You are on page 1of 7
Armement PAR RENAUD DE LA TAILLE Co ay CHARS : BLINDES A L'URANIUM Un combat aussi vieux que la guerre, autant dire aussi vieux que Vhomme : celui du boulet contre la cuirasse. On a commence par des carrés de bois contre les pierres des frondes . on en est aujourd hui aux carrés d’uranium contre les obus-fléche des canons lisses. ‘are, la lance, la fronde, le javelot sont de toutes les civilisations, aussi primiti- ves soient-elles, et de toutes les épo- ques ; le bouclier aussi. Car du jour ol homme a tourné vers ses voisins les armies qu’ avait fabriquées pour la chasse, il lui fallut inventer du méme coup les moyens de s'en protéger. Ce fut la naissance des blindages anti-armes de jet qui offraient T'avantage supplémentaire d'une bonne protection contre les dagues et les épées du corps- a-comps. Diabord simple plaque de bois, le bouclier prit, toutes les tailles et toutes les épaisseurs possibles, surtout avec l'introduction du métal qui se prétait mieux au modelage de formes. D'abord autonome et tenu about de bras, il devint fixe et lie & certaines parties du corps pour assurer une meilleure protec: tion des flancs : casque, cuissard, barde, jambigre et autres cottes de maille transformérent peu peu le uerrier en véritable engin blindé. ‘A Pépoque grecque, puis romaine, la protection permanente se limitait ala téte, a la poitrine et au bassin avec quelques feuilles de métal rivetées au Plastron de cuir; le bouclier tenu av bras assurait par sa mobilité la protection des autres parties du corps. Au Moyen Age, par contre, l'armure proté- geait le corps dans son intégralité, de face comme de dos, mais au prix d'un poids énorme qui limitait toute possibilité de manceuvre. Ces armures étaient nécessaires pour parer les coups redoutables des lourdes épées & deux mains dont le tranchant aurait entamé sans probleme les légeres protections du légionnaire romain ; qu plus est, les fléches venaient se briser dessus. Mais il rren fut pas de méme des carreaux darbaléte, ces ares ¢'cier dont les traits venaient a bout des blin- dages de l'époque. Enfin l'arrivée des armes & feu, au XVF siécle, mit un terme an blindage individuel, De toute facon, la mobilité d'un fantassin ou d'un cavalier enfermé dans une armmure pesant des dizai- nes de daN était trop limitée. On conserva pendant longtemps encore des protections légeres et rédui ves pour parer au mieux les coups de sabre ou d'épée, mais il était clair que le boulet avait gagné contre la cuirasse. Das les guerres napoléonnien nes, les soldats partaient au combat avec des unti- formes certes forts beaux, mais qui n’offraient pas Ja moindre protection contre les balles ou les baion- nettes. Quand s'ouvrit la guerre de 14, on se trouvait dans une situation paradoxale ; les guerriers, quels aquils soient et aussi loin qu'on remonte dans le temps, ort tcujours redouté le corps-i-corps ; cest pour cela quils ont inventé des armes de jet qui permettent datteindre l'adversaire a distance. Or, en 1914, les anines de jt, fusils et canons, avaient acquis une précision et une portée redoutables con: stait d'autre protection que la gilets pare-balles étaient inconnus, et tune armure capable de résister aux balles Le MI-A1 Abrams américain (ci-dessus), avec son blindage en uranium, représente fultme étape actuelle en matiére de cuir s @ tragents, que tire de nuit le traverser eel ou de Mauser aurait écrasé tout fantassin assez sémeraite pour lendosser. Les soldats mon- talent & assuut — ou le subissaient — sans protec- tion aucune. Apparemment, le boulet était définiti- sment gagnant contre la cuirasse Et puis les Anglais eurent une idée sensée : puis- is de la cuirasse était beaucoup trop grand pour un homme, pourquoi ne pas la monter sur des roues ? Le colonel Swinton mit een pratique, en rencontrant bien siir toutes les opposi- tions qui se levent devant toute nouveauté, Pour garder le secret, la caisse et le chassis étaient mon- ouvriers igroraient tout de la destination des produits ainsi quils panlaient entre eux de la citern contre) le char breslien 86 de 'Spaque étaient peu adaptés a la lutte anti-char. (en anglais “tank”), en fait la caisse qui avait effect vement l'air d'un gros réservoir semé de rivets : ce terme restera d'usage universe] dans toutes les ar- mées du monde pour désigner le char d'assaut monté sur cherilles. De fait, le colonel Swinton réalisa vite qu'un engin lourd sur roues nirait pas trés loin sur les plaines de Champagne, ni sur les collines humides et boisées de Argonne, et encore moins dane les escarpements des Ardennes. LAllemand Wolfgang Dieter avait inventé la che- nille en 1801 ; pendant prés d'un siécle elle restera & état de prototype, faute de matériaux suffisamment fiables, maisdas|e début du XIX" les progres delamé- tallurgie en généraliseront l'emploi sur les tracteurs lourds appelésa travailler sur des terrains difficile. Les Anglais n’auront plus qu’ monter leur “tank” sur cherilles et & Jui adjoindre un canon pour reconstituer le che- valier du Moyen Age : une arme mobile protégée des coups de Vadversaire par une cuirasse; ces pre- miers tanks seront enga- és sur la Somme en sep: tembre 1916 et apparai- tront en plus grand nom- bre a partir de novembre 1917. Travaillant de leur c6té sans bien connaitre les projets anglais, les Francais. mettront leurs propres chars en service dés le mois de décembre 1916, mais il faura atten- dre avril 1917 pour les voir évoluer en nombre — si lon peut dire; en fait les chars ne joueront quiun role minime dans Tissue du confit Chose paradoxale, les allemands qui avaient été les premiers & se servir des bombardiers, des guz et des lance-lammes, ne feront avancer leurs chars qu’en mars 1918; toutefois, ils avaient eu le temps d'étudier les points faibles des blindés adver- ses pendant plus d'un an et leurs engins étaient plus fiables. Dotés dun canon de 37mm et dun blindage de 30mm, ils étaient en principe supé rieurs en maniabilité aux chars anglais et francais. Sils étaient apparus en grand nombre, les chars auraient sans nul doute pesé lourd sur Tissue du confit: l'infanterie était tout autant sans défense contre eux que ne l’étaient des paysans contre les chevaliers. Certes il y avait bien des canons, mais leurs munitions ne comportaient que des obus ex- plosifs destinés a massacrer l'infanterie et dont les éclats étaient bien entendu sans effet sur la carapa- cee des chars. Ces blindages avaient été concus dans ce but, et ils étaient tout autant imperméables aux balles de fusils et de mitrailleuses, Un bataillon de chars aurait done pu bousculer toutes les défenses ennemies sans le moindre ris- que: brusquement, la cuirasse reprenait le dessus sur le boulet. Bien sir, les ingénieurs de Yartllerie se dépéchérent de remettre en service des obus perforants, lesquels étaient toujours en usage dans Ja marine sous le nom d'obus de rupture. Le hic, est que le canon est pen mobile alors que le char, lui, Test beaucoup. Finalement, et on allait s'en apercevoir & la guerre suivante, le char n’avait pour vrais ennemis que les chars du camp opposé. On sait que ni la France, ni !Angleterre, ne tire- rent la lecon apportée dés 1915 par le véhicule blindé — le colonel de Gaulle se battit en vain pour essayer dimposer le char a nos armées des 1934. Par contre, le chancelier Hitler en vit tout de suite Jes immenses avantages pour le type de guerre qu'l entendait mener: le Blitzkrieg, ou guerre-

You might also like