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DROIT JUDICIAIRE PRIVE

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PARTIE LIMINAIRE : PRESENTATION GENERALE DU
DROIT JUDICIAIRE PRIVE

10
11
Chapitre 1. LE DROIT JUDICIAIRE PRIVE EN LUI-MEME

Section 1. La définition et la terminologie


Le droit judiciaire privé est l’ensemble de règles de droit qui
régissent l’organisation du règlement des différends entre particuliers,
au cours ou en dehors du procès. L’expression1 « droit judiciaire
privé » est d’utilisation récente. Traditionnellement, on a désigné cette
matière du droit judiciaire, sous le vocable de « procédure civile ».
Cette dernière expression, sans pour autant disparaître, a été critiquée.
On lui reproche le fait que sur le plan conceptuel, elle ne couvre pas
toutes les branches du droit privé qui, pourtant, recourent aux règles
de forme (à la procédure) pour leur mise en œuvre. En effet,
« procédure civile » a tendance à réduire au droit civil les procédures
de règlement des différends, alors qu’il existe d’autres branches telles
que le droit du travail, le droit commercial ou autres, qui font appel à
ces règles de forme pour leur mise en œuvre. En outre, l’expression
procédure civile ne prend en considération ni les règles relatives à
l’organisation judiciaire, ni celles qui régissent l’exécution forcée. Les
premières sont très importantes du fait qu’elles dressent en quelque
sorte la scène où se déroule le théâtre du procès. Les secondes, aussi
importantes que les premières, ne font pas partie à proprement parler
de la procédure civile. Le droit de l’exécution forcée est autonome vis-
à-vis de la procédure civile.

Section 2. La nature, l’utilité et le domaine du droit judiciaire


privé
§1. La nature du droit judiciaire privé

Le droit judiciaire privé a pour but de mettre en œuvre les


droits subjectifs reconnus aux particuliers par le droit objectif de fond.

1
Lire à ce propos, MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain la neuve, Academia Bruylant, 2007, p.15.

12
En effet, les règles du droit judiciaire privé, règles de procédure, n’ont
pas pour vocation de consacrer tel ou tel autre droit subjectif au profit
d’une des parties en conflit. Elles se limitent à organiser le
déroulement de l’instance judiciaire2 au cours de laquelle sera tranché
le litige qui oppose les parties. Ainsi, lorsque, par exemple, deux
parties se disputent un immeuble, les règles de droit judiciaire privé
seront appliquées au déroulement de l’instance (saisine du tribunal,
tenue des audiences, échanges des pièces et conclusions,
administration de la preuve, délibéré, jugement, voies de recours,
etc.). La détermination du propriétaire sera quant à elle soumise non
au droit judiciaire privé, mais plutôt au droit civil des biens.

En se limitant à régir la scène du déroulement de l’instance


pour permettre au juge de faire application des règles du fond, le droit
judiciaire apparaît comme étant un droit auxiliaire, un droit servant,
car il est au service du fond. Ainsi, une instance judiciaire n’a aucune
autre utilité que la mise en œuvre du droit substantiel. Un plaideur ne
va à une instance que pour y réclamer la consécration, après la
constatation par le juge, d’un droit subjectif substantiel préexistant. Le
droit judiciaire est ainsi au service du fond quant à la manière de
procéder.

§2. L’utilité du droit judiciaire privé

Les règles du droit judiciaire privé présentent une grande


importance dans le règlement des différends qui opposent des
particuliers. Elles sont établies pour éviter l’arbitraire, par la mise en
place des procédés qui garantissent les droits des plaideurs. En effet,
le juge ne peut pas conduire un procès tel qu’il l’entend, il le fait en se
conformant aux règles arrêtées à l’avance.

2
Le règlement des différends entre particuliers peut se réaliser aussi bien dans le cadre d’une instance devant les
juridictions étatiques, que dans des cadres extérieurs aux structures étatiques tels ceux de l’arbitrage, de la médiation
ou de la conciliation.

13
§3. Le domaine du droit judiciaire privé

Parce qu’il a pour objet de régler les litiges dans lesquels les
intérêts des particuliers sont mis en jeu, le droit judiciaire privé est une
branche du droit privé. Pour Loïc Cadiet, à défaut d’un accord entre
les sujets du droit, le procès serait une autre manière d’aménager
d’intérêts privés3. Pour Croze et Morel, l’ordre public du juge civil
reste un ordre public de droit privé qui ne suffit pas à extraire la
procédure civile du corps de droit privé auquel elle est naturellement
attachée par son objet4.

Pour la doctrine classique de l’ancien droit français, le droit


judiciaire privé relève du droit public, étant donné qu’il se rapporte à
l’organisation du service public de la justice. Pour cette école,
l’appartenance au droit public résulte du fait les règles du droit
judiciaire privé sont appliquées par des magistrats, ainsi que les
juridictions. Ceux-ci relèvent du droit public5.

La doctrine récente6 estime quant à elle, qu’il ne faut pas


enfermer le droit judiciaire privé dans l’un ou l’autre domaine. Pour
cette nouvelle tendance, cette matière a une nature mixte. Elle
comporte à la fois des règles qui relèvent du droit public et celles qui
font partie du droit privé. Les premières se rapportent à l’organisation
judiciaire alors que les secondes régulent des intérêts qui sont en
cause dans le règlement des différends, lesquels intérêts sont privés.

3
CADIET(L), Droit judiciaire privé, cité par MATADI NENGA GAMANDA, op cit, p21.
4
CROZE( VH) et MOREL(Ch), Procédure civile, Pari, P.U.F, 1998, cité par MATADI NENGA GAMANDA, op cit, p21
5
Idem, p20 .
6
CORNU(G) et FOYER(J), procédure civile, P.U.F., 3eè éd.,1996, pp.10-11, cité par MATADI NENGA GAMANDA, op cit, p20

14
Section 3. Les caractères du droit judiciaire privé

§1. Le caractère impératif du droit judiciaire privé

A. La signification et le fondement du caractère impératif


Les règles du droit judiciaire privé s’imposent à tous de la même
manière, tant aux parties qu’aux juges. Ce caractère impératif se
justifie par la nécessité qu’il y a d’éviter l’anarchie qui résulterait du
fait de laisser chacun déterminer les règles qui lui seraient applicables.
En effet, il y aurait un désordre social évident, si le règlement des
litiges devait toujours répondre à des règles de procédure différentes,
établies par les parties en conflit.

B. La limite au caractère impératif

Le caractère impératif du droit judiciaire privé n’est pas absolu. Il


y a en effet, une sphère où joue l’autonomie de la volonté. C’est
notamment le cas du fait que les parties sont libres de saisir ou de ne
pas saisir le juge. Elles peuvent même choisir de régler les différends
qui les opposent par voie d’arbitrage, en fixant même la règle que
l’arbitre sera appelé à appliquer.7 La liberté se manifeste également
dans le fait que, quelle que soit la phase atteinte par une instance, les
parties peuvent décider d’y mettre fin.

§2. Le formalisme du droit judiciaire privé

Le formalisme est le caractère qui consiste, pour des règles


considérées, à instituer des formalités dont le non-respect est
sanctionné de nullité. Dans la plupart des législations relevant du
système romano-germanique, les règles du droit judiciaire privé sont
prescrites à peine de nullité, d’où le caractère formaliste de celui-ci.

7
L’arbitrage est organisé à la fois par le traité OHADA du17 octobre 1993 ainsi que par l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage.

15
En droit judiciaire congolais, le formalisme ne s’applique pas dans
toute sa rigueur, il est atténué. En effet, l’article 28 du code de
procédure civile dispose : « aucune irrégularité d’exploit ou d’acte de
procédure n’entraîne leur nullité que si elle nuit aux intérêts de la
partie adverse ». Ainsi, la nullité d’un acte de procédure irrégulier est,
en droit congolais, conditionnée par le préjudice que subit la partie qui
invoque l’irrégularité, de sorte qu’à défaut d’un tel préjudice, le juge
doit écarter cette sanction. Le législateur congolais a donc institué un
formalisme peu rigoureux, dans la mesure où ce n’est pas toute
irrégularité qui est systématiquement sanctionnée de nullité. Cette
dernière n’est prononcée que dans la mesure où il y’a un préjudice
dans le chef de la partie qui l’invoque.

En raison de ce peu de rigorisme, certains auteurs sont allés


jusqu’à dire que le droit congolais de procédure n’est pas formaliste8.
Ils ont ainsi confondu l’absence de rigorisme excessif avec l’absence
de formalisme. On ne peut, en considérant l’article 28 du code de
procédure civile, soutenir une telle opinion. En effet, il y aurait
absence de formalisme si la loi avait écarté toute possibilité de nullité
ou, comme d’ailleurs cela fut le cas avant le décret du 7 mars 1960, le
législateur était resté silencieux sur la question. Avec l’article 28, le
législateur du code de procédure civile de 1960 a clairement entendu
sanctionner le non-respect des règles de procédure par la nullité.
Seulement, à la différence des pays où cette nullité est systématique
chaque fois qu’il y a irrégularité, le législateur congolais a consacré un
formalisme non rigoureux en posant une condition pour appliquer la
sanction, à savoir le préjudice subi par celui qui invoque la nullité.
Ainsi, comme le dit Matadi Nenga9, en considérant que la nullité
conditionnée consacrée par l’article 28 du code de procédure civile est
différente de l’absence de nullité, on peut dire que le droit judiciaire

8
Lire à ce propos, KATUALA KA BA KASHALA et MUKADI BONYI, procédure civile, Kinshasa, Ed. Batena Ntambwa, pp 35 à
36.
9
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp 28 à 30.

16
congolais comporte un formalisme simple, atténué, différent de
l’absence de formalisme.

Il faut toutefois relever que l’idée de formalisme rigoureux


n’est pas totalement écartée. Il arrive en effet que les irrégularités des
actes de procédure soient sanctionnées de nullité sans aucune
référence au préjudice que pourrait subir la partie qui invoque la
nullité. Tels sont les cas des irrégularités qui se rapportent aux
formalités dites substantielles10, ou aux formalités prescrites à peine
de nullité. Par ailleurs, le formalisme est aujourd’hui très renforcé en
matière d’exécution. L’Acte uniforme relatif aux procédures
simplifiées de recouvrement des créances et voies d’exécution
contient en effet, plusieurs formalités et mentions prescrites à peine de
nullité.

Section 4. Les sources du droit judiciaire privé


§1. Les sources en droit interne
La constitution, la loi, la coutume, la jurisprudence, les principes
généraux du droit, la doctrine, l’équité et la pratique judiciaire
constituent les sources internes du droit judiciaire privé. Il existe une
hiérarchie (et non un concours) entre ces différentes sources. Cette
hiérarchisation impose au juge, lorsqu’il choisi la règle à appliquer, de
s’assurer qu’une source inférieure ne peut ni remplacer, ni être en
contradiction avec une autre qui lui est supérieure. On ne peut recourir
à une source inférieure pour trancher une matière qui est régie par une
source hiérarchiquement supérieure. Ainsi, il n’est pas normal, par
exemple, de recourir à la jurisprudence ou aux principes généraux du
droit, lorsqu’une matière est, de façon claire, régie par la loi. De la
même manière, un juge ne pourrait faire application d’une loi qui
serait en contradiction avec la constitution (exception
d’inconstitutionnalité11).
10
Une formalité est dite substantielle lorsqu’elle conditionne la validité de l’acte.
11
L’exception d’inconstitutionnalité est expressément prévue par l’article 162 de la constitution.

17
A. La constitution

Certaines bases du droit judiciaire privé sont posées par la constitution.


Dans la tradition de toutes celles qui l’ont précédée (charte coloniale du 18
octobre 1908, loi fondamentale du 19 mai 1960, constitution de Luluabourg
du 1er août 1964, constitution du 24 juin 1967, constitution du 4 avril 2003),
la constitution du 18 février 2006 prescrit des règles dont il est fait
application en droit judiciaire privé. Tels sont les cas des règles relatives à la
publicité des audiences, au délai raisonnable, à la forme et à la motivation
des jugements, ainsi qu’à la reconnaissance du droit au recours contre un
12
jugement .

B. La loi13
Le code de procédure civile, décret du 7 mars 1960, constitue le
texte de base et le droit commun du droit judiciaire privé. A ce texte,
s’ajoutent notamment la loi n°002-2001 du 3 juillet 2001 portant
création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce ;
la loi n° 016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux du travail ; la loi organique n° 13/010
du 19 février 2013, relative à la procédure devant la cour de
cassation ; la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre
judiciaire ; ainsi que l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20
août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets.

C. La coutume
En droit congolais, le recours à la coutume comme source du
droit, trouve son fondement dans l’ordonnance du Gouverneur général
du Congo belge (toujours en vigueur) du 14 mai 1886. Cette
ordonnance dispose que dans le cas où une matière n’est pas régie par
la loi, le juge fera application des coutumes locales, des principes
12
Les articles 17 à 21 de la constitution contiennent des dispositions applicables aussi bien en droit judiciaire privé
qu’en droit judiciaire pénal.
13
Le Concept « loi » est pris au sens général comportant aussi bien la loi au sens strict que les actes règlementaires.

18
généraux du droit et de l’équité. La coutume est également reprise
parmi les sources énumérées par le quatrième alinéa de l’article 153
de la constitution.
D. La jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des solutions apportées par des
décisions de justice dans l’application du droit (dans l’interprétation
de la loi lorsqu’elle est obscure) ou dans la création de la loi (lorsqu’il
faut compléter la loi ou suppléer une règle qui fait défaut)14. Elle est
ainsi, une source supplétive ou interprétative du droit. En effet, le juge
peut, lorsque la loi est obscure ou ambiguë, en préciser le sens ou la
portée, c’est-à-dire l’interpréter. De cette interprétation pourrait
résulter la règle applicable à la question interprétée. De la même
manière, le juge joue un rôle important lorsque la loi comporte des
lacunes ou lorsqu’elle paraît, du fait de l’évolution de la société,
inadaptée à la situation.
Bien que limitées aux parties par leur effet relatif, les solutions
jurisprudentielles finissent par s’imposer, au-delà des seules parties au
procès, à l’ensemble de la communauté juridique des citoyens 15. Il
faut cependant insister sur le fait qu’au nom du principe de la
séparation des pouvoirs, le rôle créateur du juge doit être pris avec
circonspection. Il ne consiste pas pour lui à se substituer au pouvoir
législatif. L’interprétation du juge ne devrait en aucune façon
dénaturer la règle à interpréter. Elle sert plutôt à rechercher le sens et
la portée de la loi, tels qu’entendus par le législateur, et non à y
substituer le sens et la portée qu’il veut donner à la loi. En tant que
source supplétive à la loi, la jurisprudence ne peut être invoquée pour
se substituer à celle-ci. Elle ne peut être invoquée lorsque la loi ne
comporte pas de lacune, ou lorsqu’elle est claire dans son sens et sa
portée. Quel que soit le pouvoir créateur de la jurisprudence, le juge
doit respecter la loi16.
14
CORNU (G), vocabulaire juridique, Paris, PUF, 9 ème édition, 2011, p587.
15
BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, 3ème édition, Paris, Dalloz, 1999, p71.
16
Idem, p87.

19
E. Les principes généraux du droit

Comme pour la coutume, le recours aux principes généraux du


droit entant que sources, est fondé sur l’ordonnance du Gouverneur
général du Congo belge invoquée ci-dessus. Ces principes sont des
propositions premières non écrites, normatives et juridiques qui
fondent, à côté d’autres sources, l’unité du système juridique17. Ces
principes constituent, à l’instar de la coutume, une source supplétive
du droit, en ce qu’on ne peut y recourir que lorsque la question à
trancher n’est pas régie par la loi. Cela ressort de la lettre de
l’ordonnance du Gouverneur général du Congo belge du 14 mai 1886,
qui dispose en son premier article que « quand la matière n’est pas
prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà
promulgués, les contestations qui sont de la compétence des
tribunaux du Congo seront jugées d’après les coutumes locales, les
principes généraux du droit et l’équité ». Cette disposition affirme
ainsi, la nature extralégale des principes généraux du droit, réfutant
ainsi l’idée selon laquelle ces principes découlent de la loi. Il est
certes vrai que le législateur peut décider de couler un principe sous
forme d’une loi. A partir de cet instant, la règle ainsi considérée
devient une règle légale et cesse d’être un simple principe général du
droit. Tel est le cas de la règle selon laquelle il n’y a pas de nullité
sans grief. Longtemps appliquée par le juge comme un principe
général du droit, cette règle a acquis une valeur légale dès qu’elle a été
reprise par l’article 28 du décret du 7 mars 1960 portant code de
procédure civile. La cour suprême de justice, à l’instar du conseil
d’Etat et de la cour de cassation français, a dégagé plusieurs principes
généraux du droit, dont beaucoup sont applicables en droit judiciaire
privé18.

17
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p 41.
18
Lire à ce propos MUSHIGO-A-GANZA GINGOMBE (R), les principes généraux du droit et leurs applications par la cour
suprême de justice, Bruxelles, Academia Bruylant, 2002 et MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp 42 à 43.

20
Il y a ici lieu de relever une pratique malheureuse du juriste
congolais qui, par choix de facilité, a tendance chaque fois que la loi
est silencieuse, à transposer au Congo la loi française ou la loi belge,
qu’il invoque come principes généraux du droit. Cette pratique est
critiquable à deux points de vue. D’une part, elle viole la souveraineté
nationale, en ce que de façon indirecte, le juge applique au peuple
congolais la volonté des peuples étrangers exprimée à travers les lois
de ces derniers. D’autre part, le recours à ces textes étrangers ne
repose sur aucun critère rationnel admissible. En effet, on doit
s’interroger sur le point de savoir pourquoi l’on recourt aux droits
français et belge, et non au droit suisse, allemand, russe, tchétchène ou
encore au droit d’un autre pays africain. En outre, même en
considérant le droit français et le droit belge, il faut s’interroger sur le
critère de détermination de la loi française ou belge à appliquer au
Congo comme principe général du droit. En effet, il existe plusieurs
matières dans lesquelles ces droits ont des lois qui n’ont pas leurs
correspondants au Congo. Quel serait alors le critère objectif qui
pourrait permettre de considérer telle loi française comme principe
général du droit et non pas telle autre ? A titre d’exemple, on peut se
demander sur quelle base objective on peut, au Congo, accepter de
considérer que la procédure de référé19 qui existe en droit français et
belge, puisse être appliquée comme principe général du droit, et non la
procédure prud’homale.

On doit considérer qu’étant donné que les règles de procédure


consistent en une manière de procéder, lorsque le législateur n’a pas
prévu une procédure, le juge ne doit pas la créer.

19
Alors que le code de procédure civile ne prévoit pas de procédure de référé, les présidents des tribunaux de
commerce ont institué une procédure dite de référé (qui n’y correspond d’ailleurs pas).

21
F. L’équité et la problématique de sa valeur comme source du
droit

Jusqu’il y a peu, le droit positif congolais retenait l’équité parmi


les sources du droit. Ceci découlait comme indiqué ci-dessus, de
l’ordonnance du Gouverneur général du Congo du 14 mai 1886. Les
diverses opinions qui ont tenté de définir l’équité mettent en avant
l’idée selon laquelle cette dernière est un sentiment spontané du juste
et de l’injuste20. Ainsi comprise, l’équité se caractérise d’une part, par
le fait qu’en tant que sentiment, elle est une donnée intérieure et
subjective du juge qui l’applique, et d’autre part, elle n’est pas
observable. En considérant ces deux éléments caractéristiques,
l’équité soulève des interrogations. En effet, pour être admis comme
source du droit, l’élément considéré doit, d’une part, être détaché du juge
qui y puise le droit qu’il applique, et d’autre part, être de nature à être
examiné par tous (surtout par les juridictions de recours) de la même
manière. Il doit donc être objectif et observable. Ces deux caractéristiques
se vérifient pour toutes les autres sources énumérées par l’ordonnance du 14
mai 1886, mais pas pour l’équité. Cette dernière n’est pas objective.

N’étant pas observable, l’équité ne peut être considérée par la


réflexion juridique comme une source du droit. Ses caractères
intérieur et subjectif constituent une insécurité pour le justiciable car
il y aurait autant d’équité qu’il y a des juges. Il serait par conséquent
difficile, lorsque le jugement se fonde sur l’équité, d’en apprécier la
motivation. Comme l’écrit le professeur Matadi Nenga Gamanda, un
jugement fondé sur l’équité, n’a pas de motivation21. Radical, cet
auteur écrit encore que « l’équité se logeant dans le for intérieur du
juge, et donc relative dans son application, ne mérite pas de trouver
une place parmi les sources du droit car elle est effectivement, en

20
Lire à ce propos, MATADI NENGA GAMANDA, op. cit.,pp 44 à 51.
21
Idem.,p52

22
raison de sa subjectivité, une source de déséquilibre, une source
d’injustice, et en plus elle est un élément extérieur au droit ».22
L’on peut même s’interroger aujourd’hui si on peut encore, en prenant
en compte le droit positif, considérer l’équité comme une source du
droit. En effet, comment ne pas remarquer que l’article 153 alinéa 4 de
la constitution ne la cite pas parmi les règles qu’appliquent les cours et
tribunaux.

Malgré la critique formulée contre elle, il est cependant admis que


l’équité n’est pas complètement dépourvue de tout rôle dans l’œuvre
juridictionnelle. Le juge, sans en tirer le droit qu’il va appliquer, (ce
qui en ferait une source), peut toutefois s’en inspirer pour trouver la
bonne règle à appliquer.

G. La doctrine

Opinion exprimée par ceux qui enseignent ou écrivent sur le droit,


la doctrine est une source indirecte et non officielle du droit. Elle ne
crée pas automatiquement celui-ci comme le font la loi et la coutume.
Son rôle consiste à influencer la législation et la jurisprudence par les
opinions qu’elle exprime. La doctrine est une source non officielle.
Les opinions qu’elle exprime proviennent des acteurs n’ayant aucun
rôle officiel (étatique) dans l’élaboration du droit, sa valeur est
tributaire de la notoriété et de l’autorité scientifique de ceux-ci.

H. La pratique judiciaire

Entant que manière dont doit se dérouler une procédure


judiciaire, le droit judiciaire tire également sa source de la pratique
judiciaire. Celle-ci est comprise comme étant l’ensemble des usages
observés par les juridictions locales. Cette source soulève deux
problèmes. Le premier est qu’elle peut totalement être en marge de la
loi et parfois même, préjudiciable aux justiciables. C’est le cas par
22
Idem, p51.

23
exemple, en matière pénale, de la pratique qui a tendance à s’installer
dans nos juridictions, selon laquelle le tribunal a tendance à ne plus
accorder la parole ni au prévenu, ni à la partie civile pour discuter du
point de vue du Ministère public, alors que ce dernier est, au même
titre que les premiers, partie au procès. Le deuxième problème vient
du manque d’uniformité dont la pratique se caractérise en raison de la
multiplicité des juridictions. Cela peut être déstabilisant pour le
plaideur appelé à changer de juridiction, soit en raison de la
multiplicité des causes dans lesquelles il est impliqué, soit à l’occasion
de l’exercice des voies de recours, ou dans le cas d’un renvoi de
juridiction.

§2. Les sources en droit international et en droit communautaire ou


supranational

A. Les sources en droit international

Le recours aux sources internationales repose sur le quatrième


alinéa de l’article 153 de la constitution. Celui-ci dispose que « les
cours et tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités
internationaux dûment ratifiés, les lois, les actes règlementaires pour
autant qu’ils soient conformes aux lois, ainsi que la coutume pour
autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes
mœurs ». En vertu de cette disposition, saisi d’une contestation, le
juge doit, lorsque la question est couverte par un traité international ou
par un autre texte dérivé, recourir à ces textes comme sources du
droit23.Ainsi que l’a souligné Matadi Nenga24, le juge congolais n’a
pas l’habitude de recourir au droit international dans la recherche des
solutions des litiges qui lui sont soumis. Cette attitude constitue une
violation de la constitution, laquelle peut trouver d’explication dans

23
Même lorsque le traité pose des principes qui sont en contradiction avec le droit interne, car, l’article215 de la
constitution consacre le principe de la suprématie des traités internationaux sur les lois.
24
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p 36

24
l’insuffisance de la formation sur cet aspect. Pourtant, allant dans le
sens de la constitution, l’article 116 de la loi du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l’ordre judiciaire, a fait figurer la violation des traités parmi les cas
d’ouverture à cassation. Cette loi renforce ainsi l’idée des sources
internationales du droit. Celles-ci se regroupent en deux catégories, les
unes ayant une portée mondiale, et d’autres une portée régionale.

1. Les sources internationales mondiales

Sur le plan mondial, on retrouve des règles de droit judiciaire


dans les textes des Nations unies relatifs à la protection des droits de
l’homme. C’est le cas du pacte international relatif aux droits civils et
politiques dont l’article 14 garantit le droit à un procès équitable. C’est
également le cas de la déclaration universelle des droits de l’homme.
La différence entre ces deux textes réside dans leur force
contraignante vis-à-vis des Etats signataires. Alors qu’en tant que
convention internationale, le pacte a une force obligatoire pour les
Etats signataires, la déclaration universelle des droits de l’homme n’a
qu’une valeur relative d’un idéal à atteindre. Elle est dépourvue de
toute contrainte.

En ce qui concerne la République Démocratique du


Congo, il y’a lieu cependant de nuancer le manque de contrainte de la
déclaration universelle des droits de l’homme. Pour le juge congolais,
cette déclaration a une valeur contraignante, étant donné qu’elle a été
constitutionnalisée. En effet, dans son préambule, la constitution
proclame l’adhésion et l’attachement de la république à la déclaration
universelle des droits de l’homme. En se référant ainsi expressément à
ce texte, la constitution a conféré une valeur constitutionnelle à tous
les droits qu’il proclame, valeur que le juge doit observer. Par
conséquent, toute violation d’une quelconque disposition de la
déclaration universelle des droits de l’homme constitue une violation
de la constitution.

25
2. Les sources internationales régionales

Sur le plan régional, les sources du droit judiciaire privé


congolais sont formées par des règles du droit international relatives à
la protection des droits de l’homme d’une part, et celles posées par le
traité OHADA du 17 octobre 1993, d’autre part25. Pour les premières,
il s’agit pour l’essentiel, de l’article 7 de la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples. Cette disposition consacre des garanties
qui sont des composantes du droit à un procès équitable. Le droit
OHADA quant à lui, a, en considérant l’article 2 du Traité de Port-
Louis du 17 octobre 199326, intégré au droit des affaires les règles
relatives à l’arbitrage ainsi que celles régissant le recouvrement
simplifiées des créances et les voies d’exécution. En outre, le traité a
institué une juridiction communautaire de cassation, la cour commune
de justice et d’arbitrage(CCJA), dont la procédure est fixée par son
propre règlement, pris en application de l’article 19 dudit traité27.

B. Les sources en droit communautaire ou droit


supranational

Les règles OHADA qui concernent le droit judiciaire et qui ne


sont pas contenues dans le traité, constituent des sources issues du
droit communautaire. Tels sont les cas d’une part, des actes uniformes
relatifs aux procédures simplifiées de recouvrement des créances et
voies d’exécution, à l’arbitrage et aux procédures collectives
d’apurement du passif, ainsi que d’autre part, des règlements pris par

25
La République Démocratique du Congo a déposé ses instruments d’adhésion au traité de l’OHADA le 12 juillet 2012. En
application de l’article 52 dudit traité, le droit OHADA est entré en vigueur en RDC le 12 septembre 2012, soit soixante
jours après ce dépôt auprès de la république du Sénégal, Etat dépositaire du traité OHADA.
26
Le traité de Port louis portant harmonisation du droit des affaires a été révisé le 17 octobre 2008 à Québec au
Canada.
27
Le Conseil des Ministres de l’OHADA a adopté le règlement d’arbitrage de la cour commune de justice et d’arbitrage
le 11 mars 1999.

26
le Conseil des Ministres de l’OHADA, particulièrement en matière
d’arbitrage.

A la différence du traité, les actes uniformes ainsi que les


règlements ne relèvent pas du droit international. Ces textes font partie
du droit communautaire ou droit supranational. En effet, en tant que
traité, celui de Port-Louis relatif à l’Harmonisation du droit des
affaires en Afrique, est un texte de droit international, en ce qu’à
l’exception des règles relatives à l’arbitrage, il régit des rapports entre
des sujets de droit international que sont les Etats. Les actes uniformes
et les règlements pris par le Conseil des ministres de l’OHADA quant
à eux, ne régissent pas les relations entre les Etats membres. Ils
s’appliquent directement aux citoyens dans ces Etats.

Section 5. L’application des règles du droit judiciaire privé


dans le temps et dans l’espace.

§1. L’application dans le temps

A. Principe : effet immédiat

Dans la détermination du point de départ de l’application d’une


nouvelle règle de droit judiciaire privé, le principe est celui de l’effet
immédiat. Ce principe signifie qu’une nouvelle règle s’applique
immédiatement aux instances qui sont en cours au moment de son
entrée en vigueur, ainsi qu’à celles à venir. Le principe de l’effet
immédiat s’applique même lorsque les causes des dites instances sont
antérieures à la loi concernée. Il faut cependant faire observer que la
règle nouvellement adoptée peut elle-même définir son champ
d’application temporel en déterminant le sort des situations qui ont
précédé son entrée en vigueur.

27
B. Les limites au principe de l’effet immédiat

Il y a plusieurs situations où l’effet immédiat ne joue pas. C’est


notamment les cas lorsque le juge saisi a déjà rendu un jugement sur le fond,
ou lorsque la loi nouvelle remet en cause le fond du droit. Telle serait, par
exemple, la situation d’une règle de droit judiciaire qui remet en cause la
force probante attachée à un moyen de preuve. Une telle règle ne
s’appliquera pas aux titres qui ont été obtenus antérieurement à sa prise
d’effets.

§2. L’application dans l’espace

Au point de vue spatial, les règles du droit judiciaire privé sont


soumises au principe de la territorialité. Ces règles s’appliquent dans les
limites territoriales de l’Etat qui les édicte. Ceci est un corollaire du principe
de la souveraineté des Etats, dans la mesure où la justice ne peut être rendue
en recourant aux règles édictées par un autre Etat.

Le principe de la territorialité connaît quelques


atténuations. D’abord, dans certains cas, les parties peuvent, par voie
conventionnelle, choisir les règles qu’elles vont appliquer au règlement de
leur différend. Ce choix peut porter sur des règles applicables. Tel peut être
le cas en matière d’arbitrage. En suite, l’Etat peut, par la signature des traités
internationaux, accepter l’application des règles supranationales. Tel est le
cas de toutes les règles procédurales contenues dans les instruments
juridiques édictées par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du
droit des affaires (OHADA). La territorialité peut aussi être limitée par le fait
que le législateur peut prévoir des cas où l’on peut recourir à d’autres règles
que celles qu’il a édictées. Il peut s’agir des cas de règlement des différends
dans lesquels il y a des éléments d’extranéité, ou ceux qui relèvent du
commerce international.

28
Chapitre 2. : LE CADRE DU DROIT JUDICIAIRE PRIVE

Sous-chapitre 1. LES INSTITUTIONS DU DROIT JUDICIAIRE


PRIVE

Le droit judiciaire privé s’exprime dans un cadre institutionnel


tracé par le législateur. Celui-ci se compose d’une part, des structures
judiciaires : les juridictions, et d’autre part, d’une série
d’intervenants : le personnel judiciaire.

Section 1. : Les juridictions en matière de droit privé

Le droit judiciaire privé congolais connaît les juridictions ci-après :


- les tribunaux de paix ;
- les tribunaux de grande instance ;
- les tribunaux de commerce ;
- les tribunaux du travail ;
- les cours d’appel ;
- la cour de cassation.
A côté de ces juridictions de droit interne instituées par la loi du 11
avril 2013 et les lois particulières, il faut ajouter la cour commune de
justice d’arbitrage, juridiction communautaire, instituée par le traité de
Port-Louis relatif à l’OHADA.

§1. Les tribunaux de paix


A. La composition du tribunal de paix en matière de droit privé

Aux termes de l’article 10 de la loi portant organisation, fonctionnement


et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, en matière de droit privé,
le siège du tribunal de paix se compose d’un seul juge. Il est de trois juges,
dont deux désignés par le président du tribunal parmi les notables du lieu,
lorsque le tribunal est appelé à statuer sur une question relevant de la
coutume.

29
B. La compétence du tribunal de paix

La compétence matérielle du tribunal de paix est fixée par


l’article 110 de loi portant organisation, fonctionnement et
compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Cet article dispose
que ce tribunal est compétent pour les matières suivantes :
- les contestations du droit de la famille ;
- les successions ;
- les libéralités ;
- les conflits fonciers régis par la coutume ;
- l’exécution des actes authentiques ;
- l’exécution de ses propres décisions ;
- l’autorisation des saisies conservatoires ;
- les autres contestations évaluables en argent dont le montant
ne dépasse pas deux millions cinq cent mille francs.

§2. Les tribunaux de grande instance

A. La composition du tribunal de grande instance en matière de


droit privé

Le siège du tribunal de grande instance est constitué par trois


juges. Si le nombre des juges au sein de la juridiction ne permet pas
une composition régulière du siège, le président du tribunal peut, sur
réquisition du procureur de la république, assumer comme juge, un
magistrat du parquet de grande instance, un avocat, un défenseur
judiciaire, un magistrat militaire du tribunal militaire de garnison ou
du parquet militaire près cette juridiction.

B. La compétence du tribunal de grande instance

La compétence du tribunal de grande instance est fixée par les


articles 112 à 114 de loi du 11 avril 2013. Elle s’étend sur :

30
- toutes les contestations qui ne sont pas de la compétence du
tribunal de paix ;
- les contestations de la compétence du tribunal de paix lorsque
le défendeur l’accepte ; dans ce cas, le jugement à intervenir
sera rendu en dernier ressort ;
- l’exécution de toutes les décisions de justice à l’exception de
celles des tribunaux de paix ;
- l’exécution des autres actes authentiques ;
- l’appel des jugements rendus au premier degré par les
tribunaux de paix.

§3. Les tribunaux de commerce

A. La composition du tribunal de commerce

Le siège du tribunal de commerce est constitué de trois juges, un


permanent, magistrat de carrière, et deux consulaires élus par les
opérateurs économiques. Lorsqu’il doit statuer sur des matières qui
touchent à l’ordre public, le tribunal de commerce est obligatoirement
présidé par un juge permanent. Sans être exhaustif, l’article 3 de la loi
du 3 juillet 2001 a énuméré les matières qui relèvent de l’ordre public.
Il s’agit des contentieux relatifs aux faillites et concordats
judiciaires28, aux contrats de société, à la concurrence déloyale, ainsi
que des affaires dans lesquelles un ou plusieurs défendeurs ont été
cautions ou signataires d’un chèque bancaire, d’une lettre de change
ou d’un billet à ordre.

28
Avec l’adhésion de la RDC à l’OHADA depuis le 12 juillet 2012, il convient désormais de parler des procédures
collectives d’apurement du passif.

31
B. La compétence du tribunal de commerce29

Les tribunaux de commerce exercent leurs compétences dans les


matières suivantes :
- les contestations relatives aux engagements et transactions
entre commerçants ;
- les contestations entre associés, pour raison de société de
commerce ;
- les Contestations relatives aux actes de commerce, y compris
les actes relatifs aux sociétés commerciales, au fonds de
commerce, à la concurrence commerciale et aux opérations de
bourse ;
- les actes mixtes si le défendeur est commerçant ;
- les litiges comprenant un ou plusieurs défendeurs ayant été
cautions ou signataires d’un chèque bancaire, d’une lettre de
change ou d’un billet à ordre ;
- les Litiges relatifs à la faillite et concordat judiciaire.

§4. Les tribunaux du travail


A. La composition du tribunal du travail
Le tribunal du travail siège avec trois juges, un juge permanent et
deux assesseurs issus du monde professionnel, et représentant
respectivement les employeurs et les travailleurs. Les juges assesseurs
doivent être étrangers à l’entreprise concernée par le litige.

B. La compétence du tribunal du travail


Le tribunal du travail connaît des matières ci-après :

- les conflits individuels du travail ;


- les conflits collectifs du travail ;

29
Cette compétence est exercée par le tribunal de grande instance là où l’installation du tribunal de commerce n’est
pas effective.

32
- l’exécution des décisions rendues en matière du travail ;
- l’interprétation et la rectification de ses propres décisions ;
- l’exequatur des décisions rendues par les tribunaux du travail
étrangers.
Bien que la loi les créant date du 16 octobre 2002, les tribunaux du
travail ne sont pas encore installés partout à travers le pays. Leur
compétence, là où ils ne sont pas encore installés, continue d’être
exercée par les tribunaux de grande instance.
§5. Les cours d’appel
A. La composition de la cour d’appel

Le siège de la cour d’appel est constitué par trois juges. Il n’y a


aucune particularité dans la composition de ce siège, dans la mesure
où tous les juges qui le composent sont des magistrats de carrière dont
le grade va de Conseiller à la cour d’appel à celui de Premier président
de la cour d’appel.

B. La compétence de la cour d’appel

Sans avoir une compétence quelconque en première instance, la


cour d’appel exerce une compétence technique dans les matières ci-
après :

- l’appel des jugements rendus au premier degré par les


tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et les
tribunaux du travail ;
- le renvoi pour cause de sûreté publique ou suspicion légitime,
de la connaissance d’une affaire d’un tribunal de grande
instance de son ressort à un autre du même ressort. C’est
également le cas vis-à-vis des tribunaux de commerce et des
tribunaux du travail.

33
§6. La Cour de cassation
A. L’Organisation et la composition de la cour de cassation

Dans son organisation, la cour de cassation comprend trois


formations : les chambres, les chambres restreintes et les chambres
réunies. Les chambres sont, en fonction des matières, au nombre de
quatre. Il s’agit de la chambre des pourvois en cassation en matière
civile, la chambre des pourvois en cassation en matière commerciale,
la chambre des pourvois en cassation en matière sociale ainsi que des
procédures spéciales, et enfin, la chambre des pourvois en cassation en
matière pénale et des appels des arrêts rendus au premier degré par les
cours d’appel en matière répressive. Seules les trois premières
chambres intéressent le droit judiciaire privé. Le siège d’une chambre
est constitué de cinq membres.

En raison de l’adhésion de la RDC à l’OHADA, la chambre


chargée des pourvois en matière commerciale verra échapper une
partie importante de sa compétence. Elle ne peut en effet, connaître
des pourvois portant sur le droit OHADA. Ceux-ci relèvent de la Cour
commune de justice et d’arbitrage.

Les chambres restreintes sont des formations restreintes dans


chaque chambre. Elles comprennent trois membres désignés par le
président de la chambre. Elles ont la mission d’examiner des pourvois
manifestement irrecevables, ou ceux qui, manifestement, ne relèvent
pas de la compétence de la cour de cassation. Une chambre restreinte
comprend trois membres.
La cour de cassation, chambres réunies comprend le Premier
Président, les Présidents ainsi que les conseillers les plus anciens de
chaque chambre. Les chambres réunies siègent avec sept membres.

34
B. La compétence de la cour de cassation

La cour de cassation est compétente pour connaître des pourvois


en cassation formés contre les décisions rendues en dernier ressort.
Cette compétence est exercée par les différentes chambres, selon
qu’il s’agit des affaires civiles, commerciales ou sociales30. La cour
connaît également, dans la chambre sociale et des procédures
spéciales, des procédures de prise à partie et de renvoi de juridiction.
Au niveau de chaque chambre, la chambre restreinte examine
préalablement les pourvois qui sont manifestement irrecevables, ou
des pourvois qui ne sont pas manifestement de la compétence de la
cour de cassation. Elle se charge donc de procéder au filtrage, pour
éviter un encombrement de la chambre. Les chambres réunies quant
à elles, examinent les pourvois qui soulèvent des questions de
principe, ceux qui portent sur des matières complexes susceptibles de
recevoir des solutions divergentes, ainsi que ceux qui sont soumis à la
cour de cassation lorsque le juge de renvoi ne s’est pas conformé au
point de droit jugé par elle. La compétence des chambres réunies
s’exerce aussi lorsqu’un pourvoi est introduit après cassation contre
un jugement ou un arrêt rendu par une juridiction de renvoi, lorsqu’un
pourvoi est introduit par le P rocureur général près la cour de
cassation dans le seul intérêt de la loi, ou dans les cas de tout pourvoi,
lorsque le Procureur général ou un Président de chambre le sollicite.
La cour siège également toutes chambres réunies pour connaître
des pourvois introduits pour la deuxième fois, après une première
cassation, et concernant la même cause et les mêmes parties, ainsi que
des cas de revirement de sa jurisprudence.

§7. La cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA)


La cour commune de justice et d’arbitrage est la juridiction
instituée par l’article 3 du traité OHADA. Elle a pour rôle de se
substituer, dans les branches concernées par le droit OHADA, aux

30
Matière qui relève du droit du travail et de la sécurité sociale.

35
cours nationales de cassation. Cette cour permet ainsi d’unifier
l’interprétation de ce droit.

A. La composition de la CCJA et élection des juges

La cour commune de justice et d’arbitrage est composée de


neuf juges31élus par le Conseil des Ministres de l’OHADA, pour un
mandat non renouvelable de sept ans. Elle ne peut comprendre plus
d’un juge ressortissant d’un même Etat. Pour être élu juge à la CCJA,
les candidats présentés par les Etats32 doivent justifier d’une
expérience d’au moins 15 ans comme magistrats, avocats ou
professeurs d’université. Ces derniers doivent constituer au moins un
tiers de l’effectif de la cour. Un Etat ne peut présenter plus de deux
candidats au poste de juge à la CCJA. Depuis la révision du traité
intervenue en 2008 à Québec, le Conseil des Ministres a le pouvoir de
modifier, en cas de besoin, le nombre des juges de la CCJA. Il n’est
donc plus nécessaire de procéder à une révision du traité pour ce faire.

B. Les attributions de la CCJA

1. Les attributions juridictionnelles de la CCJA

D’une part, la CCJA exerce une fonction contentieuse


consistant à jouer le rôle de cour de cassation, lorsqu’il est fait
application des actes uniformes et des règlements. Ce rôle ne s’exerce
cependant pas contre des décisions ayant fait application d’une
sanction pénale. D’autre part, la CCJA a une fonction consultative.
Celle-ci consiste à donner des avis sur l’interprétation et l’application
du traité, des règlements et des actes uniformes. Seuls les Etats parties,
le Conseil des ministres de l’OHADA, ou les juridictions nationales
des Etats parties peuvent demander un avis consultatif à la CCJA.

31
C’est la révision du traité de 2008 qui a porté ce nombre à neuf. Originellement, la CCJA comprenait sept membres.
32
Il n’y a aucune obligation pour un Etat de présenter exclusivement ses ressortissants comme candidats à la CCJA.

36
2. Les attributions non juridictionnelles de la CCJA

Dans le cadre de l’arbitrage institutionnel organisé par le


titre IV du traité OHADA, la CCJA est un centre d’arbitrage. En tant
que tel, elle organise l’arbitrage, conformément au règlement
d’arbitrage du 11 mars 1999. Comme centre d’arbitrage, la CCJA ne
tranche pas les différends soumis à la procédure d’arbitrage. Elle se
limite d’une part, à organiser la procédure en procédant à la
nomination des arbitres, et en examinant le projet de sentence
arbitrale, et d’’autre part, à accorder l’exequatur à cette dernière.

Section 2. Le personnel judiciaire


Le droit judiciaire privé se déroule dans un cadre où
interviennent plusieurs personnes : les magistrats, les greffiers, les
huissiers, ainsi que les avocats et défenseurs judiciaires33.

§1. Les magistrats

Le terme magistrat désigne toute personne appartenant au


corps judiciaire, et investie à titre personnel du pouvoir de rendre la
justice, ou de la requérir au nom de l’Etat34.
Le premier rôle est assumé par les juges ou magistrats du siège. Le
second relève des officiers du Ministère public ou magistrats debout.
Ces derniers jouent un rôle de premier plan en matière pénale, rôle
étudié dans le cadre de la procédure pénale. En droit judiciaire privé,
l’article 68 de la loi portant organisation, fonctionnement et
compétence des juridictions de l’ordre judiciaire dispose que le
ministère public intervient soit par voie d’avis, soit par voie d’action.
Dans la première hypothèse, il est une partie jointe au procès. A ce
titre, il donne, dans un procès initié par des particuliers, un avis sur ce

33
La loi du 11 avril 2013 ne reprend pas les avocats et défenseurs judiciaires parmi le personnel judiciaire. Cette
expression est ici employée dans son sens générique, incluant ces auxiliaires de justice.
34
CORNU(G),op. cit., p555.

37
qu’il pense être la volonté du législateur. Cet avis ne lie pas le juge.
L’article 69 de la même loi indique les matières dans lesquelles l’avis
du Ministère public est obligatoire. C’est notamment le cas pour les
litiges concernant l’Etat ou toute personne morale de droit public, les
litiges se rapportant au contrat de travail, les déclinatoires de
compétence, la récusation, ainsi que le renvoi de juridiction. Dans le
second cas, le Ministère public, qui agit dans l’intérêt de « toute
personne physique lésée qui serait inapte à ester en justice, à assurer
sa défense et à y pourvoir, saisit le tribunal en formulant des
demandes. Il est dans ce cas une partie principale.
§2. Les greffiers et les huissiers
A. Les greffiers _ Chaque juridiction comprend un greffe dirigé par
un greffier assisté d’un ou plusieurs adjoints. Son rôle consiste à
signer, avec le juge, les actes et les procès-verbaux, à garder les
minutes, les registres et tous les actes afférents à la juridiction. Le
greffier délivre les grosses, les expéditions et les extraits de
jugements, ainsi que les ordonnances. Il rédige le plumitif
d’audiences, rédige et signifie les exploits.

B. Les huissiers : sont chargés du service intérieur des cours et


tribunaux et de la signification des exploits.

§3. Les avocats et les défenseurs judiciaires


Les avocats et les défenseurs judiciaires sont des auxiliaires de
la justice dont la profession consiste à assister ou représenter les
parties, postuler, conclure et plaider devant les cours et tribunaux. La
profession d’avocat est régie par l’ordonnance – loi n° 79-028 du 28
septembre 1979. Il y a un barreau près chaque cour d’appel et près la
cour de cassation, pour assurer l’organisation et la discipline de la
profession. A la différence des avocats, les défenseurs judiciaires ne
sont autorisés à intervenir que devant les tribunaux de paix et les
tribunaux de grande instance dans le ressort desquels ils ont prêté
serment.

38
Sous-chapitre 2. LES PRINCIPES DIRECTEURS DU
DROITJUDICIAIRE PRIVE

Bien que s’inscrivant dans le cadre de plusieurs principes, le


droit judiciaire privé est, dans sa dimension procédurale,
essentiellement régi par quatre principes majeurs à savoir : le principe
dispositif, le principe de l’oralité des débats, le principe du secret du
délibéré et le principe du droit à un procès équitable.

Section 1. Le principe dispositif

§1. La signification du principe

Les parties disposent de l’instance civile. Elles en sont


maîtresses, en ce que par l’assignation, elles déterminent, en la
limitant, la saisine du juge. Celui-ci ne peut statuer que sur des
questions que les parties lui ont soumises. Il ne peut donc pas statuer
« ultra-petita » en accordant à une partie ce qu’elle n’a pas demandé.
Compris dans ce sens, le principe dispositif procède du caractère
accusatoire du droit judiciaire privé, qui impose au juge civil d’être
passif et d’attendre que les parties lui apportent les faits ainsi que les
preuves de ceux-ci. Ce principe interdit également au juge de
statuer « infra petita », c’est-à-dire en deçà de sa saisine.

Le principe dispositif est une illustration de l’application de


l’autonomie de la volonté en matière judiciaire. Ainsi, seul ce qui a été
voulu par les parties peut faire l’objet de l’examen du juge. Celui-ci ne
peut et ne doit exercer sa compétence que sur ce pourquoi il a été
saisi. Il ne peut ni dépasser, ni restreindre sa saisine.

39
§2. Les dérogations au principe dispositif

Il existe plusieurs cas où le juge déroge au principe dispositif.


Notamment, lorsqu’il est en présence des faits adventices, lorsque le
défendeur fait défaut, ainsi que lorsqu’il exerce ses pouvoirs
d’instruction.

A. L’hypothèse des faits adventices

Les faits adventices sont des faits que le juge découvre lorsqu’il a déjà
pris l’affaire en délibéré et qui sont susceptibles, alors qu’ils n’ont pas été
discutés contradictoirement par les parties, d’avoir une incidence sur le
jugement à intervenir. Ces faits occasionnent une dérogation au principe
dispositif, en ce que le juge qui les découvre est obligé de rouvrir les débats
pour amener les parties à en discuter. Cette réouverture des débats est faite
sans aucune demande des parties.

B. L’hypothèse du défaut du défendeur

Le deuxième alinéa de l’article 17du code de procédure civile prescrit


que lorsque le défendeur fait défaut, « les conclusions du demandeur sont
adjugées si elles se trouvent justes et bien vérifiées ». Ainsi, lorsque le
défendeur a fait défaut, le juge a l’obligation de vérifier les prétentions du
demandeur avant de rendre son jugement. Il est tenu de soulever toutes les
exceptions que le défendeur aurait soulevées s’il avait comparu. C’est en
cela qu’il y a dérogation au principe dispositif. Car, le juge assure ainsi la
défense des intérêts du défendeur sans aucune demande de ce dernier, il sort
de son rôle passif.

C. Le pouvoir du juge d’ordonner d’office des mesures


d’instruction

Au cours de l’instruction de la cause, le juge dispose en matière


d’administration de la preuve, des pouvoirs qui lui permettent de sortir
de son rôle passif, et donc de déroger au principe dispositif. Cela
apparaît à travers le pouvoir qui lui est reconnu d’ordonner, même

40
d’office, des mesures d’instruction telles que l’expertise, la visite des
lieux, et la comparution personnelle des parties35. Dans tous ces cas, le
juge peut, sans aucune demande des parties concernées, ordonner la
mesure d’instruction qu’il juge nécessaire pour éclairer sa religion.
Section 2. Le principe de l’oralité des débats et le
principe du secret du délibéré

§1. Le principe de l’oralité des débats


Le principe de l’oralité est tiré de l’article 15 du code de
procédure civile qui dispose : « les parties sont entendues
contradictoirement ». Ce principe signifie que les débats se
déroulent oralement, étant donné que l’on ne peut entendre que
celui qui parle. Le principe de l’oralité n’a cependant pas une
portée absolue. En effet, le même article 15 prévoit la possibilité
pour les parties de prendre des conclusions écrites. D’ailleurs,
sur le plan pratique, même là où la procédure est orale, il y a
souvent un support écrit, telle la note de plaidoirie.
§2. Le principe du secret du délibéré

Le secret du délibéré est posé en ces termes par le premier


alinéa de l’article 41 de la loi portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l’ordre judiciaires : « le délibéré est
secret ». Les parties ne sont censées connaître le jugement que par le
fait du prononcé ou de la signification.
Le secret du délibéré est un principe d’ordre public. Il ne
souffre d’aucune exception. Les jugements qui sont rendus en
violation de ce principe sont susceptibles de cassation. Toutefois, le
secret du délibéré n’interdit pas au juge de pouvoir consulter tel ou tel
autre spécialiste sur la solution à donner au litige. Il doit dans ce cas,
veiller à s’assurer que l’anonymat des parties ne soit mis en péril.
35
Voir les articles 43,46, 49 du code de procédure civile.

41
Section 3. Le principe du droit à un procès équitable36

§1. Les sources et sens du droit à un procès équitable

Le principe du droit à un procès équitable a pour sources


l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme,
l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
et les articles 7 et 26 de la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples. Ce droit fait ainsi partie de l’arsenal des droits de
l’homme consacrés par les différents instruments internationaux ci-
dessus mentionnés. La RDC étant partie à ces instruments, l’Etat se
doit d’en assurer une mise en œuvre effective, sous peine d’engager sa
responsabilité internationale. Le juriste congolais, juge comme avocat,
doit intérioriser le fait que les droits de l’homme contenus dans les
instruments internationaux ratifiés par la république, font partie de
l’ordre juridique de cette dernière. Par conséquent, ils peuvent être
invoqués devant les cours et tribunaux, et être appliqués par ceux-ci.

Le procès dit équitable n’est pas un procès dans lequel il est


fait application de l’équité. C’est plutôt un procès dans lequel les
parties sont placées sur le même pied d’égalité, un procès dans lequel
une partie n’est pas privilégiée au détriment d’une autre. Il est, en
droit privé, l’une des expressions du principe constitutionnel de
l’égalité de tous devant la loi.

§2. Le contenu du principe du droit à un procès équitable


Le principe du droit à un procès équitable comprend plusieurs
garanties visant à préserver l’équilibre de tout procès. Il s’agit
de l’accès à un tribunal, de l’égalité devant le juge, de la gratuité de la
justice et de l’organisation d’une assistance judiciaire, de la garantie
d’une justice de bonne qualité, de l’indépendance et de l’impartialité
36
Lire à ce propos, MATADI NENGA GAMANDA, le droit à un procès équitable, Academia Bruylant, Louvain- la- Neuve ,
2002.

42
des juridictions, du droit à une langue que l’on comprend, de la laïcité
des juridictions, de la publicité de la procédure, de la célérité de la
procédure, de l’exigence de la motivation des décisions de justice, de
l’égalité des armes et le principe du contradictoire, ainsi que de la
garantie de l’exécution des décisions de justice.
A. Le droit d’accès à un tribunal
Toute personne a droit d’avoir la possibilité d’accéder à la justice
pour y faire valoir ses droits. Cette garantie suppose, dans le temps,
comme dans l’espace, l’existence continue des juridictions. Pour
assurer cette continuité dans l’espace, les juridictions doivent être
installées de sorte qu’elles soient le plus proche possible des
justiciables. Dans le temps, l’exigence de la continuité de la justice, ou
principe de la permanence, signifie que le service public de la justice
ne doit pas souffrir d’interruption. La justice doit être rendue d’une
manière continue de bout en bout de l’année.
La permanence de la justice n’exclut pas l’idée de vacances pour
le personnel judiciaire. L’article 63 de la loi portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire
prévoit que les cours et tribunaux prennent leurs vacances dont la
période s’étend du 15 août au 15 octobre de chaque année. Pendant les
vacances, le troisième alinéa dudit article prévoit la possibilité de tenir
des audiences de vacation pour l’examen des causes urgentes ou le
prononcé des jugements. Notons qu’en matière du travail et en matière
pénale, il n’y a pas de vacances judiciaires37.

B. La garantie de l’égalité devant la justice

Tous les citoyens sont égaux devant la justice. cela signifie


que toute personne a une égale vocation d’être jugée par les
mêmes juridictions et selon les mêmes règles de procédure. A
37
L’article 63 de la loi portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ne fixe
ce principe que pour les questions pénales. Toutefois, il est de pratique que les litiges de travail ne sont pas affectés
par les vacances judiciaires.

43
titre d’exemple, lorsqu’il s’agit de divorcer, les règles de
procédures sont les mêmes, que le justiciable soit président de la
république, ou huissier dans la fonction publique.
Issu de la révolution française, le principe de l’égalité devant la
justice s’oppose à l’existence des privilèges de juridiction fondés
sur la qualité des justiciables38. Tous sont traités de la même
manière devant les juridictions. En droit congolais, ce principe
découle de l’article 12 de la constitution qui dispose : « tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale
protection de la loi ».
Dans sa portée, le principe de l’égalité est d’application
générale. Il concerne non seulement les citoyens congolais, mais
également les étrangers et apatrides. Ceux-ci, peuvent, en vertu
du premier alinéa de l’article 32 de la constitution, accéder à la
justice congolaise sans aucune discrimination. En effet, aux
termes de cette disposition, « tout étranger qui se trouve
légalement sur le territoire national jouit de la protection
accordée aux personnes et à leurs biens dans les conditions
déterminées par les traités et les lois ».

C. La garantie de la gratuité de la justice et l’organisation d’une


assistance judiciaire

1. La gratuité de la justice

Pour le travail qu’il accompli, le juge ne doit pas être rémunéré


par les parties. La justice étant un service public, il appartient à l’Etat
de prendre en charge les magistrats. La gratuité de la justice renforce
l’égalité, en ce que les justiciables ne seront pas traités par référence

38
L’article 16 du titre II de la loi française des 16 et 24 août 1790 disposait que «tout privilège en matière de juridiction
est aboli ; tous les citoyens sans discrimination plaideront en la même forme et devant les mêmes juges, dans les
mêmes cas ».

44
aux moyens qu’ils mettent à la disposition du juge. Le principe de la
gratuité n’a de sens que dans un contexte où le service de la justice
fonctionne normalement, sans corruption. A quoi sert-il de proclamer
la gratuité de la justice lorsque, tous les justiciables le savent, même
dans le cas où le droit serait de son côté, le plaideur doit verser une
somme d’argent pour « motiver le juge ». L’avocat congolais a même
développé l’habitude d’intégrer dans ses honoraires, des sommes
destinées à être versées au juge lorsque l’affaire sera prise en délibéré,
renforçant ainsi le calvaire vécu par son client, rendant par ce fait,
illusoire le principe de la gratuité de la justice.

2. L’organisation de l’assistance judiciaire

L’assistance judiciaire est accordée aux justiciables qui sont dans


une situation d’indigence. Elle se présente sous deux formes : la
délivrance des pièces en débets d’une part, et l’assistance judiciaire
gratuite ou désignation de l’avocat « pro-deo », d’autre part. La
délivrance des pièces en débets consiste, pour le président d’une
juridiction, à dispenser une personne du paiement total ou partiel des
frais de justice. La désignation d’un avocat « pro-deo » quant à elle,
consiste, pour le barreau dont le bureau de consultation gratuite reçoit
la demande, à désigner un avocat qui assurera gratuitement la défense
des intérêts d’une personne indigente.

D. La garantie d’une justice de bonne qualité

Cette garantie se réalise par la réunion de deux éléments à savoir :


le droit à un bon juge, et la collégialité dans la prise de décision. Le
droit à un bon juge veut dire d’une part, que le justiciable a le droit
d’être jugé par un juge disposant du pouvoir nécessaire (compétent)
pour connaître du litige qui lui est soumis. Et d’autre part, ce juge doit
avoir des capacités intellectuelles scientifiques et techniques lui
assurant une maîtrise de sa science et des techniques de cette dernière.
D’où la nécessité pour l’Etat d’organiser une bonne formation

45
des magistrats. Dans notre pays, malgré ce que prévoit l’article 4
du statut des magistrats, il n’existe à ce jour aucun cadre de
formation adéquate de ces derniers. Tout juriste, à la sortie de
l’université, peut devenir magistrat sans être formé ni aux
techniques spécifiques de la magistrature, moins encore à la
déontologie de cette profession. Il s’ensuit que les jeunes
magistrats sont formés sur le tas par les anciens, plus
expérimentés. Que vaudrait une telle formation si ces anciens
sont eux-mêmes affectés par des tares qui rongent notre justice ?

La collégialité quant à elle, concourt à assurer l’objectivité des décisions


rendues par le tribunal. Il y a ici lieu de saluer l’avancée opérée par la loi du
11 avril 2013 qui a élargi la collégialité de la composition du tribunal aux
premières instances. Cela devrait d’ailleurs de notre point de vue, être étendu
au niveau du tribunal de paix.

E. La garantie de l’indépendance de la justice et de


l’impartialité

1. L’indépendance des juges

L’indépendance de la justice se traduit par la liberté qu’ont les


juges dans l’accomplissement de la tâche juridictionnelle. Dans son
œuvre, le juge n’obéit à aucune autre autorité que celle de la loi. Il est
par conséquent indépendant vis-à-vis du pouvoir exécutif et du
pouvoir législatif. Il est également indépendant vis-à-vis du ministère
public, des parties et des autres pouvoirs des faits tels que : la presse et
les groupes de pression. Lorsqu’il statue sur une cause, le juge est
également indépendant vis-à-vis de son chef de juridiction. Celui-ci
n’a aucun pouvoir ni de donner des instructions, moins encore de
contrôler les jugements rendus par les chambres de sa juridiction. La
pratique qui s’est développée dans nos cours et tribunaux, par laquelle
les chefs des juridictions exigent de viser les jugements avant le
prononcé, est une violation grave de l’indépendance dont doit jouir la

46
composition qui statue. Ce visa est une façon pour ce chef de contrôler
à priori l’œuvre du juge, afin d’exercer d’une manière ou d’une autre
une pression sur celui-ci. Il en est de même des instructions qui
peuvent être données de façon générale à tous les juges, pour rendre
des décisions dans tel ou tel autre sens39.
Le principe de l’indépendance du juge procède du principe de la
séparation des pouvoirs judiciaires, exécutif et législatif, pouvoirs dont
la répartition est constitutionnelle40. Cette répartition relève de la
philosophie libérale, qui a opposé dès le 17ème siècle, à l’absolutisme
royal, le principe de la séparation des pouvoirs. John Locke en a été le
pionner en 1690, dans son essaie sur le gouvernement civil, avant
qu’il ne soit systématisé par Montesquieu en 1748, dans « l’esprit des
lois ». L’idée fondamentale de la séparation des pouvoirs est que les
fonctions législatives, exécutives et judiciaires ne doivent pas être
concentrées dans les mains d’un monarque. Elles doivent être
attribuées à des organes distincts.

Bien que distinctes et exercées par des organes différents, ces


fonctions relèvent de l’organisation politique d’un Etat. Il est donc
important, pour préserver l’équilibre nécessaire à une bonne
organisation de ce dernier, de clarifier les rapports pouvant exister
d’une part, entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, et d’autre
part, entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, les rapports
entre le législatif et l’exécutif étant hors de notre propos.

a. Les rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif

La fonction judiciaire est totalement autonome de la fonction


législative. Alors que le législateur a pour mission d’édicter des règles
39
Peu fréquentes en matière de droit privé, on rencontre ces instructions en matière pénale, où par exemple les juges
siégeant en chambre du conseil reçoivent des instructions interdisant d’accorder de liberté provisoire à telle catégorie
d’inculpés, ou pour telle ou telle autre infraction, peu importe que les conditions de mises en liberté provisoire soient
réunies ou non.
40
Voir le titre II de la constitution

47
générales et abstraites, le juge lui, a la tâche de faire application de ces
règles pour résoudre les litiges qui lui sont soumis. L’autonomie entre
les deux pouvoirs se traduit par une double interdiction. D’une part, il
est interdit au juge de s’immiscer dans la fonction législative. D’autre
part, il est interdit au législateur d’intervenir dans la fonction de juger.

a.1. L’interdiction au juge de s’immiscer dans la fonction


législative

L’interdiction qui est faite au juge de s’immiscer dans la


fonction législative comporte d’une part, l’obligation pour celui-ci de
se soumettre à la loi, et d’autre part, la prohibition des arrêts de
règlement.

1° La soumission à la loi41

Le juge est tenu de se soumettre à la loi et de ne pas s’opposer


à son application, même si de son point de vue, le texte lui paraît ne
pas être bon. Le principe de la soumission soulève tout de même une
difficulté lorsque le texte dont l’application est sollicitée est lui-même
entaché d’illégalité. Quel devrait être l’attitude du juge dans ces cas?
A-t-il la possibilité d’invoquer l’illégalité du texte et en écarter
l’application? La réponse à ces questions est variable selon que
l’illégalité en question est une violation de la constitution, d’un traité,
d’une loi, ou d’un acte administratif règlementaire.

Dans l’hypothèse d’une violation de la constitution par une


loi, l’article162 de la constitution institue l’exception
d’inconstitutionnalité en ces termes: « La cour constitutionnelle est
juge de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une
juridiction.

41
Le concept loi est ici, pris dans son sens large qui implique outre la loi au sens strict, les normes édictées par voie
administrative.

48
Toute personne peut saisir la cour constitutionnelle pour
inconstitutionnalité de tout acte législatif ou règlementaire.
Elle peut en outre, saisir la cour constitutionnelle par la procédure de
l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la
concerne devant une juridiction.
Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la cour
Constitutionnelle ». Ainsi, le juge ne pourrait appliquer une loi dont
l’inconstitutionnalité a été invoquée par une partie. Il doit dans ce cas,
surseoir à statuer en attendant la décision de la cour constitutionnelle
sur le caractère constitutionnel ou non de la loi invoquée.
L’inconstitutionnalité est donc, devant le juge judiciaire, une question
préjudicielle qui échappe à la compétence de ce dernier.
L’Efficacité de l’exception d’inconstitutionnalité ou du recours
en inconstitutionnalité est variable selon que la loi dont on conteste la
constitutionnalité est une loi organique ou une loi ordinaire. Lorsqu’il
s’agit d’une loi organique,42 l’exception d’inconstitutionnalité, comme
d’ailleurs le recours pour inconstitutionnalité, n’est pas efficace, étant
donné que la cour constitutionnelle se prononce sur la
constitutionnalité d’une telle loi préalablement à sa promulgation. En
effet, le deuxième alinéa de l’article 160 de la constitution impose que
les lois organiques soient soumises à la cour constitutionnelle avant
leur promulgation, pour permettre à celle-ci de se prononcer sur leur
constitutionnalité. Il est donc peu probable que s’étant déjà prononcée
par ce contrôle préalable, la cour se dédise au moment de l’exception
d’inconstitutionnalité. Du reste, il y aurait autorité de la chose jugée
sur la question. En revanche, lorsque la loi dont la constitutionnalité
est contestée est une loi ordinaire, il y’a lieu de distinguer deux
situations. La première concerne le cas où, avant son adoption, la loi
dont question a été déférée à la cour constitutionnelle. La seconde est
celle où la loi ordinaire n’a pas été déférée à la cour constitutionnelle.
Dans la première hypothèse, la solution est la même que celle relative
aux lois organiques, parce que dans ce cas, le contrôle de la

42
Une loi est dite organique lorsque, dans le cadre de la constitution, elle fixe les règles relatives aux pouvoirs publics

49
constitutionnalité est réalisé préalablement à la promulgation de la loi.
Dans le second cas par contre, l’exception d’inconstitutionnalité ou le
recours pour inconstitutionnalité sont efficaces, étant entendu qu’il n’y
a eu aucun contrôle préalable de la constitutionnalité de la loi
ordinaire.
Dans l’hypothèse de la violation d’un traité, partant de la
règle constitutionnelle de la supériorité des traités et accords
internationaux sur les lois, dès lors qu’une loi est contraire à un traité,
le juge doit en écarter l’application au cas qui lui est soumis, et
appliquer les règles prévues par le traité.
Lorsqu’il s’agit d’un acte règlementaire illégal, il existe un
mécanisme de contrôle de la légalité des actes administratif. Ce
mécanisme relève du contentieux administratif. Ainsi, seul le juge
administratif peut sanctionner un acte administratif règlementaire
illégal. Toutefois, devant le juge de droit privé, l’exception d’illégalité
peut être soulevée. Comme pour l’exception d’inconstitutionnalité, le
juge judiciaire devrait la considérer comme une question préjudicielle,
écarter l’application du règlement invoqué, et surseoir à statuer en
attendant la décision du juge administratif sur la légalité de l’acte
règlementaire contesté.

2° L’interdiction de rendre des arrêts de règlement

Par arrêt de règlement, il faut entendre une décision dans


laquelle un juge institue une règle générale qui dépasse le cadre du cas
d’espèce qui lui est soumis, règle destinée à s’appliquer pour l’avenir.
Les arrêts de règlement nuiraient gravement à la séparation des
pouvoirs. Ils transformeraient le juge en un législateur ayant le
pouvoir d’édicter des règles de portée générale, au lieu de se limiter à
appliquer la règle existante au cas d’espèce dont il a été saisi. C’est en
considérant l’interdiction des arrêts de règlement qu’il est de principe
que le juge n’est pas lié par un précédent. En effet, le fait pour le juge,
à l’occasion d’un litige antérieur, d’avoir déjà statué dans un sens

50
déterminé, ne lui empêche absolument pas, lors d’un autre litige
similaire, d’adopter sur la même question, une solution différente43.
Tout précédent (jugement rendu par un tribunal) ne doit pas être
considéré comme constituant la jurisprudence. Celle-ci ne se forme
d’une part, que si la position adoptée par la juridiction est constante
dans le temps, et d’autre part, lorsque cette position est émise par une
juridiction supérieure (cas de la cour de cassation), étant donné que les
jugements des tribunaux inférieurs peuvent être reformés ou annulés
par les juridictions supérieures.

a.2. L’interdiction au pouvoir législatif d’empiéter sur le pouvoir


judiciaire
La séparation des pouvoirs commande que le législateur, par des
nouvelles lois, ne puisse intervenir pour apporter des solutions ou
donner des orientations dans les litiges qui sont en cours devant les
cours et tribunaux. Une telle immixtion du pouvoir législatif dans la
sphère judiciaire serait très dangereuse dans la mesure où, le juge,
pour trancher des litiges dont il est saisi, se verrait dicter des textes
inspirés par l’opportunité ou l’intérêt du moment lequel peut être
tributaire des circonstances politiques ou sociales de l’heure. Ce qui
conduirait à des graves abus.

L’interdiction faite au pouvoir législatif doit être nuancée.


Elle ne s’applique pas à une loi interprétative, laquelle vise à
préciser le sens et la portée d’une loi antérieure. En considérant
son objet, une loi interprétative n’est pas considérée comme une
loi nouvelle, elle est plutôt prise comme faisant corps avec la loi
qu’elle interprète. Par conséquent, elle rétroagit et produit ses
effets à la date de cette dernière. Toutefois, lorsqu’une loi
interprétative est prise à l’occasion d’un procès, elle peut
apparaître comme une manœuvre du pouvoir législatif, visant à
s’immiscer dans le règlement du litige concerné par ledit procès.
43
PEROT(R), les institutions judiciaires, Paris, Montchrestien, p28.

51
b. Les rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir
exécutifs

Dans les rapports entre le judiciaire et l’exécutif, le principe de la


séparation des pouvoirs se manifeste essentiellement par
l’indépendance de la fonction judiciaire. Ni le gouvernement, ni
l’administration, ne peuvent donner un ordre ou exercer des pressions
directes ou indirectes sur la justice. Le juge ne doit statuer qu’en
conscience et dans le respect de la loi. L’indépendance du pouvoir
judiciaire vis-à-vis de l’exécutif ne peut réellement exister que lorsque
la nomination, la rémunération et la carrière des magistrats ne
dépendent pas du gouvernement. D’où la nécessité d’avoir un conseil
supérieur de la magistrature efficace.

2. L’impartialité
Le juge ne doit pas favoriser une partie au détriment d’une autre,
si ce n’est qu’en vertu de la loi. Lorsque l’impartialité est remise en
cause, la loi met à la disposition des parties, ainsi qu’on le verra plus
loin, la possibilité de récuser le juge concerné, ou de suspecter toute la
juridiction jugée partiale.

F. Le droit à une langue que l’on comprend


Les parties ont le droit que leur différend soit jugé dans la
langue qu’elles comprennent. Par conséquent, lorsqu’un procès
se déroule dans une langue non comprise par l’une d’elles, l’Etat
a l’obligation d’organiser la traduction dans la langue que celle-
ci comprend.
G. La garantie de la laïcité des juridictions

Les juridictions ne doivent ni appliquer des préceptes religieux, ni


tenir compte des considérations religieuses des parties. Tout le monde
est traité d’une seule façon, celle prévue par la loi, sans considération
d’une quelconque religion.

52
H. La publicité de la procédure

Les audiences et le prononcé des jugements doivent être organisés


publiquement. La publicité n’est pas à confondre avec la présence du
public dans la salle d’audience. L’exigence de la publicité est
satisfaite dès lors que le public a la possibilité d’accéder à la salle
d’audience. Cette possibilité existe par le seul fait que les audiences se
déroulent dans des salles dont les portes sont ouvertes et qu’il n’y a
aucune interdiction pour le public d’y accéder.

Le principe de la publicité connaît une exception, le huis clos,


expression qui désigne à la fois la procédure de non-publicité, et la
décision prise par le juge de ne pas, ou de ne plus admettre le public.
Le huis clos n’est prononcé que lorsque la publicité met en péril
l’ordre public ou les bonnes mœurs.
Il en est ainsi lorsque, comme dans le cas de divorce par exemple,
l’intimité de la vie des parties est exposée.
Lorsque le huis clos est décrété, seuls les parties, leurs conseils, le
ministère public et les avocats en toges assistent à l’audience.
Pouvant s’appliquer aux audiences d’instruction et de
plaidoirie, le huis clos ne peut en aucune façon concerner le
prononcé du jugement. Ce dernier doit nécessairement intervenir
en audience publique.

I. La célérité de la procédure

L’instance doit se dérouler pendant un temps raisonnable. L’idée du


délai raisonnable est d’ailleurs contenue dans l’article 19 de la constitution,
lorsque celui-ci dispose que la cause doit être entendue dans un délai
raisonnable. Il faut éviter que la procédure tire en longueur pour rien, parce
que cela peut être très coûteux pour les parties. Cependant, l’appréciation de
la célérité est une question de fait, une question relative et peut dans certains
cas dépendre de la complexité ou non de la cause.

53
J. La motivation des décisions de justice

Les jugements doivent être motivés. C’est-à-dire qu’ils doivent


présenter les arguments et les raisons qui ont poussé le tribunal à se
prononcer dans tel ou tel autre sens. L’exigence de la motivation est
inscrite dans la constitution qui dispose à l’article 21 que « tout
jugement doit être motivé ». La motivation est un élément important
dans un jugement. Elle permet d’éviter l’arbitraire du juge, en
obligeant celui-ci à justifier sa décision. La motivation est également
l’élément qui permet à la juridiction supérieure d’exercer son contrôle
sur les jugements qui font l’objet des recours. Le défaut de motivation
est, d’ailleurs, retenu comme un des cas d’ouverture à cassation.

K. L’égalité des armes et le principe du contradictoire

1. L’égalité des armes

Toute partie à un procès doit avoir la possibilité raisonnable


d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la
désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie
adverse.44Ainsi par exemple, une partie qui est assistée ou représentée
par un avocat est plus avantagée que celle qui se défend seule. La
partie qui n’a pas d’avocat peut solliciter qu’il lui soit accordé une
remise afin de constituer à son tour un avocat pour rétablir l’équilibre.
Lui refuser une telle remise constitue une violation de la garantie de
l’égalité des armes45.

2. Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire veut quant à lui, que toute


personne ait la possibilité de discuter tout ce qui est mis à sa charge,
ou toute prétention de son adversaire. Ce principe se réalise d’une

44
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p134.
45
Ibidem

54
part, par l’exigence de la communication des pièces, et d’autre part,
par le déroulement des débats contradictoires. Il est consacré à
l’article15 du code de procédure civile.

Au Congo, une pratique judiciaire s’est imposée. Le juge


ordonne la clôture des débats après l’avis du ministère public, sans
accorder la possibilité aux parties de répliquer à cet avis. Cette
pratique est soutenue en doctrine par A. Rubbens pour qui, après
l’avis du ministère public, le juge doit clôturer les débats, la partie
qui souhaite discuter ledit avis, n’a qu’à demander la réouverture de
ces derniers.46 Ce point de vue ne repose sur aucun fondement
légal. Le critiquant, Matadi Nenga écrit que « la technique
préconisée par Antoine Rubbens qui consiste à reconnaître à la
partie qui aurait à répliquer la faculté d’adresser une requête aux
fins d’une réouverture des débats est absurde dans la mesure où au
moment où ladite partie sollicite la parole, les débats ne sont pas
encore clos… Empêcher l’intervention, puis clore les débats dans
ces conditions pour laisser libre cours à une requête pour
réouverture des débats non seulement allonge le délai du jugement
censé être raisonnable, mais met la partie qui sollicite la
réouverture des débats dans une situation inconfortable, car il n’est
pas certain que le juge ordonne ladite réouverture des débats »47.

Bien que ne liant pas le juge, l’avis du Ministère public peut


dans certains cas, influencer la décision de celui-ci. Dans cette
hypothèse, cet avis peut, s’il fait une mauvaise interprétation de la
loi, causer préjudice aux parties. Il est souhaitable d’accorder à
celles-ci la possibilité de discuter ledit avis, chose, qui du reste,
n’est pas interdite par la loi. Laisser clôturer automatiquement les
débats, pour demander une réouverture, est une perte de temps qui
va à l’encontre du principe de la célérité de la procédure.

46
A . RUBBENS, le droit judiciaire congolais, tome 2, Kinshasa, Puz, 2005, p. 122.
47
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p138

55
L. La garantie de l’exécution des décisions du juge

Un procès n’est pas équitable lorsque les décisions qui en résultent


ne sont pas exécutées. Un tel procès serait d’ailleurs inutile. L’Etat a
l’obligation de mettre sur pieds des procédés garantissant une
exécution effective des décisions rendues par les cours et tribunaux.
Ceci se réalise par la mise en place des voies légales d’exécution qui
ne constituent pas inutilement un chemin de la croix pour le créancier.
Toutefois, le droit de l’exécution forcée doit également protéger le
débiteur contre les abus éventuels du créancier.

56
57
PREMIERE PARTIE : LE PROCES DE DROIT PRIVE

58
58
TITRE I. L’ACTION EN JUSTICE

59
60
Chapitre1. LA THEORIE GENERALE DE L’ACTION EN
JUSTICE

Section1. La notion de l’action en justice

§1. Les Définition et fondement du droit d’agir

L’action est la faculté qu’a tout individu de soumettre sa


prétention au juge, afin que celui-ci la déclare bien ou mal fondée. Du
point de vue du défendeur, l’action est la faculté qu’a ce dernier de
discuter de la prétention du demandeur.48

En droit interne, le droit d’agir est consacré aussi bien par la


constitution et par le code de procédure civile. En effet, l’article 19 de
la constitution dispose que toute personne a le droit que sa cause soit
entendue par un juge, dans un délai raisonnable. Ainsi, le droit d’agir
est un corollaire du droit d’accès à un tribunal, l’une des composantes
du droit à un procès équitable. Le code de procédure civile dispose
quant à lui, en son article 1, que « toute personne qui veut en assigner
une autre fournit au greffier de la juridiction où la demande sera
portée, tous les éléments nécessaires à la rédaction de l’assignation. Si
le requérant sait écrire, il remet au greffier une déclaration signée ».
Cette disposition reconnait ainsi, le droit de saisir le juge.
Sur le plan international, le droit d’agir est consacré par
l’article 8 de la déclaration universelle des droits de l’homme, l’article
2 du pacte international des droits civils et politique, ainsi que l’article
7 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

48
L’article 30 du nouveau code de procédure civile français définit l’action comme étant « le droit, pour l’auteur d’une
prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.

Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention »


61
§2. L’autonomie de l’action vis-à-vis du droit subjectif substantiel et
de la demande en justice

A. La distinction entre action et droit subjectif substantiel

L’action a une existence séparée du droit dont on se prétend


titulaire et dont on demande la consécration par le tribunal. Elle est en
effet au service de ce droit car, elle a pour but d’en obtenir la mise en
œuvre. L’action ne saurait donc être confondue à son objet, le droit
subjectif substantiel. L’autonomie de cette notion apparaît clairement
lorsqu’une personne, titulaire d’un droit, voit son action déclarée
irrecevable, alors que l’existence de ce droit n’est pas contestée. C’est
le cas, par exemple, d’un créancier qui se voit opposer la fin de non-
recevoir tirée de la chose jugée, alors qu’il n’y a aucune contestation
sur l’existence de son droit de créance. L’autonomie apparaît
également lorsque, après l’exercice complet de l’action, le juge
constate que le droit dont on poursuit la mise en œuvre n’est pas
fondé. Dans ce cas, l’action a bel et bien existé alors qu’il n’y a pas de
droit substantiel sur lequel elle repose. Il peut donc exister d’une part,
des actions sans droit, et d’autre part, des droits sans action.

B. La distinction entre l’action en justice et la demande en


justice
A l’état isolé, l’action en justice n’est qu’une probabilité inefficace
de soumettre une prétention au juge. Cette probabilité se concrétise au
moment où le titulaire de l’action, en saisissant le tribunal compétent,
lui soumet effectivement sa prétention. C’est-à-dire qu’il formule ainsi
une demande. Celle-ci doit donc être comprise comme étant le fait
d’exercer effectivement l’action en soumettant la prétention au
tribunal. Il apparaît donc que malgré l’étroitesse du lien existant entre
une action et une demande, ces deux notions gardent leur autonomie
conceptuelle. Une action en justice n’est pas une demande. Le titulaire
d’une action peut ne jamais saisir le tribunal. Son action existe en
l’absence de toute demande.

62
§3. Les attributs de l’action en justice
Deux traits caractérisent toute action en justice. Il s’agit d’une
part, de son caractère facultatif, et d’autre part, de l’immunité qui
couvre son titulaire.
A. Le caractère facultatif de l’action
L’exercice d’une action est une faculté et non un devoir. Ceci
entraîne deux conséquences importantes. Premièrement, le titulaire
d’une action ne peut être contraint à l’exercer. En effet, toute personne
est libre de saisir ou de ne pas saisir le juge. Deuxièmement, l’on ne
peut contraindre une personne à exercer son action devant une
juridiction étatique. Contrairement à la matière pénale, l’Etat n’a pas
en matière de droit privé, le monopole de l’administration de la
justice. En effet, il est possible pour les justiciables, de recourir à
d’autres modes de règlement des différends, tels l’arbitrage, la
conciliation, la médiation.49
B. Le principe de l’immunité de l’action
Appelé également caractère libre de l’action, ce principe signifie
que le titulaire d’une action n’engage aucune responsabilité du fait de
l’exercice de celle-ci ou des propos tenus en justice. Ce principe se
justifie par le fait que la menace d’une sanction pénale ou civile, du
fait de l’exercice de l’action, ou du fait d’avoir été débouté, anéantirait
toute possibilité de saisir la justice. Devant le tribunal, les parties
doivent avoir la liberté d’exposer leurs arguments, quand bien même
ces derniers ne sont pas juridiquement fondés.
L’immunité de l’action connaît cependant une restriction, lorsque
le titulaire du droit d’agir commet un abus. Dans ce cas, la victime de
l’abus du droit d’agir en justice, telle dans l’hypothèse d’une action
purement téméraire et vexatoire, est fondée de pouvoir réclamer une
réparation. Dans ce cas, celui qui a abusé de son droit d’agir engage sa
responsabilité civile.
49
STRIKLER (Y), Procédure civile, 2 ème éd., Orléans, 2008, p 77.
63
Section2. La classification des actions en justice

Plusieurs critères peuvent être utilisés pour classifier les


actions judiciaires. Pour des raisons de simplicité, nous en retenons
deux, qui sont d’ailleurs généralement utilisés : l’objet de l’action
d’une part, ainsi que sa nature, d’autre part.

§1. La classification d’après la nature

Il s’agit ici de classifier l’action en prenant comme critère de


distinction le droit dont le demandeur veut obtenir la reconnaissance
en justice. Au point de vue de ce critère, les actions sont catégorisées
en actions réelles, qui portent sur des droits réels d’une part, et
d’autre part, en actions personnelles, portant elles, sur des droits de
créance. Ainsi, l’action en revendication est une action réelle, car elle
porte sur la propriété, qui est un droit réel. L’action en paiement de
loyer, exercée par un bailleur, est quant à elle, une action personnelle,
étant donné qu’elle porte sur un droit de créance.

Portant sur un droit réel, l’action réelle est une action « in


rem », c’est-à-dire attachée à la chose. Par conséquent, elle peut être
exercée contre toute personne qui détient le bien qui en est l’objet.
Ceci en raison du fait qu’un droit réel confère à son titulaire un droit
de suite lui permettant de réclamer ledit bien à toute personne qui le
détiendrait. C’est ainsi que le propriétaire d’une voiture peut la
réclamer à quiconque la détient, peu importe que le détenteur l’ait
achetée ou acquise d’une quelconque autre manière. L’action
personnelle est quant à elle, une action « in personam», c’est-à-dire
attachée à la personne. En conséquence, elle ne peut être exercée que
contre le débiteur et non contre une autre personne. On ne peut, par
exemple, réclamer le paiement d’une dette qu’au seul débiteur. Le
caractère personnel d’une action est atténué par les dispositions des
articles 64 et 65 du code civil livre III qui permettent l’exercice des
actions obliques et des actions pauliennes. Ces actions visent des tiers

64
débiteurs du débiteur pour la première, et celui qui a agi en fraude au
droit du créancier, pour la deuxième. Ces tiers ne sont pas débiteurs du
créancier poursuivant.
§2. La classification d’après l’objet
D’après l’objet de l’action, on distingue les actions mobilières des
actions immobilières. Les premières portent sur des biens meubles. Les
secondes portent sur des immeubles.
La distinction entre les actions mobilières et immobilières présente un intérêt
dans la détermination de la compétence territoriale du juge. Aux termes de
l’article 132 de la loi portant organisation, fonctionnement et compétence
des juridictions de l’ordre judiciaire, les actions mobilières sont de la
compétence du juge du lieu où l’obligation est née, ou de celle du lieu dans
lequel l’obligation doit être ou a été exécutée. En revanche, en matière
immobilière, l’article 136 de la même loi attribue la compétence au juge de
la situation de l’immeuble. Si celui-ci est situé dans différents ressorts, la
compétence est fixée par la partie de l’immeuble la plus étendue. Toutefois,
lorsque le défendeur a son domicile ou sa résidence dans le ressort de la
situation de l’une quelconque des parties de l’immeuble, le juge de ce ressort
peut être saisi sans considération de l’étendue de cette partie de l’immeuble.
§3. La classification spéciale des actions immobilières

Il y a, au sein des actions immobilières, une classification


spéciale consistant à distinguer les actions pétitoires des actions
possessoires. Les premières ont pour objet des droits réels. Les
secondes quant à elles, sont des actions qui portent sur la défense
d’une possession, notion qui relève du droit civil des biens.

Les actions possessoires se classent en trois types : la


complainte, la dénonciation de nouvel œuvre et la réintégrande. La
première vise à protéger la possession contre un trouble actuel, la
seconde tend à la protéger contre un trouble éventuel, la troisième
enfin, est une action dont dispose un possesseur qui a été dépossédé
par violence ou voie de fait.

65
En droit congolais, la doctrine dominante soutient qu’en
matière immobilière, les actions possessoires ne sont pas possibles50.
Elle se fonde sur le fait que ces actions ne se conçoivent qu’en faveur
d’un possesseur de bonne foi. Or, en droit congolais, il est impossible
d’être de bonne foi, possesseur d’un immeuble ou d’un fond. En effet,
l’article 219 de loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général
des biens, régime foncier, régime immobilier et régime des sûretés,
conditionne l’existence d’un quelconque droit immobilier ou foncier,
à son inscription dans un certificat d’enregistrement établi au nom de
l’acquéreur. Ainsi, dès lors qu’une personne n’a pas de certificat
d’enregistrement, elle ne peut prétendre à une quelconque possession
de bonne foi. Elle sait ne pas être titulaire du certificat
d’enregistrement. Elle est donc de mauvaise foi, et ne peut donc pas
exercer une action possessoire. Cette observation doit cependant être
tempérée par le fait que jusqu’à ce jour, il y a encore des terres qui
sont régies par le droit coutumier et qui ne sont donc pas encore sous
le régime du certificat d’enregistrement. A l’égard de ces terres, il est
encore possible d’envisager des actions possessoires quant au droit à
devenir concessionnaire.

50
Lire à ce propos KALAMBAY LUMPUNGU, Droit civil : Régime général des biens, vo11, 2 ème éd., Kinshasa, presse
universitaire du Congo, et éditions universitaires africaines, 1989, PP91-92.
66
Chapitre 2. LE REGIME JURIDIQUE DE L’ACTION

Section 1. Les Conditions de l’Action en Justice

La saisine d’un tribunal suscite quatre questions qui portent


tour à tour sur sa régularité ; la compétence du tribunal ; la
recevabilité de l’action ; ainsi que le bien-fondé de la demande. Seule
la troisième question nous intéresse à ce niveau, étant donné que la
première est examinée plus loin au troisième chapitre du deuxième
titre de cette partie. La deuxième a déjà été traitée dans la partie
introductive (voir les institutions du droit judiciaire privé) alors que la
quatrième relève du fond.

La recevabilité d’une action est tributaire d’une part, de


l’existence régulière de cette dernière et d’autre part, de la régularité
dans son exercice. D’où l’intérêt d’analyser les conditions d’existence
ainsi que les conditions d’exercice de l’action.

§1. Les conditions d’existence de l’action en justice

L’existence de l’action est soumise à la réalisation de deux


conditions : l’intérêt et la qualité du demandeur.

A. L’intérêt

1. La définition

L’intérêt est l’avantage moral ou matériel que le demandeur


entend tirer de son action devant le juge.51 Lorsqu’il n’y a aucun
intérêt, l’action n’existe pas. Ceci est exprimé par l’adage « Pas
d’action sans intérêt ». L’exigence de l’intérêt se justifie par la
nécessité qu’il y a à ne pas encombrer les tribunaux par des actions
inutiles. En droit français, l’intérêt comme condition d’existence de

51
STRICKLER (Y), op. cit., p83, lire également à ce propos, MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p.170
67
l’action est consacré par l’article 31 du nouveau code de procédure
civile.52Il n’existe pas de disposition semblable dans le code de
procédure civile congolais. Au Congo, l’intérêt a été posé comme
principe général du droit par la cour suprême de justice.

2. Les caractères de l’intérêt dans une action judiciaire

L’intérêt pouvant donner lieu à une action doit être né et actuel,


légitime, concret, certain, personnel et direct.

a. L’intérêt né et actuel

L’intérêt doit exister au moment où l’on formule la demande. Il


n’est pas admis de saisir le tribunal lorsque l’intérêt poursuivi n’est
qu’éventuel ou hypothétique. Il faut ici faire observer qu’un intérêt
actuel ne signifie pas forcément un intérêt présent. Même futur, un
intérêt peut être actuel, pourvu qu’il soit susceptible d’être apprécié au
moment de la saisine du tribunal. C’est dans ce sens que, bien que
future, la perte d’une chance est admise comme étant un intérêt né et
actuel, pouvant justifier l’existence d’une action en justice. En raison
de l’exigence d’un intérêt né et actuel, les actions interrogatoires (qui
obligent une personne qui dispose d’un délai d’option, à se prononcer
avant l’expiration de ce délai), et les actions provocatoires (qui
tendent à obtenir d’une personne qui prétend être titulaire d’un droit,
de prouver celui-ci, ou de se taire définitivement sur la question) ne
sont pas admises. Dans ces actions, il n’ ya aucun intérêt actuel pour
celui qui agit.

52
Cet article dispose : «L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une
prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever
ou combattre une prétention ou défendre un intérêt déterminé.
68
b. L’intérêt légitime
L’intérêt doit être juridiquement protégé. Ceci veut dire que
l’avantage dont on poursuit la réalisation en justice doit être admis par
le droit positif. C’est ainsi qu’on ne peut, par exemple, en droit
congolais, admettre l’action d’une femme qui aurait pour objet
d’obtenir une réparation du préjudice dont elle souffrirait du fait du
décès d’un concubin. Ceci s’explique par le fait que dans son état
actuel, le droit congolais ne protège pas le concubinage.
c. L’intérêt direct et personnel
L’action appartient à celui qui agit. On ne peut pas, en principe,
agir dans l’intérêt d’un tiers. Ceci est exprimé par l’adage « nul ne
plaide par procureur ». Pour pouvoir saisir la justice, l’on doit avoir
souffert d’une lésion touchant ses propres intérêts, de sorte que
l’action profite personnellement à celui qui agit. La nécessité d’un
intérêt personnel s’impose également aux personnes morales.
L’exigence d’un intérêt personnel entraîne trois interdictions. En
premier lieu, un particulier ne peut agir pour défendre l’intérêt
général, celui-ci est défendu par l’Etat, ou le Ministère public lorsque
l’ordre public est entamé. En second lieu, il n’est pas admis d’agir en
justice à la place d’autrui. Cette interdiction n’empêche pas pour
autant de confier à un tiers la mission de saisir la justice, par le biais
d’un mandat conventionnel ou légal, ou en vertu d’une autorisation
judiciaire. Dans ce cas, on évalue le caractère personnel de l’intérêt
dans le chef du mandant ou de la personne représentée. En troisième
lieu, on ne peut exercer pour son compte, une action en invoquant
l’intérêt d’un tiers. C’est ainsi, qu’un locataire ne saurait intenter une
action contre le voisin dont les constructions empiètent sur la parcelle
louée. Cette action, qui serait fondée sur l’article 24 de loi dite
foncière, appartient au concessionnaire dont le fonds est empiété,
lequel est donc le seul à avoir un intérêt pour la préservation de sa
concession. Le locataire ne pourrait que faire appel au bailleur, ce
dernier ayant l’obligation de lui assurer une jouissance paisible des
lieux loués.
69
d. L’intérêt concret

L’intérêt doit être suffisant. Une action doit avoir une incidence
directe et concrète sur la situation personnelle des parties. Elle ne doit
pas simplement tendre à obtenir une manière de consulter53.

A. La qualité

La qualité est le titre juridique qui autorise une personne à prendre


l’initiative d’une action en justice.54 Alors que l’intérêt est centré sur
le résultat de l’action (l’avantage poursuivi par le demandeur), la
qualité est liée à la titularité de celle-ci.55En effet, en examinant la
question de la qualité, le juge cherchera à savoir si la personne qui lui
a soumis ses prétentions est ou non titulaire de l’action exercée, et si
elle dispose des pouvoirs nécessaires pour exercer l’action concernée.

Dans l’application de la notion de la qualité, on distingue les


actions banales, les actions attitrées ainsi que les actions par
représentation.

1. L’action banale

Une action est dite banale lorsqu’elle est ouverte à toute


personne sans l’exigence d’une qualité particulière, et est exercée par
son titulaire. Il suffit, pour pouvoir exercer l’action banale, de justifier
d’un intérêt. Aucune preuve d’une quelconque qualité n’est exigée
pour exercer ce genre d’action, la qualité se confondant ici avec
l’intérêt. L’action banale est l’action de droit commun. Elle est
consacrée par l’article premier du code de procédure civile qui
dispose : « toute personne qui veut en assigner une autre fournit au
greffier de la juridiction où la demande sera portée, tous les éléments

53
MATADINENGA GAMANDA, op. cit., p171.
54
STRICKLER (Y), op. cit., p89.
55
Idem, p.90.
70
nécessaires à la rédaction de l’assignation ».Sauf lorsque la loi exige
une qualité particulière, on ne doit exiger aucune qualité lorsque le
demandeur agit en son nom personnel. Ceci découle du deuxième
alinéa de l’article 2 du code de procédure civile qui dispose que:
« lorsque le demandeur n’agit pas en nom personnel ou que le
défendeur n’est pas assigné en nom personnel, l’assignation
mentionne en outre leur qualité ». Ainsi, celui qui agit en son nom
personnel ne doit pas être obligé d’apporter la preuve d’une
quelconque qualité.

2. L’action attitrée

L’action est dite attitrée lorsqu’elle n’est pas ouverte à tout le


monde, mais réservée aux personnes que la loi désigne à cet effet. Dans ce
type d’action, la demande n’est recevable que si elle émane d’une personne
justifiant de la qualité à laquelle est attaché le droit d’agir.56 D’où
l’obligation d’apporter la preuve de cette qualité. Tel est le cas, en matière de
divorce, où l’action est réservée aux époux. La recevabilité de l’action en
divorce est donc conditionnée par la production de la preuve de la qualité
d’époux. Certaines actions attitrées sont exercées pour le compte des tiers.
C’est par exemple le cas de l’action qu’un curateur exerce pour le compte
d’un failli, ou le cas de l’action oblique qu’un créancier exerce pour le
compte de son débiteur. Dans ces hypothèses, les qualités respectives de
curateur et de créancier doivent être prouvées.

3. L’action par représentation

Le dernier alinéa de l’article 2 du code de procédure civile


impose, lorsqu’une action est exercée par représentation pour le
compte d’un tiers, que la qualité de la personne qui saisit le tribunal
soit indiquée dans l’exploit introductif de l’instance. Il s’en suit que
dans le cas d’une action par représentation, la qualité du représentant
doit être prouvée.

56
G. CORNU, op. cit., p88.
71
Il en est ainsi à titre d’exemple, lorsqu’un père introduit une action en
justice pour le compte de son fils mineur. L’assignation doit contenir
la qualité de père, et cette qualité doit être prouvée par la production
d’acte d’état civil.

La preuve de la qualité est également exigée lorsqu’une action


est introduite au nom d’un groupement doté de personnalité juridique
tel qu’une société commerciale, une association, ou une entreprise
publique. La personne qui saisit le juge ou donne mandat à quelqu’un
d’autre pour agir au nom du groupement, doit prouver qu’elle a
conformément à la loi ou aux statuts du groupement, le pouvoir d’agir
en justice pour le compte de ce dernier. C’est ainsi que pour une
société commerciale, la preuve de la qualité de la personne qui a le
pouvoir d’exercer l’action pour le compte de celle-ci sera établie par
la production des statuts de la société et, éventuellement, par la
production de la décision portant sa désignation en cette qualité.

§2. Les conditions d’exercice de l’action en justice

A. La condition quant à la personne

Pour pouvoir exercer une action, une seule condition est


exigée au point de vue du demandeur, sa capacité. Exercer une
action étant un droit, le demandeur doit avoir l’aptitude juridique
à cet effet. Dans l’appréciation de la capacité, le juge se réfère
aux règles posées par le droit civil (code de la famille), ou,
lorsqu’il y a dérogations à ce s règles, aux lois spécifiques qui
instituent ces dérogations (droit du travail, droit commercial etc).

B. Les conditions quant à l’objet

L’objet de l’action, autrement dit la chose jugée, doit être licite et


moral. La notion de chose jugée doit être distinguée de celles
d’autorité de la chose jugée, de force de chose jugée ou celle de
72
l’exception de chose jugée. On appelle chose jugée, tout litige sur
lequel une décision a déjà été rendue, ou tout au moins, celle qui fait
l’objet de l’examen par le juge saisi. L’autorité de la chose jugée est
la qualité que revêt tout jugement quant au fond, ou sur fin de non-
recevoir, laquelle empêche, sous réserve des voies de recours, que les
mêmes faits soient rejugés entre les mêmes parties dans un autre
procès. La force de chose jugée désigne quant à elle, l’état d’un
jugement non susceptible des voies de recours suspensives de
l’exécution, soit puisque celles-ci ont été épuisées, ou soit que les
délais de leur exercice sont échus. L’exception de chose jugée
consiste pour un plaideur à faire valoir comme moyen de défense,
l’autorité de la chose jugée, pour dénier au demandeur le droit d’agir.
Cette exception est en réalité une fin de non-recevoir, c’est donc de
façon abusive que l’on parle d’exception de chose jugée.

C. Les conditions relatives au délai

Le droit judiciaire privé enferme l’action dans des limites


temporelles. Il est important de vérifier, chaque fois que l’on est
devant une prétention, si on est encore dans le délai ou s’il n’y a pas
encore eu de prescription ou forclusion. On classe les délais en deux
catégories, celle des délais d’action d’une part, et celle des délais
d’attente, d’autre part. Les premiers sont ceux qui sont imposés et
pendant lesquels on doit nécessairement agir, sous peine de déchéance
ou forclusion. Ils fixent un temps maximum que l’on ne doit pas
dépasser. On les appelle aussi délais de rigueur. Tel est le cas d’un
délai d’exercice d’une voie de recours. Les délais d’actions visent un
déroulement rapide de l’instance et sanctionnent le retard mis dans
l’accomplissement de la formalité imposée.
Les seconds sont ceux qui imposent un minimum de temps à observer
dans l’accomplissement des actes de procédure. Ils visent à permettre
au défendeur d’avoir suffisamment de temps pour préparer sa défense.
C’est le cas du délai de comparution. Les délais d’attente sanctionnent
la précipitation dans l’accomplissement de la formalité visée.

73
Section 2. La mise en œuvre de l’action en justice : la demande
et la défense

La bataille judiciaire consiste en une confrontation entre les


prétentions des parties. Pour celle qui initie l’action, ces prétentions
constituent des demandes faites au tribunal. Celle contre laquelle ces
prétentions sont dirigées présentera ses propres prétentions comme
moyens de défenses. Pour se défendre, la partie défenderesse pourra
également exploiter contre le demandeur les irrégularités qui
entachent la procédure menée.

Sous-section 1. Les demandes

§1. Les définition et éléments caractéristiques de la demande

La demande est définie comme étant le fait d’exercer


effectivement son action en soumettant au juge les prétentions
dont on se prévaut, et en recourant à l’un des modes introductif
de l’instance (Cfr. distinction entre l’action et la demande en
justice). Quatre éléments caractérisent une demande en justice :
les parties qui s’affrontent, l’objet de la demande, sa cause, ainsi
que la juridiction compétente pour la connaître.

A. Les parties

En général, une demande met face à face un ou plusieurs


demandeurs d’une part, et un ou plusieurs défendeurs, d’autre part. Il
arrive cependant qu’il y ait en matière de procédure unilatérale (saisie
conservatoires, injonction de payer ou demande gracieuse), une seule
partie (le requérant ou demandeur). En effet, lorsqu’une requête est
introduite en vue d’obtenir l’autorisation de pratiquer une saisie
conservatoire, le juge statue sur celle-ci sans devoir entendre la
personne contre laquelle la requête est dirigée. Cette dernière ne

74
deviendra partie ou procès que plus tard, soit lorsqu’elle sollicitera la
mainlevée de la saisie autorisée, soit dans le cadre de l’action du
créancier tendant à obtenir un titre exécutoire. De la même manière,
les demandes gracieuses, cas d’une demande d’un jugement supplétif
de nationalité, sont généralement faites sans qu’il y ait d’adversaires
contre lesquels elles sont dirigées.

B. L’objet de la demande
L’objet de la demande est la prétention de celui qui l’introduit.
C’est donc ce que ce dernier veut obtenir du juge. Rappelons encore
ce qui est dit plus haut, qu’au nom du principe dispositif, le juge ne
peut accorder aux parties ce qui ne lui a pas été demandé. S’il le fait, il
aura statué « ultra-petita ». L’objet de la demande limite donc la
saisine du tribunal.

C. La cause de la demande
La cause est le fait générateur de la demande. C’est le fait qui est
allégué pour obtenir, par application de la norme juridique adéquate,
une décision du juge. Les parties ne sont pas obligées de qualifier en
droit leurs prétentions. Elles ne sont pas obligées d’indiquer la norme
juridique qui fonde celles-ci, étant donné que le juge est censé
connaître le droit applicable. Cependant, lorsque les parties indiquent
la norme à appliquer à leur litige, le juge au nom du principe dispositif
ne peut la substituer par une autre. Il se contentera de vérifier la
conformité des prétentions à la règle invoquée.

D. La juridiction compétente

Lorsqu’elle forme sa demande, la partie demanderesse doit


nécessairement indiquer le tribunal qui est appelé à la trancher. Cette
indication a un double intérêt. D’une part, elle permet d’apprécier la
compétence de ce dernier. D’autre part, cette indication permet à la
partie défenderesse de connaître où elle doit se présenter pour se
défendre.
75
§2. Les différentes catégories de demandes

On distingue quatre sortes de demandes : les demandes


principales, les demandes incidentes, les demandes provisoires ainsi
que les demandes subsidiaires.

A. La demande principale

La demande principale ou demande initiale est celle qui introduit


l’instance. C’est la demande par laquelle une partie met celle-ci en
mouvement. Elle est généralement formulée par voie d’assignation57.

B. Les demandes incidentes

Les demandes incidentes sont celles qui sont soumises au juge au


cours d’une instance qui avait déjà commencé. Elles sont classées en
demandes additionnelles, demandes nouvelles, demandes
reconventionnelles et demandes interventionnelles.

1. La demande additionnelle

Une demande incidente est dite additionnelle lorsqu’elle


rectifie l’objet de la demande principale, en le réduisant ou en
l’étendant, sans pour autant le modifier. C’est le cas d’un demandeur
qui, après avoir demandé les dommages intérêts de l’ordre de cinq
cents dollars, décide d’étendre sa demande à cinquante mille dollars.
Dans ce cas, l’objet de la demande, les dommages-intérêts, n’a pas
changé. Il a simplement été rectifié par son extension.
Etant donné que l’objet de la demande additionnelle est le même que
celui de la demande principale, la première est considérée comme
étant le prolongement implicite de la deuxième. Par conséquent, une
demande additionnelle est recevable à tout moment et, même pour la
première fois, en appel.
57
Le code du travail exige que la demande saisissant le tribunal de travail soit formée par voie de requête.
76
2. La demande nouvelle

On appelle demande nouvelle, toute demande par laquelle une


partie soumet au juge une prétention qui modifie sa réclamation
initiale et par là l’objet du litige58. C’est le cas, lorsqu’une partie,
après avoir saisi le juge pour obtenir la nullité d’un contrat, modifie sa
prétention en demandant la résolution dudit contrat ainsi que les
dommages – intérêts.
La recevabilité d’une demande nouvelle varie selon que celle-ci est
faite au premier degré ou en appel. Au premier degré, la demande
nouvelle est recevable en tout état de cause, avant la clôture des
débats. Elle doit cependant procéder de la même cause que la
demande principale. La partie qui souhaite modifier la cause de la
demande ne peut recourir à une demande nouvelle, elle doit le faire
par une assignation distincte de la première et, éventuellement
demander la jonction des deux affaires si ces dernières sont connexes.

En appel, l’article 77 du code de procédure civile interdit la


recevabilité des demandes nouvelle en ces termes : « il ne peut être
formé, en degré d’appel, aucune nouvelle demande… ». Cette
disposition institue ainsi l’exception de « novelleité » qui consiste, en
appel, à faire décréter l’irrecevabilité les demandes nouvelles.

Il y a toutefois deux limites à l’exception de novelleité, c’est-à-


dire, des cas où l’on admet qu’une demande nouvelle soit reçue en
appel. La première découle du fait que l’exception de novelléité n’est
pas d’ordre public. Par conséquent, le juge ne peut pas la relever
d’office. Cette exception doit être soulevée de façon expresse par la
partie qui l’invoque. Ainsi, en appel, la demande nouvelle sera
recevable chaque fois qu’aucune partie n’en aura pas sollicité
l’irrecevabilité. La deuxième limite résulte des dérogations établies
par l’article 77 du code procédure civile. Celui-ci admet que les
demandes nouvelles puissent être formulées pour la première fois en
58
CORNU(G), vocabulaire juridique, 10 ème édition, Paris, P.U.F, 2014, p321.
77
appel, lorsqu’elles portent sur la compensation, sur des demandes
reconventionnelles, ou sur les intérêts, arrérages, loyers et autres
accessoires échus depuis le jugement attaqué, ainsi que sur les
dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis le prononcé dudit
jugement.

3. La demande reconventionnelle

Une demande reconventionnelle est celle qui est formée par le


défendeur, en réplique à celle introduite par le demandeur. Le but
d’une telle demande est soit, d’empêcher la condamnation du
défendeur, soit d’atténuer cette condamnation, ou soit encore d’obtenir
la condamnation du demandeur. La demande reconventionnelle est
recevable en tout état de cause, et même pour la première fois en
appel. Cela en raison du fait qu’il s’agit d’un moyen de défense. Elle
est, quels que soient sa nature et son montant, soumise au juge saisi de
la demande principale.

4. La demande interventionnelle

Une demande interventionnelle est celle par laquelle une partie,


tierce à une procédure, sollicite d’y participer (intervention
volontaire), ou par laquelle une partie à une procédure déjà engagée,
sollicite la mise en cause d’un tiers (intervention forcée).Qu’elle soit
volontaire ou forcée, l’intervention peut être faite aussi bien au
premier degré qu’en appel. Le tribunal doit toutefois la déclarer
irrecevable, lorsqu’il juge que la demande interventionnelle n’a pour
but que de retarder une procédure déjà avancée.

A. La demande provisoire

Une demande est dite provisoire lorsqu’elle tend à faire prendre,


sans lier le juge quant au fond, des mesures nécessaires pour éviter ou
atténuer les inconvénients graves d’une longue attente de la décision

78
définitive sur le fond. C’est le cas d’une demande introduite par une
victime d’un accident qui sollicite que le défendeur en réparation soit
condamné à supporter les frais liés aux premiers soins, avant que le
juge ne se prononce sur l’étendue des dommages – intérêts auxquels il
postule.

B. La demande subsidiaire

Une demande subsidiaire est celle qui est formulée par un


demandeur prudent, dans le but de la substituer éventuellement à la demande
principale, si celle-ci venait à être rejetée par le tribunal pour une raison ou
une autre. Elle a ainsi pour rôle d’être une demande de substitution de la
demande principale. C’est le plan « B » du demandeur.

§3. Les effets de la demande

L’effet général de la demande est la naissance d’un lien


d’instance. Celui-ci concerne à la fois le juge et les parties. Il se crée
ainsi par la demande, un contrat judiciaire entre la juridiction saisie et
les parties litigantes, d’une part, et d’autre part, entre les parties. Ces
contrats judiciaires s’apprécient différemment.

A. Les effets vis-à-vis du juge

A l’égard du juge, la demande produit trois effets. Elle entraîne la


saisine du tribunal. Elle oblige le juge, sous peine de commettre un
déni de justice59, à statuer sur les prétentions qui lui sont soumises .Et
enfin, oblige le juge à respecter le principe dispositif.

59
Le déni de justice est retenu par la loi 55 Loi n° 13/010 du 9février 2013 relative à la procédure devant la cour de
cassation, comme étant un motif de prise à partie.
79
B. Les effets vis-à-vis des parties

Vis-à-vis des parties, la demande produit deux effets. En premier


lieu, elle constitue une mise en demeure faite au défendeur. En effet,
la demande signifiée à la partie défenderesse constitue un rappel
adressé à cette dernière, l’invitant à satisfaire aux prétentions du
demandeur. Par conséquent, si après avoir reçu l’assignation, le
défendeur satisfait volontairement aux exigences du demandeur,
l’instance s’éteint faute d’objet. Deuxièmement, la demande est,
conformément à l’article 63860 du code civil livre III, interruptive de
la prescription. Ceci s’explique par le fait que la prescription profite
au défendeur. Le demandeur subirait un préjudice si, alors que le
tribunal vérifie ses prétentions, la prescription continuait à courir. Il
suffirait dans ce cas au défendeur d’user des manœuvres dilatoires.

La loi n’ayant fait aucune distinction selon que la juridiction saisie


est compétente ou incompétente, il y a lieu de considérer que
l’interruption de la prescription se réalise même lorsque la demande
est formée devant un juge incompétent. Cette solution ne devrait
cependant pas s’étendre à la l’interruption de la prescription causée
par la saisine de l’inspection du travail dans le cadre d’une procédure
de conciliation préalable. Dans ce cas, l’interruption n’est possible que
si la procédure de conciliation a été menée par un inspecteur du travail
compétent, c’est-à-dire celui du ressort. En effet, l’article 299 du code
du travail qui prévoit l’interruption de la prescription lorsqu’il ya une
procédure de conciliation préalable dispose : « cette procédure est
interruptive des délais de prescription prévus à l’article 317 du présent
Code, dès la réception de la demande de conciliation à l’inspection du
travail, sous réserve toutefois que la demande devant le tribunal du
travail, en cas de non-conciliation, soit formée dans le délai maximum
de douze mois à compter de la réception du procès-verbal de non-
conciliation par la partie la plus diligente ». En disant à l’article 299

60
Art 138 du code civil livre III « une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut
empêcher de prescrire forment l’interruption civile ».
80
« cette procédure », le législateur du code du travail fait référence à la
procédure de conciliation préalable dont il parle à l’article 298 du
même code. Cet article précise quant à lui que la procédure de
conciliation préalable doit être menée devant l’inspecteur du travail du
ressort. Par conséquent, seule la procédure de conciliation préalable
menée par l’inspecteur du travail du ressort, qui est seul compétent,
pourrait interrompre la prescription. Lorsqu’elle est menée devant un
inspecteur incompétent, la conciliation préalable n’est pas interruptive
de la prescription.

Aux termes de l’article 639 du code civil livre III,


l’interruption de la prescription est considérée comme non
avenue en cas de nullité de l’assignation pour défaut de forme,
du désistement, de péremption de l’instance, ainsi que du rejet de
la demande. Le législateur n’ayant donné aucune précision sur le
motif de rejet de la demande, il ya lieu de considérer que l’article
639 s’applique, que le rejet se rapporte à un motif de forme ou
un motif de fond.

Sous-section 2. Les défenses

§1. La notion des défenses

Les défenses sont des procédés légaux qui permettent au


défendeur de réagir contre les attaques dont il est l’objet. La légalité
des moyens de défenses doit être comprise dans un sens générique,
signifiant la proscription de recourir à des moyens illégitimes,
illégaux, immoraux ou déloyaux pour se défendre.

81
§2. Les différents moyens de défenses

Le défendeur peut recourir à quatre types de moyens de défense à


savoir: la défense au fond, les exceptions, les demandes
reconventionnelles et les fins de non-recevoir.

A. La défense au fond

La défense au fond consiste pour le défendeur à rejeter les


prétentions du demandeur. Lorsqu’il se défend au fond, le
défendeur soutien que le droit prétendu par le demandeur (l’objet
de sa demande) n’est pas fondé. Cette défense est recevable en
tout état de cause, et même pour la première fois en appel. Toute
décision rendue sur le fond est revêtue de l’autorité de la chose
jugée. En conséquence, la question tranchée par le tribunal ne
saurait, sauf dans le cas d’exercice d’une voie de recours, être à
nouveau soumise au tribunal.

B. Les exceptions

1. La définition

Les exceptions sont des moyens de défenses qui tendent, avant


l’examen du fond, soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou
éteinte, soit à en suspendre le cours61. Elles sont soulevées avant tout
examen du fond (défense au fond) et sont dirigées contre le non-
respect des règles de procédure. Ces moyens sont donc des obstacles à
la procédure. Ils sont dirigés contre le non-respect des règles de forme.

61
CORNU(G), op cit p426.
82
2. Les différentes catégories d’exceptions

a. Les exceptions dilatoires

Ce sont des exceptions qui tendent à obtenir la suspension de la


procédure. Elles ont pour but direct et immédiat d’obtenir un délai, de
gagner du temps. On peut dans cette catégorie citer l’appel en
garantie, l’exception d’acceptation de la succession sous bénéfice de
l’inventaire, le défaut de communication, la connexité, la
litispendance, l’exception d’inconstitutionnalité.

b. Les exceptions péremptoires ou de nullité

Il s’agit des exceptions qui visent l’anéantissement de l’instance à


cause des irrégularités qui entachent la procédure. Tels sont les cas de
l’exception de non saisine ou de l’exception d’incompétence. Les
exceptions péremptoires peuvent être soulevées d’office par le
tribunal.

1. Le régime juridique des exceptions


Les exceptions obéissent à un régime rigoureux qui impose
qu’elles soient soulevées « in limine litis », c’est-à-dire avant tout
débat au fond. Toutefois, certaines d’entre elles peuvent être soulevées
après que les débats aient été engagés, ou pour les actes intervenus au
cours de l’instance. C’est le cas de l’exception de connexité. Dans
tous les cas, le juge examine les exceptions avant tout examen du
fond ; la forme prime sur le fond.

Un jugement rendu sur une exception n’est pas revêtu de l’autorité


de la chose jugée. Par conséquent, on peut réintroduire une demande
qui a été rejetée à la suite d’une exception. Il suffit, dans ce cas, de
procéder à la régularisation de l’acte qui a été sanctionné.

83
A. Les fins de non-recevoir
Les fins de non-recevoir sont des moyens de défense qui
consistent pour le défendeur à denier au demandeur le droit d’agir en
justice. Elles tendent à faire déclarer le demandeur irrecevable en sa
demande, pour défaut du droit d’agir. On peut, parmi les fins de non-
recevoir, citer entre autres le défaut de qualité, le défaut d’intérêt,
l’autorité de la chose jugée, ainsi que la prescription. Ces moyens de
défense sanctionnent en général le non-respect des conditions
d’existence de l’action.
Les fins de non-recevoir ont un caractère mixte les rapprochant en
même temps à la défense au fond et aux exceptions péremptoires. Le
point commun avec la défense au fond réside dans le fait que la
décision prononcée sur base d’une fin de non-recevoir est dotée,
comme pour les défenses au fond, de l’autorité de la chose jugée.
Celle-ci empêche, sauf lorsqu’il s’agit d’exercer une voie de recours,
de réintroduire la même demande. A la différence des moyens de
défense au fond, ce qui en constitue la ressemblance avec les
exceptions péremptoires, les fins de non – recevoir, comme ces
dernières, paralysent la demande avant tout examen du fond. Le juge
les examine in limine litis.

Section 3. La transmission et l’extinction de l’action

§1. La transmission de l’action en justice

L’action en justice est, en règle générale, transmissible aux


héritiers. Ceci s’explique par le fait qu’entant que bien, l’action fait
partie du patrimoine de son titulaire. Elle est par conséquent
transmissible. Il existe toutefois des hypothèses où l’action n’est pas
transmissible. Il en est ainsi lorsque le droit dont on poursuit la mise
en œuvre est un droit viager. L’extinction de ce droit par la mort de
son titulaire, entraîne celle de l’action qui y était rattachée. C’est aussi
le cas lorsque le droit visé par l’action est attaché à la personne qui

84
agit, tel le droit à une pension alimentaire. Ce droit n’étant pas
transmissible aux héritiers, l’action qui s’y attache s’éteint avec lui au
moment du décès de son titulaire. L’action n’est pas non plus
transmissible lorsqu’elle a un caractère strictement personnel. C’est-à-
dire une action dont l’exercice par une autre personne que le titulaire ne peut
se concevoir. C’est le cas de l’action en divorce ou de l’action en recherche
de paternité, qui ne peuvent être respectivement exercées que par un époux,
ou un enfant.

§2. L’extinction de l’action en justice

Plusieurs causes peuvent entraîner l’extinction d’une action.


On peut entre autres citer : la prescription, l’extinction du droit
subjectif substantiel objet de l’action, l’acquiescement, le désistement,
la transaction, le recours aux modes alternatifs de règlement des
différends. Toutes ces notions sont analysées plus loin.

85
86
TITRE II. L’INSTANCE

87
88
Chapitre1. LES ROLES DU JUGE ET DES PARTIES AU
COURS DE L’INSTANCE

Section1. L’œuvre juridictionnelle

§1. La notion de juge

Le juge est un professionnel du droit, un agent public dont la


fonction consiste, par le fait de dire le droit, à procéder à la
distribution de la justice dans une société. De par sa mission,
l’intervention du juge est faite à postériori, étant donné que le plus
souvent, le tribunal n’est saisi qu’après l’éclosion du litige. Le rôle du
juge ne consiste donc pas à créer la norme à appliquer, mais plutôt à
appliquer les normes préétablies par le législateur ou les parties.

§2. Les actes du juge

Le juge peut poser deux sortes d’actes. Certains sont


juridictionnels et d’autres ne le sont pas.

A. Les actes juridictionnels

1. La notion d’acte juridictionnel

Les actes juridictionnels sont des actes juridiques qui sont posés
par le juge lorsqu’il exerce sa mission de dire le droit, en tranchant
une contestation ou en répondant à une requête formulée par un
justiciable. Pour distinguer ce qui est juridictionnel de ce qui l’est pas,
deux écoles ont, sans y arriver de façon satisfaisante, tenter des
dégager des critères de l’acte juridictionnel. Elles se sont référées
l’une, à des critères formels, et l’autre, à des critères matériels.

89
a. Les critères formels de l’acte juridictionnel

Le recours aux critères formels de l’acte juridictionnel a été


avancé par la tendance doctrinale menée par Carré de Malberg, Japiot
et Jèse62. Pour ces auteurs, un acte juridictionnel se reconnait grâce à
deux aspects extérieurs : son origine d’une part, et l’autorité de la
chose jugée d’autre part.

a.1. L’origine de l’acte

D’après le critère de l’origine, pour être juridictionnel, l’acte


juridique concerné doit provenir d’une juridiction. Ainsi tout acte qui
n’émane pas d’une juridiction, ne pourrait être appelé juridictionnel.
Ce point de vue est critiquable du fait que tous les actes juridiques
émis par les membres d’une juridiction ne sont pas nécessairement des
actes juridictionnels. L’on peut, au sein des juridictions, retrouver des
actes juridiques ayant un caractère purement administratif. C’est le cas
des actes par lesquels le président d’une juridiction attribue les affaires
aux différentes chambres de sa juridiction.

a.2. L’autorité de la chose jugée

Pour les tenants de ce critère, un acte n’est juridictionnel que s’il


est revêtu de l’autorité de la chose jugée. La faiblesse de ce critère
vient du fait que loin d’être un critère de détermination de l’acte
juridictionnel, l’autorité de la chose jugée en est plutôt un effet. Un
acte n’est pas juridictionnel parce qu’il est revêtu de l’autorité de la
chose jugée, mais, au contraire, il est revêtu de l’autorité de la chose
jugée parce qu’il est juridictionnel. L’autorité de la chose jugée est la
conséquence du caractère juridictionnel et non l’élément qui le
détermine. Pour avoir l’autorité de la chose jugée, l’acte doit être
juridictionnel. Une seconde critique vient du fait que ce critère exclut

62
Vizioz, études de procédure, p59 et s, cité par Jean Vincent et serge Guinchard, Procédure civike, Paris dalloz, 27
ème édition, 2003, p204, voir aussi Matadi Nega Gamanda, droit judiciaire privé, précité, PP218 et 219 .
90
de la sphère des actes juridictionnels tous les jugements non revêtus
de cette autorité. Ainsi, à en croire les tenant de ce critère, un
jugement sur exception ne serait pas un acte juridictionnel, car
dépourvu de l’autorité de la chose jugée.

b. Les critères matériels

D’autres auteurs ont fait appel aux critères se rapportant au


contenu de l’acte concerné pour le qualifier de juridictionnel ou non.
Parmi ces auteurs, certains se sont référés à la structure de l’acte,
d’autres à l’existence d’une contestation et d’autres encore au but de
l’acte concerné.

b.1. La structure de l’acte


Avancé par Diguit63, ce critère avance qu’un acte juridictionnel se
reconnaît par sa structure. Celle-ci se présente sous forme de
syllogisme juridique ayant pour majeur la règle de droit, pour mineur,
le cas d’espèce à trancher, et pour conclusion la décision du juge.
Ce critère n’est pas totalement satisfaisant. Le syllogisme juridique
n’est pas un monopole réservé aux décisions de justice. Un acte
administratif peut également suivre cette démarche du raisonnement.

b.2. La contestation64
Pour les tenants de la contestation, l’acte juridictionnel est celui
qui fait suite à une contestation soumise au juge. Comme les autres
critères, la contestation n’explique pas toujours le caractère
juridictionnel. Certaines décisions juridictionnelles sont prises sans
pour autant qu’il y ait eu de contestation en amont. C’est notamment
le cas d’un jugement déclaratif de nationalité ou celui d’un jugement
supplétif d’acte d’état civil.

63
Diguit, l’acte administratif et l’acte juridictionnel,, Revue de droit public, 1906, p446 et s, cité par Jean Vincent et
serge Guinchard, op cit, 207, voir aussi Matadi Nenga Gamanda, droit judiciaire privé, précité, P 219.
64
Vizioz, op cit, p81 et s s, cité par Jean Vincent et Serge GUINCHARD, op cit, p 206.,
91
b.3. Le but de l’acte65
D’après ce critère, un acte juridictionnel se reconnaît par le but
qu’il poursuit. Ce but consiste, pour le juge, à appliquer le droit
existant et non à changer l’ordonnancement juridique par la création
des règles nouvelles. Le juge applique la loi, il ne légifère pas.

2. Les effets des actes juridictionnels

Trois effets sont rattachés à un acte juridictionnel. L’effet


déclaratif, le dessaisissement du juge et l’autorité de la chose jugée.

a. L’effet déclaratif

Lorsqu’il est saisi, le juge déclare le droit. Il ne le crée pas. En


jugeant que tel plaideur est le propriétaire de tel bien, le juge ne lui
attribue pas cette propriété, il la constate et la déclare conformément
au droit existant, il la consacre.

b. Le dessaisissement du tribunal

Lorsqu’il a jugé, le tribunal ne pourra plus revenir sur l’affaire,


sauf dans le cas de l’exercice des voies de recours de rétractation qui
l’y contraindraient. Dès le prononcé du jugement, le juge est
dessaisi66. Le dessaisissement ne se conçoit que lorsque la décision
rendue est un jugement définitif. Les jugements avant dire droit ne
produisent pas cet effet.

65
Lire Jean VINCENT et Serge GUINCHARD, op cit , P208, voir aussi MATADI NENGA GAMANDA, droit judiciaire privé
précité, p 220.
66
Un juge qui a déjà rendu sa décision, peut cependant être saisi à nouveau afin d’obtenir l’interprétation de celle-ci.
Dans ce cas, il ne peut sous aucun prétexte modifier le jugement déjà rendu.
92
c. L’autorité de la chose jugée

L’autorité de la chose jugée est la qualité d’un jugement qui


empêche que sous réserve de l’exercice des voies de recours, la
question qui a été tranchée entre les parties ne soit plus soumise au
tribunal. La portée de cet effet varie en fonction des moyens de
défense utilisés. Les décisions rendues sur des moyens de défense au
fond et sur des fins de non-recevoir sont revêtues de l’autorité de la
chose jugée. Par contre, les jugements sur exception ont quant à eux,
une autorité relative limitée à l’exception concernée.

A. Les actes judiciaires non juridictionnels


Il s’agit des actes des juges qui ne rentrent pas dans la fonction de
dire le droit (le jus dicere). Ces actes ne sont que des mesures
administratives et relèvent de la gestion administrative des
juridictions, telle qu’assurée par les présidents de ces dernières. C’est
ainsi le cas du roulement des juges dans les différentes chambres
d’une juridiction, ou celui de la répartition des affaires à ces dernières.
Par ces actes le président de juridiction assure une gestion
administrative de la juridiction.

Section 2. Le rôle des parties au cours de l’instance


Les parties ont, au cours de l’instance, le monopole de l’introduction
de celle-ci. En droit judiciaire privé, il n’y a pas de saisine d’office, le juge
étant nécessairement et uniquement saisi par les demandes des parties. Ces
dernières ont également le monopole de limiter le contenu du procès. Le juge
n’examine que les faits qu’elles lui soumettent. La saisine est ainsi limitée à
l’acte introductif d’instance et aux conclusions des parties (principe
dispositif). Les parties apportent au tribunal toute pièce sur laquelle elles
entendent fonder leurs prétentions. Le juge, dans un procès de droit privé,
reste passif. Les parties ont également la liberté de mettre fin au procès, soit
par le désistement, soit par l’acquiescement, ou encore par voie de
transaction.

93
Chapitre 2. LA PREINSTANCE

Section 1. Les délais de procédure

§1. La notion de délai

Le délai est un laps de temps qu’un plaideur doit observer


avant de poser un acte de procédure (délai d’attente), ou pendant
lequel il doit agir sous peine déchéance (délai d’action ou de rigueur).
La notion de délai est d’une grande importance en droit judiciaire.
D’une part, le délai conditionne la recevabilité de la demande (délai
d’action), et de l’autre, il permet au juge d’apprécier le respect des
droits de la défense (délai d’attente). Le droit judiciaire comporte
plusieurs délais, dont beaucoup en matière d’exécution forcée.

§2. La computation des délais

La computation est le calcul des délais de procédure. Elle est régie


en droit congolais par l’article 195 du code de procédure civile de la
manière ci-après :
- le jour de l’émission de l’acte (dies aquo) n’est pas compris dans le
délai ;
- le jour de l’échéance (dies ad quem) est compté sauf lorsque le
délai est qualifié de franc67 ;
- lorsque le dernier jour prévu pour accomplir un acte de procédure
est un jour férié légal, le délai est prorogé jusqu’au plus prochain
jour ouvrable ;
- lorsque le délai expire un jour où le greffe est fermé, l’acte y est
valablement reçu le prochain jour de l’ouverture de ce greffe ;

67
Le délai est dit franc lorsque ni le dies aquo ni le dies ad quem ne sont comptés. C’est le cas du délai d’assignation.
94
- le délai qui est fixé par jour se compte de jour à jour, celui qui est
fixé par mois ou par année se compte de quantième à veille de
quantième.

§3. La modification des délais

La question de la modification des délais s’apprécie différemment


selon qu’il s’agit de l’augmentation ou de la réduction du délai
concerné.

A. L’augmentation des délais

Les délais initialement prévus par la loi peuvent être augmentés


d’un délai de distance. (Art 9 C.P.C). Ce dernier est d’un jour par cent
kilomètres à vol d’oiseau. On applique le délai de distance lorsqu’une
partie n’a pas de résidence dans le ressort de la juridiction devant
laquelle elle est appelée à comparaître. Ce délai ne s’applique pas pour
le cas des parties résidant à l’étranger. Pour ces parties, le délai de
comparution est de trois mois.

B. La réduction des délais

En principe, on ne peut abréger un délai que dans les cas prévus


par la loi. C’est le cas avec l’article 10 du code de procédure civile.
Cette disposition donne au président de la juridiction la possibilité,
dans les matières qui requièrent célérité, d’accorder à la partie qui le
sollicite, l’autorisation d’assigner à bref délai.

95
Section 2. Les actes de procédure

§1. Les actes du greffier

Aux termes de l’article 2 du code de procédure civile, le greffier


rédige les exploits (assignation, itératifs commandements, plumitif
d’audience…). L’article 3 du même texte lui reconnaît la possibilité de
procéder à la signification des actes de procédure. Les actes du greffier ont le
caractère d’actes authentiques. Ils ont en conséquence une force probante qui
n’admet que la preuve littérale contraire (Art 201 code civil livre III). Ainsi,
toute déclaration, toute mention ou tout constat fait par un greffier sur un
exploit, fait foi jusqu’à l’administration d’une preuve écrite contraire.

§2. Les actes d’huissier

Un huissier de justice est appelé à poser les actes ci-après :


- la signification des exploits rédigés par le greffier ;
- la rédaction des procès verbaux relatifs à sa mission ;
- l’exécution forcée des jugements ;
- la notification des actes de procédure.

A l’instar des actes du greffier, les actes de l’huissier ainsi que les mentions
que ce dernier y porte, ont un caractère authentique. Ils font foi jusqu’à
l’administration d’une preuve littérale contraire.

§3. Sanction des irrégularités des actes de procédure

Lorsqu’un acte de procédure est irrégulier, trois sanctions sont


envisageables : la nullité dudit acte, la responsabilité civile de l’agent auteur
de l’acte (Article 258 du code civil livre III), ou la responsabilité
administrative de l’Etat. Il faut, à propos de la nullité, rappeler que sauf en ce
qui concerne les mentions substantielles, ou dans le cas où la nullité est
textuelle, cette sanction, dit l’article 28 du code de procédure civile, est
conditionnée par l’existence d’un préjudice dans le chef de la partie qui
invoque l’irrégularité.

96
Section 3. Les procédures qui précèdent la saisine du juge

Contrairement à la procédure pénale, l’instance judiciaire de droit


privé ne comporte pas de phase d’instruction préjuridictionnelle. Toutefois,
dans certaines matières, le législateur impose que certaines formalités soient
accomplies avant de saisir le tribunal. C’est notamment les cas de l’exigence
de la conciliation préalable devant l’inspecteur du travail dans le cas d’un
litige individuel du travail (article 298 à 3002 du code du travail), ou encore
celui de la conciliation préalable des époux par le président du tribunal de
paix, dans l’hypothèse du divorce (articles 555 à 562 du code de la famille).
Le non respect de ces procédures est sanctionné par l’irrecevabilité de
l’action.

97
Chapitre 3. LA SAISINE DU TRIBUNAL

Section 1. Les formes de demandes

Parler des formes de demandes, c’est examiner les différentes


manières mises à la disposition des parties pour soumettre leurs
prétentions au juge. Il s’agit en fait d’analyser les différentes
modalités de saisine du tribunal. Il y a cinq formes de demande :
l’assignation, la requête, la comparution volontaire, les conclusions
des parties, ainsi que la plainte.
§1. L’assignation

A. La définition
L’assignation est un exploit d’huissier par lequel le
demandeur qui introduit une instance contradictoire, en
formulant sa demande, fait inviter le défendeur à comparaître
devant la juridiction appelée à trancher le litige qui les oppose 68.
L’assignation reste la forme la plus utilisée pour saisir une
juridiction, bien que dans certaines procédures contradictoires,
Celle-ci est saisie par d’autres actes. Ce sont notamment les cas
de l’appel(le juge d’appel est saisi par l’acte d’appel), la
cassation (le juge est saisi par un pourvoi en cassation),
l’opposition(le juge est saisi par l’acte d’opposition).

A. La rédaction de l’assignation

L’assignation est rédigée par le greffier (Article 2 du code de


procédure civile). En pratique, les parties la font rédiger par leurs
avocats avant de la soumettre par la suite à la signature du greffier,
lequel engage de ce fait sa responsabilité.

68
Voir CORNU(G), op cit, p90.

98
B. Le contenu de l’assignation
L’assignation contient :

- les noms, domicile, profession du demandeur, éventuellement sa


qualité ;
- les noms et adresse du défendeur ;
- un exposé sommaire de l’objet et des moyens ;
- le tribunal compétent ;
- les lieux, jour et heure de comparution ;
- la demande faite au tribunal ;
- le nom, qualité et signature de l’huissier qui l’instrumente.
C. La signification de l’assignation

Signifier un exploit, c’est faire parvenir celui-ci au destinataire par


le biais d’un greffier ou d’un huissier. La régularité de la saisine du
tribunal dépend de la l’observance des formalités prescrites pour
procéder à la signification des exploits. Un tribunal n’est saisi que si le
défendeur a été atteint de façon régulière par l’huissier instrumentaire.
Il existe six modes de signification tels que réglementés par les
articles 3 à 8 du code de procédure civile. Il s’agit de la signification à
personne, la signification à domicile, la signification à voisin ou à
l’autorité administrative, la signification par lettre missive, la
signification par édit et missive et la signification par édit et
publication.

1. La signification à personne
La signification à personne consiste pour l’huissier à remettre
l’exploit entre les mains du destinataire, quelque soit l’endroit où se
trouve ce dernier. Le refus pour le destinataire de signer ou de
recevoir l’exploit qui lui signifié n’affecte pas la validité de la
signification. En raison du caractère authentique des actes d’huissiers,
les mentions que l’huissier instrumentaire porte sur l‘assignation, ainsi
que sa note précisant les circonstances dans lesquelles la signification
a été faite, font foi sauf preuve littérale contraire.

99
2. La signification à domicile69
La signification est dite à domicile lorsqu’elle est,
conformément au premier alinéa de l’article 4 du code de procédure
civile, faite au domicile du destinataire, entre les mains d’un parent,
allié, maître ou serviteur. On ne peut procéder à la signification à
domicile que lorsque, se trouvant au domicile ou à la résidence du
destinataire de l’exploit, l’huissier ne l’y trouve pas. Dans ce cas, il est
tenu de préciser la circonstance de la signification. L’huissier doit
mentionner d’une part, n’avoir pas trouvé le destinataire de l’exploit,
et d’autre part, indiquer la qualité de la personne à qui il a remis celui-
ci.
La signification à domicile peut être faite aussi bien au
domicile réel qu’au domicile élu du destinataire de l’exploit.
L’huissier ne peut cependant pas supposer une élection de domicile. Il
ne peut pas se contenter des déclarations faites par le demandeur pour
conclure à l’existence d’une élection de domicile faite par le
défendeur. Cette dernière devant être expresse, l’huissier ne peut
signifier à un domicile élu que lorsqu’il détient une preuve écrite de la
dite élection. Faute d’une telle preuve, la déclaration mise sur l’exploit
faisant allusion à l’existence d’une élection de domicile non prouvée,
est une fausse déclaration, pouvant donner lieu à des poursuites
pénales.
L’article 4 du code de procédure civile indique les personnes
auxquelles l’exploit peut être remis lorsqu’une signification est faite à
domicile. Il s’agit des parents, alliés, maître ou serviteur. L’huissier
qui procède à ce mode de signification mentionne qu’il n’a pas trouvé
la personne visée, et indique le nom et la qualité de la personne à qui
l’exploit est remis.

69
La notion de domicile est prise dans son sens général, incluant la
résidence.

100
* Le domicile des personnes morales
Le code de procédure civile contient à son article 8 des
règles permettant de déterminer le domicile des personnes
morales.
Ainsi :
- la République peut être assignée aux bureaux du Président
de la république ou aux bureaux du gouverneur de la
province où siège le tribunal Saisi ;
- les administrations dotées de personnalité civile, ainsi que
les établissements publics sont assignés dans leurs
bureaux, leurs sièges ou en la personne ou aux bureaux de
leurs préposés ;
- les sociétés commerciales sont assignées quant à elles, à
leur siège social, à leur succursale ou siège d’opération.
Elles peuvent aussi être assignées en la personne ou au
domicile de l’un des associés, lorsqu’il n’y a pas de siège.
L’inexistence du siège peut être établie dans la note
d’huissier qui la constate.
3. La signification à voisin ou au chef de la circonscription
administrative ou coutumière
Lorsque l’huissier ne trouve au domicile du destinataire
aucune des personnes énumérées par le premier alinéa l’article 4 du
code de procédure civile, la signification peut être faite entre les mains
d’un voisin. L’huissier doit préciser cette circonstance. S’il n’y a pas
de voisin, ou dans le cas où aucun voisin n’accepte de réceptionner
l’exploit, ce dernier peut être remis à une autorité administrative ou
coutumière du domicile du destinataire. Cette dernière se chargera de
le faire parvenir. Dans ce cas, le juge, pour assurer du respect des
droits de la défense, doit s’assurer que le destinataire de l’exploit a été
effectivement atteint.

101
4. La signification par lettre missive
Conformément à l’article 6 du code de procédure civile, un
exploit peut être signifié par lettre en recourant à deux modalités : soit
la voie postale, soit le recours à un messager ordinaire. Par voie
postale, la signification se fait par lettre envoyée par la poste sous pli
fermé à découvert, et recommandé. Dans ce cas, la date de
signification est déterminée par le récépissé de la poste. Par
messager, la signification se fait par lettre sous pli fermé à découvert,
avec remise de récépissé signé par le destinataire ou par l’une des
personnes énumérées au premier alinéa de l’article 4 du code de
procédure civile.
5. La signification par édit et missive

Ce mode de signification est prévu par le premier alinéa de


l’article 7 du code de procédure civile. On y recourt lorsque le
destinataire de l’exploit a une adresse connue à l’étranger, sans en
avoir une en RDC. Dans ce cas, la signification se fait par l’affichage
d’une copie de l’assignation à la porte du tribunal (édit), et l’envoi
d’une autre copie par voie postale sous pli fermé à découvert à
l’adresse du destinataire(missive). Notons cependant que même
lorsqu’une partie réside à l’étranger, l’huissier peut procéder à la
signification à personne s’il la trouve sur le territoire congolais.

6. La signification par édit et publication

Cette signification se fait par l’affichage d’une copie de


l’assignation à la porte principale du tribunal d’une part, et la
publication dudit exploit au journal officiel, d’autre part. On y recourt,
aux termes du deuxième alinéa de l’article 7 du CPC, lorsque le
destinataire n’a de domicile connu ni en RDC, ni à l’étranger. Comme
dans le cas de la signification par édit et missive, la signification à
personne n’est pas exclue si l’huissier rencontrait le défendeur sur le
territoire congolais.

102
D. Le délai d’assignation
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, le délai
d’assignation est de huit jours francs. A ce délai s’ajoute celui de
distance pour ceux qui ont des domiciles ou résidences en RDC, en
dehors du ressort du tribunal saisi. Le délai de distance est d’un jour
par cent kilomètres à vol d’oiseau. A l’égard des personnes n’ayant
pas de résidence ou de domicile connu en RDC, le délai d’assignation
est de trois mois sans qu’il ne soit possible d’appliquer le délai de
distance.
E. Le moment et lieu de la signification
La loi n’indique pas l’endroit où la signification doit être
faite. Elle se contente de prescrire que dans le cas où cet endroit
n’est pas ouvert au public, la signification ne peut être faite avant
six heures du matin et après sept heures du soir. On peut ainsi
déduire que lorsque l’endroit est ouvert au public, la signification
peut être faite à n’importe quelle heure.

F. La sanction du non-respect du délai d’assignation


Aux termes de l’article 198 du code de procédure civile, lorsque le
délai d’assignation n’a pas été respecté, le tribunal se déclarera non
saisi et le demandeur est tenu de régulariser la procédure en faisant
signifier une nouvelle assignation. L’irrégularité résultant du non-
respect du délai peut être couverte par la comparution volontaire des
parties.
§2. La requête
La requête est l’acte par lequel une partie forme une demande
dans les procédures non contradictoires spécifiées par la loi 70. Par la
requête, la partie requérante, de façon motivée, sollicite du juge une
70
Cette définition traditionnelle de la requête ne renferme plus exactement la réalité dans la mesure où, il existe
plusieurs hypothèses où la saisine du tribunal est faite par voie de requête alors que la procédure qui s’en suit est
contradictoire. Tel est le cas de la requête saisissant le tribunal de travail, ou celles prévues dans le cadre des
difficultés d’exécution.

103
décision d’autorité contenue dans une ordonnance. Dans certains cas
cependant, le juge rend un jugement en réponse à une demande
formulée par voie de requête. C’est le cas en matière de jugement
supplétif d’acte de l’état civil. D’ailleurs, l’article 26 de la loi relative
aux tribunaux de travail prévoit que celui-ci doit être saisi par voie de
requête, alors que l’instance ainsi ouverte se termine par un jugement.
§3. La comparution volontaire des parties
La comparution volontaire consiste pour les parties à se
présenter de façon spontanée et volontaire devant le juge sans y avoir
été contraint par un exploit. Elle suppose au préalable, un accord entre
les parties. La comparution volontaire est faite par une déclaration
signée par les parties, ou actées par le greffier. Aux termes de l’article
12 du code de procédure civile, les parties qui comparaissent
volontairement peuvent donner au tribunal le pouvoir de statuer en
dernier ressort.

§4. Les conclusions des parties

Les conclusions sont des écrits dans lesquels les parties


exposent leurs prétentions. Elles contiennent leur l’identité, celle de
leurs conseils respectifs, l’identité de la cause, les faits de celle-ci, les
moyens de droit, ainsi que le dispositif. C’est par voie de conclusions
que les demandes incidentes sont introduites à l’instance.

§5. La plainte

La plainte est le mode de saisine des juridictions coutumières.


La loi du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l’ordre judiciaire ne fait aucune
allusion aux juridictions coutumières. D’où le peu d’intérêt qu’il y a à
analyser comment celles-ci doivent être saisies.

104
Section 2. La mise au rôle et le dossier de la procédure

§1. Le rôle général

A. La définition

Le rôle général est un registre tenu au greffe de chaque juridiction,


dans lequel les affaires sont répertoriées suivant des numéros. Ceux-ci
sont attribués d’après l’ordre d’arrivée. Il est procédé en début de
l’année judiciaire à l’appel du rôle général au cours d’une ou plusieurs
audiences spéciales. Au cours de l’année judiciaire, les parties
recourent à un exploit appelé « A-venir simple » pour faire sortir les
affaires qui ont été renvoyées au rôle général, et les faire ainsi inscrire
sur le rôle à plaider. L’A-venir peut être fait avec sommation
lorsqu’après avoir reçu communication des pièces, une partie néglige
de prendre ses conclusions.

A. Les sortes de rôles en droit privé

1. Au premier degré
a) Devant les juridictions civiles et du travail nous avons :
- le rôle civil (RC) ;
- le rôle des affaires du travail (RAT) ;

b) Devant le tribunal de commerce on a le rôle des affaires


commerciales et économique (RCE).

2. Au second degré

- Le rôle civil ainsi que le rôle des affaires commerciales et


économiques deviennent, en Appel, rôle civil en appel (RCA).
- En matière de travail, il y a le rôle du travail en Appel (R.T.A).

105
3. Au niveau de la cour de cassation
Au moment de l’installation effective de la cour de cassation, nous
estimons que pour ce qui concerne le droit privé, il y aura un rôle pour
chaque chambre de la cour. Au niveau de la cour suprême de justice
(qui fait office de cour de cassation), nous avons les rôles ci-après
pour de questions de droit privé :
- rôle civil (RC), pour les pourvois introduit en matière civile ;
- rôle des affaires de renvoi (RR), pour les causes en renvoi de
juridiction ;
- rôle des affaires de prise à parties (RPP).

§2. L’extrait du rôle


L’extrait est la liste établie chaque jour de l’audience par le
greffier. Cette liste reprend toutes les affaires qui doivent être appelées
à l’audience du jour indiqué. L’extrait est affiché aux valves à l’entrée
du tribunal.

Section 3. La consignation des frais, le non


procéder et la radiation

§1. La consignation des frais

L’inscription au rôle est conditionnée par le paiement d’une


somme fixée par le greffier et destinée à couvrir les frais nécessités
par l’instance. Il s’agit de la consignation des frais prévue par
l’article 144 du code de procédure civile. Si le demandeur conteste la
hauteur des frais de consignation telle que fixée par le greffier, le
président de la juridiction est appelé à trancher en taxant le montant
qui convient. Si celui-ci s’avère insuffisant au cours de l’instance, la
consignation peut être majorée.

106
§2. Le non procéder et la radiation

Le non procéder est la sanction qui frappe le défaut de


consignation. Prévu par l’article 145 du code de procédure civile, il
consiste pour le tribunal à ne poser aucun acte se rapportant à une
cause pour laquelle aucune consignation n’a été payée. En fait, le
tribunal ignore toute affaire dont la consignation n’a pas été payée. Il
va donc de l’intérêt du demandeur de veiller que la preuve de
paiement de la consignation soit versée au dossier.
Par radiation, il faut entendre la sanction consistant à effacer une
affaire du rôle, lorsque le demandeur refuse de suppléer à une
consignation qui s’est avérée insuffisante.

Il est important de distinguer la radiation, du non procéder.


Une cause qui a fait objet d’un non procéder peut revenir au rôle
aussitôt que les frais seront consignés. Il suffira pour le demandeur de
faire notifier au défendeur une nouvelle date d’audience. Une cause
radiée est quant à elle éteinte. Elle ne peut revenir que sur une
nouvelle assignation et donc, après paiement d’une nouvelle
consignation. Elle aura un nouveau numéro de rôle.
La différence entre ces deux notions présente un intérêt d’ordre
procédural. En cas de non procéder, c’est la date à laquelle
l’assignation a été instrumentée qui constitue le point de départ de
l’instance, même si le paiement des frais de consignation est effectué
ultérieurement. Alors que lorsqu’une affaire a été radiée, le point de
départ de l’instance sera la date de la nouvelle assignation. Cette
distinction peut s’avérer déterminante lorsqu’on est en présence des
actions soumises à des délais.

§3. La délivrance des pièces en débet

L’article 146 du code de procédure civile reconnait au


président d’une juridiction le pouvoir, après avoir constaté
l’indigence du requérant, d’accorder à celui-ci, par voie

107
d’ordonnance, une dispense totale ou partielle de paiement des frais.
Dans son appréciation de l’indigence, le président est tenu d’observer
les règles fixées par les articles 33 à 36 de l’arrêté d’organisation
judiciaire n° 29/79 du 20 août 1979, portant règlement intérieur des
cours et tribunaux, lesquelles se présentent de la manière suivante :

- l’indigence d’un fonctionnaire, d’un militaire ou d’un agent de


l’administration publique est appréciée sur la base des
accréditifs relatifs au traitement du dernier trimestre précédant
l’introduction de la requête ;
- l’indigence des agents des sociétés paraétatiques et des
sociétés privées, s’apprécie d’après les fiches de paie relatives
au salaire du trimestre qui précède l’introduction de la
requête ;
- l’indigence d’un commerçant ou d’une personne exerçant une
profession libérale, s’apprécie sur base du document de
déclaration ou de paiement d’impôts sur les revenus relatifs à
l’exercice fiscal précédant l’introduction de la requête ;
- l’indigence d’une personne sans emploi ou de toute personne
ne rentrant dans aucune des catégories ci-dessus s’apprécie sur
la base d’une attestation d’indigence délivrée par les autorités
administratives constatant qu’il s’agit de justiciables sans
emploi ou ne rentrant dans aucune des catégories précitées.

Section 4. Le dossier de procédure

Dès l’inscription d’une affaire au rôle, le greffier ouvre un


dossier sur lequel il est inscrit le numéro de l’affaire et les noms des
parties. Il y sera porté toutes les dates d’audience. Le dossier peut être
consulté par les parties, le Ministère public et le juge. L’assignation en
constitue le premier élément.
Dans le dossier seront versées, en originales ou en copies certifiées
conformes, toutes les pièces des parties.

108
Section 5. La comparution personnelle des parties et la
représentation

§1. Le principe en matière de comparution

La comparution personnelle est un droit. Les parties sont


libres de se présenter personnellement devant le juge ou de se faire
représenter. Cependant, l’article 49 du code de procédure civile
reconnaît au juge le pouvoir d’ordonner la comparution personnelle
d’une partie. Dans ce cas, le défaut de comparaître personnellement
est sanctionné par l’article 58 du même code. Celui-ci donne au juge
la possibilité de tirer toute conséquence de droit, notamment,
considérer que le refus de comparaître est un commencement de
preuve littérale.

* La comparution personnelle des personnes morales et des


administrations publiques

La comparution personnelle d’une personne morale se fait,


conformément au premier alinéa de l’article 57 du code de procédure
civile, par un préposé muni d’une procuration spéciale, ou par un
membre de l’organe de gestion désigné par celui-ci ou ayant, en vertu
de la loi ou des statuts, qualité pour représenter la personne morale
concernée. Les administrations publiques quant à elles, comparaissent
par les agents habilités par la loi pour les représenter, ou par des
mandataires munis d’un pouvoir spécial.

Le juge peut ordonner la comparution des administrateurs et agents


nommément désignés par lui pour être interrogés sur des faits qui leurs sont
personnels ou qu’ils ont connus en raison de leurs fonctions. Dans ce cas, il
ne s’agit pas de la comparution de l’administration, car ainsi appelées, ces
personnes ne représentent pas l’administration visée par l’action.

109
§2. La représentation

En cas de représentation, le représentant doit être muni d’une


procuration lui conférant le pouvoir d’agir pour le compte de la partie
représentée. Le mandat ainsi conféré peut être général ou spécial. Il est dit
général lorsqu’il est exprimé en des termes généraux conférant au
représentant le pouvoir de poser n’importe quel acte relativement à l’affaire.
Le mandat est dit spécial, lorsqu’il confère le pouvoir de poser un acte bien
spécifique71. Dans certains cas, la loi exige un mandat spécial pour la
validité d’une représentation. C’est notamment le cas pour interjeter appel,
pour désister ou acquiescer.

Le monopôle de la représentation devant les instances judiciaires est


attribué aux avocats, aux défenseurs judiciaires, ainsi qu’aux mandataires de
72
l’Etat. . Cette représentation n’est pas obligatoire, les parties ayant la
liberté de comparaître personnellement. Toutefois, les articles 2 et 59 de la
loi du 19 février 2013 relative à la procédure devant la cour de cassation
rendent obligatoire la représentation en matière de cassation et en matière de
prise à partie. Ces dispositions prévoient que le pourvoi ainsi que la requête
en prise à partie doivent être signés par un avocat près la cour de cassation.

71
Le caractère spécial d’une procuration n’est pas exclusif, dans ce sens que la procuration qui donne le pouvoir exigé
peut, en même temps, contenir d’autres pouvoirs donnés au mandataire. Ce qui importe est que le pouvoir d’accomplir
l’acte dont le mandat spécial est exigé apparaisse sans équivoque.
72
A ce jour, le corps des mandataires de l’Etat n’a toujours pas été organisé.

110
Chapitre 4. L’INSTRUCTION DE LA CAUSE

Section 1. Les règles relatives à l’instruction : les remises

Les règles qui régissent l’instruction de la cause sont contenues


aux articles 27 et suivants de l’arrêté d’organisation judiciaire
n° 299/79 du 20 août 1979, portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquets. L’article 27 de ce texte pose la règle selon
laquelle les affaires sont appelées, instruites, plaidées et jugées à
l’audience déterminée dans l’exploit introductif, sauf remise pour
juste motif ou prise en délibéré pour le prononcé ultérieur de l’arrêt ou
du jugement.

Lorsqu’une affaire n’est pas en état d’être plaidée ou jugée, les


parties peuvent obtenir des remises de la manière ci-après :

- la première remise est destinée à mettre l’affaire en état, elle est


accordée pour une durée maximale d’un mois ;

- une deuxième remise peut exceptionnellement être accordée pour


une durée maximale de quinze jours renouvelable une fois ;

- Si, à l’expiration du délai de la troisième remise l’affaire n’est


toujours pas en état, il n’y aura aucune autre remise sans
l’autorisation du président de la juridiction73, lequel est, dans ce
cas, saisi par requête et pour un cas de force majeure.

73
Cette exigence est souvent violée dans la pratique congolaise où une affaire peut donner lieu même jusqu’à dix
remises.

111
Section 2. La communication des pièces et des conclusions

§1. La notion de communication

La communication des pièces et des conclusions procède du


principe du contradictoire posé par l’article 15 du code de procédure
civile. Elle consiste pour les parties à mettre à la disposition de l’une
et de l’autre, des pièces et moyens sur lesquels elles fondent leurs
prétentions respectives. L’exigence de la communication permet aux
parties d’être en état de se présenter au procès en ayant connaissance
de tous les éléments qui se rapportent au dossier. Elle assure ainsi le
respect des droits de la défense et la loyauté des débats.

§2. Les formes et délai de la communication


Aux termes de l’article 29 de l’arrêté d’organisation judiciaire
n° 299-79, la communication peut être faite soit directement entre
parties ou par le biais de leurs avocats, ou soit par voie de greffe. On
recourt à la communication par voie de greffe lorsque l’une des parties
n’a pas de conseil. Pour autant que possible, la communication doit
être faite au moins trois jours avant l’audience.
Lorsque les conclusions sont faites verbalement, la partie
adverse peut solliciter une remise pour y répondre. L’on considère
cependant que la communication est réalisée si, à l’audience, une
partie réplique aux moyens qui ne lui ont pas été préalablement
communiqués, étant donné que dans ce cas, les débats sont
contradictoires.
Section 3. L’instruction contradictoire

§1. L’allégation des faits et l’interrogatoire des parties

L’allégation des faits consiste pour les parties à faire l’exposé


des faits qui sont à la base de leurs prétentions respectives. Les parties
peuvent être interrogées séparément ou en présence l’une de l’autre.

112
Dans tous les cas, elles doivent être confrontées. Dans la pratique
judiciaire congolaise, rares sont les cas où les juges interrogent les
parties. Ils se contentent, parfois en dormant, à écouter l’exposé des
faits au cours de la plaidoirie.

§2. Les différentes mesures d’instruction


A. L’enquête

1. La notion de l’enquête
L’enquête est la procédure au cours de laquelle sont
auditionnées les dépositions des témoins. Elle peut être sollicitée
lorsque les allégations faites par les parties ne permettent pas
d’éclairer le tribunal pour établir la vérité.
La procédure d’enquête n’est pas automatique, elle doit être ordonnée
par un jugement avant dire droit. La partie qui la sollicite doit articuler
les faits qui en feront l’objet et qui doivent être précis, pertinents et
concluants. La précision s’oppose au fait d’amener aux débats des
faits de façon désordonnée, ou approximative. Ceux-ci doivent être
clairement désignés. La pertinence est le rapport que l’on doit avoir
entre les faits à prouver et l’objet du litige. L’enquête ne saurait être
ordonnée lorsque les faits n’ont rien à voir avec les prétentions des
parties. Exiger que les faits de l’enquête soient concluants signifie que
ceux-ci doivent être probants, de sorte qu’ils soient de nature à
amener à la solution du litige qui oppose les parties.
2. La procédure de l’enquête
Aux termes de l’article 30 du code de procédure civile, un
jugement avant dire droit ordonne l’enquête. Il contient l’objet du
litige, les faits à prouver, les lieux, jour et heure où l’enquête aura lieu.
Une assignation est faite aux témoins dans les formes ordinaires.
Avant de faire leurs dépositions, les témoins prêtent le serment
suivant : « je jure de dire la vérité et rien que la vérité ». Ils sont
entendus séparément. Ils peuvent, en cas de contradiction, être
confrontés.

113
3. Le défaut du témoin

Un témoin régulièrement assigné qui fait défaut, peut être


condamné à une amende. Il peut en suite être réassigné à ses frais
après cette condamnation. En cas de défaut après la réassignation, le
témoin est à nouveau condamné à une amende supérieure à la
première. Il peut dans ce cas, faire l’objet d’un mandat d’amener. Il
n’y aura ni condamnation, ni mandat d’amener lorsque le témoin
défaillant justifie son défaut.
Le juge, lorsqu’un témoin est dans l’impossibilité de se présenter au
jour indiqué, peut accorder un délai pour recevoir la déposition de ce
dernier sur place.

4. L’audition à titre de renseignant

Les personnes ayant un lien de parenté ou d’alliance avec l’une


des parties ne sont pas admises à être auditionnées comme témoins.
Elles ne peuvent être entendues qu’à titre de renseignant. Dans ce
cas, elles ne prêtent pas serment.

A. L’expertise

1. La notion d’expertise

L’expertise est la mesure d’instruction qui consiste à faire


examiner les faits du litige à l’analyse d’un homme de l’art (expert)
pour pouvoir les élucider. Appelé à trancher des litiges relevant de
n’importe quel domaine de la vie sociale, le juge ne dispose pas
toujours des connaissances techniques nécessaires pour la maîtrise de
chaque domaine. D’où, l’intérêt, lorsque cela s’avère nécessaire, de
recourir à l’intervention des spécialistes pour éclairer le tribunal.

114
2. La procédure

L’expertise est ordonnée soit d’office, ou à la demande des


parties, par un jugement avant dire droit contenant les noms des
experts ainsi que leur mission. La procédure est menée par un ou trois
experts nommés par le tribunal suivant le choix qu’il fait, ou la
convention des parties. Le greffier informe chaque expert de sa
désignation, de sa mission et du délai qui lui est imparti. Dans les
quinze jours suivant cette information, l’expert doit, par lettre
recommandée à la poste, aviser chacune des parties des lieux, jour et
heure où il commencera ses opérations. Les parties pourront
comparaître aux opérations d’expertise volontairement et sans
formalité. Lorsqu’elles ne sont pas avisées, les parties s’accorderont
pour nommer un autre expert. A défaut de l’accord, la nomination sera
faite par le tribunal sur requête de la partie la plus diligente. L’expert
qui ne remplit pas sa mission s’expose à une condamnation aux frais
frustratoires, et même à des dommages-intérêts s’il y a lieu.

Lorsque la procédure est menée par plusieurs experts, ceux-ci ne


dressent qu’un seul rapport à la majorité des voix. S’il y a des avis
différents, le rapport mentionne les motifs de chacun, sans faire
connaître l’avis personnel de chaque expert.
Le rapport est signé par tous les experts, sauf empêchement constaté
par le greffier au moment de son dépôt. Si les experts ne savent pas
tous écrire, le rapport est écrit et signé par le greffier. La signature des
experts est précédée du serment : « Je jure que j’ai rempli ma mission
en honneur et conscience, avec exactitude et probité ».

4. Le pouvoir et la valeur de l’avis de l’expert

Le rôle de l’expert consiste à donner un avis technique sur des


questions qui lui sont soumises eu égard à sa spécialité.
Cet avis ne lie pas le juge. Celui-ci l’apprécie souverainement. La
partie qui conteste les résultats de l’expertise peut solliciter une contre
expertise.

115
L’article 44 du code de procédure civile donne au juge le
pouvoir de conférer aux experts la mission de concilier les parties.
Dans ce cas, ceux-ci sont appelés des arbitres rapporteurs, appellation
à ne pas confondre avec les arbitres désignés dans le cadre de la
procédure de l’arbitrage, telle que nous le verrons plus loin.

5. Les honoraires des experts

L’expert doit au préalable faire connaître la hauteur de ses


honoraires. C’est la partie qui requiert l’expertise qui en est débitrice.
Cependant, toutes les parties sont débitrices des honoraires lorsque
l’expertise est ordonnée d’office.

B. La visite des lieux

La visite des lieux est la mesure d’instruction consistant pour le


juge d’aller constater la matérialité des faits soumis à son examen, sur
les lieux de leur survenance. Elle est ordonnée, même d’office, par un
jugement avant dire droit. Lorsque le tribunal comprend plusieurs
juges, un seul peut être commis à descendre sur les lieux. Dans ce cas,
ce magistrat doit participer à l’audience du jugement. Rien n’exclut
cependant que tout le siège procède à la visite des lieux.

C. Le Serment

Le serment est ordonné par un jugement qui énonce les faits sur
lesquels il portera et fixe l’audience à laquelle il sera prêté. Il ne peut
être admis que s’il est prêté par la partie elle-même, ou par un avocat
muni d’une procuration spéciale. La partie qui prête serment gagne le
procès, car, ce serment est « litis décisoire » ; c’est-à-dire que de lui
dépend la solution du litige.

116
§3. L’Administration de la preuve

A. Définition de la preuve

La preuve est l’acte ou le fait qui établit l’existence d’un fait ou


d’un acte allégué par une partie. L’analyse des différents moyens de
preuve relève du droit civil. Le droit judiciaire n’aborde la question de
la preuve que dans la perspective de son administration.

A. La charge de la preuve

La charge de la preuve d’un fait ou d’un acte pèse sur celui


qui l’allègue. Ce principe est posé par l’article 197 du code civil
livre III qui exprime l’adage « actori incubit probatio ».
Il appartient donc à celui qui allègue un fait d’en apporter la
preuve. Ce principe connaît cependant une exception posée par
le deuxième alinéa du même article, lequel impose à celui qui se
prétend libéré d’une obligation d’apporter la preuve de
libération. Plus généralement, cette exception indique que le
défendeur qui soulève une exception, doit en apporter la preuve,
car il est demandeur sur exception.
B. Le Pouvoir du juge dans l’administration de la preuve

Le juge dispose d’un pouvoir étendu en matière d’instruction et ce,


malgré le principe dispositif. C’est ainsi qu’il peut d’office ordonner
une enquête, une expertise, une descente sur les lieux… Ce pouvoir ne
signifie nullement qu’un juge peut rechercher lui-même les moyens de
preuve. Dans tous les cas, la charge de la preuve, même lorsqu’une
mesure d’instruction est ordonnée d’office, pèse toujours sur le
demandeur.

117
Section 4. Les incidents de procédure

On désigne par incidents l’ensemble des faits et actes qui affectent


le cours de l’instance. Dans un sens plus restreint, le concept incident
désigne toute procédure greffée sur une instance principale74.
Les incidents sont liés soit à la compétence, soit à la juridiction et aux
magistrats, soit encore, et soit enfin, à l’extinction de l’instance.

Les incidents de procédure n’ont aucun effet sur la compétence


matérielle du tribunal. En effet, aux termes de l’article 143 de la loi du 11
avril 2013, le tribunal compétent pour connaître de la demande, l’est
également à l’égard de tous les incidents. Ainsi, sauf lorsqu’il s’agit d’une
question préjudicielle, le juge de l’action est de façon automatique juge de
l’incident.

§1. Les incidents liés à la compétence

Quatre incidents se rapportent à la compétence : l’exception


d’incompétence, l’exception de litispendance, la connexité et le
règlement des juges.

A. L’exception d’incompétence ou le déclinatoire de compétence

L’exception déclinatoire de compétence consiste pour le défendeur


à denier à la juridiction saisie la compétence de connaître du litige en
cause. Cette exception doit être soulevée « in limine litis », c’est-à-
dire avant toute défense au fond. La compétence étant une matière
d’ordre public, le juge peut d’office soulever l’exception
d’incompétence. Dans tous les cas, après avoir vérifié sa saisine, le
tribunal est tenu de vérifier sa compétence.

74
CORNU(G) op cit, p531.

118
A. La litispendance

Il y a litispendance lorsqu’une même demande ayant le même


objet, la même cause et les mêmes parties agissant en même qualité,
est formée devant plusieurs juridictions compétentes. La solution de la
litispendance est donnée à l’article 145 de la loi portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire,
qui fixe les règles et l’ordre ci-après.

1. La juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la


juridiction saisie en premier ressort.

2. La juridiction qui a rendu sur l’affaire une disposition autre


qu’une disposition d’ordre intérieur est préférée aux autres.

3. La Juridiction saisie la première est préférée aux autres.

B. La connexité

Il y a connexité lorsque plusieurs demandes ont des liens étroits,


qu’il y a intérêt, pour une bonne administration de la justice, à les
examiner ensemble. A titre illustratif, on peut considérer le cas d’une
action en paiement de la pension alimentaire introduite contre un père
qui est pendante au même moment avec l’action en contestation de
paternité liée au même fils initiée par le père. Dans ce cas, pour une
bonne administration de la justice, il est préférable, en raison des liens
qui existent entre ces deux causes, de les juger au même moment.

La connexité n’entraîne cependant pas la fusion des causes, celles-


ci gardent leur autonomie. Lorsque les liens entre les causes connexes
sont tels qu’il est impossible de les juger séparément, on parle alors de
l’indivisibilité.

119
Deux éléments distinguent la connexité de la litispendance. D’une
part, la connexité met en présence plusieurs demandes distinctes alors
que pour la litispendance, il n’y a qu’une seule demande. D’autre part,
la connexité ne suppose pas nécessairement plusieurs juridictions,
alors qu’on ne peut parler de litispendance que lorsqu’il y a au moins
deux tribunaux saisis.

C. Le règlement de juges

Le règlement des juges consiste à trancher un conflit de


compétence entre deux ou plusieurs juridictions statuant en dernier
ressort, qui se déclarent compétentes ou incompétentes pour connaître
d’une même demande entre les mêmes parties. C’est la cour de
cassation qui est compétente en matière de règlement des juges. Elle
statue à la requête de toutes les parties à la cause, ou du ministère
public.

Le règlement des juges apparaît comme étant un cas de


litispendance devant des juridictions statuant en dernier ressort. En
effet, il s’agit bien d’un cas où deux juridictions sont saisies d’une
même affaire entre les mêmes parties. C’est peut-être pour cette raison
qu’à ce jour, la cour suprême de justice n’a rendu aucune décision sur
cet incident. Il y a lieu de penser que les cas qui peuvent s’être
présentés aient été réglés suivant les règles applicables en matière de
litispendance.
§2. Les incidents liés au magistrat et à la juridiction de jugement

Trois incidents peuvent affecter le magistrat ou la juridiction. Il


s’agit de la récusation, du renvoi de juridiction et de la composition
irrégulière du siège.

120
A. La récusation

1. La notion de récusation

La récusation est la procédure par laquelle un plaideur refuse


d’être jugé par ou en présence d’un juge ou d’un arbitre dont il
conteste l’impartialité75. Ainsi, toute partie a le droit d’écarter du
siège, pour le jugement de son procès, un juge dont la partialité est
légalement suspectée. La récusation est donc un incident dirigé contre
la personne d’un juge.

2. Les causes de récusation

Les causes de récusation sont limitativement énumérées par


l’article 49 de la loi du 13 avril 2013. Il s’agit de :

- l’existence d’un intérêt personnel du juge ou de son conjoint


dans l’affaire ;

- l’existence d’un lien de parenté ou d’alliance directe ou


collatérale jusqu’au troisième degré entre le juge ou son
conjoint et les parties, leurs avocats ou mandataires ;

- l’existence d’une amitié entre le juge et l’une des parties ;

- l’existence d’une dépendance étroite à titre de domestique, de


serviteur ou d’employé entre le juge et les parties ;

- l’existence d’une inimitié grave entre le juge et l’une des


parties ;

75
Idem p867

121
- l’existence d’un avis antérieur que le juge a déjà donné dans
l’affaire ;
- l’existence d’une intervention précédente du juge dans l’affaire
en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert, d’agent de
l’administration, d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
- l’existence d’une intervention précédente du juge dans l’affaire
en qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier du
ministère public.

L’article 56 de la loi portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l‘ordre judiciaire impose au juge qui
se retrouve dans l’un des cas prévus pour la récusation de quitter le
siège, de se déporter.

3. La procédure de récusation

La partie récusante fait acter sa déclaration motivée au greffe


de la juridiction saisie du litige. Celui-ci notifie cette déclaration au
président de la juridiction et au juge mis en cause. Ce dernier doit,
dans un délai de deux jours de la notification, présenter ses moyens de
défense dans une déclaration verbale ou écrite. La juridiction statue
sur la récusation toutes affaires cessantes, la partie récusante entendue.
Le juge mis en cause par la récusation ne peut faire partie du siège qui
statue sur celle-ci.

4. Les effets de la récusation

Lorsque la récusation est fondée, le juge récusé quitte le siège et


encourt en outre une sanction disciplinaire. Si par contre elle n’est pas
fondée, le juge mis en cause peut, par une action reconventionnelle,
postuler aux dommages – intérêts. Les jugements rendus sur
récusation sont susceptibles d’appel. Lorsque le jugement qui rejette la
récusation est confirmé en appel, le requérant peut être condamné à
une peine d’amende de cinq cents mille francs.

122
A. Le renvoi de juridiction

1. La définition

Le renvoi est le fait pour une juridiction de se dessaisir d’une


cause au bénéfice d’une autre, soit pour cause de sûreté publique, ou
soit après avoir été légitimement suspectée par une partie. A la
différence de la récusation, le renvoi vise toute la juridiction et non un
juge pris individuellement.

2. La juridiction compétente pour ordonner le renvoi

En vertu de l’article 60 de la loi du 11 avril 2013 relative à


l’organisation, au fonctionnement et à la compétence des juridictions
de l’ordre judiciaire, le tribunal de grande instance examine les
demandes de renvoi pour les affaires soumises à l’examen d’un
tribunal de paix de son ressort, la cour d’appel le fait pour des cas qui
relèvent des tribunaux de grande instance de son ressort. La cour de
cassation quant à elle, peut procéder au renvoi d’une affaire d’une
cour d’appel à une autre, ou d’une juridiction du ressort d’une cour
d’appel vers une autre juridiction de même rang, du ressort d’une
autre cour d’appel.

3. La procédure de renvoi de juridiction


a. La requête et le donné acte
Pour cause de sûreté publique, le renvoi est demandé par une
requête du procureur général près la cour de cassation ou de l’officier
du ministère public près la juridiction saisie. En cas de renvoi pour
cause de suspicion légitime, la requête est introduite par la partie qui
remet en cause l’impartialité de la juridiction.

La juridiction saisie par la requête donne acte du dépôt de la


requête. Sur production de ce donné acte, la juridiction saisie du fond

123
ordonne la surséance. Elle ne reprendra l’instruction que si la requête
en renvoi de juridiction est rejetée.
b. La notification de la date d’audience et déroulement des
débats

La notification de la date d’audience est faite à toutes les parties


dans les formes ordinaires. A l’audience, la partie requérante expose
ses moyens, la partie adverse présente ses observations et le ministère
public donne son avis.
La procédure de renvoi vise une juridiction et non la partie à laquelle
le requérant est opposée. Celle-ci est cependant admise à faire des
observations. C’est pourquoi le requérant est tenu de notifier la date
d’audience à toutes les parties qui sont devant la juridiction suspectée.

c. Les effets du renvoi de juridiction

Si la demande de renvoi est fondée, une copie de la décision sera


transmise au greffe de la juridiction saisie du fond et à celui de la
juridiction de renvoi. Si par contre la demande est rejetée, l’instance
reprendra devant la juridiction saisie du fond, à la suite d’une
notification de la date d’audience faite à la demande de la partie la
plus diligente. Cela suppose que la décision de rejet soit préalablement
signifiée à toutes les parties.

B. La composition irrégulière de la juridiction

Un jugement ne peut être rendu que par une juridiction régulièrement


composée, dont le siège est constitué d’un nombre des juges conforme à la
loi. Les cas suivants constituent des situations où la composition de la
juridiction est irrégulière :

- le cas où un tribunal siège avec plus de juges que le nombre requis ;


- le cas où un tribunal siège avec moins de juges que requis ;

124
- le cas où un tribunal prononce le jugement avec le nombre requis des
juges, mais parmi lesquels certains n’ont pas participé aux débats76.

§3. Les incidents d’instance

Quatre incidents sont liés à l’instance : la jonction, la disjonction,


l’interruption ainsi que la suspension de l’instance.
A. La jonction

On entend par jonction, l’incident qui consiste pour le tribunal à


décider de juger au même moment plusieurs demandes connexes. La
jonction est ordonnée par le juge, soit d’office, soit à la demande de
l’une des partie. Elle n’est possible que lorsque les affaires connexes
se trouvent au même degré de juridiction et au même stade de
procédure. La jonction n’entraîne pas la fusion des causes concernées,
celles-ci gardent leur autonomie, de sorte que le juge est tenu de
répondre à chacune des demandes.
B. La disjonction

A l’inverse de la jonction, la disjonction est l’incident qui consiste


pour le tribunal à ordonner que plusieurs demandes dont il est saisi et
qui ont été jointes, en raison de la connexité, soient jugées séparément.

C. L’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance consiste à arrêter une instance à la


suite d’un événement qui affecte la situation personnelle des parties ou
de leurs représentants. On peut, entre autres, retenir comme causes
d’interruption : le décès d’un plaideur , la cessation des fonctions du
représentant légal d’un incapable, le recouvrement ou la perte de la

76
Dans ce cas, la composition est à nouveau régulière, si après le changement des juges au cours du délibéré, on
rouvre les débats pour en faire un résumé au juge remplaçant.

125
capacité d’ester en justice , ainsi que la cessation des fonctions
d’avocats, dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire.
La reprise de l’instance

L’instance interrompue peut reprendre soit à l’initiative du demandeur


ou de ses héritiers (reprise volontaire), soit à celle du défendeur ou de ses
héritiers (reprise forcée). La reprise volontaire se fait dans un délai de six
mois à partir de la cause de l’interruption (article 20 de la loi du 19 février
2013 relative à la procédure devant la cour de cassation). Le fait de ne pas
initier de reprise volontaire dans ce délai, vaut désistement.
Les ayant droits d’une partie décédée qui ont initiés une reprise d’instance,
peuvent forcer d’autres qui ne l’ont pas fait, à intervenir.

D. La suspension de l’instance

La suspension de l’instance consiste à arrêter temporairement cette


dernière à la suite d’un événement qui n’affecte pas la situation
personnelle des parties ou de leurs représentants. C’est le cas des
questions préjudicielles telles que l’exception d’inconstitutionnalité,
ainsi que l’application du principe selon lequel le criminel tient le civil
en état. L’appel formé contre un jugement avant dire droit ou contre
un jugement sur exception entraîne aussi une surséance de l’instance.

1. L’exception d’inconstitutionnalité

Lorsqu’une partie prétend devant le juge du fond qu’une loi est


inconstitutionnelle, celui-ci sursoit à l’examen de l’affaire pour
laquelle il est saisi jusqu’au moment où la cour constitutionnelle
tranchera la question de constitutionnalité. L’exception
d’inconstitutionnalité est tirée de l’article 162 de la constitution qui
dispose que « la cour constitutionnelle est juge de l’exception
d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction.

Toute personne peut saisir la cour constitutionnelle pour


inconstitutionnalité de tout acte législatif ou règlementaire.

126
Elle peut en outre, saisir la cour constitutionnelle par la procédure de
l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la
concerne devant une juridiction.

Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la cour


Constitutionnelle ».
Ainsi que l’indique le premier alinéa de cette disposition
constitutionnelle, l’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée
même d’office. C’est donc une exception d’ordre public.

2. Le criminel tient le civil en état

Le juge civil doit surseoir à examiner les affaires qui lui sont
soumises chaque fois qu’une action pénale, de nature à influer sur sa
décision et portant sur les mêmes faits, est mise en mouvement. Le
principe selon lequel le criminel tient le civil en état vise à éviter des
contradictions entre le jugement rendu au pénal et celui rendu en
matière de droit privé. Ce principe s’applique à la réunion de trois
conditions. Il faut en effet, qu’il y ait identité des faits entre l’action
civile et l’action publique ; que les poursuites pénales soient effectives
avant la fin de l’instance civile (avant un jugement définitif au
civil77 ); et que le jugement pénal puisse être de nature à exercer une
influence sur le jugement qui découlerait de l’instance de droit privé78.

77
Lorsque les poursuites pénales sont engagées après la clôture des débats au civil, le juge civil doit rouvrir les
débats dès lors que la demande lui en est faite.
78
Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la surséance lorsque la condamnation pénale éventuelle d’une partie ne peut avoir
aucune conséquence sur la décision du juge civil.

127
§4. Les incidents relatifs à l’extinction de l’instance
A. Le désistement

1. La notion et la forme du désistement

Le désistement est l’acte par lequel, au cours de l’instance, un


demandeur renonce à ses prétentions. Il est unilatéral. Le désistement
ne se présume pas. Il peut être exprès ou tacite. Dans ce dernier cas, il
doit résulter des actes qui l’impliquent de façon incontestable, qui
font, sans équivoque ressortir la volonté du demandeur.

Excepté devant la cour de cassation, un avocat ne peut désister


pour le compte de son client que s’il est muni d’une procuration
spéciale. La dispense de procuration spéciale devant la cour de
cassation s’explique par le fait que de par la volonté du législateur, les
avocats près cette cour représentent valablement les parties sans avoir
à justifier d’un pouvoir spécial.79 En effet, les articles 2 et 3 de la loi
du 19 février 2013 relative à la procédure devant la cour de cassation,
qui organisent respectivement la rédaction des requêtes et des
mémoires en réponse adressés à la cour, n’imposent pas que les
avocats près celle-ci soient porteur des procurations spéciales.

2. Les effets du désistement

Le désistement éteint l’instance. Lorsque le défendeur a déjà pris


des conclusions sur le fond de la demande, l’extinction ne sera
possible que si celui-ci accepte le désistement fait par le demandeur.
Dans ce cas, l’acception du défendeur confère au désistement un
caractère bilatéral.

79
Matadi Nenga Gamanda, op cit, p313.

128
B. L’acquiescement

L’acquiescement est le fait pour le défendeur de se soumettre aux


prétentions du demandeur. La différence entre cette notion et le
désistement réside dans le fait que le celui-ci n’est qu’un
anéantissement de la procédure alors que l’acquiescement est une
renonciation au droit de se défendre. Comme pour le désistement,
l’acquiescement ne se présume pas. Un avocat, sauf devant la cour de
cassation, ne peut acquiescer pour le compte de son client que s’il est
muni d’une procuration spéciale. L’acquiescement n’est admis que
dans les cas qui ne touchent pas à l’ordre public. Il a une portée
relative dans la mesure où, lorsqu’il se rapporte à un chef de demande,
il ne vaut que pour celui-ci et non pour les autres.
Le défendeur qui a acquiescé doit se soumettre au jugement à
intervenir, lequel ne pourra faire l’objet des voies de recours.

Section 5. La plaidoirie

La plaidoirie est l’exposé oral des faits, prétentions, moyens de


preuves et arguments des parties devant une juridiction. En lieu et
place de plaider, une partie peut choisir de procéder au dépôt de ses
conclusions telles que communiquées à la partie adverse.
Afin de faciliter la tâche au juge au moment du délibéré, les parties,
après la plaidoirie, peuvent déposer chacune une note de plaidoirie,
retraçant ce qu’a été l’audience de plaidoirie. Il ne peut être mis dans
ces notes des moyens qui n’ont pas été soumis aux débats
contradictoires entre parties, ou y être joint des pièces non
communiquées.

Section 6. L’avis du ministère public

(Cfr. Partie liminaire)

129
Section 7. La clôture des débats

Le juge décrète la clôture des débats lorsqu’il estime que sa


religion a été suffisamment éclairée. A partir de ce moment, la cause
est prise en délibéré et aucune pièce, aucune note ne peut plus être
communiquée au juge, si elle n’a fait l’objet des débats contradictoires
entre parties. Lorsque l’affaire est prise en délibéré, les décisions sont
prises à la majorité des voix. S’il se dégage plus de deux opinions, le
juge du rang le moins élevé est tenu de se rallier à l’une des deux
autres opinions.

Section 8. La réouverture des débats

Le juge, après la prise en délibéré de la cause, peut d’office ou à la


demande d’une partie, ordonner une réouverture des débats. Celle-ci peut
être accordée à la suite d’une découverte des faits nouveaux, d’une demande
d’une partie, en cas des faits adventices, de la nécessité pour le juge à
ordonner une nouvelle mesure d’instruction ; ou, si après la clôture des
débats, il y a changement dans la composition.
Le juge à qui une demande de réouverture des débats est adressée n’est pas
tenu de l’accorder. Il n’est pas non plus tenu de motiver la décision de rejet
de la demande.

Section 9. Le jugement

§1. La notion et les sortes de jugements

A. La notion

Le jugement est, au sens large, toute décision d’une juridiction qui


tranche un litige. Au sens strict, on parle de jugement lorsque la décision
concernée est rendue par un tribunal, les décisions des cours étant
strictement appelées arrêts.

130
L’on peut avoir des jugements sans pour autant qu’il y ait eu un litige à la
base. Tels sont le cas en des jugements supplétifs d’acte de naissance, des
jugements déclaratifs de nationalité, etc.

B. Les sortes des jugements

Deux critères peuvent être utilisés pour procéder à la classification des


jugements : la comparution des parties d’une part, et le dessaisissement du
tribunal de l’autre.

1. La classification au point de vue de la comparution

On distingue d’après ce critère, des jugements contradictoires, des


jugements par défaut ainsi que des jugements réputés contradictoires.

a. Les jugements contradictoires

Un jugement est dit contradictoire lorsqu’il a été prononcé après que


toutes les parties ont comparu. Ce type de jugement suppose que les parties
ont plaidé après avoir mis la cause en état par la communication réciproque
de leurs pièces et moyens.

b. Les jugements par défaut

Un jugement est rendu par défaut lorsqu’il condamne une partie qui n’a
pas comparu alors qu’elle a été régulièrement appelée à comparaître. La
notion de défaut peut être appliquée aussi bien au demandeur qu’au
défendeur.

b.1. Le défaut du demandeur

Lorsque le demandeur ne comparaît pas, le défendeur dispose


de trois possibilités : Il peut demander le défaut congé. Dans ce
cas, l’instance s’éteint sans qu’il ne soit statué sur le fond
(Article 17 al 1 C.P.C). Le défendeur peut préférer obtenir un
jugement. L’affaire sera dans ce cas jugée par défaut, le

131
demandeur ayant la faculté d’attaquer la décision par voie
d’opposition80 . Le défendeur peut également avoir intérêt à
obtenir un jugement contradictoire. Il va dans ce cas solliciter
une remise de la cause à une date ultérieure en prenant soin de la
notifier au demandeur.

b.2. Le défaut du défendeur

Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le demandeur dispose


quant à lui de deux possibilités : Il peut soit requérir,
conformément au deuxième alinéa de l’article 17 du code de
procédure civile, que le défaut soit retenu contre le défendeur.
Dans ce cas, ce dernier pourrait attaquer le jugement à
intervenir par l’opposition. Le demandeur peut aussi solliciter le
renvoi de la cause à une date ultérieure. Dans ce cas, la nouvelle date
sera notifiée au défendeur.
Les règles déontologiques interdisent aux avocats de prendre les
avantages (faire retenir le défaut), lorsque le défendeur qui a fait
défaut est assisté par un avocat. Dans cette hypothèse, une remise
s’impose pour éventuellement recourir à une sommation judiciaire
précédée d’une sommation courtoise. La violation de cette interdiction
n’a aucune incidence sur la procédure. Elle ne peut qu’être
sanctionnée sur le plan disciplinaire par le Conseil de l’ordre.

b.3. Le rabat du défaut

La partie contre laquelle le défaut a été retenu peut, si l’autre


partie se trouve encore au tribunal, solliciter de ce dernier que le
défaut retenu à sa charge soit rabattu, afin de mener une procédure
contradictoire. La demande à cet effet est adressée au tribunal

80
Cette hypothèse suppose que le défendeur ait fait acter une demande reconventionnelle. Dans ce cas, il est
demandeur sur cette dernière. Pour assurer le caractère contradictoire, la demande reconventionnelle doit être
préalablement communiquée à la partie demanderesse.

132
c. Les jugements réputés contradictoires
Les jugements réputés contradictoires sont ceux qui sont
considérés comme contradictoires alors qu’une ou plusieurs parties
n’avaient pas comparu. Le code de procédure civile prévoit deux
hypothèses où le tribunal peut prononcer un jugement réputé
contradictoire. Il s’agit de l’hypothèse de la pluralité des défendeurs et
celle d’un jugement rendu sur sommation judiciaire.
c.1. Hypothèse de pluralité de défendeur
L’article 18 du code de procédure civile dispose que lorsqu’il y a
plusieurs défendeurs et que certains comparaissent alors que d’autres
ne comparaissent pas, le tribunal peut, à la requête des parties
comparantes, remettre l’affaire à une date ultérieure. Le greffier
notifiera la nouvelle date à toutes les parties en les avisant que le
jugement qui interviendra ne sera pas susceptible d’opposition. Cette
hypothèse est appelée défaut profit-joint.
c.2. Hypothèse de la sommation de comparaître ou de conclure
Aux termes de l’article 19 du même code, lorsqu’une partie qui a
déjà comparu a cessé de comparaître, ou lorsqu’elle s’abstient de
prendre des conclusions, le demandeur peut, par une sommation,
la contraindre à comparaître ou à conclure.
Si, après la sommation, le défendeur ne comparaît pas ou ne
prend pas des conclusions, le jugement à intervenir est réputé
contradictoire. La sommation de comparaître ou de conclure
doit contenir les dispositions de l’article 19 du code de procédure
civile. Elle est un acte qui vise à mettre une cause en état.
Lorsque les parties sont représentées ou assistées par des
avocats, les règles déontologiques imposent que la sommation
judiciaire soit précédée d’une sommation courtoise adressée à
l’avocat de la partie que l’on se prépare à sommer
judiciairement. Dans ce cas, la sommation judiciaire

133
n’interviendra qu’au moins huit jours après la sommation
judiciaire.

2. La classification des jugements au point de vue du


dessaisissement du tribunal

Ce critère se réfère au fait que le tribunal a vidé ou non sa


saisine quant à la question qui lui est soumise. A ce point de vue, on
distingue les jugements avant dire droit, les jugements provisoires et
les jugements définitifs.

a. Les jugements avant dire droit

Les jugements avant dire droit sont ceux qui sont rendus avant que le
juge ne tranche les demandes qui lui sont soumises. Ces jugements ne vident
pas la saisine du tribunal. Ils peuvent être préparatoires ou interlocutoires.
Les premiers sont des jugements avant dire droit qui ne préjugent pas du
fond. Ces jugements ne permettent pas d’entrevoir ce que pourrait être la
position du tribunal sur le fond. Le premier alinéa de l’article 73 du code de
procédure civile répute préparatoires, les jugements rendus pour l’instruction
de la cause et qui visent à mettre celle-ci en état d’obtenir un jugement. Les
seconds sont quant à eux, ceux qui préjugent le fond en ordonnant une
mesure d’instruction. A travers un jugement interlocutoire, l’on peut
entrevoir la position du tribunal, laquelle dépend du résultat de la mesure
d’instruction ordonnée. Ainsi par exemple, un jugement qui ordonne une
enquête sur un grief, laisse entrevoir que la décision du juge est fonction du
grief invoqué. Le deuxième alinéa de l’article 73 du code de procédure civile
répute interlocutoires, des jugements dans lesquels le tribunal ordonne avant
dire droit une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le
fond. Ces jugements sont dits interlocutoires, car, du résultat de la mesure
ordonnée dépendra la position du tribunal.

134
b. Les jugements provisoires81

Les jugements provisoires sont ceux qui ne tranchent pas le


fond du procès, mais statuent sur un chef urgent de la demande.
Prononcé en réponse à une demande provisoire, un jugement
provisoire ne lie pas le juge. Ce dernier peut, dans le cadre du
jugement définitif, modifier la position qu’il avait adoptée dans son
jugement provisoire, ce dernier étant dépourvu de l’autorité de la
chose jugée. Ainsi par exemple, le fait pour un juge d’accorder
provisoirement la garde des enfants dans un procès en divorce, ne
l’oblige pas à maintenir cette garde dans son jugement définitif.

c. Les jugements définitifs

Un jugement est définitif lorsque le juge se prononce sur le fond, sur


incident ou sur la validité ou la nullité des actes de procédure qui lui sont
soumis. Par un jugement définitif, le juge vide la question qui lui est
soumise, laquelle peut porter aussi bien sur le fond que sur la forme. Ainsi,
un jugement peut être définitif sur le fond ou sur une exception. Une fois
qu’il est prononcé, le jugement définitif dessaisit le juge sur la question qu’il
a tranchée. Dans la pratique judiciaire congolaise, les juges qualifient
d’avant dire droit les jugements rendus sur exception. Cela est totalement
incorrect dans la mesure où, ces décisions vident ces exceptions et sont de ce
fait définitives.
§2. Le contenu des jugements

Aux termes de l’article 23 du code de procédure civile, tout


jugement contient les noms des juges, de l’officier du ministère
public, ainsi que du greffier. Il contient également l’identité des
parties et de leur représentant, les motifs et le dispositif. Alors que le
dispositif constitue la partie du jugement dans laquelle est contenue la
décision du tribunal, l’ensemble des motifs en constitue la motivation.
81
La pratique judiciaire congolaise considère les jugements provisoires comme étant des jugements avant dire droit,
du fait qu’ils sont prononcés avant que le juge n’ait vidé le fond.

135
§3.Le prononcé du jugement

L’article 43 de la loi 11 avril 2013 prescrit que le jugement, en


matière de droit privé soit prononcé dans un délai de trente jours à
compter du jour où la cause est prise en délibéré. Ce délai peut être
prorogé de quinze jours par le président de la juridiction, à la demande
de la chambre qui délibère. Le délai du prononcé est de huit jours en
matière commerciale (Art 31 de la loi du 3 juillet 2001 sur les
tribunaux de commerce). Dans la pratique, les juges n’observent pas le
délai du prononcé. Cela peut s’expliquer d’une part, par le nombre
d’affaires qui peuvent être prises en délibéré au même moment, et
d’autre part, par le fait que la loi n’a prévu aucune sanction lorsqu’il y
a dépassement dudit délai.

§4. La signification du jugement

La signification d’un jugement est faite dans les formes


ordinaires prévues par les articles 4 et suivants du code de procédure
civile. L’on signifie l’expédition d’un jugement. C’est-à-dire une
copie certifiée conforme.
Section 10.
L’instruction des affaires qui requièrent célérité

L’article 10 du code de procédure civile prescrit que dans les affaires


qui requièrent célérité (où il y a urgence), le président de la juridiction
compétente peut, par ordonnance rendue sur requête, permettre au
demandeur d’assigner dans un bref délai. Dans ce cas, on déroge au délai
ordinaire d’assignation. Ainsi, lorsqu’une affaire est urgente, le demandeur
peut solliciter l’autorisation de faire une assignation dont le délai de
comparution est inférieur à huit jours francs. On dit alors que le demandeur
sollicite l’autorisation d’assigner à bref délai. On peut regretter que le
caractère urgent de la cause ne prenne en compte que le délai d’assignation,
sans poser des règles qui rendraient rapide l’instruction de la cause. Il aurait
été souhaitable en cas d’urgence avérée, que la procédure entière suive
un rythme spécial.

136
DEUXIEME PARTIE LES VOIES DE RECOURS

137
138
Chapitre 1. LES GENERALITES

Section 1. La notion de voies de recours

§1. La définition

Les voies de recours sont des procédures légales qui ont pour objet
de remettre en cause une décision de justice. Il s’agit en clair des procédures
mises en place par le législateur pour permettre aux parties, et parfois aux
tiers, de pouvoir contester des décisions de justice. Le caractère légal des ces
voies est impératif. Il ne peut donc pas être formé un recours qui n’existe
pas dans la loi.

§2. Le fondement des voies de recours

L’idée de recours repose sur la nécessité d’une bonne administration


de la justice. A cette fin, il est accordé à toute partie intéressée la possibilité
d’attaquer un jugement qu’elle estime injuste. En effet, l’œuvre
juridictionnelle étant humaine, et donc imparfaite, les parties doivent avoir la
possibilité de faire réexaminer les causes dans lesquelles les jugements ont
déjà été prononcés.

Section 2. Classification des voies de recours

§1. La classification d’après l’objet du recours

D’après l’objet on distingue : les voies de rétractation, les


voies de réformation et les voies d’annulation. Une voie de recours
est dite de rétractation lorsqu’elle vise à faire revenir un tribunal sur
une décision qu’il a déjà rendue. Tels sont les cas de l’opposition, de
la tierce opposition ainsi que de la requête civile. Les voies de
réformation sont celles qui visent à faire modifier un jugement par
une juridiction supérieure. Il en est ainsi pour l’appel, et, dans une
certaine mesure, la cassation. Les voies d’annulation visent quant à

139
elles, à obtenir l’annulation d’un jugement ou d’un arrêt. Rentrent
dans cette catégorie : la cassation, l’appel, et de façon indirecte, la
prise à partie.

§2. La classification d’après les cas d’ouverture

D’après les cas d’ouverture ou les motifs à la base du recours,


on distingue les voies de recours ordinaires et les voies de recours
extraordinaires. Les premières sont celles qui sont ouvertes à toutes
les parties, sans limitation de motifs. Elles sont, par principe,
suspensives de l’exécution du jugement. Dans cette catégorie on range
l’appel et l’opposition. Les secondes quant à elles, ne sont ouvertes
que dans des cas spécifiques prévus par la loi. Par principe, elles ne
suspendent pas l’exécution du jugement attaqué. On y range la tierce
opposition, la requête civile, la cassation, et la prise à partie.

140
Chapitre 2. LES DIFFERENTES VOIES DE RECOURS

SOUS-CHAPITRE1. LES VOIES DE RECOURS


ORDINAIRES

Section 1. L’opposition

§1. La notion de l’opposition

L’opposition est la voie de recours ordinaire ouverte à la partie


qui a été condamnée par défaut, pour obtenir la rétractation du
jugement, en remettant celui-ci en cause devant la juridiction qui l’a
rendu. Par l’opposition, la partie saisit à nouveau le même tribunal et
sollicite que le juge revienne sur le jugement qu’elle attaque.

§2. Les formes de l’opposition

La question de la forme de l’opposition est régie par l’article


63 du code de procédure civile. Celui-ci dispose que l’opposition se
forme par une déclaration faite au greffe du tribunal qui a rendu le
jugement, par lettre missive adressée au greffier de cette juridiction
ou par une déclaration au bas des procès verbaux de saisie, ou tout
autre acte d’exécution. Dans ce dernier cas, l’opposition doit être
réitérée dans un délai de dix jours.

§3. Qui peut former opposition

Aux termes l’article 61 du code de procédure civile, seule le


défendeur condamné par défaut peut faire opposition. Cependant, un
demandeur qui se ferait condamner par défaut à la suite d’une
demande reconventionnelle du défendeur, peut également faire
opposition. Pour se réaliser, cette hypothèse suppose que le défendeur

141
originel ait introduit une demande reconventionnelle faisant ainsi du
demandeur, un défendeur sur reconvention.
On peut donc conclure que l’opposition est ouverte à toute partie
condamnée par défaut, peu importe sa qualité de demandeur ou de
défendeur originel.
§4. Le délai d’opposition
L’opposition doit être formée dans un délai de quinze jours. Ce délai
est de huit jours en matière commerciale. Le point de départ du délai
d’opposition varie en fonction du mode de signification du jugement
entrepris. Lorsque celui-ci est signifié à personne, le délai court à partir du
jour de la signification. Si, par contre, la signification n’est pas faite à
personne, le délai court à partir du moment où la personne condamnée par
défaut a eu connaissance du jugement, ou à dater du jour du premier acte
d’exécution.
Le juge qui adjuge le défaut a le pouvoir, lorsqu’il a des raisons de croire
que l’assignation n’a pas été signifiée au défendeur, d’accorder un délai plus
long pour faire opposition. Cela relève de son pouvoir discrétionnaire.

Aux termes de l’article 61 in fine, l’opposition n’est plus recevable


dès lors que le jugement qu’elle vise est complètement exécuté. Dans ce cas,
ce recours est sans objet.
§5. Les effets de l’opposition

A. L’effet suspensif
Lorsque la partie condamnée par défaut fait opposition, il est, en
vertu de l’article 64 du code de procédure civile, sursis à l’exécution
du jugement attaqué. L’effet suspensif de l’opposition n’opère que
lorsque cette voie de recours a été introduite dans les formes et délais
prescrits par la loi.
Cet effet est cependant écarté lorsque le juge, dans le cadre de
l’article 21 du code de procédure civile, déclare que le jugement est
exécutoire nonobstant l’exercice des voies de recours. Cette hypothèse
n’est possible que lorsqu’il existe une promesse reconnue, un acte

142
authentique, ou un jugement qui ne fait pas l’objet des recours
suspensifs de l’exécution.

B. L’effet dévolutif

L’opposition fait retour de la chose jugée entre les mains du


tribunal qui en est l’auteur. Ce dernier est à nouveau saisi.
L’article 65 du code de procédure civile édicte la règle selon laquelle
opposition sur opposition ne vaut. Ainsi, il n’est pas admis de faire
opposition contre un jugement ayant statué sur une première
opposition. Un tel jugement ne peut plus être attaqué que par voie
d’appel, s’il est rendu au premier degré, ou par des voies de recours
extraordinaires, lorsque les recours ordinaires ne sont plus possibles.

§6. L’opposition et l’exécution provisoire

Le jugement qui fait objet de l’opposition peut contenir une


clause d’exécution provisoire. En effet, le juge peut, au moment du
prononcé, décider que le jugement qu’il rend soit exécutoire
nonobstant tout recours, en se fondant sur l’article 21 du code de
procédure civile. Cette clause écarte ainsi l’effet suspensif attaché à
l’exercice des voies de recours ordinaire. Dans ce cas, la partie qui fait
opposition peut, conformément à l’article 76 du même code, obtenir la
suspension de cette exécution en sollicitant les défenses à exécuter.
Pour ce faire, l’opposant est tenu d’interjeter appel (malgré le fait
qu’il ait formé opposition), étant donné que c’est au juge d’appel que
l’article 76 attribue la compétence en matière de défenses à exécuter.
Après avoir formé appel, l’opposant (en même temps appelant) doit
solliciter du président de la juridiction d’appel, l’autorisation
d’assigner à bref délai, aux fins d’obtenir les défenses à exécuter. Si
l’autorisation est accordée, les défenses doivent être demandées dès la
première audience en appel. L’instance d’opposition reprendra son
cours dès que le juge d’appel se sera prononcé sur les défenses à
exécuter.

143
Il n’est cependant pas possible d’obtenir la suspension de
l’exécution lorsque le caractère exécutoire de la décision entreprise
résulte de la loi. Les défenses à exécuter prévues par l’article 76 du
code de procédure civile s’appliquent exclusivement au caractère
exécutoire conféré par le juge, en application des conditions posées
par l’article 21 de ce même code à savoir : l’existence alternative
d’une promesse reconnue, d’un acte authentique, ainsi d’un premier
jugement non attaqué par des recours suspensifs.

144
Section 2. L’appel

§1. La notion

L’appel est la voie de recours ordinaire, de réformation ou


d’annulation, par laquelle une partie qui s’estime être lésée par un
jugement rendu au premier degré, défère celui-ci à un juge du degré
immédiatement supérieur. Cette voie a pour objet de faire contrôler à
la fois la validité formelle du jugement attaqué, ainsi que son
fondement juridique. L’appel sanctionne donc les vices de formes et
de fond du jugement rendu au premier degré.

§2. Les sortes d’appels et formes de l’appel

A. Les sortes d’appels

Il existe deux sortes d’appels : l’appel principal et l’appel incident.


Le premier introduit l’instance d’appel, alors que le second est formé
au cours de celle-ci.

B. Les formes de l’appel

1. Les formes de l’appel principal

L’appel principal est formé soit par une déclaration actée par le
greffier de la juridiction d’appel, ou soit par une lettre recommandée
adressée au greffe. Sa date est celle de la déclaration ou de la réception de la
lettre. Après la déclaration, le greffier doit assigner l’intimé dans les formes
et délais ordinaires. Le juge d’appel est saisi par l’acte d’appel et non par
l’assignation, de sorte que, la sanction des irrégularités de cette dernière
n’affecte en rien l’appel lorsque celui-ci a été régulièrement formé dans le
délai.

145
2. Les formes de l’appel incident

L’appel incident est formé par voie des conclusions écrites ou orales.
Dans le cas de conclusions orales, l’appel incident n’est possible que si
l’auteur de l’appel principal comparaît.
Si l’appel incident est formé par voie des conclusions écrites, celles-ci
doivent être préalablement communiquées. Dans la pratique des juridictions
congolaises, les parties recourent le plus souvent à la déclaration actée au
greffe pour former des appels incidents.

C. Le lien entre l’appel principal et l’appel incident

L’appel incident n‘est pas un accessoire de l’appel principal. Il est


un appel à part entière, et totalement indépendant de l’appel principal.
Quel est dès lors, son sort lorsque l’appel principal est déclaré irrecevable,
ou lorsque celui-ci est nul. Lorsque l’appel principal est irrecevable, l’appel
incident l’est également. Toutefois, cet appel peut, s’il a été formé dans le
82
délai utile pour former un appel principal, être déclaré recevable

La nullité de l’appel principal (par exemple pour forclusion de délai)


entraîne celle de l’appel incident. En effet, la nullité produit des effets
rétroactifs. La cause est par conséquent ramenée dans l’état où elle se
trouvait avant la formation de l’appel principal.

§3. La juridiction d’appel

C’est la juridiction immédiatement supérieure à celle qui a rendu le


jugement du premier degré qui est compétente pour statuer sur l’appel.
Ainsi, le tribunal de grande instance est la juridiction d’appel pour les
décisions rendues au premier degré par les tribunaux de paix. La cour
d’appel l’est pour connaître de l’appel formé contre des jugements rendus au
premier degré par les tribunaux de grande instance, les tribunaux du travail
et les tribunaux de commerce.

82
Léo, 1er sept. 1953, J.T.O., 1954, p. 149, cité par MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p 439.

146
§4. Le concours de l’opposition et de l’appel

Lorsqu’il y a concours entre l’opposition et l’appel, le juge d’appel


sursoit à statuer jusqu’au jugement sur opposition83. Cela s’explique par le
fait que l’opposition saisit à nouveau la juridiction dont la décision est
contestée. Partant, la réformation à laquelle pourrait aboutir l’appel devient
sans objet.

§5. Les Parties à l’instance d’appel

Seules les parties au jugement du premier degré, leurs fondés


de pouvoir spécial, et le ministère public peuvent interjeter appel. Par
partie, il faut entendre le demandeur, le défendeur, le garant,
l’intervenant volontaire ou forcé.
Le ministère public ne peut faire appel que dans les cas où il agit
comme partie principale, dans le cas où son avis est obligatoire, ainsi
que dans celui où le jugement porte atteinte à l’ordre public.

Sans avoir la possibilité de former appel, car n’ayant pas été


partie au premier degré, le tiers peut cependant devenir partie au degré
d’appel en y introduisant une demande en intervention volontaire, ou
en y étant contraint par une assignation en intervention forcée.

§6. Les délais d’appel

A. Le délai de l’appel principal

En matière civile, le délai d’appel est de trente jours. Il est de huit


jours en matière commerciale. Son point de départ varie selon que le
jugement attaqué est contradictoire ou par défaut. Dans le premier cas,
le délai court à compter de la signification du jugement. Dans le
second, il court à partir du jour où l’opposition n’est plus recevable.

83
Ce sursis à statuer ne s’applique pas à la demande des défenses à exécuter.

147
B. Le délai de l’appel incident

L’appel incident peut être interjeté à tout moment avant la clôture


de l’instance d’appel.

C. Les délais spéciaux

En matière d’homologation du concordant, le délai d’appel est de


quinze jours (Art 129 Acte uniforme relatif aux procédures collectives
d’apurement du passif). Il est de quinze jours à compter du prononcé,
lorsque l’appel est formé contre les décisions statuant sur les questions
liées à l’exécution forcée (Art 49 AUPSRVE). Dans le cas où la
décision tranche une contestation en matière de saisie-attribution, ce
délai court à compter de la notification du jugement (Art 172 al1
AUPSRVE). En matière d’injonction de payer et d’injonction de
délivrer ou de restituer, le délai d’appel contre un jugement sur
opposition est de quinze jours à compter de la signification du
jugement entrepris.

§7. Les jugements susceptibles d’appel

Tous les jugements rendus au premier degré sont, par principe,


susceptibles d’appel. Aux termes de l’article 72 du code de procédure
civile, les jugements préparatoires ne peuvent faire l’objet d’appel
qu’après, et conjointement avec le jugement définitif. Il y a toutefois,
des jugements contre lesquels l’appel n’est pas admis. Tels sont
notamment les cas des jugements de défaut – congé, des jugements
rendu en dernier ressort par le tribunal de grande instance, des
jugements d’expédient84, des sentences arbitrales, ainsi que des
jugements qui accordent l’exéquatur d’une sentence arbitrale.

84
Les jugements d’expédient est celui par lequel les parties demandent au juge de se prononcer dans tel sens, ce
jugement a pour effet de donner une force exécutoire à l’accord conclu par les parties.

148
§8. Les effets de l’appel

L’appel produit un effet suspensif, un effet dévolutif et un effet


relatif.

A. L’effet suspensif de l’appel

L’appel suspend l’exécution du jugement attaqué. Lorsque ce


dernier tranche une contestation en matière de saisie-attribution,
même le délai d’appel a un effet suspensif (Art 172 AUPSRVE). Il
n’y a pas d’effet suspensif lorsque le juge, dans le cadre de
l’article 21 du code de procédure civile, déclare que le jugement est
exécutoire nonobstant l’exercice des voies de recours. Il n’ ya pas non
plus d’effet suspensif lorsque le jugement qui fait objet de l’appel
tranche une difficulté liée à l’exécution forcée. Ce jugement, dit
l’article 49 de l’AUPSRVE, est exécutoire sur minute. Dans ce cas, le
caractère exécutoire du jugement résulte de la loi et non de la décision
du juge. La suspension de l’exécution d’un tel jugement ne peut
résulter, conformément audit article 49, que d’une clause suspensive
qui y serait insérée par le juge qui le rend. En clair, il faut que ce
jugement contienne en son sein une clause motivée de suspension de
l’exécution.

Dérogeant à la règle posée par l’article 49, l’article 172 de


l’AUPSRVE dispose que l’appel contre un jugement qui tranche une
contestation relative à une de saisie-attribution, ainsi que le délai pour
le former, sont suspensifs de l’exécution.

B. L’effet dévolutif de l’appel

Le fait pour une partie de former appel transfère l’affaire, dans l’état où
elle se trouve, au juge d’appel. Le premier juge, qui est dessaisi, ne peut par
conséquent plus examiner le dossier concerné par l’appel. L’effet dévolutif
n’est cependant pas absolu. Il est limité par le fait que le juge d’appel ne
peut connaître que des questions qui ont été jugées au premier degré

149
« tantum devolutum, quantum judicatum ». C’est ainsi qu’une demande
nouvelle ne peut être reçue en appel.

L’effet dévolutif est, au niveau d’appel, une traduction du principe


dispositif. Le juge d’appel ne peut connaître que des chefs des jugements qui
sont contestés et qui lui sont déférés. Cela est exprimé par l’adage « tantum
devolutum, quantum appelatum ». Ainsi, lorsque le jugement contient
plusieurs décisions, le juge d’appel ne peut pas statuer sur celles qui n’ont
pas été contestées.

* L’effet dévolutif de l’appel et l’évocation

L’article 79 du code de procédure civile dispose que « lorsqu’il y a


appel d’un jugement interlocutoire, si le jugement est infirmé et que la
matière soit disposée à recevoir une décision définitive, la juridiction
d’appel peut statuer sur le fond définitivement, par un seul et même
jugement. Il en est de même dans le cas où la juridiction d’appel
infirme des jugements définitifs, soit pour vice de forme, soit pour
toute autre cause ». L’évocation est le droit de connaître du fond que
ces dispositions reconnaissent à un juge d’appel, qui n’a été saisi que
contre un avant dire droit interlocutoire ou contre un jugement
définitif infirmé. Ce droit apparaît comme une exception à l’adage
« tantum devolutum quantum appelatum ». En effet, le juge d’appel
qui évoque à la suite d’un jugement interlocutoire ou d’un jugement
sur exception, statue au-delà de sa saisine en jugeant le fond alors que
celui-ci ne fait pas l’objet de l’appel. L’évocation déroge également à
l’adage « tantum devolutum quatum judicatum » dans la mesure où le
fond n’a pas encore été jugé au premier degré. C’est cela son
inconvénient, le fond est soustrait du double degré de juridiction.
A la différence de l’évocation obligatoire prévue par l’article 107
du code de procédure pénale, l’évocation est une faculté pour le juge
de droit privé. Celui-ci peut ou ne pas évoquer.

150
C. L’effet relatif de l’appel

L’appel ne produit ses effets qu’à l’égard de la partie qui l’a


interjeté (l’appelant) et celle contre laquelle il est interjeté (l’intimé).
Il ne profite, ni ne nuit à un tiers. Lorsqu’une seule partie fait appel,
celui-ci ne peut être étendu aux autres parties. L’appel n’est suspensif
de l’exécution du jugement qu’à l’égard de la partie qui l’a interjeté.

* Limite à l’effet relatif de l’appel

Dans certains cas d’indivisibilité, lorsqu’il y a impossibilité d’exécuter


à l’égard de certaines parties seulement, un jugement frappé d’appel
sera suspendu dans son exécution même à l’égard des parties qui n’ont
pas interjeté appel.

§9. L’expédition pour appel

A. La notion

L’article 66 du code de procédure civile conditionne la


recevabilité de l’appel par la production d’une expédition régulière de
la décision attaquée, du dispositif des conclusions des parties et
d’autres actes nécessaires à la détermination de l’objet et des motifs de
la demande. La pratique judiciaire a institué un document dressé par le
greffe, l’expédition pour appel, dans lequel tous éléments énumérés à
l’article 66 doivent être repris. Celle-ci retrace toute la procédure telle
qu’elle s’est déroulée devant le premier juge. Elle est destinée à
permettre au juge d’appel d’avoir tous les éléments pouvant lui
permettre d’exercer son contrôle sur la décision du premier degré.

151
B. Le délai de production de l’expédition pour appel

L’expédition pour appel peut être produite à n’importe quel


moment avant la clôture des débats à l’instance d’appel85. L’appelant
qui ne satisfait pas à cette exigence s’expose à l’irrecevabilité de son
appel. A la place d’une expédition pour appel, on peut produire une
copie certifiée du jugement signifié, accompagnée des autres éléments
prévus par l’article 66 du code de procédure civile. Ces éléments
remplissent bien le rôle de l’expédition pour appel dont le but est de
permettre au juge d’appel de contrôler la décision attaquée.86
L’expédition pour appel étant établie par le greffe, elle n’est pas une
pièce communicable, elle n’est pas une pièce de la partie qui la fait
rédiger87.

§10. L’appel et l’exécution provisoire : les défenses à exécuter

Comme relevé précédemment, le juge peut accorder une


exécution provisoire du jugement en vertu de l’article 21 du code de
procédure civile. Dans cette hypothèse, l’effet suspensif des voies de
recours ordinaires est supprimé. L’exécution provisoire n’est accordée
qu’à des conditions alternatives fixées par l’article 21 à savoir,
l’existence d’un titre authentique ; l’existence d’une promesse
reconnue ; ainsi que l’existence d’un jugement antérieur non attaqué
par des recours suspensifs.

Lorsque l’exécution provisoire est accordée sans qu’aucune de


ces conditions ne soit réunie, l’article 76 du code de procédure civile
donne la possibilité la partie à qui ce jugement fait grief d’obtenir les

85
Elis, 16 mai 1924, R.J.III, p5, in LUKOO MUSUBABO Ruffin, la jurisprudence congolaise en procédure civile, Kinshasa, Ed
On s’en sortira, 2010, p198.
86
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p 480
87
CA L’shi RTA 029 du 1er juin 1993 in LUKOO MUSUBABO op.cit, p195.

152
défenses à exécuter (suspension de l’exécution). Elle doit, à cet effet,
interjeter appel, solliciter auprès du président de la juridiction d’appel
l’autorisation d’assigner à bref délai ; faire une assignation à bref délai
aux fins d’obtenir les défenses à exécuter. Celles-ci doivent être
demandées à la première audience en appel.

Le juge d’appel ne peut cependant accorder des défenses à


exécuter lorsque le caractère exécutoire du jugement rendu au premier
degré découle de la loi. Tel est le cas des jugements prononcés en
matière d’exécution forcée par le président de la juridiction. Ces
jugements sont par nature exécutoires, étant donné qu’aux termes du
troisième alinéa de l’article 49 de l’AUPSRVE, l’appel et le délai
d’appel ne sont pas, sauf décision contraire motivée, suspensifs de
l’exécution88. Dans ce cas, le caractère exécutoire ne découle pas de la
volonté du tribunal appliquant l’article 21 du code de procédure civile.
Mais il est plutôt issu de la volonté du législateur OHADA. Par
conséquent, si le juge d’appel peut, aux termes de l’article 76 du code
de procédure civile, vérifier la réalisation des conditions de l’article 21
ci-dessus mentionnées, il n’a aucun pouvoir pour enlever le caractère
exécutoire voulu par le texte89. Un jugement rendu dans le cadre de
l’article 49 de l’AUPSRVE ne peut ne pas être exécutoire, que lorsque
le caractère exécutoire a été écarté en son sein par une décision

88
Article 49 AUPSRVE : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une
mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière
d'urgence ou le magistrat délégué par lui.

Sa décision est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.

Le délai d'appel comme l'exercice de cette voie de recours n'ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire
spécialement motivée du président de la juridiction compétent
89
Une décision malheureuse de la cour d’appel de Kinshasa / Matete a, sous RCA 9334, accordé des défenses à
exécuter en invoquant l’article 21 du code de procédure civile, alors que le jugement exécutoire concerné tirait son
caractère exécutoire de l’article 49 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution. Cette position de la cour d’appel ne peut avoir comme explication à ce jour, que la non maîtrise du droit
OHADA par cette dernière, en raison de la nouveauté de la matière.

153
motivée de la juridiction présidentielle qui l’a rendue. Le juge d’appel
ne peut dans cette hypothèse, accorder des défenses à exécuter.

Il y a toutefois lieu de préciser que la question des défenses à


exécuter a évolué par rapport à la jurisprudence de la CCJA. En effet,
aux termes de l’article 32 de l’acte uniforme relatif aux procédures
simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, l’exécution forcée
peut, sauf en matière immobilière, être menée jusqu’à son terme en
vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution, dit le deuxième
alinéa de cette disposition, se poursuit dans ce cas au risque du
créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié,
de réparer intégralement le préjudice causé au débiteur, sans qu’il y ait
lieu de relever de faute de sa part. Cette disposition avait dans un
premier temps été interprétée par la CCJA comme interdisant toute
mesure de suspension de l’exécution. Dans un second temps, à partir
l’arrêt époux Karnib, rendu le 11 octobre2001, la position de la CCJA
a évolué. La cour de l’OHADA estime désormais que l’article 32 ne
s’applique que lorsque l’exécution n’est pas encore engagée. Ainsi, le
juge ne peut pas ordonner les défenses à exécuter lorsque l’exécution
provisoire est déjà engagée90. En termes clairs, les défenses à exécuter
ne peuvent survenir après le premier acte d’exécution.

§11. Les effets de la décision rendue sur appel

Le jugement d’appel produit plusieurs effets qui varient en


fonction d’une part, de son contenu, et d’autre part, de la nature de la
décision attaquée. Lorsque la décision sur appel confirme le jugement
entrepris, ce dernier est coulé en force de chose jugée et ne peut plus
être attaqué que par les voies de recours extraordinaires. Il devient
exécutoire. Lorsque, par contre, le jugement d’appel infirme le

90
CCJA, Arrêt n°002/2001 du 11 octobre 2001, Aff. : Epoux Karnib c/ Société Générale des Banques en Côte d’Ivoire, in
Félix ONANAETOUNDI, grande tendances jurisprudentielles de la cour commune de justice et d’arbitrage en matière
d’interprétation et d’application du droit OHADA( 1997-2010), ERSUMA, collection « pratique et contentieux de Droit des
Affaires », octobre 2011, p.299.

154
jugement entrepris, il se substitue à celui-ci. Dans le cas où le juge
d’appel infirme un jugement avant dire droit et évoque, le jugement
d’appel se substitue au premier jugement. Si le jugement d’appel
confirme un jugement avant dire droit sans évocation, le tribunal du
premier degré, sur A-venir de la partie la plus diligente, poursuit
l’instance sans tenir pour chose jugée son jugement interlocutoire
quant au préjugé que sa décision a laissé entrevoir. Lorsque la
juridiction d’appel infirme un jugement avant dire droit et renvoie la
cause au premier juge, l’effet suspensif de l’audience est levé. Le
premier juge, sur A-venir de la partie la plus diligente, poursuit
l’instance en tenant pour chose jugée la décision d’appel. La
signification du jugement rendu en appel fait courir les délais du
pourvoi en cassation.

155
SOUS-CHAPITRE 2. LES VOIES DE RECOURS
EXTRAORDINAIRES

Section 1. La tierce opposition

§1. La notion de la tierce opposition

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire par laquelle


un tiers attaque un jugement ou un arrêt qui préjudicie ses droits. Elle a pour
objet d’obtenir la rétractation ou la réformation d’un jugement qui fait grief à
une personne qui n’y a pas été partie. Cette voie vise à permettre à celle-ci,
qui n’a pas été appelée à l’instance, d’éviter les conséquences négatives que
lui font souffrir le jugement qu’il attaque. La tierce opposition se fonde sur
l’idée que le principe de l’effet relatif du jugement, qui veut notamment dire
que celui-ci ne nuise aux tiers, protège les personnes qui n’ont été ni parties,
ni représentées à une instance, contre des conséquences négatives résultant
de celle-ci.

§2. Les conditions de recevabilité de tierce opposition

Pour être admis à faire tierce opposition, le tiers doit en premier


lieu n’avoir pas été partie à la décision entreprise. Il doit en second
lieu apporter la preuve qu’il souffre d’un préjudice du fait de cette
décision.

A. N’avoir pas été partie au jugement attaqué

Le demandeur en tierce opposition doit n’avoir été ni partie, ni


représenté, devant le juge qui a rendu la décision qu’il attaque. Ainsi,
la porte de la tierce opposition est fermée à toute personne ayant, en
tant que demandeur, défendeur ou intervenant, été partie à la décision
visée par cette voie. La représentation d’une partie au jugement objet
de la tierce opposition ne ferme cependant la route à cette voie que
lorsque le représentant avait pleinement qualité pour l’assurer.

156
B. Avoir souffert d’un préjudice

Le tiers opposant doit apporter la preuve que le jugement entrepris


lui cause un préjudice. Il devra, pour ce faire, démontrer que ses droits
sont lésés ou mis en péril. Bref, le tiers opposant doit avoir un intérêt à
obtenir la rétractation ou la reformation du jugement visé par son
recours.

§3. Le délai de la tierce opposition

Le code de procédure civile ne fixe aucun délai pour former


une tierce opposition. Cela est fondé sur l’idée qu’on ne peut faire
courir un délai aux tiers dès lors que ceux-ci n’ont pas reçu
signification du jugement qui leur cause préjudice et qu’ils ignorent.
Ainsi, la tierce opposition est recevable tant que le droit d’exécuter le
jugement n’est pas prescrit. La loi n’ayant fixé aucun délai, la tierce
opposition en tant qu’action en justice, est soumise à la prescription
trentenaire telle que posée par l’article 247 du code civil livre III, qui
dispose que « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont
prescrites par trente ans sans que celui qui allègue cette prescription
soit obligé d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui opposer
l’exception déduite de la mauvaise foi ».

§4. Les parties à la tierce opposition

Au cours de la tierce opposition s’affrontent le tiers opposant


(demandeur) ; ainsi que le défendeur sur tierce opposition. Il s’agit, en
principe pour ce dernier, de la personne en faveur de laquelle le
jugement attaqué par cette voie a été rendu. Il est cependant préférable
d’assigner toutes les parties à ce jugement afin que la décision sur
tierce opposition leur soit opposable et ne puisse souffrir de
contestation. Comme dans le cas de l’opposition, la tierce opposition
n’est pas recevable contre une décision rendue sur tierce opposition.
Tierce opposition sur tierce opposition ne vaut.

157
§5. La juridiction compétente et formes de la tierce opposition
La tierce opposition formée par voie principale est de la
compétence du tribunal qui a rendu la décision entreprise. Elle est
dans ce cas une voie de rétractation. Elle prend la forme de
l’assignation. Par voie incidente, la tierce opposition est formée
devant une juridiction égale ou supérieure à celle qui a rendu le
jugement attaqué. Elle se fait par voie des conclusions. Lorsqu’elle est
faite devant une juridiction supérieure à celle qui a rendu le jugement
que l’on attaque, la tierce opposition devient une voie de réformation.

§6. Les décisions susceptibles de tierce opposition

A l’exception des jugements rendus sur tierce opposition, ainsi


que des décisions rendues par la cour de cassation, tout jugement ou
arrêt peut faire l’objet d’une tierce opposition.

§7. Les effets de la tierce opposition

Sauf lorsqu’il ya indivisibilité, le jugement rendu à la suite de


ce recours ne profite qu’au tiers opposant. La tierce opposition a donc
un effet relatif. En tant que voie de recours extraordinaire, elle est
dépourvue d’effet suspensif de l’exécution du jugement qu’elle vise.
Toutefois, l’article 84 du code de procédure civile donne au juge,
lorsque le tiers opposant en fait la requête, le pouvoir d’ordonner la
suspension de l’exécution. Ainsi, la tierce opposition a un effet
suspensif relatif.

§8. Les recours contre les jugements sur tierce opposition

Contre une décision rendue sur tierce opposition, toutes les


voies de recours sont ouvertes à l’exception d’une autre tierce
opposition (tierce opposition sur tierce opposition ne vaut). Toutefois,
l’appel contre une telle décision n’est possible que lorsque cette
dernière est rendue en première instance.

158
Section 2. La requête civile

§1. La notion de requête civile

La requête civile est la voie de recours extraordinaire par


laquelle une partie sollicite la rétractation d’une décision coulée en
force de chose jugée, pour l’une des causes énumérées par l’article 85
du code de procédure civile. A savoir, le dol personnel d’une partie, la
contrariété des décisions rendues en dernier ressort, la découverte des
pièces décisives retenues par l’une des parties et enfin, la fausseté
reconnue ou déclarées des pièces sur base desquelles le jugement
attaqué a été rendu.

§2. Les causes de la requête civile

Les causes de la requête civile sont limitativement énumérées


par l’article 85 du code de procédure civile. Il s’agit comme indiqué
ci-dessus, du dol personnel d’une partie, du cas où la décision
contestée a été rendue sur pièces reconnues ou déclarées fausses, de la
contrariété des jugements rendus en dernier ressort, ainsi que du cas
de la découverte des pièces décisives retenues par l’une des parties.
L’analyse de ces causes fait déduire qu’en instituant la requête civile,
le législateur a entendu corriger l’erreur dans laquelle s’est trouvé le
juge qui a rendu la décision attaquée. En effet, l’idée en arrière plan de
cette voie de recours est que la bonne foi du juge a été surprise, de
sorte que si le motif invoqué dans la requête civile était connu au
moment du jugement que l’on attaque, celui-ci serait différent. D’où,
la nécessité d’assurer la possibilité de corriger l’erreur.

§3. La juridiction compétente en matière de requête civile

Aux termes de l’article 89 du code de procédure civile, la


requête civile est portée par voie d’assignation devant la juridiction
qui a rendu la décision attaquée. Elle est donc dans ce cas, une voie de

159
rétractation. Par voie incidente à une contestation dont un tribunal est
saisi, la requête civile doit être formée devant un tribunal supérieur ou
égal à celui qui a rendu le jugement attaqué. Dans ce cas, elle est faite
par voie de conclusions, si elle est dirigée contre les parties à
l’instance principale. Si par contre elle est dirigée contre d’autres
parties, elle se fait par voie d’assignation.

§4. Les décisions susceptibles de la requête civile

Seuls les jugements contradictoires ou par défaut rendus en


dernier ressort peuvent donner lieu à une requête civile. Cette voie de
recours est admise même à l’égard des jugements rendus par les
juridictions pénales dans lesquels il est statué sur les intérêts civils.
Dans ce cas, elle ne remet pas en question les condamnations pénales.

§5. Le délai de la requête civile

La requête civile doit être formée dans un délai de trois mois à


partir de la découverte de la cause qui en donne ouverture. Ce délai est
prorogé de six mois au profit des héritiers de la partie qui avait droit à
la former. A l’égard des mineurs et des interdits, le délai ne court qu’à
partir du moment où leur incapacité n’existe plus.

§6. La forme et la procédure de la requête civile

La requête civile se forme par voie d’assignation. La partie qui


la forme doit y joindre une consultation de trois avocats exerçant
depuis au moins cinq ans près un des tribunaux du ressort de la cour
d’appel où le jugement a été rendu. Cette consultation doit contenir
l’avis des avocats soutenant que la requête civile est fondée.

160
§7. Les effets de la requête civile

Cette voie de recours n’a aucun effet suspensif de l’exécution


de la décision entreprise. Il ne peut, au cours de l’instance y relative,
être accordé des défenses à exécuter. Seul le délai de cassation est
suspendu.

§8. Les voies de recours contre une décision rendue sur requête
civile

Voie de recours dirigée contre une décision rendue en dernier


ressort, la requête civile ne peut à nouveau donner lieu à l’ouverture
d’un deuxième degré de juridiction. Ainsi, l’appel n’est pas admis
contre une décision rendue sur requête civile. Il n’est pas non plus
admis une nouvelle requête civile contre un jugement rendu sur
requête civile ou contre un jugement qui a fait l’objet d’une première
requête civile. Excepté le cas où la décision sur requête civile admet
l’opposition (lorsqu’elle est rendue par défaut), la cassation reste la
seule voie de recours admise contre une décision rendue sur requête
civile.
Section 3. La cassation

§1. La notion de cassation

La cassation est la voie de recours extraordinaire par laquelle


une partie attaque un jugement rendu en dernier ressort pour violation
d’un traité, d’une loi ou d’une coutume. Le pourvoi en cassation a
donc pour objet de sanctionner l’illégalité d’une décision rendue en
dernier ressort. Le juge de cassation n’est pas un juge de fond, mais
plutôt un juge de la légalité. Son rôle n’est pas de juger une troisième
fois le litige qui a déjà fait l’objet d’un jugement du premier ressort et
d’une décision rendue en appel. Il s’assure plutôt que les décisions
attaquées n’ont pas violé la loi.

161
§2. Les juridictions compétentes en matière de cassation

L’appartenance de la RDC à l’OHADA fait que deux


juridictions se partagent la compétence en matière de cassation. Il y a
d’une part, la cour de cassation qui est compétente pour connaître des
pourvois introduits en matière de droit privé et qui ne font pas
application du droit OHADA, et d’autre part, la cour commune de
justice et d’arbitrage(CCJA), qui est compétente pour connaître de
tout pourvoi dirigé contre des jugements ou arrêts rendus en dernier
ressort faisant application du droit OHADA. Dans un arrêt du 4
décembre 2012, la CCJA a estimé que la seule référence au droit
OHADA dans l’argumentaire des parties n’est pas une application de
ce droit pouvant justifier l’exercice de sa compétence de cassation.91 Il
faut donc que la décision concernée fasse une application effective du
droit OHADA

§3. Les cas d’ouverture à cassation

A. Cas d’ouverture à cassation devant la cour de cassation

Aux termes de l’article 116 de la loi du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l’ordre judiciaires, la cassation est ouverte en cas de violation des
traités internationaux dûment ratifiés, des lois et de la coutume. Le
deuxième alinéa dudit article renvoie à l’article 96 de la même loi qui
définit ce qu’il faut entendre par violation de la loi et de la coutume.
En combinant ces deux dispositions, on peut retenir comme cas
d’ouverture à cassation : la violation des traités internationaux dûment
ratifiés, l’incompétence, l’excès de pouvoirs des cours et tribunaux,
la fausse application ou la fausse interprétation de la loi; la non-
conformité aux lois ou à l’ordre public de la coutume dont il a été fait
application, ainsi que la violation des formes substantielles ou
91
CCJA, arrêt n°082/2012 du 4 décembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p6.

162
prescrites à peine de nullité. A ces causes s’ajoutent la violation des
droits de la défense, l’absence de motivation, la violation de la foi due aux
actes, (cas où le juge rejette un moyen, de preuve auquel la loi accorde une
force probante), ainsi que l’impossibilité d’exercer le contrôle par la cour, et
l’absence de motivation. A propos de la motivation, il faut considérer qu’il y
a absence de motivation lorsque celle-ci fait défaut, lorsqu’il y a
contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement, lorsque la
motivation est insuffisante, lorsqu’il y a défaut de réponse aux conclusions
des parties régulièrement déposées, ainsi que lorsque les motifs du jugement
sont contradictoires entre eux, ou lorsqu’ils n’ont pas de logique ou sont
incohérents.

B. Cas d’ouverture à cassation devant la cour commune de


justice et d’arbitrage

Aux termes de l’article 28 bis du règlement de la cour commune


de justice et d’arbitrage tel que révisé le 30 janvier 2014, le pourvoi en
cassation introduit auprès de cette dernière est fondé sur la violation
de la loi, l’incompétence et l’excès de pouvoir, la violation des formes
prescrites par la loi à peine de nullité, le défaut, l’insuffisance ou la
contrariété des motifs, l’omission ou le refus de répondre à des chefs
de demandes, la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la
procédure, le manque de base légale, la perte de fondement juridique,
ainsi que le fait de statuer sur une chose non demandée ou d’attribuer
une chose au-delà de qui a été demandé.

§4. Le délai de cassation

Devant la cour de cassation, le pourvoi est introduit dans un délai


de trois mois à dater de la signification du jugement attaqué. Si celui-
ci a été rendu par défaut, le délai court à partir du moment où
l’opposition n’est plus recevable. Le délai de cassation est suspendu
lorsqu’une opposition est formée contre le jugement entrepris. Si cette
opposition est déclarée recevable, le pourvoi sera rejeté. Il devient en

163
effet, sans objet, étant donné que le jugement à rendre sur opposition
se substituera à la décision objet du pourvoi.
Devant la CCJA, le pourvoi en cassation doit, aux termes de
l’article 28-1 du règlement de procédure de cette cour, être introduit
dans un délai de deux mois à dater de la signification de la décision
attaquée.

§5. Les effets des arrêts rendus en matière de cassation

Lorsqu’un pourvoi en cassation est rejeté, la décision qui en a


été l’objet devient irrévocable. Cette décision est par contre annulée
lorsque la cour la casse.
En droit interne, la cour peut casser avec ou sans renvoi. Dans le
premier cas, lorsqu’il y a encore des questions à trancher sur le fond,
la cause est renvoyée soit devant la même juridiction autrement
composée, soit devant une autre juridiction de même rang et de même
nature pour être rejugée. Lorsque la cassation a été prononcée pour
cause d’incompétence, la cause est renvoyée devant la juridiction
compétente (Article 37 de la loi n° 13/010 du 19 février 2013 relative
à la procédure devant la cour de cassation). Si, après que la cour a
cassé la décision entreprise, un pourvoi est introduit pour la deuxième
fois sur la même cause, celui-ci est examiné par la cour toutes
chambre réunies. En cas de cassation, la cause est renvoyée à la
chambre concernée par la matière, pour statuer sur le fond. Dans le
second cas, la décision attaquée est annulée et la procédure s’arrête.
Les parties retournent dans la situation qui prévalait avant cette
décision.

En droit OHADA, le dernier alinéa de l’article 14 du traité


donne automatiquement à la CCJA le pouvoir d’évoquer le fonds dès
lors que la décision entreprise est cassée.

164
Section 4. La prise à partie

§1. La notion de prise à partie

La prise à partie est une voie de recours extraordinaire par


laquelle une partie s’attaque aux magistrats qui se sont rendus
coupables de dol, concussion, ou déni de justice. A la différence des
autres voies de recours, la prise à partie ne vise pas un jugement. Elle
est plutôt dirigée contre un juge, pour des manquements qui
constituent des fautes personnelles de ce dernier. La prise à partie
n’est donc pas, à proprement parler, une voie de recours. Elle l’est de
façon indirecte. En effet, lorsqu’elle est fondée, la condamnation du
juge mis en cause peut être accompagnée par l’annulation du jugement
rendu par ce dernier. Cette annulation n’est pas automatique.

§2. Les causes d’ouverture de la prise à partie

Ces cas sont déterminés par l’article 55 de la loi n° 13/010 du 19


février 2013 relative à la procédure devant la cour de cassation. Il
s’agit du dol du juge, de la concussion et du déni de justice.

A. Le dol du juge

Ne se confondant pas avec le dol personnel d’une partie qui donne


ouverture à la requête civile, le dol du juge est défini par l’article 56
de cette même loi comme étant une violation volontaire du droit par le
magistrat, pour aboutir à une conclusion erronée, dans le but
d’accorder un avantage indu à une partie. Ce dol se caractérise par la
mauvaise foi, par des artifices et des manœuvres qui donnent à la
décision une valeur juridique apparente. L’erreur grossière du droit est
équipollente au dol.

165
B. La concussion

Aux termes de l’article 57 de la loi relative à la procédure devant


la cour de cassation, la concussion est le fait pour un magistrat
d’ordonner de percevoir, d’exiger ou de recevoir ce qu’il savait n’être
pas dû ou excéder ce qui était dû, pour droits, taxes, impôts, revenus
ou intérêts, salaires ou traitements.

C. Le déni de justice
Il y a déni de justice lorsqu’un magistrat refuse de procéder aux
devoirs de sa charge, ou néglige de juger les affaires en état d’être
jugées. Le déni de justice doit être prouvé par deux sommations faites
par l’huissier et adressées au magistrat à huit jours d’intervalle au
moins, et qui sont restées sans suite.

§3. La juridiction compétente et la procédure de la prise à


partie92

C’est la cour de cassation qui est compétente pour connaître de la


prise à partie. La requête en prise à partie doit être, aux termes de
l’article 59 de la loi du 19 février 2013, introduite dans un délai de
douze mois à compter du prononcé de la décision attaquée, si celle-ci
est contradictoire, ou à compter de sa signification, lorsque ladite
décision a été rendue par défaut. Ce délai peut également courir à
compter de la date où le requérant a eu connaissance du comportement
incriminé. En cas de déni de justice, le délai court à compter de la
deuxième sommation.

La requête en prise à partie est notifiée au magistrat incriminé.


Celui-ci dispose d’un délai de quinze jours à partir de cette
notification pour fournir ses moyens de défenses. A compter de la

92
La loi du 19 février 2013 a supprimé l’exigence d’obtention d’une autorisation préalable avant de prendre à partie un
magistrat.

166
notification, sous peine de nullité de la procédure, le magistrat visé ne
doit intervenir dans aucune cause intéressant le requérant, le conjoint
de celui-ci ou ses parents en ligne directe.

§4. Les effets de la prise à Partie

Lorsque la prise à partie est fondée, la cour peut condamner


solidairement le magistrat attaqué et l’Etat aux dommages-intérêts. Le
jugement rendu par ce magistrat, ainsi que tous les autres actes
attaqués peuvent être annulés. Si, par contre, la prise à partie n’est pas
fondée, le magistrat injustement mis en cause a le droit de postuler
aux dommages-intérêts.

167
168
TROISIEME PARTIE. LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
DE RECOUVREMENT ET LES VOIES D’EXECUTION

169
170
Avertissement

Dans cette partie, toute référence à une disposition faite uniquement


par le numéro de l’article qui la contient sans indiquer le texte
d’origine, renvoie à l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de
recouvrement et voies d’exécution.

171
172
TITRE I. LES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE
RECOUVREMENT DES CREANCES

173
174
L’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement et voies d’exécution a mis en place des mécanismes
simples et rapides qui permettent au créancier d’obtenir du président
du tribunal compétent, une injonction (un ordre) faite au débiteur
demandant à celui-ci d’exécuter la créance. Cette injonction a pour
vocation de devenir rapidement un titre exécutoire pour le créancier,
lorsque le débiteur n’exerce pas la voie de recours admise, ou lorsqu’à
la suite de ce recours, il est débouté.
Les procédures simplifiées de recouvrement des créances reposent sur
la technique de l’inversion du contentieux qui conduit à délivrer, sans
débat une ordonnance, et à différer l’ouverture du contentieux à la
contestation du débiteur93
Ces procédures sont dites simplifiées car elles permettent, pour
l’obtention du titre exécutoire, d’éviter la longue procédure de droit
commun consistant à assigner le débiteur et à se soumettre à toute la
procédure qui y fait suite pour obtenir un jugement exécutoire.

Le recours aux procédures simplifiées de recouvrement des


créances n’est pas obligatoire. Le créancier, pour le recouvrement de
sa créance, dispose toujours de la liberté de recourir à la voie de droit
commun qu’est l’assignation. Le droit OHADA organise deux
procédures simplifiées de recouvrement des créances : l’injonction de
payer d’une part, et d’autre part, l’injonction de délivrer ou de
restituer.

93
Appollinaire A. de SABA, la protection du créancier dans la procédure simplifiée
de recouvrement des créances civiles et commerciales, droit de l’OHADA et
pratiques européennes, 2ème édition, Paris, éd. Global finance
securities, coll. Pratiques judiciaires et législatives, 2011. p5.

175
176
Chapitre1. L’INJONCTION DE PAYER
Section 1. La notion de l’injonction de payer

§1. La définition
L’injonction de payer est une procédure qui permet à un
créancier d’obtenir, en matière contractuelle ou cambiaire, un titre
exécutoire par voie d’ordonnance, sans passer par l’instance judiciaire
traditionnelle qui résulterait d’une assignation. Ainsi, l’ordonnance
rendue à la suite d’une requête en injonction de payer tient lieu de
jugement, et peut devenir plus rapidement que celui-ci, un titre
exécutoire pouvant donner lieu à l’exécution forcée.

§2. Les conditions de l’injonction de payer


Les conditions pour recourir à la procédure d’injonction de payer
sont fixées par les articles 1 et 2 de l’acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances
et voies d’exécution. Ces conditions sont liées d’une part, aux
caractères de la créance concernée, et d’autre part, à son origine.
A. Les conditions relatives aux caractères de la créance
La créance pour laquelle l’on souhaite recourir à l’injonction de
payer doit être certaine, liquide et exigible. Ces conditions, dont
l’appréciation relève du pouvoir souverain du juge de fond94, sont
cumulatives. Ainsi, si l’une d’entre elles n’est pas réalisée, la demande
de l’injonction de payer doit être rejetée.

94
CCJA, 2 ème ch., arrêt n°32/2009 du30 juin 2009, Rec CCJA, n°13 Janvier - Juin 2009, , cité par Joseph ISSA-
SAYEGH, POUGOUE Paul-Gérard, SAWADOGO Filliga Michel et Autres, OHADA, traité et actes uniformes commentés et
annotés, 4ème édition, Juriscope, 2012, p987, voir également les arrêts n° 011/2002/CCJA du 28 mars 2002,007/2003
du 24 avril 2003 et 017/2004/CCJA du 27 juin 2004, in Felix ONANA ETOUNDI, Grandes tendances jurisprudentielles de
la Cour commune de Justice et d’Arbitrage en matière d’interprétation et d’application d u droit OHADA, coll. Pratique et
contentieux de droit des affaires, Ed spéciale, octobre 2011, pp332 -334.

177
1. La certitude de la créance

Une créance est dite certaine lorsqu’elle a une existence


actuelle et incontestable. Les créances conditionnelles et éventuelles
n’étant pas certaines, ne peuvent donc pas donner lieu à la procédure
d’injonction de payer. La certitude de la créance peut résulter du fait
que celle-ci est clairement reconnue par le débiteur, ou qu’elle est sans
équivoque indiquée dans le contrat. La cour commune de justice et
d’arbitrage a, en matière de loyer, fait application du caractère certain
de la créance. Elle a en effet jugé qu’une créance de loyer résultant
d’un contrat de bail implicitement prorogé de commun accord par les
parties contractantes remplit les conditions de certitude, de liquidité et
d’exigibilité prévues par l’article 1er, lorsque les loyers sont échus et le
montant chiffré outre les intérêts de droit et frais95.
S’agissant des créances constatées par les extraits d’un compte
courant, la même cour a estimé qu’on ne peut recourir à l’injonction
de payer que lorsque le compte a été arrêté. Cela s’explique par le fait
que dans un compte courant, les parties sont l’une et l’autre,
alternativement, tantôt débitrice, tantôt créancière. Dans ce cas, la
certitude de la créance ne saurait être établie si le compte concerné n’a
pas encore été arrêté96. Car, c’est seulement lorsque le compte courant
est arrêté, que les parties peuvent procéder à une réconciliation de tous
les mouvements opérés afin de dégager le solde et de déterminer la
partie qui en sera bénéficiaire.

95
CCJA, 1ère ch., arrêt n°063/2008 du 30 décembre 2008, Rec CCJA, n°12 Juillet -.Décembre 2008, p145, cité par
Joseph ISSA-SAYEGH, POUGOUE Paul-Gérard, SAWADOGO Filliga Michel et Autres, OHADA, traité et actes uniformes
commentés et annotés, 4ème édition, Juriscope, 2012, p987.
96
CCJA, arrêt n°22/2009 du 16 avril 2009, Rec CCJA, n°13 Janvier -Juin 2009, , cité par Joseph ISSA-SAYEGH,
POUGOUE Paul-Gérard, SAWADOGO Filliga Michel et Autres, OHADA, traité et actes uniformes commentés et annotés,
4ème édition, Juriscope, 2012, p987.

178
2. La liquidité de la créance

Une créance est liquide lorsque son montant est déterminé ou


déterminable. Le créancier qui sollicite une ordonnance d’injonction
de payer doit indiquer le montant de la créance dont il poursuit le
recouvrement, ou tout au moins, fournir des éléments qui peuvent
permettre de pouvoir le calculer. La question de la liquidité peut être
posée dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de paiement
partiel ou lorsqu’il s’agit d’un solde d‘un compte courant. Dans le
premier cas, on peut se demander si le juge peut accorder une
injonction de payer lorsque les parties, après un paiement partiel par le
débiteur, ne s’accordent pas sur le solde dû par ce dernier. Dans un tel
cas, la créance est déterminée sur le solde. Il faut pour ce faire, que
des éléments produits par le créancier, le juge saisi de la requête en
injonction de payer puisse déterminer avec exactitude ce qui a été
payé, et déduire ainsi ce qui reste dû par le débiteur. Dans l’hypothèse
du compte courant, comme indiqué ci-dessus, la Cour commune de
justice et d’arbitrage a estimé qu’aussi longtemps que le compte
n’est pas clôturé, la créance ne saurait être liquide. Toutefois, la
même cour a estimé que le fait pour le juge d’ordonner une
expertise à l’effet de déterminer le solde réel du compte courant
liant les parties ne saurait s’interpréter comme une preuve du
caractère non liquide de la créance, dès lors que le débiteur a lui-
même reconnu devoir une certaine somme inférieure à celle
réclamée, ce qui a rendu nécessaire ladite expertise pour éclairer
le tribunal sur cette créance qui était déjà liquide au moins pour
le montant déjà reconnu97.

97
CCJA, arrêt n°079/2012 du 29 novembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p29.

179
3. L’exigibilité

L’exigibilité est la situation d’une créance pour laquelle le


paiement peut immédiatement être exigé. Lorsqu’une créance est
exigible, le débiteur ne dispose d’aucun terme ou délai pour payer.
L’exigence d’une créance exigible fait que la requête en injonction de
payer sera rejetée lorsque le débiteur dispose d’un délai de paiement.
Il y a ici application de la formule, « qui doit à terme, ne doit rien ».

A. Les conditions relatives à l’origine de la créance

L’article 2 de l’acte uniforme dispose que « la procédure


d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1) la créance a une origine contractuelle ;
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet
de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée
inexistante ou insuffisante ».
A la différence des conditions liées aux caractères de la créance, les
conditions relatives à son origine ne sont pas cumulatives.

1. L’origine contractuelle de la créance

La première hypothèse prévue par l’article 2 de l’AUPSRVE est


celle d’une créance dont la source est un contrat. Le législateur OHADA n’a
rien indiqué sur la nature du contrat pouvant donner lieu à une injonction de
payer. Ainsi, l’on peut recourir à cette procédure chaque fois que l’on est en
présence d’un contrat pouvant être apprécié par le juge saisi. Toutefois, la
cour commune de justice et d’arbitrage a, dans un arrêt du 30 juin 2009,
estimé que la requête en injonction de payer n’est pas un litige de travail.
Elle n’est donc pas de la compétence du juge de travail. Cette position est
sujette à caution. Elle exclut toute possibilité de recourir à l’injonction de
payer chaque fois que la créance dont le recouvrement est poursuivi
résulterait d’un contrat de travail. Il n’y a aucune explication logique qui
pourrait justifier une telle mise à l’écart. Autant le juge de travail peut
connaître de ces créances, autant le président du tribunal du travail devrait

180
être compétent pour connaître de l’injonction de payer qui s’y rapporte. Le
contrat de travail n’est pas moins contrat que les autres contrats de droit
privé tels les contrats civils et les contrats commerciaux. On ne saurait
demander au créancier dont la créance est contenue dans un contrat de
travail, de s’adresser au président d’une juridiction civile ou commerciale
pour obtenir l’ordonnance d’injonction de payer. Sans hésiter, ceux-ci se
déclareraient incompétents.

2. L’origine cambiaire de la créance

Le porteur d’un effet de commerce, d’un chèque, d’une lettre de


change ou d’un billet à ordre, peut, lorsqu’il n’a pas été payé, recourir à
l’injonction de payer. Dans ce cas, la procédure peut être dirigée contre
l’émetteur de ces effets de commerce ou, contre les personnes qui les ont
acceptés pour payer.

Section 2. La procédure de l’injonction de payer

La procédure de l’injonction de payer comporte alternativement une


phase unilatérale non contradictoire et une phase contradictoire.

§1.La phase non contradictoire

Cette phase commence par une requête adressée au président de la


juridiction, et se termine par l’ordonnance rendue par ce dernier.

A. La requête aux fins d’injonction de payer

1. le contenu de la requête

Sans avoir de forme particulière, la requête aux fins


d’injonction de payer doit contenir des mentions obligatoires
prescrites à peine d’irrecevabilité. Ces mentions sont relatives à
l’identité des parties (noms, prénoms, profession et domicile,
dénomination sociale, siège social), et à la créance (indication précise

181
des sommes réclamées, avec le décompte des différents éléments de la
créance, ainsi que son fondement). La requête en injonction de payer
doit être accompagnée des pièces justificatives de la créance. Celles-ci
doivent être produites en original ou en copies certifiées conformes.
La CCJA a jugé que le créancier peut produire des pièces qui attestent
le caractère évolutif de la créance98.

2. La juridiction compétente pour recevoir la requête

La requête en injonction de payer est faite à l’intention du


président de la juridiction matériellement et territorialement
compétente pour connaître de la créance en première instance. Le
deuxième alinéa de l’article 3 de l’acte uniforme donne la possibilité
aux parties de déroger aux règles de compétence territoriale au moyen
d’une élection de domicile. Ainsi, par cette technique, les parties
peuvent attribuer la compétence à un autre juge que celui du domicile
du défendeur.

Le pouvoir reconnu au président de la juridiction par l’article 5


de l’AUPSRVE pour examiner la requête en injonction de payer est
différent de celui que lui confère l’article 49 du même acte uniforme
qui le désigne comme juridiction compétente pour examiner le
contentieux de l’exécution forcée.
En premier lieu, la différence résulte de la matière visée par ces
compétences respectives. L’article 5 confère au président la
compétence de connaître de la demande en injonction de payer. A ce
stade, le créancier n’a aucun titre exécutoire. Il saisit le président du
tribunal pour obtenir un titre qui pourrait devenir exécutoire par la
suite. Nous sommes à la phase de la procédure simplifiée de
recouvrement. La simplification étant comprise comme étant la
rapidité à obtenir un titre sans passer par une assignation. L’article 49
quant à lui, désigne le président comme juridiction compétente pour

98
CCJA, arrêt n°071/2012 du 17 août 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p19.

182
statuer sur toute contestation relative à une mesure d’exécution forcée.
Cela suppose que le créancier a déjà un titre dont il a déjà commencé
l’exécution par le recours aux voies d’exécution. Ce titre est, sauf dans
certain cas pour les saisies conservatoires, un titre exécutoire.
En second lieu, la différence entre ces deux pouvoirs s’aperçoit à
travers la nature de la décision prononcée. Alors que le troisième
alinéa de l’article 49 d l’AUPSRVE dispose que les décisions rendues
par le président dans le cadre des contentieux de l’exécution forcée
sont exécutoires sur minute, dans le cas de l’injonction de payer
l’ordonnance du président n’est pas exécutoire sur minute. Le
caractère exécutoire de celle-ci ne peut au regard des articles 16 et 17
de l’AUPSRVE, résulter que de l’apposition de la formule exécutoire
par le greffier à la requête du créancier, si le débiteur n’a pas fait
opposition. Dans le cas où il y a opposition contre l’ordonnance
d’injonction de payer, le jugement sur opposition se substitue à cette
dernière.

B. L’ordonnance

Lorsqu’elle est rendue, l’ordonnance du président ainsi que la


requête, sont conservées au greffe. Une expédition est remise au
créancier. Les originaux de pièces produites lui sont restitués.

1. Le contenu de l’ordonnance

Le contenu de l’ordonnance varie selon que la requête est, au


regard des pièces justificatives, fondée ou non. Lorsqu’elle paraît
fondée, le président rend une décision portant injonction de payer
pour le montant qu’il fixe (Il n’est pas obligatoire que ce montant
corresponde à celui qui est dans la requête). Si, par contre, la requête
ne paraît pas fondée, elle est totalement ou partiellement rejetée. La
décision de rejet n’est susceptible d’aucun recours. Le créancier peut
cependant, après le rejet, procéder par assignation ordinaire.

183
1. La signification de l’ordonnance
Une copie certifiée de l’expédition de l’ordonnance portant
injonction de payer doit, à peine de caducité, être signifiée au débiteur
dans un délai de trois mois suivant la date où elle a été rendue. A
peine de nullité, l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction
de payer doit contenir les éléments ci-après :
- la sommation faite au débiteur de payer la somme fixée dans la
décision, les intérêts et les frais de greffe dont le montant est
précisé ;
- l’indication faite au débiteur de la possibilité qui lui est reconnue
de former opposition ;
- le délai d’opposition et la juridiction compétente pour connaître de
celle-ci ;
- l’avertissement au débiteur qu’il peut, au greffe, prendre
connaissance des pièces justificatives de la créance ;
- l’avertissement au débiteur que faute d’opposition, aucun recours
ne sera admis.
La cour commune de justice et d’arbitrage a estimé que le défaut
d’indication des intérêts dans un exploit de signification de
l’ordonnance d’injonction de payer ne remet pas en cause la validité
de celui-ci dès lors que ces intérêts ne sont pas réclamés par le
créancier qui par ailleurs n’a nullement l’obligation de les réclamer99.
Elle a également jugé que l’obligation d’indication du montant de la
somme réclamée avec le décompte des différents éléments imposés
par l’article 4 alinéa 2 de l’AUPSRVE n’a lieu d’être lorsque la
créance réclamée comporte, en plus de la somme due en principal,
d’autres sommes au titre des intérêts, agios, commissions et autres
frais accessoires engendrés par les relations ayant donné lieu au
litige100.
99
CCJA, arrêt n°079/2012 du 29 novembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p29.
100
CCJA, arrêt n°088/2012 du 4 décembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p34.

184
3. Les effets de la décision portant injonction de payer

Lorsque le débiteur n’a pas formé opposition dans le délai, ou


lorsqu’il a désisté de son opposition, le créancier peut demander au
greffe l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance. Cette
demande doit être faite dans un délai de deux mois à compter de
l’expiration du délai d’opposition ou du désistement du débiteur.
L’apposition de la formule exécutoire transforme l’ordonnance
d’injonction de payer en un titre exécutoire, pouvant donner lieu à
l’exécution forcée. Lorsque par contre le débiteur a formé opposition
contre l’injonction de payer, cette dernière ne produit aucun effet. Il
s’ouvre alors la phase contradictoire de la procédure.

§2. La phase contradictoire : la procédure d’opposition

L’opposition du débiteur est la seule voie de recours admise contre une


ordonnance d’injonction de payer. Elle marque le début de la phase
contradictoire de la procédure, laquelle se termine par la conciliation des
parties ou, à défaut, par un jugement du tribunal saisi, qui statue sur la
créance.

A. Le délai d’opposition contre une ordonnance portant


injonction de payer

Le débiteur qui entend contester les prétentions du créancier doit


former opposition dans un délai de quinze jours à compter de la
signification de l’ordonnance portant injonction de payer. Lorsque
celle-ci n’a pas été signifiée à personne, le délai d’opposition
commence à courir à partir de la signification d’un premier acte
signifié à personne ou, à défaut, à partir du jour de la première mesure
d’exécution qui rend indisponible tout ou partie des biens du débiteur.
Le non respect du délai d’opposition est sanctionné d’irrecevabilité101.

101
CCJA, arrêt n°078/2012 du 29 novembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p22.

185
B. La signification de l’opposition et assignation

L’opposant doit, dans l’acte d’opposition, signifier son opposition


à toutes les parties, ainsi qu’au greffe de la juridiction dont le
président a rendu la décision d’injonction d payer. Il doit en outre
assigner toutes les parties à une date fixe. Celle-ci ne doit pas excéder
un délai de trente jours à compter de l’opposition. L’assignation est
contenue dans le même exploit que l’acte d’opposition.
L’opposition, dit le deuxième alinéa de l’article 9 de l’acte uniforme,
est faite par acte extrajudiciaire102.

C. La juridiction compétente pour connaître de l’opposition

Aux termes de l’article 9 de l’Acte uniforme relatif aux


procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution,
l’opposition est de la compétence du tribunal dont le président a
rendu l’ordonnance d’injonction de payer. Ainsi, si le président
est la juridiction compétente pour rendre l’ordonnance d’injonction
de payer, le tribunal est le juge de l’opposition contre cette ordonnance. Au
cours de l’instance d’opposition, le créancier reste demandeur en considérant
la demande en paiement. Par conséquent, la charge de la preuve de la
créance lui incombe. C’est l’application du principe « actori incumbit
probatio ».
D. La décision du tribunal sur opposition

Avant de statuer sur la créance, le tribunal tente une conciliation des


parties. Si celle-ci aboutit, le président dresse un procès-verbal de
conciliation signé par les parties. Il s’agit du président de la chambre qui est
saisie de l’opposition et non du président de la juridiction. En effet, celui-ci
n’est plus saisi. Il a été dessaisi dès qu’il a rendu l’ordonnance portant
injonction de payer. En cas d’échec de la tentative de conciliation, dit
l’article 12 de l’AUPSRVE, le tribunal statue immédiatement sur la demande
en recouvrement, par un jugement qui se substitue à l’ordonnance

102
Par acte extrajudiciaire, il faut entendre un acte d’huissier.

186
d’injonction de payer. La décision sur opposition est réputée contradictoire
lorsque le débiteur n’a pas comparu.

On peut s’interroger sur le sens à donner à l’expression « le tribunal


statue immédiatement », telle qu’employée au deuxième alinéa de
l’article 12 de l’AUPSRVE. On se demande si l’utilisation de cette
expression doit être comprise comme interdisant toute remise de l’audience
en matière d’opposition contre une injonction de payer. Le législateur
OHADA n’a donné aucune réponse à la question. Toutefois, il faut
considérer que l’opposition s’inscrit dans le cadre d’une procédure simplifiée
de recouvrement. La célérité est le trait caractéristique principal de cette
procédure. Une telle compréhension permet de penser que le législateur
OHADA a voulu que la décision sur l’opposition intervienne le plus
rapidement possible. Cela est d’autant plus facilité par le fait que le débiteur,
pour assurer sa défense, est censé avoir déjà pris connaissance des pièces du
créancier qui ont été déposées au greffe. L’acte de signification de
l’ordonnance l’y invite. Ainsi compris, l’on peut considérer que le
législateur OHADA a entendu exclure, sauf en cas de nécessité, les remises
en matière d’opposition sur injonction de payer.

E. Le recours contre le jugement rendu sur opposition

Seul l’appel est admis contre un jugement rendu sur opposition à


l’ordonnance d’injonction de payer. Il doit être formé dans un délai de trente
jours à compter du prononcé.

187
Chapitre 2. L’INJONCTION DE DELIVRER OU DE
RESTITUER

Section 1. La notion de l’injonction de


délivrer ou de restituer

§1.La définition

L’injonction de délivrer ou de restituer est la procédure


instituée par l’AUPSRVE, qui permet à un créancier d’une obligation
de délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel
déterminé, d’obtenir un titre exécutoire, par voie d’ordonnance, de
façon simple et rapide, sans recourir à une assignation.

§2. La condition de l’injonction de délivrer ou de restituer

L’on ne peut recourir à la procédure d’injonction de délivrer ou


de restituer que lorsque l’on est créancier d’une obligation de
délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel, peu importe la
nature contractuelle ou non de la créance concernée. C’est le cas d’un
acheteur d’un bien meuble corporel qui a le droit à la délivrance du
bien acheté, ou celui d’un déposant qui a le droit à la restitution de la
marchandise mise en dépôt.

Section 2. La procédure de l’injonction de délivrer ou de


restituer

A l’instar de l’injonction de payer, la procédure de l’injonction de


délivrer ou de restituer comporte deux phases. Une phase unilatérale non
contradictoire et une phase contradictoire. A bien des égards, cette procédure
connaît les mêmes règles que l’injonction de payer.

188
§1. La phase non contradictoire

A. La requête aux fins d’injonction de délivrer ou de restituer

1. Le contenu de la requête

La requête aux fins d’injonction de délivrer ou de restituer n’a


pas de forme particulière. Elle doit, à peine d’irrecevabilité, contenir
les mentions liées à l’identité des parties (noms, prénoms, profession
et domicile, dénomination sociale, siège social) ainsi que l’indication
précise du bien concerné. Cette requête doit être accompagnée de tout
document en original ou copie certifiée conforme qui justifie la
demande.

2. La juridiction compétente pour recevoir la requête

Comme pour l’injonction d payer, la requête est faite au président


de la juridiction matériellement et territorialement compétente du lieu
où demeure le débiteur de l’obligation de délivrance ou de restituer.

B. L’ordonnance

Lorsqu’elle est rendue, l’ordonnance ainsi que la requête sont


conservées au greffe. Une expédition est remise au créancier. Les
originaux de pièces produites lui sont restitués.

1. Le contenu de l’ordonnance
Lorsque la requête paraît fondée, le président rend une décision
portant injonction de délivrer ou de restituer le bien concerné. Si, par
contre, la requête ne paraît pas fondée, elle est rejetée. Comme pour
l’injonction de payer, la décision de rejet n’est susceptible d’aucun
recours. Le créancier, dans ce cas, ne peut procéder que par
assignation ordinaire.

189
2. La signification de l’ordonnance
L’ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer,
accompagnée des pièces justificatives en copies certifiées conformes,
est signifiée à la personne tenue de la remise du bien. Cette
signification doit être faite dans un délai de trois mois à compter de la
date de l’ordonnance. A peine de nullité, l’acte de signification de
l’ordonnance d’injonction de délivrer ou de restituer doit contenir une
sommation faite au débiteur d’avoir, dans un délai de quinze jours,
soit à transporter à ses frais le bien désigné dans un lieu indiqué, soit à
faire valoir ses moyens de défense en faisant opposition au greffe de la
juridiction dont le président a rendu la décision, par déclaration écrite
ou verbale ou par tout autre moyen laissant de trace écrite, faute de
quoi la décision sera rendue exécutoire.
3. Les effets de la décision portant injonction de délivrer ou de
restituer
a. Les effets lorsque le débiteur n’a pas formé opposition ou en cas
de désistement de l’opposant

Lorsque le débiteur n’a pas formé opposition dans le délai, ou


lorsqu’il a désisté de son opposition, le créancier peut, dans un délai
de deux mois à compter de l’expiration du délai d’opposition, ou à
compter du désistement du débiteur, demander l’apposition de la
formule exécutoire sur l’ordonnance. A la différence de l’injonction
de payer, la demande de la formule exécutoire est adressée au
président de la juridiction compétente.
b. Les effets lorsque le débiteur a formé opposition

Lorsque le débiteur a formé opposition contre l’injonction de


délivrer ou de restituer, celle-ci ne produit aucun effet, il s’ouvre ainsi
la phase contradictoire de la procédure, l’opposition.
§2. La phase contradictoire : la procédure d’opposition

Cette phase est soumise aux mêmes règles que celles de


l’injonction de payer.

190
TITRE II. LES VOIES D’EXECUTION

191
192
Objet du code civil livre III, le droit de créance, serait inutile si le
créancier n’a pas l’assurance de se faire payer.
Il arrive des cas où un débiteur s’exécute volontairement et
spontanément. Cependant, les cas dans lesquels le débiteur ne
s’exécute pas sont aussi, si pas plus, nombreux que les premiers. Pour
ces cas, et en vue de préserver le droit du créancier à l’exécution, le
législateur a institué des mécanismes de contrainte que le celui-ci peut
utiliser à l’encontre de son débiteur défaillant. Ces mécanismes,
traditionnellement appelés voies d’exécution, constituent les
procédures civiles d’exécution.

L’intérêt de la mise en œuvre du droit à l’exécution forcée va


bien au delà de la protection individuelle du créancier. Elle concerne
l’économie toute entière. En effet, ainsi que le relèvent beaucoup
d’études103, le non paiement de créance constitue un véritable fléau à
travers tous les continents. Cette situation est gravement nuisible au
développement dans la mesure où, ainsi que le souligne Joseph
Djogbenou104, ce dernier a besoin du crédit et de la mobilité de la
créance, étant donné que cette mobilité est source de mobilisation des
ressources aussi bien pour l’économie des ménages, des entreprises
que des Etats. Il est donc admis aujourd’hui que l’avenir des
investissements dépend en grande partie des facilités accordées aux
bailleurs de fonds dans le recouvrement de ce qui leur est dû105.
Les créanciers ne peuvent consentir à accorder des crédits, et donc à
financer l’économie, que lorsqu’ils sont assurés à l’avance, de pouvoir
être payés, au besoin, en recourant à la force. D’où l’utilité de mettre
en place des mécanismes de recouvrement susceptibles de les protéger
efficacement.

103
Lire à ce propos, SABA(Apollinaire A.), la protection du créancier dans la procédure simplifiée de
recouvrement des créances civiles et commerciales : droit de l’OHADA et pratiques européennes, 2 ème édition,
Paris, éd. Global finance securities, coll. Pratiques judiciaires et législatives
104
Djogbenou(Joseph), l’exécution forcée droit OHADA, 2 ème édition, Cotonou, CREDIJ, 2011, p5.
105
KUATETEMEGHE (Silvain Sorel), la protection du débiteur dans les procédures individuelles d’exécution, Paris,
l’harmattan, 2004, p21.

193
En considérant le débiteur, les règles organisant
l’exécution forcée doivent être conçues de telle sorte que le droit
à l’exécution n’apparaisse pas comme un droit de la sanction du
débiteur indélicat, comportant dans ce sens, un caractère afflictif
et infamant pour ce dernier. La mise en œuvre des procédures
d’exécution forcée doit avoir pour but d’assurer au créancier la
réalisation de son droit de créance et non, de punir, d’humilier ou
moins encore de ruiner le débiteur qui n’a pas payé. Visant à
mettre en œuvre le droit de créance en assurant le paiement au
créancier non payé, le droit de l’exécution forcée doit, en
parallèle avec la protection du créancier, contenir des mesures
nécessaires à assurer la protection du débiteur. Cette protection
est d’autant justifiée par le fait qu’en général, lorsque, se
trouvant dans le besoin, le débiteur qui contracte une dette, se
retrouve dans une situation aussi bien économique que
psychologique défavorable, situation dans laquelle, en raison des
besoins à satisfaire qui justifient son endettement, il ne dispose
pas des moyens nécessaires pour faire face aux conditions
parfois déséquilibrées que lui impose le créancier. Compte tenu
de ce déséquilibre, il est moralement inadmissible que ce
créancier, qui peut avoir profité des faiblesses du débiteur pour
lui imposer ces conditions, puisse, en recourant aux procédures
légales se faire payer, en réduisant à sa guise sa victime débiteur.
C’est compte tenu de la nécessité à protéger le débiteur contre
des créanciers malveillant que l’acte uniforme impose des
obligations procédurales strictes.

194
Chapitre 1. LE REGIME GENERAL DES VOIES
D’EXECUTION
Section 1. La Notion des voies d’exécution
§1. La définition et la base légale
Les voies d’exécution sont des procédures légales mises à la
disposition du créancier pour lui permettre d’obtenir l’exécution
forcée de sa créance, lorsque le débiteur n’exécute pas volontairement.
Ces voies ont un caractère légal interdisant le recours, pour
l’exécution forcée d’une créance, à une procédure non prévue par le
législateur.
Les voies d’exécution sont régies par l’Acte uniforme relatif aux
procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution du 10
avril 1998. Les articles 10 du traité OHADA et 336 de cet acte
uniforme abrogent toute disposition du droit interne relative aux
matières de l’exécution forcée. Ainsi, le titre III du code de procédure
civile est abrogé parce qu’il se rapporte aux voies d’exécution.

Une question se pose cependant quant à savoir si l’acte


uniforme abroge également les mesures d’exécution forcées
spécifiques, telle que l’avis à tiers détenteur, qui sont contenues dans
la loi n° 004-2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures
fiscales.
L’article 71 de cette loi dispose que, « Les dispositions en vigueur
quant aux saisies et aux ventes par l’autorité de justice, en matière
civile et commerciale, sont applicables aux saisies et aux ventes
opérées pour le recouvrement des impositions dues, mais seulement en
tant qu’il n’y est pas dérogé par les dispositions de la présente loi ».
A appliquer cette disposition, on arriverait à la conclusion que le texte
relatif à la procédure fiscale peut déroger à l’acte uniforme. Ainsi,
compris, l’avis à tiers détenteur serait une procédure exceptionnelle.
Une telle lecture ne saurait être soutenue. En effet, l’acte uniforme ne

195
laisse aucune possibilité à la loi nationale, fut-elle fiscale, de pouvoir
instituer des dérogations quant aux mesures d’exécution forcée.
L’article 336 de cet acte uniforme est clair, il abroge toutes les
dispositions relatives à la matière de l’exécution forcée, sans préciser
que cette abrogation ne concernerait pas les mesures d’exécution
forcée applicables aux créances fiscales. Comment le ferait-il dès lors
que l’article 2 du traité OHADA, qui fait entrer le droit de l’exécution
forcée dans l’extension du droit des affaires, ne limite pas celui-ci à
l’exécution des créances privées, ce qui exclurait l’exécution forcée
des créances publiques, parmi lesquelles il y a des créances fiscales.

§2. La classification des voies d’exécution

La classification des voies d’exécution est faite en prenant en


compte la nature du bien, objet de la saisie. Ainsi, en raison de cette
nature, on distingue d’une part, les voies d’exécution mobilières ou
saisies mobilières (telles que les saisies conservatoires, la saisie-vente,
la saisie-attribution des créances…) et d’autre part, la saisie
immobilière. On peut également classifier les voies d’exécution en
considérant leur finalité. Ainsi, on a d’une part, les voies d’exécution
mesures conservatoires, et d’autre part, les voies d’exécution à fin
d’exécution.
Les voies d’exécution mesures conservatoires sont celles qui ont
pour but de rendre indisponibles les biens du débiteur, en vue d’une
réalisation (ou vente) prochaine, pour désintéresser le créancier au
moment venu. Ces mesures visent à mettre les biens du débiteur sous
la main de la justice, pour prémunir le créancier contre l’insolvabilité
de celui-ci. Toutes les saisies conservatoires prévues par l’acte
uniforme, y compris la saisie-revendication, sont des mesures
conservatoires. Les voies d’exécution à fin d’exécution quant à elles,
visent directement à obtenir la vente des biens saisis, ou leur
attribution au créancier. On y classe la saisie-vente, la saisie-
attribution des créances, la saisie des rémunérations, la saisie-
appréhension, la saisie immobilière etc…

196
Section 2. Le droit de saisir ou droit à l’exécution
forcée

§1. Les sources et caractère du droit de saisir

Le droit de saisir est posé par l’article 28 de l’Acte uniforme


portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
voies d’exécution qui dispose qu’« à défaut d’exécution volontaire,
tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les
conditions prévues par le présent acte uniforme, contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer
une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits ».
Ce texte consacre ainsi le droit à l’exécution forcée, qui est la
traduction pratique du droit de gage que l’article 245 de la loi portant
régime général des biens, régimes foncier et régime immobilier pose
en ces termes : « tous les biens du débiteurs sont le gage commun des
créancier… ». Ainsi, puisque les créanciers ont un droit de gage sur
les biens du débiteur, ils peuvent procéder à l’exécution forcée lorsque
celui-ci ne s’est pas volontairement acquitté.

Le droit de saisir a un caractère subsidiaire. En effet,


l’article 28 de l’acte uniforme qui le consacre, ne l’affirme que dans la
mesure où le débiteur n’a pas exécuté volontairement. On ne peut
donc pas concevoir le recours à l’exécution forcée lorsque le débiteur
dispose encore d’un délai d’exécution, ou lorsqu’il procède à une
exécution volontaire.
§2. La portée du droit de saisir

Le droit à l’exécution forcée est une consécration du recours à


la contrainte contre le débiteur qui ne s’est pas exécuté
volontairement106. Ce droit n’est pas absolu, on doit tenir compte non

106
HOONAKKER (P), Procédures civiles d’exécutions : voies d’exécutions, procédures de distribution, Orléans,
Paradigme, 2010, p.18.

197
seulement de la sauvegarde des intérêts du créancier saisissant, mais
également de ceux du débiteur saisi, de manière à éviter tout abus de
la part du créancier. C’est pour assurer cet équilibre entre les intérêts
du créancier et ceux du débiteur, que le législateur OHADA a procédé
à une stricte réglementation du droit de saisir, en imposant des
formalités et délais très rigoureux.

§3 les limites au droit de saisir

Le créancier qui souhaite recourir à l’exécution forcée peut


être confronté à trois entraves : l’immunité d’exécution, la procédure
des défenses à exécuter ou suspension de l’exécution ainsi que le droit
de grâce reconnu à la juridiction compétente.

A. L’immunité d’exécution

1. Le principe

Les mesures d’exécution forcée, dit l’article 30 de l’Acte uniforme


relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution, ne peuvent être appliquées à l’encontre des bénéficiaires
de l’immunité d’exécution. Sans être exhaustif, le deuxième alinéa du
même article consacre implicitement le principe de l’immunité
d’exécution au profit des personnes morales de droit public et des
entreprises publiques. En effet, ce texte dispose que « les dettes
certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public
ou des entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la mission,
donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et
exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de
réciprocité ». En disposant ainsi, le législateur OHADA sous-entend, que les
personnes ainsi énumérées bénéficient de l’immunité d’exécution.

198
2. La limite à l’immunité d’exécution

L’alinéa 2 de l’article 30 permet au créancier des bénéficiaires de


l’immunité d’exécution (personnes morales de droit public et entreprises
publiques), de procéder à la compensation avec les dettes liquides et
exigibles dont ils sont tenus vis-à-vis de ces personnes.
L’acte uniforme ne précise pas le moment où doit se réaliser la
compensation, de telle sorte que l’on peut s’interroger sur l’automaticité de
celle-ci. Il y a lieu de considérer qu’à défaut d’un accord entre les parties, la
compensation voulue doit être décidée par le juge. En effet, seul celui-ci a le
pouvoir de constater la réciprocité des créances, ainsi que la certitude et
l’exigibilité de celle pour laquelle la compensation est demandée.

B. Les défenses à exécuter

Appelée également suspension de l’exécution, les défenses à


exécuter consistent pour un juge à ordonner la suspension de
l’exécution forcée d’un titre. Ainsi qu’il a été relevé plus haut, le
juge d’appel, en vertu de l’article 76 du code de procédure civile,
peut lorsque le jugement dont appel contient une clause
d’exécution provisoire, accorder à l’appelant la suspension de
l’exécution. Ainsi, lorsqu’elles sont ordonnées, les défenses à
exécuter constituent un obstacle à l’exécution forcée.

C. Le délai de grâce

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 39 de l’acte uniforme


relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution, la juridiction compétente peut, sauf lorsqu’il s’agit des
dettes d’aliments ou des dettes cambiaires, soit reporter, soit
échelonner le paiement de ce qui est dû par le débiteur. Elle peut
également décider que les paiements s’imputent d’abord sur le
principal.
La juridiction compétente a donc la possibilité de mettre en échec
l’exécution forcée en accordant au débiteur soit un délai de grâce, ou

199
un échelonnement du paiement. Dans la prise de cette décision, cette
juridiction doit rechercher à trouver un équilibre entre la situation du
débiteur et les besoins du créancier. Protégeant celui-ci contre l’usage
abusif des mesures de grâce, le législateur OHADA les a fixées dans
une limite temporelle. En effet, elles ne peuvent être accordées pour
une période de plus d’une année.

Section 3. Les conditions de l’exécution forcée


§1. Les conditions relatives aux sujets de la saisie
a. Les conditions quant au créancier saisissant
L’article 28 de l’acte uniforme ne pose aucune condition pour
l’exercice du droit à l’exécution forcée. Il ne fait aucune distinction
fondée ni sur la nature, ni sur le quantum de la créance objet de la
mesure d’exécution. Tout créancier, quelle que soit sa créance, peut
saisir. La seule condition applicable au créancier, est d’avoir la
capacité juridique pour pouvoir saisir. Cette question relève du
droit interne relatif aux divers régimes d’incapacité.

b. Les conditions quant au débiteur

En posant le principe du droit à l’exécution forcée, l’article 28


de l’AUPSRVE ne spécifie pas de débiteur visé. Ainsi, tout débiteur,
quelles que soient la nature et la hauteur de sa dette, peut subir
l’exécution forcée. Toutefois, comme dit ci-dessus, les mesures
d’exécution forcée ne peuvent être appliquées à l’encontre des
bénéficiaires de l’immunité d’exécution.

200
§2. Les conditions relatives à la créance

A. Les conditions de fond

La créance susceptible de l’exécution forcée doit être certaine,


liquide et exigible. L’article 31 de l’AUPSRVE dispose que ces
conditions ne s’appliquent pas à l’appréhension ou à la revendication
des biens meubles.

1. La certitude de la créance

La certitude consiste en l’existence effective de la créance au


moment où la saisie est pratiquée. L’exigence d’une créance certaine
s’oppose ainsi à ce que l’on pratique une saisie alors que la créance,
cause de la dite saisie, n’est que conditionnelle ou éventuelle. Celle-ci
doit avoir une existence réelle, dépourvue du moindre doute.

2. La liquidité de la créance

Une créance est dite liquide lorsque son montant en argent est
connu et déterminé, ou tout au moins déterminable. La preuve de la
liquidité se réalise soit par l’indication du montant de la créance, soit
par la production aux débats des éléments pouvant permettre d’en
faire le calcul.

3. L’exigibilité de la créance

L’on ne peut recourir aux mesures d’exécution forcée lorsque le


débiteur dispose encore d’un délai pour exécuter. Comme dit ci-
dessus, une créance est exigible lorsque le créancier peut en réclamer
immédiatement paiement, soit parce que le débiteur n’a aucun délai
d’exécution, soit parce que le délai qui lui a été accordé est déjà échu.

201
B. Les conditions de forme :

1. Le titre exécutoire

L’exécution forcée ne peut être poursuivie que lorsque le


créancier est muni d’un titre exécutoire. Toutefois, les saisies
conservatoires peuvent être pratiquées avant l’obtention du titre
exécutoire. L’article 33 de l’AUPSRVE énumère, de façon
exhaustive, les différents titres exécutoires. Il s’agit : des décisions de
justice revêtues de la formule exécutoire, des décisions judiciaires
exécutoires sur minute, des jugement étrangers et sentences arbitrales
exequaturés, des procès-verbaux de conciliation signés par les parties
et les juges, des actes notariés revêtus de la formule exécutoire, des
décisions auxquelles la loi nationale attache les effets d’une décision
judiciaire.

2. Le commandement préalable

De façon classique, toute saisie doit être précédée par un


commandement. Celui-ci est fait par l’huissier ; il est une véritable
mise en demeure.107Lorsque le titre à exécuter est un jugement, le
commandement est généralement fait avec la signification de ce
dernier. L’exploit d’huissier comportant à la fois la signification du
jugement et le commandement de payer est appelé « signification avec
commandement » ou signification-commandement ». L’acte uniforme
ne fait allusion au commandement préalable que dans les cas de
saisie-vente, saisie-appréhension, saisie des droits des associés et
valeurs mobilières, ainsi que celui de la saisie immobilière.

Le commandement n’est pas un acte de saisie. Il est plutôt une


mise en demeure faite au débiteur, invitant celui-ci à exécuter dans le
délai qui lui est imparti. Il n’est donc pas un acte d’exécution forcée,
celle-ci ne commençant qu’avec l’acte de saisie.
107
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p559.

202
§3. Les conditions relatives au bien à saisir

A. Principe : saisissabilité de tous les biens

L’article 50 de l’acte uniforme dispose que « les saisies peuvent


porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils
seraient détenus par des tiers, sauf s’ils ont été déclarés insaisissables
par la loi nationale de chaque État partie. Elles peuvent également
porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution
successive. Les modalités propres à ces obligations s’imposent au
créancier saisissant ». Ainsi, tous les biens du débiteur sont
saisissables par principe.

B. Limitation au principe de la saisissabilité

In fine, le premier alinéa de l’article 50, ci-dessus repris, laisse


entrevoir la possibilité pour le législateur national de déclarer certains
biens insaisissables. Cette possibilité est d’ailleurs renforcée par les
articles 51 et 52 du même texte qui disposent respectivement que « les
biens et droits insaisissables sont définis par chacun des États parties »
et que « les créances insaisissables dont le montant est versé sur un
compte demeurent insaisissables ». C’est ainsi, par exemple, que
l’article 114 du code du travail fixe la quotité saisissable de la
rémunération en disposant que la saisie ne peut excéder un cinquième
de la portion de la rémunération n’excédant pas cinq fois le salaire
minimum garanti de la catégorie du travailleur et un tiers sur la
portion de la rémunération supérieure.

203
Section 4. Les intervenants dans la procédure d’exécution

§1. Les autorités compétente en matière d’exécution


forcée
Le droit à l’exécution forcée s’inscrit dans une réglementation
stricte, constituant le droit de l’exécution. Dans ce cadre, seules des
personnes auxquelles ce droit attribue expressément la compétence,
peuvent intervenir dans la procédure. Il s’agit des huissiers ou agents
d’exécution, ainsi que des autorités administratives.
A. Les huissiers ou agents d’exécution
Le créancier qui désire procéder à l’exécution forcée fait appel
à un officier ministériel, l’huissier. L’intervention de ce dernier ne
peut se faire que dans les limites des heures et jours légaux fixées par
l’article 46 de l’AUPSRVE. Relativement aux jours, sauf cas de
nécessité et autorisation du président du tribunal dans le ressort duquel
elle est poursuivie, l’exécution ne peut être effectuée un dimanche ou
un jour férié. Quant aux heures, sauf cas de nécessité et autorisation de
la juridiction compétente, l’exécution ne peut être effectuée avant huit
heures, le matin, et après dix huit heures, le soir. Dans tous les cas,
elle ne peut être menée après dix-huit heures, lorsqu’elle se déroule
dans un lieu servant d’habitation. L’huissier a, au cas où les lieux où
doit se dérouler l’exécution sont fermés, le pouvoir de procéder à
l’ouverture des portes et des meubles. Si l’occupant des lieux est
absent ou lui refuse l’accès, l’huissier peut établir un gardien aux
portes pour empêcher le divertissement des biens. Il requiert à cet effet
l’assistance de l'autorité administrative compétente ou d’une autorité
de police. Dans les mêmes conditions, il peut être procédé à
l'ouverture des meubles. L’huissier qui a exécuté dans ces conditions
assure la fermeture de la porte ou de l'issue par laquelle il a pénétré
dans les lieux. L’article 45 lui permet de photographier les objets
saisis. Dans ce cas, il conserve les photographies en vue de la
vérification des biens saisis. Celles-ci ne peuvent être communiquées

204
qu'à l'occasion d'une contestation portée devant la juridiction
compétente.
L'huissier peut se faire assister d'un ou deux témoins majeurs,
non parents ni alliés en ligne directe des parties. Ceux-ci ne doivent
pas être au service de ces dernières. Dans le cas où il recourt aux
témoins, l’huissier énonce sur le procès verbal, leurs noms, prénoms,
professions et domiciles. Les témoins signent l'original et les copies
du procès verbal.

Sauf cas de nécessité constatée par la juridiction compétente, le


créancier saisissant ne peut assister aux opérations de saisie.

L’acte uniforme donne pouvoir à l’huissier ou à l'agent


d'exécution qui rencontre une difficulté dans l’exécution d’un titre
exécutoire, de prendre l'initiative de saisir la juridiction compétente
pour la régler. A cet effet, l'huissier, aux frais du débiteur, délaisse
une assignation à comparaître aux parties en les informant des jour,
heure et lieu de l'audience au cours de laquelle la difficulté sera
examinée. Il doit donner connaissance aux parties du fait qu'une
décision pourra être rendue en leur absence.

B. Les autorités administratives

L’exécution forcée nécessite parfois le recours à la force publique.


Cette force étant sous l’autorité de l’administration, celle-ci est tenue,
en cas de résistance du débiteur, et lorsque l’huissier lui en fait la
demande, d’y apporter l’assistance nécessaire. L’autorité
administrative à qui la demande d’assistance est faite, ne peut refuser
d’accorder ce concours. Ceci découle de l’article 29 de l’AUPSRVE
qui impose à l’Etat, sous peine d’engager sa responsabilité,
l’obligation d’apporter son concours lorsque l’huissier le requiert.
L’apposition de la formule exécutoire sur le titre à exécuter vaut
réquisition de la force publique. Par conséquent, il n’est pas nécessaire

205
de faire intervenir le parquet pour obtenir une réquisition de la force
publique en vue de l’exécution forcée.

En considérant l’exigence faite à l’Etat d’apporter son concours à


l’exécution forcée légalement menée, on ne peut que déplorer les
entraves à l’exécution, œuvres de certaines structures de l’Etat, tel le
Ministre de la justice, ou le plus souvent l’Inspectorat des services
judiciaires. En effet, il est plusieurs fois arrivé que par des lettres, le
Ministre de la justice et, le plus souvent, les magistrats affectés à
l’Inspectorat des services judiciaires entravent l’exécution forcée.
Cette pratique est non seulement une violation de la constitution, mais
également une violation du droit à l’exécution forcée dont le résultat
est le discrédit de notre justice.
L’article 38 de l’AUPSRVE dispose quant à lui, que « les tiers
ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l'exécution ou de
la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours
lorsqu'ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces
obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-
intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut
également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement
des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur ».

Section 5. L’étendue de l’exécution forcée

L’exécution forcée a pour mesure la créance visée. Ainsi, le


débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir le paiement partiel
d'une dette, même lorsque celle-ci est divisible. Le deuxième alinéa de
l’article 39 de l’AUPSRVE permet cependant à la juridiction
compétente, de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes due
par le débiteur. Dans ce cas, il doit être tenu compte d’une part, de la
situation du débiteur, et d’autre part, des besoins du créancier. La
mesure de grâce ainsi accordée est limitée à une année. Elle ne peut
être accordée au débiteur lorsque la créance porte sur les aliments ou
lorsqu’il s’agit d’une dette cambiaire.

206
Section 6. La nature des délais imposés par l’Acte uniforme
relatif aux procédures simplifiées recouvrement et voies
d’exécution

L’article 335 de l’AUPSRVE dispose que « les délais prévus


dans le présent acte uniforme sont des délais francs ». Cette
disposition ne peut s’appliquer qu’aux délais qui sont exprimés en
jours. Ainsi, pour tous les délais aussi bien imposés pour agir (délais
d’action) que ceux dont l’observance est imposée avant d’agir (délais
d’attente), les premiers et derniers jours sont compris, mais non
comptés.

Section 7 Le contentieux de l’exécution forcée

§1. La notion et caractère du contentieux de l’exécution forcée

L’exécution forcée telle qu’organisée par l’acte uniforme relatif aux


procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, ne fait
intervenir le juge que lorsqu’elle soulève des difficultés. En effet, excepté les
cas où l’acte uniforme impose d’obtenir l’autorisation de la juridiction
compétente, les mesures d’exécutions forcée ou les saisies conservatoires se
déroulent sans aucune intervention du juge. Celui-ci ne peut, en cette
matière, statuer que de façon incidentielle, pour régler une difficulté
d’exécution, pour trancher une contestation soulevée par le débiteur, par un
tiers ou par un autre créancier.
Ainsi, l’on peut dire que l’exécution forcée se caractérise par sa nature
déjudiciarisée. Elle peut, s’il n’y a aucune difficulté d’exécution, s’il n’ ya
aucune contestation soulevée par le débiteur, par un tiers, ou par d’autres
créanciers, ne se dérouler qu’avec des actes d’huissier. Il n’y a donc pas de
juge de l’exécution, mais plutôt un juge du contentieux de l’exécution.
Celui-ci étant entendu comme étant tout litige, ou toute difficulté pouvant
survenir à l’occasion, ou à la suite d’une mesure d’exécution forcée ou d’une
saisie conservatoire.

207
§2. Le juge compétent pur connaître du contentieux de
l’exécution forcée
A. Le principe général
L’article 49 de l’AUPSRVE désigne le président du tribunal
comme juge compétent pour connaître de toute question relative à
l’exécution forcée. Celui-ci doit statuer en urgence. L’acte uniforme
ajoute que les décisions prises en matière d’exécution par le président
sont susceptibles d’appel dans un délai de quinze jours à compter du
prononcé. Ce délai ainsi que l’appel, précise le troisième alinéa de
l’article 49, ne sont pas suspensifs de l’exécution.

L’article 120 déroge à l’article 49 quant à la désignation de la


juridiction compétente pour trancher, en matière de saisie-vente, le
désaccord sur le lieu où doit s’effectuer la vente. En effet, aux termes
de cette disposition, ce désaccord est tranché par la juridiction
compétente pour statuer en matière d’urgence.

La détermination du tribunal dont le président est compétent en matière


d’exécution, relève du droit interne. Il s’agit d’après plusieurs arrêts rendus
par la CCJA, de la juridiction compétente, au regard du droit interne, pour
108
connaître de la cause en première instance. Ainsi, dans le cas congolais,
on doit se référer à la loi portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. Cette dernière repartit la
compétence en fonction d’une part, de la hauteur de la créance, et d’autre
part, de la nature civile, commerciale ou sociale du différend. Etant donné
que le deuxième alinéa de l’article 6 de cette loi dispose que la compétence
des tribunaux du travail et celle des tribunaux de commerce sont régies par
les lois qui régissent ces juridictions, il y a donc lieu de se référer à celles-ci
pour connaître également la compétence en matière d’exécution pour des
litiges commerciaux et des litiges relevant du droit du travail.
En considérant tous ces textes on peut retenir qu’en matière
d’exécution, la compétence s’exerce de la manière suivante :

108
CCJA, arrêts n° 007/2003 du 24 avril 2003 ; n°011/2003 du 19 juin 2003 ; n°17/2003 du 9 octobre 2003

208
1. En matière civile

- Pour l’exécution d’une créance dont le montant ne dépasse pas


deux millions cinq cents milles francs, le président du tribunal de
paix est compétent ;
- pour l’exécution d’une créance dont le montant dépasse deux millions
cinq cents milles francs, la compétence revient au président du tribunal de
grande instance.

2. En matière commerciale

Le président du tribunal de commerce est compétent quelle que soit la


hauteur de la créance.

3. En matière du travail

Le président du tribunal du travail est compétent quelle que soit la hauteur de


la créance.
B. Les règles particulières

Ces règles concernent, d’une part, la saisie conservatoire lorsque le


créancier n’a pas de titre exécutoire, et d’autre part, la question de
l’exécution des jugements.

1. Le cas particulier de la saisie conservatoire sans titre exécutoire

C’est l’article 111 de la loi du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire qui
règle la question. Pour ce texte, quel que soit le montant de la créance ou sa
nature civile ou commerciale, le président du tribunal de paix est
exclusivement compétent pour autoriser une saisie conservatoire lorsque le
créancier n’a pas de titre exécutoire. Le Président du tribunal de grande
instance exerce cette compétence là où il n’y a pas de tribunaux de paix.
Ainsi, qu’il s’agisse d’une créance commerciale ou civile,
lorsque le créancier n’a pas de titre exécutoire, la demande
d’autorisation pour pratiquer une saisie conservatoire relève du

209
président du tribunal de paix. On peut regretter que dans la
formulation de cet article, le législateur congolais parle encore de
saisie-arrêt, alors que cette voie d’exécution n’existe plus en raison de
109
l’adhésion de la RDC à l’OHADA.

2. Le cas particulier de l’exécution forcée des jugements

b. Principe

L’article 113 de la loi n°13/011-B du 11 avril 2013 attribue au


tribunal de grande instance la compétence en matière d’exécution des
décisions de justice. Il dispose en effet, que « les tribunaux de grande
instance connaissent de l’exécution de toutes décisions de justice, à
l’exception de celle des jugements des tribunaux de paix, qui relève de
la compétence de ces derniers. Ils connaissent de l’exécution des
autres actes authentiques ». En combinant ces dispositions au
troisième alinéa de l’article 49 de l’AUPSRVE, on peut affirmer que
l’exécution de toute décision de justice relève de la compétence du
président du tribunal de grande instance.

c. Exceptions

- L’exécution des jugements rendus par les tribunaux de paix est de la


compétence du président du tribunal de paix (Art 113 loi du 11 avril
2013) ;

- l’exécution des jugements rendus par les tribunaux du travail est de la


compétence du président du tribunal du travail (Art 21 et 22 de la
loi 016/2012du 16 octobre 2002) ;

109
Article 111 de la loi du 11 avril 2013 : « quelle que soit la valeur du litige, les Présidents des tribunaux de paix, ou, à
défaut, les Présidents .des tribunaux de grande instance, là où les tribunaux de paix ne sont pas installés, peuvent
autoriser les saisies-arrêts et les saisies conservatoires en matière civile ou commerciale ».

210
- par assimilation110 (discutable au regard du silence du
législateur), on peut dire que l’exécution des jugements rendus par les
tribunaux de commerce est de la compétence du président du tribunal de
commerce.

§3. La compétence du juge du contentieux de l’exécution

Le juge du contentieux de l’exécution tel que désigné par l’article 49 de


l’AUPSRVE est un juge incidentiel, dont la compétence consiste à trancher
les incidents qui peuvent survenir au cours de l’exécution forcée. Ce juge
n’a aucun rôle à jouer si, pendant cette exécution aucune difficulté, aucun
incident ne lui est soumis. Il n’a aucune compétence sur le titre dont
l’exécution est poursuivie. Il ne peut ni le modifier, ni le compléter. Son rôle
se limite à s’assurer que les parties respectent les règles relatives à
l’exécution. Dans ce sens, la CCJA a jugé que le juge de l’exécution est
incompétent à modifier un titre exécutoire, en vertu du principe de son
intangibilité. Il ne peut non plus délivrer un titre exécutoire complémentaire
à celui à exécuter111.

110
Cette assimilation est renforcée par l’existence effective d’un greffe d’exécution au tribunal de commerce
111
CCJA, arrêt n°069/2012 du 17 août 2012, in Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil de jurisprudence
semestriel, n°19, juillet-décembre 2012, p5.

211
Chapitre 2. LES REGIMES SPECIFIQUES DES
DIFFERENTES VOIES D’EXECUTION

Sous-chapitre1. LES VOIES D’EXECUTION MOBILIERES

Section 1. Les voies d’exécution mesures conservatoires

Ainsi que définies ci-dessus, les voies d’exécution, mesures


conservatoires sont celles qui ont pour but de rendre indisponibles les
biens du débiteur (Art 56 de l’AUPSRVE), en vue d’une réalisation ou
vente prochaine, qui permettrait de désintéresser le créancier. Ces
mesures constituent pour celui-ci des précautions visant à prévenir
l’insolvabilité éventuelle du débiteur. L’AUPSRVE pose d’une part,
les règles générales applicables à toutes les saisies conservatoires (Art
54 à 63), et d’autres parts, les différentes modalités de saisie
conservatoire, dont le critère distinctif est le bien, objet de la saisie.

Sous-section 1. Les règles générales applicables à toutes les


saisies conservatoires112

Les règles générales se rapportent tour à tour aux conditions


applicables aux saisies conservatoires, à la procédure qui leur est
appliquée, à leur portée, ainsi qu’aux contestations nées de leur mise
en œuvre.

§1. Les conditions générales d’une saisie conservatoire

L’article 54 de l’AUPSRVE pose deux conditions cumulatives


pour pratiquer une saisie conservatoire. Il faut en premier lieu que la
créance ait l’apparence d’être fondée dans son principe. En second
lieu, la créance doit être menacée dans son recouvrement.
112
Certains désignent ces règles par le terme saisie conservatoire générale (Voir Joseph DJOGBENU, l’exécution
forcée droit OHADA, 2ème éd, Cotonou, CREDIJ, 2011, pp 152 et s).

212
A. L’apparence fondée de la créance

On ne peut pratiquer une saisie conservatoire que lorsque les


éléments dont dispose le créancier permettent de considérer que la
créance peut être fondée. Cette condition atténue l’exigence de la
certitude de la créance. Avec elle, il n’est pas nécessairement exigé
d’apporter, au moment de la saisie conservatoire, la preuve que la
créance est fondée. Il suffit d’avoir des indices rendant probable
l’existence de celle-ci.

B. La menace contre le recouvrement de la Créance

Le créancier ne peut pratiquer une saisie conservatoire que


lorsqu’il y a un risque de ne pas être payé. Il lui incombe d’apporter la
preuve de l’existence d’un tel risque. On ne devrait donc pas recourir
à la saisie conservatoire chaque fois que le débiteur est dans une
situation qui ne permet pas de penser qu’à terme, le recouvrement sera
impossible. Tel peut être le cas lorsque le débiteur est une société
commerciale stable, ayant une situation de trésorerie confortable, et
dont l’activité ne présente aucun signe pouvant faire craindre une
fermeture imminente. De toute façon, l’appréciation du risque de non
paiement est une question de fait. Elle relève de l’appréciation du
juge.

§2. Procédure générale de la saisie conservatoire

A. La requête et l’autorisation

La procédure de la saisie conservatoire commence par une requête


tendant à obtenir l’autorisation de la pratiquer. En application de la
combinaison des articles 49 de l’AUPSRVE et 111 de la loi du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l’ordre judiciaire, la requête est adressée au président
du tribunal de paix. Celui-ci est désigné comme juridiction

213
compétente à cet effet, quel que soit le montant de la créance ou sa
nature civile ou commerciale. La requête peut être adressée au
président du tribunal de grande instance là où il n’y a pas de tribunal
de paix.

Prévue par l’article 54 de l’AUPSRVE, la requête n’est pas


nécessaire lorsque le créancier détient un titre exécutoire, ou si la
créance a une origine cambiaire (effets de commerce, chèque), ou
encore s’il s’agit des loyers découlant d’un contrat de bail d’immeuble
passé par écrit. Dans ces cas, la saisie conservatoire est pratiquée sans
aucune autorisation. L’autorisation, lorsqu’elle est accordée, doit,
sous peine de nullité, préciser le montant à saisir ou le bien sur lequel
la saisie doit porter.

B. La saisie

Le créancier doit, sous peine de caducité, pratiquer la saisie dans


les trois mois qui suivent l’autorisation. Sous la même sanction, il
doit, dans le mois qui suit la saisie, lorsqu’il n’a pas de titre
exécutoire, accomplir les formalités nécessaires pour l’obtention de
celui-ci, lequel peut être une injonction de payer, un jugement ou
autre. Si la saisie est pratiquée entre les mains d’un tiers, les copies
des pièces justificatives de la créance doivent lui être envoyées dans
un délai de huit jours à compter du jour de la saisie. Lorsqu’elle est
pratiquée entre les mains d’un établissement bancaire, financier ou
assimilé, l’article 58 de l’AUPSRVE dispose que l’on doit faire
application de l’article 161. Celui-ci impose à l’établissement
concerné de faire une déclaration sur la nature des comptes du
débiteur et leurs avoirs au jour de la saisie.

§3. La portée de la saisie conservatoire : cantonnement de droit


Lorsqu’une saisie conservatoire porte sur une créance ayant
pour objet une somme d’argent, les sommes du débiteur ne sont
rendues indisponibles qu’à concurrence du montant concerné par la

214
procédure. Le débiteur continuera ainsi, à disposer de toutes les
sommes qui excédent la partie qui est frappée d’indisponibilité. Cette
limitation de la portée vise à éviter une paralysie inutile du débiteur,
lorsque sa fortune est plus importante que le montant de la créance
poursuivie.

§4. Contestation en matière de saisie conservatoire

A. La mainlevée

Le débiteur peut, lorsque les conditions de la saisie conservatoire ne sont


pas réunies, ou lorsque le créancier, après la saisie, n’a pas accompli les
formalités requises pour obtenir un titre exécutoire, demander la mainlevée
de la saisie auprès du président du tribunal qui a autorisé celle-ci. Si la saisie
conservatoire avait été pratiquée sans autorisation, la mainlevée est
demandée au président de la juridiction du domicile ou de la résidence du
débiteur, matériellement compétente en première instance.

B. Les autres contestations

Les autres contestations relatives à l’exécution d’une saisie


conservatoire sont de la compétence du juge du lieu où les biens sont
situés.

Sous-Section2. Les règles spécifiques des différentes saisies


conservatoires

Une saisie conservatoire peut porter aussi bien sur des biens
meubles corporels que sur des biens incorporels. A côtés des règles
générales, le législateur OHADA a, en fonction se la nature du bien
saisi, mis en place des règles particulières applicables à chaque saisie
conservatoire. Ces règles se rapportent aux opérations de saisie ainsi
qu’à la transformation de celles-ci en saisies à fin d’exécution. Ainsi,
on distingue comme modalités de saisie conservatoire : la saisie

215
conservatoire des biens meubles corporels, la saisie foraine, la
saisie conservatoire des créances, et la saisie conservatoire des
droits des associés. Il faut ajouter à cette liste, la saisie-
revendication, bien que l’acte uniforme la place parmi les saisies
à fin d’exécution.

§1. La saisie conservatoire des biens meubles corporels

A. Les opérations de saisie

1. Saisie pratiquée entre les mains du débiteur

Lorsqu’elle est pratiquée entre les mains du débiteur, la saisie


conservatoire des biens meubles corporels se déroule de la manière ci-
après.

a. La rédaction du procès-verbal de saisie

L’huissier dresse un procès-verbal de saisie après avoir rappelé


au débiteur qu’il est tenu d’une part, d’indiquer les biens frappés de
saisies antérieures, et d’autre part, de communiquer les procès-
verbaux qui s’y rapportent. Le procès-verbal de saisie contient des
mentions obligatoires qui sont prescrites à peine de nullité. Il s’agit
de :
- l’autorisation du tribunal ou mention du titre exécutoire ;
- l’identité, les domiciles du saisi et du saisissant ;
- l’élection de domicile du créancier, s’il ne réside pas dans le
ressort territoriale de la juridiction où s’effectue la saisie ;
- la désignation détaillée du bien saisi ;
- la déclaration du débiteur, s’il est présent, relative aux saisies
antérieures éventuelles sur les biens saisis;
- la mention en caractère très apparents que les biens saisis
sont indisponibles, placés sous la garde du débiteur ou d’un
tiers, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, si ce n’est dans le cadre

216
de l’art 97 de l’AUPSRVE, ni déplacés, sous peine de sanction
pénale, et que le débiteur est tenu de faire connaître la saisie
à tout autre créancier saisissant les mêmes biens ;
- l’indication en caractère très apparent que le débiteur dispose
du droit de demander la mainlevée à la juridiction compétente
du lieu de son domicile ;
- la désignation de la juridiction compétente pour connaître des
contestations éventuelles;
- l’identité des personnes ayant assisté aux opérations de saisie113;
- la reproduction des dispositions pénales relatives au détournement
des biens saisis114, ainsi que celles des articles 62 et 63 de
l’AUPSRVE.
Une copie certifiée de l’autorisation de la saisie ou du titre exécutoire
est annexée au procès-verbal de saisie.

b. La signification du procès-verbal de saisie


Une copie du procès-verbal est remise au débiteur après lecture
des points 6 et 7 de l’article 64 de l’AUPSRVE. Le procès-verbal fait
mention du respect de cette formalité. Lorsque le débiteur n’a pas
assisté à la saisie, une copie du procès-verbal lui est signifiée en lui
accordant un délai de huit jours pour faire connaître à l’huissier toute
information relative à une saisie antérieure qui frapperait le bien
concerné, et en communiquer éventuellement le procès-verbal.

2. Saisie pratiquée entre les mains d’un tiers


a. La déclaration du tiers
Aux termes des articles 107 à 110 de l’AUPSRVE, le tiers qui
détient le bien objet de la saisie, est tenu, à la demande de l’huissier,
de faire une déclaration d’une part, sur tous les biens qu’il détient
pour le débiteur, et d’autre part, sur ceux qui font l’objet d’une saisie

113
Ces personnes doivent signer le procès-verbal. En cas de refus, mention en est faite.
114
Il s’agit, en droit congolais, de l’article 111 du code pénal livre II .

217
antérieure. Le tiers qui refuse de faire la déclaration, ou qui en fait une
qui est mensongère, peut être condamné à payer la créance poursuivie,
ainsi qu’éventuellement des dommages-intérêts.
Lorsque le tiers déclare ne rien détenir pour le compte du débiteur, il
lui est donné acte de sa déclaration. Dans le cas où il déclare détenir
des biens du débiteur, il est dressé un inventaire qui contient à peine
de nullité les mentions reprises ci-dessus pour l’établissement du
procès-verbal de saisie lorsque celle-ci est pratiquée entre les mains
du débiteur.
b. Le procès-verbal de saisie

Après la déclaration du tiers, et l’inventaire des biens du débiteur,


l’huissier dresse un procès-verbal de saisie. Celui-ci sera signifié au
débiteur dans un délai de huit jours à compter de son établissement. Il
y est annexé une copie de l’autorisation de saisir, ou du titre
exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée. Le procès-verbal
mentionne le droit reconnu au débiteur lui permettant de solliciter la
mainlevée, s’il estime que les conditions de la saisie n’ont pas été
respectées. Il reprend aussi les dispositions des articles 62 et 63 de
l’AUPSRVE. Lorsque la saisie conservatoire des biens meubles
corporels pratiquée entre les mains du tiers est faite sans un titre
authentique, l’autorisation de saisir doit être demandée à la juridiction
du lieu où est situé le bien visé (Article 105 AUPSRVE auquel
renvoie l’article 57).

B. La conversion de la saisie conservatoire des meubles


corporels en saisie-vente

Dès qu’il a un titre exécutoire, le créancier qui a pratiqué une


saisie conservatoire peut demander la conversion de cette dernière en
saisie-vente. L’acte de conversion est dressé par l’huissier, sans
aucune intervention du juge.

218
1. Les mentions obligatoires de l’acte de conversion

A peine de nullité, l’acte de conversion d’une saisie conservatoire


des biens meubles corporels en saisies-vente doit contenir les
mentions ci-après :
- l’identité et les résidences (ou sièges) des parties ;
- la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
- le décompte des sommes à payer (principal, frais,
intérêt échus dont le taux doit être indiqué) ;
- le Commandement de payer dans un délai de huit jours, faute de
quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.
2. La signification et dénonciation de l’acte de conversion

L’acte de conversion est signifié au débiteur par l’huissier en


même temps qu’une copie du titre exécutoire, sauf lorsque ce titre a
été signifié avec le procès-verbal de saisie conservatoire. Si la saisie a
été pratiquée entre les mains d’un tiers, une copie de l’acte de
conversion lui est dénoncée.

2. La vérification des biens et la vente


3.
A l’expiration du délai de huit jours à partir de l’acte de
conversion, dit l’article 70 de l’AUPSRVE, l’huissier procède à la
vérification et dresse un procès-verbal constatant la perte ou la
dégradation des biens115. Ce procès-verbal indique au débiteur qu’il a
un délai d’un mois pour procéder à une vente amiable, et qu’à défaut,
il sera procédé à la vente forcée comme dans le cadre d’une saisie-
vente. Lorsque le bien saisi ne se trouve plus au lieu où il a été saisi,
l’huissier fait au débiteur l’injonction d’indiquer le lieu où il se trouve.
Si ce bien a fait l’objet d’une saisie-vente, le débiteur doit indiquer
l’huissier qui a procédé à la vente et le créancier pour lequel cette
vente a été faite.

115
Cet inventaire est appelé recollement.

219
C. La pluralité de saisies

1. L’admissibilité de la pluralité et obligation d’information

Un bien meuble corporel peut faire l’objet de plusieurs saisies


conservatoires. Il est aussi admis un concours entre la saisie conservatoire et
la saisie-vente. Ainsi, en droit OHADA, le principe selon lequel saisie sur
saisie ne vaut ne s’applique pas. Lorsque l’on pratique une saisie
conservatoire sur un bien meuble corporel ayant déjà fait l’objet des saisies
précédentes, l’huissier signifie l’acte de saisie à tous les créanciers qui ont
précédemment pratiqué des saisies conservatoires. Si, dans le cadre de la
pluralité de saisies, une saisie conservatoire est convertie en saisie-vente ou
une saisie-vente est pratiquée sur des biens faisant l’objet des saisies
conservatoires, l’acte de conversion ou le procès-verbal de saisie-vente, est
signifié aux créanciers dont les saisies conservatoires sont antérieures. Le
créancier qui fait enlever des biens saisis pour les faire vendre dans le cadre
d’une saisie-vente, ou d’une conversion de la saisie conservatoire en saisie-
vente, est tenu d’informer par écrit les autres créanciers dont les saisies
conservatoires sur le même bien sont antérieures à la saisie-vente ou à la
conversion. L’acte qui informe les autres créanciers doit reprendre les
dispositions de l’alinéa 2 de l’article 76 de l’AUPSRVE. Il doit aussi
indiquer, sous peine de nullité, le nom et l’adresse de l’auxiliaire de justice
qui effectuera la vente, à qui les autres créanciers doivent, dans un délai de
quinze jours à compter de la réception de cet acte, faire connaître la nature et
le montant de leurs créances au jour de l’enlèvement.

4. L’obligation d’informer les autres créanciers sur


l’acceptation de la proposition de vente amiable

Lorsque plusieurs créanciers ont pratiqué des saisies conservatoires


sur un même bien meuble corporel, celui d’entre eux qui accepte la
proposition de vente à l’amiable formulée par le débiteur est tenu de la
communiquer par écrit aux autres créanciers, en reprenant les alinéas 2, 3 et
4 de l’article 75 de l’AUPSRVE. Ceux-ci sont tenus, dans un délai de quinze
jours à compter de la réception de l’information, de prendre partie sur les
propositions faites et faire connaître au créancier qui a fait les propositions,
la nature et la hauteur de leurs créances respectives. Le créancier qui ne

220
donne pas de réponse dans le délai imparti, est réputé avoir accepté la
proposition de vente amiable. Celui qui n’aura pas indiqué la nature et le
montant de sa créance dans le délai de quinze jours, perd son droit à
concourir à la distribution du prix. Il ne pourrait être payé que sur le solde
qui resterait après la répartition.

§2.La saisie foraine

A. La notion de saisie foraine

La saisie foraine est prévue par l’article 73 de l’AUPSRVE qui dispose


que « lorsque le débiteur n’a pas de domicile fixe ou lorsque son domicile ou
son établissement se trouve dans un pays étranger, la juridiction compétente
pour autoriser et trancher les litiges relatifs à la saisie de ses biens est celle
du domicile du créancier. Le saisissant est gardien des biens, s’ils sont entre
ses mains ; sinon il sera établi un gardien.

La procédure applicable est celle prescrite pour les saisies


conservatoires ».
Ce texte ne définit pas la saisie foraine. Il se contente d’en indiquer la
juridiction compétente (qui déroge au principe de la juridiction naturelle du
débiteur), de désigner le gardien des biens qu’elle frappe, et de renvoyer à la
procédure des saisies conservatoires. La saisie foraine, qui est en réalité une
saisie conservatoire des biens meubles corporels, est une modalité
particulière de cette dernière. Elle a pour objet de placer sous la main de la
justice les effets d’un débiteur qui est de passage, dont on ne connait pas de
domicile ou résidence, ou qui a un domicile ou une résidence connue se
trouvant à l’étranger. C’est notamment les cas des personnes qui peuvent
être hébergées dans un hôtel.

B. Les conditions et procédure

On ne recourt à la saisie foraine que lorsque le débiteur n’a pas de


domicile fixe, ou lorsqu’il réside à l’étranger. Les conditions générales
fixées par les articles 54 et 55 de l’AUPSRVE doivent être observées. La
procédure à suivre répond aux règles générales des saisies conservatoires des
biens meubles corporels.

221
§3. La saisie conservatoire des créances

A. La notion et les conditions

La saisie conservatoire des créances consiste pour le créancier, à saisir


entre les mains d’un tiers, débiteur de son débiteur, la créance que ce dernier
a sur le premier. L’article 77 de l’AUPSRVE renvoie aux articles 54 et 55,
c’est à-dire aux conditions générales applicables à toutes les saisies
conservatoires, ainsi qu’à l’autorisation, lorsque le créancier n’a pas de titre
exécutoire.

B. Les opérations de saisies

1. Le Procès-verbal de saisie

La saisie conservatoire des créances est faite au moyen d’un


procès-verbal dressé par l’huissier, lequel comporte :
- l’identité et les adresses des parties ;
- l’élection de domicile du créancier dans le ressort de la juridiction
où se déroule la saisie, s’il n’y réside pas ;
- l’indication de l’autorisation du tribunal ou du titre exécutoire ;
- le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée
(principal, intérêts, frais etc.…) ;
- la défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans les
limites de ce qu’il doit au débiteur ;
- la reproduction des dispositions des articles 36 et 156 de
l’AUPSRVE.
Toutes ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

2. La déclaration du tiers

Relativement à ce qu’il détient pour le compte de débiteur, le


tiers saisi est tenu de faire à l’huissier la déclaration prévue à
l’article 156. Cette déclaration est faite sur le champ ou, au plus tard,
dans un délai de cinq jours si la signification n’est pas faite à

222
personne. Le défaut pour le tiers de faire la déclaration, ou le fait pour
lui de faire une fausse déclaration, l’expose, conformément à
l’article 81, à payer les sommes poursuivies. Il peut aussi, en cas de
fausse déclaration, de déclaration mensongère ou de négligence
fautive, être condamné aux dommages-intérêts. Dans une de ces
hypothèses, le tiers qui a payé dispose d’un recours contre le débiteur.
Les déclarations du tiers saisi peuvent, avant l’acte de conversion, être
contestées par le créancier. A défaut, elles sont réputées exactes pour
le besoin de la saisie.

2. La dénonciation de la saisie au débiteur

Le créancier saisissant est tenu, dans un délai de huit jours, et


sous peine de caducité, de dénoncer la saisie au débiteur par acte
d’huissier ou d’un agent d’exécution.
L’acte de dénonciation contient des mentions prescrites à peine de
nullité ci-après :
- une copie de l’autorisation de la juridiction ou du titre constatant la
créance ;
- une copie du procès-verbal de saisie ;
- la mention en caractère très apparent du droit du
débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas
réunies, de demander la mainlevée à la juridiction du lieu de son
domicile ;
- la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les
autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la
saisie ;
- la reproduction des dispositions des articles 62 et 63 de
l’AUPSRVE.

223
A. La conversion de la saisie-conservatoire des créances en
saisie- attribution116

Sans aucune formalité particulière, le créancier, dès qu’il est muni


d’un titre exécutoire, demande à l’huissier de convertir la saisie
conservatoire des créances en saisie-attribution.

1. Le contenu de l’acte de conversion

L’acte de conversion contient les mentions obligatoires ci-après :


- l’identité et les résidences(ou sièges) des parties ;
- la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
- le décompte des sommes à payer (principal, frais,
intérêt échus dont le taux doit être indiqué) ;
- une demande de paiement des sommes précédemment réclamées, à
concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été reconnu
débiteur ;
- l’information au tiers que la conversion entraîne attribution au
créancier de la créance du débiteur qui est saisie.

2. La signification de l’acte de conversion au tiers saisi et au


débiteur ainsi que la contestation de la conversion

L’acte de conversion est signifié au tiers saisi en même temps


qu’une copie du titre exécutoire.
A peine de nullité, l’acte de conversion contient :
- les noms, prénoms et domicile(ou siège social) des parties ;
- la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;

116
Rien n’interdit à un créancier qui est muni d’un titre exécutoire de recourir à la saisie conservatoire. Celle-ci sera
convertie par la suite en saisie-attribution. Un tel créancier a donc le choix entre pratiquer directement une saisie-
attribution, ou commencer par une saisie conservatoire et la convertir plus tard en saisie-attribution.

224
- la copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué
lors de la signification du procès-verbal de saisie, auquel cas il est
seulement mentionné ;
- le décompte distinct des sommes due en principal, frais et intérêts
échus, ainsi que l’indication du taux d’intérêt ;
- une demande en paiement de ces sommes à concurrence de celles
dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur ;
- l’information faite au tiers que dans la limites des ces sommes,
cette demande entraîne l’attribution immédiate de ces sommes au
profit du créancier.

Une copie de l’acte de conversion est signifiée au débiteur. A


compter du jour de la signification, Celui-ci, aux termes de l’article 83
de l’AUPSRVE, dispose, d’un délai de quinze jours pour contester la
conversion117.

Lorsque le débiteur a introduit une action en contestation, le


paiement par le tiers ne peut être effectué que si le créancier produit
au tiers la décision qui rejette cette action, ou la preuve du désistement
du débiteur quant à son action. Si, au contraire, il n’y a pas de
contestation de la conversion dans le délai, le tiers est tenu de payer au
créancier sur présentation d’une attestation de non contestation établie
par le greffe. Le paiement peut être effectué avant l’expiration du délai
de contestation lorsque le débiteur y a renoncé par écrit.

L’on doit considérer qu’il n’y a pas eu de contestation si, après


une assignation en contestation initié par le débiteur, le tribunal se
déclare non saisi. En effet, en tant qu’exception de nullité, la non
saisine produit des effets rétroactifs, de telle sorte que les parties,
après que le tribunal se soit déclaré non saisi, se retrouvent dans la
situation qui prévalait avant l’assignation. Dans ce cas, le débiteur,

117
L’action en contestation vise les irrégularités de l’acte de conversion, elle n’est pas une action en mainlevée. Cette
dernière n’est prévue que lorsqu’une saisie conservatoire n’a pas respecté les conditions de validités fixées par
l’article 54 de l’AUPSRVE.

225
doit faire une nouvelle assignation en contestation. Cela suppose qu’il
soit encore dans le délai pour ce faire. Au cas contraire, le créancier
doit être admis à solliciter au greffe une attestation de non
contestation.
§4. La saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs
mobilières
La saisie des droits des associés et des valeurs mobilières porte sur
des droits que le débiteur détient dans le capital d’une société
commerciale. Elle s’applique sur la participation du débiteur au capital
d’une société. Les droits à saisir étant détenus par la cette dernière,
cette saisie est donc, comme la saisie conservatoire des créances, une
saisie pratiquée sur un tiers.

A. Les opérations de saisies


1. Le Procès-verbal de saisie
L’acte de saisie comporte à peine de nullité les mentions ci-après,
prévues par l’article 237 de l’AUPSRVE :
- l’identité et les adresses des parties ;
- l’élection de domicile par le créancier dans le ressort de la
juridiction, s’il n’y réside pas ;
- l’indication de l’autorisation de pratiquer la saisie, si le créancier
n’est pas muni d’un titre exécutoire, ou l’indication de ce dernier
s’il existe;
- le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée
(principal, intérêts, frais etc.…) ;
- l’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires
attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le
débiteur est titulaire dans la société ;
- la sommation faite à la société d’une part, de faire connaître dans
un délai de huit jours, l’existence d’éventuels nantissements ou
saisies qui porteraient sur les mêmes droits, et d’autre part, d’avoir
à communiquer au saisissant copie des statuts de la société.
2. La dénonciation de la saisie au débiteur

226
Le créancier saisissant doit faire dénoncer la saisie au débiteur dans un
délai de huit jours. A peine de nullité, l’acte de dénonciation contient :
- une copie de l’autorisation de saisir, ou du titre
exécutoire dont l’exécution est poursuivie;
- une copie du procès-verbal de saisie ;
- la mention du droit du débiteur de solliciter, si les
conditions de la saisie ne sont pas réunies, la
mainlevée à la juridiction de sa demeure ;
- la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres
contestations ;
- l’élection de domicile dans le ressort de la juridiction, si le créancier n’y
pas de résidence ;
- la reproduction des articles 62 et 63 de l’AUPSRVE.

B. La conversion de la saisie conservatoire des droits des


associés et valeurs mobilières en saisie-vente
A partir du moment où il est muni d’un titre exécutoire, le créancier peut
demander à l’huissier de convertir la saisie conservatoire en saisie-vente.

1. L’acte de conversion
L’acte de conversion contient à peine de nullité :

- l’identité et les résidences(ou sièges) des parties ;


- la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
- le décompte des sommes à payer (principal, frais,
intérêt échus dont le taux doit être indiqué) ;
- le commandement de payer dans un délai de huit
jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des
biens saisis ;
- l’indication que le débiteur dispose d’un délai d’un
mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les
conditions des articles 115 à 119 de l’AUPSRVE ;
- la reproduction des articles 115 à 119 de l’AUPSRVE.
2. La signification de l’acte de conversion et vente

227
Sauf dans le cas où le titre exécutoire constatant la créance a
été signifié avec le procès-verbal de saisie conservatoire, une
copie de ce titre est signifiée au débiteur en même temps que
l’acte de conversion. Celui-ci dispose dès la signification, d’un
délai d’un mois pour contester la conversion (article 240
AUPSRVE). Une copie de l’acte de conversion est signifiée au
tiers détenteur.

C. La vente des droits et valeurs mobilières saisis

Lorsque le débiteur n’a pas formé de contestation dans le délai


qui lui est imparti, lorsqu’il a été définitivement débouté de son
action en contestation, ou s’il a désisté de cette dernière, les
droits et valeurs mobilières saisis feront l’objet d’une vente
forcée s’il n’y a pas eu une vente amiable faite conformément
aux dispositions des articles 115 à 119 de l’AUPSRVE. La vente
forcée, se fera par adjudication, sur présentation d’un certificat
de non contestation délivré par le greffe, ou du jugement de rejet
de la contestation introduite.

1. La préparation de la vente

a. L’élaboration du cahier des charges

Comme dans le cas d’une saisie immobilière, la vente des droits


et valeurs saisis est précédée par la rédaction d’un cahier des
charges118. Celui-ci contient les éléments ci-après :
- le rappel de la procédure antérieure :
- les statuts de la société ;

118
L’article 241 n’indiquant pas la personne qui établi le cahier des charges, il n’y a aucune raison de penser qu’il ne
s’agit pas de l’avocat du créancier comme c’est le cas en matière de saisie immobilière.

228
- tout document nécessaire à l’appréciation de la
consistance et de la valeur des droits mis en vente.

Les conventions éventuelles des associés qui ne figurent pas


dans les statuts et portent soit sur l’agrément ou sur un droit de
préférence au profit des associés, ne s’imposent à l’adjudicataire que
si elles sont contenues dans le cahier des charges.

b. La signification du cahier des charges et sommation

Une copie du cahier des charges est notifiée à la société qui


en informe les associés. Le même jour, une sommation d’avoir à
prendre connaissance du cahier des charges chez l’auxiliaire de
justice chargé de la vente est notifiée aux autres créanciers
opposants. Le deuxième alinéa de l’article 242 donne droit à tout
intéressé de formuler auprès de ce dernier, dans un délai de deux
mois, à compter de la notification du cahier des charges à la
société, des observations sur celui-ci.119

c. La publicité en vue de la vente


La publicité indiquant les jour, heure et lieu de la vente est
effectuée par voie de presse et, si nécessaire, par voie d’affiches, un
mois au plus, et quinze jours au moins, avant la date fixée pour la
vente. Le débiteur, la société et, s’il y a lieu, les autres créanciers
opposants sont informés de la date de la vente par voie de notification.
S’il y a des procédures légales ou conventionnelles d’agrément, de
préemption ou de substitution, celles-ci sont mises en œuvre
conformément aux dispositions propres à chacune d’elles.

119
L’article 242 n’indique pas comment ces observations doivent être traitées. Il y a lieu de les considérer comme
étant éventuellement des difficultés soulevées au cours de l’exécution, lesquelles permettent à l’agent de vente de
saisir le tribunal compétent désigné par l’article 49 de l’AUPSRVE.

229
2. L’adjudication
La vente forcée est faite par adjudication comme dans la
procédure de saisie-vente.

§5.La saisie-revendication

A. La notion de saisie-revendication

Prévue par les articles 227 et suivants de l’AUPSRVE, la saisie-


revendication est une saisie conservatoire qui permet à toute personne
qui est fondée à solliciter la délivrance ou la restitution d’un bien
meuble corporel, de rendre celui-ci indisponible en attendant d’obtenir
un titre exécutoire.
La différence entre cette saisie et la saisie conservatoire des biens
meubles corporels réside dans leurs finalités respectives. Le bien saisi
dans le cadre d’une saisie conservatoire des biens meubles corporels
est rendu indisponible pour être, plus tard après la conversion, vendu.
Le créancier saisissant sera désintéressé sur le prix. A la différence, le
bien qui est saisi dans le cadre d’une saisie-revendication est rendu
indisponible pour être remis au créancier saisissant dès que celui-ci
aura obtenu un titre exécutoire. Ainsi, alors que la saisie conservatoire
des meubles corporels est convertie en saisie-vente, la saisie-
revendication quant à elle, se transforme en saisie-appréhension.

B. Les conditions

La saisie-revendication est soumise aux conditions générales des


saisies conservatoires. A l’instar de la saisie conservatoire des biens
meubles corporels, elle peut être pratiquée entre les mains d’un tiers.
Dans cette hypothèse, si le bien à saisir est situé dans un local servant
d’habitation au tiers détenteur, une autorisation spéciale de la
juridiction est requise. Le non-respect des conditions de mise en
œuvre peut donner lieu à la mainlevée de la saisie-revendication,
même lorsque le saisissant a un titre exécutoire. La demande à cet

230
effet sera adressée à la juridiction présidentielle du domicile ou de la
demeure du débiteur. Les autres contestations relèvent quant à elles,
du juge du lieu où sont situés les biens saisis.

C. Les opérations de saisie

1. L’acte de saisie

Comme pour la saisie conservatoire des biens meubles corporels, le


Procès-verbal de saisie-revendication comporte des mentions que
l’article 231 prescrit à peine de nullité à savoir :
- l’identité et les domiciles du saisi et du saisissant ;
- la mention de l’autorisation du tribunal, ou la mention du titre
exécutoire ;
- la déclaration du détenteur, s’il est présent, relative à l’existence
d’éventuelles saisies antérieures ;
- la désignation détaillée du bien saisi ;
- la mention en caractère très apparents que d’une part, les biens
saisis sont indisponibles et placés sous la garde du détenteur qui ne
peut, sous peine de sanction pénale, ni les aliéner, ni les déplacer
sauf cas prévus l’article 103120, et que d’autre part, le débiteur est tenu de
faire connaître la saisie à tout autre créancier qui a saisi les mêmes biens ;
- la mention en caractère très apparent que le débiteur peut demander la
mainlevée de la saisie à la juridiction du domicile du saisi ;
- la désignation de la juridiction compétente pour connaître des
contestations ;
- l’identité des personnes ayant assisté aux opérations de saisie, lesquelles
doivent signer le procès-verbal(le refus éventuel de signer doit être
mentionné) ;
- l’élection de domicile du créancier, s’il ne réside pas dans le ressort
territorial de la juridiction où s’effectue la saisie ;

120
Article 103 : « Le débiteur conserve l'usage des biens rendus indisponibles par la saisie à moins qu'il ne s'agisse de
biens consomptibles. En ce cas, il sera tenu d’en respecter la contre-valeur estimée au moment de la saisie ».

231
- la reproduction des dispositions pénales relatives au détournement des
biens saisis, ainsi que celle des articles 60, 61, 227 et 228 de
l’AUPSRVE.

2. La signification de l’acte de saisie

Dans un délai de huit jours, l’acte de saisie est signifié à la personne qui
détient le bien concerné, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu’il
informe l’huissier de l’existence d’éventuelles saisies antérieures. Lorsque le
détenteur assiste à la saisie, l’acte de saisie lui est remis immédiatement.
Mention de cette remise doit y être faite. Si le bien est détenu par un tiers,
l’acte de saisie est signifié à ce dernier, et un délai de huit jours lui est
accordé pour délivrer ou restituer le bien au créancier saisissant.

D. Les contestations

Le détenteur qui conteste la validité de la saisie-revendication, peut


demander à la juridiction de son domicile d’en ordonner la mainlevée. Cette
validité s’apprécie au regard des conditions générales des saisies
conservatoires. Lorsque le détenteur se prévaut d’un droit propre sur le bien,
il en informe l’huissier par écrit, ou en fait la déclaration au moment de la
saisie. Dans un délai d’un mois, le créancier porte la contestation devant la
juridiction du domicile du détenteur, faute de quoi, la saisie ne produit plus
aucun effet.

E. La transformation de la saisie-revendication en saisie-


appréhension

Aux termes de l’article 235 de l’AUPSRVE, dès qu’il obtient un titre


exécutoire, le créancier qui a recouru à la saisie-revendication pratique
directement une saisie-appréhension sur le bien saisi. Il n’y a pas de
procédure de conversion comme dans les cas des autres saisies
conservatoires.

232
Section 2. Les voies d’exécution mobilières mesures
d’exécution

Il s’agit des mesures d’exécution visant la réalisation des biens du


débiteur pour désintéresser le créancier, ou l’attribution de ces biens à ce
dernier. Le droit OHADA consacre cinq mesures d’exécution mobilières que
sont : la saisie-vente, la saisie-attribution des créances, la saisie des
rémunérations, la cession des rémunérations et la saisie-appréhension. Le
recours à ces procédures suppose que le créancier soit muni d’un titre
exécutoire.

Sous-section 1. La saisie-vente

§1. La notion de saisie-vente

La saisie-vente consiste pour un créancier, muni d’un titre


exécutoire, à faire saisir les meubles corporels de son débiteur, pour
les faire vendre et se faire désintéresser sur le prix. Cette saisie peut
être pratiquée sur les biens du débiteur se trouvant aussi bien entre ses
mains, qu’entre celles d’un tiers. La saisie-vente peut également porter
sur des espèces trouvées entre les mains du débiteur. Dans ce cas, ces
sommes sont consignées entre les mains de l’huissier ou au greffe, au
choix du créancier saisissant. Le procès-verbal portant sur les espèces
doit, à peine de nullité, indiquer que le débiteur a un délai de 15 jours
pour introduire une contestation. Dans ce cas, le tribunal peut
ordonner que les sommes saisies soient consignées. S’il n’ ya aucune
contestation dans le délai, elles sont versées au créancier et déduites
sur sa créance.

233
§2. La procédure de saisie-vente

La procédure de la saisie-vente se déroule en trois phases : un


commandement préalable, les opérations de saisie et la vente des biens
saisis.
A. Le commandement préalable

Avant de saisir, le créancier est tenu de faire adresser au débiteur


un commandement de payer.

1. Le contenu du commandement

Le commandement précédant la saisie doit, sous peine de


nullité, contenir la mention du titre exécutoire, le décompte des
sommes réclamées (principal, frais intérêts et taux d’intérêts), ainsi
que le commandement de payer dans un délai de huit jours, faute de
quoi les biens seront vendus. Il contient également, lorsque le
créancier n’y réside pas, l’élection de domicile dans le ressort du
tribunal où l’exécution est poursuivie.

2. La signification du commandement

Seules les significations à personne ou à domicile sont admises.


L’article 94 interdit de recourir à la signification au domicile élu. La
signification du commandement peut être faite au même moment et
dans le même acte que celle du titre exécutoire que l’on veut
exécuter. L’exploit, ainsi qu’indiqué plus haut, est dans ce cas appelé,
« signification-commandement » ou signification avec
commandement.

234
B. Les opérations de saisie

Les opérations de la saisie-vente se déroulent différemment selon


que celle-ci est pratiquée entre les mains du débiteur ou entre les
celles d’un tiers.

1. Saisie pratiquée entre les mains du débiteur

a. Le procès-verbal de saisie

L’huissier commence par dresser un inventaire des biens du


débiteur qui sont concernés par la saisie. Il dresse également un
procès-verbal ou acte de saisie comprenant à peine de nullité :

- l’identité et les adresses des parties ;


- l’élection de domicile du créancier dans le ressort de la juridiction
où la saisie est poursuivie, s’il n’y réside pas ;
- l’indication de la personne à qui l’exploit a été laissé ;
- la désignation détaillée des biens saisis ;
- la déclaration du débiteur (s’il assiste aux opérations) relative aux
éventuelles saisies antérieures ;
- le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée
(principal, intérêts, frais etc.…) ;
- la mentions en caractère très apparents que les biens saisis sont
indisponibles et placés sous la garde du débiteur ou d’un tiers ;
qu’ils ne peuvent, sous peine de sanction pénale, être aliénés si ce
n’est dans le cadre de l’art 97121 ou déplacés, et que le débiteur est
tenu de faire connaître la saisie à tout autre créancier saisissant les
mêmes biens ;

121
Article 97 « Les biens saisis sont indisponibles. Si une cause légitime rend leur déplacement nécessaire, le gardien
est tenu d'en informer préalablement le créancier, sauf en cas d'urgence absolue.
En tout état de cause il indiquera au créancier le lieu où les biens seront placés ».

235
- l’indication que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour
procéder à la vente amiable dans les conditions de l’article 115 à
119 de l’AUPSRVE ;
- l’indication de l’identité des personnes ayant assisté aux opérations
de saisie, ces personnes devant signer le procès-verbal(le refus de
signer doit éventuellement être mentionné) ;
- la reproduction des dispositions pénales relatives au détournement
des biens saisis, ainsi que des articles 115 et 119 de l’AUPSRVE ;
- la reproduction des articles 143 à 146 de l’AUPSRVE.
Si le débiteur assiste aux opérations de saisie, l’huissier, avant
d’établir le procès-verbal, doit réitérer verbalement le commandement
de payer. L’huissier est dans ce cas, également tenu d’informer le
débiteur qu’il est obligé d’indiquer les biens qui ont déjà fait l’objet
d’une saisie antérieure. L’acte de saisie mentionne le respect de cette
formalité.

b. La signification du procès-verbal

L’huissier remet au débiteur, si celui-ci assiste aux opérations de


saisie, une copie du procès-verbal après avoir fait le rappel prévu par
l’article 101122. Cette remise vaut signification. Lorsque le débiteur
n’est pas présent aux opérations de saisie, une copie du procès-verbal
de saisie lui est signifiée en lui accordant un délai de huit jours pour
faire connaître à l’huissier les biens qui font l’objet des saisies
antérieures.

122
Article 101 :« Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, l'huissier ou l'agent d'exécution lui rappelle
verbalement le contenu des mentions des 6) et 7) de l'article précédent. Il lui rappelle également la faculté qui lui est
ouverte de procéder à la vente amiable des biens saisis dans les conditions prescrites par les articles 115 à 119 ci-
après.

Il est fait mention de ces déclarations dans le procès verbal de saisie. Une copie de ce procès verbal portant les
mêmes signatures que l'original est immédiatement remise au débiteur; cette remise vaut signification ».

236
c. Les effets de la signification du procès-verbal de saisie

Le procès-verbal de saisie rend indisponible les biens du débiteur


qui en font l’objet. Ceux-ci ne peuvent en aucune façon être aliénés.
Le débiteur en garde cependant l’usage. Lorsque les biens saisis sont
consomptibles, le débiteur est tenu de respecter la contrevaleur
évaluée au moment de la saisie.

Le troisième alinéa de l’article 103 de l’AUPSRVE donne la


possibilité au juge compétent de désigner un séquestre qui assurera la
garde des biens saisis. Si parmi ces biens se trouvent des véhicules, la
juridiction compétente peut ordonner leur immobilisation pour en
préserver l’état. L’article 97 de l’AUPSRVE interdit au le gardien des
biens saisis (débiteur ou un tiers), sauf cas d’urgence absolue, de les
déplacer sans informer préalablement le créancier.

2. Saisie entre les mains d’un tiers

a. L’autorisation du tribunal

Lorsque les biens du débiteur sont détenus par un tiers, et qu’ils


se trouvent dans des locaux servant d’habitation à ce dernier, la saisie
ne peut être pratiquée qu’avec l’autorisation du tribunal du lieu où ces
biens sont situés. L’autorisation n’est pas nécessaire lorsque les locaux
ne servent pas d’habitation au tiers. L’huissier qui saisit entre les
mains d’un tiers, doit présenter à celui-ci, à l’expiration du délai de
huit jours à partir de sa date, le commandement préalable qui a été
signifié au débiteur, ainsi que le cas échéant, l’autorisation du tribunal.
Le troisième alinéa de l’article 106 autorise le créancier à faire
pratiquer une saisie sur lui-même pour les biens du débiteur qu’il
détient. Il doit respecter la procédure prescrite pour saisir entre les
mains d’un tiers.

237
b. La déclaration du tiers et procès-verbal de saisie

La procédure suivie pour effectuer une saisie-vente entre les


mains d’un tiers est, en ce qui concerne la déclaration de ce dernier et
les mentions du procès-verbal de saisie, semblable à celle prévue
lorsqu’on pratique une saisie conservatoire des biens meubles
corporels entre les mains d’un tiers.

c. La signification de la saisie au tiers et au débiteur

Lorsque le tiers saisi a assisté aux opérations de saisie, une copie


du procès-verbal lui est remise. Cette remise vaut signification. Si par
contre, le tiers n’a pas assisté aux opérations de saisies, la copie du
procès-verbal lui sera signifiée, en lui impartissant un délai de huit
jours pour faire connaître à l’huissier l’existence des saisies
antérieures qui frappent éventuellement les biens. Dans un délai de
huit jours à compter de la saisie, une copie du procès-verbal de saisie
doit être signifiée au débiteur en lui indiquant, à peine de nullité, qu’il
a un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable aux conditions
des articles 115 à 119 de l’AUPSRVE.

Remarques :
Le tiers saisi qui a un droit d’usage sur le bien saisi, peut continuer à
l’exercer dans les mêmes conditions que ce qui a été dit
précédemment dans le cas où ce droit est exercé par le débiteur. S’il a
un droit de rétention123 sur le bien, il en informe l’huissier par écrit. Le
créancier dans ce cas, dispose d’un délai d’un mois pour contester ce
droit devant la juridiction du domicile ou de la résidence du tiers. Le
bien reste indisponible pendant l’instance.

123
Prévu par l’acte uniforme relatif aux suretés, le droit de rétention est le droit pour un créancier qui détient
légitimement un bien mobilier de son débiteur, de le retenir jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû,
indépendamment de toute autre sûreté.

238
C. La vente des biens meubles corporels saisis

Le bien meuble corporel saisi est destiné à être vendu pour


pouvoir payer le créancier sur le produit de la vente. Le législateur
OHADA a prévu deux étapes pour réaliser cette vente. D’abord une
proposition de vente amiable (Art 115 à 119 AUPSRVE), et, à défaut
de celle-ci, vient ensuite la vente forcée (Art 120 à 128 AUPSRVE).

1. La vente amiable

Dans ses articles 115 à 119, l’acte uniforme donne au débiteur


poursuivi la possibilité de procéder à une vente volontaire du bien
saisi et de désintéresser le créancier. A cet effet, le débiteur dispose
d’un délai d’un mois à compter de la notification de la saisie. Il est
tenu d’informer par écrit l’huissier, en indiquant la personne qui a fait
une proposition d’acquisition du bien, le prix, ainsi que le délai offert
pour procéder à la consignation du prix proposé. Dans ce cas, dit
l’article 116, le bien saisi reste indisponible et ne peut, sauf urgence
absolue, être déplacé avant la consignation du prix.

L’huissier communique par écrit la proposition de vente


amiable au créancier saisissant et aux créanciers opposants.124Ceux-ci
disposent d’un délai de quinze jours pour l’accepter, la refuser, ou se
porter acquéreur des biens. A défaut de réponse dans le délai, la
proposition est réputée acceptée. Lorsque la proposition de vente
amiable est acceptée, le prix est consigné, au choix du créancier entre
les mains de l’huissier ou au greffe. La vente amiable ne transfère de
propriété à l’acquéreur qu’après paiement du prix. Au cas où celui-ci
n’est pas versé dans le délai prévu, il sera procédé à la vente forcée du
bien saisi. Sauf s’il est démontré que le refus est abusif, le créancier
qui refuse la proposition de vente amiable n’engage aucune
responsabilité.

124
Les créanciers opposant sont ceux qui font opposition à la saisie, c’est-à-dire se joignent à la saisie déjà entamée
par un autre.

239
2. La vente forcée

Il est procédé à la vente forcée des biens saisis lorsque, soit la


proposition de vente amiable n’a pas été faite dans le délai d’un mois
prévu par l’article 116 de l’AUPSRVE, soit lorsque cette proposition a
été rejetée par les créanciers, soit enfin, lorsqu’après l’acceptation de
la proposition de vente amiable, le prix n’a pas été payé dans le délai
contenu dans la proposition. Cette vente se fait au lieu où se trouvent
les biens saisis, soit dans une salle appropriée pour la concurrence,
soit dans un marché public. Les contestations sur le lieu de la vente
sont tranchées par la juridiction compétente pour statuer en matière
d'urgence, dans les cinq jours de sa saisine par la partie la plus
diligente. Il ya ici lieu de faire observer que l’article 120 qui désigne
cette juridiction, déroge au principe posé par l’article 49, selon lequel
c’est le président de la juridiction qui est compétent pour connaître de
tout litige relatif à l’exécution forcée. Avant la vente forcée, l’huissier
procède à la vérification de la consistance des biens. Il dresse un
procès-verbal de récolement, c’est-à-dire, un inventaire des biens qui
avaient été rendus indisponibles par le procès-verbal de saisie. Ce
procès-verbal, dit l’article 124, ne mentionne que les objets manquants
ou détériorés.

La vente est faite aux enchères, après trois criées. Sa publicité


doit être faite au moins quinze jours avant la date de l’adjudication.
Cette publicité, dont l’huissier ou l’agent d’exécution doit certifier
l’accomplissement des formalités, se fait par l’apposition des affiches
dans la mairie du domicile ou de la demeure du débiteur, dans les
marchés voisins de ces lieux ou dans tout autre lieu approprié, ainsi
qu’au lieu de la vente. Elle peut également être faite par annonce dans
la presse écrite. L’huissier, par écrit, avise le débiteur du jour et de
l’heure de la vente, au moins dix jours avant la date de celle-ci.

La procédure de vente est arrêtée lorsque le produit des biens


déjà vendus suffit à désintéresser les créanciers (poursuivant et

240
opposants) en principal, intérêts et frais. L’opération de vente est
sanctionnée par un procès-verbal contenant la désignation des biens,
ainsi que celle de l’adjudicataire. Le prix est payable au comptant,
faute de quoi, le bien est revendu à la folle enchère de l’adjudicataire.

§3. Les incidents relatifs à la saisie-vente

Une saisie-vente peut donner lieu à plusieurs types d’incidents.


Ceux-ci peuvent être soulevés par d’autres créanciers, par le débiteur
ou par des tiers.

A. Les incidents soulevés par d’autres créanciers

Quatre incidents peuvent être provoqués par les autres créanciers


du débiteur. Il s’agit de l’opposition à la saisie, de la saisie
complémentaire, de la subrogation au premier saisissant, ainsi que de
l’opposition sur le produit de la vente.

1. L’opposition à la saisie

Prévue par les articles 130 et 131 de l’AUPSRVE, l’opposition


consiste pour tout créancier, muni d’un titre exécutoire, à se joindre à
une saisie initiée par un autre créancier. L’acte d’opposition est
signifié au débiteur. Seul le premier créancier poursuit la vente.
Pour être valable, l’opposition à la saisie doit être faite avant le
récolement. Elle doit indiquer le titre exécutoire du créancier
opposant, ainsi que le montant de sa créance. Le créancier saisissant
qui entend ajouter une autre créance peut aussi faire une opposition à
sa saisie.

Sauf lorsqu’elle découle d’une irrégularité dans le déroulement


des opérations de saisie, la nullité de la première saisie n’a aucun effet
sur l’opposition qui est faite avant qu’elle ne soit prononcée
(Article 137 alinéa 1 AUPSRVE).

241
2. La saisie complémentaire

La saisie complémentaire est une nouvelle saisie pratiquée par


un créancier opposant, ou par le créancier premier saisissant, sur
d’autres biens du débiteur. Elle est faite avant la fin de la procédure
de la première saisie. Cette saisie est signifiée au créancier premier
saisissant, aux opposants et au débiteur. Elle est soumise aux règles
ordinaires de la saisie-vente. Lorsqu’on pratique une saisie
complémentaire, la vente des biens saisis ne peut intervenir qu’à
l’issue de tous les délais impartis pour la vente amiable. Toutefois, les
biens pour lesquels le délai de vente amiable est expiré, ceux pour
lesquels le débiteur a donné son autorisation, ceux pour lesquels le
tribunal a donné l’autorisation, ou encore ceux ayant déjà fait l’objet
de la publicité pour la vente forcée au moment de l’opposition,
peuvent être vendus immédiatement. Comme pour l’opposition à la
saisie, le deuxième alinéa de l’article 137 de l’AUPSRVE dispose que
la nullité de la première saisie n’affecte pas la saisie complémentaire.

3. La subrogation

La subrogation consiste pour un créancier opposant, à


remplacer le créancier premier saisissant dans les poursuites, lorsque
celui-ci néglige, à l’expiration des délais prévus, de faire accomplir les
formalités de vente forcée. Elle a pour effet de décharger le créancier
premier saisissant. Celui-ci doit mettre les pièces de procédure à la
disposition du nouveau poursuivant. Organisée par l’article 135 de
l’AUPSRVE, la subrogation se fait de plein droit lorsque le créancier
premier saisissant n’a pas donné effet, après écoulement d’un délai de
huit jours, à la sommation de poursuivre la procédure faite par
l’opposant.

242
4. L’opposition sur le produit de vente

Prévue par l’article 138 de l’AUPSRVE, l’opposition sur le


produit de vente est la procédure par laquelle un créancier saisissant
ou opposant, muni d’un titre exécutoire, se joint au partage du produit
de la vente des biens du débiteur. Pour être admis à la distribution, le
créancier saisissant ou opposant doit se manifester avant la
vérification (récolement), ou avoir, avant la saisie, pratiqué une
mesure conservatoire.

B. Les incidents soulevés par le débiteur : les contestations

L’acte uniforme classe en deux catégories les contestations


susceptibles d’être soulevées par le débiteur dans une saisie-vente. Il y
a d’une part, les contestations relatives aux biens saisis, et d’autre part,
celles qui se rapportent à la validité de la saisie.

1. Les contestations relatives aux biens saisis

a. L’action en nullité

Visant à anéantir la saisie, l’action en nullité est exercée par le


débiteur lorsque le bien saisi ne lui appartient pas (Article 140 AUPSRVE).
Elle se justifie par le fait qu’ainsi que le prévoient les articles 91 alinéa 1 et
95 de l’AUPSRVE, seul le patrimoine du débiteur répond des dettes de ce
dernier. Par conséquent, la saisie d’un bien qui ne relève pas de ce
patrimoine doit être annulée. Dans un arrêt rendu le 29 novembre 2012, la
CCJA a estimé que la présence des enfants du débiteur sur les lieux de la
saisie n’est pas suffisante pour prouver que les biens saisis lui appartiennent
comme l’exigent les articles 91 alinéa 1 et 95 de l’AUPSRVE. Dès lors, doit
être ordonnée la mainlevée de la saisie-vente effectuée sur des biens
n’appartenant pas au débiteur125.

125
CCJA, arrêt n°075/2012 du 29 novembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p74.

243
b. La contestation de la saisissabilité

Cette procédure vise à contester le caractère saisissable du bien. Elle


est mise en œuvre lorsque l’on estime que la saisie a affecté un bien que la
loi nationale déclare insaisissable. L’action en contestation de la
saisissabilité peut, aux termes de l’article 143 de l’AUPSRVE, être exercée
par le débiteur, l’huissier ou l’agent d’exécution. Ces derniers l’introduisent
comme étant une difficulté de l’exécution. Lorsque cette action est exercée
par le débiteur, le délai pour l’introduire est d’un mois à compter de l’acte
de saisie.

2. Les contestations relatives à la validité de la saisie

Cette contestation consiste à demander la nullité de la saisie pour


vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité. Elle peut être introduite
à tout moment avant la vente du bien. La contestation relative à la validité de
la saisie n’est pas suspensive de la procédure. Si, à sa suite, la nullité est
prononcée avant la vente, le bien est remis au débiteur. Si par contre la
nullité est prononcée après la vente, c’est le produit de celle-ci qui sera remis
au débiteur, lequel peut réclamer les dommages-intérêts au saisissant.

3. Les incidents soulevés par les tiers : l’action en distraction

Prévue par les articles 141 et 142 de l’AUPSRVE, l’action en distraction


consiste pour le tiers dont le bien a été saisi entre les mains du débiteur, à le
réclamer. Cette action n’est pas recevable lorsque le bien saisi a déjà été
vendu. Dans une telle hypothèse, le propriétaire ne peut qu’exercer une
action en revendication. Toutefois, si le prix de vente n’est pas encore
distribué, le deuxième alinéa de l’article 142 permet au tiers reconnu
propriétaire d’en demander la distraction.

*La procédure de l’action en distraction

La procédure de l’action en distraction est organisée par les alinéas 2


et 3 de l’article 141 de l’AUPSRVE. Pour être recevable, la demande en
distraction doit préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de
propriété invoqué. Cette demande est signifiée au créancier saisissant, au
saisi et éventuellement au gardien. Le créancier saisissant doit, par écrit,

244
mettre en cause les créanciers opposants. Le demandeur en distraction doit
faire appeler le débiteur à l’instance en distraction. Le fait pour le créancier
saisissant de ne pas mettre en cause les opposants n’entraîne pas
l’irrecevabilité de l’action en distraction. Autrement, cela paralyserait
l’action du propriétaire du bien dont la distraction est demandée.

Sous-section 2. La saisie-attribution des créances


§1. La notion de saisie-attribution
La saisie-attribution est une mesure d’exécution consistant
pour le créancier ayant un titre exécutoire, à se faire attribuer, après
saisie, les créances d’argent que le débiteur détient sur des tiers. Elle
ne peut cependant pas porter sur la rémunération due par un
employeur. En effet, la rémunération ne peut être saisie que par voie
d’une une procédure particulière dont il est question plus loin.
§2. La procédure de saisie-attribution
A. Le procès-verbal ou acte de saisie-attribution
1. Le contenu du procès-verbal
A peine de nullité, le procès-verbal de saisie contient :
- l’identité et les adresses (ou siège) du saisissant et du saisi ;
- l’énonciation du titre exécutoire ;
- le décompte des sommes dues (principal, intérêts, frais et une
provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois pour
élever une contestation) ;
- l’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le
créancier et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes saisies
dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
- la reproduction des articles 38, 156 et 169 à 172 de l’AUPSRVE ;

Outre ces mentions, le procès-verbal de saisie doit indiquer l’heure à


laquelle il a été signifié.
A l’exception de la créance principale, les sommes dont l’indication
est exigé dans le décompte imposé par l’article 157 ne découlent pas

245
d’un quelconque titre exécutoire, mais plutôt directement des causes
de la saisie126.
Aux termes de l’article 158 de l’AUPSRVE, lorsque le tiers
saisi est établi à l’étranger, la saisie doit être signifiée à personne ou à
domicile. Si le tiers est une personne détenant des deniers publics, la
saisie-attribution appliquée n’est valable que si l’acte de saisie est
délivré au préposé chargé de le réceptionner ou son délégué (Art 159).
2. Les effets du procès-verbal
Le procès-verbal de saisie-attribution produit trois effets.
Premièrement, dit l’article 154 de l’AUPSRVE, l’acte de saisie
emporte attribution directe et immédiate au créancier, des sommes
saisies jusqu’à concurrence du montant poursuivi. Il s’ensuit que ces
sommes, jusqu’à la hauteur du montant poursuivi, ne font plus partie
du patrimoine du débiteur. En conséquence, elles ne pourront plus
faire partie des biens de ce dernier susceptibles d’être distribués à tous
ses autres créanciers. Ainsi, les saisies opérées postérieurement par
d’autres créanciers n’affectent pas les sommes déjà saisies,
lesquelles sont déjà attribuées au créancier qui les a saisies en
premier. Sur ces sommes, celui-ci ne vient pas en concours avec
ceux qui pratiquent des saisies ultérieures sur les avoirs du
débiteur. En second lieu, le procès-verbal de saisie rend
indisponible les sommes saisies dans la limite de celles qui sont
poursuivies. Ainsi, en droit OHADA, le cantonnement est de
droit, le débiteur peut continuer à disposer de la portion de ses
avoirs supérieure au montant pour lequel la saisie est pratiquée.
Enfin, en troisième lieu, dès la notification du procès-verbal de
saisie, le tiers saisi devient personnellement débiteur dans les
limites de son obligation. Cela est une conséquence de l’effet
attributif du procès-verbal de saisi.

126
CCJA, arrêt n°084/2012 du 4 décembre 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p56.

246
B. Les obligations du tiers : déclaration

1. Le contenu et moment de la déclaration

Le tiers saisi est tenu de faire une déclaration sur tout ce qu’il détient
pour le débiteur, ainsi que sur les différents éléments qui peuvent affecter la
créance que celui-ci tient sur lui. Ces déclarations sont accompagnées des
pièces justificatives. Aux termes de l’article 157 de l’AUPSRVE, lorsque
l’acte de saisie est signifié à personne, la déclaration du tiers doit être faite
sur le champ. Si l’acte n’a pas été signifié à personne, la déclaration est faite
au plus tard, dans les cinq jours qui suivent la signification. Le tiers qui fait
une déclaration inexacte, incomplète ou tardive s’expose à la condamnation
au paiement des causes de la saisie, ainsi qu’aux dommages-intérêts.

2. La particularité de la déclaration lorsque le tiers est un


établissement bancaire ou financier

Dans le cas où la saisie est pratiquée entre les mains d’un


établissement bancaire, financier ou assimilé, ce dernier est tenu de
communiquer la nature des comptes du débiteur et leur solde au jour
de la saisie. Dans les quinze jours ouvrables après la saisie, ce solde
peut être affecté par des mouvements, soit au profit du créancier
(crédit), soit à son préjudice (débit). Il y sera en effet porté au crédit,
l’encaissement des chèques ou effets de commerce qui ont été remis avant la
saisie. Au débit du compte, seront portées toutes les opérations de retrait qui
ont été effectuées avant la saisie. Il s’agit d’une part, des imputations des
chèques remis à l’encaissement ou portés au crédit du compte
antérieurement à la saisie et qui sont revenus impayés, et d’autre part, du
retrait de billetterie ou par carte dès lors que les bénéficiaires ont
effectivement été crédités avant la saisie. Les effets de commerce remis à
l’escompte et non payés à la présentation ou à l’échéance, lorsque celle-ci est
postérieure à la saisie, peuvent être contre-passés dans un délai d’un mois à
compter de la saisie. Aux termes du troisième alinéa de l’article 161 de
l’AUPSRVE, les opérations de crédit et de débit n’affectent le compte du

247
débiteur que lorsque leur cumule est négatif et supérieur aux sommes non
frappées par la saisie au jour du règlement.

Si, après la passation de ces opérations, il y a diminution des sommes


rendues indisponibles, l’établissement est tenu, dans un délai de huit jours à
compter de l’expiration du délai de la contre passation, de transmettre par
écrit un relevé de toutes les opérations qui ont affecté les comptes depuis le
jour de la saisie.

Lorsque la saisie est pratiquée sur les avoirs d’un débiteur qui a
plusieurs comptes, le paiement est effectué en prélevant en priorité sur
ceux qui sont disponibles à vue. Dans le cas où la saisie est pratiquée
sur un compte joint appartenant à plusieurs titulaires, elle est signifiée
à ceux-ci. Si les noms d’autres titulaires ainsi que leurs adresses ne
sont pas connus, l’huissier demande à la banque de les informer
immédiatement de la saisie ainsi que du montant des sommes
réclamées.

C. La dénonciation de la saisie au débiteur

La saisie-attribution doit être, sous peine de nullité, dénoncée au


débiteur dans un délai de huit jours à compter de l’acte de saisie.
L’acte de dénonciation contient :
- une copie de l’acte de saisie ;
- la déclaration faite au débiteur qu’il dispose d’un délai d’un mois
pour élever une contestation, la date de l’expiration de ce délai,
ainsi que la désignation de la juridiction compétente pour connaître
des contestations éventuelles ;
- le rappel fait au débiteur qu’il peut autoriser par écrit que le
créancier soit payé par le tiers saisi sans délai.

Lorsque la signification de l’acte de dénonciation est faite à la


personne du débiteur, les déclarations ci-dessus sont aussi faites
verbalement. L’acte en fait mention.

248
D. Le paiement par le tiers saisi

Le tiers saisi n’est tenu de payer au créancier les sommes saisies que
lorsque celui-ci lui présente soit un certificat du greffe attestant la non-
contestation (après l’expiration du délai de contestation), ou soit un jugement
exécutoire rejetant la contestation faite par le débiteur. Avant l’expiration du
délai de contestation, le tiers ne peut payer que s’il a une déclaration écrite
du débiteur dans laquelle celui-ci renonce à toute contestation. A la
présentation de ces éléments, le tiers doit payer. Il ne peut s’opposer, sous
peine d’engager sa responsabilité, à procéder au paiement en invoquant un
quelconque motif qui pourrait être soulevé par le débiteur contre le créancier
saisissant. Il n’est pas l’avocat du débiteur.

Le tiers qui a une obligation à exécution successive à l’égard du


débiteur, procédera au paiement au fur et à mesure des échéances
successives. Il ne peut, en effet, en tant que débiteur du débiteur, être
contraint à payer avant le terme dont il dispose.

§3. Les contestations en matière de saisie-attribution des


créances

A. La juridiction compétente et forme

Les contestations relatives à une saisie-attribution des créances


sont de la compétence de la juridiction compétente de la demeure du
débiteur. Cette compétence est exercée par la juridiction de la
demeure du tiers saisi lorsque le domicile du débiteur n’est pas connu.
La contestation est formée par voie d’assignation.

B. Le délai

Aux termes de l’article 172 de l’AUPSRVE, le débiteur qui


souhaite introduire une contestation doit le faire dans un délai d’un
mois à compter de la signification de la saisie. Lorsqu’il n’a pas formé
de contestation dans le délai, le débiteur peut toutefois, si les

249
conditions sont réunies, exercer une action en répétition. Rappelons ici
ce qui a été dit plus haut, à savoir qu’il y a lieu de considérer qu’il n’y
a pas eu de contestation lorsque, après une assignation en contestation,
le tribunal se déclare non saisi. En effet, entant qu’exception de
nullité, la non saisine produit des effets rétroactifs de telle sorte que
les parties se retrouvent à la situation qui prévalait avant l’assignation.
Dans ce cas, le débiteur, s’il est encore dans le délai, doit faire une
nouvelle assignation en contestation. A défaut de le faire dans le délai,
le créancier doit être admis à solliciter au greffe une attestation de non
contestation pouvant lui permettre de continuer l’exécution.

C. Les recours contre une décision rendue sur contestation


contre une saisie-attribution

La décision tranchant une contestation faite contre une saisie-


attribution est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à
compter de sa notification. Dérogeant au caractère exécutoire des
décisions rendues en matière d’exécution tel que posé par l’article 49
de l’AUPSRVE, l’article 172 dispose que l’appel et le délai d’appel
contre ces décisions sont, sauf décision contraire motivée de la
juridiction compétente, suspensifs de l’exécution.

Sous-section 3. La saisie et la cession des rémunérations

§1. La Saisie des rémunérations

Le législateur OHADA a, en matière de saisie des rémunérations,


mis en place deux procédures. Il y a d’une part, la saisie des
rémunérations de droit commun, et d’autre part, la saisie simplifiée
des créanciers d’aliments.

A. La saisie des rémunérations de droit commun


Le principe de la saisie des rémunérations est posé par
l’article 173 de l’AUPSRVE. L’article 175 précise quant à lui, que la

250
rémunération ne peut faire l’objet d’une saisie conservatoire. Compte
tenu du caractère social et vital de la rémunération, l’acte uniforme
interdit d’en saisir la totalité, en laissant à la législation interne le soin
de fixer la quotité saisissable127. La procédure de saisie des
rémunérations se déroule en deux phases, une conciliation préalable
suivie en cas d’échec, par des opérations de saisie.
1. La conciliation préalable
Avant toute saisie, une procédure de conciliation préalable est
menée par la juridiction compétente. Elle commence par une requête
de conciliation adressée à cette dernière, en passant par la convocation
du débiteur par le greffier, pour se terminer soit par un jugement, un
procès-verbal de conciliation ou une saisie.

a. La requête aux fins de conciliation

La requête est adressée à la juridiction compétente par le


créancier. Outre l’identité de celui-ci, elle comporte les éléments ci-
après :
- l’identité et les adresses du débiteur et de son employeur ;
- le décompte des sommes réclamées (principal, frais, intérêts échus
et taux d’intérêt) ;
- l’existence éventuelle des privilèges ;
- l’indication des modalités de versement des sommes saisies.

127
L’article 114 du code du travail congolais dispose : « La rémunération du travailleur n’est cessible et saisissable
qu’à concurrence d’un cinquième sur la partie n’excédant pas cinq fois le salaire mensuel minimum interprofessionnel
de sa catégorie et d’un tiers sur le surplus.

Elle est cessible et saisissable à concurrence de deux cinquièmes lorsque la créance est fondée sur une obligation
alimentaire légale.

La saisie et la cession autorisées pour toute créance et celles autorisées pour cause d’obligation alimentaire légale
peuvent s’opérer cumulativement.

Le calcul des quotités cessibles et saisissables se fait après déduction des retenues fiscales et sociales et de
l’évaluation forfaitaire du logement, tel que défini à l’article 139 du présent Code. »

251
Le créancier joint à sa requête une copie du titre exécutoire constatant
sa créance. Le greffier lui notifie le lieu, le jour et l’heure de la
tentative de conciliation.

b. La convocation du débiteur

Pour la tentative de conciliation, le débiteur est invité par une


convocation écrite du greffier. L’invitation lui est envoyée au moins
quinze jours avant l’audience. La convocation comporte les éléments
ci-après :
- l’identité et adresse du créancier, le lieu, le jour et l’heure de la
conciliation ;
- l’objet de la demande et l’état des sommes réclamées ;
- la possibilité pour le débiteur d’élever des contestations au cours de
l’audience, et l’avertissement que toute contestation tardive ne
suspendrait pas l’opération de saisie ;
- les conditions de représentation du débiteur à l’audience.

c. La décision de la juridiction compétente

La décision de la juridiction compétente varie en fonction du fait


que le débiteur a comparu ou non à l’audience de conciliation.
Lorsqu’il n’y a pas de retour de l’avis de réception de la convocation,
et si le débiteur ne comparait pas, la juridiction compétente a deux
possibilités. Elle peut, si elle l’estime nécessaire et justifié, demander
au greffier d’envoyer au débiteur une seconde convocation. Elle peut
aussi, après vérification du montant de la créance, rendre une décision
ordonnant au greffier de saisir. Cette décision n’est pas susceptible
d’opposition ; elle est seulement susceptible d’appel. Lorsque, par
contre, les parties comparaissent, il est dressé un procès-verbal de
comparution. Celui-ci est dressé, même si après, il n’y a pas eu de
conciliation, ou de comparution de l’une des parties.

252
Si la procédure menée aboutit à une conciliation, le procès-
verbal de conciliation indique la solution à laquelle les parties sont
parvenues. Si par contre, il n’y a pas de conciliation, un procès-verbal
de non conciliation est dressé. Il est, dans ce cas, procédé à la saisie de
la rémunération, après que le président ait vérifié le montant réclamé,
et tranché les contestations éventuelles soulevées par le débiteur.
2. Les opérations de la saisie des rémunérations
a. La notification de la saisie à l’employeur

Dans un délai de huit jours à partir de l’audience où la non-


conciliation a été constatée, ou à partir de l’expiration du délai de
recours, si une décision a été prise par la juridiction compétente (en
cas de non comparution), l’acte de saisie est notifié par le greffier à
l’employeur par lettre recommandée ou par tout autre écrit. Cet acte
contient les mentions ci-après :
- les éléments d’identité du débiteur et du
créancier, ainsi que leurs adresses respectives;
- le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée
(principal, frais, intérêts ainsi que le taux d’intérêt) ;
- l’injonction de déclarer au greffe, dans un délai de quinze jours, la
situation de droit (sa relation juridique) avec le saisi et,
éventuellement, les saisies et cessions des rémunérations en cours
d’exécution, ainsi que toute information permettant la retenue
lorsque la saisie est pratiquée sur un traitement ou salaire payé sur
les fonds publics128 ;
- la reproduction des articles 185 à 189 de l’AUPSRVE.

L’employeur doit, dans un délai de huit jours suivant la notification,


informer le greffe et le saisissant sur toute modification intervenue
dans sa relation juridique avec le saisi, qui est de nature à affecter le
versement des retenues.
128
L’employeur qui ne fournit pas ces informations est déclaré débiteur de retenues. Il peut être condamné aux frais
et aux dommages-intérêts, s’il ne fait pas de déclaration ou s’il fait une déclaration mensongère.

253
b. Les effets de la saisie des rémunérations

La saisie des rémunérations produit les effets ci-après :

- elle rend indisponible la quotité saisissable de la rémunération ;


- elle oblige l’employeur à verser mensuellement au greffe la
retenue sur la rémunération du travailleur, sans excéder la quotité
saisissable (il doit y joindre une note indiquant les noms des
parties, le montant de la somme versée, la date et les références de
l’acte de saisie) ;
- L’employeur peut être condamné au paiement de la retenue
lorsque celle-ci n’est pas versée. Dans ce cas, la décision le
condamnant lui est notifiée dans un délai de trois jours à compter
de sa date soit par le greffier, soit par le créancier (Art 189
AUPSRVE). Le débiteur et, éventuellement, le créancier en sont
avisés.

La décision de condamnation de l’employeur est susceptible


d’opposition dans un délai de quinze jours à compter de sa
notification, faute de quoi elle devient exécutoire sur une expédition
délivrée par le greffe et revêtue de la formule exécutoire.

c. La pluralité de saisies : intervention

D’autres créanciers munis des titres exécutoires peuvent se


joindre, par voie d’intervention, à une procédure de saisie des
rémunérations déjà engagée, sans passer par la phase de conciliation.
Pour ce faire, ils doivent, par requête, adresser une demande
d’intervention à la juridiction compétente. Cette requête comprend les
mentions prescrites pour la demande de conciliation. Lorsqu’elle porte
soit sur une autre créance ou sur des intérêts échus depuis la saisie, la
demande d’intervention peut également être faite par un créancier qui
participe déjà à la procédure.

254
Le créancier intervenant notifie par écrit sa demande
d’intervention au débiteur et à tous les autres créanciers qui participent
à la procédure. Le débiteur peut contester l’intervention. Dans ce cas,
la contestation est jointe à la procédure en cours. Si celle-ci est
terminée, le débiteur dispose d’une action en répétition de l’indu.

d. La remise des fonds saisis et leur répartition

Tout mouvement de fond est mentionné dans un registre tenu au


greffe. Lorsqu’il y a un seul créancier saisissant, le greffier lui verse
directement ou à son mandataire spécial, la quotité versée par
l’employeur du débiteur. Cela est indiqué en marge du registre. S’il y
a plusieurs créanciers saisissants, ceux-ci viennent en concours, sauf
existence des causes légales de préférence. Dans ce cas, les sommes
sont logées dans un compte ouvert par le greffier. Ce dernier, avec
l’autorisation du président de la juridiction, retire les sommes versées
pour les répartir aux créanciers.

La répartition est faite par le président de la juridiction chaque


trimestre, la première semaine des mois de février, mai, août et
novembre. Un état de répartition est dressé et notifié à chaque
créancier à qui le greffier verse le montant qui lui revient. Cet état de
répartition peut être contesté par voie d’opposition, dans un délai de
quinze jours suivant sa notification.

e. La mainlevée de la saisie de la rémunération

La mainlevée de la saisie pratiquée sur la rémunération, dit


l’article 201 de l’AUPSRVE, peut résulter d’un accord du créancier,
d’une décision du président après la contestation introduite par le
débiteur, ou de l’extinction de la dette. Elle est notifiée à l’employeur
dans les huit jours.

255
B. La saisie simplifiée pour les créanciers d’aliments

1. La Justification de cette procédure simplifiée

Compte tenu du caractère vital des aliments, le législateur


OHADA a institué, aux articles 213 à 217, une procédure simplifiée
de saisie au profit des créanciers d’aliments porteurs des titres
exécutoires. Cette saisie est pratiquée pour le recouvrement du dernier
arrérages d’aliments échu et les arrérages à échoir. Elle s’applique sur
la partie saisissable des traitements, salaires, rémunérations et
pensions payés au débiteur d’aliments.

Note : la créance d’aliments est préférée à toutes les autres quel que
soit le privilège.
2. Le déroulement de la procédure

La demande de saisie est adressée à l’huissier. Celui-ci la


notifie par écrit au tiers et avise le débiteur par simple lettre. Le tiers
saisi est tenu, dans un délai de huit jours après la notification,
d’accuser réception de la demande et d’indiquer s’il peut y donner
suite ou pas. Il doit également informer le débiteur de la cessation ou
de la suspension de la rémunération. Dans le cas où il y donne suite, le
tiers verse directement la somme correspondant à la quotité saisissable
entre les mains du créancier d’aliments. Toute décision de suppression
ou de modification de la pension alimentaire affecte automatiquement
la demande de paiement direct.

3. Les contestations

Les contestations en matière de procédure simplifiée pour le


recouvrement des créances d’aliments sont formées par déclaration
verbale ou écrite au greffe de la juridiction du domicile du créancier.
Elles ne sont pas suspensives de l’exécution.

256
§2. La cession des rémunérations
A. La notion de cession des rémunérations
La cession des rémunérations consiste pour le débiteur (cédant), à
faire, de façon volontaire, une déclaration dans laquelle il accepte de
céder, dans les limites de la quotité cessible de sa rémunération, une
partie de celle-ci à un tiers.
A la différence de la saisie qui est une démarche contraignante, la
cession procède de l’expression de la volonté du cédant, lequel décide
seul.

B. La procédure de la cession

1. La déclaration et vérification

La cession se fait par une déclaration du cédant au greffe de la


juridiction compétente. Cette déclaration comprend le montant et la
cause de la dette, ainsi que le montant des retenues autorisées à
chaque paiement de la rémunération.
La juridiction compétente, avant l’enregistrement au greffe dans le
registre des saisies et cessions des rémunérations, vérifie que la
cession est faite dans les limites de la quotité saisissable, en tenant
compte des saisies et cessions antérieures qui sont en cours
d’exécution.

2. La notification et le versement

Le greffier notifie la cession à l’employeur en indiquant le


montant mensuel du salaire du cédant, celui de la quotité saisissable,
ainsi que le montant des retenues effectuées. L’employeur, sur
production de la copie de la cession, verse directement au cessionnaire
le montant des retenues. Le non versement de ces quotités est
sanctionné par une décision de la juridiction compétente, comme c’est
le cas lorsqu’il s’agit d’une saisie des rémunérations (Art 207).

257
3. Le Concours entre la cession et la saisie des rémunérations

Lorsque la rémunération cédée fait l’objet d’une saisie ultérieure,


le cessionnaire devient immédiatement saisissant pour les sommes
restant dues. Il entre en concours avec les autres saisissants. Dans ce
cas, le greffier notifie la saisie au cessionnaire en lui indiquant que
désormais il vient en concours avec les autres saisissants, et l’invite à
présenter un relevé de ce qui lui reste dû. La notification est également
faite à l’employeur que le greffier invite à verser désormais les
paiements au greffe. Si la saisie prend fin avant la cession, le
cessionnaire retrouve les droits qu’il détenait de l’acte de cession. Le
greffier avise l’employeur de ce nouveau changement en lui indiquant
que les paiements doivent être faits à nouveau entre les mains du
cessionnaire.

4. Le cas d’une cession faite en fraude aux droits


des saisissants

Tout saisissant qui a une présomption que la cession des


rémunérations a été faite en fraude à ses droits, peut, par une action
en annulation, l’attaquer devant la juridiction compétente. Il peut en
attendant l’aboutissement de son action, demander que les sommes
retenues soient consignées entre les mains du greffier.

5. La radiation de la cession

La cession est radiée du registre des saisies et cession des


rémunérations lorsqu’il y a annulation judiciaire, résiliation par une
déclaration du cessionnaire, ou paiement de la dernière tranche par
l’employeur.

258
Sous-section 4. La saisie-appréhension

§1. La notion de saisie-appréhension

La saisie-appréhension est la voie d’exécution forcée qui


permet au titulaire d’un droit à la restitution ou à la délivrance d’un
bien meuble corporel, porteur d’un titre exécutoire, d’appréhender ce
bien quelles que soient les mains où il se trouve. A la différence de la
saisie-vente dont la finalité est la vente du bien saisi pour désintéresser
le créancier, la saisie-appréhension vise, sauf lorsqu’elle est faite au
profit d’un créancier gagiste, à restituer ou à livrer le bien au
créancier.
Le bien saisi dans ce cadre entre directement dans le patrimoine du
saisissant.
§2. La procédure

A. L’appréhension entre les mains du débiteur

1. Le commandement préalable

L’appréhension est précédée par un commandement préalable de


délivrer ou de restituer adressé à la personne tenue de l’obligation de
délivrer ou de restituer.
Le commandement comprend à peine de nullité :
- la mention du titre exécutoire constatant la créance ;
- l’identité et les adresses du créancier et du débiteur ;
- l’indication que le débiteur peut, dans un délai de huit jours,
transporter à ses frais le bien désigné dans un lieu et dans les
conditions indiquées ;
- l’indication que les contestations peuvent être portées devant la
juridiction de la demeure du destinataire ;
- l’élection du domicile dans le ressort de la juridiction où se
déroule la saisie, si le créancier n’y demeure pas.

259
2. L’appréhension du bien

Un acte de remise est dressé au débiteur qui remet volontairement le


bien faisant objet de la saisie-appréhension. Si par contre, à l’expiration du
délai de huit jours à compter du commandement, la remise volontaire n’est
pas effectuée, le bien est appréhendé et remis au créancier. Pour ce faire, un
acte d’appréhension est dressé. Il contient un état détaillé du bien, ce dernier
pouvant être photographié. Une copie de cet acte est remise ou notifiée au
débiteur.

Lorsque le bien est appréhendé pour être remis à un créancier gagiste,


l’acte de remise ou d’appréhension vaut saisie, et il sera procédé à la vente
suivant les règles de la saisie-vente. Dans ce cas, dit l’article 223, un acte est
remis au débiteur. Cet acte contient à peine de nullité :
- une copie de l’acte de remise ou d’appréhension ;
- l’indication du lieu où le bien a été déposé ;
- le décompte des sommes réclamées (principal, frais, intérêts et
taux d’intérêt) ;
- l’indication que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour
procéder à la vente amiable, faute de quoi il sera procédé à la
vente forcée ;
- la reproduction des dispositions des articles 115 à 119 de
l’AUPSRVE.

Aux termes de l’article 220, une saisie-appréhension peut être pratiquée sans
commandement préalable lorsque le débiteur est présent et qu’il refuse de
transporter le bien à ses frais au lieu indiqué. Dans ce cas, dans l’acte qu’il
dresse (reprenant les mentions du commandement), l’huissier indique que les
contestations pourront être portées devant la juridiction de la demeure du
débiteur.

B. L’appréhension entre les mains d’un tiers

Lorsque le bien est détenu par un tiers, la procédure commence par


une sommation faite à celui-ci et se termine par l’appréhension en
passant par une décision prise par la juridiction compétente.

260
1. La sommation

Une sommation de remettre le bien est signifiée au tiers. Elle est


immédiatement dénoncée au débiteur et contient à peine de nullité :
- une copie du titre exécutoire; si celui-ci est un
jugement, la sommation ne reprend que le dispositif, les
éléments d’identité des parties et leurs adresses ;
- une injonction d’avoir, dans un délai de huit jours, soit à
remettre le bien désigné, soit à communiquer à l’huissier,
sous peine des dommages-intérêts, les raisons pour
lesquelles il s’oppose à la remise ;
- l’indication que les difficultés de la saisie seront portées
devant la juridiction de la demeure du destinataire de
l’acte ;
- l’élection de domicile dans le ressort de la juridiction où
s’effectue la saisie, si le créancier n’y demeure pas.

2. La décision ordonnant la remise et l’appréhension

Si, à l’expiration du délai imparti au tiers, il n’y a pas de remise


volontaire du bien, le créancier peut saisir le juge compétent du lieu de la
résidence du tiers détenteur pour obtenir que celui-ci ordonne la remise. La
saisine du juge doit intervenir dans le mois qui suit la signification de la
sommation, faute de quoi, cette dernière devient caduque. L’appréhension,
lorsqu’elle décidée, est faite sur simple présentation de la décision de la
juridiction ordonnant la remise. Un acte d’appréhension est dressé à
l’occasion. Une copie de cet acte est remise ou notifiée au tiers. Le
débiteur est également informé.

Sous-section 5. La saisie des droits des associés et valeurs


mobilières

Le créancier porteur d’un titre exécutoire peut, en vue de la


vente, saisir les droits que son débiteur détient dans une société. La
procédure à cet effet se déroule en deux phases comprenant les
opérations de saisie et la vente.

261
§1. La Saisie

La saisie des droits des associés et valeurs mobilières intervient au


moins huit jours après commandement fait au débiteur et resté sans
effet. L’acte de saisie comporte des mentions obligatoires ci-après :
- l’identité et les adresses (ou siège) des parties
saisissantes et du saisi ;
- l’élection de domicile dans le ressort territorial
de la juridiction, lorsque le créancier n’y a pas de domicile ou de
résidence ;
- l’énonciation du titre exécutoire constatant la créance ;
- le décompte des sommes dues (principal, intérêts, frais et une
provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois pour
élever une contestation) ;
- l’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires
attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le
débiteur est titulaire ;
- la sommation de faire connaître dans un délai
de huit jours, l’existence d’éventuels nantissements ou saisies, et
d’avoir à communiquer au saisissant, copie des statuts.
L’acte de saisie est, sous peine de caducité, signifié au débiteur dans
un délai de huit jours à compter de la saisie. Sous celle de nullité,
l’acte de signification comprend :
- une copie du procès-verbal de saisie ;
- l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine
d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois suivant la signification de
l’acte de saisie ;
- l’indication que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour
procéder à la vente amiable conformément aux articles 115 à 119
de l’AUPSRVE ;
- la reproduction des articles 115 à 119 de l’AUPSRVE.
Le débiteur peut obtenir la mainlevée de la saisie s’il consigne une
somme suffisante pour désintéresser le créancier.

262
§2. La vente forcée

A défaut d’une vente amiable, les droits saisis seront, à la


demande du créancier, sur présentation d’un certificat de non
contestation ou d’une décision exécutoire de rejet de la contestation,
vendus par voie forcée comme dans la procédure de la saisie-vente.

A. L’élaboration du cahier des charges


En vue de la vente, un cahier des charges est établi par l’avocat de
la partie poursuivante. Ce cahier, qui rappelle la procédure antérieure,
contient en outre, les statuts de la société, ainsi que toutes les
informations nécessaires pour apprécier les droits qui sont saisis. Les
conventions entre associés qui instituent un droit d’agrément d’un
nouvel associé ou un droit de préférence pour la cession ne s’imposent
à l’adjudicataire que lorsqu’elles figurent au cahier des charges.

B. La communication du cahier des charges

Une copie du cahier des charges est notifiée à la société qui la


communique à son tour aux associés. Le même jour, une sommation
est faite aux autres créanciers saisissants de prendre connaissance du
cahier des charges auprès de l’agent d’exécution chargé de la vente
(greffe ou notaire), et d’y insérer éventuellement des observations
dans un délai de deux mois à compter de la notification faite à la
société.

C. La publicité en vue de la vente

La publicité est faite au plus tôt trente jours, au plus tard quinze
jours avant la date fixée pour la vente. Elle indique le jour, l’heure et
le lieu où la vente se déroule. Le débiteur, la société et,
éventuellement, les créanciers opposants sont informés par voie de
notification. Le public l’est par voies de presse et, si nécessaire, par
affichage.

263
D. La pluralité des saisies

Lorsqu’il y a plusieurs saisies pratiquées sur les droits d’un


débiteur, le prix de vente est reparti entre les créanciers ayant pratiqué
la saisie avant la vente. Si parmi eux, certains ont pratiqué des saisies
conservatoires, leur part sur le prix de la vente sera consignée jusqu’à
l’obtention du titre exécutoire.

264
Sous-chapitre2. LA SAISIE IMMOBILIERE

Section 1. La notion de saisie immobilière

§1. La définition

La saisie immobilière est la voie d’exécution par laquelle un


créancier poursuit la vente, par expropriation forcée, des immeubles
du débiteur défaillant. Elle a un caractère subsidiaire, en ce que le
créancier qui souhaite recourir à l’exécution forcée doit, dit le
deuxième alinéa de l’article 28 de l’AUPSRVE, commencer
l’exécution sur les biens meubles du débiteur. L’exécution sur les
immeubles ne peut avoir lieu que soit, s’il s’agit d’un créancier
hypothécaire exécutant sur l’immeuble hypothéqué, ou soit lorsque les
biens meubles du débiteurs sont insuffisants.

§2. Les conditions de la saisies immobilières

A. La condition quant au titre à exécuter

La saisie immobilière ne peut être menée qu’en vertu d’un titre


exécutoire constatant une créance exigible et liquide. L’article 247
de l’AUPSRVE précise qu’une saisie immobilière peut être
pratiquée même en vertu d’un titre exécutoire par provision et pour
une créance non liquidée. Dans ce cas, la vente n’interviendrait
qu’après que le titre soit devenu définitivement exécutoire, et la
créance liquidée.

265
A. Les conditions liées à la propriété de l’immeuble

1° On ne peut saisir et vendre une part indivise d’un immeuble


avant le partage ou la licitation. Celle-ci peut même être
provoquée par les créanciers d’un indivisaire.

2° Lorsque l’immeuble appartient en commun aux époux, les


poursuites sont engagées contre les deux conjoints.

3° Lorsque les immeubles du débiteur sont situés dans différents


ressorts, la vente forcée ne peut pas être poursuivie au même
moment, elle doit être successive. On peut toutefois procéder à
une vente simultanée soit lorsque les immeubles font partie d’une
même exploitation, soit avec l’autorisation de la juridiction
compétente, lorsque les immeubles situés dans un même ressort
sont insuffisants pour désintéresser le créancier.

B. La condition liée à la situation juridique de l’immeuble

La saisie immobilière ne peut être pratiquée que sur un immeuble


enregistré. Lorsqu’il s’agit d’un immeuble non enregistré, le créancier
doit demander, avec l’autorisation du président de la juridiction
compétente, au conservateur des titres immobilier de procéder à
l’immatriculation.
Le président du tribunal n’a aucune compétence pour procéder à
l’enregistrement d’un immeuble. Ce pouvoir, en vertu de l’article 233
de la loi du 20 juillet 1973, appartient exclusivement au conservateur
des titres immobiliers. De la même manière, le président n’a pas le pouvoir
d’ordonner au conservateur de procéder à l’enregistrement. En effet,
l’autorisation de requérir l’immatriculation ne concerne que le créancier et
ne vise qu’à obtenir le droit pour celui-ci à s’adresser au conservateur. Elle
ne consiste nullement, pour le créancier, à obtenir que le président de la
juridiction donne un ordre au conservateur, l’enjoignant à procéder à
cette immatriculation. Ce dernier reste la seule autorité qui apprécie si
l’immeuble concerné peut ou non être enregistré au nom du débiteur.

266
Section 2. La procédure de la saisie immobilière

La procédure de la saisie immobilière se déroule en trois


phases : le commandement, la préparation de la vente et la vente.

§1. Le commandement
En matière immobilière, le commandement à fin de saisie est
prescrit à peine de nullité. On ne peut donc pratiquer une saisie
immobilière sans commandement préalable. Lorsque la saisie
concerne plusieurs immeubles, un seul commandement suffit
(Art 257).
A. Le contenu du commandement

L’article 254 de l’AUPSRVE indique les mentions obligatoires du


commandement. Il s’agit de :
1° la référence au titre exécutoire, le montant de la dette, ainsi que
l’identité et les adresses respectives du créancier et du débiteur ;
2° la copie du pouvoir spécial de saisir donné à l’huissier par le
créancier poursuivant, sauf lorsque le commandement contient, sur
l’original et la copie, le « bon pour pouvoir » signé par le créancier ;

3° l’avertissement que, faute de payer dans vingt jours, le


commandement pourra être transcrit à la conservation des titres
immobiliers et vaudra saisie à partir de sa publication ;
4° l’indication de la juridiction où l’expropriation sera poursuivie ;
5° le numéro du titre foncier et l’indication de la situation précise des
immeubles faisant l’objet de saisie ; s’il s’agit d’un immeuble non
enregistré, le numéro de la réquisition(demande) d’immatriculation,
s’il s’agit d’impenses129, sa désignation précise ainsi que la référence
de la décision d’affectation ;

129
Les impenses sont des constructions du débiteur érigées sur un terrain appartenant à l’Etat, qui lui a été affecté
par une décision administrative.

267
6° la constitution de l’avocat chez qui le créancier élit
domicile.

Pour avoir les renseignements nécessaires à la rédaction du


commandement, notamment la situation de l’immeuble et sa
description, l’huissier peut y pénétrer, si nécessaire, en se faisant
assister par la force publique. Lorsque l’immeuble est détenu par un
tiers contre lequel il n’y a pas de titre exécutoire, l’huissier ne peut y
pénétrer que moyennant une autorisation de la juridiction compétente.

B. La signification du commandement

Le commandement doit, sous peine de nullité, être signifié au


débiteur et éventuellement, au tiers détenteur de l’immeuble.
Si l’immeuble est détenu par un tiers, cette signification contient
une sommation soit de payer l’intégralité de la dette, soit de
délaisser l’immeuble hypothéqué, soit de subir l’expropriation. En
cas d’impenses, la signification du commandement est également
faite à l’autorité administrative ayant affecté le terrain au débiteur.
Lorsque la saisie vise un immeuble non enregistré, le
commandement ne peut être signifié qu’après la réquisition
d’immatriculation adressée au conservateur des titres immobilier
(Art 254).

C. La transcription et publication du commandement par le


Conservateur des titres immobiliers

L’huissier fait viser l’original du commandement par le


conservateur des titres immobiliers. Une copie dudit
commandement, après visa, est remise à ce dernier pour sa
publication. Celle-ci doit être faite au plus tard dans les trois mois
de la signification. Dépassé ce délai, le créancier doit reprendre
toute la procédure. Lorsque la saisie porte sur les impenses, c’est

268
l’autorité administrative qui a affecté le terrain qui transmet le
commandement au conservateur.

Celui-ci procède à la transcription du commandement. S’il n’est


pas en mesure de le faire immédiatement, il mentionne la date et
l’heure du dépôt sur l’original. Il doit également, le cas échéant, y
mentionner son refus de procéder à la transcription ainsi que la
raison dudit refus. Lorsqu’il y a plusieurs commandements qui
portent sur un même immeuble, la transcription est faite par ordre
d’arrivée. En marge de chacun, le conservateur mentionne les
commandements antérieurs déjà transcrits.

D. La radiation de la transcription

La transcription du commandement est radiée sur mainlevée du


créancier lorsque le débiteur a procédé au paiement dans le délai de
vingt jours qui lui a été imparti dans ledit commandement. A
défaut, le débiteur qui a payé dans ce délai, peut obtenir cette
radiation en saisissant la juridiction compétente. Cette dernière doit
statuer en urgence et se prononcer dans les huit jours de sa saisine.

E. Les effets du commandement

Aux termes de l’article 262 de l’AUPSRVE, en premier lieu, le


commandement vaut saisie dès sa transcription par le conservateur des
titres immobiliers. En second lieu, la transcription du commandement
entraîne l’immobilisation de l’immeuble et de ses revenus. Par
conséquent, le débiteur ne peut en disposer. Dès qu’il a transcrit le
commandement, le conservateur refusera d’opérer toute inscription de
nouveau droit réel (cas d’hypothèque ou d’une servitude
conventionnelle), ou de faire de mutation. Toutefois, le quatrième
alinéa de l’article 262 de l’AUPSRVE permet l’aliénation ou la
constitution des droits réels lorsque, avant l’adjudication, l’acquéreur

269
ou le créancier du débiteur consigne une somme suffisante à
désintéresser les créanciers inscrits et le créancier poursuivant.

Lorsque la valeur des immeubles saisis dépasse celle de la


créance, le débiteur peut demander à la juridiction compétente
d’ordonner la surséance des poursuites sur un ou plusieurs immeubles
désigné dans le commandement. Cette demande doit être faite par voie
de requête lorsqu’elle intervient avant le dépôt du cahier des charges.
Elle n’empêchera pas la publication du commandement. Si elle
intervient après le dépôt du cahier des charges, la demande ci-dessus
est faite par voie des dires et observations. Le débiteur peut également
demander la suspension des poursuites, s’il justifie que pendant deux
ans, les revenus nets des immeubles suffiront à désintéresser les
créanciers en principal, frais et intérêts. Dans ce cas, les paiements
doivent être délégués aux créanciers.
La procédure reprendra s’il y a une opposition ou un obstacle au
paiement.

La saisie de l’immeuble n’entraîne pas automatiquement la


dépossession du débiteur. Celui-ci, sauf décision contraire de la
juridiction compétente, lorsque l’immeuble saisi n’est pas mis en
location, en conserve la possession à titre de séquestre judiciaire.

§3. La préparation de la vente

La préparation de la vente des immeubles saisis se déroule en


quatre étapes. Elle part de la rédaction et dépôt du cahier des charges,
à la publicité en vue de la vente, en passant par la sommation de
prendre communication du cahier des charges, et l’audience
éventuelle.

270
A. La rédaction et le dépôt du cahier des charges

1. La notion et l’obligation de déposer le cahier des charges

L’article 266 de l’AUPSRVE définit le cahier des charges


comme étant « le document rédigé et signé par l’avocat du créancier
poursuivant, qui précise les conditions et modalités de la vente de
l’immeuble saisi ». Sous peine de déchéance, le cahier des charges
doit être déposé au greffe de la juridiction compétente dans un délai de
cinquante jours à compter de la publication du commandement. La
date du dépôt constitue le point de départ dans la détermination de la
date de la vente, celle-ci devant intervenir au plus tôt quarante-cinq
jours depuis ce dépôt, et au plus tard, quatre-vingt-dix jours après
celui-ci (Art 268 de l’AUPSRVE).

2. Le contenu du cahier des charges

L’article 267 de l’AUPSRVE prescrit dix mentions obligatoires du


cahier des charges. Il s’agit de :

- l’intitulé de l’acte ;
- l’énonciation du titre exécutoire et du commandement, avec la
mention de la publication de ce dernier, ainsi que des autres actes
et jugement intervenus après le commandement et qui ont été
notifiés au créancier poursuivant ;
- la juridiction, ou le notaire convenu par les parties devant qui
l’adjudication est poursuivie ;
- le lieu où se tiendra l’audience éventuelle ;
- les noms, prénoms, profession, nationalité, date de naissance et
domicile du créancier poursuivant ;
- les nom, qualité et adresse de l’avocat de la partie poursuivante ;
- la désignation de l’immeuble saisi, telle que contenue dans le
commandement ou le procès-verbal de description dressé par
l’huissier ou l’agent d’exécution ;

271
- les conditions de la vente et, notamment, les droits et obligations
des vendeurs et adjudicataires, le rappel des frais de poursuite et
toute condition particulière ;
- le lotissement s’il y a lieu ;
- la mise à prix fixée par le poursuivant et qui ne peut être inférieure
au quart de la valeur vénale de l’immeuble.

L’avocat du créancier poursuivant annexe au cahier des charges l’état,


à la date du commandement, des droits réels qui grèvent l’immeuble.
Cet état est délivré par le conservateur des titres immobiliers.

B. La sommation de prendre communication du cahier des


charges

Aux termes de l’article 268 de l’AUPSRVE, le créancier


poursuivant est tenu, dans un délai de huit jours, de sommer le
débiteur et les créanciers inscrits à prendre communication du cahier
des charges au greffe, et d’y faire insérer leurs dires et observations.
La sommation contient des mentions ci-après, lesquelles sont
prescrites à peine de nullité :

1° les jours et heures de l’audience éventuelle (laquelle ne peut avoir


lieu moins de trente jours après la sommation) ;
2° le jour de l’adjudication (entre le trentième et le soixantième jour
après l’audience éventuelle) ;
3° l’avertissement que les dires et observations doivent être reçus, à
peine de déchéance, jusqu’au cinquième jour précédant l’audience
éventuelle et qu’à défaut de former et de faire mentionner à la suite du
cahier des charges, dans le même délai, la demande en résolution
d’une vente antérieure ou la poursuite de folle enchère d’une
réalisation forcée antérieure, le saisi et les créanciers inscrits seront
déchus à l’égard de l’adjudicataire de leur droit d’exercer ces actions.

Notes : L’exercice des actions en résolution d’une vente antérieure, ou la


poursuite en folle enchère d’une réalisation forcée antérieure, suspendent les

272
poursuites sur l’immeuble concerné. Ces actions sont portées devant la
juridiction devant laquelle les poursuites sont engagées, dans les mêmes
formes, délais, et voies de recours que l’action en distraction (Art 271).

C. L’audience éventuelle

1. La notion de l’audience éventuelle

L’audience éventuelle est une audience au cours de laquelle les


parties débattent des dires et observations insérées au cahier des charges par
le débiteur et par les créanciers inscrits. Elle est dite éventuelle, parce que sa
tenue est conditionnée à la formulation effective des dires et observations, de
telle sorte qu’elle n’aura pas lieu si, après avoir été sommés, le saisi ou les
créanciers inscrits ne formulent aucune observation.

2. La tenue de l’audience éventuelle

La plaidoirie sur les dires et observations doit, en principe,


intervenir dès la première audience. En effet, l’article 273 de
l’AUPSRVE n’autorise de remise de l’audience que pour des causes
graves dûment justifiées, ou lorsque la juridiction compétente exerce
un contrôle d’office sur le cahier des charges. La décision qui est prise
à la suite de l’audience éventuelle est transcrite au cahier des charges
par le greffier. Elle est signifiée à la demande de la partie la plus
diligente (Article 274 AUPSRVE).

Au cours de l’audience éventuelle, la juridiction compétente a un


pouvoir de contrôle d’office qui lui permet d’une part, d’ordonner la
distraction de certains biens saisis si leur valeur apparaît
disproportionnée par rapport à la créance, et d’autre part, de modifier
la mise à prix lorsque celle-ci n’a pas respecté les règles posées par
l’article 267-10130. Lorsque l’une de ces deux mesures a été prise, la

130
Article 267-10 AUPSRVE : « la mise à prix fixée par le poursuivant, laquelle ne peut être inférieure au quart de la
valeur vénale de l'immeuble. La valeur de l'immeuble doit être appréciée, soit au regard de l'évaluation faite par les

273
juridiction compétente informe les parties de son intention de modifier
le cahier des charges, en les invitant à présenter leurs observations
dans un délai maximum de cinq jours. Si l’audience éventuelle n’a pu
avoir lieu à la date indiquée initialement, la juridiction compétente
indique la nouvelle date.
D. La publicité en vue de la vente
1. Les modalités et moment de la publicité

La publicité en vue de la vente est assurée de deux manières


cumulatives. Elle se fait par la publication, sous la signature de
l’avocat du poursuivant, d’un extrait du cahier des charges au journal
officiel. Elle est également faite par l’apposition de placard (affichage)
à la porte du domicile du saisi, à la porte de la juridiction compétente
ou du notaire convenu par les parties, ainsi que dans les lieux officiels
d’affichage de la commune de la situation de l’immeuble.
La publicité doit être réalisée au plus tôt trente jours, et au plus tard
quinze jours avant l’adjudication (Art 276 AUPSRVE).
2. Le contenu de l’extrait du cahier des charges à publier
(contenu prescrit à peine de nullité)
L’extrait du cahier des charges doit indiquer les éléments ci-après :
- Les noms, prénoms, professions, domicile ou demeure des parties
et de leurs avocats ;
- la désignation de l’immeuble (conforme au cahier des charges) ;
- la mise à prix ;
- l’indication des jours, lieu et heure de l’adjudication ;
- l’indication de la juridiction compétente ou du notaire convenu
devant qui se fera l’adjudication.

parties lors de la conclusion de l'hypothèque conventionnelle, soit, à défaut, par comparaison avec les transactions
portant sur des immeubles de nature et de situation semblables.

274
§4. La vente

A. Le moment de l’adjudication et les enchères

La vente est faite au jour fixé dans l’acte de dépôt du cahier des
charges tel que prévu par l’article 268 de l’ AUPSRVE. Elle se fait
aux enchères publiques à la barre de la juridiction compétente, ou en
l’étude du notaire convenu par les parties. L’audience de
l’adjudication peut, à la requête d’une partie, déposée au plus tard cinq
jour avant la date de l’adjudication, être remise par une décision de la
juridiction compétente à une autre date pour des motifs graves et
justifiés. La décision de la juridiction compétente doit être motivée.
Elle fixe la nouvelle date de l’adjudication, laquelle ne peut aller au-
delà de soixante jours. Dans ce cas, le créancier poursuivant doit
procéder à la nouvelle publicité. Sauf lorsqu’elle ne respecte pas le
délai de fixation de la nouvelle date, la décision de remise n’est pas
susceptible de recours.

La vente se fait sur réquisition même verbal de l’avocat du


poursuivant, ou de tout créancier inscrit qui indique publiquement le
montant des frais des poursuites. Ceux-ci sont préalablement taxés par
le président de la juridiction compétente. Les enchères peuvent être
présentées par un avocat ou par l’enchérisseur lui-même. Un même
avocat peut présenter des offres de plusieurs enchérisseurs lorsque
ceux-ci souhaitent être des co-adjudicataires. L’avocat dernier
enchérisseur est tenu, dans les trois jours qui suivent l’adjudication, de
déclarer l’adjudicataire et de fournir son acceptation, ou de représenter
son pouvoir. Celui-ci est annexé à la minute de la déclaration notariée.
Faute de dévoiler l’adjudicataire, l’avocat est réputé adjudicataire en
son nom.

L’article 284 de l’AUPSRVE interdit à l’avocat, sous la sanction


de la nullité de l’adjudication et des dommages-intérêts, de faire des
enchères pour le compte des membres de la juridiction ou du notaire

275
devant lequel l’adjudication est faite, du saisi, d’une personne
notoirement insolvable, ainsi que pour son propre compte.

L’adjudication est faite au profit soit de l’adjudicataire qui a fait


l’offre la plus élevée qui n’a pas été dépassée avant l’extinction des
trois bougies allumées successivement, soit au profit du poursuivant,
pour le montant de la mise à prix, s’il n’y a pas eu enchère (Art 285
AUPSRVE). Elle est prononcée par décision judiciaire ou procès-
verbal du notaire. Tout adjudicataire peut, dans les vingt-quatre
heures suivant l’adjudication, faire connaître par une déclaration « de
commande », qu’il s’est rendu acquéreur pour le compte d’un autre,
dont il révèle le nom.

B. La surenchère
La surenchère est une procédure qui permet de remettre en cause
l’adjudication pour parvenir à un meilleur prix.131 Le surenchérisseur
prend ainsi le risque d’offrir un prix supérieur au prix de
l’adjudication. L’immeuble lui sera adjugé à ce prix à défaut
d’enchère. La surenchère peut être faite par toute personne et ne peut
être rétractée.

1. Les conditions d’admissibilité de la surenchère

La surenchère doit, en premier lieu, être d’au moins dix


pourcent plus importante que l’enchère pour laquelle l’immeuble a été
adjugé. En second lieu, elle doit être faite dans un délai de dix jours
suivant l’adjudication.

2. La procédure de la surenchère

Cette procédure est réglée par les articles 288 et 289 de


l’AUPSRVE de la manière qui suit.

131
HONNAKER(P), procédures civiles d’exécution, op. cit., p307.

276
a. L’offre de la surenchère et sa dénonciation
Le surenchérisseur, ou son avocat, fait son offre de surenchère au
greffe de la juridiction qui a ordonné la vente, ou auprès du notaire
convenu. Cette surenchère est immédiatement mentionnée au cahier
des charges. Dans un délai de cinq jours, le surenchérisseur est tenu de
dénoncer la surenchère à l’adjudicataire, au poursuivant, et au saisi.
La dénonciation doit être mentionnée au cahier des charges dans un
délai de cinq jours. Elle doit indiquer d’une part, la date de l’audience
éventuelle, au cours de laquelle seront jugées les contestations de la
validité de la surenchère, et d’autre part, la date de la nouvelle vente.
L’audience éventuelle ne peut être fixée avant vingt jours de la date de
la dénonciation. La nouvelle vente ne peut, quant à elle, être fixée à
plus de trente jours de la date de l’audience éventuelle. Lorsque le
surenchérisseur néglige de dénoncer ou de faire mentionner la
dénonciation au cahier des charges, le poursuivant, le saisi ou tout
créancier inscrit ou sommé peuvent le faire à ses frais.

b. La contestation de la validité de la surenchère

La contestation portant sur la validité de la surenchère vise le non-


respect des conditions d’admissibilité énoncées ci-dessus. Elle doit
être faite par voie des conclusions, au plus tard cinq jours avant la date
de l’audience éventuelle (article 289 al 1).

c. La nouvelle adjudication

Lorsque la surenchère n’est pas contestée, ou lorsqu’elle est


validée à la suite d’une contestation, une nouvelle procédure
d’adjudication est ouverte. Celle-ci est précédée par une nouvelle
publicité faite par l’affichage d’un extrait du cahier des charges, huit
jours au moins avant la date de la nouvelle vente. Si, au cours de cette
nouvelle procédure, il n’y a pas d’offre de prix plus élevé que celui
offert par le surenchérisseur, ce dernier est déclaré adjudicataire.

277
Remarque : Il n’est pas admis une surenchère sur seconde
adjudication.

C. Les formalités à accomplir après l’adjudication

Après l’adjudication de l’immeuble saisi, la décision judiciaire ou


le procès-verbal d’adjudication du notaire est porté en minute à la
suite du cahier des charges. Le greffier, ou selon le cas le notaire,
délivre à l’adjudicataire l’expédition de la décision ou du procès-
verbal. Cette délivrance ne se fait que lorsque l’adjudicataire apporte
la preuve d’avoir, au plus tard, vingt jours après l’adjudication, payé le
prix et exécuté les conditions du cahier des charges. Lorsque c’est le
créancier qui a été déclaré adjudicataire, il n’est tenu qu’au paiement
des frais de la procédure et de la partie du prix supérieure à sa créance.

Dès que l’adjudication devient définitive, une expédition de la


décision judiciaire ou du procès-verbal d’adjudication est déposée à la
conservation des titres immobiliers aux fins d’inscription. Cette
formalité doit, sous peine de folle enchère, être accomplie dans un
délai de deux mois. Si les biens saisis sont des impenses, l’expédition
est déposée auprès de l’autorité administrative qui avait affecté le
terrain au saisi, pour être inscrite en marge de la décision
d’affectation.

Section 3. Le contentieux de la saisie immobilière

Le contentieux de la saisie immobilière se rapporte au


règlement des incidents que cette voie d’exécution peut provoquer. En
cette matière, l’acte uniforme organise quatre types d’incidents. Il
s’agit des incidents nés de la pluralité de saisies, des demandes en
distraction, des demandes en annulation et de la folle enchère. Chaque
type d’incident est régi par ses propres règles, il existe cependant des
règles qui leur sont communes.

278
§1. Les règles communes à tous les incidents de la saisie immobilière

Ces règles se rapportent à la forme des demandes, au moment où


celles-ci doivent être formées, ainsi qu’au recours contre les décisions
rendues.

A. Les formes des demandes relatives au contentieux de la saisie


immobilière

Aux termes de l’article 298 de l’AUPSRVE, toute contestation, ou


toute demande incidente formulée après la signification du
commandement est faite par voie des conclusions. Lorsqu’elle est
dirigée contre une partie qui n’a pas d’avocat, la contestation est
formulée par assignation avec requête.

B. Le moment des demandes liées au contentieux de la saisie


immobilière

Les contestations et demandes incidentes en matière de saisie


immobilière doivent être introduites avant l’audience éventuelle. Elles
peuvent être admises après celle-ci, mais jusqu’au plus tard huit jours
avant l’adjudication, lorsqu’elles se rapportent à des faits survenus ou
révélés après cette audience, ou lorsqu’elles tendent à faire prononcer
la distraction ou la nullité de la procédure qui y a été suivie, ou encore
la radiation de la saisie (Art 299 al 2 AUPSRVE). Appliquant cette
règle, la CCJA a estimé que viole l’article 299, les dires déposés la
veille de l’audience d’adjudication et tendant à voir ordonner la
suspension des poursuites pour survenance des faits nouveaux, ces
dires devant être déposés soit avant l’audience éventuelle, soit
jusqu’au huitième jour avant l’adjudication132.

132
CCJA, arrêt n°066/2012 du 17 août 2012, Cour commune de justice et d’arbitrage, Recueil trimestriel de
jurisprudence, n° 19, juillet-décembre 2012, p65.

279
C. Les recours

Par principe, les décisions tranchant une contestation en matière de


saisie immobilière ne sont susceptibles ni d’appel, ni d’opposition.
L’appel est admis exceptionnellement lorsque ces décisions statuent
sur le principe même de la créance, ou sur des moyens de fond tirés de
l’incapacité d’une partie, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de
l’inaliénabilité des immeubles saisis. Dans ce cas, le troisième alinéa
de l’article 300 précise d’une part, qu’il n’est pas admis d’opposition
contre les décisions d’appel, et d’autre part, que l’appel est soumis au
droit commun. Par droit commun, il faut entendre les conditions de
l’appel prévues à l’article 49 de l’AUPSRVE.
§2. Les règles spécifiques à chaque type d’incidents
A. Les incidents liés à la pluralité des saisies
1. Le cas des saisies pratiquées par plusieurs créanciers sur
différents immeubles du débiteur et devant la même juridiction
Lorsque plusieurs créanciers ont pratiqué, au même moment et
devant la même juridiction, des saisies sur différents immeubles du
débiteur, dit l’article 302 de l’AUPSRVE, les poursuites sont réunies à
la requête de la partie diligente. Elles appartiennent au créancier dont
le commandement est le premier en date. Si les commandements ont
été publiés le même jour, c’est le créancier dont la créance est plus
ancienne qui mène la poursuite.
2. Le cas des commandements postérieurs comprenant des biens
figurant sur un commandement précédent fait à la demande
d’un autre créancier
Le commandement d’un créancier qui comprend des biens figurant
sur des commandements antérieurs d’autres créanciers, ne sera publié
que pour les biens qui ne figurent pas sur le premier. Le second
créancier est tenu de dénoncer ce commandement publié au premier
saisissant. C’est ce dernier qui mène les deux procédures, si elles sont

280
au même niveau. Si les procédures ne sont pas au même niveau, le
premier poursuivant sursoit ses poursuites jusqu’au moment où elles
le seront. L’acte uniforme permet au deuxième poursuivant de
demander la subrogation du premier, lorsque celui-ci néglige de mener
la procédure sur la seconde saisie dénoncée, ou lorsqu’il y a fraude ou
collusion avec le débiteur. Cette demande est adressée au conservateur
des titres immobiliers au moins huit jours après une sommation
infructueuse de continuer les poursuites, faite au premier saisissant.
Dans le cas de fraude, le deuxième créancier est admis à demander des
dommages-intérêts.

Au cas où la subrogation est accordée, le créancier premier


poursuivant est tenu de fournir au subrogeant toutes les pièces
relatives à la procédure. Il ne sera payé de ses frais engagés que sur le
prix de vente de l’immeuble après adjudication. Si le premier
poursuivant avait déjà procédé à la publicité en vue de la vente, la
mise à prix ne pourrait être modifiée que dans le délai fixé par
l’article 276 de l’AUPSRVE, c’est-à-dire trente jours au plus tôt, et
quinze jours au plus tard avant l’adjudication.

B. Les demandes en distraction

Lorsque l’immeuble saisi appartient à un tiers qui n’est pas


personnellement tenu de la dette dont le recouvrement est poursuivi,
celui-ci peut solliciter que ledit immeuble soit soustrait de la saisie.
Cette demande formée à la fois contre le saisi et le saisissant, doit être
faite jusqu’au plus tard, le huitième jour avant l’adjudication (Art
299 al2 et 300 AUPSRVE).
La demande en distraction est suspensive des poursuites
lorsqu’elle concerne la totalité des immeubles saisis. Si elle ne se
rapporte qu’à une partie, les poursuites, sauf décision contraire du
tribunal, seront continuées pour les immeubles qui ne sont pas
concernés. Lorsque la distraction partielle est accordée, le poursuivant
a la faculté de modifier la mise à prix.

281
C. Les demandes en annulation

Les demandes en annulation, visant aussi bien la forme que le


fond, contre la procédure qui a précédé l’audience éventuelle,
doivent être faites par voie des dires et observations insérées au
cahier des charges au plus tard cinq jours avant la date de cette
audience. Lorsqu’elles sont relatives à un fait survenu ou révélé
après l’audience éventuelle, les demandes en annulation peuvent
être introduites après et, au plus tard, huit jours avant
l’adjudication (Art 299 al2, et 311 de l’AUPSRVE). Dans le cas
où l’annulation vise la décision judiciaire d’adjudication ou le
procès-verbal notarié d’adjudication, la demande ne peut être
formée par voie d’action principale que dans un délai de quinze
jours suivant l’adjudication, et devant le juge du ressort où cette
dernière a été faite. Dans ce cas, elle ne peut porter que sur des
motifs concomitants ou postérieurs à l’audience éventuelle, et
peut être formée par tout intéressé, à l’exception de
l’adjudicataire (Art 313 AUPSRVE).

La demande en nullité suspend les délais nécessaires pour


accomplir les actes de procédure qui doivent être accomplis
après l’acte qu’elle vise. Ces délais ne reprennent leur cours qu’à
compter de la date de la décision judiciaire qui tranche cette
demande. L’annulation, lorsqu’elle est prononcée, a un effet
relatif. Elle n’affecte que l’acte visé et non toute la procédure.
Ainsi, lorsque la demande en nullité est fondée, la procédure doit
être reprise à partir du dernier acte
valable(Article311AUPSRVE).
Aucune poursuite ne peut être annulée au motif qu’elle a été
commencée pour une somme plus importante que celle due au
créancier.

282
D. La folle enchère

1. La notion de folle enchère

La folle enchère est la procédure par laquelle le saisi, le créancier


poursuivant, les créanciers inscrits et chirographaires, sollicitent
l’anéantissement de l’adjudication, en raison des manquements de
l’adjudicataire. Cette procédure provoque une nouvelle adjudication. La folle
enchère est dirigée contre l’adjudicataire ou ses ayants causes.

2. Les causes de la folle enchère

Le deuxième alinéa de l’article 314 de l’AUPSRVE détermine les


deux causes pouvant donner lieu à la procédure de folle enchère. Il s’agit :
- du défaut, pour l’adjudicataire de justifier dans un délai de vingt jours à
compter de l’adjudication, soit d’avoir payé le prix et les frais, soit d’avoir
satisfait aux conditions fixées dans le cahier des charges ;
- du défaut pour l’adjudicataire de faire publier la décision judiciaire ou le
procès-verbal notarié d’adjudication à la conservation des titres immobiliers
dans le délai de deux mois, tel que prescrit par l’article 294 de l’AUPSRVE.

3. Le délai de la folle enchère

L’article 315 de l’AUPSRVE précise qu’il n’y a aucun délai pour


attaquer un adjudicataire par voie de folle enchère. Toutefois, cette dernière
n’est plus recevable lorsqu’elle est formée après la disparition de la cause sur
laquelle elle est fondée.

4. Le déroulement de la folle enchère

a. La procédure lorsque le titre d’adjudication n’a pas été délivré

Lorsque le titre d’adjudication n’a pas été délivré, le greffier, ou le


notaire qui a organisé l’adjudication délivre à la personne qui poursuit
la folle enchère un certificat qui atteste que l’adjudicataire n’a pas
justifié le respect des conditions du cahier des charges. Celui-ci peut

283
former opposition contre la décision de délivrance de ce certificat. La
contestation née de l’opposition formée par l’adjudicataire contre la
décision de la délivrance dudit certificat est tranchée par le président
de la juridiction par une décision non susceptible de recours,

Le certificat ainsi obtenu est ensuite signifié à l’adjudicataire. Une


nouvelle publicité en vue d’une nouvelle adjudication est faite dans les
cinq jours suivant la signification. La nouvelle adjudication doit
intervenir au plus tôt, quinze jours et, au plus tard, trente jours après la
dite publicité. Les affiches en vue de la vente indiquent les noms,
prénoms et domicile du fol enchérisseur, le montant de l’adjudication,
la nouvelle mise à prix faite par le poursuivant, ainsi que le jour et le
lieu sur l’ancien cahier des charges, où se réalisera la nouvelle
adjudication. Dans un délai de quinze jours au moins avant
l’adjudication, le jour, heure et lieu de l’adjudication sont signifiés à
l’adjudicataire, au saisi, au saisissant et aux créanciers. L’article 318
précise que cette signification est faite par acte d’avocat à avocat, ou à
défaut, par l’huissier.

b. Procédure lorsque le titre d’adjudication a été délivré

Lorsque le titre d’adjudication a été délivré, celui qui poursuit la folle


enchère signifie, avec commandement, à l’adjudicataire, la décision
judiciaire ou le procès-verbal d’adjudication. Cinq jours après cette
signification, la publicité et la vente interviennent comme dans le cas d’une
folle enchère lorsque le titre d’adjudication n’a pas été délivré.
4. Les effets de la folle enchère

Si, à la suite de la procédure de folle enchère il n’y a pas de


nouvelle adjudication, jusqu’au jour de la nouvelle vente, dit
l’article 320, le fol enchérisseur justifie avoir exécuté les conditions
du cahier des charges et fait une consignation d’une somme d’argent
fixée par le président de la juridiction pour faire face aux frais de la
procédure. Ainsi, l’immeuble saisi lui est attribué. Si, après la folle
enchère, il n’y a pas d’enchère, la mise à prix peut, par une décision

284
du président de la juridiction, être diminuée, sans pour autant être
inférieure au quart de la valeur vénale de l’immeuble (Art 322,
renvoyant à l’article 267, 10). Dans ce cas, le poursuivant en folle
enchère, qui n’est pas admis à faire une nouvelle enchère, est déclaré
adjudicataire pour la mise à prix, s’il n’y a toujours pas d’enchère.
Le fol enchérisseur est tenu d’une part, des intérêts de son prix
jusqu’au jour de la seconde vente, et d’autre part, de la différence
entre ce prix et celui de la deuxième adjudication, si celui-ci est faible.
Lorsque le prix de la deuxième vente est supérieur à celui auquel le
bien a été adjugé, le fol enchérisseur ne profite pas de la différence en
plus.

285
Chapitre 3. LA DISTRIBUTION DU PRODUIT DE LA
VENTE DESBIENS DU DEBITEUR

La saisie des biens du débiteur, sauf lorsqu’il s’agit d’une


saisie-attribution ou d’une saisie-appréhension, n’a pas pour effet de
transférer la propriété de ces biens au créancier saisissant. Ce dernier
ne sera désintéressé que sur le produit de la vente, lequel lorsqu’il y a
plusieurs créanciers, fera l’objet d’une distribution. Cette dernière est
régie par le titre X de l’AUPSRVE, dont les règles varient selon qu’il
y a ou non plusieurs créanciers.

Section 1. La distribution lorsqu’il y a un seul créancier

Lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier, il n’y a aucune difficulté


pour la distribution. L’article 324 prescrit que le produit de la vente
est remis au créancier jusqu’à concurrence de sa créance, en principal,
intérêt et frais, dans un délai de quinze jours à compter du versement
du prix. Dans le même délai, le reste du prix de vente est remis au
débiteur.

Section 2. La distribution en cas de pluralité de créanciers


§ 1. La distribution conventionnelle

Lorsque plusieurs créanciers sont en concours, l’article 325 de


l’AUPSRVE leur laisse la latitude de procéder à une distribution
conventionnelle du produit de la vente des biens du débiteur. La
convention des créanciers est faite soit sous signature privée, soit sous
la forme authentique. Elle est ensuite adressée au greffe ou à
l’auxiliaire de justice qui détient les fonds, lequel doit les leur verser
dans un délai de quinze jours, à compter de la réception de l’accord.
Dans le même délai, le surplus est reversé au débiteur.

286
§2. La distribution judiciaire
Lorsque, dans un délai d’un mois suivant le versement du prix
par l’adjudicataire, les créanciers n’ont pu conclure un accord, le plus
diligent d’entre eux peut saisir le président de la juridiction
compétente ou le magistrat qu’il délègue, pour statuer sur une
répartition du prix (Art 326 AUPSRVE). L’acte de saisine, qui est
également signifié au saisi, indique la date de l’audience et fait
sommation aux créanciers d’une part, d’indiquer ce qui leur est dû, et
leur rang, et d’autre part, de communiquer en même temps toute pièce
justificative. La sommation reproduit les dispositions de l’article 330.
L’acte uniforme n’ayant posé aucune règle sur la manière dont
le juge doit procéder au partage du prix de vente, ce dernier doit
procéder, ainsi que le veut l’article 245 de la loi du 20 juillet 1973, à
un partage respectant le principe de la proportionnalité, sauf s’il existe
des causes légales de préférence.
La juridiction compétente peut modifier l’état des
collocations133, si au cours de la procédure, intervient une adjudication
ou une la procédure de folle enchère. La décision relative à la
répartition du prix est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa
signification. L’appel n’est recevable que si le montant de la somme
contestée est supérieur au taux des décisions judiciaires rendues en
dernier ressort.
L’audience devant statuer sur la distribution judiciaire ne peut
avoir lieu moins de quarante jours après la dernière signification de
l’acte de saisine. L’article 330 impose aux créanciers, sous peine de
déchéance, de produire leurs pièces au greffe de la juridiction, dans un
délai de vingt jours à compter de la sommation. Les dires et
observations des créanciers peuvent être déposés au plus tard, cinq
jours avant la date de l’audience. Ils doivent être communiqués aux
parties. L’audience de la répartition ne peut être remise que pour un
motif grave et justifié. La décision accordant ou refusant la remise
n’est pas susceptible de recours.
133
La collocation est le classement des créanciers dans l’ordre où ils doivent être payés.

287
288
QUATRIEME PARTIE. LES FRAIS DE JUSTICE

289
290
Le principe de la gratuité de la justice fait partie du droit à un
procès équitable. Il signifie que les parties ne doivent pas rémunérer
les juges qui tranchent les litiges qui les opposent. Etant des agents
publics, les juges sont à la charge de l’Etat et non des parties. Ce
principe n’exclut cependant pas l’idée du paiement des frais qui
doivent couvrir le déroulement de l’instance, d’autant plus que ceux-ci
ne sont pas destinés à rémunérer les juges. En effet, les frais de justice
tels qu’ils sont tarifés n’ont aucun rapport avec les prestations des
magistrats, des greffiers ou huissiers. Ils sont d’ailleurs versés au
trésor public, sans aucune affectation.

291
292
Chapitre unique. LES FRAIS ET DROITS EN MATIERE
CONTENTIEUSE

Section 1. Le tarif des frais de justice en matière


contentieuse

Le tarif des frais de justice est fixé par l’arrêté


interministériel numéro 002 du 5 avril 2013, modifiant et complétant
celui du 24 mai 2012 portant fixation des taux des droits, taxes et
redevances à percevoir à l’initiative du ministère de la justice et droits
humains.

Section 2. Les différents frais et taxes en matière


contentieuse

§1. Les taxes

Les taxes sont des indemnités payées aux témoins à la suite des
pertes qu’ils subissent à l’occasion de leurs dépositions (transport,
manque à gagner…). Ces indemnités ont un caractère fixe et forfaire.
Elles ne sont cependant pas allouées à un magistrat qui est appelé à
témoigner au cours d’une instance. Cela en raison du fait que venant
témoigner, le magistrat ne subit aucun manque à gagner dans la
mesure où son traitement est entièrement assuré.

§2. Les honoraires

Les honoraires sont des rémunérations dues aux experts, aux


arbitres et interprètes. Les experts et interprètes fixent à l’avance leurs
honoraires conformément à leur déontologie professionnelle. Les

293
parties qui estiment que ces honoraires sont exagérés, peuvent
demander au juge de les « taxer », c’est- à-dire les réduire à un niveau
raisonnable.
Les honoraires des arbitres sont fixés conventionnellement par les
parties. Ils sont, dans le cadre d’un arbitrage institutionnel, déterminés
suivant les prescriptions du règlement d’arbitrage élaboré par le centre
d’arbitrage concerné.

§3. Les dépens

Les dépens sont les frais exposés par les parties en cours de
procédure. Les dépens de la partie gagnante sont mis à la charge de la
partie succombante.

§4. Les droits proportionnels

Les droits proportionnels constituent une somme prélevée par


le trésor public sur toute somme ou valeur mobilière allouée par un
jugement coulé en force de chose jugée, par une sentence arbitrale ou
un jugement prononcé à l’étranger rendus exécutoires, par voie
d’exequatur.
Le paiement des droits proportionnel est exigé chaque fois qu’une
partie souhaite obtenir une expédition du jugement, ou chaque fois
qu’une partie veut entamer l’exécution dudit jugement ou d’une
sentence arbitrale.

§5. Les débours


Les débours sont des sommes qu’une personne dépense pour
autrui. En droit judiciaire, cette notion s’emploie pour désigner les
sommes qu’un auxiliaire de justice, cas de l’avocat, dépense pour le
compte d’un justiciable. Ces frais sont remboursables.

294
Section 3. L’imputation et le recouvrement des
frais en matière contentieuse

§1. Le moment de l’imputation des frais

L’imputation des frais (désignation de la partie qui les


supporte) se fait au moment du jugement définitif. En conséquence,
tout jugement contenant une condamnation aux frais est censé être
définitif. Les jugements avant dire droit et les jugements provisionnels
réservent les frais. Lorsqu’il y a eu disjonction, on peut faire la
ventilation. Celle-ci consiste à imputer les frais pour la demande qui a
été vidée.
Le ministère public, lorsqu’il est partie principale à un procès de droit
privé, ne peut être condamné aux frais. Ces derniers sont mis à la
charge du trésor.
§2. L’imputation des dépens

Les dépens sont mis à la charge de la partie succombante. Il y a


cependant une possibilité de partage, lorsque chaque partie succombe
même partiellement dans ses demandes. Tel est le cas lorsqu’une
partie obtient une somme inférieure à celle qu’elle a sollicité du
tribunal. Sur le plan pratique, la prudence commande, pour éviter
d’être condamné aux dépens, pour les demandes portant sur un
montant qui doit être évalué par le juge, de solliciter ce montant ou
tout autre que le tribunal estimera équitable.

§3. L’état des frais


L’Etat des frais est tenu par le greffier. Celui-ci crédite le
compte des provisions faites par les parties, et le débite des frais
exposés à leur requête ou par les actes du tribunal.
La liquidation des frais se fait suivant l’état arrêté le jour du prononcé.
Cet état est vérifié et visé par le juge qui incorpore le montant dans
sons jugement.

295
Section 4. Le recouvrement des frais et droits proportionnels

§1. Le recouvrement des frais

En général, le greffier commence par retenir les frais sur la


consignation qui avait été faite. Lorsque cette consignation ne suffit
pas à régler tous les frais, ceux-ci seront réglés au moment de lever
expédition. L’état des frais visé par le juge peut revêtir la formule
exécutoire et faire l’objet de l’exécution forcée.

§2. Le recouvrement des droits proportionnels

Les droits proportionnels sont dus sur minute, c’est-à-dire au


moment du prononcé. Cependant, ils ne sont exigibles que lorsque la
partie demande une expédition ou lorsque le jugement est coulé en
force de chose jugée. Si aucune partie ne signifie le jugement, et par
conséquent ne lève l’expédition, les droits proportionnels ne
deviendront jamais exigibles.

Les droits proportionnels sont dus et payés par la partie


succombante. A défaut pour cette dernière de les payer, le gagnant les
paie et dispose d’un recours contre elle.
Lorsque le greffier a connaissance de l’acquiescement ou de
l’exécution volontaire sans réserve, ou lorsque les délais de recours
courent dès le prononcé, les droits proportionnels peuvent faire l’objet
d’exécution forcée après commandement préalable. Toute partie qui
voudrait exercer un recours contre un jugement doit, sauf dispense,
préalablement payer les droits proportionnels.

296
CINQUIEME PARTIE. L’ARBITRAGE OHADA ET
AUTRES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES
CONFLITS

297
298
Le droit de l’arbitrage est régi par l’Acte uniforme relatif au
droit de l’arbitrage adopté par le Conseil des ministres de l’OHADA
le 11mars 1999. Ce texte a, depuis l’adhésion de la RDC à l’OHADA,
abrogé le titre V du code de procédure civile qui organisait ce mode
de règlement des différends.
Dans cette partie, toute allusion à une disposition faite uniquement par
le numéro de l’article qui la contient sans indiquer le texte d’origine,
renvoie à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
A coté de l’arbitrage, il existe d’autres modes de règlement des
différends, que sont la conciliation et la médiation. Ceux-ci ne sont
abordés dans cette partie que de façon trop sommaire.

299
300
Chapitre 1. L’ARBITRAGE

Section 1. La notion d’Arbitrage

§1.Définition et caractéristiques

A. La définition

A l’instar de plusieurs législations nationales, le droit OHADA


ne définit pas la notion de l’arbitrage. En effet, ni le Traité OHADA,
ni le règlement d’arbitrage de la cour commune de justice et
d’arbitrage, moins encore l’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au
droit de l’arbitrage, ne fournissent aucune définition de cette notion.
Face à ce silence, la définition de l’arbitrage nous est fournie par la
doctrine. Pour Gérard Cornu, l’arbitrage est un mode dit parfois
amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d’un
litige, par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de
juger, non d’une délégation permanente de l’Etat ou d’une institution
internationale, mais de la convention des parties.134René David quant
à lui le définit comme étant l’arbitrage comme étant une technique
visant à faire donner la solution d’une question intéressant les rapports
entre deux ou plusieurs personnes, par une ou plusieurs autres
personnes _ l’arbitre ou les arbitres_ lesquelles tiennent leurs pouvoirs
d’une convention privée, sur base de laquelle ils statuent sans être
investies de cette mission par l’Etat.135Selon Ch. Jorrosson, l’arbitrage
est l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux
ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a

134
CORNU (G), vocabulaire juridique, 9ème édition, Paris, PUF, 2011, p. 78.
135
DAVID (R), l’arbitrage dans le commerce international, Economica, 1982, p.9, cité par FOUCHARD (Ph) et Autres,
traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, p.13

301
été confiée par celles-ci.136Plus proche de nous, Matadi Nenga
Gamanda pense lui que l’arbitrage consiste à faire trancher un litige
par des particuliers dont la sentence a néanmoins la même autorité
qu’un jugement rendu par un tribunal de l’Etat…137

B. Les éléments caractéristiques de l’arbitrage

Comme on peut le constater à travers les différentes définitions


proposées ci-dessus, l’arbitrage comme mode de règlement des
différends est un mode hybride. Il est à la fois juridictionnel et
conventionnel.

1. La nature juridictionnelle de l’arbitrage

Contrairement à d’autres modes alternatifs de règlement des


différends tels que la médiation et la conciliation, une procédure
arbitrale se termine par une décision appelée sentence arbitrale. Cette
dernière a un caractère juridictionnel, du fait que l’arbitre est un
véritable juge. Son pouvoir est de trancher le litige comme l’aurait fait
un juge étatique, en prenant une décision obligatoire à l’égard des
parties. La sentence arbitrale est un véritable jugement qui, après
l’exequatur, peut donner lieu à une exécution forcée.

2. La nature contractuelle de l’arbitrage


Le recours à l’arbitrage trouve son fondement dans la
convention des parties. En effet, ce mode de règlement des différends
ne peut être mis en œuvre sans accord des parties à travers une
convention d’arbitrage conclue avant ou après la naissance du litige.

136
JORROSON(C), la notion d’arbitrage, Paris LGDJ, 1987, n°785, cité par FOUCHARD (Ph) et Autres, traité de
l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, p.13.
137
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p.629.

302
§2. Les avantages et inconvénients de l’arbitrage

A. Les avantages de l’arbitrage

L’arbitrage présente plusieurs avantages. on peut entre autres citer


la souplesse, la neutralité, la technicité et la qualité, la confidentialité,
la rapidité ainsi que l’efficacité de cette procédure.

1. La souplesse

Contrairement à une procédure devant les tribunaux étatiques,


l’arbitrage permet aux parties de s’entendre sur tout. Elles choisissent
le droit applicable, la procédure à suivre, la langue et le lieu de
l’arbitrage, l’horaire etc... La procédure peut ainsi être très flexible.

2. La neutralité

La désignation conventionnelle des arbitres par les parties fait


que les personnes désignées peuvent, au moins théoriquement, être
plus neutres. Le choix opéré sur elles crée une sorte de familiarité
avec les parties qui les désignent. Celles-ci les ont personnellement
choisis « intuitu personnae ». Parce que connus et choisis par les
parties, les arbitres n’inspirent donc pas, comme le juge étatique, une
crainte de partialité138.

3. La technicité et la qualité

Le recours à l’arbitrage permet de confier le règlement du


différend aux techniciens, aux personnes qui connaissent le domaine
dans lequel s’insère le litige. Ainsi, les parties peuvent choisir leur
arbitre en fonction de la maîtrise que celui-ci peut avoir de la question
à trancher.
138
SOSSA Cossi Dorothé, droit de l’arbitrage, session de formation ERSUMA, Porto-Novo, du 4 au 8 octobre 2010,
inédit.

303
4. La confidentialité

L’arbitrage garantit la discrétion. Les sentences arbitrales ne


sont pas nécessairement publiées, les audiences elles-mêmes ne sont
pas publiques. Le recours à l’arbitrage répond ainsi au souci des
parties de ne pas divulguer un contentieux dont la publicité risque de
compromettre les relations, surtout en matière commerciale.

5. La rapidité

La procédure arbitrale se déroule plus rapidement que


l’instance introduite devant les tribunaux étatiques. Cette rapidité est
due à la technicité des arbitres, à la détermination d’un calendrier
précis, à la limitation des voies de recours etc…

6. L’efficacité
La sentence arbitrale, dans une certaine mesure, est souvent
exécutée spontanément par la partie succombante afin de préserver sa
réputation, surtout dans les milieux des affaires139.

B. Les inconvénients de l’arbitrage

La procédure d’arbitrage peut également comporter quelques


faiblesses. Celles-ci peuvent être perçues comme inconvénients, sans
pour autant remettre en question les mérites du recours à cette voie.

1. Le problème de garantie

L’arbitrage supprime certaines garanties, notamment, lorsqu’il


y a renonciation à l’exercice des voies de recours de droit commun.
Cela peut être dangereux pour un plaideur dans la mesure où, même

139
Cela n’est toujours pas évident, lorsque l’on a à faire à un partenaire de mauvaise foi ou dans un contexte où les
gens n’ont pas l’habitude de recourir à l’arbitrage.

304
lorsqu’elle est menée par des experts dans le domaine concerné, la
procédure d’arbitrage peut, comme toute œuvre humaine, déboucher
sur une sentence comportant des erreurs. L’existence des voies de
recours permet de corriger des telles erreurs.

2. Le déséquilibre entre parties

Une partie économiquement forte peut imposer ou choisir des


arbitres plus expérimentés que ceux choisis par l’autre. Ces arbitres
peuvent, dans une certaine mesure, déséquilibrer la sentence arbitrale.
Cet inconvénient doit être relativisé dans la mesure où, même
lorsqu’ils doivent être choisis séparément par les parties, les arbitres
ne sont pas des avocats de ces dernières. Ils doivent rendre leur
décision en toute impartialité.

2. La difficulté d’établir un programme d’audience

Cette difficulté est liée au fait que les arbitres n’ont toujours
pas le même emploi du temps. Il y a cependant, toujours moyen
d’harmoniser les calendriers.

§3. Les différents types d’arbitrage

La classification de l’arbitrage peut être faite en se référant à


plusieurs critères. Premièrement, on peut, en considérant, le
caractère permanent ou non de l’institution d’arbitrage, distinguer
l’arbitrage ad hoc de l’arbitrage institutionnel.
En deuxième lieu, lorsqu’on considère le rattachement à un Etat, on
distingue l’arbitrage interne de l’arbitrage international. Enfin, en
considérant la matière objet du litige, on distingue l’arbitrage
commercial de l’arbitrage non commercial.

305
A. L’arbitrage ad hoc et arbitrage institutionnel

L’arbitrage ad hoc est celui qui se déroule à l’occasion de la


naissance d’un litige, en dehors du cadre d’une institution permanente
d’arbitrage. Il est dit institutionnel lorsqu’il est administré par une
institution permanente, un centre d’arbitrage, suivant le règlement
défini par celui-ci. Dans ce cas, le centre d’arbitrage n’a qu’un rôle
administratif consistant à fournir aux parties et aux arbitres, aussi bien
le cadre du déroulement la procédure (salle, matériels) que les moyens
humains. Il n’a aucune fonction juridictionnelle permettant de trancher
les différends qui opposent les parties. Ce rôle est exclusivement
dévolu au tribunal arbitral, quand bien même les arbitres auraient été
désignés par le centre.

B. L’arbitrage interne et arbitrage international

L’arbitrage est dit interne lorsque tous ses éléments se trouvent au


sein d’un même pays. Un tel arbitrage ne comporte donc aucun
élément d’extranéité de nature à faire application des règles du droit
international privé. L’arbitrage est international lorsque ses éléments
se retrouvent en disparité entre plusieurs états, pouvant ainsi nécessiter
le recours au droit international privé.

C. Arbitrage commercial et Arbitrage civil

La commercialité de l’arbitrage relève de la nature de l’objet du


différend appelé à être tranché par les arbitres. Ainsi, l’arbitrage est
commercial lorsque le litige qui oppose les parties est un litige
commercial. Il est dit civil lorsque le litige est un différend de droit
civil.

306
Section 2. Les sources du droit de l’arbitrage dans l’espace
OHADA

Dans l’espace OHADA, les sources du droit de l’arbitrage sont


constituées par plusieurs textes à savoir, le traité portant
harmonisation du droit des affaires en Afrique(dit traité OHADA),
l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage du 11 mars 1999, le
règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage et
la décision n° 004/99/CCJA du 3 février 1999 relative au frais
d’arbitrage, ainsi que, pour les Etats qui y sont parties, la convention
de New York du 10 juin 1958, relative à la reconnaissance des
sentences arbitrales étrangères. Ces sources doivent être analysées par
regroupement en considérant la nature de l’arbitrage qu’elles
concernent. Ainsi nous avons d’une part les sources de l’arbitrage ad
hoc (arbitrage de droit commun) constituées par l’acte uniforme relatif
au droit de l’arbitrage, la convention de New York du 10 juin 1958. Et
d’autre part, les sources relatives à l’arbitrage institutionnel CCJA, qui
sont constituées par le traité de l’OHADA, le règlement d’arbitrage de
la Cour commune de justice et d’arbitrage et la décision
n° 004/99/CCJA du 3 février 1999 relative au frais d’arbitrage.

§1. Les sources de l’arbitrage ad hoc

A. L’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de


l’arbitrage

L’acte uniforme du 11 mars 1999 constitue le droit commun de


l’arbitrage dans l’espace OHADA. Ceci résulte de l’article 35 dudit
acte qui dispose que « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative
à l’arbitrage dans les Etat-parties ». Cet acte uniforme abroge ainsi les
textes antérieurs du droit interne qui organisaient le droit de

307
l’arbitrage. En droit congolais, il a abrogé le titre V du code de
procédure civile140.
L’Acte uniforme relatif à l’arbitrage s’applique à toute sorte
d’arbitrage sans tenir compte ni de sa nature commerciale ou civile, ni
de son caractère interne ou international. En effet, le seul critère pris
en considération pour l’application dudit acte, est le fait que le siège
du tribunal arbitral soit établi dans un Etat partie au traité de
l’OHADA.141

B. La convention de New York du 10 juin 1958 sur la


reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales142

La convention de New York a pour objectif de favoriser la


circulation internationale des sentences arbitrales, en assurant dans un
Etat donné, la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale
rendue à l’étranger. En son article V, la convention de New York fixe
le sept moyens de contrôle que le juge, saisi de l’exequatur d’une
sentence arbitrale étrangère, doit utiliser. Il s’agit du défaut de validité
de la convention d’arbitrage, de la violation des règles relatives à un
procès équitable, de la violation de la convention d’arbitrage dans le
règlement du différend, de l’irrégularité dans la constitution du
tribunal arbitral, de la suspension ou de l’annulation de la sentence
arbitrale par le juge du siège du tribunal arbitral, de la non-arbitrabilité
du litige, ainsi que de la contrariété de l’exécution de la sentence à
l’ordre public de l’Etat où celle-ci est sollicitée.

140
Dans un arrêt, la CCJA a limité la portée du caractère abrogatoire de l’acte uniforme en posant le principe selon
lequel les règles internes qui se rapportent à l’arbitrage et qui ne sont pas contraires à l’acte uniforme, restent
applicables. Ainsi par exemple, en matière de détermination de la juridiction compétente pour accorder l’exéquatur, on
se référera à l’article184 du code de procédure civile, qui désigne le président du tribunal de grande instance.
141
L’article 1er dispose : que l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage « a pour vocation à s’appliquer à tout
arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats parties".
142
Le Président de la République a, le 26 juin 2013, promulgué la loi autorisant l’adhésion de la RDC à la convention de
New York.

308
§2. Les sources de l’arbitrage institutionnel CCJA

A. Le traité portant harmonisation du droit des affaires en


Afrique
Dès le préambule (point 6), le traité OHADA exprime l’intention
des Etats parties à promouvoir l’arbitrage comme mode de règlement
des différends contractuels. Concrétisant cette volonté, les articles 21
de ce traité et suivants instituent une procédure d’arbitrage se
déroulant sous l’égide de la Cour commune de justice et d’arbitrage,
prise comme centre d’arbitrage.
Le recours à l’arbitrage institutionnel CCJA se réfère à deux
critères. Premièrement, le différend, objet du litige, doit avoir une
nature contractuelle. Ainsi, les litiges extracontractuels sont exclus de
son champ d’application. En second lieu, le recours à l’arbitrage
CCJA exige que le domicile ou la résidence d’au moins une partie soit
établie dans un Etat partie, ou tout au moins que le contrat concerné
soit destiné à être exécuté dans un Etat partie à l’OHADA.

B. Le règlement d’arbitrage de la cour commune de justice et


d’arbitrage

Adopté le 11 mars 1999, comporte des règles qui fixent les


attributions de cette cour en matière d’arbitrage. On y trouve
également la procédure à suivre en cas d’arbitrage CCJA, ainsi que les
règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution des sentences
arbitrales CCJA. Il y a lieu de faire remarquer que hormis son origine
(il est édicté par un organe de l’OHADA), le règlement d’arbitrage de
la cour commune de justice et d’arbitrage n’a aucune autorité sur les
règlements d’autres centres d’arbitrage établis sur l’espace OHADA.
Comme pour tout règlement d’arbitrage d’un quelconque centre, le
fait pour les parties de soumettre leur différend à l’arbitrage CCJA
implique qu’elles ont opté de se soumettre au règlement d’arbitrage de
cette dernière.

309
C. La décision n° 004/99/CCJA du 3 février 1999 relative aux
frais d’arbitrage

Approuvée par la décision n° 044/99/CM prise par le Conseil des


Ministre de l’OHADA le 12 mars 1999, cette décision détermine les
règles applicables en matière de provision pour frais d’arbitrage, de
frais et honoraires ainsi que les tableaux de calculs des frais
administratifs et honoraires des arbitres.

Section 3. La convention d’arbitrage

§1. Définition

La convention d’arbitrage est un contrat par lequel les parties


décident de soustraire le litige qui les oppose de la compétence des
juridictions étatiques, pour les soumettre à des arbitres. Cette
convention peut être conclue avant (clause compromissoire), ou après
(compromis d’arbitrage) la naissance du litige. En droit OHADA, la
distinction entre la clause compromissoire et le compromis d’arbitrage
ne présente aucun intérêt pratique. En effet, il n’y a aucun effet
particulier lié au fait que la convention a été conclue avant ou après la
naissance du litige.

Une convention d’arbitrage peut être contenue, sous forme


d’une clause, dans un contrat ayant un autre objet. Elle peut
également, de façon isolée, être conclue en ayant comme seul objet le
choix des parties de recourir à l’arbitrage pour le règlement des
différends qui les opposent ou qui naitraient de leur relation.

310
§2.L’autonomie de la convention d’arbitrage

Le principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage est


posé par l’article 4 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Celui-ci dispose dans ses deux premiers alinéas que « la convention
d’arbitrage est indépendante du contrat principal.
Sa validité n’est pas affectée par la nullité de ce contrat et elle est
appréciée d’après la commune volonté des parties, sans référence
nécessaire à un droit étatique ».
Ainsi, non seulement la convention d’arbitrage est autonome vis-à-vis
du contrat de base dans lequel elle peut être contenue (autonomie
substantielle), mais aussi, sa validité est appréciée indépendamment
du droit étatique (autonomie juridique).

A. L’autonomie substantielle ou matérielle de la convention


d’arbitrage

La convention d’arbitrage est autonome du contrat qui la contient,


de sorte que sa validité n’est pas affectée par les vices dudit contrat.
Ainsi, la nullité du contrat contenant la convention d’arbitrage ne se
transpose pas automatiquement sur cette dernière. L’autonomie
matérielle de la convention d’arbitrage est fondée sur la commune
volonté des parties. En effet, lorsque celles-ci qui insèrent une
convention d’arbitrage dans leur contrat, elles expriment ainsi
clairement, la volonté de soumettre à l’arbitrage les litiges qui les
opposeraient. La nullité étant un contentieux, doit comme tout autre
différend, être soumise à la procédure voulue par les parties. C’est
parce que les parties ont entendu conférer à la clause son efficacité,
même lorsque le litige qui les oppose porte sur la nullité du contrat
contenant cette clause, que celle-ci survit à l’annulation du contrat143.

143
Pierre Meyer, droit de l’arbitrage, Brutlant Bruxelles, 2002, p82.

311
B. L’autonomie juridique
L’autonomie juridique de la convention d’arbitrage est posée par
l’article 4 de l’acte uniforme, lorsqu’il dispose que la validité de la
convention d’arbitrage « est appréciée d’après la commune volonté
des parties sans référence nécessaire à un droit étatique ». Ainsi, si les
parties ont décidé de recourir à l’arbitrage, cette convention est
valable par leur volonté, sans qu’il ne soit besoin de se référer à une
quelconque loi, permettant ou interdisant le recours à l’arbitrage.

§3. La formation de la convention d’arbitrage

A. Les conditions de fond

1. Les conditions relatives aux parties (arbitrabilité subjective)

Deux conditions sont liées aux parties qui souhaitent conclure


une convention d’arbitrage : la capacité et le consentement. Ces
conditions ne présentant aucune particularité en matière d’arbitrage,
on se refera donc à la théorie générale des contrats.

Aux termes Du premier alinéa de l’article 2 ’acte uniforme


relatif au droit de l’arbitrage, « toute personne physique ou morale
peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre
disposition ». Il n’y a donc aucune distinction à faire selon qu’il s’agit
d’une personne physique ou morale de droit privé ou de droit public.
A propos de ces dernières, le deuxième alinéa du même article apporte
la précision en posant le principe selon lequel « les Etats et les autres
collectivités publiques territoriales ainsi que les établissements publics
peuvent également être parties à un arbitrage… ». La même
disposition interdit à ces personnes morales de droit public d’invoquer
le droit national pour tenter de se soustraire d’une procédure
d’arbitrage pour laquelle elles ont signé une convention d’arbitrage, en
invoquant le défaut de leur capacité, le caractère non arbitrable du

312
litige ou la validité de la convention d’arbitrage. Cela veut dire que
lorsqu’un Etat, un établissement public, ou toute autre personne
morale de droit public a conclu une convention d’arbitrage, il n’est
plus admis à faire valoir, pour se soustraire de la procédure convenue,
le fait qu’elle n’avait pas, d’après la loi nationale, la capacité de
pouvoir conclure une convention d’arbitrage, ou que la matière
concernée ne peut être tranchée par ce mode.

2. La condition quant à l’objet

Le premier alinéa de l’article 2 ci-dessus repris dispose que « toute


personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits
dont elle a la libre disposition ». On peut donc d’un point de vue
objectif, dire que la disponibilité des droits objet du litige est la seule
condition pour recourir à l’arbitrage. On ne peut en conséquence pas
procéder par ce mode lorsque les parties ne disposent pas des droits
qui sont à la base du litige qui les oppose. Tel est le cas, lorsque ce
litige a pour objet une question qui touche à l’ordre public.

B. La condition de forme

Aux termes de l’article 3 de l’Acte uniforme relatif au droit de


l’arbitrage, la convention d’arbitrage doit être faite par écrit, ou par
tout autre moyen permettant d’en administrer la preuve, notamment
par la référence faite à un document la stipulant.
Bien que l’écrit soit la forme exclusive, sa rédaction n’a pourtant pas
de forme particulière qui conditionnerait l’existence d’une convention
d’arbitrage. Celle-ci peut être prouvée par n’importe quel document. Il
peut s’agir d’un document intitulé convention d’arbitrage, d’un
échange de correspondance, d’une référence à des documents de
référence tels que ceux qui fixent des conditions générales pour la
passation d’un marché etc. ... Bref, ce qui compte est que, le document
produit établisse sans ambigüité la volonté des parties de recourir à
l’arbitrage.

313
§4. Les effets de la convention d’arbitrage
A. Les effets vis-à-vis des parties
La conclusion d’une convention d’arbitrage emporte l’obligation
pour les parties à soumettre le litige qui les oppose à une instance
arbitrale. La mise en oeuvre de cette obligation se concrétise lorsque
les parties, une fois le litige né, procèdent à la nomination des arbitres
telle que prévue dans leur convention, ou à défaut, telle qu’organisée
par l’article 5 de l’acte uniforme. En raison de la force obligatoire des
contrats, une partie qui a conclu une convention d’arbitrage ne peut,
après la survenance du litige, unilatéralement s’y soustraire.

B. Les effets vis-à-vis des arbitres

La convention d’arbitrage confère aux arbitres le pouvoir


juridictionnel qui leur permet d’une part, de trancher les litiges qui
leurs sont soumis par les parties, et d’autre part, d’examiner leur
propre compétence. C’est la règle de compétence-compétence qui est
posée par l’article 11 de l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage144.

C. Les effets vis-à-vis du tribunal étatique

Une convention d’arbitrage rend le juge étatique incompétent pour


connaître du litige auquel elle se rapporte. Cette convention confère la
priorité pour ce faire, aux arbitres. L’incompétence du juge étatique

144
L’article 11 de l’AUA dispose ; « le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence, compris sur toutes questions
relatives à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage.

L’exception d’incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, sauf si les faits sur lesquels elle est fondée
ont été révélés ultérieurement.

Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence dans la sentence au fond ou dans une sentence partielle
sujette au recours en annulation ».

314
découle des deux premiers alinéas de l’article 13 de l’Acte uniforme
relatif au droit de l’arbitrage qui disposent que « lorsqu’un litige dont
un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention arbitrale est
porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l’une des parties
en fait la demande, se déclarer incompétente.
Si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit
également se déclarer incompétente à moins que la convention
d’arbitrage ne soit manifestement nulle ».
Le troisième alinéa de cet article précise, quant à lui, le caractère
relatif de cette incompétence en disposant qu’« en tout état de cause,
la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence ».
Ainsi, l’incompétence du tribunal étatique n’est pas d’ordre public.
Elle doit être soulevée par une partie. Ceci s’explique par le fait que si
les parties qui ont signé une convention d’arbitrage ne soulèvent
aucune objection lorsque le litige est porté devant une juridiction
étatique, cela suppose qu’elles.

Deux exceptions sont posées au principe de l’incompétence du


juge étatique. La première résulte du deuxième alinéa in fine de
l’article 13. Celui-ci permet au juge étatique en cas d’existence d’une
convention d’arbitrage, lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore
saisi, de connaître du litige, si la convention d’arbitrage est
manifestement nulle. La deuxième découle du dernier alinéa du même
article. Celui-ci permet au juge étatique, malgré l’existence d’une
convention d’arbitrage, de connaître des demandes provisoires
urgentes, lorsque celles-ci n’impliquent pas l’examen du fond du
litige. Ce pouvoir ne peut s’exercer que lorsque la mesure envisagée
doit s’exécuter dans un Etat OHADA.

315
Section 4. La constitution du tribunal arbitral

La constitution du tribunal arbitrale est réalisée conformément


aux articles 5 et 8 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.

§1. La constitution conventionnelle du tribunal arbitral

A. Le principe de la liberté des parties

En disposant que « les arbitres sont nommés, révoqués ou


remplacés conformément à la volonté des parties », le premier alinéa
l’article 5 de l’acte uniforme pose le principe de la liberté des parties
dans la constitution du tribunal arbitral. Cette liberté peut s’exercer
aussi bien avant la naissance du litige qu’ après sa survenance.

B. Les limites à la liberté des parties

La liberté des parties dans la constitution du tribunal arbitral est


limitée par trois exigences : la nécessité de respecter les conditions
liées à la personne des arbitres, la limitation légale du nombre des
arbitres, et l’obligation de respecter l’égalité des parties.

1. La limitation liée aux conditions relatives à la personne des


arbitres

L’acte uniforme fixe, en son article 6, les conditions à remplir


pour être arbitre. Ainsi, bien que libres pour choisir leurs arbitres, les
parties ne peuvent choisir que des personnes remplissant les
conditions ainsi déterminées.

Aux termes de l’article 6 ci-dessus indiqué, « l’arbitre doit être


une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits civils
et indépendante des parties ».Cet article pose ainsi trois conditions
pour être nommé arbitre dans un différend :

316
1° être une personne physique ;
2° avoir la pleine capacité d’exercice (par référence au
droit national) ;
3° être indépendant vis-à-vis des parties.

2. La limitation légale du nombre des arbitres

Certes les parties sont libres de constituer le tribunal arbitral.


Cependant, le premier alinéa de l’article 8 de l’acte uniforme impose
le nombre des arbitres en ces termes : « le tribunal arbitral est
constitué soit d’un arbitre, soit de trois arbitres ». Ainsi, en ce qui
concerne la détermination du nombre des arbitres, la liberté des parties
ne s’exerce que dans le choix à faire entre un tribunal siégeant avec un
seul arbitre ou un tribunal siégeant avec trois arbitres.

3. La limitation résultant du principe de l’égalité des parties

Le principe de l’égalité des parties à une procédure arbitrale est


posé par l’article 9 de l’AUA qui dispose que « les parties doivent être
traitées sur un pied d’égalité… ». Appliqué à la constitution du
tribunal arbitral, ce principe signifie que les parties doivent avoir les
mêmes droits dans la désignation des arbitres appelés à composer ledit
tribunal. Par conséquent, une convention d’arbitrage ne peut, sous le
prétexte de la liberté des parties, laisser la désignation des arbitres à
une seule partie.

§2.La constitution judiciaire du tribunal arbitral

La procédure de désignation des arbitres est fixée par le deuxième


alinéa de l’article 5 de l’AUA. Le recours à cette procédure suppose
soit que les parties n’ont pas, dans leur convention, déterminé une
procédure de désignation, soit que la convention des parties à ce
propos est insuffisante, et ne permet pas la désignation des arbitres.
On y recourt également lorsque les parties ne désignent pas leurs

317
arbitres tels que prévu dans leur convention d’arbitrage. Dans ces trois
hypothèses, le deuxième alinéa de l’article 5 de l’AUA organise la
constitution du tribunal arbitral différemment selon qu’il s’agit d’un
arbitrage fait par trois arbitres, ou d’un arbitrage mené par un arbitre.

A. La procédure de désignation lorsque l’arbitrage est mené par


trois arbitres

Lorsqu’il n’y a pas de convention d’arbitrage, ou lorsque la


convention est insuffisante, chaque partie nomme un arbitre et les
deux arbitres choisissent le troisième. Lorsqu’une partie, trente jours
après en avoir reçu la demande par l’autre, ne désigne pas un arbitre,
ou lorsque trente jours après avoir été nommés, les deux arbitres ne
s’accordent pas sur le choix du troisième, l’acte uniforme donne
pouvoir au juge compétent de l’Etat du siège du tribunal arbitral, de
procéder à la nomination de l’arbitre manquant.

B. La procédure de désignation lorsque l’arbitrage est mené par


un arbitre

Lorsque les parties ne s’accordent pas sur la désignation d’un


arbitre unique, celui-ci est nommé par le juge compétent, à la
demande d’une partie.

§3.La récusabilité des arbitres

Aux termes de l’article 7 de l’AUA, une fois qu’il est désigné,


l’arbitre est tenu de notifier son acceptation par écrit à toutes les
parties. Il doit, lorsqu’il estime qu’il est dans une situation de
récusabilité, informer les parties sur celle-ci. Dans ce cas,
l’acceptation de sa désignation est conditionnée par l’accord unanime
et écrit des tous les protagonistes.

318
L’AUA n’énumère aucune cause de récusation d’un arbitre. Il se
contente d’imposer qu’au cas où une partie voudrait se prévaloir de la
récusation, celle-ci doit être soulevée sans délai et pour une cause
révélée après la nomination de l’arbitre concerné. On peut ainsi dire
qu’en matière d’arbitrage, toute cause pouvant faire supposer qu’un
arbitre n’est pas indépendant vis-à-vis d’une partie, peut justifier la
récusation.
L’article 7 prévoit que les parties peuvent, de façon conventionnelle,
définir la procédure de récusation. A défaut, celle-ci est menée par le
juge étatique. La décision de ce dernier n’est pas susceptible de
recours.

Section 5. L’instance arbitrale

§1. L’introduction de l’instance arbitrale : la saisine du


tribunal arbitral

L’acte uniforme ne fixe aucune forme à la saisine du tribunal


arbitral. Ainsi, les parties peuvent saisir ce dernier de n’importe quelle
manière. Elles peuvent le faire conjointement ou séparément. L’arbitre
est donc saisi dès lors que la demande d’arbitrage lui est faite par le
demandeur, ou lorsqu’il reçoit le dossier des parties après sa
désignation. Lorsque le tribunal arbitral est constitué par plusieurs
personnes, la saisine ne sera effective qu’après la désignation de tous
les arbitres.

§2. Le déroulement de l’instance arbitrale

L’instance arbitrale se déroule suivant les règles fixées ou


choisies par les parties, notamment en ce qui concerne sa durée, les
horaires, ainsi que la langue du travail. Les parties peuvent choisir
d’appliquer à leur instance arbitrale les règles contenues dans un
règlement d’arbitrage d’un quelconque centre d’arbitrage. Dans ce
cas, ce règlement s’impose.

319
Aux termes de l’article 12 de l’AUA, lorsque les parties n’ont
pas fixée la durée de l’arbitrage, celle-ci est de six mois. La durée peut
être prorogée conventionnellement, ou judiciairement. Dans le cas
d’une prorogation judiciaire, la demande à cet effet peut être
introduite par une partie ou par le tribunal arbitral.

L’instance arbitrale doit être menée de façon que les règles


relatives à un procès-équitable, notamment les règles qui se rapportent
aux droits de la défense, à la communication des pièces et moyens, à
l’égalité des parties etc. …, soient respectées. Le tribunal arbitral peut
convoquer une réunion préparatoire au cours de laquelle seront
discutées les questions relatives aux horaires, au lieu des audiences, au
calendrier prévisionnel, ainsi qu’aux frais administratifs et honoraires.
Cette réunion est sanctionnée par un procès-verbal.

§3. Le droit applicable au cours d’une instance arbitrale

Dans la détermination du droit applicable, les articles 14 et 15


de l’AUA privilégient le choix des parties. Les arbitres appliquent à la
forme comme au fond, les règles choisies par celles-ci. Les règles
applicables ne sont choisies par les arbitres que lorsque les parties ne
les ont pas indiquées. Lorsque ces dernières leur en ont donné le
pouvoir, les arbitres peuvent statuer en amiables compositeurs145.

145
Article 15 AUA.

320
Section 6. La sentence arbitrale

§1.La notion de sentence arbitrale

La sentence arbitrale est la décision rendue par le tribunal


arbitral en règlement du litige qui lui a été soumis. Elle confère à
l’arbitrage son caractère juridictionnel dans la mesure où, elle est
obligatoire. Comme un jugement rendu par un tribunal étatique, elle
est revêtue de l’autorité de la chose jugée. Lorsque l’arbitrage est
mené par un tribunal arbitral collégial, la sentence arbitrale, sauf si les
parties ont disposé autrement, est rendue à la majorité.

§2.Le contenu de la sentence

Ce contenu est fixé par les articles 20 et 21 de l’AUA.


Il s’agit de :
1. des noms et prénoms des arbitres ;
2. la date du prononcé ;
3. le siège du tribunal arbitral ;
4. l’identification des parties ;
5. l’identification des avocats des parties ;
6. l’exposé des prétentions et moyens des parties ;
7. la signature de la majorité des juges.

Le deuxième alinéa de l’article 20 précise qu’une sentence arbitrale


doit être motivée. Exigence normale, étant donné que celle-ci est un
jugement.

321
§3. Les effets de la sentence arbitrale

Une fois prononcée, la sentence arbitrale entraîne le


dessaisissement du tribunal arbitral. Le deuxième alinéa de l’article 22
reconnaît cependant à ce dernier le pouvoir d’interpréter la sentence
rendue. Le tribunal arbitral a également le pouvoir de corriger les
erreurs ou omissions contenues dans la sentence. Dans ces cas, il doit
être saisi dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la
sentence. Il dispose d’un délai de 45 jours pour statuer.
Outre le dessaisissement, la sentence arbitrale est revêtue de l’autorité
de la chose jugée. L’article 24 de l’acte uniforme reconnaît aux
arbitres la possibilité d’accorder l’exécution provisoire d’une sentence
arbitrale.

§4. Les recours contre une sentence arbitrale

Tout en admettant le principe de l’existence des voies de recours


contre une sentence arbitrale, l’article 25 de l’acte uniforme du 11
mars 1999 exclut de manière expresse l’appel, l’opposition et la
cassation. Seuls trois recours sont admis : le recours en annulation, la
tierce opposition et la révision.

A. Le recours en annulation

1. Les motifs du recours en annulation

Les moyens d’annulation sont limitativement énumérés par la


l’article 26. Il s’agit de : l’absence de convention d’arbitrage ou la
nullité de celle-ci, le non-respect de la mission des arbitres, le non-
respect du principe du contradictoire, le non-respect de l’ordre public
international de l’Etat, l’absence de motivation.

322
2. La Juridiction compétente, les délai et effets

Le recours en annulation doit être formé devant le juge étatique


compétent. Il s’agit en fait du juge désigné par la loi nationale. En
droit congolais, ce juge est le tribunal de grande instance (Article 166
du code de procédure civile). Le tribunal de commerce est le juge
compétent pour connaître du recours en annulation lorsque le litige a
une nature commerciale. Pour être reçu, le recours en annulation doit
être formé dans un délai d’un mois à compter de la notification de la
sentence arbitrale exequaturée.

La demande en annulation est suspensive de l’exécution. Lorsque


la sentence est assortie d’une clause d’exécution provisoire, le juge
saisi du recours en annulation est compétent pour statuer sur le
contentieux de cette exécution provisoire146. La décision du tribunal
statuant sur une demande en annulation n’est susceptible que de
pourvoi en cassation devant la cour commune de justice et
d’arbitrage147.
Lorsqu’une sentence arbitrale est annulée, le juge étatique n’a aucun
pouvoir d’évocation. Il appartient à la partie la plus diligente de
relancer une nouvelle procédure d’arbitrage, sauf lorsque l’annulation
est due à l’absence ou à la nullité de la convention d’arbitrage. Dans
ce cas, le litige ne sera réglé par voie d’arbitrage que si les parties
concluent une nouvelle convention d’arbitrage.

B. La tierce opposition

Un tiers qui souffre d’un préjudice du fait d’une sentence arbitrale


peut attaquer celle-ci devant le tribunal arbitral. L’article 25 de l’AUA
ne soumet l’exercice de ce recours à aucun délai, de telle sorte que
l’on peut penser que la tierce opposition, en tant qu’action en justice
est soumise au délai commun de prescription, lequel est de 30 ans.

146
Article 28 AUA.
147
Article 25 al3 AUA.

323
Le tiers qui voudrait introduire une tierce opposition peut être buté
à une difficulté lorsqu’il n’est plus possible, pour une quelconque
raison, de réunir le tribunal arbitral. L’acte uniforme n’apporte pas de
solution à cette difficulté. Certains auteurs estiment que dans ce cas, la
tierce opposition devrait être formée devant le juge étatique148.
Pareille solution peut paraître hasardeuse compte tenu du fait que la
question de l’exercice des voies de recours, comme celle de
l’attribution de compétence, est strictement réglementée. On ne
devrait pas attribuer à la juridiction de l’Etat une compétence que
l’acte uniforme ne lui reconnaît pas.

C. Le recours en révision

La partie qui découvre un fait décisif qui était inconnu à elle et aux
arbitres avant la sentence, peut introduire un recours en révision
devant le tribunal arbitral. Comme pour la tierce opposition, l’acte
uniforme n’a pas indiqué le délai dans lequel ce recours doit être
exercé. Il en est de même pour la difficulté qui résulterait de
l’impossibilité à pouvoir réunir le tribunal arbitral.

§5. La reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale

Une sentence arbitrale ne peut être exécutée qu’après avoir


obtenu l’exequatur de la juridiction compétente.
En application de l’article 184 du code de procédure civile,
l’exequatur est accordé par le président du tribunal de grande instance.
Avec l’existence du tribunal de commerce, l’exequatur doit être
sollicité auprès du président de ce tribunal lorsque la sentence tranche
un litige d’ordre commercial.

148
Pierre Meyer, commentaire sous l’article 25 de l’AUA, in OHADA, traité et actes uniformes commentés, 4ème édition,
Juriscop, 2012, P 171

324
La preuve de l’existence de la sentence arbitrale, en vue de son
exécution, est faite par la production de son original ainsi que de la
convention d’arbitrage. On peut aussi produire des copies certifiées
conformes de ces documents.

La décision accordant l’exequatur n’est susceptible d’aucun


recours. Si par contre l’exequatur est refusé, le demandeur ne peut
qu’introduire un pourvoi devant la CCJA149.

149
Article 32 AUA.

325
Chapitre 2. QUELQUES AUTRES MODES ALTERNATIFS
DE REGLEMENT DES DIFFRENDS

Section 1. La conciliation

La conciliation est un mode de règlement des différends qui


consiste, pour les parties, à trouver une solution amiable à leur litige
en recourant à des négociations directes, avec ou sans l’intervention
d’un tiers. Lorsqu’on recourt à un tiers conciliateur, le rôle de ce
dernier se borne à rapprocher les parties pour leur permettre d’entamer
des négociations directes. Ce rôle en effet, se limite à fournir un cadre
de négociation, à favoriser celle-ci. Le tiers conciliateur n’a ainsi
aucun pouvoir sur les parties, lesquelles restent maîtresses de la
négociation.

Section 2. La médiation

La médiation consiste pour les parties en conflit à recourir à un


tiers, le médiateur, pour que celui-ci leur propose une solution au
litige qui les oppose. Le médiateur apparaît ainsi comme disposant de
beaucoup plus de pouvoir que le conciliateur. En effet, son rôle, à la
différence de celui du conciliateur, ne se limite pas au rapprochement
des parties. Il a un rôle plus actif dans ce sens qu’il peut faire des
propositions aux parties. Si celles-ci les acceptent, ces propositions
deviennent alors obligatoires à leur égard.

326
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