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/4¢ Vocabulaire de... LbéSye. Collection dirigée par Jean-Pierre Zarader Le vocabulaire de Lévinas Rodolphe Calin Francois-David Sebbah Agréyé de philosophie Aagtégé de philosophie Université de Paris-Sorbonne Université de technologie (Paris IV) de Compitgne y S a 4 % Aristote, por P. Pellegrin Bachelard, pe 3-Cl. Parente Bouddhsme, pax S. Acgilére Benham, par s=P, Cléro et Ch. Laval Berkeley, par Ph. Harmon ‘Comte, pat 1 Grange Derri, par Ch. Ramood Descartes, par F. de Buzon e¢D, Kambouelner Diderot, par A csi ate de Branco pt Comet Proeains p Epicure, par }-P. Balasdé Foucault, par J Revel Frege, par A. Benmakhloof Freud, par P-L. Assoun par A. Bugle Langlois Hegel, pac 8. Bovrgenis Heidegger, pac .-M1. Vaysse Hume, pat Ph Saltel Hlasser, par 1 English Kant, par JM, Vaysse ‘Kierkegaard, pat H. Polis Lacan, pat JP, Clero Leibniz, par Mi, de Gaudemar Levinas, pat B, Calin et F-D. Sebbab Lévi-Strauss, par P. Man Locke, par M Pacmenticr es. Good Da ta méme collection Te vocabulaire de... Maire Rekhart, par G Jasczyk (PJ. Labariere Malebranche, pac Pb. Desoche Malraux, par JP. Zarades ‘More, por E. Renault ‘Merleau-Panty, par P. Dupond Montesquieu, parC. Spector ‘Nietzsche, par P. Woting Pascal, par P. Magnand Platon, paz L. Brisson et J.-F. i Présocratiques, par }-F. Balaudé ‘Rousseau, par A. Chara ‘Russell, par A. Benmakélout ‘Saint Augustin, par Ch. Nadena ‘Seeptiques, parE. Nays Sebeling, par P. David ‘Schopenhauer. pat A. Roget ‘Spinoza, par Ch, Ramond Stofeens, par V. Laurand Suéres, par J-P, Coujou Tocqueville, pat A Arie] Vieo, pa P. Girard ie Voltaire, par G, Watetiot Wingenstein, pas Co. Coanviré Machiavel, par Th. Ménissier tl. Sackur Maine de Biran, par P. Montebello tsan 2-758-09872 1 Blips ston Maren 5.4. 2002 — wo Sart Bp aac 9 Saint Thomas d'Aguin, par M.. Nod Sarire, pac Ph. Cabostan et A. Tomes Ce vocabulaire est un vocabulaire philosophique de Lévinas. C'est dire que —s'il n’efface eu aucun cas Vinspivation par le judaisme — les notious qu'il retient provienuent des textes explicitement philosophiques de Lévinas. Il respecte ainsi la séparation souvent revendiquée par ce dernier entre « éerits coufessionnels » et « éerits philosophiques ». On sait cependant que la frontiére ainsi dessinée est compliquée et poreuse aussi faut-il prendre soin de situer les notious philosophiques de Lévinas dans Jeur filiation depuis le judaisme, filiation parfois absolument incontournable (cf. « éleetion » ou « substitution » par exemple). Il n’en reste pas moins que ni la Bible ni le Talmud ne sout pour Lévinas Prineipes d'autorité, La signification philosophique de son discours doit absolument se garantiret se Iégitimer depuis les critéres et les exigences de Ia philosophie — en son style phénoménologique. Et c’est ce que ce vocabulaire s'est attaché & mettre en valeut. Pourtant, détetminer le sens philosophique des notions lévinassiennes ne va pas de soi, surtout si l'on s’attache A une idée de Ia philosophie comme discours visant & la clarté et & la distinction de notions cenchainées en un ordre des raisons. Mesurée 3 cette aune, la philosophie de Lévinas peut sembler gravement en défaut, Mais lire Lévinas, c'est sans doute faire Pexpérience Puuc autre munidre de faire de la philosophie — qui se revendique cependant pleinement philosophie. Il y ‘une difficulté intrinséque & donner un sens sinon univoque dv moins suffisamment déterminé aux notions employées par Lévinas (et done & proposer uu « vocabulaire de Lévinas »). D’abord, loin des chaines de raisons adi les notions se succédent et se subordonnent les unes aux autres, oi elles s"ordonueut, les textes Iévinassiens laissent les notions coexister sans hiérarchisation logique. Cette coexistence des notions implique la polysémie induite par une syntaxe non grecque! od les 1. Voir ADV, 161, (On wouvera ene ine des abnévations p62) : notions passeat pour oinsi dire sans cesse les nes dans les autres, sans Gu’on puisse les délimiter nettement autrement qu'arbitrairement ihiticulte 'autonomiser des enteées Ta ole texte donne ta pexpétuelle transmutation et I'empittement des notions les unes dans les eure, les tines aur les ares. Chaque notion fat seintiller de maniére singliére et absolument ircemplagable {aspect dune signification qui ne doit cependant jamais, 2 partir de sa singulaié, se « sédimenter » ese figer tn ce que Lévinas nomme le Dit. Eclat de signification absolument précis en sa singulaité et qui pourtant exige sans cese, un peu comune Fesquisse perceptive husserlienne, d'étre resitué dans un horizon . Ma subjectivité, mon ipséité, m'est donnée dans {iGieHelne méme A mon Be, i plus extéieur devenant sini Te plus intricur, ear on se sive ici & un niveau qui précbde le rapport ou enere un ibe abitre et one Io. 8s te ee Te eAmOKanage de ce commandement. A ce niveab, plus profood que opposition meme entre passivité ct activité (of elon 0a Commandment ee veiGie en WRLEORUTUATpeyetsme (cf. Ta problématique de inspiration), Lévinesidentific ce qvil nomme «une liber fine», {i ta tien 3 voir avec la simple limitation d'un poovoir ou de son domsine d'appication Désir * La celation & I'Infini se dit premitrement ct de manitre décisive comme Désir parce qu'elle consiste d'abord en une épreuve bouleversonte ; le moi éprouve en lui cela meme qui le deborce AEBUENERD 11 s’agit donc d'une relation sensible, absolument rion théorique. Mais le Désit est qualifié par Lévinas de €mitapAYSIONe afin d’opérer une claire distinction, et méme une opposition, d'avec Je besoin comme tel mondain, Hr Le besoin caractérise le moi égoiste qui cherche par le consommation et [a Jouissance des substances qui sont offertes dans Te Monde, 3 combler le manque et ® restaurer ainsi Ta clorure de 80 souveraineté de Méme : ce qui s’appelle le bonheur. (Remorquons au passage que le procés ainsi décrit est ambigu si Te besoin, déja, réouvre la clorure de I’égoisme du Moi.) Le Désir, se définissant en Sopposant au besoin, loin de s’inserire dans le processus de el6ture du Meme du moi égoiste, loin d’ouvrir en appelant la fermeture comme Ia faim n’ouvre a Maltérité de Valiment que ’appeter, dja, A sa résorption dans I’égoisme dun Moi — (1 D&SifgUOney est relation & l'infini par-dela Phorizon du Monde, relation que le Désiré crense el ne comble pas (ef. Tf, pen ce creusement sans cesse recommencé, infini, Ialtérité comme telle se donne, elle se donne en tant gu’altérité absolue de I'Infini qui met en question mon égoisme. ‘+ Lévinas ne le dit pas ainsi, mais on pourrait dire, en effet, que ‘est(eommie Desir que Paltérité\e dole Au sens ou ce creusement du Désir par le Désiré (Infini) n’équivaut en aucun cas & une frustration du Désir, au sentiment d’un mangue. Est court-circuitée alternative manque/satisfaction qui gouverne le besoin. De DéSitel vest jamais absorbé par le Méme, en ce sens il lui échappe, et cependant il ne manque pas, puisque c'est ainsi, dans ce creusement meme, qu'il est donné, C’est pourquoi, loin de mettre en péril le Désir, ce creusement infini, au contraire, l'accomplit en le rendant sans cesse plus intense. Comme si, & la différence de la faim concrete qui vise [’aliment, lellDésir, enlsi Gimension! métaphysique, se ouTsGHiECe SA propre faim (et. 7, 4 ct HAH, 49). Diachronie * Traditionnellement, les capports entre éte et non-2tre s'expriment comme temporalité. Cette configuration est reprise par Lévittas. pour autant qu'elle subit un déplacement radical. Puisque, chez Lévinas, Vantrement qu’étre déjoue opposition méme entre etre et néant, fa mani@re dont il concerne I'étre va impliquer une entente absolument originale de la temporalité : la diachronie. C'est comme diachronic que Vautrement qu'ére vient affecter Vordre de I'éte, de la phénoménalité, Envisager le temps comme diachronie, c'est le désigner comme « étant » pure rupture de Ta substance, comme ce qui défait radicalement toute stabilité et tout rassemblement, ceux de etre comme ceux du Dit qui les continue. C’est seulement ainsi, diachroniquement, que l'autrement qu’étre peut da méme mouvement affecter Iétre et se montrer en lui sur le mode paradoxal de la trace, sans pour autant se laisser capturer par lui ** Cela dit, la diachronic comme césure ou rupture radicale suppose ‘encore la phase de Pétre ou du Dit sur laquelle elle vient rancher ; en tun sens cette derniére est impliquée dans la diachronie méme. La métaphore théoriquement productive pour dice cette manitre de ompre radicalement qui soit pourtent maniére encore de « tenir ensemble», est le «clignotement ». Penser le temps comme diachronie, c'est done aller Te plus loin possible dans la tentative de le penser comme rupture et discontinuité, Cela méne bien str aux limite du pensable. Rien ne reste mine subsiste de la rupture diachronigue, rien d’elle ne « fait présence » — en quoi elle «est » bien l'autrement qu’étze méme. Et pourtant il lui appartient d’affecter Petre et de s"y montrer méme si c’est comme clignotement fugitif et igmatique, méme si sa manitre de se montrer consiste tout entidre dans le bouleversement de I'apparaitre. Du coup, le tour de force lévinassien va étve de décrire Ia possibilité pour le clignotement dinchronigue de se montrer dans Petre sans émousser la radicalité de son tranchant. Les notions de « trace » et «d°écho > sont alors mobilisées : jamais donné en présence, Ie clignotement diachronique se « montre » toujours déja en son « écho » ou sa « trace » “6* La conception du temps comme diachronic s‘oppose explicitement, chez Lévinas, & la durée bergsonienne dont les différents moments passent les uns dius ley auties en une nnité de compénétration qui interdit toute diserétisation du continu. Si la durée bergsonienne déjoue toute tentative de la capturer en raison de la radicalité du continu qui ne se laisse pas déterminer, diviser, c'est pour ainsi dire au contraire par excds de discontinuité que 1a diachronic échappe a toute tentative de la capturer. Il est artivé & Lévinas de cétoyer la pensée bachelardienne de instant, l'instant comme rupture de la durée — mais toujours pour sous-entendre que Ia dialectique bachelardienne de l"instant domestiquait intégralement ce dernier en le mettant au service de la durée dont il doit étre le moteur interne, II faut souligner que la pensée lévinassienne de la Giachronie surgit au moins en partie d'un commentaire de la description husserlienne de la temporalité. Car, si Ia diachronie S‘oppose a |'idée husserlienne d'un flux temporel organisé par une forme, on ne remarquera jamais assez que Lévinas interpréte iactironiquement la notion husserlienne d’« impression otiginaire », d'« Urimpression». Il la présente comme une césure otiginaite, comme tout entiére écart & soi primordial de Ia sensibilité que Vintentionnalité n’aura de cesse de domestiquer. Cette « lecture » de Vimpression originsire selon Husserl est bien en quelque maniére Yune des origines de la diacbronie lévinassienne. jeu * Lévinas n'hésite pas a. nommer la transcendance « Dieu » dans ses tes philosophiques. II ne s’agit alors en aucun cas de désigner etre parfait ct le plus puissant, cause de Ini-méme et de tovte autre existence. « Dieu » n’est pas d’avantage le nom d’un concept susceptible d'étre pris dans la démarche de la prenve ou de la déduction. Il ne s*agit surtout pas du « Dieu des philasophes ». Mais, il ne faut pas s'y tromper, il ne s’agit pas non plus du « Diew @’Abraham, d'Isaac et de Jacob », du Diew auquel on se rapporte ddans la foi ; la foi raditionnellement opposée a la rationalité et & ce «qui passe pour une des formes les plus élaborée de cette derniére : 1a philosophic. C'est que Diew n'est pas une présence & laquelle on puisse se rapporter —de quelque maniére que ce soit. Dieu se caractérise par sa sainteté, c'est-A-dire sa séparation absolue, « transcendance jusqu’a absence », Dés lors, Dieu n'est pas meme Ja déja paradoxale présence dautrai (cf. visage). Il est « a qv'autrui, autre autrement, autre d'altérité préalable a T'altérité dautrui » (DD, 115). C’est cette absence absolue de Dieu qui interdit de penser autrui comme tant en quelque sorte « incarnation » de Diev, et qui commande mon rapport & autrui comme responsabilité éthique s"arrachant & ['érotisme, 3 la recherche de ’immanence dans Ja jouissance de la présence. +* Un souci de Lévinas consiste & montrer que Dieu < vient & Vide », que Diew a & voir avec la philosophie, qu'il n'est pes germe @Tinrationalité, mais au conteaire source de la signification ou de 1a signifiance la plus haute dans son refus méine d’étre capturé par le logos philosophique qui synchronise en présence stable et disponible. Du méme coup, il ne peut s"agir d’ opposer simplement le Dieu de la foi religieuse av Dieu des philosophes : dans certains de ses textes Lévinas soupgonne méme cette opposition de simplement distingver deux modes — certes irédnctibles l'un a l'autre — du rapport & la présence. « Dieu » doit done eu pour Tui le nom de ce qui n’est ai Substance ni concept, de ce qui n’est pas une présence offerte au travail d'argumentation de le philosophie ou inversement 3 Ia sévélation de la foi. Le nom de ce qui, en cette manitre méme, ouvre ‘la signification en venant déranger de sa trace la phénomenalité et le discours qui la refléfe en Ja synchronisant (exemplairement le * Pour entendre ce que signifie la fécondité du moi, il convient de rappeler que, pour Lévinas (dans EE ainsi que dans TA) la relation premiere que le moi a avec Iui-miéme est une relation de possession (notamment, EE, 36). Tl est substance, au sens originaire du mot (en grec, ousia, que Mon traduit notamment par « substance », désigne d'abord les biens, les richesses que I’on posséde). Mais cette possession de soi va jusqu’a lencombrerment du moi par soi qui se décrit aussi cornme vieillissement (par ex. TI, 246). L'engendrement du fils inverse la relation de possession, en donnant au moi déja embarrassé de soi de tester soi tout en s'allégeant de son propre poids d'etre, de s*identifier tout en &tant « autre et jeune » : Je moi {cond est son fils, il est « substantiellement en lui» (TI, 254-255), et pourtant le fils n'est pas moi (cf. filialité), Telle est la « structure imprévisible en Iogique formelle » (TI, 244-245) de la fecondité pensée comme « transcendance de la trans-substantiation » (TI, 244), qui est la fois « une identification de soi, mais aussi une distinction dans identification » (7, 244). *** Si, selon TZ qui ne renonce pas au langage de letre, a fécondicé doit étre élevée au rang de « catégoric ontologique » (7, 254), sa signification ontologique doit se comprendre 2 partir de sa capacité de rompre avec I’ unité éléatique de 'étre, @introduire la multiplicité, Ja discontinuité et 1a transcendance dans T'etre : ce qui signifie rompre avec l'avoir dont Métre, dans son retour sur Iui-méme, se double toujours (EE, 36): « je n'ai pas mon enfant, je suis mon enfant » (TI, 254 ; TA, 86). Féminin * Le féminin est Pune des figures de Paltérité radicale dautrui, autre sexe comme tout autre, ** Dans 7, Je féminin apparait une premigre fois comme diserétion de la présence et « accueil hospitalier par excellence » (Z, 128), qui fouvre au moi Vintimité et Pintésiorité du chez soi : en lui s'accomplit et s'achéve la séparation cormme habitation. Il apparait une seconde fois dans la relation érotique : son secret se double alors de la matérialité d’une nudité éhontée, qui Pinscrit dans I'équivoque de la profanation comprise comme « simultanéité du clandestin et du on ‘, c'est afin, d'une part, de souligner que c’est le pur fait d’étre qui se produit, et non telle ou telfe chose ; d'autre part, d"insister sur le caracttie impersonnel de I'étre : « c’est impersonnel comme “il pleut” ou “il fait chaud” » (TA, 26). © La notion d'if y a cherche promouvoir, & Iencontre de Heidegger et de la co-appartenance de Iétre et du néant, une notion Petre sans néant, L'il y a est absence d’étants qui retoume présence, ou encore, dit Lévinas, «la deasté existentielle du vide lurméme » (EE, 104), C’est pourquoi, dit Levinas — qui interpréte Ja finitude de ("etre chez Heidegger comme limite, comme si le néant venait du dehors limiter !étre (cependant que, dit Heidegger, 1'étre et le néant sont le méme) —'@tre est sans limite, ce qui sigmifie qu'il °a pas de dehors, que rien ne vient du dehors entamer la plénitude de son auto-affimation, ou encore apaiser la souffrance du sujet qui, dans 'insomnie, est entidrement livré V'absurdité de cet étre « qui ne laisse pas d’ouvertures, qui ne permet pas d’échapper » (TA, 28). (Or Ia positivité de I'atee est la positivité du mal : « L’étre est le mal, non pas parce que fini, mais parce que sans limites » (TA, 29). Cette affirmation, sans doute Tune des plus problématiques de la pensée Iévinassienne, donne liew pourtant & une forte pensée du mal, d'un mal qui ne détruit pas celui qui en souffre, mais au contraire Te condamne & I'impossibilité du néant. Une telle philosophie du mal, {gui prétend rompre aveo une tradition philosophique qui ideatifie le ‘mal au néant, n'est coutefois pas sans Evoyuct Vinjustice cher Platon, mal propre & Mame qui cependant I’éveille au lieu de la détrvire!, voire le péché chez saint Augustin, mort de I"ime dont l’ame meurt sans cesse, meurt sans mourir?, — méme si pour Lévinas ce mal dont fon ne meutt pas mais qu'il évoque au moins une fois comme enfer (SMB, 58) a’est pas a proprement parler de l'ordre du péché —, ov enfin la pensée kierkegaardienne du désespoir, comme auto- 1. Ch Paton, République, LX. 61De 2. Sur te peche selon saint Augustin, V Jean-Louis Chin, Le regard de amour, Pasi, eselée de Brouwer, 2000, p. 184 consomption du moi dans laquelle Je moi ne parvient cependant pas & se consumer. Un passage de SMB (58 et ss.) semble bien se souvenir de cette tradition “#* La pensée du caracttre malin de l'étre témoigne de l’épreuve radicale de labsurdité de Iétre qui fragilise toute pensée du sens ou de Ja vérité de I'étre, et en appelle 8 I’étbique comme lien dune signifiance d’au-dela de 1'etre, signifiance jamais assurée de soi, ‘oujours & réveilier, et dont I'acuité nait du risque de non-sens auquel A tout instant elle se livre. Ce risque du non-sens auquel s’expose la signifiance éthique est sans doute ce qui permet de comprendre la proximité inattendue soulignée par Lévinas entre lil y a et Pilléité, car il indique fe risque que la transcendance — T'iléité au-dela de Vétre — doit courir, en « transcendant jusqu’a absence, jusqu’a sa possible confusion avec le remue-ménage du il y a» (DMT, 253), avec son « ressassement insignifiant » (SMB, 51). Infini * Pour Lévinus, le développement rigoureux du concept de la vranscendance, ou extériorté, qui Iuit dans le visage auth, S'exprime par Te terme d'infini, Toralité ef Inn: tl ext este de run des onvrages majurs de Lévines. CPeBEguelt Tal de Sis ‘aut pour "Bue en général comme pour tout te partieulizr,consiste A ramener soi, 8 asimiler, et done & ne ren Lasser 3 entreur, a sans cess lotaliser. Or c'est en tant qu'infini que la transcendance aura toujours dj brisé la totlité — et Paura ins rendue possible ** Le terme « infini » fait entendre le surplus ou ['exe2s sur toute totalité — excés qui n’est nulle part ailleurs que dans le dynamisme ou le mouvement méme d'excéder “@ebord Qui ést)tout entier débordement jinfinition écrit parfois Lévinas, *** Avec constance depuis 77, Lévinas place sa pensée de (infini pour ainsi dire sous le patronage de I'idée d"Infini solon Descartes, Non qu'il s‘agisse de venir envelopper linfini en une idée ou un concept, mais précisément parce que Descartes insiste sut le fait que 7 Vinfini se donne comme P’épreuve d'un débordement pour V'idée qui se propose de le « comprendre », de l'appréhender. En toute rigueur, est pouqol Pinfin qui ses en de OoStsscnces, se donne Jabocd comme sentiment, le sentiment infini de Vinfini sans cesse creusé — mais ainsi accompli — par ce vers quoi il se porte: le Désir. insomnie * La notion d’insommie fait l'objet de deux lectures dans V'euvre de Lévinas, Ces leetures qui, au premier abord, pourraient sembler se contredire, n’en partagent pas moins un trait commun et décisif. Vinsomnie désigne une vigilance qui se situe au-deli de Ia conscience, une veille qui n'est pas conscience de soi ou aitentiou 8 objet, mais (premiére lecture) 1a veille de I'étre anonyme, ou (seconde lecture) P’éveil du moi & autrui, ** L'insomnie apparatt dans un premier temps (ef. BF et TA) comme le phénoméne d'une vigilance sans but et sans objet, & travers lequel Lévinas tente d'approcher 1a notion d’il y a. C’est pourquoi Vinsomnie posséde avant tout une signification ontologique : elle est éveil au cien ou plut6t Je rien comme éveil et permet de décrire Veuvre d’tre comme vigilance, I’gre comme présence de absence ou densité du vide, ceuvre d°@tze inlassable et sans reldchement. Or cette « bidlute sans consumation d'une flamme inextinguible » (DD, 61) qui définit Pinsonmnie en vient par la suite 2 désigner I’éveil méme du moi & autrui, son animation ou son inspiration par l'autre, Vimpossibilité de ne pas etre attentif 4 Vautre. Veiller signifie maintenant « veiller au prochain » (DD, 57), ou encore se séveiller sans cesse de son égoisme — de son idemtité et de sa présence & soi— comme on sort d’un mauvais réve, Tout semble alors s*inverser, puisque linsomnie ne désigne plus la veille de 1'étre mais réveil du moi au Bien au-del& de Iétre, & ['autrement qu’étre, c'est- Avdire que Ja présence de l"éure ne s'entend plus désormais comme éveil, mais au contraire comme engourdissement, « condensation de ve vide méme qui me gagne comme somnolence (ou comme étre de. Yétant) » (DD, 50), et dont il s'agit pour le moi de se dégriser. **"'Y a-til une incobérence dans la pensée de Lévinas ? Nullement, En effer, il n'y a pas de contradiction a lire Iattachement & soi de Vétre tantét comme éveil, tantét av contraire comme engourdissement, La densité (ou condensation) du vide —T'euvre etre — est indistinctement veille et engourdissement. Veille, parce qu’ ceuvre d’'étre inlassable, sans relachement ; mais justement pour cela raideur, engourdissement, veille sans le déphasage gu’introdiit Yéveil, veille sans éveil, et qu'il est pour cette raisou impossible de distinguer du sommeil. Il s’ensuit que veille ontologique et veille éthique ne sont pas exactement le méme phénoméne, qui serait contradictoirement Iu, car la veille de V'étre est un état, elle est continue, tandis que Ja veille responsable est un incessant réveil, veil jamais assez éveillé et toujours & réveiller. L'il y @ et le moi responsable ne veillent pas de la méme veille. Inspiration * « L'inspiration n'a pas son mode originel dans Iécoute d'une muse qui dicte les chants, mais dans I'abéissance au Plus-Heut comme relation éthique avec aut » (ADY, 178) ** Comprise & partir de I'éthique, 1a notion d’inspiration soutigne dabord l'ambivalence du sujet responsable, qui est tout a Ia fois autonome et héléronome, «tour a tour commencement et truchement » (AB, 189). L’imspiration peut étre comprise comme une réponse non Kkantienne au probléme Kantion de savoir comment le sujet moral devient auteur de obligation a laquelle il se soumet, Lobéissence & Vobligation qui émane de I'Tnfini ne saurait procéder, ‘comme chez Kant, de la représentation parle sujet de cette obligation agrcice & laquelle Ja volonté institue elle-méme la loi et en devient Vouteur. En effet, pour Lévinas, « je suis obligé sans que cette obligation ait commencé en moi » (AE, 15-16), et donc, sans qu'elle puisse devenir contemporaine de mon présent; obligation par LOSARY OF DAVIDSON COLLEGE 39 laquelle Vinfini m'ordonne au prochain est en ce sens iveprésentable, et ne saurait per conséquent faire l'objet d'une institution par moi. A ce titre, I'éthique lévinassienne est fadicalement héléronome. Mais, prévisément parce que jobéis malgré moi, sans instituec la loi qui me commande, parce que Pobéissance peécéde I'écoute du commandement (AE, 189), ordre ne s’entend que Gans 'obéissance (qu ainsi en témoigne au lca de le thématiser, ef. AB, 189), il ne s°énonce que par Is voix qui Tui repond, en sorte que je deviens I'« auteur de ce qui m’avait été & mon insu insufflé » (AB, 189). L'hétéronomie se retourne alors en auionomie, etourement qui est, dit L6vinas, «la fagon méme dont Vlfini se passe » (AB, 189). C’est done sur le mode de inspiration et non sur celui de la représentation que je deviens T'autcur de obligation. —On voit ici toute Pimportance que revét In notioa inspiration dans la pensée de Levinas : elle vient purement et simplement se substitu la notion représentation "Ye Notons que la notion éthique d’inspication se présente également comme une interprétation éthique de la notion biologique de respication ; I’thique lévinassienne est une pneumatologie (AE, chap. VI): Minspiration du moi par l'autre est son animation par Pautre, autrement dit sa respiration; « I'inspiration suscite la respication, le pneoma méme du psychisme » (AF, 147)!. Ma relation 23 Tautre est une « relation & lair » (AE, 228) invisible. Car I’ Autre s'inscrit dans le Méme comme Vair invisible — invisible, c*est- dire non pergu, & ce titre pas plus thématisable que lo visage — me pénetce « jusqu’aux replis de mon intériorité » (AE, 227) « Ouverture de soi & l'autre... la respiration est transcendance en guise de dé-claustration » (AE, 228), ce qui veut dire qne la désubstantialisation de l'étre et du sujet opérée par la responsabilité Soulignons ici que cee pede de inspiration et bien su meme mauementpensée fu prophétsne. Comme le rapelle Catherine Chalice: «Je prophétsme bibique temoigne June inspiration pie IAvtre pour Ieute, qu, selon Levines, conse le syeisme méme de Fame" (AE, 180). La spiritualité humaine serit pac eseen0e rophetigue (dans « Pour une pensée iaspieée»,p. 288, in Epothe a 2, Grenoble, Mion, 1990, est la respiration comme inspiration par autre homme : «sans la proximité d'autrui dans son visage, tout s'absorbe, s‘enlise, S'eomnre dans 'ére » (AE, 229), tout est vous a étouffement. Mais i convient de souligner que Pinterprétation éthique de la notion biologique de respiration soumet a respiration & la logiqne emphatique qui caractérise l'éthique Kévinassienne ; Pemphase consiste ici & penser T'essence de la respiration humaine now pas comme affirmation de ’homme dans son espace vital (AB, 228), mais comme une « consumation, une dénaeléation de ma substantialité » (AE, 228), c"est-A-dice comme haléiement ov essoufflement, «inspiration sans point Part » et « expiration, sans fetour » (AE, 229). La substitution & autrui comme expiation des fautes et des souffrances de Vautre est «expiration absolue...» (AB, 229) du moi responsable, —d’o le paradoxe d'une animation par I'antre qui est en méme temps expiration absolic, une « mort sur ede... dans Inspiration par ! Autre pont l'autre» (AB, 220) | Jouissance * La jouis: est la modalité selon laquelle s'accomplit le rapport au monde de la subjectivité sensible et corporelle. Jouir c'est vivre de..., se nourrir de Pantre que soi, ou plutot, se rapporter en monde comme 2 une nourritute. Le monde est laliment du moi. Toutefois si Ja jouissance est alimentation, celle-ci est d’abord jouissance, ce qui ‘veut dire que se nourtir oc signifie pas en premier liew assurer sa snbsistance, « puiser de I"énergie vitale quelque part » (F7, 86), mais se rejouir ou svattrister des contenus (terrestres ov célestes) qui remplissent mon existence. C'est conférer une valeur affective A Pexistence, V'aimer ou encore la savourec! — savourer un aliment ‘n'est pas simplement 'ingérer, c'est l'aimer, c"est-a-dire exalter ses qualités gustatives, **Mais savonrer un sliment c'est aussi jouir du fait de le consommer, c'est jouir den jovir. I y a une réflexivité de ta vie (« la 1. CAB, 99, qui eumusse ano phénomécolege Je la saveur vie jouit de sa vie méme », AE, 92) qui n'est rien d'autre que son égoisme, et qui fait de Ja jouissance le lieu méme d'un retrait en soi du moi, c'est-i-dire le principe méme de son individuation, Toutefois, la réflexivité de la jouissance ne snrmonte jamais sa transitivité : jouir c'est toujours jouir de Tautre qne soi. A ce titre, renroulement du moi sur soi dans la jouissance ne le conduit jamais une clOture sur soi, en sorte qu’au lieu de son retrait et de sa complaisance en soi, il conserve toujours la possibilité d’« accueillir Ja révélation de la transcendance » (TI, 124). Cette transitivité de la jouissance marque un mode tout 2 fait original d’intentionnalité, & rebours de toute constitution : alors que Vintentionnalité de la repeésentation réduit tout objet & un contenu pensé, lintentionnalité de la jouissance — dans laquelle le moi affirme son indépendance an lieu méme de sa dépendance a 1'égard de ce dont il jouit— est toujours débordée par ce qu'elle constitue, conditionnée par hui. C’est cela qu'elle est alimentation. °* Si la celation éthique interrompt la jouissance, (le visage est par Aéfinition ce qui refuse de se Taisser assimiler, ce dont je ne jouis as), cetle-ci s’accomplitjusqu’au paroxysme dans la relation avec le féminin qui, transgression du visage, transgresse Vinterdit de ta jouissance en invitant le moi une «jouissance du transcendant presque contradictoite dans les termes » (TY, 233). Justice * La notion de Justice prend chez Lévinas doux sens distinets voire opposés. Dans son premier grand euvre, TI, Lévinas nomme « justice » la relation éthique dissymétrique, sans réciprocité, et sans mesure, du face 2 face, Plus tard, dans AB, « justice » nommera au contraire la nécessaire prise en compte du tiers, et dés lors tout aussi bien de la réciprocité (en un sens je suis « I’autre de l'autre ») que de {a limitation et de la mesure (il faut aussi se soucier de «l'autre » autre, ou de « l'autre de l'autre » —il faut partager équitablement entre eux) "+ Si «justice » est dans T7T'un des noms de la relation étique elle- mémie, c'est que le terme exprime une caractéistique forte de cette ddemitre : Ia telation éthique implique de renoncer & maitriser autrui, de renoncer en particulier 4 en faire un objet. Il faut le « aisser fire », ce qui implique un abord de face par od autrai librement sTexprime dans ta franchise sans retenue de son visage. Le terme «justice » nomme cette exigence primordiale de « laisser étre » autrui de le lasser s*exprimer & partir de ui-méme. Cette exigence de renoncer & la matrise sur autru, de toujours déposer les armes pour inaugurer le face A face, se radicalise et s‘accomplit de la manibre suivante: «la justice consiste a recomnaitre en autrué mon maitre» (T/, 44). Cette défintion de Ia justice ne consiste done pas ‘comme c*est Te plus souvent le cas — & exiger ce qu'on pourrait appeler Vhorizontalité de I"égalité entee moi et autrwi, mais au contraire & reconnaitre le privilege d'antrai, 8 reconnaitee sa bauteur. On remarquera que T'élaboration de Ja notion de justice pat Lévinas est inséparable d'un travail sur les notions de langage ou de discours. Si la rhétorique est art de capturer autrui par fa force de son diseours, alors « dépassement de la rhétorique et justice coincident » (71, 44). En un sens, la justice inite et manifesteI'étre anthentique du langage: ni capture d’autrai dans un theme objectif, ni manifestation de mon ponvoir d'ensorceler par ma parale, mais reconnaissance inaugurale de la « seigneurie dautrui », de son privilége, par od s'inaugure Ie langage en tant qu'il puise la signification dans l'exposition & autrui. Le discours se présente comme justice + Pour autant, d8s 77, Lévinas marque bien qu'alors meme qu'il faut opposer la relation éthique, comme tlle dissymétrique, tla prise en compte du tiers, ce dernier s'annonee deja dans le regacd atu [Lévinas ne prend pas simplement en compte le tiers, pour sinsi dire aprés-coup, et simplement comme nne limitation de I'absoluité de la relation éthique concédée devant objection sclon laquelle il faut bion prendre en compte Ia pluralité des autres, partager entre eux. Entre a relation éthigue (qui peut se die comme « justice » dans 71) ot la prise en compte du ters (qui peut se dire comme «justice » dans 6 AE), Lévinas a’établit pas un compromis inconséquent. Tout en se contredisant dans leur contenu, 'asymétrie éthique et la symétrie de la justice du tiers s"impliquent et sappellent mutuellement, Sans la responsabilité éthique, Ja justice du tiers (aussi bien due au tiers qu’ octroyée par Iui) serait sans signification, Mais, inverserment, fa prise en compte du tiers, non seulement me contraint & partager entre Tes autres, rmais encore me libére de V'absoluité de la persécution par autrui : seule la prise en compte du tiers me permet de ne pas succomber sous le coup de la persécution par autrui, et ainsi de pouvoir exercer ma responsabilité. De manitre plus décisive encore, il faut remarquer avec P. Riceur, que la justice @ pour ainsi dire un statut architectonique dans AE, C'est qu'en effet Ia dimension de la justice du tiers, en cela strictement homogéne au discours philosophique, est le lieu de Minterchangeabilité et de la thématisation possibles : le scul lieu d’o0 puisse se formuler explicitement et se partager, par le biais du logos, I'injonction thique. Métaphysique * On sait la difficulté qu'il y a8 donner une définition univoque de la métaphysique, de la « science recherchée » : science de P’étant en tant qu’étant, science du premier des étants... On sait aussi que la métaphysique, en particulier chez Kant mais aussi dans la phénoménologie husserlienne, est séverement critiquée : Ia ‘métaphysique traditionnelle perdrait de vue le réel en prétendant en degager la racine ultime et en s‘abimant ainsi dans um ciet d'idées illusoines. Lévinas, au contraire, comprend la métaphysique & partir de son geste transgressif (« méta», « trans »), comme transgression de la phénoménalité, du Monde et de sa lumitre. En rigueur de termes, la métaphysique est pour ainsi dite Ie sens méme de la transgression : non pas ouverture sur wi au-dela, mais expérience du Désie evou de I'Tnfini comme expérience d'un creusement sans cesse relancé au sein méme de ce qui se montre. #* « Métaphysique », loin d’8tre un syaonyme « d’ontologie », désigne done au contraire une dimension en sugplus ou en excds sur Wétce et le discours qni lui convient. Bt comme Autre met en question le Mémo, la métaphysique met en question l'ontologie ; de ce fait, dit Lévinas, « comme la critique précéde le dogmatisme, la métaphysique préctde {'ontologie ». Dans 7, a sphere de Pontologie se boucle en Totalité, alors que la « métaphysique » témoigne de I'Infini qui toujours déja fracture la Totalité, ouvsant ainsi Ja dimension du Bien, c’est-dire pour Lévinas, de la signification, Pour le dire autrement, la métaphysique ouvre a la tanscendance dont on comprend au passage qu’elle reléve de la dimension de la hauteur et de Invisible, si elle suppose de rompre le domaine de I'étre qui se réciproque avec celui de ce qui est mis en lumibre et gui s‘offre dans l'horizontalité du Monde, La transcendance est nne relation précédant affirmation et négation, relation & Vinfiniment distant sans que Ja relation ne détruise ta distance, et sans qu’ Pinverse la distance ne détruise Ia relation ‘comme le vondrait la logique dn Meme. « Nous avons appelé cette relation métaphysique » écrit Lévinas, 49 « Métaphysique », 3 Porée de TI, ne désigne donc pas simplement une « discipline», la racine de Iarbre de la philosophie, tmsis qualifie la relation 2 Valtésité comme telie. L’extension du domaine de notions qualifies de métaphysiques ou approchées comune relevant de la métaphysique en ce sens renouvelé est bien stir extrSmement importante : le Désir, 'idée d'Infini, la séparation, te visage, parmi bien d-antres, relevent de ce domuiue, La «cmétaphysique » sera d'ailleurs révélée comme une premigze approche de « I’étbique », puisqu’elle n’est échappée hors du Méme que parce que, toujours déja, le Meme est mis en question, Lévinas nie revendique plus de maniére aussi insistante Ia dimension métaphysique aprés TZ, mais, s'il dit moins volontiers ce dont il sTagiten ces termes, la description reste entitrement valabe Remarquons pont finir que si Lévinas ne reprend pas & son compte le (hime heideggerien da « dépassement de la métaphysique », c'est 6 parce qu'il réenveloppe lexigence de « dépassement de la ‘métaphysique » dans la métaphysique elle-méme! Phénoménologie * Lorsque Lévinas évoque Ia phénoménologie, il le fait le plus souvent en référence (implicite ou explicite) a V'exigence et a la méthode phénoménologiqnes tells qu'elle furent inaugurées par Husserl puis Heidegger (Husserl et Heidegger qu'il fut I'un des premiers introduice en France), Cette méthode dont le mot d'or, selon Husserl, est le « retour aux choses elles-mémes », consiste essentiellement & dénoncer les constructions spéculatives de Ia tradition métaphysique poor décrire ce que nous ne savons jamais voir dans la vie ordinsie, 'apparaitre méme de ce gui apparat. Et ce, grice & V'opération méthodique de « [’épokde » qui suspend la position spontanée des choses dans leur existence défintive & lagucilc nous procédons ordinaircment daus ce qu’Hiusser| nomime « Tatiude nacre », Lévinas a toujours décitsa rencontre avec la phénoménologie husserlienne comme inaugoratrice pour sa propre pensée, et il a toujours revendiqué une fidélité paradoxale & la méthode phénoménologique, jusque dans sa demiere cuvre, Autrement qu'étre ow aucdetd de essence, dans laquelle il montre pourtant que le langage éthique pour ne pas trahir["Infini evou Autrui en son visage, doit interrompre la phénoménologie. En effet, Vinfini evow le visage d'aatrai, selon Léviuas, débordent toujours Valliance nouée par ta philosophie grecque od T'ére s*égale & Vapparatue : comme UInfni ouvte la dimension du seas en exes sur etre et Vapparaitre, U'éthique ne témoigne du sens quien interrompant la phénoménologie, ** Diemblée, dés les textes of) Lévinas restitue —de manigre pourtant tes fidele— 1a démarche de Ia phénoménologie hhusserlienne, on sent une inflexion critique globalement héritée de |. Voir Jean-ue Marion, « La seience toujours recherche of toujours manquant », in Le métoplyigue, zn histoire, oa ontiqu, aes ens, $8. JoM, Narbonne e L. Langlca, Pais Quebee, VRIN/ PUL, 199, p. 1336, Heidegger : Lévinas reproche & Husserl de ne pas aller assez loin dans une voie que ce dernier indique pourtant tout en finissant par la recouvrir : Pattention & la spécificité de chaque type a” apparaftre, de phénoméne, finit, malgré tout, chez Husserl, par une subordination de tous les phénoménes & Vardre théorique de objet; et la description de 1a manitre d’apparaitre de chaque phénoméne finit, smalgré tout, par reconduire vers In conscience pensée comme un pale de commandement souverain et absolu. Lévinas reconnait 3 Heidegger le mérite de libécer les phénoménes de Ia tutelle du théorique et de Ia conscience elle-méme prise dans la forme d'un Ego comme péle de centration. Mais, selon Lévinas, Heidegger Iui-méine ne va pas assez loin, puisque, s'il sait reconnaitre en etre Pévénement d'entrée en présence des écants, il se rend soued & cela méme qui rompt l'ordre de I'etre — et donc toute phénoménologie, méme heideggerienne : le motif éthique de Iain *#4 On comprend ds lors qu’outre exploitation de certains «themes » de préilection comme le comps, la temporalité le vécu, la sensation, Ia passivité —ceux-li méme dont le traitement met précisément en péril I’ axiomatiqne de 1a phénoménologie — Lévinas reticent de Husserl et de Heidegger, sinon une méthode au sens strict et explicite, da moins un certain type de geste. Il dit leur devoir Pexigence d'une fidélité dans Ia description — ni déduction ni induction — aux différentes manigres ' apparaitre. Mais loin de privilégier le motif de la réduction phénoméuologiqne, au sens d'une reconduction vers un pdle de centration des actes de conscience, il retient de l'épokhé Veaigence de procéder & I'interruption des snbstances figées dans le résultat de leur mouvement apparition, résultat qui oceulte ce mouvement mnéme. Dés lors, la réduction ‘ranscendantale, il préfére I’ analyse intentioonelle qui réintroduit Les notions dans le dynaruisme de leurs horizons de sens, dans le tssage de fils intentionnels. IL mobilise tout particuliérement 1a notion husserlienne Whorizon en ce qu'elle implique une réserve

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