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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Byzance

0. Introduction

« Byzance » désigne la ville antique qui a précédé Constantinople (appelée Istanbul depuis
1930) mais aussi l’ensemble de l’Empire byzantin. Le terme « byzantin » n’est pas un terme
contemporain de cet empire, il a été créé au 16e siècle par l’historien allemand Jérôme Wolf,
auteur du premier Corpus Byzantinæ Historiæ. Les byzantins appelaient leur empire « Empire
des Romains » et se considéraient comme des romains. Byzance est la continuité de l’Empire
romain en orient.
C’est en France que naît la byzantinologie en tant que discipline.
 Sous le règne de François 1er (1515-1547), un fonds grec se constitue à la bibliothèque
de Fontainebleau.
 Sous le règne de Louis XIV (1654-1715), lancement d’une collection d’éditions de
textes byzantins (Philippe Labbé, puis Charles du Fresne). En effet, cet empire où le
monarque règne en maître correspond parfaitement à son idéologie.
 Au théâtre, Pierre Corneille publie Héraclius en 1647.
L’Empire byzantin incarne la monarchie absolue, type de pouvoir contesté par les Lumières.
Certaines personnalités comme Voltaire ou Montesquieu vont même parler de « décadence
de l’Empire romain » pour désigner l’Empire byzantin.
La redécouverte de cet empire et de Constantinople se fera durant la seconde moitié du 19e
siècle par le biais de guides touristiques, de travaux de de restauration de la mosquée Sainte-
Sophie par les frères Fossati en 1847-49, d’un livre sur l’architecture byzantine publié par
Charles Texier (archéologue français) en 1864, ou encore par les livres L’art de bâtir chez les
Romains (1873) et L’art de bâtir chez les Byzantins (1883) d’Auguste Choisy.

A. Chronologie

Empire byzantin à l'époque protobyzantine

L’Empire byzantin se veut dans la continuité de l’empire romain. On prend généralement la


date de la fondation de Constantinople, le 11 mai 330 par l’empereur Constantin, pour

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marquer le début de l’Empire byzantin. Au départ, Constantinople a pour but d’épauler la ville
de Rome. En effet, ces villes faisaient partie d’une tétrarchie (empire gouverné par 4 capitales ;
2 en orient et 2 en occident). Elle n’est donc pas encore considérée comme capitale unique.
À la mort de Théodose 1er en 395, ses deux fils se partagent l’empire. Seule la partie orientale
se maintiendra après la chute de l’Empire romain (476).
La période allant du 4e au 6e siècle est considérée comme l’époque protobyzantine.
L’Empire byzantin et connaît son extension maximale au 6e siècle de notre ère, période
considérée comme l’âge d’or de cet empire, qui s’étend tout autour de la méditerranée.

Empire byzantin aux 7e - 9e siècles

À partir du 7e siècle, les Perses menacent la frontière orientale, les Slaves menacent la
frontière formée par le Danube et la conquête arabe fait perdre une bonne partie de ses
territoires à l’Empire.
Au 8e siècle se déroule la crise iconoclaste, lors de laquelle les icônes sont détruites et le culte
de celles-ci interdit. Les 7e et 8e siècles sont considérés comme les siècles obscurs de Byzance.
Le 10e siècle est considéré comme le second âge d’or de Byzance. L’Empire bulgare, qui
s’étend du Danube à la Grèce, est repris par l’empereur Basile II en 1018.

Empire byzantin au 12e siècle

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Au 12e siècle, les Turcs font des incursions et reprennent une partie de l’Asie Mineure. Byzance
perd également l’Italie suite à des attaques des Normands.

Empire byzantin au 13e siècle

En 1204 se déroule la 4e croisade, lors de laquelle les croisés décident de piller Constantinople
suite à une alliance aux vénitiens.
De 1204 à 1261, Constantinople est occupée par les latins. Pendant ce temps, des États grecs
byzantins se créent et une partie de l’Asie Mineure, autrefois byzantine, devient l’Empire de
Nicée. Les états byzantins entrent en concurrence pour essayer de récupérer leur capitale, ce
qu’ils arrivent à faire en 1261.
En 1453, date considérée comme la fin de l’empire byzantin, Constantinople est prise par les
Turcs ottomans. Au début, il y a une certaine tolérance et les monastères comme ceux du
mont Athos continuent à fonctionner. La langue grecque et l’écriture se maintiennent dans
ces monastères, qui deviennent des lieux de résistance/continuité de la culture byzantine. Les
monastères comme les monastères des météores se développent à partir du 15e siècle et sont
peints dans la tradition de ce qui se faisait à Byzance, on appelle cela l’art post-byzantin. 1453
ne marque donc pas la fin brutale de la culture byzantine.

B. Iconographie

➔ Portrait d’un fonctionnaire, Aphrodisias (Turquie), 5e s.


Date du début de la civilisation byzantine. Le regard fixe et l’attention
particulière portée aux cheveux et à la barbe sont des caractéristiques
de l’art byzantin. Sur le sommet du crâne de ce portrait, une inscription
en grec a été gravée, elle signifie « Christ né de Marie » « seigneur
vient-moi en aide ».

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➔ Mosaïque de la chasse, Apamée, 5e – 6e s.


Cette mosaïque se trouvait dans un complexe de la ville
d’Apamée (Syrie) qui appartenait sûrement au
gouverneur byzantin de la ville. Elle est datée de la fin du
5e siècle ou du début du 6e siècle. Des mosaïques
représentant des scènes de chasse similaires ont été
retrouvées dans le palais de Constantinople.

➔ Croix byzantine du Trésor de la cathédrale de Tournai, 8e s.


Cette croix date de la période iconoclaste (vers le 8e siècle). Elle a été
amenée en Belgique lors de la 4e croisade et a été offerte à la
cathédrale de Tournai par un chevalier en remerciement d’avoir
soutenu les croisés.

➔ Coupe en céramique, 10e s.


Cette coupe en céramique a été réalisée à l’aide de la
technique de la céramique vernissée ; les motifs ont
été gravés avant que la coupe ne soit recouverte de
vernis. Elle date du 10e siècle.

➔ Fines plaques en ivoire, 6e s.


Ces plaques en ivoire représentent les miracles du Christ. Il est
représenté imberbe (dans les périodes plus tardives, il sera
toujours représenté barbu). On peut le voir entre autres en train
de guérir un aveugle ou de ressusciter Lazare, sous les yeux d’un
apôtre étonné. Elle date du 6e siècle, l’âge d’or de Byzance.

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➔ Plaque en bronze, Déisis et saints militaires, 12e s.


Cette plaque en bronze représente le Christ barbu et avec les
cheveux longs, entouré de la vierge (déisis = prière) et de Saint
Jean-Baptiste qui intercèdent auprès de lui pour le genre
humain. Elle date du 12e siècle.

➔ Soie byzantine, 8e – 9e s.
Cette soie byzantine a été découverte en 1999 et date du 8 e ou 9e
siècle. Elle représente l’empereur à cheval accompagné d’un lion
qui tient un sceptre. Les figures florales qui se répètent dans le
médaillon sont des motifs que l’on retrouve chez les Perses
sassanides, cette soie est donc d’influence orientale. Le thème de
l’empereur à cheval est plutôt un thème romain, mais le médaillon
et les éléments végétaux sont d’influence orientale. Ce mélange
d’influences est caractéristique de l’art byzantin.

➔ Triptyque de Stavelot (1156-58)


Le triptyque de Stavelot contenait 2 reliquaires
byzantins. Il date d’avant la 4e croisade et représente
une scène de crucifixion (en haut) ainsi qu’une scène de
croix avec Constantin et Hélène (mère de l’empereur
Constantin, elle aurait découvert la vraie croix du Christ
à Jérusalem). Les reliquaires contenaient sûrement des
fragments de la « vraie » croix.

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➔ Icône en mosaïque de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul


de Chimay (1300-1350).
La présence de mosaïques miniatures est typique de l’art
byzantin du 14e siècle. Celle-ci représente le Christ nimbé (=
auréolé) avec une croix présente à l’intérieur du nimbe. Ses
cheveux et sa barbe sont blonds, une caractéristique qui fait
partie de l’iconographie du Christ où on le représente de
manière plus humaine pour le rendre plus proche des fidèles.
Cette icône a été offerte par le pape Sixte IV (1471-1484) à
Philippe de Croÿ (2e Comte de Chimay et ambassadeur des ducs
de Bourgogne) lors de son séjour à Rome en 1475

➔ Église royale Sainte-Marie, Schaerbeek, 1884.


Les influences byzantines se retrouvent jusqu’à aujourd’hui. Cette
église située à Schaerbeek a été construite dans un style néo-
byzantin, avec un plan central, une coupole,…

L’art byzantin peut paraître assez répétitif aux premiers abords. Quand on pense aux icônes,
c’est toujours les mêmes personnages, les mêmes traits, la même position,… tout cela est
voulu. Il y a une grande querelle, la crise iconoclaste, durant laquelle on s’interroge sur la
présence de l’image de culte (est-ce qu’on peut représenter le christ en image ?) et certains
empereurs refusent et pensent qu’on ne peut représenter que la croix. Au final, c’est la
présence de l’image qui va s’imposer en partie grâce à un argument ; comme le personnage
religieux a vraiment vécu sur terre, on peut le représenter (argument de l’incarnation), mais il
faut alors que l’image fasse référence à l’image authentique, celle qui a existé ; c’est pour cela
que les icônes sont très similaires. Ce sont ces images qui peuvent conduire les prières aux
monde céleste ; l’art permet l’accès au monde de l’au-delà.

C. Association entre état et église

L’art byzantin est un art essentiellement religieux, il y a donc une association assez étroite
entre l’état et l’église.

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Cette image provient de Ravenne, une ville byzantine importante. Elle date du 6e siècle et on
peut y voir l’empereur Justinien nimbé ; il est le représentant de Dieu sur terre. Il est habillé
de manière symbolique avec la chlamyde (cape) et ses habits sont pourpre, couleur associée
à l’empereur et au Christ. Il tient un plat pour recevoir le pain consacré à l’eucharistie. Il est
accompagné de Maximianus (l’évêque de la ville) ainsi que de soldats dont les boucliers
portent un monogramme (2 signes superposés) évoquant la victoire voulue par Dieu. Cette
image illustre parfaitement le lien entre état et église qui s’exerçait dans l’Empire byzantin ;
l’empereur va toujours soutenir le pouvoir religieux et inversement.

Cette mosaïque est située dans les tribunes de l’église Sainte-Sophie à Istanbul. Elle date du
11e siècle et représente le Christ entouré de l’empereur Constantin IX ainsi que de son épouse
Zoé, qualifiée d’Augusta (impératrice), les deux époux sont nimbés. Le Christ fait le signe de la
bénédiction de la main droite et tient dans sa main gauche le livre des évangiles et une croix
placée dans son nimbe souligne sa nature divine (ce qui n’est pas le cas dans le nimbe des
empereurs). Le couple lui présente une bourse de pièces ainsi qu’un document. C’est
sûrement une représentation des empereurs faisant un don à l’église Sainte-Sophie dans
laquelle se trouvait cette mosaïque.

1. De l’Antiquité tardive à la fin de la querelle iconoclaste


(4e au 9e s.)

A. Architecture et décor des édifices religieux

Au tout début, les chrétiens se réunissaient dans des maisons appartenant à des particuliers.
À partir du règne de l’empereur Constantin (première partie du 4e siècle), de grands édifices

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commencent à être construits pour le rassemblement des fidèles. On voit que l’empereur
décide de les bâtir à des endroits symboliques, comme à Saint-Jean de Latran.

Saint-Jean de Latran (Rome)

Saint-Jean de Latran a un plan basilical à 5 nefs avec un transept et une abside ; c’est ce plan
qui va se répandre à partir de ce moment-là.

,
Saint-Pierre (Rome) Église de la Nativité (Bethléem)

Constantin construit également Saint-Pierre à Rome, aussi sur un endroit symbolique (sur la
tombe de Pierre). Il est aussi responsable de la construction de l’église de la Nativité du Christ
à Bethléem, le Saint-Sépulcre à Jérusalem,… Tous ces bâtiments sont très imposants, souvent
précédés d’une cour ou d’un atrium. Le plan basilical est vraiment typique de cette période,
tout comme le plan circulaire.

Saint-Sépulcre (Jérusalem)

Le Saint-Sépulcre est un bâtiment qui combine un plan basilical et circulaire. Le plan circulaire
est l’aboutissement de la vénération des pèlerins ; c’est à l’intérieur de l’édifice circulaire que
se trouve la tombe du christ qui a été « redécouverte » par Constantin.
Constantin n’innove pas au niveau des formes architecturales, car ces premiers édifices
s’inspirent directement de l’antiquité ;

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 Le plan basilical se faisait déjà à Rome avec les basiliques romaines qui présentaient
un plan longitudinal qui se terminait par une abside où siégeaient les magistrats. Ce
plan s’inspire également des mithraeum, sanctuaires dédiés à la divinité Mithra, qui
comportaient également une nef qui se terminait par une abside dans laquelle se
trouvait le bas-relief de la divinité.
 Le plan circulaire était utilisé dans l’antiquité pour les mausolées, des édifices
funéraires typiques de l’antiquité.

i. Les édifices de plan basilical

À Constantinople, nous n’avons pas vraiment des vestiges d’églises conservés datant de
l’époque de Constantin. Constantin conçoit cette ville comme une 2e Rome, et ce qui
l’intéresse surtout est de l’aménager comme une résidence impériale, avec des places ornées
de statues le long de la rue principale (appelée Mésé, voie du milieu).

Saint-Jean de Stoudios (Constantinople)

Saint-Jean de Stoudios (Constantinople) Idem.

La plus ancienne église conservée à Constantinople date du 5e siècle, il s’agit de Saint-Jean de


Stoudios. Érigée en 463 par le sénateur Stoudios et dédiée à Saint-Jean-Baptiste, elle présente
un plan basilical. Ce plan se caractérise par plusieurs espaces qui se succèdent ;
 L’atrium : une grande cour (souvent avec une fontaine) entourée de colonnes
(portique) qui soutiennent un petit toit qui forme une galerie autour de cette cour.
 Le narthex : un espace de transition qui permet d’accéder à l’église proprement dite
par 3 ouvertures.
 L’église en elle-même avec la/les nefs et puis l’abside qui est généralement orientée à
l’est et qui a un espace semi-circulaire à l’intérieur et semi-hexagonal à l’extérieur du
bâtiment.

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Abside de l'église Saint-Jean de Stoudios (Constantinople)

Grâce à des fouilles, on a vu que le sanctuaire était composé au fond de plusieurs blocs, des
stylobates, sur lesquels il y avait de petites plaques maintenues par des éléments en métal ; il
s’agissait de la clôture du sanctuaire. On voit donc que le sanctuaire était déjà fermé à cette
époque-là, comme c’est toujours le cas aujourd’hui dans les églises orthodoxes où les icônes
sont cachées derrière une cloison.
Les synthronons sont des gradins qui permettaient au prêtre de s’assoir lors de la liturgie.
Chose plus rare, Saint-Jean de Stoudios comprenait une petite crypte en forme de croix, qui
contenait sans doute un reliquaire.
L’église comprenait également un étage de tribunes sur le bas-côté auquel on accédait par des
escaliers extérieurs. Au rez-de-chaussée, les colonnes supportent des architraves, alors que
sur les tribunes, les colonnes supportent des arcs : il y a donc un allègement au niveau
architectural du bas vers le haut.

Comparaisons avec l’Achiropite et Saint-Démétrios (Thessalonique)


On peut comparer Saint-Jean de Stoudios à 2 églises situées à Thessalonique qui datent aussi
du 5e siècle.

L'Achiropite (Thessalonique) Saint-Démétrios (Thessalonique)

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La première église est l’église de l’Achiropite (vient du grec « non-fait de la main de


l’homme », ce qui indique qu’elle abritait une icône miraculeuse). La deuxième est l’église
Saint-Démétrios, construite au 5e siècle mais détruite en 620 par un tremblent de terre puis
reconstruite sur le même plan. Les 3 édifices sont de plan basilical.

Dans l'ordre : chapiteaux de L'Achiropite, Saint-Jean de Stoudios et Saint-Démétrios

À l’Achiropite, on retrouve le même genre de chapiteaux qu’à Saint-Jean de Stoudios ; ce sont


des chapiteaux composite-ioniques, faits en marbre de l’île de Proconnèse près de
Constantinople. On retrouve également des chapiteaux composite-ioniques à Saint-
Démétrios.

ii. Les édifices de plan centré

Ces édifices peuvent être en forme d’octogone et recouverts d’une coupole, comme les
baptistères dont le plan reproduit la forme de la cuve baptismale, qui est octogonale.
Une mosaïque située à Ravenne et représente les saintes femmes au tombeau, qui découvrent
que le tombeau est vide. On remarque que le tombeau du christ est représenté en plan
circulaire, à la manière d’un mausolée antique.

Saints-Serge-et-Bacchus (Constantinople)

Église Saints-Serge-et-Bacchus (Constantinople)

À Constantinople se trouve une église de plan centré : Saints-Serge-et-Bacchus. En Turc, son


nom signifie « La petite Sainte-Sophie ».

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Icône représentant les saints Serge et Bacchus portant le maniakion, (Monastère Sainte-Catherine, Sinaï / Kiev)

Elle est dédiée aux saints Serge et Bacchus, qui sont représentés sur cette icône comme des
jumeaux. Ils sont bouclés avec un visage très blanc qui contrastent avec leurs yeux très
sombres. Ils sont vêtus de la chlamyde, une cape typique des vêtements des officiers romains,
retenue par une fibule. Serge et Bacchus étaient des officiers de l’armée romaine et sont
considérés comme des protecteurs de l’armée. Ils portent également une sorte de collier, le
maniakion, qui est un insigne militaire. Ces officiers étaient secrètement chrétiens et ont été
mis à mort par l’empereur romain Maximien en 304.
On sait que l’empereur Justinien vouait un culte particulier à ces saints, c’est pour cela qu’il
fait construire entre 527-536 cette église dédiée à ces martyrs.

Saints-Serge-et-Bacchus (Constantinople)

Elle est de plan octogonal et est surmontée d’une coupole soutenue par plusieurs piliers. Elle
présente une animation architecturale assez réussie avec une alternance d’espaces courbes
et rectilignes. Dans la partie inférieure, on retrouve des architraves alors que dans la partie
supérieure, celle des tribunes, on retrouve des arcs ; c’est de nouveau un allègement vers le
haut.

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Chapiteau corbeille

Les chapiteaux datent du 6e siècle et sont des chapiteaux de type corbeille, qui est une
création de l’empire byzantin. C’est un décor végétal percé, sculpté de manière ajourée,
comme de la dentelle de pierre, c’est typique du 6e siècle. Ces chapiteaux soutiennent
l’architrave qui est assez lourde et comporte plusieurs registres ; l’un comportant des
inscriptions (qui disent notamment que c’est Justinien qui a fait construire l’église) et un décor
végétal sculpté de manière ajourée qui peut faire penser à un décor antique (-> Byzance
reprend un vocabulaire ancien mais l’adapte).

Saint-Vital (Ravenne, Italie)

On peut comparer Saints-Serge-et-Bacchus à l’église Saint-Vital à Ravenne en Italie, qui est un


peu plus tardive ; elle a été commencée à partir de 530. La région de Ravenne est conquise en
540 par Justinien, qui va doter l’église de mosaïques très riches (détaillées plus tard dans le
cours).

Saint-Vital (gauche) et Saints-Serge-et-Bacchus (droite)

L’espace intérieur est similaire, avec le plan centré, l’alternance de lignes et de courbes, les
chapiteaux corbeille, les tribunes (sauf qu’à Saint-Vital il y a des arcs dans au rez-de-chaussée
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alors que c’est des architraves à Saints-Serge-et-Bacchus). Une autre différence est qu’il y a
du marbre qui recouvre les murs de Saint-Vital jusqu’aux parties hautes qui sont recouvertes
de mosaïques ; le fait de recouvrir les murs de plaques de marbre est véritablement une
esthétique qui vient de Constantinople.
Quand on parle de Saint-Vital, il faut aussi parler d’Aix-la-Chapelle, même si c’est bien plus
tardif. Cette chapelle a été dédiée vers 800 par Charlemagne à la Vierge. Une lettre nous
indique que Charlemagne a séjourné à Ravenne en 787 et a obtenu l’autorisation de ramener
des mosaïques et des éléments de marbre de Ravenne à Aix-la-Chapelle.

iii. Le martyrion à plan centré : Saint-Syméon à Qal’at Sem’an

Nous retournons à la fin du 5e siècle pour parler de cette église construite au nord de la Syrie
dans la région du massif calcaire.
Saint-Syméon était un saint Stylite ; il a passé toute sa vie en ermite au sommet d’une colonne.
D’après les sources, on dit que sa colonne mesurait 16 mètres de haut et qu’il l’a occupée
jusqu’à sa mort en 459. Son corps a été transféré à Antioche dans un édifice construit
spécifiquement pour, mais la colonne va continuer à attirer des pèlerins, et un culte lié à
Syméon va donc se développer autour.

Saint-Syméon (Qal'at Sem'an, Syrie)

Un édifice octogonal va donc être construit autour de la colonne. De cet octogone partent 4
basiliques à 3 nefs. L’église proprement dite est située à l’est. Le lieu devient un complexe
entier avec une clôture, un monastère, une voie sacrée qui menait à l’entrée, un baptistère,
des « hôtels », un porche monumental,…

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iv. Les édifices de plan basilical à coupole

Ce type d’édifices est la création byzantine par excellence. Deux églises à Constantinople
présentent ce plan basilical à coupole : l’église Sainte-Sophie et l’église Sainte-Irène. Elles sont
liées au Christ ; Sophie en grec veut dire « sagesse », elle est donc dédiée à la sagesse de dieu,
et Irène veut dire « paix » et est donc dédiée à la paix de dieu.

Sainte-Sophie (Constantinople)

Sainte-Sophie (Constantinople)

L’édifice que nous voyons aujourd’hui recouvre la première cathédrale de Constantinople, qui
était de plan basilical sans coupole avec 5 nefs, un atrium, un narthex,… qui a été construite
vers 360 et a été détruite lors d’une guerre civile en 532 appelée la sédition Nika. Après avoir
maté la révolution, Justinien décide de construire un édifice qui surpassera en splendeur tous
les édifices précédents. Pour cela, il fait appel à deux architectes originaires d’Asie Mineure,
Anthémius de Tralles et Isidore de Milet.

Sainte-Sophie (Constantinople)

L’église qu’ils construiront à partir de 532 combine le plan basilical et le plan centré et adopte
le plan basilical à coupole. L’atrium menait à la fois à un narthex extérieur et un narthex
intérieur ; on parle respectivement d’exonarthex et d’esonarthex. On remarque que la
coupole est épaulée par une demi-coupole à l’ouest.
Ce n’est pas un hasard si un tel monument est érigé sous le règne de Justinien : à cette époque,
les frontières de l’empire byzantin se superposent à peu de choses près aux frontières de

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l’ancien empire romain. On parle de l’âge d’or de Justinien. Avec le commerce, l’empire
s’enrichit très vite et le christianisme est assez bien établi (même s’il reste quelques hérésies).
C’est à cette période que Justinien entreprend une compilation et une codification des
anciennes lois romaines, c’est ce qu’on appelle Le Code Justinien.
Sainte-Sophie est un édifice splendide qui ne sera jamais égalé durant l’empire byzantin, il
faudra attendre le 16e siècle pour cela, avec le sultan Soliman le magnifique qui fera construire
la Süleymaniye, qui prend Sainte-Sophie comme modèle architectural.

Sainte-Sophie (Constantinople)

Ce plan est très ingénieux et tout à fait original pour l’époque. Il est composé d’un atrium, de
l’exonarthex et du narthex, d’une coupole placée au-dessus de la nef centrale. Elle est
soutenue par 4 énormes piliers et épaulée par des demi-coupoles à l’ouest et à l’est, qui sont
elle-même soutenues par des conques et des exèdres.

Pendentifs

Entre les énormes piliers et la coupole se trouve ce qu’on appelle des pendentifs, on parle de
coupole sur pendentifs. Ce sont des triangles sphériques qui permettent de passer du plan
carré au plan circulaire.

L’intérieur est animé par un jeu de lumière exceptionnel, 40 fenêtres sont percées dans le
tambour de la coupole, ainsi que dans la conque de l’abside, dans les tribunes,… Le luxe est

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très présent : les murs et les sols sont recouverts de plaquages de marbre de différentes
couleurs et les colonnes sont en marbre vert. On remarque la présente de chapiteaux
composite-ioniques, qui présentent un type qu’on ne retrouve qu’à Sainte-Sophie, il y a
vraiment une volonté de faire un édifice unique. Sur les chapiteaux, on peut voir des
monogrammes (lettres qui se superposent) au nom de Justinien, de Théodora,…
Grâce à un texte décrivant l’église écrit par Paul le Silenciaire, un proche de Justinien, lors de
l’inauguration de l’église en 563, on sait qu’il y avait un ambon, une chaire à prêcher, constitué
d’une plateforme à laquelle on accédait par un escalier au sommet duquel on lisait les textes
liturgiques. Il précise que cet ambon était entouré de colonnes.

Sainte-Irène (Constantinople)

Sainte-Irène (Constantinople)

Sainte-Irène est située à proximité de Sainte-Sophie. Les deux églises étaient entretenues par
le complexe du patriarcat : le chef de l’Église de Constantinople était le patriarche, il s’occupait
des affaires ecclésiastiques de la ville. Il y avait en tout 5 patriarches dans l’empire byzantin, à
Constantinople, Rome, Antioche, Alexandrie et Jérusalem. Sainte-Sophie était aussi l’église de
l’empereur, car c’est là que se déroulaient toutes les cérémonies impériales, alors que Sainte-
Irène était vraiment dédiée au patriarcat.

Sainte-Irène (Constantinople)

Sainte-Irène est aussi à plan basilical à coupole et est construite en briques et en pierres. On
voit bien l’alternance de rangées de briques et de moellons calcaire, c’est une technique qu’on

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rencontre souvent pour l’édification des églises, qu’on appelle opus mixtum, on la retrouve
par exemple à Saint-Jean de Stoudios.
Le plan se compose d’un atrium et du narthex (pas présents sur le plan), de 3 nefs avec une
coupole sur pendentifs soutenue par 4 piliers au-dessus de la nef centrale. Le plan est une
version simplifiée de celui de Sainte-Sophie.

Sainte-Irène (Constantinople)

Elle a été construite un peu après Sainte-Sophie, vers 535, et sera endommagée par un
tremblement de terre en 740, ce qui entraînera une reconstruction d’une partie de l’église.
 En 740, nous sommes en pleine crise iconoclaste, qui se caractérise par le
remplacement de l’image du christ par une simple croix : le cul-de-four de l’abside
reconstruire n’est plus décoré d’images mais d’une simple croix qui se détache sur un
fond doré.

La crise iconoclaste et Sainte-Sophie à Thessalonique


Pour évoquer l’église suivante, il est important de parler du contexte dans lequel elle a été
construite, qui change à partir du 7e siècle.
 Au 6e siècle, à partir de 542, se déroule la grande peste de Justinien, qui perdurera
jusqu’au 8e siècle sous forme de vagues (9 au total). Cette épidémie va fort affaiblir
Constantinople et l’empire en général.
 À la fin du 6e siècle, les Slaves pénètrent dans les Balkans, et les Perses puis les Arabes
prennent les parties orientales de l’empire (qui étaient les plus riches).

À partir du 7e siècle, l’empire est donc dans une période difficile, et en 726 démarre la crise
iconoclaste, avec plusieurs étapes.
 Elle démarre en 726 lorsque l’empereur Léon III fait enlever la représentation du christ
qui surmontait la porte du vestibule de l’entrée principale du palais de Constantinople
et la fait remplacer par une croix. L’empereur et plusieurs membres de la cour
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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

jugeaient que la vénération croissante portée aux images, auxquelles on prêtait des
qualités magiques, relevait de l’idolâtrie.
 En 754, Constantin V, le fils de Léon III, fait de l’iconoclasme la doctrine religieuse de
l’Empire lors du Concile de Hiéreia. Ce concile interdit la fabrication des icônes, qualifie
le culte de celles-ci d’idolâtre et des châtiments sont infligés aux moines qui les
vénèrent.
 En 787, l’impératrice Irène convoque le Concile de Nicée II et annule les décisions du
précédent Concile, l’accusation d’idolâtrie est écartée. Les arguments sont que le culte
rendu à l’icône serait directement rendu au modèle, et que comme le christ a vraiment
vécu sur terre, on a le droit de le représenter.
 En 815, l’empereur Léon V revient à l’iconoclasme et annule les décisions du Concile
de Nicée II.
 C’est Théodora, la fille de l’empereur Théophile qui, à la mort de son père, va décider
du rétablissement du culte des icônes en 843 ; on parle du triomphe de l’orthodoxie.

Sainte-Sophie (Thessalonique)

Sainte-Sophie est une église qui a été construite en 783 à Thessalonique pour
commémorer la victoire des Byzantins contre les Slaves en Grèce.

Sainte-Sophie (Thessalonique)

Elle a un plan basilical à coupole, mais elle apporte des nouveautés : l’apparition de 4
voûtes en berceau qui épaulent la coupole. Le plan est moins allongé et on y distingue une

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

croix, ce qui annonce l’architecture médiévale byzantine. La zone du sanctuaire est plus
développée, avec une abside centrale ainsi qu’une au nord et une au sud.

À l’intérieur, on peut voir des tribunes et une alternance de piliers et de colonnes au rez-
de-chaussée. Il y avait des mosaïques, notamment deux panneaux dans la voûte qui
précède le sanctuaire, où sont représentés les monogrammes d’Irène ainsi qu’un décor
iconoclaste composé de croix et de feuilles de vignes. Cette église a été un peu avant
qu’Irène rétablisse temporairement le culte des icônes.

Dans cette église, on peut également voir une mosaïque dans la coupole qui représente
l’ascension du christ. Le christ est situé au centre, porté par deux anges. Autour d’eux se
trouvent la vierge ainsi que tous les apôtres. Le tout est place sur un fond doré. Une
inscription permet de dater la mosaïque : vers 885, après la période iconoclaste donc.
Dans le cul-de-four de l’abside se trouve une représentation de la vierge à l’enfant dont
nous ne sommes pas certains de la datation, mais si on regarde bien, on peut voir qu’elle
recouvre une représentation de croix qui était placée à cet endroit avant.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

v. L’essor de la technique de la mosaïque et la place des thèmes


iconographiques

La technique de la mosaïque est connue depuis l’époque hellénistique ; elle se développe à


Rome et continue à se développer plus tard à l’époque chrétienne
On en distique 3 types :
- Les mosaïques de parement, surtout dans les églises et les basiliques.
- Les mosaïques murales ou pariétales (de paroi), c’est surtout de celles-là qu’on va
parler.
- Les mosaïques portatives.

Les grandes lignes de la composition générales sont tracées sur un enduit frais dans lequel
sont enfoncés des cubes multicolores pour former des compositions particulières. Les carrés
sont des tesselles de verre qui sont colorées par des oxydes métalliques (qui donnent des
couleur vertes, bleues,…). Certains de ces cubes sont dorés à la feuille d’or pour créer les fonds
dorés qui caractérisent l’art byzantin.
La dimension des cubes est inégale, cela donne un effet esthétique particulier qui va jouer
avec la lumière et donner vie aux décors.
La mosaïque est aussi appelée opus musivum ; c’est une technique répandue à Rome qui
désignait les mosaïques des parois et des voûtes des grottes artificielles ou naturelles
consacrées aux muses (d’où le nom).

Rome : Mausolée de Constantina et église Sainte-Marie-Majeure

Mausolée de Constantina (Rome)

Le mausolée de Constantina ou de Sainte-Constance (Rome) est un mausolée dédié à la fille


de l’empereur Constantin, fondateur de Constantinople. L’édifice a un plan centré surmonté
d’une coupole.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Mausolée de Constantina (Rome)

Les mosaïques qui ornent l’intérieur s’adaptent parfaitement aux voûtes en berceau du
déambulatoire (couloir autour de la coupole). Ce décor est daté du milieu du 4e siècle. La
tradition païenne est perceptible, on trouve des motifs qui sont assez répandus dans
l’antiquité (grenade, palmiers, cruches en argent,…), comme une représentation de femme
qui fait penser à une ménade/bacchante (prêtresse de Dionysos). Il y a peu de motifs
chrétiens.
On retrouve également des portraits de la défunte, et la coupole était ornée de scènes
bibliques liées au salut. C’est un exemple parfait de la persistance de la tradition de l’antiquité
et de la continuité avec l’héritage antique.

Sainte-Marie Majeure (Rome)

Sainte-Marie Majeure, toujours à Rome, est une église décorée sur ordre du pape Sixte III
(432-440) au 5e siècle.
C’est une église de plan basilical, et dans la nef principale se trouvent des panneaux en
mosaïques avec des scènes de la vie d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. De l’autre côté, des
scènes de la vie de Moïse et de Josué. (-> Ancien Testament)
Ce qui est intéressant, c’est que ces images constituent des équivalents visuels des saintes
écritures (-> paroles de Dieu traduites en image). On a ici le premier cycle iconographique, on
raconte l’histoire de ces grands patriarches., c’est le caractère narratif qui est intéressant. Elles

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

sont agencées de manière chronologique à partir du sanctuaire. Ces mosaïques étaient peut-
être inspirées de modèles venant de Constantinople.

Sainte-Marie Majeure (Rome) - Apparition au chêne de Mambré

Cette mosaïque représente l’apparition au chêne de Mambré, une scène de la Genèse. Le


caractère narratif se distingue d’emblée car l’image est divisée en 2 registres.
Abraham est représenté 3 fois ; en haut, il va à la rencontre de 3 anges. En bas, il donne des
instructions à sa femme Sarah et on le voit également apporter aux anges des plats préparés
par sa femme pour les accueillir. C’est un moment important car c’est là qu’il va apprendre
qu’il va avoir une descendance même si son épouse était déjà très âgée.

Sainte-Marie Majeure (Rome) - Moïse et la fille du Pharaon

De l’autre côté de la nef, on peut voir la représentation de Moïse avec la fille du pharaon,
vêtue comme une princesse byzantine. Elle accueille Moïse qui est vêtu à la mode
aristocratique. On peut voir l’influence de Byzance dans la richesse, les vêtements, les
couleurs, la variété des coloris,…

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Sainte-Marie Majeure (Rome) - Passage de la mer Rouge

Ce panneau représente le passage de la mer Rouge. La composition est très qualitative, avec
Moïse et son peuple qui le suit alors que les Égyptiens se noient. Le caractère narratif est assez
prononcé et l’image est presque en mouvement.

Sainte-Marie Majeure (Rome)

À Sainte-Marie Majeure, on retrouve aussi un arc triomphal décoré de beaucoup d’images qui
ne sont pas séparées par des lignes, comme si le décor était continu. Les mosaïques de l’arc
triomphal datent du 5e siècle (celles de l’abside sont plus récentes) et représentent la vie du
Christ.

Sainte-Marie Majeure (Rome)

Du côté gauche, on voit la vierge représentée comme une impératrice byzantine (couronne,
collier) qui est en train de filer la laine pourpre ; cela fait référence à un texte apocryphe
(évangiles pas reconnus par les canons de l’église). Elle est entourée d’anges et l’archange

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Gabriel vient lui annoncer qu’elle attend un enfant. Le Saint-Esprit est symbolisé par une
colombe. En-dessous, l’enfant Jésus est représenté sur un trône et les rois mages lui apportent
leurs cadeaux. Il y a 2 personnages inconnus dont on pense qu’ils sont des personnifications
de l’ancien et du nouveau testament (personnifications = héritage antique).

Ravenne : Mausolée de Galla Placidia, Baptistère des Orthodoxes, Baptistère des


Ariens, Saint-Vital, Saint-Apollinaire-le-Neuf, Saint-Apollinaire-in-Classe

En rose sur cette carte est représenté le territoire autour de Ravenne qu’on appelle l’Exarchat
de Ravenne. C’est une circonscription administrative qui englobe la ville et qui va être
administrée par des byzantins. Là-bas, nous aurons une influence byzantine particulière.
Repères historiques :
 En 395, Théodose 1er meurt et l’empire est partagé entre ses 2 fils (Honorius et
Arcadius). Même avec ce partage, l’empire est toujours conçu comme une entité
unique. Galla Placidia est la fille de Théodose 1er et la mère de l’empereur Valentinien
III.
 En 402, Ravenne est élevée au rang de capitale de l’empire romain d’occident.
 En 424, Galla Placidia prend la direction de l’empire au nom de son fils après la mort
d’Honorius.

Galla Placidia fait frapper des pièces à son effigie. Elle y est vêtue à l’antique et au dos se
trouve une victoire ailée vêtue à l’antique et tenant une grande croix. C’est une monnaie
frappée dans un atelier de Constantinople.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Mausolée de Galla Placidia (Ravenne)

Le mausolée de Galla Placidia est situé à Ravenne, à l’extrémité d’une église dédiée à la sainte
croix. L’édifice a un plan en croix et sa façade est scandée par des arcs aveugles (sans fenêtres).
Il date du 5e siècle.

Mausolée de Galla Placidia (Ravenne)

Sous le petit toit central, il y a une coupole ornée de mosaïques très bien conservées avec au
centre une grande croix dorée sur un ciel étoilé. Dans les 4 pendentifs de la coupole sont
représentés les évangélistes tétramorphes (sous leur forme animale : Marc = lion ailé, Jean =
aigle, Matthieu = homme ailé, Luc = taureau ailé). En dessous se trouvent des personnages
vêtus à l’antique (peut-être des prophètes).

Mausolée de Galla Placidia (Ravenne) - Saint-Laurent se dirigeant au martyr

Il y a 4 voûtes en berceau et des lunettes d’arc. Dans l’une d’entre elles, on peut voir la
représentation de Saint-Laurent qui se dirige fièrement vers son martyre (un brasier) avec une

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

grande croix, en étant nimbé et vêtu à l’antique. Dans sa main gauche, il tient un livre qu’on
associe aux évangiles. Sur le côté se trouve une armoire avec des livres inscrits des noms des
4 évangiles.

Mausolée de Galla Placidia (Ravenne) – Christ en bon berger

Dans une autre lunette d’arc, on peut voir une représentation symbolique qui fait référence à
des passages de la bible (« Je suis le bon berger, le bon berger donne sa vie pour ses brebis »).
La scène représente un personnage entouré de brebis qui porte une longue tunique dorée et
un manteau de couleur pourpre (couleur associé à l’empereur ou au christ). Il est nimbé et
tient une grande croix dorée ; c’est le christ représenté sous la forme du bon pasteur. On
retrouve déjà ce motif du berger dans l’antiquité, comme avec le moscophore, datant du 5e
siècle avant JC (sauf qu’il s’agit là d’un veau).

Mausolée de Galla Placidia (Ravenne)

Les deux autres lunettes d’arc comportent les mêmes représentations ; des biches près d’un
point d’eau. Cette scène fait référence à un passage de la bible (« Comme la biche est haletante
après le cours d’eau, ainsi mon âme est haletante après Toi, Seigneur ! »). Les rinceaux
(éléments circulaires, souvent des feuilles d’acanthe) se déploient et sont beaucoup plus
grands que les animaux eux-mêmes. Ce décor qui ne respecte pas les tailles réelles est peut-
être une évocation de l’au-delà.

Chronologie de Ravenne après Galla Placidia :


 En 476, le roi barbare Odoacre fait tomber l’empire romain d’occident et s’empare de
Ravenne. Théodoric, roi des Ostrogoths et arien, va conquérir Ravenne après 3 ans de
siège.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

 En 540, le grand général de Justinien, Bélisaire, conquiert Ravenne. On aura donc des
influences byzantines assez importantes à partir de ce moment-là.
 Création de l’Exarchat de Ravenne (circonscription administrative comprenant les
territoires byzantins en Italie entre les 6e et 8e s.
 En 751, la ville devient lombarde. C’est la fin de l’influence byzantine à Ravenne.
Plusieurs doctrines se développent au début du christianisme, c’est le cas de l’aryanisme. Elle
est promue par Arius, un prêtre d’Alexandrie (Égypte), qui nie l’égalité des 3 entités de la
trinité et les considère comme hiérarchisée. Jésus est considéré comme inférieur à Dieu. En
325, Constantin convoque le Concile de Nicée et condamne cette doctrine et proclame la
parfaite égalité du Fils, du Père et du Saint-Esprit.

Baptistère des Orthodoxes (Ravenne)

Le baptistère des Orthodoxes (ou Néonien) est un baptistère de plan octogonal avec coupole.
L’extérieur est construit en briques et est pourvu d’arches aveugles (typique de l’architecture
de cette époque à Ravenne). Il se situe à côté de la cathédrale de Ravenne et a été bâti au
milieu du 5e siècle (les byzantins n’ont pas encore conquis la ville).

Baptistère des Orthodoxes (Ravenne)

Il comporte un somptueux décor de stuc, de marbre, et de mosaïque, le tout réparti en 3


registres et la cuve baptismale est de forme octogonale, comme le bâtiment.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Baptistère des Orthodoxes (Ravenne) – Baptême du Christ

La coupole est décorée de mosaïques représentant la scène du baptême du christ par Saint-
Jean-Baptiste. L’intervention du Saint-Esprit est symbolisée par une colombe qui descend des
cieux. Un personnage personnifie le fleuve Jourdain (personnification : influence de
l’antiquité) et fait penser aux représentations de Dionysos ou de Poséidon.
Tout autour de la scène, nous pouvons voir les apôtres vêtus à l’antique. Ils sont séparés par
des éléments végétaux dorés. Ils tiennent tous une couronne qu’ils ne touchent pas avec leurs
mains mais avec leurs vêtements (signe des respect), cela signifie qu’ils sont les élus de dieu.

Baptistère des Orthodoxes (Ravenne)

Dans un autre registre, on peut voir des décors en stuc qui ont des influences de l’antiquité,
de par la coquille ou les chapiteaux à volutes ioniques par exemple mais aussi de l’orient de
par les deux bouquetins.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Baptistère des Ariens (Ravenne)

Le baptistère des Ariens est le deuxième baptistère situé à Ravenne. Il date du 6e siècle. Il a
un plan central de forme octogonale avec 4 absides dont une un peu plus grande à l’est.

Baptistère des Ariens (Ravenne) - Baptême du Christ

La coupole est décorée de manière similaire à la précédente avec une mosaïque représentant
le baptême du christ entouré des apôtres. Le christ est ici imberbe et paraît plus jeune (en lien
avec ce que pensent les ariens). La personnification du fleuve Jourdain est beaucoup plus
imposante et tient un roseau dans ses mains.
Tout autour, les apôtres sont représentés à l’antique et tiennent la couronne. Ils sont tous
dirigés vers un trône, c’est une évocation d’un passage de la bible où il est dit que le seigneur
a placé son trône dans les cieux. Le seigneur est symbolisé par une croix incrustée de pierres
précieuses posée sur un coussin de couleur pourpre. Le luxe évoque le sacré.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Vital (Ravenne)

L’église Saint-Vital à Ravenne est un édifice de plan octogonal (on a parlé de son architecture
aux pages 13-14, on va maintenant parler de son décor). La seule partie de l’église décorée de
mosaïques figurées est le chœur/sanctuaire, la partie la plus sacrée.

Saint-Vital (Ravenne)

Sur le cul-de-four de l’abside se trouve une image représentant le christ. En-dessous, deux
panneaux avec la représentation de Justinien et l’évêque Maximien (dont on a déjà parlé à la
page 7) en face d’une représentation de sa femme, Théodora. Il y a également un arc
triomphal et à l’avant, une voûte d’arrête avec une représentation du christ sous la forme d’un
agneau nimbé et 2 images de l’ancien testament qui font référence au sacrifice eucharistique.

Saint-Vital (Ravenne)

Cette mosaïque est donc placée sur le cul-de-four de l’abside. Le christ est vêtu d’une tunique
pourpre et dorée et un nimbe cruciforme et perlé entoure sa tête. Il tient une couronne qu’il
donne à Saint-Vital, le patron de l’église, qui s’apprête à la recevoir avec ses mains couvertes
de sa chlamyde. Deux anges sont de part et d’autre du christ. À droite, l’évêque Écclésius

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

apporte une petite maquette de l’église, ce qui signale qu’il en est le donateur. L’église a en
effet été commencée sous cet évêque, un peu avant 540. Le fond est doré et il y a des petits
éléments végétaux (herbe et fleurs) sur la partie inférieure (typique des mosaïques de
Ravenne). Le christ est assis sur une sphère, qu’il faut interpréter comme étant un symbole
cosmique.

Saint-Vital (Ravenne)

Dans la voûte, nous avons la représentation du christ sous la forme d’un agneau avec des
anges qui soutiennent la couronne qui l’entoure. Il n’y a pas de volonté de représenter les
choses de manière réaliste (notamment au niveau des proportions) afin de signaler que l’on
se trouve dans l’au-delà. À partir du 7e siècle, on ne pourra plus représenter le christ sous la
forme d’un agneau.

Saint-Vital (Ravenne)

Les deux panneaux situés dans l’abside en dessous de la représentation du christ représentent
à gauche l’empereur Justinien et à droite son épouse Théodora.
Justinien est représenté avec une chlamyde pourpre et est nimbé. Il tient une patène (plat
destiné à recevoir l’Ostie) et est accompagné de Maximianus, l’évêque de Ravenne, qui tient
une croix (pouvoir politique et religieux sont côte à côte).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Sur la droite, Théodora, la femme de justinien, est nimbée, habillée en pourpre et offre un
calice (récipient du sang du christ). En bas de sa chlamyde, 3 personnages évoquent les rois
mages. Elle est entourée d’une série de dames de sa cour. D’un côté, il y a des femmes aux
traits très fins et de l’autre, des femmes aux traits moins fins et assez similaires ; c’est peut-
être parce que l’on a voulu distinguer certaines personnes. L’empereur et l’impératrice ont le
droit d’occuper l’espace sacré du christ, mais sont tout de même au-dessous. Ces panneaux
sont attribués à la conquête byzantine de Ravenne en 540.

Saint-Vital (Ravenne)

À côté des fenêtres près de la coupole se trouvent des représentations des évangélistes en
train d’écrire leurs évangiles.

Saint-Vital (Ravenne)

À la partie inférieure, deux scènes se répondent ; d’un côté, l’offrande d’Abel et Melchisédech,
qui fait référence à un passage de la Genèse : Abel est considéré comme la première victime

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

et offre un agneau en sacrifice. Melchisédech était un prêtre important à Jérusalem. Une


présence divine est représentée par une main qui descend du ciel. Ils font une offrande sur un
autel qui est très grand par rapport à eux.
De l’autre côté, encore un thème qui évoque l’accueil et l’offrande : Abraham offre un repas
aux 3 anges qui lui annoncent qu’il va avoir un fils et qui lui demandent en même temps de
sacrifier son fils unique. Ces passages bibliques font écho à la prière eucharistique.
 « Daignez jeter sur ces offrandes un regard favorable et avec bienveillance, accepter ce Saint
Sacrifice, cette Hostie immaculée, comme Vous avez daigné accepter l'offrande de Votre fils,
Abel le juste, le sacrifice de notre Patriarche Abraham et celui que Vous offrit Votre grand-
prêtre Melchisedech » (extrait de la prière eucharistique) tout cela dénote d’une grande
connaissance des écritures, c’est un programme très réfléchi.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

L’église Saint-Appolinaire le Neuf à Ravenne est une église dédiée à Jésus et construite par
Théodorique dans le premier quart du 6e siècle (mais le clocher date de l’an 1000). Agnéllus,
l’évêque de Ravenne, consacre l’église à Saint-Martin en 561. Le nom Saint-Appolinaire le Neuf
vient au 9e siècle, au moment où les ossements du premier évêque de Ravenne, Saint-
Appolinaire, vont être transportés dans cette église pour les protéger des invasions dans le
port près duquel ils se trouvaient. On peut rapprocher cette église de Sainte-Marie majeure,
notamment au niveau de la présence de cycles.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

Le décor de du sanctuaire a totalement disparu, mais la nef centrale est décorée de 2 cortèges,
un d’hommes et un de femmes. Des fenêtres éclairent l’église et des panneaux en mosaïque
se trouvent au-dessus de ces fenêtres.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

Dans les cortèges, le christ est situé près de l’espace le plus sacré de l’église. Il tient un objet
rouge assez étrange (on pense que c’est une erreur des restaurateurs) qu’il bénit de la main
droite. Le cortège des martyrs est dirigé par Saint-Martin et se dirige vers le christ (Saint-
Martin est sûrement un ajout après que l’église ait été dédiée à ce saint).

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

L’église est située tout près du palais de Théodorique, il y a donc des représentations qui
évoquent ce palais dans la nef. Si on regarde bien, on observe des éléments (comme des
mains) qui restent sur les colonnes, on peut donc déduire qu’il y avait des personnages
représentés entre ces colonnes, mais dont on a effacé la mémoire lorsque l’église a été
consacré au culte orthodoxe, puisque ces personnages étaient ariens (Théodorique et sa cour
étaient ariens).

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

En face, on peut voir une procession de saintes qui sont toutes nommées par des inscriptions
en latin et représentées de la même manière, assez luxueuse. Elles portent une tunique

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

blanche recouverte d’un vêtement doré incrusté de pierres précieuses, un voile retenu par un
diadème posé sur leur chignon, et elles sont nimbées et tiennent la couronne de leurs martyrs.
Cette manière de représenter les saintes de manière luxueuse ne se retrouve pas dans la
partie orientale de l’empire mais plutôt dans la partie occidentale.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne)

Ces saintes se dirigent vers la vierge à l’enfant qui est assise sur un trône accompagné d’anges
et des trois rois mages qui portent des capes en velours.

Dans la partie supérieure de la nef centrale, on retrouve des scènes de la vie du christ en
mosaïques. D’un côté, nous avons des représentations des miracles et de l’autre des
représentations de la passion du christ.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne) – Résurrection de Lazare

Cette scène représente la résurrection de Lazare. Le christ mis en évidence ; il est représenté
plus grand, est nimbé, vêtu de pourpre,… Il tend sa main vers Lazare. Cette scène fait référence
au texte de Jean l’évangéliste (« Jésus dit: « Enlevez la pierre.» Marthe, la sœur du mort, lui
dit: «Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu'il est là.» … Après avoir dit cela, il cria d'une
voix forte: «Lazare, sors!» Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandelettes
et le visage enveloppé d'un linge. Jésus leur dit: «Détachez-le et laissez-le s'en aller ») . On voit
Lazare attaché par des bandelettes qui sort de son sarcophage. À côté du christ, on peut voir
un témoin/apôtre.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne) – Guérison du possédé

Ici, c’est une représentation de la guérison du possédé, encore une fois en référence au
texte (« Jésus lui demanda: «Quel est ton nom?» «Légion», répondit-il, car de nombreux
démons étaient entrés en lui. Ils suppliaient Jésus de ne pas leur ordonner d'aller dans l'abîme.
Il y avait là, sur la montagne, un grand troupeau de porcs en train de chercher à manger. Les
démons supplièrent Jésus de leur permettre d'entrer dans ces porcs. Il le leur permit. Les
démons sortirent de cet homme, entrèrent dans les porcs, et le troupeau se précipita du haut
de la falaise dans le lac et se noya… »). On voit effectivement les porcs qui sont en train de se
noyer après avoir pris les démons. Le christ est encore une fois représenté plus grand, vêtu de
pourpre,…

De l’autre côté de la nef, on peut voir des scènes représentant la passion du christ. On peut
parler de cycles iconographiques (images qui racontent des histoires), tout comme à Sainte-
Marie Majeure.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne) – Dernier repas

Une de ces scènes est par exemple le dernier repas. Judas apparaît différemment, de profil,
et les autres le regardent de manière suspicieuse. Le repas est constitué de deux énormes
poissons. Cette scène se retrouve représentée de la même manière dans certains manuscrits.
Il est intéressant de noter que les personnages sont couchés, comme lors des banquets
romains (influence de l’antiquité).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne) – Reniement de Saint-Pierre

Il y a aussi la représentation du reniement de Saint-Pierre (Pierre prit la parole et lui dit: Même
si tous les autres sont ébranlés à cause de ce qui t’arrivera, moi je ne le serai pas! 34 Jésus
reprit: Vraiment, je te l’assure: cette nuit même, avant que le coq ait chanté, tu m’auras renié
trois fois. 35 Pierre réaffirma: Même s’il me fallait mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous
les disciples dirent la même chose.) La scène est vivante et expressive mais en même temps
très simple.

Saint-Appolinaire le Neuf (Ravenne) - Saintes femmes au tombeau

Il n’y a pas de représentation de la crucifixion, à part dans certains manuscrits de la fin du 6e


siècle mais même là, on représente le christ plutôt victorieux sur la mort, avec les yeux grands
ouverts,… On ne représente pas le christ souffrant.
On peut voir à Saint-Appolinaire le Neuf une représentation des saintes femmes au tombeau.
L’ange annonce qu’il est ressuscité et les femmes constatent que le tombeau est vide. Le
tombeau est représenté sous la forme d’un petit mausolée à l’antique.

Saint-Appolinaire in Classe (Ravenne)

Saint-Appolinaire in Classe, toujours à Ravenne, est une église un peu différente. C’est l’église
qui conservait les reliques du premier évêque de Ravenne avant qu’elles soient transférées à

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Appolinaire le Neuf. Sa construction a été financée par un riche banquier byzantin,


Julianus, et elle est dédiée en 549.

Saint-Appolinaire in Classe (Ravenne)

Elle possède un plan basilical à 3 nefs et seule son abside est décorée. On peut voir un arc
triomphal sur lequel se trouvent les symboles des 4 évangélistes ainsi que les 12 apôtres sous
la forme de brebis qui montent vers le christ.

Saint-Appolinaire in Classe (Ravenne) - Transfiguration

Dans le cul-de-four de l’abside, on voit une grande croix qui évoque la transfiguration du christ
(moment où il montre sa nature divine). Dans la croix, on peut voir une représentation du
christ barbu. Élie et Moïse assistent à la scène. En-dessous se trouve Saint-Appolinaire,
premier évêque de Ravenne. Trois agneaux sont mis en évidence, ils symbolisent les trois
apôtres ayant assisté à cette transfiguration.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Égypte : église du monastère Sainte-Catherine au mont Sinaï

Sainte-Catherine (Sinaï)

En Égypte, on trouve la même scène de transfiguration représentée un peu différemment


dans l’église du Monastère Sainte-Catherine (Sinaï). Elle a été construite par l’empereur
Justinien et possède un plan basilical avec une abside principale et des chapelles qui
l’entourent. Des chapelles entourent également les nefs. Le toit est soutenu par une
charpente en bois sculpté. Les mosaïques de cette église sont datées du 6e siècle environ.

Sainte-Catherine (Sinaï) - Transfiguration

Dans l’abside principale, une mosaïque représente la transfiguration du christ. Elle est à fond
doré et évoque également les apparitions de dieu à Moïse.
Le christ est debout, vêtu d’un vêtement blanc très lumineux et fait le signe de la bénédiction
de la main droite. Il a un air assez sévère avec ses yeux entourés de noir et sa position statique.
Il est entouré d’une mandorle, une gloire lumineuse en forme d’amande. À côté de lui se
trouvent Élie et Moïse. Les disciples Jean, Pierre et Jacques assistent à la scène et sont
complètement choqués par cette vision.
L’immobilité dans la représentation du sacré s’oppose aux positions en mouvement et
expressives des autres personnages. C’est assez différent de ce qu’on a vu à Saint-Appolinaire
où les disciples sont des brebis et où le christ est représenté dans une croix.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Sainte-Catherine (Sinaï)

Dans l’arc qui souligne l’abside, on peut voir des représentations des apôtres et des prophètes
André, Paul, Jonas et David. Ce dernier, considéré comme l’ancêtre du christ, est représenté
dans l’alignement de celui-ci (ce n’est pas un hasard) et porte une couronne. Ils ont tous un
type physique bien distinct.

Sainte-Catherine (Sinaï)

Dans cette bordure, nous retrouvons également la représentation d’un higoumène, c’est-à-
dire l’abbé du monastère. L’abbé du monastère attaché à cette église s’est donc fait
représenter aux côtés des apôtres et des prophètes. Un diacre (assistant du dirigeant d’une
église) est également représenté.
Ils n’ont pas de nimbe mais possèdent un halo autour de leur tête, ce que l’on retrouve
notamment à Rome chez les personnages qui aspirent à la sainteté mais qui ne sont pas
(encore) saints.

Sainte-Catherine (Sinaï)

Au registre supérieur, on peut voir Moïse devant le buisson ardent et Moïse en train de faire
une offrande qui est reçue par la main de dieu. Représentation sur l’art de Saint-Jean-Baptiste
et de la vierge.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Chypre : Panagia Kanakaria à Lythrankomi, Panagia Angeloktistos à Kiti


De par sa position géographique, l’île est au carrefour des influences. Nous allons nous
intéresser à deux églises qui conservent des images de la vierge. À la période protobyzantine,
on représente le christ dans l’abside mais aussi la vierge.

Panagia Kanakaria (Lythrankomi, Chypre)

Lythrankomi est situé dans la partie Turque de l’île et comprend l’église Panagia Kankaria, qui
est dédiée à la Panagia (vierge toute sainte en Grec). C’est une église avec plusieurs coupoles
qui a connu des remaniements à la période médiévale. Elle a un plan basilical.

Panagia Kanakaria (Lythrankomi, Chypre)

Dans l’abside se trouve une mosaïque qui a été fort abimée représentant la vierge trônante
accompagnée de l’enfant jésus entourée des archanges. On peut faire un parallèle avec ce que
l’on a vu au Sinaï (p.40), avec la gloire en forme d’amande entourant le personnage principal.
On retrouve également la bordure entourant l’arc triomphal avec les médaillons qui
représentent les apôtres et les prophètes.

Panagia Kanakaria (Lythrankomi, Chypre)

Les deux anges tiennent des baguettes faisant penser à la baguette des silenciaires
(fonctionnaire impériaux chargés de faire respecter le silence). On peut voir des palmiers

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

derrière les âges. On date cette mosaïque de la première moitié du 6e siècle, vers 525-550
environ, mais elle a été détachée de l’abside pour être vendue en contrebande à un musée
américain.

Panagia Angelokistos (Kiti, Chypre). Fin 6e-débur 7e s.

L’autre exemple se situé à Kiti, toujours à Chypre mais dans la partie Grecque, et provient de
l’église Panagia Angelokistos.

Panagia Angelokistos (Kiti, Chypre). Fin 6e-début 7e s.

Cette mosaïque datant de la fin du 6e siècle ou du début du 7e siècle représente la vierge


debout, dans le type de l’Hodigitria (conductrice), car elle tient l’enfant jésus et le désigne de
la main droite (elle montre le chemin à suivre).
Elle est nimbée et vêtue du maphorion, un voile qui couvre la tête et les épaules. Elle est
debout sur un marchepied qui est « posé » sur la bordure de la mosaïque, ce qui donne
l’impression que la vierge occupe l’espace de l’abside.
Les deux archanges sont situés dans l’espace « céleste » (alors que la vierge est dans l’espace
intermédiaire) et sont vêtus à l’antique. Ils tiennent les baguettes des silenciaires et un globe
(symbole cosmique) marqué d’une croix. Le fond est doré. La vierge est immobile (renforce sa
sacralité) alors que les anges marchent vers elle.
Ici, la vierge est qualifiée de « Sainte-Marie », alors qu’on l’appelle plus généralement « Mère
de dieu » depuis le Concile d’Éphèse. Les archanges sont aussi nommés, Michel et Gabriel.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Cela fait penser à l’iconographie impériale, avec l’impératrice flanquée de ses


gardes/fonctionnaires, ce qui reflète encore une fois le lien entre les deux pouvoirs.

Thessalonique : Rotonde Saint-Georges, Hosios David

Rotonde Saint-Georges (Thessalonique). Fin 4e-début 5e s.

La Rotonde Saint-Georges est le mausolée de l’empereur Galère (250-311)., édifié à la fin du


4e ou le début du 5e siècle avant d’être transformé en église. L’architecture est lourde, presque
sans fenêtres. L’édifice a été transformé en mosquée lors de l’occupation par les Turcs
ottomans. Une voie à portiques et un arc menaient au mausolée, qui a un plan circulaire à
coupole avec une abside à l’est et un déambulatoire qui ont été ajoutés par après. Église
dédiée aux archanges puis à Saint-Georges.

Rotonde Saint-Georges (Thessalonique)

Les mosaïques de la coupole montrent le retour du christ à la fin des temps. La composition
était d’une ampleur exceptionnelle mais est fort endommagée aujourd’hui.
Au centre, nous devions avoir le christ debout entouré de la gloire circulaire portée par 4
archanges. Entre les archanges, on peut voir la tête d’un phénix nimbé, oiseau qui renaît de
ses cendres (-> idée de résurrection) ; l’héritage antique est encore présent. Le fond est
totalement doré.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Rotonde Saint-Georges (Thessalonique)

En bas se trouvent des personnages debout, distribués en 8 compartiments qui montrent des
architectures somptueuses qui évoquent l’architecture antique. Les personnages sont en
position d’orants (ils lèvent les 2 bras : geste de prière). Il y a en tout 17 personnages associés
à leurs noms ; ce sont des prêtres, des évêques, des soldats et des médecins. Certains sont
vêtus de la chlamyde. On peut y voir un paon ; symbole de l’immortalité (chair qui ne pourrit
pas). Les visages sont idéalisés et rappellent l’antiquité. C’est typique de l’art classique de la
dynastie théodosienne.

Hosios David (Thessalonique)

Église Hosios David était liée à un monastère. Elle a été remaniée à la période médiévale et
avait un plan basilical au départ.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Hosios David (Thessalonique). 6e s.

La mosaïque est datée de 500 environ et représente le crist jeune et imberbe inséré dans une
gloire circulaire (-> l’image veut montrer une apparition). Il est assis sur un arc-en-ciel, fait le
geste de l’acclamation et déroule un rouleau avec un extrait de du texte du prophète Isaïe.
Derrière la gloire circulaire se trouvent les symboles des évangélistes. Il est assis sur un arc-
en-ciel.

Hosios David (Thessalonique)

Sur les côtés, des personnages, dont un effrayé, il s’agit peut-être des prophètes Ezéchiel et
Zacharie. À la partie inférieure sont représentés des rivières avec des personnifications. Il faut
mettre en relation ces images avec les textes des prophètes.
 Ezéchiel 1,4-28 : « Au centre, je discernai quelque chose qui ressemblait à quatre
animaux dont voici l'aspect : (...) ils avaient une face d'homme, (...) une face de lion (...)
une face de taureau (...) une face d'aigle. Leurs ailes étaient déployées vers le haut ;
chacun avait deux ailes se joignant et deux ailes lui couvrant le corps (...). Il y avait sur
les têtes de l'animal quelque chose qui ressemblait à une voûte, éclatante comme le
cristal, (...). Et j'entendis le bruit de leurs ailes, comme un bruit d'eaux abondantes, (...)
Au-dessus de la voûte qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose qui avait l'aspect

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

d'une pierre de saphir en forme de trône, et sur cette forme de trône, dessus, tout en
haut, un être ayant apparence humaine. Et je vis comme l'éclat du vermeil, (...) je vis
quelque chose comme du feu et une lueur tout autour ; l'aspect de cette lueur, tout
autour, était comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les nuages, les jours de pluie.
C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire de Yahvé. »
 Apocalypse 4, 1-8 : « J'eus ensuite une vision (...) Voici, un trône était dressé dans le
ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu'un...Celui qui siège est comme une vision de jaspe
et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d'émeraude. (...)
Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal. Au milieu du
trône et autour de lui, se tiennent quatre Vivants (...) Le premier Vivant est comme un
lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant a comme un
visage d'homme ; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. Les quatre
Vivants, portant chacun six ailes, sont constellés d'yeux tout autour et en dedans. Ils ne
cessent de répéter jour et nuit : " Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, "Il
était, Il est et Il vient". »

Syrie : La mosquée des Omeyyades à Damas

Mosquée des Omeyyades (Damas, Syrie). 8e s.

Plusieurs sources nous indiquent que des ateliers de mosaïstes byzantins travaillaient à
Damas. C’est notamment eux qui ont décoré la mosquée des Omeyyades au 8 e siècle. Il y a
des échanges commerciaux entre les arabes et les byzantins, même si elles sont ennemies.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Mosquée des Omeyyades (Damas, Syrie)

On peut y voir des représentations aniconiques (pas de représentations figurées) comme des
rinceaux de feuilles d’acanthe qui se détachent sur des fonds dorés. On peut voir également
des décors d’architecture qui n’ont pas des proportions réalistes par rapport aux végétaux.

vi. Le Décor des édifices soumis à la doctrine iconoclaste

Sainte-Irène (Constantinople). 740 (décors)

Cette crise qui commence en 726 et se termine en 843. À Constantinople, la coupole de l’église
Sainte-Irène s’effondre en 740 et il faut la reconstruire ; on remplace donc le décor ancien par
un décor iconoclaste. Il s’agit d’une croix latine qui se détache sur un fond doré.

Sainte-Irène (Constantinople)

Sur les voûtes de la nef sud, on voit des peintures de motifs aniconiques ; motifs végétaux ou
de croix. Pas de représentations humaines ou ni même animales. Il s’agit ici de peintures et
non de mosaïques.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Hagios Artémios (île de Naxos). 8e-9e s.

Sur l’île de Naxos, dans la mer Égée, on retrouve plusieurs églises « rurales/locales » avec des
peintures iconoclastes. Dans l’église Hagios Artémios (Saint-Artémios), on peut voir des
rinceaux rouges et verts et des décors de damier avec des représentations végétales. On
attribue ce décor à la période iconoclaste vers le 8e-9e siècle.

Hagia Kyriaki (île de Naxos). 8e-9e s.

Toujours sur l’île de Naxos, on retrouve une église dédiée à Hagia Kyriaki (Saint-Dominique).
Elle a un plan basilical à 2 nefs. Dans l’abside, nous avons des décors avec des oiseaux dont les
cous sont entourés de rubans, ce qui rappelle un peu l’empire sassanide (-> influences
orientales). On retrouve également des motifs géométriques et végétaux. La crise iconoclaste
a favorisé un essor de ce type de décors souvent végétaux qui jouent sur la répétition et la
symétrie, on le voit aussi dans la sculpture architecturale.

Cappadoce (Turquie)

La Cappadoce (région de Turquie près de Kayseri, Césarée en français) est une région composé
d’anciens massifs volcaniques, la cimentation des cendres de ces volcans a créé des paysages

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

particuliers avec des cônes modelés par les éléments. Ces cônes ont parfois été creusés par
l’homme pour en faire des villages ou des églises (environ 600 églises entre 5e et 13e siècles).
Les églises sont peintes.

Saint-Basile (Cappadoce, Turquie). 8e-9e s.

Parmi elles, l’église rupestre Saint-Basile, composée de 2 nefs parallèles. L’autel est surélevé
et situé contre la paroi semi-circulaire (typique des églises rupestres). On remarque
l’omniprésence de croix et de motifs aniconiques.
Néanmoins, il y a 2 personnages sur l’arc triomphal ; un évêque (reconnaissable car il porte
l’omophorion, vêtement typique des évêques), et peut-être un théologien local. Les décors
sur les parois sont des décors de damiers, de losanges,… Nous avons aussi une croix fleurie,
qui laisse à penser par des inscriptions qu’il s’agit d’une représentation du christ.
Dans l’abside, on retrouve 6 croix avec des lettres ; elles sont associées à des noms (Isaac,
Abraham et Jacob). On peut potentiellement dater cette église de la fin de la période
iconoclaste à cause des représentations figurées sur l’arc triomphal.

B. Les Icônes

Les icônes sont des images associées au souvenir d’un personnage. Ce sont le plus souvent
des représentations de la vierge, du christ et des saints, ou plus rarement des scènes se
rapportant à ces personnages. Elles sont généralement peintes sur un support transportable
(bois, toile, métal, mosaïque,…).
Avant la crise iconoclaste, elles permettaient de mettre la divinité à portée des fidèles et
servaient au culte privé et public. Les images qui opèrent des miracles apparaissent dès la
deuxième moitié du 6e siècles. Elles pouvaient vaincre les ennemis, soigner, découvrir de l’eau
dans des endroits arides et ressusciter les morts.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Une image particulièrement importante est le Mandylion. C’est une image Achiropite (non-
faite de main d’homme ; miraculeuse) qui vient d’une légende ; le roi d’Édesse, Abgar, était
malade et voulait rencontrer le christ pour qu’il le guérisse. Le christ a donc fait envoyer une
étoffe avec laquelle il s’était essuyé et sur laquelle son image s’était imprimée, c’est le
Mandylion.
La plupart des images miraculeuses ont disparu mais leur pouvoir est transmissible si les
icônes sont peintes suivant la droite doctrine (orthodoxe), c’est pour cela qu’il y a un caractère
très normatif des icônes ; elles doivent renvoyer à l’image authentique.

Les byzantins s’inspirent des portraits romains pour réaliser leurs premières icônes,
notamment les portraits d’empereurs peints sur bois qui faisaient parfois l’objet d’un culte. Ils
se sont surtout inspirés des portraits du Fayoum, région d’Égypte dans laquelle on a retrouvé
plusieurs portraits funéraires datés du 1er-4e siècles qui caractérisent l’Égypte romaine. Ces
portraits représentent le défunt de manière réaliste et utilisent la technique à l’encaustique
(pigments mélangés à de la cire chauffée, donne un aspect translucide et renforce l’aspect
réaliste).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

i. Icônes du monastère Sainte-Catherine au Sinaï

Les premières icônes byzantines que l’on connaisse proviennent du monastère Sainte-
Catherine au Sinaï et datent du 6e siècle. Elles sont réalisées selon la technique à l’encaustique
et représentent le christ bénissant.

Sainte-Catherine (Sinaï) - Christ bénissant. 6e s.

Il est barbu et ses cheveux sont noirs, courts d’un côté et longs de l’autre. Il tient le livre des
évangiles et bénit de la main droite. Ce portrait va s’imposer jusqu’à la fin de l’empire byzantin.
On peut faire un parallèle avec les portraits du Fayoum de par les yeux bien soulignés ainsi
que la différence entre ses deux yeux.

Sainte-Catherine (Sinaï) - Vierge entourée des saints Théodore et Georges. 6e s.

Le monastère conserve également une icône de la vierge à l’enfant entourée des saints
Théodore et George, qui date aussi du 6e siècle. Les saints sont considérés comme les
intermédiaires entre la vierge et les fidèles (ils regardent le fidèle) ils portent la croix de leur

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

martyre et sont vêtus de la chlamyde et relayent les prières du fidèle à la vierge. La vierge est
représentée trônante avec son maphorion bleu, elle et le christ regardent sur le côté ; ils
sentent la présence de dieu alors qu’une main divine émerge des nuages.

Sainte-Catherine (Sinaï) - Saint-Pierre

Cette icône représente Saint-Pierre. Il allie force et spiritualité et se détache sur un fond
d’exèdres. 3 médaillons représentent le christ, la vierge et un saint (peut-être Saint-Jean
l’évangéliste). Toujours à l’encaustique sur bois. Il tient les clés du paradis et une grande croix
dorée. Le portrait est très réaliste.

ii. Saints-Serge-et-Bacchus

Saints-Serge-et-Bacchus. 7e s.

Cette icône date du 7e siècle et a été réalisée au monastère Sainte-Catherine mais est
aujourd’hui conservée à Kiev (Ukraine). On retrouve encore une fois la technique à
l’encaustique mais le style est très différent. Il s’agit de deux personnages sur un fond uni, ils
sont représentés comme des jumeaux. Il s’agit de Saint-serge et Bacchus, martyrisés au 4e
siècle. Leurs yeux sombres contrastent avec leurs visages blancs, c’est un art qu’on peut
qualifier de monastique, il n’y a pas de recherche de réalisme mais plutôt une stylisation, avec
l’importance du contact, avec les yeux qui regardent droit devant eux. Ils donnent une

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

impression de force grâce à leur collier (collier des généraux romains). Le médaillon du christ
au centre leur confère cette nature de martyr.

iii. Le Christ et l’abbé Ménas (Louvre)

Louvre - Christ et abbé Ménas. 8e s.

Cette icône conservée au Louvre montre le christ et Saint-Ménas. Elle date du 8e siècle et c’est
un art plutôt monastique réalisé avec la technique a tempera/à la détrempe (pigments
mélangés à un agglutinant, ce qui donne un rendu plus plat, sans profondeur). Le christ met
sa main sur l’épaule de l’abbé.

C. Les miniatures des manuscrits

Après la crise iconoclaste, la place des images sera encore plus accentuée.
Byzance poursuit la tradition de l’enluminure romaine et un grand soin est apporté à la
réalisation des miniatures byzantines. Le livre chrétien a un caractère sacré.
La technique utilisée par les miniaturistes/enlumineurs est de d’abord réaliser une esquisse
rapide sur le parchemin avant d’appliquer des tons moyens selon la technique du lavis et puis
d’ajouter les ombres et les accents lumineux à l’aide d’une gouache à base de cire.
Les centres principaux sont Constantinople, Antioche (Syrie) et Alexandrie (Égypte). Ces villes
étaient dotées de scriptoria, des ateliers où étaient copiés et décorés les livres. Ces ateliers
étaient fort importants aux 5e et 6e siècles et les miniatures pouvaient servir de modèles à des
décors d’églises. Les livres à cette époque et à partir du 4e siècle sont des codex faits de
parchemin (peau d’animaux), ce ne sont plus des rouleaux. Il faut souligner que nous avons
peu de manuscrits antérieurs à la crise iconoclaste.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

i. Dioscoride de Vienne

Dioscoride de Vienne – Début du 6e s. (512)

Le Dioscoride de Vienne illustre bien le rôle de Byzance dans la transmission du savoir antique.
Il s’agit d’une copie d’un traité de pharmacopée du 1er siècle. Dioscoride était un médecin qui
a vécu durant l’antiquité et qui a décrit les plantes qui pouvaient soigner. Son traité a été copié
au début du 6e siècle, vers 512.
La miniature du début de ce codex représente Anicia Juliana, une descendante de la dynastie
théodosienne qui a fait construire une église dédiée à Saint-Polyeucte (un martyr). Elle est
assise sur un trône, est vêtue somptueusement avec un diadème,… C’est ici le portrait d’une
femme intellectuelle ; elle désigne un petit livre ouvert qui lui est présenté par un éros et une
inscription en grec parle de son amour des arts. Elle est accompagnée de 2 personnifications
(-> héritage antique) ; de la magnanimité et de l’intelligence. Tout autour, on voit des scènes
qui représentent les travaux de construction qu’elle avait ordonné à Constantinople.

ii. Genèse de Vienne

Genèse de Vienne – 6e s.

La Genèse de Vienne est un manuscrit religieux qui date du 6e siècle. Le fond de la miniature
est totalement pourpre (ce qui indique une origine impériale ; on pense qu’il a été réalisé à
Constantinople), le parchemin a été peint dans un bain coloré.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

La miniature représente une femme deux fois, Rebecca qui se dirige vers une source d’eau
personnifiée (-> héritage antique) par une femme dénudée. Rebecca remplit sa jarre d’eau et
donne à boire au serviteur d’Isaac et à ses chameaux. Le style est assez souple et narratif par
rapport au décor monumental.

D. Les arts somptuaires et l’orfèvrerie

L’orfèvrerie s’est beaucoup développée grâce à la richesse impériale. Beaucoup d’œuvres sont
perdues car refondues pour en faire autre chose.

Missorium de l'empereur Théodose Ier (388)

Le Missorium (grand plat d’apparat en argent) de l’empereur Théodose 1erdate du 4e siècle et


a sans doute été réalisée à Thessalonique car une inscription sur le contour nous informe que
le plat a été réalisé pour les 10 ans de règne de Théodose 1er, et on sait qu’il a fêté ses 10 ans
de règne à Thessalonique. Il a une taille imposante (74 cm de diamètre).
Le plat est en argent et a été réalisé avec la technique du repoussé, avec quelques éléments
gravés finement. C’est un exemple d’iconographie impériale, l’art byzantin n’est pas
seulement religieux, il sert également de propagande au pouvoir politique. L’empereur est au
centre et nimbé. Il est assis sur un trône et est entouré de ses 2 co-empereurs, Valentinien II
et Arcadius. À côté d’eux se trouvent des soldats avec des boucliers. L’empereur est plus grand
et est mis en valeur par l’architecture faite de frontons et de colonnes. En-dessous se trouve
une personnification de la terre sous la forme d’une femme allongée avec des enfants ailés ;
cela veut dire que le pouvoir de l’empereur s’étend sur toute la terre.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Ivoire Barberini

L’ivoire Barberini est une œuvre composée de 5 panneaux en ivoire. Nous avons de nouveau
affaire à l’iconographie impériale. Le personnage central est un empereur (il a une couronne)
vêtu de son costume militaire et de sa chlamyde. Le mouvement est bien représenté,
notamment avec le cheval qui a l’air d’être en pleine action. L’empereur tient une lance qu’il
place devant un personnage identifié à un Scythe. On retrouve également une
personnification de la terre qui offre ses fruits à l’empereur ainsi qu’une personnification de
la victoire qui lui offre la palme de la victoire.
Il n’y a pas d’inscriptions mais on pense qu’il s’agit de l’empereur Justinien, avec à côté de lui
son général Bélisaire. Les peuples vaincus sont représentés en bas et apportent leurs tributs.
Cela fait écho à la cérémonie antique de l’Adventus ; quand l’empereur vainqueur rentrait
dans une ville à cheval. Ce qui change, c’est que la victoire est voulue par dieu (représenté par
un personnage imberbe dans un médaillon tient une croix et bénit l’empereur de la main
droite). Beaucoup d’éléments font référence à l’antiquité et à la victoire.
L’ivoire était incrusté de pierres précieuses qui sont aujourd’hui presque toutes disparues.
C’est très luxueux car l’ivoire devait être importé d’Inde ou d’Afrique et la technique était
assez difficile et uniquement pratiquée dans les grands centres.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Croix-reliquaire de Justin II (565-578)

Cette croix reliquaire date du règne de Justin II et a été offerte par cet empereur ainsi que son
épouse l’impératrice Sophie à Saint-Pierre à Rome.
D’un côté se trouvent des motifs végétaux ainsi que des médaillons au repoussé qui
contiennent le buste du couple impérial avec es bras levés en signe de prière, ainsi que le
christ représenté sous la forme d’un agneau. De l’autre côté se trouvent des pierres précieuses
colorées incrustées et des inscriptions dédicatoires.

Patène de Stouma (Syrie)

La patène (plat destiné à recevoir le pain lors du rituel de l’eucharistie) de Stouma présente
un décor qui fait directement référence à ce rituel puisqu’il représente la communion des
apôtres.
Le christ est représenté deux fois, d’un côté de l’autel, il donne le pain aux apôtres, et de
l’autre côté de l’autel, il leur donne le vin. Cela sert à montrer que la liturgie qui se fait sur
terre se reflète dans le ciel.
Derrière le plat se trouve un poinçon mentionnant l’empereur Justin II (565- 578).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Ce collier en or et lapis-lazuli représente Aphrodite sur une coquille (-> renvoie à l’antiquité)
et date du 7e siècle.

2. Le centre et les provinces de l’Empire du 9e siècle à 1204

A. Introduction

i. La Renaissance macédonienne (867-1056)

Après la fin de la querelle iconoclaste en 843, on observe une reprise économique et la mise
en place de la dynastie macédonienne qui se maintiendra jusqu’au milieu du 11e siècle. Le
premier empereur, Basile 1er, était originaire de Macédoine. On assiste également à un regain
d’intérêt envers l’antiquité ainsi qu’un essor de la littérature et des arts et une célébration de
l’image religieuse. On pare de second âge d’or pour parler de cette période.

ii. L’époque des Comnènes des Anges (1057-1204)

À cette période d’essor succèdera une période un peu plus tourmentée, l’époque de la
dynastie des Comnènes et des Anges. À la fin du 11e siècle, les Turcs menacent l’Asie Mineure
(Turquie actuelle) et l’aristocratie prend de plus en plus de pouvoir autour de l’empereur. Les
croisades, qui passent par Constantinople, affaiblissent également l’empire. La 4e croisade
débouchera même sur la prise de la capitale byzantine.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

B. Architecture et décors des édifices religieux : la diffusion du


plan en croix grecque inscrite et le nouvel agencement du
décor intérieur

À partir du 9e siècle, l’architecture change et se fait l’écho d’une transformation de la société.


La crise iconoclaste a poussé les théologiens à repenser l’expression verbale, visuelle et
architecturale de la foi orthodoxe. On assiste donc à une uniformisation de l’architecture et
des thèmes iconographiques. Les églises sont désormais plus petites et composées d’éléments
nécessaires à la célébration du culte et d’éléments plus variables.

Église du Myrélaion (Constantinople)

L’église du Myrélaion est représentative de cela. Elle présente un plan en croix grecque
inscrite, plan qui va peu à peu s’imposer à partir de la fin du 9e siècle. La coupole est soutenue
par des piliers/colonnes autour de laquelle se trouvent 4 voûtes en berceau qui décrivent les
bras égaux d’une croix (croix grecque = croix aux branches égales). C’est une croix inscrite dans
un carré.
L’espace carré comprenant la coupole et les voûtes en berceau est appelé le naos. Il n’y a plus
vraiment de nef, c’est un espace plus centralisé (on devine toujours les 3 nefs mais comme
c’est un espace carré on parle de naos, qui renvoie à temple en grec).
Le sanctuaire se développe ; il y a 3 désormais absides (centrale, nord et sud) qui
communiquent. L’abside du nord est la prothèse et celle du sud est le diakonikon. Dans la
prothèse, on prépare l’eucharistie, et le diakonikon sert à entreposer du matériel liturgique.
La zone sacrée est de plus en plus fermée aux yeux des fidèles.
Le narthex (espace de transition entre intérieur et extérieur) se maintient mais il n’y a plus
d’atrium (cour à portiques).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Le templon va cacher de plus en plus le sanctuaire. Il est composé de plaques de chancel et


de petits piliers qui supportent un épistyle (sorte d’architrave sculptés), et des icônes peuvent
parfois refermer encore plus l’espace, qui est désormais plus articulé autour de la coupole.
Des images seront reproduites toujours au même endroit et représentent des choses bien
précises.

Christ Pantocrator (coupole)

Dans la coupole, nous avons l’image du christ Pantocrator (maître du monde, image de la
toute-puissance divine). Ses traits physiques renvoient à l’icône du monastère du Sinaï (p.52)
cette image du christ va peu à peu s’imposer. Il se détache souvent sur un fond doré.

Vierge (cul-de-four de l'abside)

Sur le cul-de-four de l’abside, on retrouve une image de la vierge qualifiée de mère de dieu.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

12 fêtes de l'année liturgique (parties hautes)

Dans les parties hautes de l’église, on retrouve des représentations des 12 grandes fêtes de
l’année liturgique (dodekaorton). Ces représentations seront systématiques à partir du 12 e
siècle. On retrouve encore ce cycle dans les églises d’aujourd’hui.
 On peut parler d’un cycle qui commence avec l’Annonciation, la Nativité, la
Présentation au temple, le Baptême, la Transfiguration, la Résurrection de Lazare,
l’Entrée du Christ à Jérusalem, la Crucifixion, (les Saintes Femmes au tombeau), la
Descente du Christ aux Limbes (Anastasis), l’Ascension, la Pentecôte et la Dormition
de la Vierge.

Représentants de l'église (parties inférieures)

Aux registres inférieurs, nous retrouvons les représentants de l’église. Ce sont patriarches de
l’Ancien Testament qui ont préfiguré l’Eglise et prophètes qui l’ont annoncée ; apôtres qui
l’ont fondée et martyrs qui l’ont consommée.
Ils déroulent des parchemins avec des écrits qui font référence à la liturgie. Ce sont souvent
les mêmes personnages qui sont représentés, comme à gauche, Saint-Jean chrysostome,
évêque de Constantinople qui a écrit des textes très importants, il sera souvent représenté
dans la conque des absides. Dans la conque de l’abside, on retrouve des représentations des
pères de l’église, des patriarches, des évêques et des saints moines.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Il y a une hiérarchisation très claire dans l’ensemble du programme iconographique : le monde


céleste est en hauteur et le monde terrestre dans la partie inférieure.

i. La Renaissance macédonienne (867-1056)

Basile 1er le Macédonien inaugure la dynastie macédonienne. Il règnera de 867 à 886. Il va


avoir un fils, Léon VI (886-912), un empereur érudit qui va publier deux recueils de droits
capitaux : les Basiliques et les Novelles. Son successeur sera Constantin VII Porphyrogénète
(913-959) dont le nom signifie en grec « né d’un pourpre », c’était également un empereur
très érudit. Ce dernier va délaisser les affaires de l’empire pour se consacrer exclusivement à
l’étude et il va publier des ouvrages importants : De Thematibus, De Administrando imperio,
De Caeremoniis aulae byzantinae, ainsi qu’une encyclopédie du savoir (Excerpta). On
comprend que cette période est une période d’essor intellectuel.
Après eux, 3 généraux vont devenir empereurs ; Romain 1er Lécapène (920-944), Nicéphore II
Phocas (963-969) et Jean Tzimiskès (969-976). Ils vont s’illustrer dans la défense de l’empire.
Au 7e et 8e siècles, les frontières de l’empire avaient été réduites (suite aux attaques des Perses
et des Arabes et à partir du 10e siècle, les frontières de l’empire vont s’élargir.

L'empire byzantin à son apogée au 10e siècle (sous Basile II)

Leur successeur, Basile II, va mener l’empire à son apogée à la fin du 10e siècle – début du 11e
en vainquant les Bulgares en 1018. L’empire s’étend désormais de l’Euphrate jusqu’au Danube
et de l’Arménie jusqu’en Italie du sud. Avant cela, en 961, Nicéphore avait déjà récupéré la
crète et une partie de la Syrie qui étaient aux mains des Arabes.

Constantinople
Il y a deux églises en croix grecque inscrite conservées à Constantinople : l’église nord du
monastère de Constantin Lips et l’église du Myrélaion.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Église nord du monastère de Constantin Lips (Constantinople). Début 10e s. (907)

L’église nord du monastère de Constantin Lips date de 907 et est le plus ancien exemple
d’église en croix grecque inscrite conservé. Son fondateur, Constantin Lips, était un amiral de
la flotte byzantine. Une inscription nous indique que l’empereur Léon VI était présent lors de
l’inauguration de l’église.
L’église comprend une coupole soutenue par 4 colonnes et épaulée par 4 voûtes en berceau.
Nous avons un naos, le sanctuaire avec la prothèse et le diakonikon, ainsi que le narthex. À
l’étage se trouvent des petites chapelles qui sont surmontées par des coupoles. Il s’agit donc
d’une église à 5 coupoles. L’édifice est construit en Opus mixtum pour les parties basses et en
briques pour les parties hautes. Il n’y a plus de mosaïques à l’intérieur car elles ont été
détruites mais il reste des sculptures architecturales.

Église du Myrélaion (Constantinople). Début 10e s.

L’église du Myrélaion (Bodrum Camii) a été construite par l’empereur Romain 1er Lécapène
(920-944). Il s’agit de la chapelle de sa résidence privée située à proximité. Elle a été construite
comme une chapelle funéraire car elle contenait les restes de sa famille.
À l’extérieur, elle paraît un peu massive à cause des colonnes formées par des briques
façonnées en demi-cercles. Il y a des fenêtres dans les parties hautes et basses, c’est une église
très éclairée. On peut voir les voûtes qui forment une croix autour de la coupole. Elle ne
contient pas de mosaïques ou de sculptures architecturales.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

L’église Sainte-Sophie à Constantinople a un programme iconographique connu par des textes


et dessins réalisés en 1710, qui proviennent d’une commande du sultan chargé de restaurer
l’église.

Sainte-Sophie (Constantinople). Fin du 9e s. (décor)

Dans la coupole, ils ont découvert l’image du christ Pantocrator. Dans le cul-de-four de
l’abside, nous avons l’image de la vierge à l’enfant, ce qui est conforme à ce nouveau
programme iconographique où l’image de la vierge est maintenant à cet endroit. Elle est
entourée des archanges (on en voit encore un à droite) et porte l’enfant Jésus sur ses genoux
qui a un nimbe cruciforme. Elle est nimbée et vêtue d’un maphorium bleu foncé. Son trône
sans dossier est inspiré de pierres précieuses. L’image est sur un fond doré.
Il y a une inscription en grec sur la bordure du cul-de-four de l’abside qui se traduit par « Les
images que les imposteurs avaient jetées à bas, de pieux empereurs les ont remises en place »
C’est une référence à la crise iconoclaste, on pense qu’il y avait à cet endroit une image non-
figurative qui a été détruite et remplacée par l’image actuelle. On date donc cette image de la
fin du 9e siècle. À cette époque, les archanges ne sont plus vêtus à l’antique mais ont plutôt
des costumes impériaux, mais ils portent toujours le bâton des silenciaires et le globe
cosmique.

La Grèce et l’Ancienne Russie


En Phocide (Grèce), au nord du Golfe de Corinthe, se trouve le monastère d’Hosios Loukas.
Le golfe est un endroit de passage, notamment pour les pèlerins.
Le monastère se développe autour de la tombe de Saint-Luc, mort en 953 et dont le culte a
été encouragé par l’élite locale et les moines. Saint-Luc est un saint local et sa vie est liée à
l’histoire de la Grèce.
 Au 10e siècle, la Grèce et l’empire doivent faire face aux incursions bulgares. Saint-Luc
naît dans l’île d’Égine, qui était menacée par les pirates arabes. Il quitte alors l’île avec
sa famille pour échapper aux pirates et se rend à Athènes pour s’y faire moine. À la
mort de sa mère, il se retire près d’un mont en Phocide pendant 7 ans. L’armée bulgare

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

l’oblige ensuite à se retrancher à Corinthe et puis à Patras. Il reviendra ensuite dans le


village de Styri en Phocide et y construit un monastère avant de mourir en 953. Ce
monastère va devenir célèbre grâce à sa situation géographique car il devient une
étape pour les pèlerins.

Le monastère comprend 2 églises, l’une dédiée à la Vierge et l’autre à Luc (la principale). Elles
ont toutes les deux un plan en croix inscrite et leurs coupoles sont un peu différentes de ce
que l’on a vu ; l’une est octogonale (celle de la Vierge) et l’autre est plus grande et surbaissée.
La coupole de l’église de Luc repose sur des piliers alors que l’autre repose sur des colonnes.

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 10e-11e s.

Dans l’église principale, on peut voir une représentation de Saint-Luc habillé en moine (habit
monastique sombre et capuche).

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 10e-11e s.

L’église de la Vierge comporte sur sa façade des lettres pseudo-coufiques (arabe) qui sont
mêlées à des inscriptions christiques (-> mélange des cultures). Les byzantins transforment les
lettres arabes en motifs décoratifs et floraux.

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 10e-11e s.

Le tambour de la coupole de l’église de la Vierge est orné de plaques de marbre et d’arcs


outrepassés (-> influence islamique) et de gargouilles à tête de lion (-> fait penser à
l’antiquité). Cette synthèse des influences est caractéristique de l’art byzantin.

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 10e-11e s.

Le templon de l’église de la Vierge est orné de lettres pseudo-coufiques sur les arcs qui
encadraient de grandes icônes. Sur les chapiteaux des colonnes, on peut observer des
représentations d’anges et de chérubins. Les arabesques font penser à l’art musulman.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 11e s.

Le katholikon est l’église dédiée à Saint-Luc. Elle est terminée en 1011. Nous n’avons pas
beaucoup de traces écrites mentionnant cet édifice, on ne sait par exemple pas par qui il a été
construit.
Il comprend des mosaïques datées par leur style du 1er tiers du 11e siècle. La coupole est
soutenue par des trombes d’angles (niches creusées à la partie supérieure des piliers pour
permettre l’installation d’une coupole octogonale).

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 11e s.

Il faut parler de l’importance des moines dans la construction de ce katholikon, on voit


notamment une représentation du moine Philotée qui offre la maquette du bâtiment à Saint-
Luc.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 11e s.

Dans le cul-de-four de l’abside, on retrouve une mosaïque représentant la vierge à l’enfant et


dans la coupole, on observe une représentation de la pentecôte.
Dans les trombes d’angle de la coupole du naos, on peut voir des mosaïques qui représentent
entre autres le bain de l’enfant jésus, les rois mages,… Dans une autre est représentée la
présentation du christ au temple (avec des lettres pseudo-coufiques). On peut voir aussi le
baptême du christ.

Monastère d’Hosios Loukas (Phocide). 11e s.

Dans le narthex, on peut voir des épisodes liés à la passion du christ comme le Lavement des
pieds ou l’Anastasis, la résurrection/descente du christ aux limbes : Le Christ brise les portes
des enfers et vient chercher Adam et Ève (qui symbolisent l’humanité entière) pour les
ressusciter. La croix à double traverse qu’il tient dans sa main droite rappelle son sacrifice mais
apparaît ici comme un signe de triomphe sur la mort. A gauche, les prophètes-rois David et
Salomon sont vêtus comme des empereurs byzantins.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Un autre décor en mosaïque caractéristique de cette période est conservé à la cathédrale


Sainte-Sophie à Kiev.

La principauté de Kiev émerge durant la deuxième moitié du 9e siècle, et se développe


beaucoup grâce au commerce entre la mer Baltique et la mer Noire. Olga, princesse russe, va
faire un voyage à Constantinople où elle sera reçue par l’empereur byzantin Constantin
Porphyrogénète (945-949), après cela, elle se convertira au christianisme. Vladimir (980-
1015), son petit-fils, instaurera le christianisme comme la religion officielle de la principauté
de Kiev.
De grandes églises étaient alors nécessaires pour célébrer le culte auquel assistait la
population récemment convertie au christianisme.
Le fils de Vladimir, Laroslav le Sage, étendit la ville de Kiev et y fit construire la cathédrale
Sainte-Sophie qui allait devenir le siège du métropolite de Kiev. L’architecture en pierre était
quasiment inconnue des Russes car toutes leurs constructions étaient faites e bois ou en terre,
il était donc impossible d’agrandir une église préexistante. Il fallait donc élever une nouvelle
construction, mais selon quel type de plan ?

Cathédrale Sainte-Sophie (Kiev). 1037-1048

L’aspect extérieur d’aujourd’hui n’est plus le même qu’au 11e siècle car il a été endommagé
au 17e siècle avant d’être reconstruit dans un style baroque.
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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Cathédrale Sainte-Sophie (Kiev). 1037-1048

Habitués aux structures architecturales voûtés de petite dimensions typiques de la période


mésobyzantine, les architectes auraient été incapables de reproduire une construction aussi
vaste que Sainte-Sophie de Constantinople. Ils optèrent donc pour une solution moins
ambitieuse mais non sans originalité ; ils utilisèrent le plan de base des églises mésobyzantines
(en croix grecque inscrite) et l’enveloppèrent de deux bas-côtés terminés chacun par une
abside et réunis par une sorte d’exonarthex. L’espace intérieur fut donc considérablement
élargi et était surmonté de 13 coupoles. L’édifice pouvait accueillir de nombreux fidèles.
La cathédrale a un plan en croix grecque inscrite élargi par des bas-côtés terminés par des
absides à l’Est. Un déambulatoire extérieur qui joue le rôle d’exonarthex a été ajouté à la fin
du 11e siècle et contient les cages d’escalier menant aux tribunes. L’édifice est essentiellement
en briques.

Cathédrale Sainte-Sophie (Kiev). 1037-1048

Dans la coupole et l’abside, le décor en mosaïques est conforme aux programmes


iconographiques répandus dans la capitale byzantine et ses provinces. On retrouve le christ

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Pantocrator dans la coupole, les anges et prophètes dans les tambours de la coupole, les 4
évangélistes dans les pendentifs de la coupole et la vierge dans le cul-de-four de l’abside.

Cathédrale Sainte-Sophie (Kiev). 1037-1048

Dans la conque de l’abside, on peut voir la Communion des apôtres, cette scène fait écho au
rituel liturgique. Cette scène surmonte la représentation des saints évêques figurés de face.
Le Christ est habillé en officiant est représenté deux fois. Il distribue le pain et le vin aux
apôtres comme il l’avait fait pendant la Cène.
Cette nouvelle scène qui apparaît dans le programme iconographique des édifices religieux à
partir du 11e siècle signifie que la liturgie célébrée dans l’église (dont l’Eucharistie est le
moment central) n’est qu’un reflet de celle qui se déroule dans les cieux.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Nous revenons en Grèce pour observer le décor du monastère de la Néa Moni sur l’île de
Chios.
Il a été fondé par deux moines de Chios (Jean et Nicétas) qui prédirent à Constantin IX
Monomaque qu’il deviendrait empereur. Une fois devenu empereur en 1042, Constantin IX
Monomaque les récompensa en les aidant à construire un splendide monastère.
Un surintendant des bâtiments, un maître d’œuvre et un atelier de mosaïstes furent envoyés
de Constantinople par l’Empereur pour la construction et le décor de ce monastère.
Des chrysobulles (décrets impériaux) relatent les nombreuses donations et les exemptions
d’impôts dont bénéficia alors la Néa Moni.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Le katholikon du monastère se caractérise par une coupole octogonale. Le plan comprend un


exonarthex, un narthex, un naos et un sanctuaire à 3 absides. L’espace du naos est libéré des
soutiens de la coupole car celle-ci repose directement sur les murs du naos. Des niches situées
dans les angles assurent le passage du carré à l’octogone à partir duquel une série de petits
pendentifs permet une mise en place plus facile de la coupole.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

L’espace du naos, décoré de placages de marbre et de mosaïques, est articulé en 3 zones


scandées par des paires de colonnettes octogonales superposées et marquant les 8 angles de
l’octogone.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Dans le cul-de-four de l’abside centrale, on retrouve une mosaïque de Vierge en position


d’orante. Elle est vêtue du maphorion et symbolise l’intersession plutôt que l’incarnation.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Dans la prothèse, on retrouve une représentation de l’archange Michel (gauche) vêtu de la


chlamyde et tenant le bâton des silenciaires et un globe marqué d’une croix à double traverse.
Dans le diakonikon, c’est l’archange Gabriel (droite) qui est représenté, et il est vêtu du loros.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Les pendentifs de la coupole sont décorés des 4 évangélistes. Dans l’un d’eux, on peut voir
l’évangéliste Marc au travail. Il est vêtu à l’antique et est nimbé.
La coupole était décorée du Christ Pantocrator entouré d’anges mais cette représentation fut
détruite lors de l’effondrement de la coupole suite au tremblement de terre de 1881. Huit
Grandes Fêtes sont représentées dans les niches situées sous la coupole.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Dans cette représentation du baptême du christ, le fleuve jourdain présente une forme de
cloche qui masque le corps du christ. En bas se trouve la personnification de ce fleuve, comme
on a pu le voir au baptistère des orthodoxes ou au baptistère des aryens, mais ici

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

l’iconographie est inhabituelle ; ce n’est pas un homme qui ressemble à Poséidon mais un
personnage jeune qui tient une jarre de laquelle jaillit de l’eau.
Il y a aussi des détails pittoresques, comme des gens qui vont nager ou qui regardent la scène.
Il faut mettre cela en relation avec des scènes qui illustrent des manuscrits du 11e siècle où
l’on peut voir des épisodes qui succèdent au baptême. Il est probable que ces scènes qui
illustrent les manuscrits soient passés dans l’iconographie du baptême du christ dans la
peinture monumentale, en effet, ces scènes apparaîtront encore plus tard dans des décors
d’églises aux 12e et 13e siècles.

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

Le centre de la scène est occupé par la croix du christ, dont l’image est mal conservée. De part
et d’autre de la croix, on distingue 2 inscriptions tirées de l’évangile de jean « voici ton fils »
et « voici ta mère ». L’attitude de la vierge est typique des scènes de crucifixion ; elle a une
main sur la poitrine et l’autre qui pointe son fils. Ses deux sœurs sont à ses côtés. Jean est à
droite de la croix, il est mal rasé et fait un geste typique de l’iconographie du 11e siècle; il a la
main droite tendue vers son visage et la main gauche qui agrippe sa tunique.
A droite de Saint-Jean est représenté le centurion, un témoin externe qui reconnaît la nature
divine du christ. C’est une scène racontée dans l’évangile de Matthieu. C’est un témoin
extérieur de la scène mais il est fort mis en valeur dans cette image. Il a une attitude
mouvementée qui révèle son trouble intérieur et porte vêtements militaires colorés avec un
bouclier et une épée.
Le visage des deux saintes femmes montre qu’on commence à représenter les sentiments
dans la peinture monumentale à cette époque. Cette tendance va s’accentuer dans la
deuxième moitié du 12e siècle.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Monastère de la Néa Moni (Chios, Grèce)

L’une des niches situées sous la coupole conserve une belle représentation de la résurrection
du christ (ou Anastasis). L’iconographie est inspirée des évangiles apocryphes. On y voit le
christ qui tient la croix en signe de triomphe et qui brise les portes de l’enfer pour libérer les
justes qui attendent leur salut. Il libère en premier Adam et Ève qui représentent l’humanité
entière. On retrouve également les prophètes-roi qui attendent la libération. La plus ancienne
représentation de cette scène date du 8e siècle et est conservée à Rome.

ii. La dynastie des Comnènes et des Anges (1081-1204)

La période des empereurs de la dynastie des Comnènes et des Anges se caractérise par une
stabilité mais aussi une désagrégation progressive de l’empire. Jusqu’à l’accession au trône
d’Alexis 1er Comnène, en 1081, le pouvoir fut disputé, et de nombreuses guerres civiles
affaiblirent l’empire et l’empêchèrent de lutter avec efficacité contre de nouveaux ennemis.
Des peuples nomades d’origine turque issus du nord du Danube vont faire de grandes razzias
dans les Balkans. À partir de 1040, les normands vont progressivement soumettre toute l’Italie
et la Sicile. En 1071, byzantins subissent une grave défaite en Asie Mineure contre les Turcs,
qui vont progressivement conquérir toute cette région.
Peu à peu, l’État est accaparé par un clan familial qui, souvent, dispose des ressources de
l’empire dans son intérêt.
L’Empire résista mal à l’expansion occidentale en particulier sur le plan économique. Afin
d’obtenir l’aide des Vénitiens contre les Normands qui menaçaient les Balkans, Alexis Ier (1081-
1118) accorda aux marchands vénitiens de vendre et acheter n’importe quel produit sans
subir le contrôle des autorités byzantines et sans payer aucun droit de douane, ni taxe. Ils
étaient donc favorisés par rapport aux marchands byzantins eux-mêmes, ce qui va affaiblir
l’Empire sur le plan économique.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Après la mort de Manuel Comnène (1143-1180), des principautés plus ou moins


indépendantes vont se former et l’autorité du gouvernement central ne s’exercera que sur un
territoire de plus en plus réduit.

Prémices et développement du style tardo-comnène

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes)

On ne connaît ni le commanditaire ni la date exacte de la construction du katholikon de ce


monastère. Un temple dédié à Appolon existait à cet endroit, rappelant mythe d’Appolon et
de Daphné qui se transforme en laurier. L’édifice a probablement été construit vers 1180 et
les mosaïques vers 1100.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes)

La technique de construction présente des caractéristiques locales qui se retrouvent dans


édifices médiévaux de la région. On retrouve les parements cloisonnés et les frises de briques
en dents de scie.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes)

Cet édifice comporte une coupole qui repose sur des trombes d’angle. Il n’y a pas de tribunes.
Le plan est en croix grecque inscrite avec l’exonarthex, le narthex, le naos, et le sanctuaire
composé de l’abside centrale entourée de la prothèse et du diakonikon.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes)

La façade ouest de l’exonarthex présente des arcs brisés et des créneaux, ce qui indique une
occupation du monastère par les moines cisterciens, lorsque qu’Athènes était dirigée par les
ducs de la Roche, seigneurs Bourguignons arrivés en 1204 qui étaient à la tête du Duché
d’Athènes, l’un des états croisés mis en place en Grèce après la prise de Constantinople.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes)

Dans la coupole de cet édifice, on retrouve une représentation du Christ Pantocrator entouré
des prophètes. Dans les trompes d’angles de la coupole, on peut voir une représentation de

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

quatre Grandes fêtes de l’année liturgique. Les scènes en mosaïque s’adaptent parfaitement
à l’espace architectural qu’elles décorent.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Annonciation

La scène de l’Annonciation avec l’archange Gabriel à gauche et la vierge immobile à droite, vêtue du
maphorium et nimbée. Le tout est sur un fond doré, c’est une composition assez simple.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Nativité

On peut également voir la scène de la Nativité, elle présente des couleurs dans les tons pastel. On
voit la vierge allongée portant le maphorium et étant nimbée. À côté d’elle se trouve l’enfant Jésus
emmailloté dans la mangeoire, dont la tête est entourée d’un nimbe cruciforme. À droite se trouvent
Joseph et les bergers avec leurs animaux. On remarque le mouvement élégant des anges sur un fond
doré, qui sont vêtus à l’antique et nimbés. À la partie supérieure, une inscription nomme la scène.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Crucifixion

La scène de la crucifixion occupe la partie haute du Naos et se détache sur un fond doré. Le
corps du christ est légèrement penché et on peut voir une expression (ténue) de sa souffrance.
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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Il est vêtu du périzonium et est nimbé. À gauche se trouve la vierge vêtue du maphorion et
nimbée avec un air un peu triste, à droite se trouve Saint-Jean vêtu d’une tunique et d’un
manteau dont les plis sont bien exécutés. Au pied de la croix se trouve un crâne sur lequel le
sang du christ coule, il s’agit du crâne d’Adam.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Anastasis

Dans la partie haute du naos, on retrouve également la scène de l’Anastasis. Au centre se


trouve le Christ portant une tunique dorée et dont la tête est entourée d’un nimbe crucifère.
Il tient une croix à double traverse qu’il enfonce dans le cou de la personnification de l’Hadès
(la mort), qui est couché et enchainé et qui repose sur les portes fracassées des enfers. À
gauche, on peut voir Ève, vêtue du maphorion rose, avec à ses côtés Adam agenouillé que le
christ tire de son sarcophage. On reconnaît aussi David et Salomon, les prophètes-rois, qui
sont nimbés et vêtus comme empereurs byzantins. À droite, on peut voir l’autre groupe des
élus avec Saint-Jean-Baptiste, qui est nimbé et qui bénit de la main droite et tient un rouleau
de la main gauche.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) -Prophète Zacharie

L’image du prophète Zacharie occupe également la partie haute du naos, elle est intéressante
pour bien comprendre le style des mosaïques de Daphni. Les proportions sont harmonieuses,
l’attitude élégante et les coloris sont raffinés.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Ce qui est caractéristique, c’est l’intrusion du graphisme (importance de la ligne) dans la


représentation du visage, de la chevelure, de la barbe et des vêtements. Cette caractéristique
va s’accentuer dans les périodes suivantes.
Dans le narthex, on retrouve des scènes tirées du Protévangile de Jacques, un évangile
apocryphe du 2e s. racontant l’enfance de la vierge.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Prière de sainte Anne et Annonce faite à Joachim

Dans cette scène, les parents de la vierge sont représentés ; sainte-anne et Joachim, qui prient
pour avoir un enfant. Un témoin se trouve à gauche dans une maison qui penser à un bâtiment
antique ; c’est la servante de Sainte-Anne. À droite, un ange apparaît à Joachim pour lui dire
que sa prière va être exaucée. Il y a des allusions à la fertilité comme des couples d’oiseaux
dans les arbres.

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Naissance de la Théotokos

Cette scène représente la naissance de la Théotokos, on voit Anne, la mère de la Vierge,


allongée sur un lit, entourée de servantes qui l’éventent. Au pied du lit, on voit d’autres
servantes qui donnent un bain à la Vierge qui est nimbée.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Katholikon du monastère de Daphni (Athènes) - Entrée de la Vierge au temple

Cette scène représente l’entrée de la Vierge au temple. Elle est accompagnée de ses parents
ainsi que de jeunes filles du temple et est accueillie par le vieillard Siméon. Elle rentre dans le
temple et est nourrie par un ange ; c’est la scène en haut à gauche.

Saint-Pantéleimon (Nérézi , Macédoine)

L’église dédiée à Saint-Pantéleimon se situe en Macédoine du Nord. Une inscription sur le


linteau de la porte d’entrée indique qu’elle a été fondée par le cousin de l’empereur Manuel
1er Comnène en 1164. C’est un exemple représentatif des fondations d’un membre de la
famille impériale dans les Balkans. Elle a un plan en croix grecque inscrite et est surmontée de
5 coupoles.
Cette église conserve de très belles peintures et est assez représentative du style dit « tardo-
comnène » qui caractérise la 2e moitié du 12e siècle.

Saint-Pantéleimon (Nérézi , Macédoine) – Communion des apôtres

Cette scène est située sur la conque de l’abside et représente la communion des apôtres. Le
Christ est représenté deux fois : à gauche il donne le pain et à droite le vin. De part et autre
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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

du ciborium, on peut voir deux anges vêtus comme des diacres, ils tiennent dans leurs mains
un rhipidion avec lequel ils éventent les dons.

Saint-Pantéleimon (Nérézi , Macédoine) - Thrène

Le Thrène, ou lamentation de la Vierge sur le corps du Christ mort, vient s’ajouter au cycle
iconographique relatant la passion du Christ. On peut y voir le Christ allongé et nimbé. La
Vierge fait un geste tout à fait original ; elle tente de reprendre le Christ dans son ventre. Son
genou est visible à la partie inférieure, ce qui veut dire que son corps se trouve en partie sous
celui de son fils. À droite, on peut voir Saint-Jean qui tient la main du christ et se lamente ainsi
que Joseph d’Arimathie et Nicodème. À la partie supérieure, 3 anges pleurent.
Au niveau des visages, on peut voir l’expression de tristesse du visage de la Vierge. Le
graphisme des lignes renforce cette expression, on a l’impression de voir les sillons creusés
par ses larmes.

Saint-Georges (Kurbinovo, Macédoine)

Nous allons étudier certaines parties du décor peint de la petite église de Saint-Georges à
Kurbinovo. Il s’agit d’une petite église à une neuf terminée par une abside à l’est avec des
peintures sur sa façade.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Saint-Georges (Kurbinovo, Macédoine)

Les peintures sont datées grâce à une inscription derrière l’autel : avril 1191. Le programme
iconographique de l’abside est organisé en deux registres. Au registre supérieur, la Vierge est
représentée trônant avec l’Enfant Jésus et entourée de deux anges. La Vierge est ici
représentée en tant que première personne humaine qui a pu accéder à l’union avec la divinité
car elle a donné chair au Christ.
Au registre inférieur, les saints évêques sont représentés de profil tenant chacun un texte
liturgique. Cette image les associe de manière étroite à la célébration liturgique qui se déroule
dans le sanctuaire.
Au centre de la conque de l’abside apparaît une nouvelle image en relation étroite avec le
rituel liturgique : le Mélismos, qui veut dire « partage ».
 Le Mélismos est l’image du Christ adolescent allongé sur l’autel. Cette image est
destinée à montrer que dans l’Eucharistie, le pain que mangent les fidèles est
véritablement le corps du Christ. Cette image est rare et sera remplacée au 13e siècle
par un christ enfant couché dans une patène.

Saint-Georges (Kurbinovo, Macédoine)

Sur l’arc triomphal de l’abside, on peut voir une Annonciation. L’archange Gabriel présente un
corps particulièrement allongé, une attitude maniérée. Le graphisme est utilisé pour souligner
le mouvement de son corps : les ondulations des draperies de son vêtement sont soulignées

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

par de nombreux traits. Cette image est représentative du style linéaire tardo-Comnème qui
se traduit par une élongation exagérée des personnages et une agitation de leurs draperies.
Ce style est également visible sur certaines icônes comme celles conservées au monastère
Sante-Catherine au Sinaï qui datent également du 12e siècle.

iii. La Sicile au cours du règne des rois normands

En 1072, les Normands s’emparent de Palerme qui devient leur capitale en Sicile.
En 1130, Roger II est reconnu roi de Sicile par le Pape Anaclet.
Entre 1154-1166 se déroule le règne de Guillaume 1er.
Entre 1166 – 1189 se déroule le règne de Guillaume II.

Cathédrale de Cefalù (Sicile)

La cathédrale de Cefalù, en Sicile, est dédiée au Christ et aux saints Pierre et Paul. Une
inscription dans son abside mentionne Roger II et permet de la dater d’environ 1140-1166.

Cathédrale de Cefalù (Sicile)

L’abside est décorée d’une image du Christ arborant un nimbe Cruciforme, il bénit de sa main
droite et tient un livre dans sa main gauche.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Chapelle Palatine (Palerme)

La chapelle Palatine à Palerme est construite par Roger II (1132-1140) et dédiée en 1148. Le
décor se poursuit jusqu’en 1170.

Chapelle Palatine (Palerme)

Son plafond est décoré de muqarnas. La coupole est décorée du Christ Pantocrator
accompagné d’une inscription tirée de l’évangile de Jean : « Je suis la lumière du Monde; qui
me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de la vie ».

Santa Maria dell’Ammiraglio (Palerme)

La Martorana ou Santa Maria dell’Ammiraglio, toujours à Palerme, est une église fondée par
l’amiral Georges d’Antioche entre 1146 et 1151.

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

Santa Maria dell’Ammiraglio (Palerme)

Tout comme l’édifice précédent, la coupole est décorée d’une image du christ Pantocrator
avec la même inscription : « Je suis la lumière du Monde; qui me suit ne marchera pas dans
les ténèbres ». On peut voir dans cette église une représentation de la Nativité et de la
Dormition de la Vierge.

On peut voir dans cette église ne mosaïque représentant le roi Normand Roger II couronné
par le Christ, qui est inspiré d’un ivoire du 10e siècle représentant l’empereur Constantin VII
Porphyrogénète couronné par le Christ.

Cathédrale de Monreale (Sicile)

La cathédrale de Monreale a été construite entre 1172 et 1189 par Guillaume II.

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Son abside est décorée d’une représentation du Christ en buste similaire à celle de la
cathédrale de Cefalù.

iv. Le sac de Constantinople en 1204

Le 12 avril 1204 est le jour de la prise de Constantinople par les Croisés de la quatrième
Croisade, alliés aux Vénitiens. Pendant 3 jours, la ville sera livrée à un sauvage pillage.
Baudouin VI de Hainaut est couronné empereur de Constantinople avec l’appui des Vénitiens
le 16 mai 1204, et entre 1204 et 1261, la ville sera occupée par les Latins.
Les empereurs latins firent fondre les statues en bronze pour obtenir des monnaies et ils
vendirent le plomb des toits des palais. Les Vénitiens volent des reliques et certains éléments
architecturaux pour orner leurs églises.

Après 1204, le territoire sera partagé méthodiquement entre Vénitiens et Francs ; Venise
prend les îles et les ports importants, créant un empire colonial alors que Les francs

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Célia Dierickx – Byzance, monde musulman et occident médiéval (2021-2022)

s’installèrent dans le Péloponnèse et créent des principautés. L’église grecque fit soumise à
Rome.
Un nombre important de byzantins puissants quittèrent le territoire pour gagner les régions
restées byzantins et y forment des états grâce auxquels la civilisation byzantine survivra à
l’occupation latine.
En 1261, l’un des généraux de Michel VIII va réussir à reprendre Constantinople. Après 1261
va s’épanouir à Constantinople un art qu’on qualifie de tardo-byzantin (1261-1453).

Église du monastère du Christ de Chora (Constantinople)

Les mosaïques de l’église du monastère du Christ de Chora à Constantinople sont réalisées


dans ce style et datent du 13e siècle. Cette église a été restaurée au début du 14e siècle par
Théodore Métochites, qui est représenté agenouillé près du christ en lui offrant la maquette
de l’édifice.
On y retrouve également des représentations provenant du cycle de l’enfance de la Vierge, ce
qui révèle encore une fois cet attrait pour les inspirations venant des évangiles apocryphes.
On peut notamment voir une scène montrant les parents de la vierge en train de la câliner ; la
valeur affective est représentée dans le décor monumental.

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