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Chapitre 3 LE PHENOMENE D'ASSOCIATION DANS LA SOCIETE INTER-ETATIQUE 177.- Les pratiques associatives existent parmi les Etats depuis trés longtemps. Ce phénoméne, qui comprend plusieurs variétés, a pris au cours des derniéres décennies une ampleur considérable. S’associer constitue, entre autres objectifs, un moyen pour les Etats de faire face au changement. D’oit I'intérét qu'il y a, 8 une époque oit I’Etat se trouve précisément dans cette situation et oti certains disent qu’il est dépassé, 4 considérer de prés ce phénoméne associatif. La réponse des Etats au défi du changement peut tre isolée ; elle est souvent collective. Aprés avoir donné une présenta- tion d’ensemble du phénoméne associatif en fonction de ses objectifs, on évoquera les groupements d’Etats, qui du point de vue institutionnel représentent la forme d’association la plus élémentaire ou la plus sommaire, puis 'Union européenne qui constitue un cas particulier. Les organisations, internationales seront abordées dans le titre II de cette premiére partie. Section 1 TYPES D‘ASSOCIATIONS D’ETATS 178, - Les premiéres associations entre unités politiques distinctes ont probablement été des coalitions, défensives ou offensives ; ce type 151 © Editions du Juris-Classeur Scanned with CamScanner dassociatidn, qui intéressa Thucydide, n’a évidemment pas disparu mais ilen existe bien d’autres. On peut les observer sous des angles divers. En les considérant dupoint de vue du systéme international, on se préoccu- pera des effets de stabilisation out de perturbation qu’elles peuvent exer- cer ; on peut aussi les enyisager par secteurs (économie, militaire, etc.) ou de maniére chronologique. Dans un développement sur les acteurs et particuli¢rement sur I’Etat, c'est naturellement I’effet du phénoméne asso- ciatif sur I’Etat en tant qu’acteur que I’on va privilégier. Sous cet angle, il semble que I’on puisse distinguer, en fonction de la finalité dominante, entre trois catégories : les associations d’Btats & but étatique ; les associa- tions qui ont pour finalité la gestion en commun des questions considérées comme communes ; et les associations visant a promouvoir et A défendre des intéréts communs a plusieurs Etats par rapport a d’autres Etats. Il faut aussitdt ajouter que, dans la réalité, ces catégories se recouvrent parfois dans une bonne mesure, notamment les deux derniéres. On peut le cons- tater dans le cas de I'Organisation de la francophonie et de la plupart des unions économiques. Si on se penche sur l'Union européenne, on notera méme des aspects qui correspondent aux trois catégories, méme si dans ses aspects les plus remarquables, ceux qui traduisent la supranationalité, 1’Union se rattache a la premiére catégorie. En revanche les Nations unies et les institutions spécialisées appartiennent a la deuxiéme catégorie qui, en gros, correspond aux organisations internationales classiques. Dans un registre moins ambitieux la gestion des questions communes peut étre faite par une simple conférence ; elle peut aussi a I’inverse pousser vers Aane formule fédérale. Les mémes remarques pourraient étre appliquées & la défense des intéréts communs. Une évidente correspondance peut étre ‘observée entre le dépassement de I’Etat par I’Etat et les techniques rele- vant du fédéralisme. On peut faire la méme constatation entre la gestion des questions communes et la défense des intéréts communs et les formu- les plus classiques. Cependant on ne peut pas vraiment établir une table simple de correspondance. Si on imagine mal que le dépassement de Y Etat puisse résulter de la coopération intergouvernementale, la gestion des questions communes et la défense des intéréts communs peuvent donner lieu l'utilisation de techniques audacieuses, par exemple le chapitre VII de la Charte des Nations unies ou les mécanismes d’intégration militaire dans une alliance. § 1. - Associations a but étatique A. - Les unions d’Etats 179. - L’Union personnelle (union de I’Angleterre et du Hanovre entre 1714 et 1837, union de la Belgique et des Pays-Bas entre 1815 et 1890) correspond a la situation oii deux Etats distincts ont le méme souverain. 10 Editions du Juris-Classeur ce Scanned with CamScanner LE PHENOMENE D’ASSOCIATION DANS LA SOCIETE INTER-ETATIQUE Union réelle présente une densité supérieure : elle comporte, en plus, des organes communs, compétents principalement dans le domaine des affaires extérieures et en matitre économique, mais normalement subsis- tent des administrations et des gouvernements distincts. Les exemples ue ’on en donne appartiennent au passé : l’union Suéde-Norvege entre 3814 et 1905, union Danemark-Islande de 1918 a 1944. Cependant, a V’heure actuelle, se rapproche de ces unions la relation qui s’est peu a peu créée, aprés la fin de l’URSS, entre la Russie et la Biélorussie. B.- Le fédéralisme 180.- Au sens large du terme, il est « un processus d’association de communautés humaines distinctes aboutissant 4 concilier deux tendances contradictoires : la tendance a I’autonomie des collectivités composantes, la tendance & Vorganisation hiérarchisée d’une communauté globale groupant l'ensemble des collectivités élémentaires » (1). Il comporte de nombreuses variétés, correspondant a la mise en ceuvre, selon des dosages particuliers en fonction des objectifs et du contexte, des deux grandes lois du fédéralisme, la loi de superposition et la loi d’autonomie. Ila été utilisé yur marquer des étapes dans la décomposition des empires ; on parle alors de fédéralisme de ségrégation, on pourrait aussi dire de désagrégation. Ainsi a la fin de 'URSS, M. Gorbatchev tentait-il, en vain, de reconstruire selon une nouvelle formule fédérale les relations entre le centre et la périphérie en Union soviétique. Le fédéralisme d’agrégation contribue & Vinverse a la construction d’ensembles politiques engiobant des collec- tivités précédemment indépendantes, éventuellement a la constitution d'empires. Chaque réalisation concréte peut étre située par rapport a deux modéles types ou moyens : I’Etat fédéral et la confédération. 1? La confédération 181. - Dans la confédération les collectivités composantes sont des Etats, la confédération elle-méme n’en est pas un, les rapports des Etats membres entre eux et avec la confédération sont régis par le droit international et par le traité constitutif de la confédération. La confédération ne retire pas aux Etats leurs compétences normales, notamment leur autonomie consti- tutionnelle, ici le dosage penche nettement en faveur de la loi d’autono- mie. Les compétences de la confédération sont seulement celles qui sont prévues par I’acte constitutif. Le partage de compétences consiste habi- tuellement a laisser aux Etats leurs compétences en matiére interne et confier des compétences a la confédération pour les affaires extérieures, ce qui lui permettra d’apparaitre comme une unité politique vue de Yextérieur. L’institution commune principale, souvent dénommée Diéte, (1) CA. Couso et L. Dusous, op. cit., p. 50. Te (© Editions du Juris-Classeur Scanned with CamScanner N ‘ACTEURS est tne conférence diplomatique, dont les membres sont des représentants des Etats, obéissant aux instructions que ceux-ci leur donnent. Cette Assemblée est normalement régie par le pri ité des voix. Ses décisions sont logiquement prises a I’unanimité et leur portée demeurent limitée. Normalement la législation confédérale ne vise pas directement les individus. La faiblesse des institutions fédérales est nette. S'il y a un législatif confédéral, il n’y a que rarement un pouvoir juridictionnel et surtout un exécutif, La confédération n’a normalement pas de ressources directes, ni d’armée. Ses finances sont alimentées par les contributions des Etats participants, ils fournissent aussi les contingents militaires éventuel- lement nécessaires. L'expérience montre que la confédération est une formule transitoire, souvent elle évoluera vers la constitution d’un Etat fédéral, c’est ce qu’ont connu les Etats-Unis, la Suisse ou l’Allemagne. A Vinverse la confédération peut éclater, comme cela s'est produit lorsque la technique a été employée dans le cadre de la décolonisation (Union fran- caise entre 1946 et 1958 ou Union hollando-indonésienne entre 1949 et 1954), 2° LEtat fédéral 182. - L’Etat fédéral correspond a un dosage oi le principe de super- position l’emporte, il est lui-méme un Etat et les collectivités qui le composent n’en sont pas. C’est lA la différence essentielle entre Etat fédé- ral et confédération. On ne peut pas, pour repérer un Etat fédéral, se fier au nom qu’il porte - la Confédération helvétique, comme son nom ne Yindique pas, est un Etat fédéral - ni plus généralement a la terminologie employée (appellation d’Etats membres pour désigner les composantes, utilisation du terme traités pour désigner des accords entre Etat fédéral et Etats membres par exemple). Il faut examiner de plus prés les institutions communes et la répartition des compétences. L'Etat fédéral dispose institutions centrales dotées de pouvoirs législatif, exécutif et juridic- tionnel au sens plein du terme c’est-a-dire semblables a ce que I’on trouve dans un Etat unitaire. La législation fédérale atteint directement les indi- vidus, ’Btat fédéral a ses propres ressources et I’armée est normalement constituée a son niveau. En ce qui concerne les compétences, elles sont @ la fois attribuées et partagées entre le niveau fédéral et le niveau local par la constitution fédérale. C’est-d-dire que les composantes, méme si elles regoivent le nom d’Btats membres et s‘il arrive que I’on parle de leur souveraineté et leur attribue des compétences externes (par exemple droit de passer des accords avec des Etats étrangers) ne relévent pas du droit international, ne bénéficient pas de l’immédiateté internationale. En ce qui concerne le partage des compétences, les solutions retenues sont trés /Nariées. Souvent l'autonomie des Etats fédérés est grande en ce qui concerne les affaires internes (droit civil, droit pénal, éducation. is V'Btat fédéral est compétent pour ce qui touche a la monnaie, I‘armée, Yéconomie et le commerce... et les relations internationales, sous réserve / © Eecitions du Juris-Classeur 158 Scanned with CamScanner LE PHENOMENE D’ASSOCIATION DANS LA SOCIETE INTER-ETATIQUE des compétences que la constitution fédérale peut attribuer (et retirer) aux ‘composantes (qui participent toutefois au processus de révision constitution- nelle). L’Etat fédéral peut précéder ou suivre I’Etat unitaire (Allemagne), il peut se consolider (Etats-Unis, Suisse) ou aut contraire se désintégrer (URS). €.- LUnion, la Confédération, I’Etat fédéral comme moyens de rassemblement 183. - Union, Confédération, Etat fédéral, ces modéles, et un foisonnement dtespésenocs conerétes qui les mettent en ceuvre, sont a la disposition des Etats pour se rassembler, si nécessaire. La faiblesse, l'inadaptation de tat trop petit, trop faible, peut donc étre dépassée ; les solutions dont il peut s‘inspirer sont trés variées. L'expérience du passage d’unités politi- ques autonomes & une confédération puis a I'Btat fédéral a déja été faite plusieurs fois et on sait assez bien comment s’opére I’unification : il s‘agit de définir des affaires communes, d’établir des organes pour les gérer, de superposer des structures. Sur ces trois points, les maniéres de procéder selon le niveau d’ambition unificatrice que I’on souhaite mettre en ceuvre, sont également bien repérées. On doit constater que ceux qui s‘engagent sur ce chemin sont actuellement peu nombreux. Pour le moment, c’est utdt a la désagrégation des ensembles vastes que l'on assiste. Quand les, Fats se rassemblent, ils utlisent les autres grandes voies d’association (organisation internationale, groupement d’Etats) mais tentent rarement Yexpérience de l'association a but étatique ou du dépassement de Etat par I'Etat. Quelques Etats, les membres de l'Union européenne, sont pourtant engagés dans ce processus. Mais, méme pour ceux, 'ambiguité sur les buts ne fait pas défaut et tous n’acceptent pas la finalité fédérale. Ici quoi- que les évolutions en ce sens soient trés nettes, notamment depuis le début des années 1990, le stade fédéral n’est pas encore atteint. Pour le moment, malgré des transferts de compétences qui, dans certains domaines, affec- tent « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté », les Etats membres de Union européenne restent des Etats souverains. Considérée sous angle du droit, I’Union reste proche a plusieurs égards du modéle de la confédération, les Etats membres restent sujets directs du droit inter- national, ils n’ont pas encore été inclus dans un ordre interne. Cependant Pour traduire a la fois l’objectif de la construction européenne et la tendance qu’elle suit on peut dire que le syst@me de I’Union, spécialement sa partie communautaire, est de type « préfédéral ». 5 (© Editions du Juris-Classeur Scanned with CamScanner | LES ACTEURS. § 2. - Associations de gestion de questions communes. L’exemple des unions économiques régionales A. - La gestion de questions communes 184. - N'importe quelle question peut figurer, un jour ou l'autre, sur la liste des questions communes que dresseront des Etats. fl peut s‘agir aussi bien de questions techniques (transports, poste, aviation...) que de ques- tions politiques (justice, sécurité intérieure et internationale...) ou touchant au commerce, a économie et aux finances. Il sera intéressant par rapport a la souveraineté et du point de vue de lefficacité ou du « plus » que Yassociation peut apporter a I’Etat d’observer la longueur de la liste des questions considérées comme communes, son contenu et les modalités de gestion envisagées. La sécurité, selon les objectifs recherchés, sera assurée au moyen d’un coalition ou d’une alliance, d’un organisme de-sécurité collective ou de la mise en ceuvre d’une politique intérieure commune? ces instruments peuvent d’ailleurs se cumuler. On voit que les formules retenues pour aborder les questions communes, selon la maniére de les poser, selon les objectifs recherchés et selon ce que les Etats sont préts a accepter en termes de concessions faites par leurs souverainetés, sont bien diverses. Elles vont conduire éventuellement a envisager un autre type d'association ou & mettre en place une formule mixte. La gestion des questions considérées comme communes se fait fréquemment par le moyen de réunions plus ou moins formelles, dont l’ambition peut étre trés limitée — s/informer et se consulter - ou beaucoup plus ambitieuse — aboutir a des décisions communes. Ici encore bien des degrés sont conce- vables qu’il s‘agisse des modalités qui permettent de prendre la décision, de sa portée et de son exécution. La conférence internationale, l’organisa- tion internationale-elles-mémes susceptibles de se traduire de fagons trés diverses ~ seront parmi les moyens ordinaires de gestion des questions communes. Ces modalités ne sont pas différentes de celles dont se servent les deux autres types d’association. Il y a un patrimoine commun de techniques, oi il est possible de puiser, en fonction des objectifs fixés. B. - Les unions économiques régionales 185, ~ Elles sont actuellement fort a la mode. C’est d’abord a cette fin que depuis plusieurs décennies, les Etats s’associent. Leur examen permet bien de voir la diversité des objectifs et les incidences que cela peut avoir sur les instruments employés. Leexpression union économique régionale désigne « un processus qui con- duit plusieurs pays a former un seul espace douanier ou économique » (2). (2) JF. MiTTané et F. Pequenut, Les unions économiques régionales, Atmand Colin, coll. Synthase, 1999, p. 14, Scanned with CamScanner LE PHENOMENE D’ASSOCIATION DANS LA SOCIETE INTER-ETATIQUE Ce type d’union est recherché pour bénéficier d’économies d’échelle, pout améliorer la spécialisation et la complémentarité des économies. Ces unions sont en réalité tres différentes les unes des autres, il y a un véritable fossé entre l'Union européenne oit ’on trouve des aspects qui relevent de l'association but étatique, de l’intégration fédérative et une banale zone de libre.échange, qui est un simple multilatéralisme régional, oit les mécanismes qui assurent la gestion commune peuvent étre trés peu Glaborés: Les-problémes relatifs aux relations avec l’extérieur, sont bien traduits par l’expression « forteresse Europe ». Ils ne sont cependant pas Je fait de la seule Union européenne : toutes ces unions sont un facteur de libre-échange mais ont aussi un effet perturbateur sur les échanges des membres avec I'extérieur de I’union et une dimension protectionniste. Elles ont ainsi un caractére dérogatoire par rapport 4 un principe fonda- mental de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et de l'OMC, qui est le principe de non-discrimination. On doit parmi les unions économiques régionales distinguer entre zone de libre-échange, union douaniére, marché commun et union économique et monétaire. 1° Zone de libre échange 186. - Etablir une zone de libre-échange, consiste a décider par voie d’accord que, entre un certain nombre d’Etats, les droits de douane et les obstacles non tarifaires seront supprimés, pour les produits originaires des pays y participant. Mais chaque pays membre de la zone conserve sa liberté, en ce qui concerne la fixation des droits de douane et des obstacles non tarifaires A l’égard des pays tiers. L’Association européenne de libre échange née en 1960, a l'instigation du Royaume-Uni, en réaction a la création de la Communauté économique européenne, fut longtemps le prototype de telles zones. Elle comprenait initialement sept Etats: la Royaume-Uni, l’Autriche, le Danemark, la Norvége, le Portugal, la Suede et Ia Suisse et fut ensuite rejointe par I’Islande, la Finlande et le Liechtenstein. Mais das les années 1970, I’attrait exercé par la Communauté économique européenne (CEE) lui fit perdre le Royaume-Uni, le Danemark et I'Irlande (en 1973). Au milieu des années 1980 commenga la négociation, entre la CEE et I’Association européenne de libre échange (AELE), d’un accord de coopération. Elle aboutit le 2 mai 1992 a un accord créant un espace économique européen, commun a la CEE et a l'AELE, destiné a assurer entre les deux la libre circulation des produits, des personnes, des services et des capitaux, c’est-a-dire mettant en place une zone de libre échange élargie. Cet accord ne fut pas ratifié par la Suisse. Depuis 1995, I’ ABLE s'est encore amenuisée, elle a perdu I’Autriche, la Finlande et la Suéde, qui a leur tour, ont rejoint Union européenne et se réduit donc au Liechtenstein, al'Islande, a la Norvége et a la Suisse. Hors d'Europe, la principale zone de libre-échange a été constituée sous la houlette des Etats-Unis, il s’agit de I’ Accord de libre échange nord- 7 © feitons du ris Classeur Scanned with CamScanner

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