pourraient s’y associer.
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Liste des abréviations
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Titre : Syndromes myélodysplasiques de novo et secondaires à un traitement anti-cancéreux :
recherche de marqueurs génétiques de susceptibilité individuelle.
Résumé: Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont des hémopathies myéloïdes clonales
évoluant vers une leucémie aiguë (LA). Les SMD et LA secondaires, survenant après traitement par
chimiothérapie et/ou radiothérapie, ont un pronostic très péjoratif. Cependant seule une partie des
sujets exposés aux traitements cytotoxiques développent un SMD secondaire, ce qui suggère une
composante génétique dans la susceptibilité individuelle au risque de développer un SMD secondaire.
Les objectifs de ce travail ont été d’identifier des polymorphismes génétiques de type SNP (Single
Nucleotide Polymorphism) significativement associés à des caractères cliniques et biologiques des
SMD tel leur caractère secondaire. Une « puce » à façon a sélectionné 384 SNP de fréquence allélique
supérieure à 10 % impliqués dans la réparation de l’ADN, le métabolisme, le transport et la
détoxication des xénobiotiques. L’ADN constitutionnel de 65 patients atteints de SMD primaire et
secondaire a été recueilli et génotypé pour ces 384 SNP. La seule association significative par test
exact de Fisher (p = 0,009 après correction de Benjamini-Hochberg) a été observée pour le caractère
secondaire des SMD et la présence de l’allèle variant de MGMT (MéthylGuanine MéthylTransférase)
sur deux SNP en déséquilibre de liaison, rs2308321 (Ile143Val) et rs2308327 (Lys178Arg). Nous
avons recherché le caractère prédictif de la présence de l’allèle variant de MGMT pour le risque de
SMD/LA secondaire chez des patientes ayant reçu un traitement cytotoxique pour un cancer du sein, et
ayant développé une LA secondaire. Enfin, nous avons construit des lignées cellulaires stables,
isogéniques, exprimant soit la forme sauvage soit la forme variante de MGMT. Les études
fonctionnelles par tests de cytotoxicité, co-cultures à long terme et étude des demi-vies des protéines,
sous traitement alkylant, montrent respectivement des différences de sensibilité, de prolifération ou de
dégradation entre les formes variante et sauvage de MGMT.
Mots clés : SMD/LA secondaires, polymorphismes génétiques SNP, puce « à façon » de génotypage.
Laboratoire: Inserm U916 VINCO (Validation et Identification de Nouvelles Cibles en Oncologie),
229, cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux cedex.
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