PROJET DE THESE (présentation)
Apprendre du quartier Walia-Ngosso
aN’ Djamena (Tchad) :
pratiques expérimentales, entre production et
réutilisation des matériaux
BE-AMADJI MOUSSA DIDIER
Post-Master « Recherches en architecture »
Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture de Paris-La-Villette
HESAM Université
Unité de Recherche « Architecture Milieu Paysage »
Février 2022
1. TITRE DU PROJET DE THESEProjet de thése (Présentation)
Apprendre du quartier Walia-Ngosso 4 N’ Djamena (Tchad) :
Pratiques expérimentales, entre production et réutilisation des matériaux
‘Mots elés : autoconstruction, expérim entation, réutilisation des matériaux, circuit-court,
milieu, culture constructive, Afrique subsaharienne.
2. RESUME
Ce projet de recherche explore les techniques de construction 4 partir de la
réutilisation de matériaux dans le processus infommel de construction dans la ville de
N? Djamenz au Tchad. Il analyse transversalement les processus d’ expérimentation, le jeu
des acteurs qui portent les comnaissances empiriques ainsi créés et leur soutenabilité en lien
avec le milieu. Cette recherche s’ inscrit dans le débat actuel sur la place des savoir-faire
constructifs locaux dans la production de logements accessibles aux populations & faible
revenu dans les capitales afficaines. Face au cofit prohibitif des matériaux importés au Tchad,
‘comment ces pratiques expérimentales dans le processus de construction 4 N’ Djamena, en
combinant production et réuti
tation des matériaux, peuvent aider 4 penser une culture
constructive locale ? En considérant le quartier Walia-Ngosso comme un bassin versant de
matiéres, de savoir-faire et d’énergie portés par les artisans locaux, cette recherche positionne
ces faits urbains comme des champs d’ expérimentation a questioner. Nous proposons de
développer trois hypothéses :
1. Dans a ville N’ Djamenz, le quartier Walia-Ngosso est marqué par une inventivité des
artisans au niveau de la solidité structurelle (fondations. murs. toitures...), résultat de
‘pratiques expérimentales combinant production et réutilisation des matériaux (terre crue,
tene cuite, hybridité des matériaux traditionnels et modemes, et des savoir-fuire).
2. L? organisation communautaire des quincailleries (grossistes, revendeurs de quartiers,
exploitants de chantiers de démolition « Gassasse-mafi ») et le fonctionnement en
systéme d’ apprentissage des artisans (briquetiers et macons) permet une circulation des
savoir-faire dans le processus informel de construction.
3. L? incidence des pratiques expérimentales sur l'état actuel des constructions (épaisseur
des murs, hauteur des fondations, nature des toitures, ventilation naturelle) a 1a lumigre
des conditions du milieu (risques d’ inondation, climat sahélien, pauvreté urbaine, etc.)
permet d’ identifier des facteurs de soutenabil
développer.
é d’ une culture constructive locale 4
Trois approches méthodologiques seront mises en ceuvre pour conduire cette étude.
‘Nous commencerons par une analyse du corpus qui deviendra le cadrage théorique de la
recherche. Nous ménerons ensuite une enquéte de terrain s’organisant en deux temps : nous
procéderons par une observation structurée pour étudier la typologie de 1” habitat, puis nous
réaliserons des entretiens avec les acteurs locaux pour mesurer la pertinence d'une telle
BE-AMADII MOUSSA DIDIERProjet de thése (Présentation)
typologie. Nos entretiens seront semi-directif’ réponses ciblées. L’ analyse des données se
fera également avec des tableaux et des graphiques. Nous souhaitons proposer au final des
supports scientifiques pour penser une forme de stratégie de développement soutenable 4
N’Djamena et dans d'autres milieux subsahariens africains
3. CONTEXTEET ENJEUX SCIENTIFIQUES
Historiquement les politiques du logement des pays afiicains se sont appuyées, entre
autres, sur l'encadrement de I’ autoconstruction’. Elle était portée par « les tenants du « small
is beautifull » et du « do it yourself » Dans les faits, cette image de « ménages-
constructeurs » s’est avérée fausse tant le phénoméne, complexe sur le terain, s’ appuyant
plus sur un réseau d’artisans que celui de familles, était aussi bien partagé par les pauvres et
Jes non pauvres (Canal et Girard, 1988). Dans le sillage de cette politique, la promotion des
matériaux locaux, avec une approche techniciste a pa contribuer 4 la réalisation de projets
remarquables en tere en Egypte (Hassan Fathy, 1970) et le développement des briques en
teme comprimée en Affique de Ouest COCOMAT au Burkina Faso, CCL au Togo).
Cependant leur développement 4 grande échelle a abouti a des projets hors-sols souvent
inaccessibles financiérement 4 la masse. Les limites de ces différentes approches ont montré
la persistance des réalités locales, jugées informelles donc illégales, sans toutefois poser la
question de leur efficacité relative. Conséquences, sur fond d’industrialisation du secteur de
Ja construction avec « introduction du ciment et des bétons ainsi que l'universalisation
Pune éducation dédige 4 leur mise en ceuvre », la mondialisation est responsable de la
disparition de nombreuses connaissances humaines traditionnelles en matiére de
construction”
Aujourd’hui, il y a un regain dintéét pour les matérianx de construction
traditiomnels comme le bois, la pierre et plus généralement la terre. Pour les architectes,
contemporains, les savoirs et savoir-faire qui s*attachent 4 ces matériaux, contribuent 4 un
renouvellement de la pensée scientifique et donc des techniques constructives. A I’échelle de
Ja planéte, l'enjeu majeur est celui de trouver des altematives 4 une industrie de la
construction dont la responsabilité est maintenant avérée dans le réchauffement climatique?
La valorisation des cultures constructives locales et la sobriété (des matiéres et des énergies)
qu'elle prone contribue 4 ce changement de paradigme. Par ailleurs, les outils conceptual
développés trouvent des échos dans les pratiques urbaines dans les villes du sud. A ce titre,
VAftique peut devenir, par l'étude de ses établissement humains (urbain et rural)‘, un champ
1 Alexandra Bieler, Armelle Choplin et Marie Morel, « Le logement socialen Afique :1m medéle 2 (ré)ivente:? »,
Métopolitiques, 18 noi 2025. URL
? Voir Varicle ce Thierry Jos, « Prendre en compte les cultures corctructves locales pour ine meilewe effcecité ces
projets habitat», UnChronicle, Un Department of Publi Information, 2016, UNChronique, Yt I N° 3). Tiery
‘afhay ect Archtecte, chercheur et Président de CRterre-Labex AE&CC/ ENSAG.
° D apres les rapports dh GIEC, Ie secteur du bétinent ceul contribue 6 40% des émisstons des gaz & effet
die serre (GES) tout en consonmant 35% des énergies disponibles.
* « Les ater dela pensée » de Laker, afrment qua c'est de tude du continent qu'on rowvera de: formes
organisation sociale més quipewsentservir au monde de denain
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d expérimentation de bonnes pratiques. En effet, le processus informel de construction, avec
la priorité donnée au circuit court et la volonté d'une transformation minimale des matériaux
comprend, i bien des égards, les vertus du développement durable promues par
Varchitecture contemporaine (Laureau, 2014),
A N’Djamena, comme dans la plupart des capitales de "Affique subsaharienne,
Vhabitat traditionnel est quasiment invisible, mais les structures sociales qui l'ont porté
demeurent latentes. La maison traditionnelle en terre crue appelée communément « Dour-
Dour » a && progressivement délaissée aux profits des constructions intégrants des
matériaux industialisés. La précarité de la terre crue sur des sites inondables, et le plafond
de verre que constitue le codt du ciment, ont défini malgré eux, un cadre propice aux
inmovations portées par une forme « autoconstruction décomplexée ». Cette nouvelle
approche se trouve 4 chemin entre le local et 'importé, le formel et V'informel, Vici et
Vailleurs. Elle permet de passer de la précarité initiale de habitat informel (et une pauvreté
généralisée) 4 la création 4 long termes des quartiers caractérisés par une certaine mixité
sociale. Ainsi, la fabrique’ de la ville se mue en une lutte quotidienne, aussi bien individuelle
que collective, pour résoudre la question de l’accessibilité financiére au logement. Et comme
dans la plupart des pays africains, les normes de construction venues d’ailleurs, donc des
matériaux préconisés par elles‘, ont un effet considérable sur les coiits Payne, 2001, Cohen
2007). La connaissance des matériaux et des techniques de construction est donc
indispensable 4 la maitrise de ce paramétre par la population. Dans cette optique, toutle long.
du cycle de la construction des compétences techniques et organisationnelles ont &é
développées empiriquement par les habitants au fil des années. L’évolution des techniques
traditionnelles aux contacts des techniques modemes montre bien le dynamisme de ce
phénoméne. C’est un fait indéniable aujourd’hui que des améliorations in situ sont
caractétistiques de Vhabitat populaire en Affique sub-saharienne (Majalé et Payne, 2004).
Cet état d’hybridation de I'acte de batir tient aussi bien du mimétisme mue par une certaine
recherche de modemité que de la recherche de la qualité.” Les techniques évoluent en
fonction des contraintes et opportunités plurielles du milieu. C'est de lexpéimentation
perpétuelle a grande échelle. Et cette production collective de la connaissance n'est rendue
possible que par l’existence d'un réseau dartisans composants une chaine des valeurs dans
le processus infommel de construction (Canal & Girard, 1988).
L’ approche expérimentale des matériaux dans la ville de N’ Djamena est a
1’ image des vulnérabilités de ce tenitoire au contraintes multiples. Elles sont d’ ordre
institutionnel, naturel ct socio-économique. Depuis les indépendances, les tentatives de
planification de 1’ habitat ont échoué 4 bien des égards. Malheureusement ce processus
incontrélé a, au fil des années, entrainé |’ installation des populations dans des zones
inondables 41” est et au sud de la Ville. La quéte du logement individuel se caractérise par
5 Cette expression que nous empruntons & Julie Gangneus-Kebbé veut monirer l'étude cela ville « entrain de ce fare ».
au Tohad on aneint focilement 80% du cot de la construction selon les Enudes chu CAHF.
7 Lec étucks faites par Patrict Canal et Christm Girardisur « Veutoconsiruction en ville afticane » en prenamt le: cas de
Kinshasa et Douaia ont montré que I'introchction de la magonnerie pan les habitants ect nottvée par la volonté d'une
‘vision exréme de I’ efort consiructf leur permettart ce fire évoluer leur chantier@ lou rythm.
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