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Étude de la genèse de démarches de GPEC.

Le cas
d’établissements du secteur médicosocial
Stéphane Bellini
Dans @GRH 2014/4 (n° 13), pages 103 à 126
Éditions Association de Gestion des Ressources Humaines
ISSN 2034-9130
ISBN 9782807300590
DOI 10.3917/grh.144.0103
© Association de Gestion des Ressources Humaines | Téléchargé le 18/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.115.94.152)

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ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 103

ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES


DE GPEC. LE CAS D’ÉTABLISSEMENTS
DU SECTEUR MÉDICOSOCIAL
Stéphane Bellini
Maître de conférences - Université de Poitiers
Enseignant à l’IUT – Département Gestion des Entreprises et des Administrations
Chercheur au CEREGE
stephane.bellini@univ-poitiers.fr
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Résumé FR

Dans le cadre d’une recherche-action, nous observons la genèse d’une démarche de


Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences par des acteurs de terrain. Nous
mettons en discussion la littérature sur la GPEC avec celle de l’appropriation des outils
de gestion, qui souligne l’intérêt d’intégrer l’acteur dans l’analyse. La grille de lecture
des dynamiques d’appropriation éclaire les processus sociaux à l’œuvre (jeux de pou-
voir, construction de sens, apprentissage) et permet de mieux les comprendre. Nous
montrons également que les formes de GPEC sont produites par l’imbrication de ces
processus sociaux. Plus que la fiabilité des outils, les dimensions humaines à l’œuvre
dans une démarche de GPEC sont des facteurs de succès.

Mots-clés
GPEC, dynamique d’appropriation, acteurs, recherche-action.

Abstract EN

In the context of an action-research, we observe the genesis of a process of a Human


Resources Prospective Management. We draw on literature on HRPM and the notion
of management tools appropriation. They both underline the interest to consider the
actor in the analysis. The concept of appropriateness dynamics brings out social pro-
cesses (social politics relationships, sensemaking, learning process). We show HRPM
forms are the result of social process combination. More than the reliability of tools,
the human dimensions of such a prospective process are the factors of success.

Keywords
HR Prospective Management, appropriateness dynamics, actors, action-research.
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INTRODUCTION
La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) est une démarche
structurée pour anticiper et organiser les mutations économiques et leurs conséquences
sur l’emploi. Dans sa version classique, la GPEC est présentée comme un enchaînement
linéaire d’outils d’analyse puis de plans d’action. Cette présentation tend à en faire une
mécanique rationnelle et sous-estime l’importance des dimensions humaines à l’œuvre
dans son déploiement (Cadin, Guérin & Pigeyre, 2002 ; Gilbert, 2006 ; Beaujolin-Bellet,
Cornolti, Kuhn & Moulin, 2007).
La mise en place d’une démarche de GPEC passe par le choix et le déploiement d’outils,
ce qui légitime le recours à la littérature sur les outils de gestion (Berry, 1983 ; Hatchuel
& Weil, 1992 ; Gilbert, 2006 ; De Vaujany, 2006 ; Chapiello & Gilbert, 2013). Nous met-
tons en discussion ces deux champs de la littérature, GPEC et outils de gestion ; ils
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soulignent l’intérêt de réintégrer l’acteur dans l’analyse du déploiement des dispositifs.
Reste à opérationnaliser ce précepte. Grimand (2007, 2012) propose une grille de lec-
ture des dynamiques d’appropriation à travers quatre dimensions : rationnelle, sociopo-
litique, cognitive et symbolique. Ses Travaux font écho à la littérature sur les outils de
gestion et permettent de mieux comprendre les processus sociaux à l’œuvre lors de la
genèse de démarches de GPEC. La grille d’analyse qui en est issue permet de rendre
visibles des dimensions invisibles, en les identifiant et les nommant.
Nous avons saisi l’opportunité de conduire une recherche-intervention dans 29 établis-
sements du secteur social, sanitaire et médicosocial, dont l’objectif opérationnel visait
à aider des représentants de ces établissements à construire une GPEC. À partir de ce
terrain, nous nous sommes interrogés sur la genèse d’une démarche de GPEC dans un
contexte très particulier non seulement en raison du secteur d’activité mais aussi parce
que les acteurs impliqués dans la démarche sont des binômes constitués de représen-
tants des directions et des délégués du personnel. Au révélateur de ce cadre concep-
tuel, apparaissent des dimensions invisibles à l’œuvre lors d’un travail de construction
d’une GPEC. Le choix des outils ou l’abandon de la démarche trouvent une nouvelle
explication. Plus encore, l’analyse permet de mieux comprendre les formes prises par la
GPEC, du fait d’une combinaison de plusieurs processus sociaux : jeux de pouvoir, sens
perçu de la démarche, apprentissages.

1. GPEC ET OUTILS DE GESTION


La littérature sur la GPEC pointe les failles conceptuelles d’une notion souvent vue et
enseignée comme un processus rationnel, selon lequel s’enchaînent des séquences
chaque fois appuyées d’outils de GPEC, dont l’effet devrait être la prévention de res-
tructurations lourdes. Cette littérature invite à analyser la GPEC en intégrant le point de
vue des acteurs. Le recours à la littérature sur les outils de gestion permet d’enrichir la
compréhension des phénomènes à l’œuvre dans la mise en place d’outils de GPEC, en
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 105

considérant notamment que la dimension technique des outils de gestion ne saurait être
étudiée sans sa dimension sociale. C’est dans l’interaction entre ces deux dimensions que
se produit l’appropriation de démarches de GPEC, dès la phase de genèse instrumentale.

›› 1.1. Une littérature pointant les failles de la notion


La Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences (GPEC) a fait l’objet de plusieurs
définitions, dont on peut extraire trois points communs :
–– que l’on parle de démarche préventive, prospective ou prévisionnelle, il s’agit à
chaque fois d’imaginer l’avenir de l’entreprise. Pour Gilbert, il s’agit ainsi de « l’intro-
duction du temps dans la gestion » (Gilbert, 2006, p.12) ;
–– l’accent est mis sur la dimension stratégique et sur l’intérêt de mettre en lien les
prévisions d’activité avec l’organisation future d’une entreprise et ses emplois et
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compétences (Le Boterf, 1988) ;
–– elle raisonne à la fois sur un plan quantitatif et qualitatif (Mallet, 1991 ; Thierry &
Sauret, 1993).
Une schématisation de Mallet (1991) présente la GPEC comme un enchaînement linéaire
d’analyses et d’actions d’adaptation. Reprise par des cabinets conseil, elle prend au fil
du temps le statut du « schéma classique de GPEC » (Gilbert, 2006, p. 72), se décou-
pant en quatre grandes phases : définition d’orientations stratégiques, analyse des
ressources actuelles, analyse des besoins à moyen terme, définition de plans d’action
visant à résorber les écarts entre besoins prévus et ressources actuelles.
Ce modèle de référence cherche à favoriser l’adéquation besoins/ressources, et tient en
point de mire l’« écart zéro » vu comme un « idéal normatif » (Gilbert, 2006, p. 67). Hormis
ce schéma dit classique, photographier la GPEC se révèle être un exercice délicat tant
les pratiques sont hétérogènes et n’épuisent pas les possibilités d’en dresser des typo-
logies (Joyeau & Retour, 1999 ; Oiry, 2013). La GPEC est présente y compris dans les
PME (Abraham, Brillet, Coutelle & Hulin, 2011) où elle ne se distingue pas nettement de
celle des établissements de tailles plus importantes sur les objectifs et le contenu, mais
elle se caractérise par un pilotage plus serré du dirigeant et une instrumentalisation
souvent moins forte (Parlier, 2006).
La littérature identifie deux limites fondamentales au concept de GPEC. Tout d’abord,
la GPEC s’est construite sur l’idée de prévision d’activité, fondement de l’évaluation
des besoins. De là découlent les tableaux prévisionnels d’effectifs, référentiels, carto-
graphies et autres raffinements instrumentaux. Mais leur sophistication ne réduit pas
l’irréductible incertitude de toute activité économique. Fonder un modèle sur une prévi-
sion par nature incertaine est une première limite du modèle (Defélix, Dubois et Retour,
1997 ; Masson et Parlier, 2004). Ensuite, le schéma classique de la GPEC pâtit d’une
philosophie gestionnaire rationalisatrice (Gilbert, ibid.), selon laquelle il est possible
d’organiser l’anticipation puis l’évolution des emplois et compétences grâce à des outils
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parfois très sophistiqués. De cette manière, la GPEC prend la forme d’un enchaînement
de tâches d’une apparente rationalité, « une suite d’actions pré-organisées conduisant
à des résultats prévus » (Gilbert, 2006, p. 95). Or, pas plus que d’autres outils de ges-
tion des compétences, les outils de GPEC ne déterminent les usages qui en sont faits.
Le postulat fonctionnaliste sous-jacent au schéma classique suppose notamment que
les acteurs des organisations se coulent dans le moule qui leur est préparé. Une autre
lecture est possible. Cadin, Guérin et Pigeyre (2002) exposent ainsi l’affrontement entre
la démarche d’évolution des emplois et des compétences et les logiques parfois incom-
patibles des acteurs, entre les désirs d’évolution des uns et les besoins identifiés par les
autres. Plus récemment, Schmidt, Gilbert et Noël (2013) montrent bien que les identi-
tés professionnelles expliquent l’usage de dispositifs censés développer l’employabilité
des salariés. Beaujolin-Bellet et al. (2007) indiquent encore que les directions peuvent
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juger opportun de ne pas communiquer l’anticipation des réorganisations pour diverses
raisons (signal négatif donné à des parties-prenantes, peur de conflits sociaux longs,
crainte de la prophétie auto-réalisatrice).
Aux deux limites conceptuelles que sont l’impossibilité de la prévision et l’instrumenta-
lisation négligeant les acteurs, s’ajoute le fait que la GPEC s’est révélée être incapable
d’endiguer les restructurations lourdes, contrairement aux intentions de départ (Thierry et
Sauret, 1993). L’épreuve des faits oblige à revoir les objectifs : si la GPEC ne permet pas
de prévenir les restructurations, elle peut devenir un outil de l’« anticipation partagée des
restructurations », pourvu que certaines conditions favorables à un dialogue constructif
entre partenaires sociaux soient réunies (Beaujolin-Bellet et al., 2007). De cette anticipa-
tion partagée pourraient naître des opérations de mobilité ou d’évolution professionnelle.

›› 1.2. L’interaction entre outils de GPEC et acteurs


Les failles de la notion de GPEC invitent à un glissement essentiel visant à s’intéresser
à l’implication des acteurs davantage qu’aux seuls contenus des démarches. Il s’agit
donc de réintégrer les acteurs dans des outils de GPEC souvent désincarnés et présen-
tés sous un angle fonctionnaliste. Nous nous inscrivons dans la filiation des travaux
considérant que la technique est indissociable du social, les deux étant en permanente
interaction (Gilbert, 1998). L’étude de la « genèse instrumentale » (Chapiello & Gilbert,
2013, p. 29) est notamment un moment privilégié pour prendre en compte les intentions
des acteurs au moment où l’outil se construit.
La littérature sur les outils de gestion est abondante ; elle met notamment en évidence
les limites de l’approche rationnelle et l’intérêt d’étudier les interactions entre le tech-
nique (l’instrumentation) et le social (Berry, 1983 ; Hatchuel & Weil, 1992 ; Gilbert, 1998).
La construction de l’outil n’est pas uniquement le résultat de considérations pratiques
et fonctionnelles mais elle est aussi sous-tendue par une philosophie gestionnaire et
une vision simplifiée des relations organisationnelles autour de l’outil (Hatchuel & Weil,
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1992). Elle est également orientée vers un objectif. Eyraud (2013) montre ainsi que le
choix d’indicateurs de performance des universités varie selon l’objectif de ceux qui les
proposent : maîtrise des dépenses (ministère des finances) ou valorisation du travail réa-
lisé (ministère de l’enseignement supérieur et la recherche). Chacun cherche à définir des
indicateurs lui permettant de donner une image de la performance qui lui soit favorable
en prévision des arbitrages budgétaires (in Chapiello & Gilbert, 2013, pp. 183-196). Une
fois construit, l’outil de gestion n’est pas un objet neutre. Il oriente l’action des acteurs
qui l’intègrent à leur système d’action concret (Crozier & Friedberg, 1977) et produit
tantôt des retours attendus, tantôt des usages imprévus de contournements ou détour-
nements (Bernoux, 1995). Cependant, les outils de gestion sont d’autant plus réducteurs
que les phénomènes sociaux dont ils doivent rendre compte ou qu’ils encadrent sont
complexes (Gilbert, 1998).
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L’analyse sociale des outils de gestion montre encore que leur mise en place ne relève
pas d’une mécanique instantanée et ne suit pas une progression linéaire ; elle procède
d’ajustements, de tâtonnements, de renoncements à des intentions initiales et/ou de
développements imprévus (Grimand, 2007). Les dynamiques à l’œuvre s’expliquent par
la présence de dimensions invisibles souvent négligées au profit de l’apparente techni-
cité des outils (Berry, 1983).
L’hétérogénéité des pratiques à partir d’outils apparemment similaires est le signe de
leur reconfiguration par les acteurs. C’est précisément cette reconfiguration que nous
souhaitons observer à travers les dynamiques d’appropriation et ce dès la genèse ins-
trumentale. Suivant les recommandations de Chapiello et Gilbert (2013), cela suppose
d’en « identifier le système » (p. 28) c’est-à-dire « la combinaison d’un ensemble d’élé-
ments en interaction (…) inscrits dans des situations. Etudier l’objet en soi limite l’ana-
lyse, épuise rapidement le propos. On trouvera donc avantage à identifier le système
dans lequel s’inscrit l’outil de gestion ».

›› 1.3. Les dynamiques d’appropriation


Aborder la GPEC du point de vue de l’appropriation des outils permet d’appréhender
l’interaction entre le technique et le social et complète la littérature sur le domaine.
La question de l’appropriation des dispositifs de gestion des compétences est centrale
pour Masson et Parlier (2004). Selon eux, l’adaptation des outils aux contextes et le
partage de représentations sont dans de nombreux cas moins réfléchis que la sophis-
tication des outils, ce qui peut faire apparaître un décalage entre la conception et les
usages. Cependant, le processus d’appropriation des outils invite à nuancer cette stricte
séparation : « conception et usage sont intégrés dans un vaste processus récursif et
continu » par lequel « l’outil est approprié par plusieurs acteurs qui le forment, le défor-
ment, l’interprètent » pour qu’ensuite les acteurs « se réapproprient l’outil reconstruit »
(De Vaujany, 2006, p. 119). L’intégration conception-usage est d’autant plus pertinente
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que le déploiement de l’outil se trouve au stade de sa genèse, ce qui est le cas dans les
situations étudiées ici.
Grimand propose une grille de lecture de la dynamique d’appropriation, étant entendue
comme « la rencontre de l’acteur et de l’outil dans le contexte d’une organisation sin-
gulière » (2012, p. 243). Il postule une « dualité » des outils selon laquelle l’outil ne se
réduit pas à son substrat technique. L’outil est « une entité mixte associant d’un côté des
artefacts, matériels ou symboliques (des concepts, des schémas, des interfaces d’outils
informatique…), de l’autre des registres d’action, d’usage qui vont leur donner sens »
(2007, p. 5). Ses travaux font ainsi écho à la littérature sur les outils de gestion exposée
plus haut et permettent d’éclairer d’une part des processus de construction de la GPEC
encore dans l’ombre et d’autre part les liens entre l’implication des acteurs dans cette
construction et le design des outils lui-même.
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La grille de lecture de Grimand contribue à « multiplier les points de vue » sur les outils
(Chiapello & Gilbert, ibid.) en proposant quatre regards sur la dynamique d’appropriation
(2007, 2012) :
–– selon un regard rationnel et instrumental, l’outil a vocation à résoudre des problèmes ;
il remplit les fonctions que ses concepteurs lui confèrent. C’est un vecteur de rationa-
lisation dans la mesure où l’outil propose une représentation simplifiée et réduite du
réel. Qu’il s’agisse d’en rendre compte ou de le transformer, il donne l’impression (ou
l’illusion) de le maîtriser (Berry, 1983) ;
–– le regard sociopolitique sur les outils de gestion signale la présence de jeux d’acteurs
(Crozier et Friedberg, 1977) et de rapports sociaux dans la dynamique d’appropria-
tion et plus spécialement autour de la mise en place des outils de gestion. Les acteurs
ont des comportements stratégiques et utilisent leurs ressources pour peser autant
sur le contenu des outils que sur la manière de les installer (Eyraud, 2013) ;
–– la dimension symbolique des dynamiques d’appropriation permet de voir comment les
outils de gestion peuvent être les vecteurs de construction de sens. Selon la théorie
du sensemaking de Weick (1995), le sens commun est produit dans un processus
continu, reliant la pensée et l’action dans un mouvement permanent de récursivité,
dans lequel l’activation d’outils prend part. Pour Weick, les outils sont constitutifs
de la structuration des rôles et de la construction identitaire et dépassent leur seul
attribut fonctionnel ;
–– enfin, un regard cognitif permet d’examiner le processus d’apprentissage dont l’outil
est le support, par exemple quand il permet d’engager une analyse réflexive sur le
travail. En ce sens, les outils ont un rôle d’activation de nouveaux apprentissages
(Gilbert, 1998). En matière de GPEC, l’outillage peut implicitement rétroagir sur l’orga-
nisation en ouvrant de nouvelles réflexions et en créant des apprentissages (Joyeau,
2002). Grimand (2007) prend l’exemple d’un référentiel de compétences, dont la hié-
rarchie des compétences met à jour les progressions attendues de la part de salariés.
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 109

Nous tentons d’appliquer ce cadre conceptuel à la genèse de démarches de GPEC dans


des établissements du secteur sanitaire, social et médicosocial, décrits plus bas. Nous
nous interrogeons sur les cheminements par lesquels les acteurs parviennent à choisir
puis à façonner leurs outils de GPEC.

2. MÉTHODOLOGIE
Au cours des paragraphes suivants, nous montrons la manière avec laquelle nous avons
saisi un problème de gestion pour le transformer en une question de recherche. Nous
présentons ensuite notre dispositif méthodologique. La nature de l’opération, le secteur
d’activité, le statut des acteurs en présence ne sont évidemment pas des toiles de fond
neutres des dynamiques d’appropriation mais permettent au contraire de les contextua-
liser. Leur exposé relève de l’analyse selon une « approche systématique » des outils de
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gestion, que Chapiello et Gilbert empruntent aux principes de l’analyse anthropologique
(2013, p. 29) et par laquelle le contexte et les usages sont porteurs de significations.

›› 2.1. La sollicitation d’un OPCA


Nous avons été sollicités pour participer à la réalisation d’un guide de GPEC pour le
compte de l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé (OPCA) du secteur associatif sani-
taire, social et médicosocial, UNIFAF. Celui-ci rassemble des établissements et asso-
ciations à but non lucratif très divers. Les effectifs de la majorité des établissements
sont compris entre 10 et 50 salariés mais certaines associations peuvent compter
jusqu’à 600 salariés. Certaines d’entre elles sont des déclinaisons départementales
d’associations nationales et gèrent plusieurs établissements alors que d’autres sont le
fruit d’un regroupement local de parents ou d’élus et gèrent un unique établissement.
Sur le plan des activités, UNIFAF regroupe des associations ou établissements trai-
tant du handicap sous toutes ses formes ou, plus largement, de l’inadaptation (men-
tale, sociale, physique), mais aussi des Établissements d’Hébergement pour Personnes
Agées Dépendantes (EHPAD), des structures pour jeunes en situation de petite délin-
quance ou nécessitant une protection, des Établissements et Services d’Aide par le
Travail (ESAT) ou entreprises adaptées, des cliniques de rééducation fonctionnelle. La
dimension non-lucrative est fortement revendiquée par l’OPCA comme par les acteurs
eux-mêmes, quelle que soit leur place dans la hiérarchie. Les associations connaissent
des contraintes financières liées au tarissement des ressources des financeurs publics
mais elles n’ont pas pour objectif de faire des bénéfices.
L’opération impulsée par UNIFAF présentait l’opportunité d’une collecte d’informations
riche et réglait la délicate question de la négociation d’un terrain (Wacheux, 1996). De
plus, l’existence même d’une demande montre que la recherche correspond à un intérêt
des praticiens.
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›› 2.2. L’émergence de la question de recherche


La généalogie de la question induit une interaction avec l’objet de recherche que nous
intégrons au moment de penser le projet de recherche, consubstantiel de la relation
au terrain (Giordano, 2003). L’objectif pratique et volontariste de l’OPCA d’accompa-
gner des établissements dans la mise en œuvre d’une GPEC aboutit à un dispositif par
lequel des binômes de professionnels et de représentants du personnel s’emparent
de méthodes et outils de GPEC. Ceux-ci sont présentés dans un guide dans le but de
construire leurs propres démarches. Nous avons accès lors des séances de travail aux
modalités d’élaboration de ces démarches, ce qui répond à notre objectif de mieux com-
prendre comment se construit une GPEC à travers l’appropriation d’outils. Objectif pra-
tique et objectif de recherche sont ainsi intimement liés (Hatchuel, 1992).
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›› 2.3. Le statut des connaissances produites
Tout en cherchant à nous distancier du travail des groupes, nous avons bien conscience
de participer partiellement à la construction de l’objet de recherche que nous obser-
vons. En outre, notre intervention a orienté le travail des professionnels. Nous assu-
mons cette position d’inclusion dans l’objet de recherche, fondamentalement liée à la
recherche-action (Hatchuel, 1992 ; Moisdon, 1984 ; Wacheux, 1996 ; David, 2008). Elle
nous demande de préciser la nature de la connaissance produite par cette recherche.
Nous observons un phénomène auquel nous prenons part et les réalisations observées
sont aussi le produit de cette relation. « Le chercheur utilise sa position pour copro-
duire des connaissances depuis l’intérieur du système et non depuis l’extérieur » (David,
2008, p. 203).
Avec David, nous soutenons qu’il ne s’agit pas d’un biais à la connaissance produite, ce
qui sous-tendrait qu’il existe une connaissance pure et parfaite de laquelle on s’écarte-
rait par certains dispositifs méthodologiques. Or, dès lors que l’on s’intéresse à l’action
humaine, toute connaissance est le produit d’une interaction avec un objet. « La place
du chercheur et les conséquences de la recherche pour l’action sont explicitement prises
en compte, non pas dans l’optique de « biais » qu’il faudrait limiter mais, au contraire,
comme principe même d’intervention et de génération de connaissances scientifiques »
(David, 2008, p. 196). Si nous revendiquons l’absence de biais, nous avons aussi une
claire conscience des interactions entretenues avec l’objet de recherche. Afin d’en évi-
ter les conséquences négatives, nous cherchons à organiser une « familiarité distante »
avec notre objet de recherche (Matheu, 1986), selon laquelle tout en étant proche et
même partie prenante de l’objet, nous créons les conditions de la distance (Girin, 1981)
en recourant à quelques principes méthodologiques classiques, faits de rédaction et
prises de notes lors des différentes phases et de restitutions tant au comité de pilotage
d’UNIFAF qu’à la communauté scientifique. Notre position est donc d’assumer la proxi-
mité physique du terrain et d’en organiser une distance cognitive.
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 111

Les limites du recueil de données tiennent d’abord aux éléments inobservés : nous ne
sommes pas présents dans les établissements quand les démarches se concrétisent
et les groupes de travail se forment au-delà du temps des interventions. Elles tiennent
aussi à la nature de l’opération : les parties-prenantes sont volontaires à quelques
exceptions près et cela conduit à la constitution de binômes d’abord sensibles à la
démarche et ensuite chez qui le dialogue social est déjà noué. En cela, le travail livré ici
ne revendique aucune représentativité statistique. Nous en maintenons l’intérêt tout en
percevant qu’elle ne nous permet pas de rendre compte de la profondeur du changement
généré dans les établissements par une démarche expérimentale (David, 1998), dont
nous allons présenter les particularités ci-dessous.

›› 2.4. Les modalités de la recherche-action


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Notre recherche s’inscrit dans la tradition de la recherche-action. Nous observons le
déroulement des groupes de travail constitués pour que les binômes de cadres ou diri-
geants et de représentants du personnel s’emparent d’un guide élaboré préalablement
par nos soins avec sept professionnels du secteur. Les groupes de travail sont compo-
sés de 6 à 12 personnes et se réunissent trois à quatre journées, espacées chacune
d’environ un mois afin d’encourager la mise en œuvre dans les établissements entre les
séances. Au total, cette opération a représenté 19 jours d’intervention pour la phase
d’accompagnement à la prise en main du guide, auprès de 29 établissements.

Encadré 1. La construction du guide

La construction du guide de GPEC s’est faite avec le concours de professionnels du sec-


teur d’activité. Sept professionnels, reconnus pour l’intérêt qu’ils portaient à la GRH, ont
ainsi répondu à l’appel. Ils ont participé directement à coproduire un guide reprenant les
principes et outils de la GPEC et ils ont ensuite été mobilisés pour l’expérimenter dans
leurs propres structures.
À la fin de la construction du guide, deux établissements ont été investis pour tester la
praticité du guide (compréhension du vocabulaire, clarté de la démarche, pertinence des
outils). Chaque fois, c’est un binôme dirigeant – représentant du personnel qui commente
le guide en testant son utilisation.
Le guide obtenu est donc le fruit d’un travail collectif, d’itérations répétées entre un
contenu proposé et des amendements ou ajouts demandés par les parties-prenantes. Nous
sommes dans le cas de figure d’une phase de co-conception des outils (De Vaujany, 2006).
Le tout est orchestré par deux animateurs-formateurs. Le premier est consultant-formateur
en organisation et spécialisé dans ce secteur d’activité. Nous sommes le second, ignorant
au départ les spécificités du secteur et appelé pour un transfert de connaissances sur le
thème de la GPEC.
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Tableau 1. Restitution synthétique des données collectées


Type d’établissement Participants Réalisations Analyse
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1 - Institut Médico Educatif (IME) Binôme Dirigeant Analyse de l’évolution des effectifs dans le cadre du La démarche devient support d’apprentissages
d’une association départementale, – Délégué du Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM). du fait d’un consensus préalable aux groupes de
déclinaison d’une association personnel Pyramide des âges. Information sur les fiches de poste travail (dimension sociopolitique). En se donnant
nationale (DP) au CHSCT. pour objectif de parvenir à un accord GPEC, le
Engagement d’un travail en vue d’un accord GPEC. binôme donne du sens à la démarche.
2 - IME d’une association Binôme Dirigeant Identification des possibilités d’évolution pour la Faible engagement du binôme pour qui le poids
départementale, déclinaison – DP section des polyhandicapés. des contraintes externes ôte tout sens à la GPEC.
d’une association nationale Histogramme des âges. La dynamique d’appropriation est bloquée.
3 - Institut Thérapeutique, Educatif Chef de service Pyramide des âges puis abandon (départ du chef La GPEC ne présente pas un sens suffisamment
et Pédagogique (ITEP), association de service prévu pour participer à l’opération) partagé pour que le chef de service soit remplacé.
nationale
4 - Service de protection de Binôme : cadre Analyse de l’évolution de la loi et des demandes Le binôme perçoit trop d’incertitudes pour donner
l’enfance. Niveau départemental et DP des tutelles. Rédaction de fiches de postes. du sens à une démarche prévisionnelle.
5 - Clinique de réadaptation Une DP Diagnostic stratégique dont évolution de l’effectif puis La déléguée du personnel se sent dépourvue
fonctionnelle (association nationale) abandon (départ du référent RH). de légitimité et ne sait ni comment ni pourquoi
engager une GPEC.
6 - Association départementale, 1 DRH, 1 chargée Intégration de données GPEC dans la NAO La GPEC est support d’apprentissage à ce stade
déclinaison d’une association de RH (reconversion, maintien dans l’emploi, promotion de la démarche. Limite : la démarche reste aux
nationale interne). Analyse globale des emplois, affinée par mains de la fonction RH. Quid de la dimension
catégories professionnelles et par âges. sociopolitique au moment de son déploiement ?
7 - IME d’une association 1 DP, inscription Accord GPEC, fruit d’un groupe de travail entre Rôle moteur de la déléguée du personnel, qui fait
départementale du directeur élus, direction et RP. Réalisation de fiches de postes de la démarche GPEC un support d’apprentissage
(en fait absent) infirmières et adaptation des postes

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8 - Institut Educatif et Professionnel 1 directeur Analyse stratégique et réalisation des hypothèses La démarche est marquée par une dimension
(IEP) d’une association de développement. Programmation des départs. instrumentale forte.
départementale
9 - Foyer d’accueil d’une association Binôme : Réajustements de l’organisation. La démarche est devenue un support
locale directeur et DP d’apprentissage dans un périmètre limité.
10 - Union Départementale des Binôme : Pyramide des âges. Préparation d’un tutorat La GPEC est bien support d’apprentissage, mais
Allocations Familiales chef de service en anticipation de départs en retraite. sur un sujet unique : le tutorat.
et DP
11 - IME - Association d’aide aux Binôme : Pyramide des âges et analyse de l’organisation du Dubitatif au démarrage, le binôme trouve du sens
handicapés, déclinaison d’une directeur et DP travail. Mise en relation des perspectives de nouveaux à la démarche au fil des séances jusqu’à ce qu’elle
fédération nationale profils d’usagers avec l’évolution des compétences. devienne un support d’apprentissages.
12 - Union Départementale des Binôme : chef Abandon (direction vacante et partage des fonctions
Allocations Familiales de service et DP de direction entre cadres)
13 - IME d’une association Directeur Analyse de l’environnement et des ressources internes, Du fait de l’absence de binôme, on reste dans
départementale, déclinaison d’une organisée en forces-faiblesses ; opportunités et une dimension instrumentale.
association nationale menaces.
14 - Maison d’Accueil Spécialisé Binôme : chef Analyse de l’environnement et des ressources internes, Les conditions sociopolitiques ne sont pas réunies
(MAS). Association départementale, de service et DP organisée en forces-faiblesses ; opportunités et pour progresser dans la démarche (désaccords
présente nationalement menaces. avec l’association).
15 - Institut d’Education Motrice Binôme : chef Pyramide des âges, évaluation des départs en retraite Le binôme développe des outils d’analyse
(IEM) - Association Départementale, de service et DP et de l’évolution de l’effectif. Analyse du décalage (dimension instrumentale), mais estime manquer
déclinaison d’une association compétences requises/réelles. de temps pour transformer les analyses en actions.
nationale
16 - Institut de formation aux métiers Binôme : cadre Pyramide des âges, remise à jour des fiches de postes, Le binôme construit des outils (dimension
du social et du médicosocial et DP mise en place d’un tableau prévisionnel des effectifs. instrumentale) et attend un appui de la direction
Information au CE. pour déployer davantage la démarche.
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC
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17 - Association locale d’aide à Binôme : chef Constitution de groupes de pilotage avec des À partir d’un outillage a minima, le binôme s’est
l’insertion des sourds et aveugles de service et DP éducateurs spécialisés. Travail sur l’émergence de efforcé de réunir les conditions sociopolitique
nouveaux métiers et modes d’exercice du travail. et symbolique pour que la démarche soit suivie
Tableau prévisionnel d’effectif. d’effets et soit porteuse d’apprentissages.
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18 - Association d’aide aux Binôme : directeur Plan stratégique à travers le CPOM. La dimension sociopolitique est à l’œuvre : les
handicapés, enfants et adultes, de l’association séances servent à établir un consensus autour de
d’une fédération nationale et DP la stratégie plus qu’à construire une GPEC.
19 - ESAT d’une association Binôme : directeur Tableau prévisionnel d’effectif. Un consensus autour de la GPEC préexistait
départementale, présente et DP Identification des emplois susceptibles d’évoluer avant les séances. Les participants ont fait de la
nationalement dans le cadre du CPOM. Fiches de postes lancées. démarche un support d’apprentissage.
20 - Etablissement et Service Binôme : directrice Redéfinition des missions en fonction des compétences Prégnance de la dimension instrumentale :
d’Aide par le Travail (ESAT) d’une et DP et à partir d’un diagnostic interne et externe. Fiches de la directrice mobilise des outils sans que la
association départementale postes et préparation des entretiens professionnels. déléguée du personnel ne soit réellement investie
dans la démarche.
21 - Unité de Service en Milieu Binôme : directeur Mise en place des entretiens professionnels Intéressé d’emblée par la démarche, le binôme
Ordinaire (USMO). et DP (pas liés à GPEC). utilise la GPEC comme support d’apprentissages,
Association départementale Evolution de l’effectif à 2 ans. sur des sujets parfois indirectement liés à la GPEC.
(association nationale)
22 - ESAT d’une association locale Binôme : directeur Abandon du directeur (dossiers urgents à régler La GPEC n’a pas de sens suffisamment fort pour
et DP au moment de l’intervention). que le directeur la priorise.
23 - Établissement d’Hébergement Binôme : directeur Analyse de l’environnement, de l’organisation du Le binôme s’engage immédiatement dans la
pour Personnes Agées Dépendantes et DP travail, de l’évolution des effectifs. Organigramme démarche avec l’objectif partagé d’utiliser la GPEC
- Association locale prévisionnel. pour proposer une organisation à l’association ;
elle sert de support d’apprentissages.
24 - Maison d’Enfance à Caractère Binôme : directeur Evolution des effectifs à 5 ans, fiches de poste, La dimension sociopolitique est à l’œuvre : la
Social (MECS) – Association locale et DP entretiens professionnels. GPEC sert d’appui au dialogue au sein du binôme.

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25 - Institut Thérapeutique, Educatif Binôme : directeur Constitution d’une commission plénière de GPEC avec Faible outillage au départ (dimension
et Pédagogique (ITEP). Association et DP un membre de chaque service (6 pers.) afin d’anticiper instrumentale). La GPEC sert au règlement de
locale. les remplacements au cas par cas (affectations, problèmes à 6 mois. La déléguée du personnel fait
redécoupage des postes…) sur la base d’une analyse preuve d’une grande discrétion. La GPEC devient
démographique. Réalisation d’un « Classeur GPEC », support d’apprentissages mais surtout pour les
disponible pour tous. cadres qui participent aux commissions GPEC.
26 - Foyer d’accueil d’handicapés, Binôme : chef du Diagnostic établi en vue d’une réorganisation du La GPEC est l’occasion de penser la réorganisation
établissement d’une association service Soins et DP service : analyse de l’environnement, de l’organisation du service. Sa nécessité fait sens (dimension
nationale du travail, des effectifs et des compétences. Recueil symbolique) et la consultation des salariés
d’informations sur les désirs d’évolution de chaque appuyée par la représentante du personnel en
salarié. Étude de l’impact du « dossier unique renforce le consensus (dimension sociopolitique).
de l’usager » sur les pratiques (site pilote pour La démarche devient support d’apprentissage sur
l’association nationale). des sujets du présent autant voire plus que du
futur.
27 - ESAT d’une association Deux salariés Auto-évaluation en cours, qui est liée à la GPEC. Les salariés s’interrogent sur le sens à donner à
départementale, présente (dont un cadre) Actions spécifiques GPEC « gelées » (changement la GPEC sans feuille de route claire de la nouvelle
nationalement de direction au cours des interventions). direction (dimension symbolique).
28 - Association locale d’aide sociale Binôme : chef de Analyse de l’environnement, de l’organisation du La démarche se concentre sur un périmètre très
(foyer d’hébergement) service et DP travail, de l’évolution des effectifs. étroit. On peut estimer qu’elle sert de support
Actions centrées sur le service comptable : d’apprentissages. Mais il est aussi probable qu’il
matérialisation des fiches de poste des comptables s’agisse de montrer ainsi l’intérêt de la démarche
au vu des diagnostics et des évolutions souhaitées du à un public d’éducateurs qui y est apparemment
personnel + besoins du service. plus rétif (dimension sociopolitique).
29 - Etablissement de soins Binôme : directeur Instituer une démarche associative (délibération Le consensus sur l’intérêt de la démarche était
à destination des personnes et DP du CA) autour de la GPEC. Information formelle des acquis d’entrée de jeu (dimension sociopolitique).
handicapées – Association locale salariés sur la démarche GPEC. Le travail du binôme a surtout consisté à
Réalisation d’un diagnostic : directeur + directeurs produire collectivement du sens (dimension
adjoints + RP = 7 personnes. Sollicitation de l’ARACT symbolique). La démarche sert au final de support
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC

pour analyser les conditions de travail. d’apprentissages (dimension cognitive).


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3. RÉSULTATS
Il n’est guère surprenant de voir l’examen des 29 démarches montrer des résultats très
divers. Les participants à l’opération définissent à la fois des modes d’entrée dans la
GPEC qui leur conviennent et des objets réalistes ou prioritaires à leurs yeux. Certains
sortent de l’opération avec un accord de GPEC, d’autres avec une révision de fiches de
poste. D’autres encore abandonnent en cours de route pour des raisons très variables.
L’abondance des informations nécessite de les ordonner pour en proposer une lecture,
ce que nous faisons dans le tableau 1, synthétisant pour chaque établissement les
informations obtenues et nos analyses. Au-delà du constat de la diversité de mode
de construction, avec des niveaux d’avancée et des blocages différents, nous relevons
dans les travaux des groupes des niveaux d’avancement distincts. Nous constatons
également l’apparition de facteurs de blocage parfois rédhibitoires, davantage liés à
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un manque de consensus ou de sens qu’à un défaut d’instrumentation. Nous relevons
ensuite que l’engagement dans la démarche donne lieu à des apprentissages, signe
d’une dynamique parvenant à modifier des pratiques ou représentations. Nous obser-
vons enfin des formes de GPEC singulières, construites en fonction de dynamiques
d’appropriation différentes.

›› 3.1. L’expression d’une démarche rationnelle


La séduction des outils de gestion tels que présentés dans un guide au papier glacé
opère souvent dans un premier temps. Certains établissements se lancent ainsi dans
d’ambitieux dispositifs à l’échelle de petites structures. Il s’agit par exemple de « faire
évoluer des compétences dans la perspective de nouveaux profils recherchés », d’éla-
borer « un plan stratégique », de « réajuster l’organisation » ou d’« adapter les postes »,
d’entreprendre une « réorganisation du service ». Dans le passage des principes à l’ac-
tion, ces objectifs généraux se traduisent souvent par une mise en place d’outils ou
d’instruments, qui encadrent, photographient, encouragent ou contraignent les proces-
sus de travail.
L’éventail des outils mobilisés est vaste, comme l’indique le tableau 1 : pyramide ou
histogramme des âges, fiches de postes, diagnostics interne ou externe, mise en place
d’entretiens professionnels. Cependant, la conception d’un outil n’est pas à elle seule
un indicateur de son appropriation puisque cet outil ne dit rien ni de sa mise en œuvre
ni de ses effets. Les acteurs en ont eux-mêmes conscience puisque plusieurs d’entre
eux ont mis en œuvre des tableaux prévisionnels d’effectifs et ont pu en constater leur
faiblesse prédictive : l’outil suppose une stabilité dans la durée à la fois de l’activité, du
personnel, du périmètre, de l’organisation et de la politique d’emploi (externalisation ou
internalisation), ce qui relève de la fiction.
Pourtant, les outils rassurent, offrent une apparence de professionnalisme et renforcent
le sentiment de maîtriser le cours des évènements, à tort ou à raison ; très souvent, nous
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 117

avons constaté qu’ils facilitent l’engagement dans la GPEC : à partir du mode opératoire
à construire (qui fait quoi et comment ?), ils peuvent devenir un outil de dialogue et de
convergence des représentations. Dans ce cas, c’est bien en tant que support de ces
dynamiques qu’ils sont intéressants et non pour les fonctions qui leur sont attribuées.
L’examen du choix des outils par les acteurs montre encore que ni les caractéristiques
techniques des outils mobilisés, ni les contextes internes ou externes, ni les configu-
rations organisationnelles dans lesquelles ils s’intègrent (notamment appartenance à
une association nationale ou non) n’apportent d’explication au processus conduisant
des individus à s’emparer des outils. Nos constats suggèrent ainsi de recourir à d’autres
éclairages pour saisir les modalités de construction de la GPEC.

›› 3.2. Des jeux de pouvoir


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L’analyse stratégique nous enseigne que les jeux de pouvoir peuvent exister indépen-
damment des rapports hiérarchiques (Crozier & Frieberg, 1977). L’exemple d’une Maison
d’Accueil Spécialisé (n°14) le confirme. Le binôme cadre/représentant du personnel fait
part d’emblée de ses réserves sur la démarche de GPEC, selon lui impossible à engager
sans la formalisation d’un projet associatif. Plus tard, le projet se révélera peu éloigné du
précédent, et très malléable (« attention à la personne », « intégration des familles »…)
mais c’est alors la faiblesse des marges de manœuvre financières octroyées par l’asso-
ciation qui justifiera l’impossibilité pour le binôme de s’impliquer dans une GPEC. Ces
réticences expriment une tension entre le binôme de l’établissement et les adminis-
trateurs de l’association gestionnaire. Le binôme fait part d’un manque d’écoute des
administrateurs à leur égard, qui les ont inscrits à l’opération de prise en main du guide
de GPEC sans qu’ils n’y adhèrent et parle de « décalage des administrateurs avec la
réalité ».
Les jeux sociopolitiques s’expriment à d’autres occasions, à travers les binômes de
représentants du personnel/direction, particularité de la formule choisie par l’OPCA,
qui tient compte de la nécessité d’un compromis entre des acteurs dont les visions des
politiques d’emploi ou de formation sont inspirées par leurs positions. Une anecdote
l’illustre dans une Maison d’Enfance à Caractère Social (n°18 dans le tableau) : à l’occa-
sion de la présentation d’un outil (tableau de polyvalence ou matrice de compétences),
la déléguée du personnel réagit vivement en affirmant : « si c’est ça la GPEC, alors il faut
la combattre ! ». En présence de son directeur, en binôme avec elle, elle fait part de son
refus de la polyvalence et du risque de comparaison entre salariés que sous-entend
l’analyse des compétences individuelles. L’association exclura cet outil de sa GPEC et la
démarche servira surtout de point d’appui à la création d’un consensus. Cet exemple est
significatif de jeux de pouvoir, aboutissant à l’exclusion du champ de la GPEC de sujets
comme l’externalisation ou à l’orienter vers des points particuliers.
118 @GRH • 13/2014

Nous avons vu deux exemples. Le premier montre que les jeux de pouvoir entre les
administrateurs d’une association et ses salariés, cadre et représentant du personnel,
en bloque le déploiement. Le deuxième laisse voir un jeu d’acteurs permettant d’abou-
tir à un consensus tout en infléchissant le contenu d’une GPEC. Un troisième exemple
confirme que les jeux de pouvoir participent à la construction des formes prises par la
GPEC. Il s’agit d’un foyer d’hébergement (n°28) dont le choix du périmètre de la GPEC,
sur le service comptable, marginal dans l’organisation, est lié aux anticipations des
réactions d’éducateurs, plus nombreux et apparemment plus rétifs à la notion : « on va
montrer comme ça aux éducateurs qu’il n’y a pas de craintes à avoir de la GPEC » (chef
de service). Les jeux de pouvoir interviennent donc dans le choix du périmètre et des
outils, bref dans les formes de la GPEC dès sa genèse.

›› 3.3. La volonté de partager le sens de la GPEC


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La préoccupation du sens de la GPEC se retrouve dès les premiers tours de tables, lors
de l’explicitation des intentions et la définition d’orientations de moyen terme. Plusieurs
établissements cherchent à faciliter le partage de sens autour de la démarche : présen-
tation de la démarche dans les instances représentatives du personnel, information des
salariés, constitution de groupes de travail, mise à disposition d’un classeur… Pourtant
certaines difficultés opérationnelles trahissent un déficit de sens. Les deux exemples
suivants en témoignent.
Le chef de service d’une MAS (n°14) estime être dans l’incapacité d’engager une GPEC :
« franchement, on ne peut rien faire. La tutelle nous donne un budget en fonction de
ratios. En fonction du nombre de résidents, vous avez un budget mais vous devez avoir
tant de personnes qualifiées avec tel ou tel diplôme. Bref, on ne peut quasiment rien
bouger. Alors, vous savez, faire évoluer les compétences….». Ces difficultés opération-
nelles sont réelles et entendues à maintes reprises : impossibilité de prévoir l’évolution
des données externes comme les financements et l’évolution du public accueilli, fai-
blesse des marges de manœuvre en interne : rémunération, mobilité professionnelle,
promotion… Sans les minimiser, nous relevons que certains groupes les surmontent, à
l’image d’un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (n°23).
Longtemps géré par une association locale, il vient d’être intégré à une association
nationale fédérant des dizaines d’établissements similaires. La centralisation des déci-
sions est crainte par le binôme dirigeant/représentant du personnel, qui s’engage néan-
moins dans la GPEC en y voyant un moyen de devenir force de proposition vis-à-vis de
la structure nationale. Malgré les incertitudes très fortes, le binôme planche sur un
organigramme prévisionnel et affûte son argumentation pour légitimer le maintien d’une
activité de restauration et non son externalisation.
Dans le premier cas, le chef de service n’a pas décidé lui-même de participer aux
groupes de travail. Il n’en perçoit pas le sens puisqu’il est convaincu de l’absence de
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 119

marge de manœuvre. Comme le décrit le second, dans un contexte tout aussi contraint,
le binôme dirigeant/représentant du personnel perçoit suffisamment de sens pour que
cela soit moteur de son action. Plus que la marge de manœuvre elle-même, c’est bien la
perception qui en est faite qui est motrice ou bloquante. Cela relativise l’importance de
facteurs de succès objectifs.
Comme l’indique le tableau 1, plusieurs établissements ne s’engagent pas dans la GPEC
en raison du faible sens qu’ils y perçoivent. D’autres utilisent la GPEC comme un cadre
global permettant de traiter de problèmes qu’on pourrait qualifier de minuscules au
regard de l’ambition initiale portée par le concept de GPEC : alors que la GPEC pose
dans ses principes l’anticipation à un horizon de moyen terme et une approche globale
de l’organisation, les acteurs la reconfigurent pour y faire entrer des sujets à un horizon
de court terme, selon une approche parfois très localisée : service comptable, anticipa-
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tion de certains départs en retraite…

›› 3.4. La GPEC comme support d’apprentissages


Nous constatons qu’à plusieurs reprises les outils de GPEC deviennent support d’ap-
prentissages c’est-à-dire que leur utilité ne tient pas aux outils eux-mêmes mais à la
réflexion qu’ils permettent d’engager, à l’image de la démarche d’un établissement
(n°19) autour des fiches de postes, expliquée par un cadre : « On a commencé à travailler
dessus mais c’est allé plus loin que ce qui était prévu. On s’est rendu compte qu’on n’avait
pas les mêmes façons de faire, ce qui n’est pas forcément un problème, mais qu’on avait
des approches tellement différentes que ça n’aidait pas les personnes accueillies. (…)
Au bout du compte, les fiches ont surtout servi à se mettre d’accord sur nos rôles et sur
comment ils allaient devoir évoluer avec le public accueilli qui est toujours aussi fragile
alors que les exigences des clients, elles sont de plus en plus fortes ». En s’emparant
des outils de GPEC, parfois pour s’éloigner de leurs intentions premières, les acteurs
signalent une dynamique d’appropriation en cours. L’aboutissement n’est pas prédéfini
dans une feuille de route dont ils auraient à suivre le tracé ; ils le définissent par la
confrontation de leurs points de vue et contribuent ainsi à produire des apprentissages.
Dans certains cas, les apprentissages portent sur un objet précis comme le tutorat à
construire en anticipation de départs à la retraite (n°10) ou bénéficient à un public par-
fois réduit comme dans cette association (n°25) où une commission GPEC réunit les
chefs de service qui y anticipent les mouvements de personnel à six mois. Dans d’autres
cas, ils portent sur une redéfinition plus large des missions de l’organisation. Prenons le
cas d’une association d’aide aux handicapés sensoriels (n°17), faisant face à une évo-
lution rapide de ses missions, qui ne consistent plus à prendre en charge les personnes
handicapées accueillies mais à faire le suivi de leur intégration en milieu dit ordinaire.
La pérennité de l’association tient à sa capacité à faire évoluer le rôle des éducateurs
spécialisés. Un simple tableau prévisionnel d’effectif donnera lieu à des discussions au
120 @GRH • 13/2014

sein du binôme sur les possibilités d’évolution des personnels vers de nouvelles fonc-
tions. Un groupe de pilotage d’éducateurs se met en place, dont le travail doit aboutir à
la définition de nouveaux postes.
Chaque fois, les apprentissages sont rendus possibles par un partage d’intérêts entre
acteurs, pour qui la GPEC est devenue un objet de consensus plutôt que de conflits, puis
par un partage de sens pour des acteurs perturbés par les évolutions de la législation.

4. DISCUSSION
Notre recherche est au croisement de deux champs de la littérature, ceux de la GPEC,
des outils de gestion, plus précisément celui de l’appropriation des outils par les acteurs.
La mise en dialogue de ces deux champs renouvelle le regard sur la GPEC. Nous nous
inscrivons dans la lignée de travaux pointant la négligence des acteurs dans la vision
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classique de la GPEC (Gilbert, op. cit ; Cadin, Guérin & Pigeyre, op. cit.). Au contraire
d’être une démarche hors-sol, la GPEC est ancrée dans des contextes particuliers
(social, culturel, professionnel…) et elle est le produit de l’appropriation des acteurs
(Masson & Parlier, 2004 ; Oiry et al., 2013).
Etudier la GPEC sous l’angle de l’appropriation des outils de gestion revient donc à por-
ter un autre regard sur la GPEC. C’est considérer que l’étude des dimensions humaines
importe pour comprendre les formes de la GPEC prises au final. Selon la formule de
Chapiello et Gilbert, c’est aussi « diminuer la séparation entre le technique et le social »
(2013, pp. 28). C’est alors à ces dimensions qu’il faut accorder une attention soutenue,
plus qu’à la seule instrumentation censée produire des effets par elle-même.

›› 4.1. Intérêt d’une grille de lecture de la genèse instrumentale


Nous rejoignons Chapiello et Gilbert (2013) quand ils appellent à « multiplier les points
de vue » (p. 28) pour enrichir l’analyse. La grille des dynamiques d’appropriation de
Grimand (2007, 2012) s’inscrit pleinement dans cette perspective. Elle donne du contenu
à ce précepte et propose un cadre d’analyse. Au-delà de la visée rationnalisatrice des
outils, elle invite à observer les dimensions sociopolitiques, socioculturelles et cogni-
tives à l’œuvre dans une démarche de GPEC.
Appliquée à l’étude de la genèse de démarches de GPEC, elle s’avère pertinente et
utile dans la mesure où elle permet de rendre visibles des dimensions invisibles en
les identifiant et les nommant. De cette manière, l’analyse devient plus fine. Dans les
situations étudiées, la dimension sociopolitique est présente dans la conception même
du dispositif d’intervention, associant des binômes direction – représentants du per-
sonnel dans le but de prévenir des jeux de défense de positions institutionnelles. Dans
l’avancée des démarches, le choix des périmètres (large ou étroit), des objets (évolution
des postes ou tutorat par exemple), des outils et jusqu’à la formulation des termes de
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 121

l’outil, la GPEC tient compte de bout en bout de la dimension sociopolitique. La dimen-


sion symbolique se signale par le nécessaire sens de la démarche pour les acteurs qui
s’y engagent. Elle est tantôt établie préalablement par l’identification claire et partagée
des enjeux de l’établissement, tantôt élaborée au cours de la démarche par les acteurs.
« L’appropriation est fondamentalement un processus interprétatif et de construction de
sens à l’intérieur duquel les acteurs questionnent, élaborent et réinventent les modèles
de l’action collective » (Grimand, 2007, p. 5). Plus encore, les outils dépassent leurs
seules vocations fonctionnelles pour structurer les rôles et doter les outils d’un attribut
symbolique (Weick, 1995), comme par exemple quand le groupe de travail symbolise
une démarche participative. Enfin, on perçoit la dimension cognitive très nettement à
travers les nombreux exemples lors desquels les groupes s’emparent d’outils pour les
faire évoluer, en les choisissant et les adaptant à leurs contextes. Les apprentissages
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dont la GPEC est le support sous-entendent une certaine maturation, l’appropriation
étant un processus « ouvert et continu (…) alternant en permanence des phases de
conception et d’usage » (Grimand, 2012, p 254).

›› 4.2. Des formes de GPEC produites par une imbrication de processus


sociaux
La formalisation de l’analyse par le recours à la grille de Grimand met en évidence le pro-
cessus par lequel les formes de GPEC sont le produit d’un emboîtement de phénomènes
sociaux. Les outils sont choisis, assimilés, intégrés aux particularités et contextes de
l’organisation en tenant compte de plusieurs processus sociaux. Le choix des outils de
GPEC (dimension rationnelle) prend son sens (dimension symbolique) compte tenu des
points de consensus stabilisant les jeux de pouvoir entre acteurs (dimension sociopoli-
tique). Dans d’autres situations, les apprentissages produits dans la construction d’outils
(dimension cognitive) participent à la construction du sens de la démarche (dimension
symbolique). Dans d’autres cas encore, le choix des outils et du périmètre (dimension
apparemment rationnelle) s’explique par l’intention de neutraliser de futures postures
défensives d’un autre service (dimension sociopolitique) une fois la démonstration faite
des bienfaits de la GPEC pour le premier service (dimension cognitive).
La genèse de la GPEC, dans le contexte organisationnel observé, est ainsi le produit
d’interactions multiples entre des processus agissant sur des registres différents. Elle
ne procède pas d’un ordonnancement linéaire de tâches, comme le schéma classique
l’indique sans nuance mais d’ajustements spontanés réalisés en situation. Pensée et
action sont encastrées selon un processus récursif de production de sens (Weick, 1995).
L’intérêt d’ « identifier le système » (Chapiello & Gilbert, ibid.) est de rendre moins énig-
matique, voire incompréhensible, le processus de construction des prémisses d’une
GPEC.
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L’ambition de la GPEC, anticiper les évolutions d’emploi, nous semble mériter une ingé-
nierie par laquelle il convient de penser les dimensions humaines. En les nommant à
travers une grille d’analyse, en montrant que la GPEC se construit dans un processus
interactif entre ces dimensions, nous pensons contribuer à cet effort. La déconstruction
du schéma classique pour en pointer les limites (Cadin, Guérin & Pigeyre, ibid.), aussi
pertinente soit-elle, n’est pas une fin en soi dès lors que le chercheur fait vœu de pro-
duire des connaissances actionnables. Il s’agit ainsi de favoriser des espaces rendant
possible le dialogue sur l’emploi et les compétences en tenant compte des jeux socio-
politiques mais aussi d’essayer d’organiser la diffusion de sens (sensegiving). Maitlis
(2005) estime que, sans être totalement contrôlée, elle peut être organisée en trouvant
les conditions et éléments déclencheurs de la construction de sens, par exemple par des
réunions formelles, pilotées et organisées dans ce but.
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›› 4.3. Une nouvelle explication de l’abandon de la GPEC par les acteurs
L’importance des dimensions invisibles à l’œuvre permet de proposer une explication
au retrait des acteurs en dépassant l’explication apparemment absolue de l’incertitude
fondamentale quant à l’avenir. Notre étude montre, dans un secteur sans but lucratif et
sans conflit de valeurs évident, que la GPEC peut être un terrain d’expression des jeux de
pouvoir au point de paralyser le déploiement des outils, comme on l’a vu avec des jeux
d’opposition entre l’encadrement d’un établissement et les administrateurs de l’asso-
ciation. De même, le déficit de sens perçu dans la démarche est une raison fréquente
d’abandon. Il peut prendre des formes différentes : définition ambigüe du rôle attribué
aux parties-prenantes, manque de clarté des objectifs de la GPEC, perception d’une
absence de marge de manœuvre… Dans ce cas, ces deux dimensions des dynamiques
d’appropriation agissent comme des conditions de succès à réunir pour dépasser le
stade de la genèse.
De plus, l’imprévisibilité fondamentale des aléas à venir, obstacle supposé à la GPEC
n’est un problème que si on considère qu’elle est une entrave à l’exécution ordonnée
d’un plan. Selon ce schéma, l’incertitude est un obstacle à l’« idéal normatif de l’écart
zéro » (Gilbert, 2006). Mais une démarche de GPEC gagnerait à être considérée comme
un processus ouvert, en construction permanente par les acteurs qui définissent son
périmètre, son horizon en fonction du sens qu’ils lui attribuent et de l’évaluation des
jeux de pouvoir. La faille conceptuelle identifiée par la littérature n’est pas en soi celle
de la GPEC mais il s’agit de la faille d’ambitions irréalistes et du postulat fonctionnaliste
sous-jacent à sa vision classique.
Notre analyse de la genèse instrumentale de GPEC nous conduit à soumettre trois
points à la discussion. Ces points sont issus de l’observation de situations particulières,
en raison de la singularité des contextes. La nature du dispositif engagé par l’OPCA et
conçu pour être suivi par des binômes de dirigeants et représentants du personnel en
ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 123

fait une première particularité. Ici, l’instrumentation de la GPEC est le déclencheur de


la dynamique du fait du dispositif même. La deuxième particularité est l’appartenance
sectorielle des établissements : ils appartiennent au secteur non lucratif, ce qui introduit
dans le discours des dirigeants comme des salariés certaines valeurs de désintérêt (au
sens financier du terme) et d’insertion du travail dans une perspective sociétale, ce
qui évite probablement des désaccords idéologiques sur les finalités de l’organisation.
La troisième particularité tient au faible effectif de la plupart des établissements, qui
explique en partie l’importance des relations interpersonnelles et la faiblesse relative
de l’outillage initial de GRH (Abraham et al., 2011). Ces trois particularités méritent
d’être soulignées car les processus à l’œuvre sont par nature contextualisés. Au-delà
de ces particularités communes à l’ensemble des établissements, l’examen plus fin des
contextes de chaque établissement peut faire apparaître d’autres éléments importants
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dans la compréhension des processus à l’œuvre : le caractère réellement volontaire de
l’inscription à la démarche (et non poussé par un administrateur par exemple), le passé
des dirigeants ou représentants du personnel et leur vécu de situations tendues sur le
plan de l’emploi, les circonstances entourant les sessions de travail ou encore la qualité
des relations sociales.

CONCLUSION
Nous étudions la genèse instrumentale d’une GPEC en sollicitant deux champs de la
littérature, ceux de la GPEC et de l’appropriation des outils de gestion. Ils se rejoignent
sur l’intérêt de réintégrer les acteurs dans le social. Il s’agit alors de rendre intelligible
le social et de « multiplier les points de vue » pour ce faire (Chapiello & Gilbert, 2013,
p. 28). La grille d’analyse des dynamiques d’appropriation (Grimand, 2007, 2012) s’inscrit
dans cette perspective. Elle propose d’observer les dimensions rationnelle, symbolique,
sociopolitique et cognitive à l’œuvre dans le cheminement des acteurs au moment de
faire émerger une GPEC. Nous l’appliquons à 29 établissements du secteur social et
médicosocial, étudiés dans le cadre d’une recherche-action.
Notre recherche permet d’abord de rendre visibles des dimensions invisibles en les iden-
tifiant et les nommant. Nous montrons ensuite que les formes particulières de GPEC,
articulant outils et méthodes, résultent d’une imbrication de phénomènes sociaux (jeux
de pouvoir, construction de sens, apprentissages) en interaction les uns avec les autres.
D’un point de vue managérial, cette recherche montre d’abord que la course à la sophisti-
cation des outils n’est pas un gage de réussite. Elle montre ensuite l’intérêt d’une atten-
tion soutenue aux dimensions humaines, invisibles et impalpables, à même de favoriser
un engagement des acteurs dans une GPEC. L’anticipation des évolutions d’emploi nous
semble mériter une ingénierie par laquelle il convient de penser les dimensions humaines
en commençant par identifier les dimensions symbolique, sociopolitique et cognitive à
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l’œuvre. Il s’agit ensuite de s’efforcer de les rendre favorables au déploiement d’une


GPEC par une implication des acteurs dans les démarches. Le travail d’ingénierie consis-
tera à définir les formes de l’implication des acteurs au regard de l’analyse des situa-
tions. Enfin, cette recherche plaide pour une révision en profondeur du schéma classique
de la GPEC, tel qu’il a été enseigné à un grand nombre de managers et d’étudiants.

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