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Université de THIES
UFR Sciences économiques et sociales
Département Sciences économiques et de Gestion
Licence 1 Semestre 2 de Sciences économiques et de Gestion
Histoire de la pensée économique
Elhadji Mounirou NDIAYE
Enseignant-chercheurIntroduction générale
La science économique est une science diverse, un ensemble de théories ayant en commun un
méme objet : analyse de la création des richesses rares et de leur répartition. Cette question
est différemment abordée par les économistes, d’oi I’émergence de plusieurs approches
Economiques qui justifient appellation plurielle de « sciences économiques ». L’économie,
en tant que science 2 part entiére, a eu une naissance et un cheminement historique, qui font
état dune liaison organique entre les théories initiales et les théories contemporaines. Ces
aspects historiques font 'objet de ce cours et nous y reviendrons done de maniére détaillée.
‘Le mot « Economie » vient de l'expression grecque vikou nomos qui signifie « la loi de la
maison » et que Ion pourrait traduire en langage moderne par la gestion. A lorigine de la
réflexion économique, le mot « économie » est associé a Padjectif « politique ». Il ne faut
néanmoins pas se méprendre. Il ne s*agit pas de dire que l'économie est une composante de la
politique et done est l'enjeu d’un débat mais que son sujet est la gestion de I’Etat (polis en
grec). Il existe plusieurs définitions de la science économique. Pour Alfred Marshall (1890) «
L Economie politique ou Science Economique est une étude de I'humanité dans les affaires
ordinaires de la vie ; elle examine la partie de la vie individuelle et sociale qui a plus
particuliérement trait & acquisition et @ usage des choses matérielles nécessaires au bien-
étre. Elle est donc, d'un coté, une étude de la richesse ; de l'autre, et c'est le plus important,
elle est une partie de l'étude de l'homme. Car le caractére de Vhomme a é1é moulé par son
travail de chaque jour et par les ressources matérielles qu'il en tire, plus que par toute autre
influence, si ce n'est celle des idéaux religieux ; et les deux grands facteurs de Uhistoire du
monde ont été le facteur religieux et le facteur économique. »
On connait également d‘Alfred Marshall une autre définition de la science économique disant
que la science économique étudie V’individu dans la conduite de ses affaires de tous les jours.
Une telle définition met en exerce la recherche d’une satisfaction individuelle, elle est done de
connotation microéconomique. Elle rejoint la conception de certains classiques (Adam Smith
et Ricardo notamment) qui place individu au centre de la création des richesses & image
des défenseurs de l'économie de marché (ou libéralisme). Chaque individu est done incité &
bien cibler ses choix et ses actions dans le but d’en tirer le meilleur parti (optimum ou
ituation la plus satisfaisante possible). C'est en ce sens que Ton peut comprendre la
définition de Joseph E. Stiglitz qui définit économie comme la science des choix. Sous un
angle général, ces choix peuvent étre le fait de n’importe quelle structure (une personne, une
organisation, un Etat, etc.). L’économie classique sest illustrée dans cette posture théorique
qui analyse la satisfaction individuelle
Ainsi, la conception microgconomique (la microéconomie s‘occupe du calcul économique
individuel) de I’économie domine la pensée classique dont la critique et l'approfondissement
ont engendré les pensées économiques contemporaines. L’importance de la pensée
économique classique (et des précurseurs) réside done non seulement, dans son statut de
théorie pionniére, mais aussi dans son contenu philosophique qui en fait un socle théorique
analytiquement intéressant. Les théories de la monnaie et de la valeur ont longtemps doming
ces pensées des économistes classiques et des précurseurs. La conception des fonctions de la
monnaie a connu une évolution progressive allant jusqu’aux abstractions actuelles. Au début
la monnaie était I’affaire du prince jusqu’a la critique de Nicole Oresme (1360) qui
considérait que la valeur de la monnaie réside dans le consentement des marchands 4 l'utiliser
et que le prince qui est la source de sa Iégitimité doit s’abstenir de la manipuler. Ce débat fut
poursuivi deux sigcles plus tard par Malestroit (1566) et Jean Bodin (1568) et étendu ensuitepar les mercantilistes et surtout maniére révolutionnaire par Adam Smith (1776) et David
Ricardo (1817).
Tout au long de cette histoire, la pensée économique est faite d’un processus de contestation
constructive qui valide encore le statut unanime de science inexacte. Pendant cette longue
période de construction d’une théorie inexacte, se sont illustrés des auteurs et des courants de
pensées dont les théories se sont souvent révélées antagoniques (il faut en croire 'une ou
Pautre). Il en est ainsi par exemple sur la conception de la valeur chez les classiques (Adam
‘Smith, Ricardo, Marx), les néoclassiques (Say en tant que précurseur considéré aussi comme
classique et Cantillon) et des marginalistes (Menger, Stuart Mill, Walras, Marshall) .Ce
document revient succinctement, en trois chapitres, sur ce long processus qui a généré ce que
Yon peut appeler les nouvelles théories économiques. Le premier chapitre aborde de maniére
globale, le mouvement qui est parti de 'an 1000 a Pan 2000. TI s‘agit d’une analyse par
période, qui s’appesantit également sur le 19®** siécle ot s’est réellement précisé I’émergence
de la pensée économique. Le deuxiéme chapitre analyse le mouvement qui est parti de la
pensée classique a la théorie néoclassique, en passant par les marginalistes. Ce chapitre offre
également Poccasion d’aborder les courants de pense économique dominants de Phistoire
ainsi que les grands noms initialement attachés aux sciences économiques. Au 20** sigcle la
révolution keynésienne est venue apporter des bouleversements importants qui continuent
dinfluencer la politique économique. C’est pourquoi, la révolution keynésienne et les grands
débats économiques contemporains feront l'objet du dernier chapitre.Chapitre 1
L’émergence de la pensée économique : une analyse par période
L’émergence de la pensée économique est une longue histoire, qui resemble a celle de
ensemble des sciences, jadis regroupées dans I’épistémologic. La chose économique a
intéressé plusieurs philosophes, qui en ont fait leur domaine depuis l’an 1000. Mais, la science
économique en tant que science cohérente en construction a commencé & émerger au 19°
sitcle, qui est le sitcle de la grande révolution industrielle. Ce chapitre revient globalement et
chronologiquement sur la période partant de T'an 1000.
Section 1: Au dela de Pan 1000
Nous allons d’abord dégager une idée générale de la configuration économique qui s’est
déroulée dans la période 1000-2000. Ensuite, nous présenterons les idées et faits économiques
marquants de cette période, avant d’aborder, enfin les évolutions récentes.
1.1 Un tableau général
Afin de mieux cerner histoire économique de la plangte, il importe de remonter a ’an 1000.
Une telle démarche permet de détecter les moments saillants et d’énumérer les explications
qui ont fondé progressivement I’émergence de la pensée et des idées économiques. Le tableau
I relate la répartition du PIB mondial selon les zones géographiques a partir de lan 1000.
Tableau 1 : Part du PIB mondial par zone
% du PIB| Europe | Russie | Amérique du nord | Amérique latine et | Asie | Afrique
mondial et Australie centrale
‘An 1000 10,9 24 07 39 70,3 118
‘An 1700 25,4 44 02 17 67 | 66
‘An 2000 22,6 34 25,1 87 a72« 3A
L’Asie représentait 78% de la population mondiale avec un niveau de vie d’environ 500 euros
par an par habitant, le plus élevé de I’époque mais seulement de 15% plus élevé que les
régions les plus pauvres comme I’Europe alors en voie de féodalisation. La répartition de la
richesse est comme on le voit trés proche de celle de la population. L’Asie représente
aujourd’hui 59,5% de la population mondiale. La révolution industrielle a transformé les
cartes : la richesse ne se mesure plus a l'aune de la population. Le monde connait aujourd’hui
trois grands poles de richesses : la fagade pacifique de I’Asic (Chine de Est, Japon...),
Amérique du Nord et Europe.
1.2 Idées et faits marquants de la période 1000-2000
1492: Les voyages de Christophe Colomb permettent d°établir une liaison maritime
permanente avec le continent américain.
1693-1709 : ce fut les dernidres grandes famines en France. La période de prospérité était lige
une tolérance religieuse qui disparait totalement avec la révocation de I’Edit de Nantes en
1689. En somme, retenons qu’en France le 17" et le 18°" siécle sont marqués en Bretagnepar les nécessités d’une politique nationale qui crée un grand port de guerre a Brest ef une
grande compagnie de commerce colonial & Lorient.
1815 : Le traité de Vienne interdit la guerre de course. La lettre de course était la décision du
roi qui permettait & un pirate des mers de devenir un corsaire reversant une partie de ses prises
au trésor royal. La mer s’était couverte de pirates travaillant sur leur propre pavillon ou pour
un pavillon de grande puissance. Le traité de Vienne marque la reconversion pour les
corsaires. On retrouve du personnel ayant débuté leur carrigre sur des navires corsaires dans
administration frangaise du 19*™ sigcle. Ainsi, Moreau de Jonnés, le premier directeur de la
statistique générale de la France (I'ancétre de 'INSEEE) en 1833, avait comme premier
emploi, celui de corsaire & Brest.
1914 : Début du premier conflit mondial. La Bretagne en France est décrite par les peintres de
Pécole Pont Aven comme une région préservée de la révolution industrielle. 11 faut retenir
que les cités phares de l'économie pendant ces siécles (17**, 18 et 19%) sont des ports
permettant d’aceéder 4 l’océan Atlantique. Ce n’était pas le cas les siécles précédents ott les
grands centres d’affaires se situaient en terre de Chine ou en méditerranée. Schématiquement,
le 18° sigcle reste celui d’Amsterdam dont ’étoile va palir dans la seconde moitié du 18°
sitcle au profit de Londres. Londres, elle-méme, sera supplantée par New York au 20°"
cle. Les grandes universités pour la pensée économique sont écossaises au 18*™ sidcle.
Adam Smith enseignait 4 Edinburgh (en Ecosse). Oxford et Cambridge en Angleterre jouent
un role de référence. Le plus connu de ces économistes anglais du 18° sidcle était Alfred
Marshall (Cambridge). Depuis la eréation des prix Nobel d’économie en 1969, luniversité de
Chicago est celle qui a regu le plus grand nombre de pri
Tableau 2 : Villes phares et universités
Villes phares de économie | Grandes universités pour la
pensée économique
13°" ‘Amsterdam, Paris, Londres Ecosse : Edinburgh
19° sidcle Londres Angleterre : Oxford, Cambridge
20° siecle New York Etats-Unis : Chicago
1.3 Evolutions récentes : Richesses et croissance
Le tableau 3 ci aprés retrace les indicateurs du développement par catégorie de pays.
Cyclede vie | Espéranc | Taux % % 1H? [Nombre de indice de
e moyen de | Investisse | Exportatio | (1990) | libertés fécondité
vie croissance | ment/PIB | ns/PIB publiques (sur
40)
Vie bréve Entre 30] 07 19 24 oat | 68 52
et 55 ans
Entransition | Environ | 1 2 8 064 | 423 36
63 ans
Longuevie | 70ans | 13 Pa 28 as | 234 22
Vie trés longue | 75 ans | 28 26 53 oss | 345 15
‘Source : Callens, Univ Lille 1
“Indice synthétique de développement humain, utilisé par "NULes pays & trés longue vie ont une population stable (indice de fécondité est moins élevé : 1,7
comme valeur de rupture entre les groupes de pays & vie trés longue, et les pays & vie longue).
Tableau 4 : Situation selon les zones
Vie breve En transition Vie longue Vie trés longue
Zones concernées | Afrique (saufs Afrique du | Malaisie, Philippines, | Brésil, Argentine, Chil, | Danemark,
Sud et Tunisie), | une partie de 'inde, | Chine, Thailande, Taiwan, | Suisse et Japon
Afghanistan, Pakistan, | Quelques pays | Israél et Europe sans ses | surtout
Bangladesh, une partie de | d’Amérique centrale | pays développés
inde
Situation Gros risques d'instabilité | Croissance extensive | Risque d’instabilité de 2* | Croissance
de 1° ordre (dictature, ordre (type | intensive
guerre civile, famine) Assoupissement
Argentin)
Ces indicateurs ne renseignent pas pour autant sur la distribution des richesses de la planéte et
sur les capacités des pays 2 faire face aux crises. Toutefois, & partir du 20" sidcle la
croissance économique s’est accélérée dans des zones bien localisées. Les Etats-Unis ont
amorcé une croissance fulgurante 4 partir du 20** sidcle et par rattrapage ont entrainé
autres pays histoire similaire tels que Australie et beaucoup de pays européens. Ces
demiers se sont particuligrement illustrés pendant ce qu’on appelle les « trente glorieuses
années » (1945-1975) entamées au lendemain de la seconde guerre mondiale. Par la suite, la
guerre froide est venue affaiblir certains Etats, comme la Russie, qui se sont noyés dans des
Economies planifiés et d’assistance inspirées par le communisme. Le débat idéologique n’est
pas tranché dans le cadre de ce cours, mais il apparait clairement que les Etats & caractére
Capitaliste (ou libéral) ont pris le dessus sur les autres, & travers des eréations de richesses tres
rapides et une meilleure capacité & faire face aux crises et au chomage de masse, inhérents &
augmentation de la population et des besoins. Actuellement, la croissance économique est
devenue le maitre mot qui concentre l'essentiel des objectifs de la politique économique.
On distingue souvent la croissance intensive de la croissance extensive. La croissance
extensive, c’est lorsque la croissance accompagne de maniére comparative la croissance
démographique. C'est-2-dire lorsque le PIB par habitant est faible, proche d’une valeur nulle.
Cette situation est celle des pays en transition. En cas de croissance intensive, la croissance est
soutenue sans connaitre des taux trés élevés : c’est la situation des pays a vie trés longue, et
aucun de ces pays ne connait de récession de longue période.
1.4 Les facteurs de la croissance économiques
La problématique de la croissance économique occupe une place importante dans la pensée
économique contemporaine. Ainsi, plusieurs ouvrages sont maintenant consacrés a la
croissance économique et aux approches empiriques des dynamiques actuelles de créations de
ichesses. Les outils statistiques et économétriques ont &é d’un apport fondamental & la
compréhension et a la quantification de la croissance. C’est vers 1830 qu’ont été créés les
premiers instituts modernes de statistique en Angleterre et dans quelques autres pays. Avant
cette date en particulier au 18° sigcle, on ne disposait que de données fragmentaires. En
somme, les études ont montré la croissance est généralement influencés par six facteurs
essentiels :- L’influence du niveau initial de richesse :
Ce facteur joue un r6le négatif. Si les autres variables explicatifs restaient constants, les
économies des différents pays tendent toutes & se rapprocher & une vitesse lente : il faudrait
environ un siéele pour cela, C'est le phénoméne de la convergence.
- L’influence du niveau de formation
Le taux de scolarisation féminine est peut Gre le meilleur prédicateur de l’indice de
développement. Les pays qui ont réalisé une scolarisation de ensemble de la population sont
par exemple les pays asiatiques croissance rapide. Les pays d’ Amérique latine ne résolvent
que lentement Panalphabétisme féminin et connaissent des taux de croissance plus faible. Les
plus mauvais résultats sont obtenus par des pays qui excluent le genre féminin de la vie
économique.
- L7influence du taux de fécondité
Une baisse du taux de natalité augmente le taux de croissance. Barro (2000) explique que « si
la population augmente, une partie de l'investissement est utilisée pour fournie du facteur
capital aux nouveaux travailleurs plut6t que pour augmenter la quantité de capital par
travailleur, Des ressources supéricures doivent de plus étre affectée a l’éducation des
enfants ». Dans certaines régions de "Inde la surabondance de la main d’ceuvre est P'unique
raison de Tabsence de l'investissement. Trouvant toujours des bras a trés bas prix, les
techniques et les machines ne se modifient pas depuis des décennies, voir des sitcles.
- L’influence de la consommation publique (hors éducation)
Les dépenses liges & l'administration ont une influence nettement négative. Dans un pays, ce
sont des dépenses qui n’améliorent guére la productivité et une administration inefficace est
un lourd handicap pour la croissance.
- L*influence du respect de la loi (absence de corruption, garantie de la propriété, etc.).
Ce facteur est favorable. La croissance suppose l'investissement, qui lui-méme repose sur
absence d’une possibilité de confiscation politique en particulier. Les régimes de dictature
prédatrice sont ceux qui enregistrent les plus mauvais résultats économiques.
- L’influence de la démocratie
Barro (2000) a dressé un bilan des interactions entre le développement et le développement de
la démocratie. Lé débat doit tenir compte de phénoménes trés complexes, comme les bons
résultats économiques de régimes autoritaires tels que la Chine. A partir d’un comparatif
Inde/Chine, Amartya Sen (Prix Nobel d’économie en 1998), indique que la démocratie est
surtout importante dans les moments difficiles. Ainsi, "Inde s'est tiré plus facilement des
famines que la Chine qui a connu encore au début des années 1960 une grande famine ayant
fait 30 millions de morts
Devant un afflux de richesses, se pose le probléme dune bonne gestion aussi bien dans un
régime de démocratie que dans un régime autoritaire. En tout cas selon Barro « des
aceroissements du niveau de vie tendent 2 engendrer un accroissement progressif de la
démocratie. A l'opposé, les démocraties qui se sont érigées sans développement économique
antérieure se révélent fragiles.Section 2: Le 19*™ sigcle: révolution industrielle et émergence de la pensée
économique’
La révolution industrielle s'est positionnée comme un repére, qui permet de faire la connexion
entre l’émergence d'une pensée économique structurée et le développement rapide supporté
par les premitres découvertes scientifiques. Elle a été le grand moment de la restitution, de la
synthése et de I'approfondissement de la pesée économique. Il est important de saisir les
points déterminants qui créent la jonction entre la révolution industrielle et la précision des
réflexions économiques en tant que science et discipline nouvelle.
2.1 Pensées émergentes et concomitantes a la Révolution industrielle (RI)
Michel Foucault dans « les mots et les choses » (1966) a insisté sur la césure entre la science
des richesses du 18° sigcle, qui est encore celle d’Adam Smith, et l'économie de Ricardo-
Malthus. Cette rupture créatrice de "économie moderne est faite de la prise en considération
de la contrainte naturelle ou sociale. A partir des classiques Ricardo et Malthus, une lignée
d'économistes va continuer a réfléchir sur les contraintes de limitation des ressources.
‘Témoignent de cela, les travaux de Stanley Jevons, qui en 1865 dans « The Coal Question »,
souligne progressivement l’épuisement du charbon alors que Ja consommation s‘accroit de
fagon géométrique. L’écologie ne nait que vers 1900-1920 avec les travaux de botanistes
(Schimper) et de mathématiciens (Vito Volterra). Au 19*"* siécle, on considérait isolément
tune population et on étudiait les influences du milieu ambiant. Les botanistes proposent une
compréhension fine de la relation d’une plante & son milieu par les modalités de circulation de
son alimentation. Les mathématiciens proposent de s’attacher aux interactions entre plusieurs
populations. Un des textes fondamentaux de l’écologie est l'étude de Vito Volterra réalisée
pour les pécheries de l'adriatique ot il modélise interaction entre une population de
prédateur et une population de proie. Cette transition épistémologique du début du 20°"
siécle aménera considérer non plus une population soumise a V'influence d’un milieu, mais
une bioeénose (l'ensemble des populations végétariennes et animales). Dans son biotope
(Faire géographique od les conditions de vie peuvent étre considérées comme suffisamment
homoggnes). L’approche écologique est celle d'une compétition desptces vivantes dans un
espace et des ressources alimentaires limitées. Le 19° siécle, quant a lui, n’est pas allé au-
deli de Malthus, & savoir un possible divorce entre une population considérée isolément et ses
ressources alimentaires.
La grande figure du début du 19° sigcle est ainsi celle de Malthus. Ses conséquences sont
majeures, non seulement pour la formation de l'analyse de Ricardo, mais aussi pour d'autres
sciences. Darwin partira de Malthus. En France, un courant de pensée va naitre autour de vues
productivistes : c'est le courant positiviste. Auguste Comte propose une intensification de
exploitation de la nature parce qu’il considére que le monde comme étant presque vide, que
Thumanité et les grandes espéces vivantes doivent remplit. Comte propose un aménagement
généralisé du monde, qui élimine les espéces animales sauvages pour permettre une
densification maximale de la population humaine. Le positivisme est la grande référence des
Economies de rentes. La doctrine d’Auguste Comte a cu beaucoup d’atouts en Amérique
Latine (la devise du positivisme « Ordre et Progrés » est sur le drapeau du Brésil) et n’est pas
irés éloignée des pratiques constatées dans les anciens pays d’économie planifige
Le 19% sidcle est aussi le sidcle des syst#mes de pensée qui, comme le positivisme, essaient
de proposer une vision du progrés, assez simpliste, congue comme laugmentation
quantitative des hommes et des matériels. De méme, la pensée économique n’enregistre que
* 1 nspirés de Callens, Cous d‘histoire de la pensée économique, Université Lille 1, 2002.du suceds limité au 19° sitcle. Un régime politique comme la Troisitme république ne fait
pas référence & une pensée économique dans ses lois fondamentales. L’heure était a la
biologie, & des pensées de sciences sociales faisant appel 4 aux théories raciales,
démographiques, géographiques et sociologiques. Les tentatives de formulation des sciences
sociales du début du 19° siécle, & partir de Condorcet, ont dai céder le barre devant des
analogies vitalistes comme celle du « développement » proposée par l’école historique
allemande (Entwicklung), ou celle de « lutte pour la vie » propulsée par Spencer & partir de la
théorie de l’évolution énoncée par Darwin en 1859.
2.2 Le débat sur la révolution industrielle
«I n'y a point d’innovation sans avances, sans risques », dira Condorcet. Il introduit 18 une
nouvelle catégorie d’analyse basée sur une médiation entre les avances (investissements) et la
croissance. Pour A Smith, comme pour les physiocrates (voir plus loin), la croissance repose
dabord sur les avances. Le 19** siécle a consacré cette différence d’analyse entre les
modeles de croissance des années 1930 4 1980, et les modéles plus récents, dits de croissance
endogine. La différence repose entre des conceptions qui font du progrés une source
mystérieuse extérieure au systtme économique ou une analyse extérieure au systéme
économique (conception endogéne) tenant compte du processus d’innovation. Les sociétés
européennes s’alphabétisent lentement (en France en 1690, 14% des femmes savent lire, elles
sont 27% en 1790). Pour ce qui est de la conception d’un systéme financier, la conception des
physiocrates témoigne d’une violente opposition a toutes les formes de lactivité financiére.
Au 18% sigcle, la société est essentiellement agricole, il ya un peu de lecture et une richesse
que l'on conserve en famille. Les activités sont toujours autofinancées.
Une conception telle que celle de Condorcet permet une croissance soutenue de trés long
terme, les innovations se succédent de fagon ininterrompue. C’est ce qui fera dire & Malthus
que les populations humaines tendent a croitre plus vite que les ressources agricoles, et cette
croissance soutenue rencontre done des obstacles naturels.
Dans absence d’investissements, l'innovation reste dans un régime de médioerité, dit
Condorcet. La révolution industrielle anglaise résulte sans doute d’une sortie de cette
médiocrité, issue du rendez vous manqué entre les investisseurs et les innovateurs. C'est
Arnold Toynbee qui a inventé I’expression de « révolution industrielle » en 1884, dans une
période positiviste od les enchainements historique avaient quelque chose de nécessaire. La
terminologie n’est pas trés heureuse : la transition d’une société agricole 4 une société
industrielle a éé un processus long, au contraire de ce que suggere le mot « révolution ». I ne
s’est aceéléré que dans quelques pays qui ont connu une transition assez rapide (une trentaine
d’années) dans la deuxiéme moitié du 20° sigcle comme la Corée du Sud. Pour la Grande
Bretagne, la méme transformation a certainement duré plus dun siécle. Dans la conception
originale de Toynbee, les innovations décisives étaient au nombre de 2, la machine & vapeur et
le métier artistique. La société anglaise était entitrement agricole au 18° sidcle avec
seulement 3 villes de plus de 15 millions d°habitants. Une certaine préservation de la propriété
agricole a été obtenue par la suppression du Communs, les champs en exploitation collective
ot vivaient souvent des squatteurs (des pays sans terre).
Une certaine maitrise de ma croissance démographique est obtenue par le recul de I’age du
mariage en période de dépression. Le 18° siécle connait une relative accalmie du cété des
épidémies. La demitre grande épidémie étant celle de la variole entre 1725 et 1729.
Une baisse de la mortalité infantile diminue Ia taille des familles (si les enfants meurent
beaucoup en bas Age, les parents font beaucoup d’enfants pour compenser cet aléa). Unerareté croissante du travail qui en résulte a été un puissant stimulant & la recherche de
substitution mécanique & la main d’ecuvre. Le résultat de cet ensemble de phénoménes est un
développement des villes et de lieux de production organisé, soit selon un mode traditionnel,
soit selon un nouveau mode basé sur la discipline d’atelier. Ce développement affecte de
fagon privilégige des zones entourant de grands ports. Depuis Toynbee, chacun des éléments
de ce scénario de transition entre une société agricole et une société industrielle a été analysée
2 la loupe. Certain sont venu méme & remettre en. cause existence méme de la « révolution
industrielle », puisque c’est un phénoméne de faible ampleur en comparaison des forts taux de
croissance des 2°** moitiés des 19** et 20% sidcles. Das Ia 2°" moitié du 19 siécle, les
limites de 1a révolution industrielle anglaise apparaissent : conservation d’un empire colonial,
faible performance du systéme éducatif, de la capacité organisationnelle des firmes et absence
dun systéme financier moderne. Les faiblesses viennent expliquer la perte de leadership de la
Grande Bretagne au 20° sigcle, mais ceci aprés un leadership au 19° sigcle. Aussi y.
bien eu un décollage économique en Angleterre, une sortie de taux de croissance trés faibles
en longue période. Certes, le gain en termes de taux de croissance est tres faible, mais ce sera
bien la premidre fois que cela va se produire sur une longue période.
Section 3: Tableaux récapitulatifs?
Tableau 5 : Le 18*" siecle et ses faits et idées économiques marquants
Périodes Pensées économiques Faits économiques majeurs
Début du 18° siécle (fin de [Les pionniers: Boisguilbert, | Traité de 1709 entre Angleterre
regne de Louis XIV et régence | Cantillon, Mélon et Portugal avec un accord de
baisse conjointe des tarifs
douaniers. Invention du
procédé de fonte au Coke.
Milieu du 18°™ siécle (régne de | Hume et la philosophie morale | Société des arts créée en 1754
Louis Xv) écossaise. En France: le| (1802 en France). Les
systéme des physiocrates, un | hollandais perdent leur
despotisme éclairé agrarien. En | leadership économique au
France et en Angleterre: | profit des anglais.
Inventaire des arts par des
encyclopédies
Fin du 18° siécle (fin de regne | Les premiéres syntheses: |Début_ de la _révolution
de Louis XVI) et révolution | Turgot, ministre (1774-1776). | industrielle. Machine @ filer
frangaise en 1789. « Recherche sur la nature et la | (1768); Machine & vapeur de
cause de la richesse des | James Watt (1769)
nations », Adam Smith (1776).
* Inspirés de Callens, Cous d'histoire de la pensée économique, Université Lille 1, 2002.
10Tableaux 6 : Facteurs de I'émergence de la pensée économique et du 1* décollage économique
Emergence de la pensée économique
1" décollage industrielle
anglaise)
(révolution
Facteurs ethniques et
cutturels
Lien avec le jansénisme des minorités
religieuses issues de la réforme
Une révolution industrieuse préalable
Facteurs juridiques
Se base sur une citoyenneté introduite par
Grotius, Hobbes, Locke. Voies industrielles
(Quesnay), voles _constitutionnalistes,
(Montesquieu, Condorcet).
Préservation de la propriété, suppression
des communs, Expansion des. libertés
réelles, tolérance, suppression du servage.
Facteurs techniques
Les deux voies («littérature formalisée)
sont présentes. Des difficultés techniques
(pas de calcul intégral au 18*™ siecle)
limitent 'entreprise de formalisation.
Discipline: transfert des paysans avec
habitudes de travail dans des ateliers
disciplinés. Capital familial, montée de la
scolarisation, substituts matures : machine,
charbon, coton
Un courant original porté par ’émergence
d'un espace public et d’un usage privé de
la raison: économie politique du 18*"*
appartient aux « Lumieres »,
limites de la «Révolution industrielle
anglaise » : politique économique encore
mercantile, poursuite d'un projet colonial,
une économie auto-financiére, faiblesse
des circuits financiers autres que familiaux,
un systéme éducatif peu performant, une
industrie peu standardisée, avec des cots
organisationnels importants.
Tableau 7 : Auteurs et contextes historiques
Pensée économique en | Pensée économique en Allemagne | Quelques repéres sur les
Angleterre et en France faits économiques
Début du 19°" | Malthus, Ricardo, Bentham | SAY et les idéologies courantes: | Pandémies _infectieuses
siécle tentative de formalisation dans les._—svilles
européennes,
Milieu du 19" [John Stuart Mill, Stanlay | Positivisme et historicisme: Comte, | Décollage économique de
siécle Jevons Karl Marx, début de 'école | la France et de
historique allemande. Allemagne. Abolition du
servage en Russie
Fin du 19° | Alfred Marshall Institutionnalisation des | Embellie apres une
siécle historicismes avec Bismarck et Ferry. | longue stagnation.
Pareto),
Renouveau formel
(Karl Menger, Léon Walras, Vilfredo
marginalisation
nChapitre 2
Courants de pensée précurseurs et autres auteurs classiques
La pensée des précurseurs a précédé celle des classiques. Mais nous allons regrouper dans les
économistes classique I'ensemble des penseurs qui ont marqué I’émergence de la science
économique dans la période de la fin du 17° siécle jusqu'au début du 20®* sidcle. Six
courants et penseurs fondamentaux vont attirer notre attention: Les mercantilistes,
Boisguilbert, les physiocrates, Adam Smith, David Ricardo et Karl Marx. Toutefois
parlerons d’autres théories importantes qui ont marqué I’histoire de la pensée économique
Karl Menger (1840-1921)qui est cité parmi les artisans de la révolution marginaliste & travers
une conception bien défini de la notion d? « utilité, satisfaction des besoins humains » ;
Stanley Jevons (1835-1882) beigne aussi dans un univers intellectuel ob 'utilitarisme occupe
une place prépondérante ; John Stuart Mill (1806-1873) a également abordé cette approche
dans un ouvrage intitulé « 'utilitarisme », publié en 1861 avec 15 éditions successives
jusqu’en 1907.
Section,
: Chronologiquement, les grands courants et les grands auteurs
1.1 Le mercant
isme
De Titalien « mereante » qui signifie « marchand », les _mercantilistes se demandaient
comment augmenter la richesse de I’Etat. Cette croissance devait reposer sur le commerce
local et international ainsi que sur une course vers Pindustrialisation. L’apparition de ce
courant coincide avec la fin de Vobscurantisme et le début du déclin de Méglise dans
organisation économique et sociale. Plus spécifiquement, on peut distinguer divers types de
mercantilismes géographiques et thématiques:
- Le mercantilisme espagnol s‘intéressait 4 la eréation de richesses grice a
accumulation d'argent et d’argent provenant des colonies.
- Le mercantilisme anglais fonde la richesse dans le commerce et notamment dans le
commerce maritime. Entrepreneurs et libre-échangistes, Ils sont souvent considérés
comme des précurseurs du libéralisme,
- Le mercantilisme frangais privilégie lenrichissement par Pindustrialisation et PEtat
doit avoir un réle moteur dans ce processus créateur. Le mercantilisme fiduciaire,
promu en France par I’Ecossais John Law, affirmait que toute création de richesse
devait étre assurée par un systéme bancaire et financier stable et moderne garant de la
confiance des agents économiques.
Dans une conception générale, le mercantilisme prone lenrichissement de la nation par un
commerce extérieur contrdlé, l'encouragement de l'emploi par la protection des industries
nationales et la stimulation de l'activité interne par la circulation de liquidités abondantes.
1.2 Boisguilbert
On peut proposer de voir dans le pesant de Boisguilbert (dont les écrits sont datés entre 1695
et 1707), la naissance de l'économie politique moderne. Dans son cas, le lien avec
Pexpérience de I’Etat fort est de nature simple. Le tout premier discours de I’économiste est
une contestation argumentée et systématisée de I’Etat fort. L’économie politique se définit
2comme une contestation analytique, se différencient du simple discours de contestation
(discours politique). La figure de Boisguilbert associe le jansénisme au début de économie
politique. Il regoit une éducation janséniste, puis une formation littéraire. Ce serait 4 Rouan,
sa ville, qu’un négociant aurait lancé la célébre expression « laissez nous faire », en réponse &
une question de Colbert sur encouragement & donner au commerce. Boisguilbert ne propose
pas de théorie de la spécialisation, mais présente une vision compléte de la société de son
temps, théatre des passions. La théorie de la spécialisation est présente chez Adam Smith,
dont le lien avec les ouvrages de Boisguilbert est patent. Boisguilbert s'interroge sur les
causes de la pauvreté (Pour Adam Smith, linterrogation porte sur les causes de la richesse),
en France, causée par les politiques économiques du 17°” sigcle.
La science économique peut étre définie par un discours analytique de contestation. La
premiére économie politique émerge comme discours et critique du Colbertisme. L’analyse
des propositions de Boisguilbert, qui comporte un aspect de la réforme de la société politique
infirme la these historiographique de Rosanvallon dans son ouvrage «le capitalisme
utopique ». Les premiers économistes auraient formulé une utopique. L’utopie appartient & la
science politique. Cet acces facile au paradis est dénié dans le fameux pari de Pascal. On
retrouve cette rupture chez Boisguilbert qui se pose la question « Pourquoi sommes-nous en
Enfer ?> Il a une position dogmatique & ropposé de toute formulation d’une idéologie.
Boisguilbert propose une économie de la tolérance, en indiquant les enchainements désastreux
qu’entraine une politique absolutiste et intolérante comme celle mise en ceuvre & son époque
et qui a mené aux dernigres grandes famines connues sur le territoire francais (1693-1709).
1.3 Les physiocrates
La société d’Agriculture de Rennes est eréée la méme année que la secte des physiocrates en
1756. Frangois Quesnay le promoteur de la secte est actif comme économiste de 1756 & 1769.
Seule la nature a un pouvoir créateur de surplus ou profit : de cette proposition vient le
vocable « Physio (nature) + crate (pouvoir) ». Le « produit net » est ce qui reste quand on a
tout payé dans le langage de la secte : c’est, selon les physiocrates, la part qui revient & la
nature qui ne se fait pas payer. Par certains cétés, les physiocrates qui écrivent 4 sidcle apres
Boisguilbert, offre une vision moins complexe de Ia société, Cette vision simplifiée peut se
résumer dans un tableau économique, comptabilité de circulation des richesses d’un royaume
agricole
La secte prend position contre Montesquieu : celui-ci demandait, tout comme Boisguilbert, un
ré6quilibrage des pouvoirs en faveur des parlements régionaux. Cela conduit & adoption
dune constitution qui émet des contre-forces & tout pouvoir institué. Face & ce courant
constitutionaliste qui va s’exprimer dans la longue crise opposant le parlement et le
gouverneur de Bretagne, la secte prend parti d’un loyalisme sans faille au pouvoir central (ce
qui permet d’éviter de graves ennuis qu’ont conus Vauban et Boisguilbert) et oppose
conceptuellement un ordre ou une constitution naturelle (non écrite) a Tidée d’une
constitution écrite.
1.4 Adam Smith
1.4.1 Valeur, échange et prix chez Adam Smith
Dans son ouvrage, la richesse des nations, paru en 1776, Adam Smith définit la valeur &
travers ce qu’on appelle le paradoxe de eau et du diamant. Selon lui, « le mot valeur a deux
significations différentes : quelquefois il signifie 'uilité d'un objet particulier, et quelquefois
il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d'acheter d’autres marchandises. La
Bpremitre peut étre appelée valeur en usage et la seconde valeur en échange. Des choses qui
ont la plus grande valeur en usage n'ont souvent que peu ou point de valeur en échange. Et,
au contraire, celles qui ont ta plus grande valeur en échange n'ont souvent que peu ou point
de valeur en usage. It n'y a rien de plus utile que eau, mais elle ne peut presque rien
acheter ; a peine y a-t-il moyen de ne rien avoir en échange. Par contre, un diamant n'a
presque aucune valeur quant é U'usage, mais on trouvera fréquemment a l’échanger contre
une grande quantité d'autres marchandises » (p.96). Smith considére ainsi qu’il n’y a aucun
lien entre la valeur d’usage et la valeur d’échange d’une marchandise méme s’il reconnait
influence d’une limitation de la quantité sur la valeur d’échange. En effet, il soutient que
dans une économie de marché (c’est-d-dire une société fondée sur ’échange), l’individu n’est
plus repéré par le stock de biens dont il dispose, mais par sa capacité a les acquérir sur le
marché. Cette caractéristique, qui permet selon lui de distinguer une nation dune autre, est ce
qu’on appellera sa richesse. La richesse réside dans la capacité d’acheter des marchandises
produites par d’autres : acheter ou commander le travail d’autrui. De cette problématique
smithienne émane une autre révolution dans la conception du pouvoir, cest-a-dire la position
politique des individus. Dans univers smithien, pouvoir et richesse s’identifient : « la valeur
échangeable d'une chose quelconque doit nécessairement toujours étre précisément égale &
Ja quantité de cee sorte de pouvoir qu'elle transmet & celui qui la posséde » (p.100). A
propos de la richesse Smith défend une approche différente des conceptions antérieures.
Contre les mercantilistes, pour qui la richesse est monétaire, il affirme que la richesse est
réelle. Contre les physiocrates pour qui la richesse est fonciére, il souligne qu’elle est
produite. A la question de savoir d’ot vient la production des biens que consomment les
individus d’une nation donnée, Smith répond, le travail. Dés lors, s’interroger sur les moyens
d’augmenter la richesse, e’est du méme coup rechercher les causes qui ont perfectionné les
facultés productives du travail, Et, selon Adam Smith, le travail devient plus productif
mesure qu’il est plus divisé, c’est & que chacun se consacre 4 une tache pour laquelle il
dispose d’un talent particulier. Smith est donc l'un des premiers théoriciens de la division du
travail qui selon lui est a la base de la création des richesses.
Selon la logique d’Adam Smith, le prix est d’abord la valeur d’échange. Celle-ci est abordée
suivant le travail nécessité par lobtention de la marchandise : pourquoi une marchandise
commande-t-elle plus de travail qu'une autre ? Si un chasseur met une journée pour tuer deux
lapins et qu’un menuisier met une journée pour produire une chaise, !’échange de deux lapins
contre une chaise traduit simplement le fait que la mesure de la valeur d°échange est une
journée de travail, Dans ce cas, selon Adam Smith la valeur d’échange d’un est égale a la
quantité de travail que nécessite sa production: on parle de travail incorporé dans la
marchandise. Si maintenant, un détenteur de capitaux verse au chasseur l’argent qui lui est
nécessaire pendant son travail pour se nourrir par exemple, le chasseur devient redevable non
seulement de cet argent mais aussi de la rémunération des capitaux mobilisés. Si le détenteur
de capitaux réclame un lapin pour sa rémunération, i ne restera au chasseur qu’un seul lapin
alors qu’il n’a pas encore restitué l'argent avaneé par le détenteur de capital. A ce titre Smith
déclare : « Dans cet état de choses, le produit du travail n'appartient pas toujours tout entier
4 Vowrrier. Il faut, le plus souvent, que celui-ci le partage avec le propriétaire de capital qui
le fait travailler. Ce n'est plus alors la quantité de travail communément dépensée pour
acquérir ou pour produire une marchandise, qui est la seule circonstance sur laquelle on
doive régler la quantité de travail que cette marchandise pourra communément acheter,
commander ou obtenir en échange. Il est clair qu'il sera encore du une quantité additionnelle
pour le profit du capital qui a avancé les salaires de ce travail et qui en a fourni les
matériaux » (p.119),
rnCette situation est caractéristique d’une économie de marché régie par la propriété privée des
terres et l'accumulation de capital. Le prix d’un bien (i) (sa valeur créée) est réparti entre le
travailleur (salaire), le capitaliste (profit) et le propriétaire (rente). Si on note Pi le prix du
bien, Wi le salaire, R; la rente et TT, le profit, on peut écrire
=Wi +i +R.
La théorie du prix dépend done de la théorie de la répartition du revenu.
1.4.2 Salaire, rente et profit chez Adam Smith
Dans ta pensée de Smith, le salaire payé (W,) est égal au produit de la quamtité |, de
travail incorporé par le taux de salaire naturel w (uniforme dans l'économie). (W;) = kw. Le
taux de salaire naturel est & son tour mesuré en quantité de travail commandée. Le taux de
salaire est en effet le prix réel d’une unité de travail, c'est-A-dire qu’avec ce salaire on peut
acheter ou commander un e unité de travail. Le taux de salaire est done égal A un (w=1). Done
le salaire versé est W, = li. Il s'agit d'un résultat déja obtenu avec I'exemple du chasseur de
lapin commandé par un : aprés une journée de travail incorporée dans la
marchandise produite (deux lapins), il pergoit une valeur égale & une journée de travail (un
lapin). Cette premitre partie constituante du prix de toute marchandise est done déterminée,
pourvu qu’on connaisse la quantité de travail qu’il faut pour la produie.
La rente, dans la théorie d’Adam Smith, a aussi un taux naturel mais il n’est pas
susceptible d’une détermination économique. C’est en effet un prix de monopole, celui de la
terre, qui dépend uniquement du rapport des forces entre le propriétaire foncier et le fermier
capitaliste. L’état de ce rapport de forces dépend Iui-méme surtout du niveau des prix des
produits agricoles. C’est pourquoi cette indétermination de la rente n’a pas de conséquence
dommageable pour la théorie du prix, puisqu’elle est un effet, et non une cause de celui-ci.
Le profit a fait l'objet d’une conception spécifique chez Smith. La mise & jour d'une
correspondance entre un revenu (le profit) et une classe sociale (les capitalistes) ne suit pas
Si l'on veut fonder celle-ci sur celui Ia, il faut rendre compte analytiquement de la spécificité
de ce revenu par rapport & ceux des autres classes
- le profit se distingue du salaire en ce qu’il ne dépend pas du travail de celui qui le
pergoit ;
= le profit se distingue de la rente en ce qu’il n’est pas un revenu de monopole, sans
rapport avec la production.
Le profit est le revenu dun capital avancé et il est proportionnel au montant de ce
capital. Si ki est le capital avaneé dans la production d’une unité de (i), et (r) le taux de profit
annuel, le montant TI; de profit requis dans cette production est Th =r ki
1.4.3 Adam Smith et la monnaie
La théorie économique, en générale, considére la monnaie comme un intermédiaire des
&changes et que son usage n’affecte pas les principes qui réglent la valeur d’échange des
marchandises. Il s’agit d’une approche réelle qui dominera la pensée économique jusqu’a
Keynes. Mais l'approche réelle constitue une rupture avec l’approche monétaire des
mercantilistes mais elle n’apparait pas dans la pensée de Smith. Ce dernier s*est beaucoup
inspiré des physiocrates (croyance en un ordre naturel, rdle du capital dans la génération d’un
surplus, plaidoyer pour la liberté de commerce) et de David Hume (1752) qui a déclaré que
15« la monnaie n'est pas, & proprement parler, l'un des sujets du commerce ; mais seulement
Vinstrument sur lequel les hommes se sont accordés pour faciliter Uéchange des
marchandises entre elles. Ce n'est pas l'un des rouages du négoce, mais Uhuile qui rend le
mouvement des rouages plus facile et doux » (p.33). T1s*agit Pune conception instrumentale
de la monnaie qui est le corollaire d’une vision libérale de la société ot le marché joue un role
de régulateur. La monnaie est donc un simple voile qui habille les échanges et qu’il convient
«écarter pour analyser la réalité des phénoménes économiques. Adam Smith est done un des
initiateurs de la théorie quantitative de la monnaie approfondie par les monétatistes (Milton
Friedman). Par ailleurs, il n’a pas omis de
instrument monétaire a travers une suite d’innovation dans la technologie des échanges :
passage des biens comme monnaie (bétail ns séchés) au billet de banque en passant
par les métaux (fer) et les métaux précieux (or, argent). Adam Smith n’a également pas
manqué de critiquer la théorie du taux d’intérét développée par les mercantilistes, en
théorisant opposition entre les approches monétaire et réelle. Selon lui, un prét ne porte
qu’en apparence sur la monnaic, qui n’est en fait, comme dans l’échange marchand, qu'un
instrument. Le prét est en réalité du capital. A ce titre Smith a déclaré que: « de cette
maniére, on peut regarder un capital prété a intérét comme une délégation, faite par le
préteur 4 l'emprunteur, d'une portion quelconque du produit annuet [...]. Quoique argent,
soit papiers, soit espéces, serve en général d’instrument de délégation [...] il n’en est pas
moins tout fait distinct de la chose qu'on délégue par ce moyen » (p.442).
1.5 David Ricardo
1.5.1 Valeur, échange et prix chez Ricardo
David Ricardo est souvent identifié par rapport & Keynes notamment pour les
révolutions et les ruptures théoriques qu’ils ont opérées. Son principal ouvrage, publié en
1817, s‘intitule « principes de l'économie politique et de l'impot ». Cet ouvrage fait l’éloge du
commerce international et la principale conclusion est que chaque pays doit se spécialiser
dans la production des biens pour lesquels il a un avantage comparatif (cf, commerce
international),
Sur la théorie de la valeur, Ricardo a d’emblée rejeté la théorie de la valeur travail
(commandé) de Adam Smith. Selon Ricardo, « la valeur d’une marchandise, ou la quantité de
toute autre marchandise contre laquelle elle s’échange, dépend de la quantité relative de
travail nécessaire & sa production, et non de la plus ou moins grande rétribution versée pour
ce travail » (p.51). Pour définir la marchandise, Ricardo écrit : « ainsi, lorsque nous parlons
des marchandises, de leur valeur d’échange et des lois qui gouvernent leur prix relatif, nous
entendons toujours des marchandises dont la quantité peut étre accrue par Vindustrie de
Vhomme, et dont la production est soumise @ une concurrence sans entrave » (p.52). Cette
assertion rejoint d’une certaine maniére la loi dite de Lord Lauderdale qui stipule que le prix
d'une marchandise baisse en proportion de I’accroissement de leur quantité décidé par les
vendeurs, et augmente en proportion de impatience dont les acheteurs font preuve pour se
les procurer. Le prix n’est done pas tributaire de ce qu’on peut appeler valeur naturelle. C’est
en ce sens que Ricardo déclare : « en tant qu’elles possédent une utilité, les marchandises
tirens leur valeur d’échange de deux sources : leur rareté et la quantité de travail nécessaire
pour les obtenir » (p.52).
Ricardo prend le contre-pied d’Adam Smith et conteste ’invariabilité de la valeur travail. Il
considére que la valeur travail est influencée par le rapport entre Vofife et la demande qui
varie conformément & chaque changement de la condition de la société, et par la variation du
16prix de la nourriture et des autres biens nécessaires dans lesquels les salaires sont dépensés.
Ricardo rejette également ’idée que le prix des biens de subsistance dépend du salaire, selon
lui, « on ne peut donc & bon droit dire comme Adam Smith que puisque le travail peut acheter
tant6t une plus grande, tantot une moins grande quantité de biens, c’est la valeur des biens
qui varient et non la valeur du travail permettant de les acheter. Par contre ce sont les
quantités relatives de marchandises produites par le travail qui détermine leur valeur relative
présente ou passée, et non les quantités relatives de marchandises offertes au travailleur en
échange de son travail » (p.56).
Sur la valeur d’échange, la pensée de Ricardo peut étre résumée en ces termes
- la valeur d’échange d’une marchandise refléte sa difficulté de production, et il faut
pour la déterminer, prendre en compte les marchandises qui servent 2 la produire ;
~ cette difficulté de production est exprimée par la quantité de travail, directe et
indirecte, que cette production requiert.
1.5.2 Salaire, rente et profit chez Ricardo
Ricardo parle de rente différentielle 14 0 Smith détermine une rente absolue. La rente rente
est différentielle puisqu’elle est lige la fertilité des terres. Si les terres sont trés fertiles par
rapport a d'autres, le prix est le méme alors que la quantité de travail nécessaire est inférieure.
Ricardo signale que sur cette terre apparait done une différence qui échoit en définitive & son
propriétaire sous forme de rente. Ainsi :
- le taux de la rente varie selon la terre,
- la terre la moins fertile ne paie pas de rente,
Le prix de la marchandise, déterminé sur cette terre, ne comprend pas de rente.
Mais lapport de Ricardo porte aussi et essentiellement sur le réle de l'accumulation du
capital et c"est ce qui lui a permis d’aborder la macroéconomie et la théorie de la croissance,
Diailleurs, Ricardo a abordé la théorie du salaire selon une approche global basée sur le
revenu national. La masse des salaires dépend :
- de la quantité totale de travail employée dans l'économie (Lo)
~ du taux de salaire annuel par travailleur (w)
On peut done écrire
We wLo
Or ce travail total Lp comprend les profits II et la masse des salaires W, on peut écrire :
W+Il=Lo.
Finalement, on a : wLo + I = Lo doi IT = Lo (1-w). Done les profits varient en sens inverse
des salaires
Ricardo considere, comme la plupart des classiques, que la population active disponible
n’est pas a long terme un facteur limitatif de la production. Elle augmente en fonction de la
population totale, qui peut elle-méme s‘accroitre si les quantités produites de biens de
subsistance augmentent. Une accumulation de capital dans les branches des biens-salaire
permet done de susciter un accroissement de ma quantité totale de travail disponible dans
véconomie. On voit par li que Ricardo ne raisonne pas en termes de facteurs donnés de
production (méme pour Ie travail) comme Font fait plus tard les marginalistes.
Ricardo a par ailleurs été un des pionniers de la théorie des impacts du progrés
technique sur Pemploi. II considére que I’évolution du taux de profit est la résultante de deux
influences : celle de ’évolution du taux de salaire qui cause une baisse des profits et celle de
Pévolution de ’intensité capitalistique. Si K est le capital et L, Pemploi :
* _ si K/L décroit dans le temps (le progres technique est & forte intensité
en travail), ’évolution du taux de profit (r) est indéterminée.
* si K/L est constant ou croissant dans le temps (le progrés technique est
2 forte intensité en capital), le taux de profit (r) décroit.
La conclusion de Ricardo est que le taux de profit tend baisser et lorsqu’il tombe au
dessous du niveau jugé minimum par les capitaliste, 'accumulation du capital s’interrompt, et
avec elle la croissance des richesses. Il existe done dans la société une dynamique qui conduit
naturellement & une économie stationnaire ayant deux causes : une cause interne relative & la
aux lois de la production capitaliste et une autre cause externe relative 2 la décroissance de la
fertilité des terres. Cette demigre cause illustre la conception de Ricardo de la loi des
rendements décroissants qui est différente de celle des marginalistes. Ricardo considére des
terres 2 fertilité inégale alors que les marginalistes considérent des facteurs homogenes.
1.5.3 David Ricardo et la monnaie
La théorie économique, en générale, considére la monnaie comme un intermédiaire des
Echanges et que son usage n’affecte pas les principes qui réglent la valeur déchange des
marchandises. II s‘agit dune approche réelle qui dominera la pensée économique jusqu’a
Keynes. Mais l'approche réelle constitue une rupture avec l’approche monétaire des
mercantilistes mais elle n’apparait pas dans la pensée de Smith. Ce dernier s’est beaucoup
inspiré des physiocrates (croyance en un ordre naturel, rdle du capital dans la génération d’un
surplus, plaidoyer pour la liberté de commerce) et de David Hume (1752) qui a déclaré que :
« la monnaie n est pas, & proprement parler, l'un des sujets du commerce ; mais seulement
Vinstrument sur lequel les hommes se sont accordés pour faciliter l’échange des
marchandises entre elles. Ce n'est pas l'un des rouages du négoce, mais Vhuile qui rend le
mouvement des rouages plus facile et doux » (p.33). U1s°agit dune conception instrumentale
de la monnaie qui est le corollaire d’une vision libérale de la société od le marché joue un role
de régulateur. La monnaie est done un simple voile qui habille les échanges et qu’il convient
écarter pour analyser la réalité des phénoménes économiques. Adam Smith est done un des
initiateurs de la théorie quantitative de la monnaie approfondie par les monétaristes (Milton
Friedman). Par ailleurs, il n’a pas omis de signaler la dématérialisation progressive de
instrument monétaire & travers une suite d’ innovation dans la technologie des échanges : le
passage des biens comme monnaie (bétails, poisons séchés) au billet de banque en passant
par les métaux (fer) et les métaux précieux (or, argent). Adam Smith n’a également pas
manqué de critiquer la théorie du taux d’intérét développée par les mercantilistes, en
théorisant opposition entre les approches monétaire et réelle. Selon lui, un prét ne porte
quen apparence sur la monnaie, qui n’est en fait, comme dans l’échange marchand, qu'un
instrument. Le prét est en réalité du capital. A ce titre Smith a déclaré que: «de cette
maniére, on peut regarder un capital prété & intérét comme une délégation, faite par le
préteur @ Vemprunteur, d’une portion quelconque du produit annuel [...]. Quoique Vargent,
soit papiers, soit espéces, serve en général d’instrument de délégation [...] il n’en est pas
‘moins tout & fait distinct de la chose qu'on délégue par ce moyen » (p.442).
181.6 Karl Marx
1.6.1 Marx et la monnaie
11 importe de signaler d’emblée que, dans son ouvrage Le Capital publié en 1867, Marx s’est
beaucoup appesanti sur la théorie de la monnaie. Pour lui la monnaie est une marchandise et
que la théorie de la valeur s’y applique comme toute autre : « comme toute marchandise,
Vargeni ne peut exprimer sa propre quantité de valeur que, relativement dans d'autres
marchandises. Sa valeur propre est déterminée par le temps de travail nécessaire a sa
production, et s‘exprime dans le quantum de toute autre marchandise qui a exigé un travail
de méme durée. Cette fixation de sa quantité de valeur relative a lieu & la source méme de sa
production dans son premier échange. Dés qu’il entre dans la circulation comme monnaie, sa
valeur est donnée » (p.628). Cette position de Marx justifie sa notion de « ‘roc de l’or », pour
signifier le caractére marchand de lor : « pour fonctionner en qualité de monnaie, lor doit
naturellement se présenter sur le marché en un point quelconque. Il entre sur le marché dla
source méme de sa production, c'est-a-dire la oi il se troque comme produit immédiat du
travail contre un autre produit de méme valeur ».
Karl Marx définit la monnaie comme un équivalent général, c'est-d-dire une représentation
sociale unanimement acceptée. II d'une unité de compte qui fournit le langage commun dans
lequel les prix des marchandises doivent étre mesurés pour que leurs valeurs puisent
svexprimer lorsqu’elles entrent dans I’échange : « les marchandises se disent dans leurs noms
d’argent, ce qu’elles valent, et la monnaie sert comme monnaie de compte toutes les fois qu'il
S agit de fixer une chose comme valeur, et par conséquent sous forme de monnaie » (p.638).
Mais pour étre commun ce langage doit étre unique, ce qui exclut la coexistence de deux
unités de compte. Pour cela, Marx dira que «la fonction de mesure des valeurs est
incompatible avec sa duplication ».
1.6.2 Travail et création de valeur chez Marx.
Avant d’en arriver a la critique du capitalisme, Karl Marx a beaucoup analysé la eréation de la
valeur et sa répartition. Le travail et son traitement ont été le point focal de ses réflexions.
Poursuivant son analyse de la monnaie, Marx part de la distinction de la circulation des
marchandises et de la circulation du capital, la monnaie jouant une double fonction d’échange
et de capital, Chaque marchandise vendue procure de argent qui permet d’acquérir une autre
marchandise. C’est Ja circulation M-A-M (Marchandise — Argent- Marchandise) & laquelle
Marx oppose la circulation du capital dans laquelle la valeur se présente comme une
substance automatique, douée d’une vie propre. Selon une telle logique, la valeur se perpétue,
et les formes marchandises et argent qu’elle prend se servent qu’a cette perpétuation. La
forme argent ne disparait et son mouvement est A-M-A (Argent -Marchandise —Argent), cela
matérialise le retour de argent & son possesseur originel (commerce). A partir de ce
raisonnement, Marx s'est exercé 4 déterminer la valeur travail 4 partir de la valeur d*une
marchandise et de la plus-value. Si V; est la valeur d’une unité de marchandise i, ci le capital
constant consommé dans la production dune unité de i, vi le capital variable (cest-a-dire le
‘montant du salaire) avaneé dans I'achat de la force de travail dont usage produit une unité de
i, 1 la valeur créée par usage de cette force de travail, et pl; la plus-value créée dans cette
opération, les équations suivantes résument la détermination de la grandeur de valeur V;:
19Vis atk
Done, Vi= i+ vi + ph (E)
=vi+ phi
A partir de la Marx s’est inspiré de Frangois Quesnay en essayer de faire une représentation
dans un cadre global (macrogconomique) oi il distingue deux sections productives : la section
1 produit les moyens de production et la section 2 produit les biens de consommation. $i X; et
X2 sont les quantités de biens (supposés homogénes dans chaque section) produites
respectivement dans les sections 1 et 2, l'application de I"équation (E) donne pour la valeur
totale produite dans chacune d’elles
XiVi = Xier + Xivi + Xiph et X2V2= Xaex + Xova + Xophe
Les moyens de production produits par la section 1 (XV) sont en partie consommés dans la
section 1 (Xie1) et en partie dans la section 2 (X2e2). Les biens de consommation produits par
la section 2 (X2V2) sont en partie consommés parc les travailleurs et les capitalistes de la
section | (Xivi + Xiph) et en partie par ceux de la section 2 (X2v2 + Xepls). Marx considére
que la reproduction et la circulation du capital ont pour condition «un échange
déquivalents » entre les sections | et 2, soit :
Xoe2 = Xavi + Xiph
Une crise de reproduction provient de la non réalisation de cette condition. Ce qui peut se
produire dans une économie de marché oit les décisions de production dans les 2 sections ne
sont pas coordonnées. A partir de cela, on peut déja imaginer la rétention perpétuelle de
capital par les capitalistes sous forme de profit. En effet, la condition de reproduction -
circulation du capital est plus complexe et sa vérification est tr8s peu probable,
1.6.3 La critique du capitalisme
La contestation par Marx du capitalisme est née de l’approfondissement de sa conception de
la repartition et de la circulation du capital, ainsi que de influence du taux de profit
capitaliste sur les prix. Sir est le taux de profit, le prix P; d’un bien i est donnée par :
Pi= (ci + vi) (Ltr)
Ces prix sont supportés par les travailleurs dont la force de travail est done rémunérée en decd
de sa valeur du fait des profits. Ce cercle vicieux aboutit au creusement de l’écart social entre
les travailleurs (qui soufre satisfaire leurs besoins) et les capitalistes (qui accumulent de
plus en plus de capital). Le capital est donc une valeur qui s’auto-valorise selon le mouvement
A-M-A’ (A’>A). De méme que la marchandise ne sera source d’une plus value que sil sorte
de la circulation pour ensuite réapparaitre (A- M...M’- A’) ; (M’) intégrant la logique de la
plus-value. 11 s’agit d’une marchandise qui lorsqu’elle sort de la circulation, a le pouvoir de
créer des marchandises. Pour Marx, la force de travail est cette marchandise particuliére dont
échange puis la consommation permettent la eréation de la plus value. Selon cette logique,
les capitalistes avancent un capital dans achat des marchandises nécessaires 4 la produetion,
y compris la force de travail. Ce capital leur revient augmenté d’une plus value a la fin du
cycle, aprés la vente des marchandises produites entre capitalistes et aux travailleurs. Ce
mouvement A- M...M’- A’, qui définit le capital, spécifie également le capitaliste individuel
«c'est comme représentant, comme support conscient de ce mouvement que le possesseur
d’argent devient capitaliste. Sa personne, ou pluidt sa poche, est le point de départ de
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