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Sommaire
Introduction :.............................................................................. 5

I Création de forme............................................................................... 8
I - Naissance d’une architecture. 8
II- Les mathématiques de l’espace : 12
a Les logiciels paramétriques 14
b Différentes manières d’aborder l’architecture 21

III la paramétrisation à plusieurs échelles : 26


a- la recherche d’une élégance 26
b– la genèse de la forme 31
c – le problem solving 34
d – Vision d’une nouvelle architecture libérée 43

II De la forme à la matière.................................................................... 48
I - Epouser constructivement une forme : 48
a Sculpter la matière 50
b Imprimer la matière 53
c L’assemblage 56
d Le tressage 59
e Le tissage 67
II - Les éléments finis à la base de la génération du modèle constructif 70
a Les éléments finis 72
b La science de l’ingénieur 73

III Nouvelles visions du paramétrisme................................................ 78

I La pensée selon l'axe paramétrique. 78


II Concevoir l’architecture en mouvement : 81
a l’art source de paramétrisation visuelle 81
b Le mouvement à travers l’architecture cinétique 84
III Le passage d’un modèle 3d à la matière physique sans l’utilisation
d’un support papier. 91
IV L’architecture paramétrique libre de droit ? 92

Conclusion................................................................................... 96

Bibliographie :............................................................ 98

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Introduction :

" On ne peut plus penser l’architecture stéréotypée, xièmement, cette vision est encore à ses prémices
rigide comme le cube, le cylindre ou la pyramide. et propose peu d’exemples réellement aboutis en
Notre vision de l’architecture et de l’urbanisme, se termes structurels. La documentation en détail est
compose d’éléments qui doivent devenir variables, donc naissante et sans cesse en évolution.
malléables grâce à des paramètres. Elle ne doit pas L’architecture paramétrique n’est pas uniquement
être générée par une combinaison d’éléments for- une l’architecture non standard, c’est une architec-
més grâce à des axes, des symétries et des propor- ture basée numériquement sur le principe de fonc-
tions, mais par quelque chose de beaucoup plus tionnalisation de paramètres. Les dimensions, les
organique, plus ouvert, des réseaux apparents plus domaines d’espaces, la construction se base sur la
riches, différenciés et complexes, comme une am- définition de paramètres qui sont manipulables en
biance naturelle riche qui ne se répète jamais, en temps réels. On ne prend donc pas en considération
trouvant la voie grâce à des transformations. Ce la création de formes - basée sur le façonnage de l’ob-
modèle s’inspire pleinement de la biologie et des jet numérique pas à pas, comme pourrait le faire un
systèmes naturels». sculpteur - mais bien une création globale régie par
« Patrick Schumaker » architecte chez ZAHA Hadid, une multitude de paramètres combinés entre eux.
interrogé lors de la biennale de Venise 2012.
Comme l’explique Patrick Schumaker, l’architecture Utilisée tout d’abord dans l’architecture aéronavale,
paramétrique est liée à une volonté de repenser l’architecture paramétrique et avec elle, la formula-
totalement l’architecture dans sa vision spatiale, tion de nouvelles méthodologies algorithmiques,
mais aussi et surtout dans sa vision constructive. ont représenté la possibilité de reconcevoir profon-
L’étude portée dans ce mémoire se concentrera sur dément la discipline architecturale. En synthétisant,
deux points : d’abord sur la naissance de ses formes nous pourrions dire que deux approches ont carac-
numériques qui se construisent généralement sur térisé l’usage paramétrique en architecture :
des modèles vivants, puis dans un deuxième temps - une approche problem-solving visant à solution-
sur la retranscription de ses formes en une réa- ner les problèmes complexes du bâtiment.
lité constructive. Nous essayerons de comprendre - un usage génératif d’instruments algorithmiques-
comment une idée qui se génère numériquement paramétriques visant à l’exploration de nouveaux
peut aboutir à un principe physique véridique. Pour langages architecturaux.
cela l’étude dans ce mémoire se basera sur des réa-
lisations de maquettes numériques et de bâtiments Les projets d’architecture paramétrique ont souvent
en cours de réalisation ou déjà achevés. La difficul- des airs et des audaces qui ont l’air gratuit, au mieux
té du propos, comporte deux ambiguïtés. Premiè- esthétique. Si nous considérons d’un côté qu’une
rement, le modèle de l’architecture paramétrique architecture paramétrique se libère de la standardi-
instruit par certains théoriciens est une idée loin sation, de l’autre il ne faut pas tomber dans le rêve
d’être partagée par l’ensemble des architectes. On d’une architecture libre de toute contrainte.
se devra donc de critiquer la vision qu’offre cette On cherchera donc dans une première partie à com-
architecture, positivement ou négativement. Deu- prendre quelles sont les contraintes possibles pour

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générer une forme paramétrique, et ensuite quelles Le savoir numérique n’est qu’une partie émer- tout objet est bien classé en élément « standard » La paramétrisation de la forme ne prend sens uni-
sont réellement les paramètres d’entrées pour créer gente de l’architecture paramétrique. En effet sa (barres, poutres, poteau). La science constructive quement dans un monde virtuel (celui) de l’infor-
une forme. Ces contraintes ont-elles réellement un retranscription matérielle constructive est bien plus se base, depuis les années 1800, sur ce mécanisme matique. Le passage du monde virtuel à la réalité
sens architectural ? Bien sûr nous ne voulons pas puissante. La non standardisation des éléments physique servant à dimensionner tout bâtiment est envisageable, (positionnement de la partie 2),
nous arrêter à l’apparence de la structure ; nous ne constructifs de base engendre des opérations qui standard, mais aussi complexe, en le décomposant uniquement lorsque les paramètres se figent. Ils
voulons pas uniquement de formes organiques, sont aujourd’hui en puissant développement. Les en sous éléments élémentaires. L’architecture para- sont alors définis une fois pour toute, on ne peut
mais de construction générative. Nous parlons machines à commande numérique convenant par- métrique vise entièrement à repenser ce modèle et ainsi plus les faire varier. La réalité offre donc sou-
de l’architecture qui ramène la nature au rôle déjà faitement à l’approche matérielle de l’architecture la façon de raisonner. Le savoir numérique construc- vent une architecture figée, gelée n’exprimant pas
connu d’inspiration, tout en introduisant un enjeu paramétrique, nous tenterons de comprendre leur tif a vu ces dernières années l’apparition d’éléments sa philosophie constructive faite d’optimisation ou
clair et net sur la valeur du résultat que ce proces- fonctionnement ainsi que leurs limites actuelles. finis, génératifs d’une nouvelle méthode de maîtrise de variation spatiale sensée. Peut-on imaginer que
sus produit. Et ce même dualisme donne lieu à la Le deuxièmement point du mémoire traitera donc matérielle, dans tous les modèles de calcul des pro- cette architecture reste attachée à ses paramètres
création de forme architecturale : c’est ainsi que l’on de la transcription, en forme concrète et tangible. grammes d’ingénieurs. Les logiciels plus élémen- dans le monde réel ? Pourquoi ne pas créer une ar-
part, de l’observation et de l’analyse du contexte, Le premier questionnement de cette partie pose taires de vérification mécanique sont largement chitecture en mouvement ? Ce mouvement même
pour concevoir des formes qui ne naissent pas d’un ainsi la question suivante : comment retranscrire ces employés dans tous les domaines de la construc- qui serait régi par la variation intrinsèque des para-
simple formalisme esthétique, mais qui proviennent formes complexes en une réalité constructive ? De tion. Ces logiciels plus élaborés ou plus spécifiques, mètres ? Autrement dit la création de formes à tra-
d’un rassemblement des données et d’informations plus, une autre ambiguïté sous-jacente à cette ré- développés dans les domaines de l’automobile ou vers des modèles paramétrés, peut-elle aboutir à
nécessaires pour contrôler, modeler, déterminer flexion sur la connexion virtuel-réalité se pose. Cette de l’aéronautique (comme ceux qui permettent de une architecture « animée » ?
l’organisme architectural. transposition se basait jadis entièrement sur un simuler les flux du vent) sont aujourd’hui souvent Certains projets artistiques offrent des éléments de
support papier. A-t-on encore réellement un sens à utilisés dans l’architecture. Cependant, la puissance réponse concernant l’art en mouvement basé sur
Nous ne voulons pas voir le résultat final, produit retranscrire ces formes sur papier ? Ces formes qui incroyable de calcul des méthodes skyline et mul- des paramètres vidéo. Cependant, l’architecture
numériquement, nous voulons explorer la réa- sont généralement perceptibles par une vision uni- tifrontal des éléments finis (un travail de 100 ingé- en mouvement existe à l’intérieur d’une maison, à
lité, donc atteindre la substance de l’objet afin de quement spatiale. Le plan et la coupe n’apportent nieurs travaillant pendant 100 ans se résume en 10 l’échelle du mobilier, mais rarement sur les éléments
pouvoir la connaître et la juger seulement à la fin. qu’un complément, mais n’ont finalement aucune minutes de calcul avec un ordinateur) est en avance structurant de l’édifice. Cette troisième partie sera
L’architecture paramétrique pourrait-elle avoir la justification physique. Sommes-nous arrivés à l’om- sur la réglementation en vigueur. Les Eurocodes ont donc une recherche sur les liens possibles entres
force d’un théorème, en tant que résultat d’un pro- niprésence numérique avec lequel tout système déjà du retard sur les innombrables possibilités de paramètres virtuels et mouvements réels.
cessus de transformation, ou entrainer le doute de cartésien serait insignifiant, et donc contraindrait la ce modèle de calcul. Le décalage temporel est dû
la conjecture ? Nous vivons à une époque où les future représentation par projection plane ? Autre- dans la plupart des cas à l’expérimentation servant
fruits de la révolution informatique mûrissent, où ment dit, sommes nous arrivés au stade ou le pa- ou non à valider une réglementation. Pour l’ingé-
l’influence des technologies numériques a déjà pro- pier ne serait plus nécessaire à la construction d’un nieur, l’architecture paramétrique ouvre une porte
fondément modifié le processus conceptuel dans projet, depuis sa création jusqu’au chantier même ? immense et encore floue de modèle structurel, qui
différents domaines du savoir, imposant de plus Quelles sont les limites actuelles du passage entre pour l’instant ne présente pas assez de recul sur les
en plus la création de nouveaux paradigmes. De un modèle informatique et la réalité ? ouvrages déjà réalisés. Nous essayerons de com-
quelle façon cela se produit-il en architecture ? Ra- prendre, comment se réalise un dimensionnement
rement, le confort ou l’usage sont pris en compte. de structure avec les éléments finis et où se situent
Pourquoi ne pas faire rentrer des critères écono- L’architecture est forme, et la forme est matière. Cela aujourd’hui les limites réglementaires. Les projets
miques dans sa chaîne de script permettant de gé- est une évidence lorsque l’on résonne avec des ob- actuels sont pour l’instant voués au stade du pro-
nérer une tour aux formes classiques dans ce para- jets basiques, un poteau, une poutre, une dalle... Ce totype ou de la maquette mais n’apparaissent pas
digme génératif ? modèle est basé sur la résistance de matériaux ou comme une réelle science constructive.

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cesse en recherche d’équilibre. Les aimants se re- définirait deux systèmes : l’un générant les interac-
poussent à une certaine distance les uns des autres tions inter-aimants et l’autre générant l’interaction
pendant que les billes proposent des trajectoires el- aimant / billes de polystyrène. C’est grâce à ces expé-
liptiques ou paraboliques à la manière des planètes riences de recherche de forme que Frei Otto définit
du système solaire. Frei Otto distingua alors trois la notion surface minimale entre deux géométries,
modèles types, des trajectoires, des territoires et qu’il appliqua par ailleurs sur le toit de stade Olym-
des longues distances. Il distingua également trois pique de Munich en 1972. En alliant la modélisation

I Création de types de configuration fondamentale, des trajec-


toires directes, minimales ou minimisées. La mor-
phologie résultant du paramétrisme apparaît donc
classique aux outils digitaux, il dessina, bien plus
tard avec l’agence NOX la piscine olympique The
Water Cube de JO de Pékin en 2008. Avant cette re-

forme comme un phénomène naturel organique ou inor-


ganique qui est le résultat du processus d’auto orga-
nisation et d’évolution. Cette expérience physique
marquable maîtrise des logiciels pour parvenir à un
dessin tridimensionnel, l’architecture paramétrique
a réellement pris naissance numériquement dans
théoriciens y voient un changement radical dans la simple est la base de la pensée du paramétrisme. la conception aéronavale. Les notions élémentaires
I - Naissance d’une architecture manière de pensée l’architecture. Cette architecture Ainsi, si l’on voulait reproduire cette expérience de l’architecture navale reposent sur les contraintes
qui serait plus malléable, moins élémentaire dans numériquement on définirait deux systèmes : l’un dynamiques lors de l’avancée du navire et sur la
ses formes, devient alors un nouveau courant de générant les interactions inter-aimants et l’autre gé- poussée verticale générée par l’eau mise en évi-
Pour mieux cerner le sujet du mémoire et s’intéres- pensée, en pleine rupture avec le modernisme ini- nérant l’interaction aimant / billes de polystyrène. dence par Archimède. La surface de coque est donc
ser uniquement à l’architecture paramétrique, qui tié dans les années 1950 avec Le Corbusier. Robert mène naturel organique ou inorganique qui est le le résultat d’un ensemble de contraintes physiques.
n’implique pas seulement toute forme produite via Schumacher, Architecte du studio de Zaha Hadid, résultat du processus d’auto organisation et d’évo- Ainsi pour une esquisse la génération de la surface
les logiciels informatiques, il convient d’en faire une nous expose dans son livre intitulé « The Autopoiesis lution. Cette expérience physique simple est la base 3d de la coque peut se résumer à une vingtaine de
première définition, à partir de la manière dont elle of Architecture » son entière vision de cette nouvelle de la pensée du paramétrisme. Ainsi, si l’on voulait paramètres uniquement. Parmi eux, la longueur, la
est produite et non sur ce qu’elle produit. source de conception basée sur le paramétrisme. A reproduire cette expérience numériquement on hauteur et la largeur bien sûr mais aussi, la forme de
La paramétrisation est la capacité de gérer des mo- travers plusieurs petites thèses concises, 60 au total, l’avant et de l’arrière du bateau définis simplement
dèles complexes et géométriquement très rigou- reparties en deux volumes de 1000 pages au total, par une courbe. Dans le plugin nommé t-splines ins-
reux. La spécificité d’un modèle paramétrique est l’auteur, parvient à dresser clairement sa théorie sur tallé sur rhino, on peut se rattacher aux paramètres
de construire un modèle systématique d’un objet ce qu’il a appelé « l’autopoiesis de l’architecture », déjà prédéfinis, pour générer une coque. Le bulbe
qui met en relation des variables indépendantes fruit d’un travail de trente ans avec Zaha Hadid. Pour avant et arrière étant la clé de la poussée, il est dé-
et des variables dépendantes, de diverses natures lui « le paramétrique offre finalement une réponse fini de façon précise avec plus de paramètres que
(valeurs numériques, entités géométriques, entrée soutenable « sustainable », et crédible pour couvrir pour le reste du bateau. Le modèle créé à parti du
vidéo, image, son…) que l’on appelle les paramètres la crise du modernisme sur la recherche de style qui fichier Grasshopper permet au projeteur de faire
du modèle. Le modèle paramétrique permet de résulte depuis 30 ans». Le point de départ de sa pen- varier ces paramètres et de visualiser sous Rhino ce
produire différentes morphologies pour un même sée est de démontrer que pour lui, le paramétrisme que l’on appelle une instance de la forme. C’est donc
objet en faisant varier ses paramètres. Ce que pro- n’est pas simplement le fait de manipuler des scripts une génération de formes purement contrôlées par
duit réellement, un modèle paramétrique, est ap- et des algorithmes, c’est avant tout un raisonnement un ensemble de paramètres initiaux qui sont en-
pelé une « instance ». construit. De ce fait le paramétrisme est pour lui « suite mises en relation pour aboutir à une seule et
Au delà de cette simple définition sur la conception le grand style après le Modernisme. Le Post Moder- unique forme. Ce pré modèle conduit plus tard à
paramétrique, ce que produit l’architecture paramé- nisme et le Déconstructiviste étaient des périodes une conception plus poussée mise sous simulation
trique intrinsèquement est bien plus difficile à dé- de transition, comme l’Art Nouveau ou l’Expression- numérique, qui possède encore intrinsèquement
finir, et ne pourrait se résumer en quelques lignes. niste. » (p 644 VII). Pour lui « Frei Otto est le seul des paramètres définis pour chaque type de mer.
La recherche de la forme idéale à longtemps préoc- précurseur du paramétrisme » p619. Il utilisait des En effet, les grands porte-conteneurs sont particu-
cupé nombres d’architectes au cours de l’histoire. processus physiques et des simulations dites« de- lièrement sensibles au phénomène physique de
Cette maitrise rigoureuse du dessin sous entendait sign engine » pour trouver des formes plutôt que de roulis en raison de la conception de leur coque : un
implicitement une architecture jouant sur les me- dessiner des formes inventées ou conventionnelles. vaste arrière plat et un dévers de l’étrave prononcé.
sures afin d’obtenir les meilleurs proportions. Nous Cette rigueur et cette élégance étaient cependant
ne nous attarderons pas d’avantage sur la naissance inaccessibles numériquement à cette époque pour
même du raisonnement conduisant à la maitrise Frei Otto. Son expérimentation consistait à placer
des proportions. Nous développerons plutôt la re- dans de l’eau des aimants et des boules de polys- Frei Otto, distanciations et attractions simultanées.
cherche sur l’architecture paramétrique numérique. tyrène. Sous l’effet de l’attraction magnétique entre Travail avec des aimants et des billes de polystyrène.
Le paramétrisme sous entend réellement une vaste les billes de polystyrène et les aimants, et de la ré- Institute for Lightweight Structures (ILEK), Stuttgart, Germany,
approche sur l’architecture contemporaine. Certains pulsion des aimants entre eux, le système est sans 1992

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plus riche qu’un simple résultat abouti de manière de conception que génère l’architecture paramé-
purement logique et résultant d’une optimisation trique, et surtout de faire un premier parallèle entre
via des facteurs extérieurs. Ne créerions-nous pas mathématiques, forme et architecture.
là une architecture pauvre, inhibée de toute la sen-
sibilité sociale, comportementale des hommes ? Le
dessinateur aurait-il encore le rôle du dessin au trait,
ou se justifierait-il dans la modélisation des para-
mètres?
Il est évident que le fait d’imputer des paramètres
initiaux qui seraient explicitement physiques,
anéantirait toutes les autres sensibilités du proje-
teur, si elles ne sont pas quantifiables. La différence
entre la conception d’un navire et celle d’un bâti-
ment réside donc dans l’opposition entre la pure lo-
gique qui résulte des forces hydrodynamiques d’un
système pour les grands porte containeurs, et celle
de la génération de formes architecturales qui se
doit d’être plus sensible et peut être moins logique.
La vision de Patrick Schumacher englobe beaucoup
d’aspects, pas uniquement celle liée à la notion de
Les premiers modèles paramétriques : Coque de na- forme. Il renvoie notamment dans toutes la première
vire faites à partir du plug in T Splines. A droite les para- partie du premier volume, à l’implication sociale
mètres variables du modèle à gauche une instance de la de l’architecture depuis le début de son l’histoire.
surface paramétrique générée. En première approche, on en conclura que Robert
Schumacher se veut donc l’auteur d’une nouvelle
pensée de l’architecture initiatrice, dans la lignée
La forme de la coque peut conduire à des pertes ou des récits de Leon Battista Alberti, constructeur,
des dommages lors de la cargaison des conteneurs ingénieur, théoricien et écrivain de la Renaissance
et peut entraîner également des dégâts possibles au avec « De re aedificatoria », ou de Jean-Nicolas-Louis
navire. S’appuyant sur la théorie de la physique fon- Durant avec« Précis des leçons d’architecture » ou
damentale pour simuler l’accumulation de l’énergie bien encore de Le Corbusier avec « Vers une Archi-
qui a lieu au cours d’un mouvement de roulement, tecture ».
les chercheurs d’ABS ont mené une étude sur les pas baser ce modèle génératif sans y imputer des Dans ce mémoire, nous nous attarderons à com-
conteneurs dits « ultra-larges ». Le dimensionne- contraintes initiales, qui était le moteur du dessin prendre la nécessité de repenser l’architecture dans
ment de la hauteur du navire se fait en combinant des coques de bateau. L’idée par laquelle la forme la création de formes. Ce qui est stimulant, c’est de
toutes les actions possibles du roulis « vagues avec naît de contraintes externes, elles même décrites par comprendre le processus de la création et les outils
oscillation sinusoïdale » dans la direction perpendi- un nombre limité de paramètres, se devait de trou- - qui comme on l’a précédemment décrit servaient
culaire à l’axe longitudinal du bateau. Ces navires « ver sens en architecture. Ceci soulève implicitement à dessiner la coque de navire dans l’aéronautique
ultra larges» sont en effet plus susceptibles au roulis. une question, quelles sont les contraintes, donc utiles - pour arriver au paramétrisme dans l’archi-
Le roulis paramétrique est la combinaison d’un en- les entrées pour générer de la forme ? En d’autres tecture. La seule thèse de Robert Schumacher, bien
semble bien équilibré de circonstances modélisées termes, en d’architecture, quelles hypothèses géné- qu’elle propose une vision entière de l’architecture
numériquement et prend forme grâce à des simu- ratrices pourraient découler directement de la phy- Post Moderniste, ne permet pas entièrement de
lations de séquences pour illustrer les effets de la sique. Certains éléments de réponse se rattachent comprendre par des exemples concrets ce qui est
force de gravité sur les navires comme le roulis, le au milieu extérieur, à la manière de l’eau sur le ba- sous-jacent à la création de forme dans le détails
tangage et le pilonnement sur houle. teau. On pense alors immédiatement aux écoule- même des scripts ou des modèles Maya ou Rhino
ments de masse d’air dus au vent, à la génération avec Grasshopper. Nous tenterons donc à travers
C’est donc en partie grâce à la modélisation para- et la propagation d’onde générée par le son, au ni- des exemples de maitriser des outils plus scienti-
métrique des coques de bateau, surtout grâce aux vellement du terrain. Cependant l’abstraction dans fiques pour ensuite discuter sur la thèse de Robert
outils utilisés, que l’idée sous-jacente de pouvoir laquelle plongerait l’architecture à travers la géné- Schumacher.
concevoir et dessiner des formes plus habitées pa- ration de forme via ce modèle, donnerait-elle réel- Afin de mieux comprendre l’entière thèse de Robert
ramétriquement est née. Néanmoins, il ne fallait lement sens au projet final ? L’architecture est bien Schumacher, il en convient de maîtriser le langage

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II- Les mathématiques de l’espace.

Comment mathématiquement une forme complexe numériquement. Cette illustration montre la rela- architecturale n'est ni vraie ni fausses. Les mathé-
est-elle définie ? Avec quels outils travailler ? tion entre géométrie et architecture qui a sans cesse matiques à la base du dessin architectural ne sont
Les Mathématiques purement logiques, invisibles été continue dans l’histoire. Aujourd’hui, certes les donc ni prouvées vraies ni prouvées fausses pour
spatialement et impalpables sont profondément ordinateurs, ont réconcilié l’architecture avec les quelconques opérations. Elles obéissent entière-
une discipline abstraite, incomprise. Les logiciels calculs. Pour la première fois, les architectes peu- ment à la volonté du projeteur. C’est ce qui explique
de design les rendent presque entièrement trans- vent réellement jouer avec le temps comme avec l’incapacité à ouvrir d’autres voies mathématique,
parentes. On ne se pose désormais plus la question l’espace. Ils peuvent générer des flux de manière à car la conception architecturale n’est ni vraie ni
mais dès lors que l’on clique sur une commande transformer les formes architecturales en gelant ces fausse, mais repose sur d’autres fondements moins
ou sur une icône, un script sous-jacent renvoi soit flux à un instant. Mais ce rapprochement grâce aux logiques.
une information (exemple coordonnée du point) programmes développés par « l’industrie » ne ren- Les objets mathématiques sont donc des produits
soit nous demande des informations afin de réali- voie absolument aucune notion très complexe de de l’imagination humaine. Néanmoins, ce qui carac-
ser une fonction (centre et rayon) pour dessiner un mathématique. La conséquence directe de ce mo- térise une fiction ce n’est pas seulement sont statut
cercle etc. En prenant des opérations simples, on dèle opérationnel ou les principes mathématiques logique (s’il est faux ou vrai) mais sa fonction cogni-
comprend facilement les commandes menées par sont souvent cachés derrière les effets sur l’écran, tive. Une représentation dont le but est autant de
l’ordinateur. Cependant, si l’on s’intéresse aux ma- n’a pas abouti plus loin vers un nouvel imaginaire fournir une description juste de la réalité que de
thématiques et au script derrière chaque fonction mathématique. Plusieurs raison expliquent cette vi- nous aider à imaginer des situations irréelles. Les
de Grasshopper, alors cela se révèle totalement abs- sion. D’abord, les designers traitent les objets mais fictions assistent notre imagination et c’est sur ce
trait pour un dessinateur. Les ordinateurs voilent la également les relations entre eux. C’est ce de quoi point que la pertinence des scientifiques est mise à
présence des mathématiques implicites et cachées la paramétrisation est faite : considérer les relations mal, les sciences sont plus qu’une simple collection
et les mathématiques sont alors noyées dans le lan- bien plus abstraites que ce que le dessin des objets de faits.Cette modélisation opérative voit le retour
gage informatique et sont désormais uniquement implique habituellement. Cette tendance est renfor- d’une vieille question qui interroge le manque d’in-
accessibles pour les aux personnes possédant ce lan- cée par l’utilisation des scripts et des algorithmes. tuitivité du contenu de certaines opérations.
gage informatique. Le dessin paramétrique et géné- La notion de conception via la paramétrisation est A l’heure actuelle les agences d’architecture comme
ratif a donc un prix. Celui du décalage entre mathé- donc une nouvelle façon d’aborder les interactions Zaha Hadid, Foster, OMA, Gehry, travaillent avec des
matique de l’espace et langage de code (C++, rhino entres objets, via des opérations plus poussées et dessinateurs et des projeteurs qui utilisent de façon
script…). Nous ne croyons plus en la figure idéale moins géométriques qu’auparavant. Cependant intense les logiciels comme Grasshopper, Maya, ou
du cercle, comme le visualisait Palladio 1508-1580, elle n’a pas encore créé un nouvel imaginaire ou de des outils paramétriques comme Générative com-
nous choisissons des coordonnées cartésiennes ou nouvelles bases de projection future, mathémati- ponent ou Digital Project. Cependant une grosse
quement parlant.Un Mathématicien est simplement partie de leur recherche s’effectue également dans Mathematics of space- Writing Form. Harvard
polaires non plus avec un compas ou une règle mais
un inventeur, à l’opposée d’un chercheur scienti- le Scripting et les algorithmes génératifs. Lors de Graduated School Of design.
avec un pointeur contrôlé par une souris. La créa-
fique s’approchant de la découverte. Le mathéma- la résolution de problème ou de génération de La maîtrise de l’espace passe obligatoirement par une
tion de formes ne se résume donc plus à de simples
ticien établit des connexions et des descriptions systèmes, ils travaillent avec les mathématiques description géométrique. Dessiner à partir d’équa-
opérations cognitives telles que la symétrie, l’homo-
de formes, mais ne décrit pas les faits. En 1931 Kurt conceptuelles et avec ses équations, plutôt qu’avec tions, telle est la philosophie de l’école de design
thétie ou la rotation. On se référera désormais à des
Gödel montre qu’un système cohérent axiomatique le modèle standard de logiciel diffusé par les indus- d’harvard.
gradients des suites de nombres complexes ou des
fonctions polynomiales, pour générer des données. (défini par des axes), soit un système sans contradic- tries. Cela implique un recours direct aux symboles déjà été faites, c’est travailler au sommet de cette
La génération de formes, via des opérations, se tions, caractérise des solutions, qui ne peuvent pas et signes génératifs. Ecrire les formes et procéder de pyramide. Il y a donc un réel engouement à l’heure
construit maintenant avec la gravité, la collision, la être prouvées vraies ni fausses. Les mathématiques à cette façon se révèle bien plus autodidacte. Leur fa- actuelle pour parvenir à redéfinir la place de l’ar-
relaxation, le draper, en minimisant une surface, en la base du dessin architectural ne sont donc ni prou- çon de procéder avec les équations est donc un tra- chitecte dans cette pyramide. Doit-il connaître les
faisant croitre une surface et en la contraignant par vées vraies ni prouvées fausses pour quelconques vail au premier niveau de la pyramide, où très peu langages informatiques ou les bases intuitives des
des obstacles… Autant de fonction certainement opérations. Elles obéissent entièrement à la volonté de chose sont définies. Travailler comme le font les logiciels lui permettant de maîtriser et de concevoir
envisageable manuellement mais qui étaient des du projeteur. C’est ce qui explique l’incapacité à ou- utilisateurs, dont je fais partie, sur des logiciels ou son imagination, en s’entourant de personnes com-
opérations cognitives jusqu’à présent inconnu nu- vrir d’autres voies mathématique, car la conception l’interaction est intuitive mais où les décisions ont pétentes dans le langage informatique ?

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a Les logiciels paramétriques

De manière à percevoir quelles sont les opérations certains objets de Rhinoceros à travers une biblio-
cognitives dans la conception de forme spatiale, il thèque de fonctions. Ces fonctions sont par contre
convient d’étudier les possibilités des logiciels qui en nombre limité ce qui a pour effet de restreindre Au dessus : visualisation d’un composant et à droite
ont poussé l’imaginaire paramétrique. Aujourd’hui les possibilités de programmation. Par exemple au- d’une chaine générant une simple ligne AB.
trois logiciels de conception 3d se détachent et pro- cune fonction n’est prévue pour décomposer un
posent une nouvelle approche pour dessiner des solide et accéder directement aux sommets, aux
projets : Grasshopper plug in de Rhino, Digital Pro- arêtes ou aux faces d’une surface ou d’un solide. A : les paramètres d’entrées du composant. (input)
ject développer par Ghery Technologie et Généra- L’ajout de nouvelles bibliothèques de fonctions ac- B : la fonction du composant
tive Component (Bentley System). cessibles par Rhinoscript est possible en revenant C : les trois paramètres de sorties (outpout)
au langage C++.
Sans utiliser C++, Mc Neel offre un autre kit de déve-
Grasshopper (le Scripting visuel) loppement « enveloppant » le kit C++ : Rhinoceros
SDK .NET. Ce dernier permet l’utilisation de langages
Le noyau ou cœur de rhinocéros est programmé en de plus haut niveau que C++ comme VB. NET ou C#.
langage C++. A partir de là, Rhino propose plusieurs NET. Ces langages sont à peine plus compliqués que
échelles pour élaborer des formes. La base du logi- RhinoScript et donc à la portée d’utilisateurs, aguer-
ciel fonctionnant en C++ Rhinoceros offre un kit de ris certes, mais non nécessairement informaticiens
développement en C++ nommé SDK : System Deve- de métier.
lopment Kit qui donne accès à l’ensemble des objets Cependant ces kits de développements, quel que
qui le composent : les objets géométriques, les outils soit leur langage, nécessitent une compétence en
de visualisation, d’interaction, etc. Avec ce SDK on algorithmique et des techniques de base de la pro-
peut atteindre le cœur du logiciel et développer des grammation informatique. McNeel propose donc
applications très sophistiquées. Cependant, C++ est également aux utilisateurs de Rhinoceros un outil
un langage de relativement bas niveau et demande de programmation visuelle ne nécessitant l’usage
des connaissances avancées en programmation et d’aucun langage de programmation : le Plugin
une gestion fine de la mémoire. Son usage est donc Grasshopper. Grasshopper se situe donc au Au dessus : visualisation d’un
plutôt réservé aux informaticiens. plus haut niveau, c’est-à-dire dans le langage le plus fichier générant à partir d’une
accessible au non-spécialiste de la programmation. surface courbe, une autre surface
Un langage est dit de bas niveau lorsqu’il est proche Grasshopper permet alors de créer des modèles décalée et rattachée par des cy-
de ce langage « machine ». Un langage de haut ni- paramétriques sur Rhinoceros grâce à de la pro- lindres. La distance entre les deux
veau est, quant à lui, plus proche du langage naturel grammation visuelle. Son utilisation par des archi- surfaces ainsi que le nombre de
(humain). tectes est donc généralement préférée par rapport tubes peut être gérés par les cur-
au VB script, VB. NET ou C#. NET. La programmation seurs réciproquement par surface
Pour les utilisateurs non-informaticiens, McNeel visuelle (ou programmation graphique) est un lan- Offset et U/V divisions. La taille
(éditeur de Rhinoceros) met à disposition des lan- gage de programmation procédant d‘éléments à du diamètre se paramètre via le
gages de plus haut niveau permettant d’écrire de assembler. Ses éléments sont représentés par des curseurs Radius.
petits programmes (des scripts), et de générer des symboles graphiques rectangulaires, sorte de boîte
icônes activant la fonction du programme. Ainsi de commande qui « encapsulent » du code, c’est-à-
RhinoScript est un langage de programmation dire des fonctions ou des sous-programmes (codés
proche de VBScript, un langage de plus haut niveau en VB script). En programmation l’encapsulation est
que C++ et plus simple à utiliser. Il donne accès à une méthode permettant de protéger un fragment A droite : visualisation de l’ins-
tance créée sur Rhino qui peut à
tout moment se geler et devenir
une géométrie morte.
14 15


Digital Project :



Digital Projet est un logiciel CAD, Computer Aided de désenfumage et de transférer ces informations
Design, basé sur Catia V5 et développé par Gehry directement aux fabricants. Un puissant outil de col-
Technologie. En se basant sur Catia, une nouvelle laborations. Le sujet du mémoire se concentre uni-
interface a été instaurée pour le travail de projet quement sur la création de formes contrôlées para-
d’architecture grâce aux développeurs de Gehry métriquement, et non sur les possibilités du BIM.
Technologie. L’interface de DP se présente comme Le musée de Guggenheim à Bilbao fut le premier
tout autre logiciel 3D, des icônes permettant la bâtiment d’importance réalisé avec Catia. Par la
boite de dialogue utilisant
création de formes et d’autres effectuant des opé- suite tous les édifices imaginés par Franck Gehry,
le langage VB script sur
rations. Sa spécificité réside dans la construction ont été réalisés d’une manière ou d’une autre via
Grasshopper.
du modèle. En effet tous les objets sont hiérarchi- Digital Project « évolution architectural de Catia ».
sés et donc instanciés. Cette hiérarchie est visible Il en a été ainsi pour la Sagrada famillia, Walt Disney
en haut à gauche de l’écran ou bien en activant le Concert Hall, le stade des jeux olympiques de Pékin
de code. Un code encapsulé fonctionne tel-quel, Pour obtenir un objet définitif à partir d’un modèle «modeling tree » l’arbre de modélisation. Cette ap- et plus récemment le pavillon de la création louis
il vne peut être modifié. Pour l’utilisateur, ces élé- paramétrique sur la scène Rhinoceros, le modèle proche est sensiblement identique à Cinema 4d ou Vuitton à Paris, et la Tour Burj Kalifa.
ments sont des « boîtes noires » effectuant un trai- doit être « baker » (fonction bake). Beaucoup de « 3ds max à ceci près que lors de la création du bâ- La contribution des utilisateurs au développement
tement dont on ne connaît que le type des don- boîtes », qui derrière possèdent un script, peuvent timent les objets appartiennent obligatoirement à du logiciel par la société Gehry Technologie, peut se
nées demandées en entrées nommé « input » et être créées en vue de générer de nouvelles opéra- un étage (ainsi la hauteur d’étage est paramétrable faire via un site Digital Project Hub où un ensemble
produites en sorties « output ». La construction du tions. Les entrées peuvent provenir de processing et le modèle s’adapte à ce paramètre en temps de partage et plate forme de renseignement est dis-
projet de la géométrie s’effectue en reliant les en- par exemple. Ce genre de traitement de flux re- réel). Ce niveau de paramétrage se rapproche plus ponible. L’échange de script est donc rendu possible
trées et les sorties et génère ainsi un code invisible quiert cependant des connaissances de traitement de Revit ou Archicad. On peut également créer des via ce serveur.
pour l’utilisateur. Celui-ci ne voit effectivement inter-logiciel assez pointu. Nous en reparlerons dans poutres, poteaux, etc en ajustant en permanence
que le résultat. On obtient alors un graphe dont les deuxième partie. Grasshopper à créé également leur section. DP serait donc un logiciel mixte alliant
nœuds expriment les traitements à effectuer par une communauté sur internet ou les blogueurs la paramétrisation sur Revit, un logiciel de concep-
le programme, les arcs (ou liens) et le flot des don- peuvent échanger et faire continuellement évoluer tion de bâtiment, à celle de Cinema 3ds max, dédié
nées. Le programme est exécuté en temps réel en la base de données. Par rapport à Rhinoscript, Grass- plus au dessin cinématographique. Sa puissance
parcourant le graphe. Une modification de donnée hopper ne permet pas d’inclure de récursivité dans s’exprime donc par sa capacité à créer des formes à
d’entrée du graphe entraine une nouvelle exécution un modèle. En effet, dans un modèle Grasshopper, base de nurbs, de spline en les interprétant ensuite
du programme. les entrées sont traitées jusqu’à obtenir un certains en éléments de construction de type poutre, po-
nombre de sorties. Ce « traitement » est linéaire et teau, voiles… Cependant la puissance de DP, réside
Ce mode de programmation est relativement dirigé : le graph est dit acyclique (il ne fait pas de dans l’emploi de fonctions très puissantes écrites en
simple. Le code étant encapsulé dans les nœuds du cycle). Cependant toutes ces limites sont peu à peu script par l’utilisateur. Le script n’est pas forcément
graphe, il n’y a pas de risque d’erreur de syntaxe. Au- repoussées par des développements par la commu- visible en entier. Lorsque l’utilisateur lance le script,
cune connaissance sur les structures de contrôles et nauté de codes ou plugins pour Grasshopper. Ceux- une fenêtre s’ouvre et demande à l’utilisateur de
plus généralement en algorithmique n’est requise. ci prennent la forme de codes encapsulés ou de rentrer les « inputs ». L’utilisateur sélectionne alors
Le même principe avait été développé en 1988 sur composants à ajouter, faciles à utiliser, et étendant les objets appropriés pour réaliser l’opération. Une
un logiciel de création musicale et multimédia nom- les fonctionnalités de GH. Par exemple HoopSnake fois la fenêtre fermée, la commande visant l’opéra-
mée Pure Data. permet aujourd’hui de faire des boucles et Fire- tion possède encore quelque paramètre réglable.
Grasshopper n’est pas un logiciel en soit. Le modèle fly permet l’interopérabilité de GH avec Arduino et Tout ceci s’instanciant bien sûr dans la hiérarchie.
de script visuel réalisé sur Grasshopper est en per- divers protocoles d’échanges (OSC, UDP) de façon L’autre point clé de ce logiciel est qu’il permet la
manence relié avec Rhino pour visualiser la géomé- simple. collaboration BIM. Gehry technologie à créé deux
trie. Ainsi Rhino n’est ni plus ni moins qu’un écran, autres logiciels complémentaires, Digital Manager
ou vient apparaître en temps réel une instance du et Digital Extension. Le point final de cet outil de
modèle de Grasshopper, nommé ‘‘objet instanciés’’. collaboration permet notamment de dessiner les
réseaux d’électricité, d’eau sanitaire, de ventilations,

16 17
Générative component :

Gc est un logiciel CAD développé par Bentley Sys- promouvoir les nouvelles technologies. Avec plu-
tems, et fut introduit en 2003. De plus en plus uti- sieurs séminaires à travers le monde ce groupe vise
lisé surtout par la communauté des architectes de à partager l’expérience et le savoir des profession-
Londres vers 2005, le logiciel fut commercialisé en nels aux étudiants des universités. Ce groupe est
2007. La volonté de la société était de développer sponsorisé par Bentley Systems qui met bien l’ac-
un logiciel non pas de modélisation mécanique 3d, cent sur Générative Component.
mais de préserver plus de fluidité et d’aisance dans
le design et en architecture. Les utilisateurs peuvent
interagir avec le logiciel soit par la modélisation dy-
namique et la manipulation directe de la géomé-
trie, soit en appliquant des règles, en capturant les
Ci dessus : Modèle paramétrique sur Digital Project, Ci dessous : Le pavillon Louis Vuitton réalisé par Franck relations entre les éléments du modèle, ou bien en-
génrérant un tressage de deux mailles voronoïs, l’une Gehry, développé avec Digital Project. core en définissant des formes et des systèmes com-
blanche l’autre orange. plexes grâce à des algorithmes. Le logiciel prend en
charge plusieurs entrées de fichier standard de l’in- Ci dessous : visualisation de la géométrie interactive
dustrie, y compris DGN par Bentley Systems, DWG sous GC générative Component.
d’Autodesk, STL (stéréo lithographie), Rhino. Le logi-
ciel peut également s’intégrer aux systèmes de mo-
délisation des données du bâtiment BIM.
Le logiciel se décompose en trois parties. Une fe-
nêtre de visualisation « view »(à droite), une fenêtre
de fonction de génération « task » (en haut à gauche)
et une fenêtre de gestion de variables « Graph va-
riables » (en bas à droite). Pour n’importe quelles
opérations ou transformation simple, exemple dé-
placement « translate » ou pour une rotation « ro-
tate », le vecteur de translation ou l’angle de rota-
tion peut directement être entré comme paramètre
mais un bouton permet également d’accéder au
Script editor. Cette fenêtre de commande permet de
renvoyer des informations à l’opération en question.
Par exemple au lieu de renvoyer un seul vecteur on
peut générer une suite de vecteurs selon une règle
mathématique… Dans cette fenêtre de commande
on retrouve une icône fx où un ensemble de fonc-
tion est déjà programmée. Appeler une fonction
revient juste à rentrer dans le script une opération
déjà programmée. La basé du script est en C++.
Le groupe Smart Geometry Group a été fondé par
des experts industriels, Robert Aish (Bentley Sys-
tems), Hugh Whitehead (Foster and Partners), Lars
Hesselgren (KPF) and Jay Parish (Arup Sport) afin de

18 19
Maya : b Différentes manières d’aborder l’architecture
être négligées dans la plupart des cas, cependant
Maya, qui veut dire Illusion en sanskrit, est un logi- elles peuvent également s’ajouter et devenir « re- Les logiciels proposent donc actuellement plusieurs ment après avoir lancé le « main ». Je pense donc
ciel commercial réputé pour les images de synthèse, levant » dans des opérations complexes géomé- niveaux de paramétrisation. Le script à la base que ce façonnement peut engendrer une paramé-
développé par la société Alias Systems Corporation. triques. Ce qui explique parfois que l’opération de même de tous les logiciels et de toutes les opéra- trisation viable pour l’architecture et applicable à la
Utilisé fortement par l’industrie du cinéma, princi- départ du point (0, 0,0) peut advenir par l’opération tions assistées par ordinateur en langage binaire 1 génération de formes structurelles, mais que pour
palement sous Linux, le logiciel utilise intensive- inverse au point (1015, 1015, 1015). De plus, plusieurs ou 0 n’a pour moi rien de paramétrique. Cependant les architectes elle n’est pas assez fluide. Evidem-
ment le langage MEL, permettant à ses utilisateurs opérations fondamentales comme l’intersection de l’écriture d’un script demande elle une justesse et ment, toutes les données pour effectuer les opéra-
de personnaliser et d’ajouter des fonctionnalités deux nurbs, utilisent des approximations numé- une paramétrisation implicite de la part du créateur. tions sont infiniment paramétrables, qu’elles soient
sans avoir besoin de connaître le langage C ou C++. riques, ce qui détruit la notion de la précision infi- Le langage du code quel qu’il soit n’est rien d’autre dans le « main » ou dans les fonctions annexes. Mais
Il est toutefois possible de créer des extensions plus nie des modèles CAO. C’est pourquoi les logiciels qu’une succession d’opérations écrite ligne par il faut sans cesse enregistrer et relancer le main pour
complexes grâce à une API utilisant le C++. En oc- ont une tolérance réglable. Augmenter la tolérance, ligne avec un langage de plus haut niveau que celui voir l’affectation des nouveaux paramètres et pou-
tobre 2005, Alias fut vendu à la société Autodesk, peut améliorer le travail à partir de la géométrie im- du code binaire. Il est évident qu’ « écrire des formes voir observer ce qu’ils produisent. J’appellerai donc
qui compléta l’acquisition le 10 janvier 2006. Alias portée, mais réduira la qualité finale. La diminuer », en c++ ou VB script se révèle être la base de toute ce niveau de paramétrisation la paramétrisation «
Maya est dorénavant connu sous le nom d’Autodesk peut alors réduire les chances de faire fonctionner approche cognitive pour construire une forme. segmentataire ». Sa puissance et ses possibilités in-
Maya. Les versions deviennent de moins en moins certaines opérations géométriques mais cepen- Néanmoins cette approche est intrinsèquement dif- finies sont limitées pour les architectes d’abord par
stables, voire ne sont plus rétro-compatibles. La dant booste les temps de calcul. Bien sûr les erreurs férente de celle employée dans le scripting visuel. leur langage et pour un informaticien par leur non
version 8 a été boycottée par un certain nombre de d’opérations géométriques sont impossibles à éviter En effet, lors de l’écriture d’un script, la création de fluidité. Elle est pour moi réservée à des pratiquants
sociétés développant des plugs professionnels. Les dans certains cas, mais les connaître permet d’amé- formes engendrées par celui-ci est effective une fois capables d’interagir avec les architectes pour façon-
fonctions inhérentes à l’architecture sont principa- liorer la construction au lieu de sans cesse réajuster seulement après avoir lancé le script (« run » en an-
lement, hair simulation, les fluides dynamiques, et la tolérance du modèle. Il faut donc connaître assez glais) dans le fichier principal nommée « main ». Du-
les membranes. La propriété des fluides est utilisée méticuleusement son outil de travail, peut importe rant l’écriture rien n’est en instance, rien n’est créé, Les expositions, matières à évolutions.
dans l’architecture paramétrique pour absorber et le logiciel utilisé. La comparaison des logiciels peut toutes les opérations sont effectives une fois seule- Zaha hadid. Serpentine Gallery.
faire le médiateur des conditions des arrêtes et des donner une piste lorsque l’on aborde un projet. Le
gradients de transition entre différentes zones. caractère acyclique des codes de Grasshopper, s’il
D’autres logiciels proposent plus au moins une facilite le travail de programmation, réduit les po-
conception paramétrique comme Salome, Pytho- tentialités de représentation des codes. Il semble
nOCC, OpenCascade (coeur C++ des deux précé- qu’en ce sens, Grasshopper soit plus un moteur de
dents) et Processing permet de créer via des petits modélisation paramétrique que de modélisation al-
scripts du dessin génératif interprétable en formes gorithmique. Etant un logiciel open source, sa force
malléables. réside implacablement dans la communauté sous
Diverses approches sont ainsi possibles à travers jacente naissante sur internet. Communauté qui
ces logiciels présentés. Il en résulte que la base de n’est pas encore si développée avec Digital Com-
tous s’appuie sur du code, qui définit ensuite une ponent. Le logiciel payant et développé par Gehry
géométrie. Cette géométrie se compose de points Technologie se révèle donc plus pour les profession-
à la base de tout. La différence des modèles outre nels, voué à une utilisation de métier. C’est-à-dire de
leur interactivité et leur maniabilité peut se faire la création jusqu’à la réalisation. Chose qui est plus
également dans leur précision interne. En effet, la difficilement accessible via Grasshopper. Generative
précision des modèles digitaux n’est pas infinie. Ce Component semble le logiciel le moins commer-
qui parfois conduit à certaines erreurs lorsque l’on cialisé et le moins utilisé des trois. La conception à
manipule des puissances avec des nombres réels. travers le logiciel est beaucoup plus géométrique et
Dans la plupart des autres cas la manipulation des l’interface ressemble encore au logiciel des années
réels ne pose pas de souci majeur. C’est ce que l’on 2000, ce qui limite certainement l’envie d’élabora-
appelle le floating point. Ces imprécisions peuvent tion de formes.

20 21
ner leur idée. Les grandes agences sous-traitent déjà est inspiration et représente une certaine vision des C’est ce à quoi l’architecture paramétrique ne vise On pourra citer par exemple le projet du stade de
ces opérations à des modeleurs informaticiens spé- choses. Les architectes comme Zaha Hadid se réfè- pas à repenser. Au contraire, elle continue l’idée et Hangzhou, ville en pleine mutation, où les desi-
cialisés. Zaha Hadid depuis 1995 avait travaillé sur la rent aux forêts, aux canyons, aux deltas, aux dunes, le chemin créatif, mais elle emmène la vision spa- gners ont inventé les scripts au fur et à mesure de
génération de formes fluides invitant à la déambu- aux glaciers, aux chutes, aux moraines, aux strates tiale de l’architecture plus loin que ne le faisait le l’avancement du projet. La dernière transformation
lation à la promenade sensorielle dans ces pavillons géologiques - mais sont incapables de les dessiner papier. Il n’y a pour moi pas d’opposition formelle étant bien plus complexe que les premières, les pro-
expérimentaux. Dessiné dans leur studio par des ar- numériquement pour la plupart d’entre eux. Là ou dans la manière de concevoir l’architecture. En re- jeteurs ont dû revenir en arrière afin de mieux maî-
chitectes aujourd’hui l’export de connaissances s’est l’architecture paramétrique excelle et modèle la vi- vanche, le point de conjecture est effectivement triser certaines opérations qu’ils ne contrôlaient pas
retourné vers des spécialistes qui manipulent le lan- sion de l’architecte c’est qu’elle est « manipulable » celui de la vision de l’espace et le façonnement de exactement auparavant, au début de la conception.
gage script, plus aisément. Au delà du paramétrisme c’est une architecture numérique en mouvement. cette nouvelle architecture. On reproche à celle- Ainsi à l’échelle même d’un projet, soit une durée de
l’usage du script est inévitable pour des résolutions On pourra la façonner comme une sculpture. Ce- ci d’être de l’image. Mais l’architecture est vision, 1 ans d’étude, il y a déjà des modifications qui peu-
de problème itératif. L’itération est le processus par pendant pour la construire il faut la figer. C’est donc image, forme, matière, texture… Là ou je partage vent réinterroger les basses initiales sur lesquelles
lequel le cheminement d’opération conduit à une dans cet instant où l’instance générée oubliera ce sentiment d’image illusionniste c’est lorsqu’elle se fondent le projet. C’est dans cette optique que
variable qui est elle-même réinjectée au début du toute l’histoire de création du modèle et jaillira en n’est qu’irréelle et non construite. Celle-ci en ef- l’évolution doit garantir un mûrissement évolutif du
cheminement, de manière à créer une boucle. Après quelque sorte d’une « photo 3d » du modèle para- fet apporte certes une imagination future, un non projet sans pour autant remettre en cause l’objectif
plusieurs itérations la solution converge vers une métrique. Certains la figent en l’optimisant par des achèvement, et est uniquement significatif de rêve initial.
variable finie, solution du problème posé. C’est ce procédés physiques (on se référera au porte conte- et ne peut se révéler qu’artistique. Mais en revanche, Il en résulte donc que chaque architecte confère
que l’on appelle le problem solving. Cette opération neur mentionné au début du mémoire), mais éga- je crois en l’architecture bâtie source de forme, et à son projet ses intentions plus ou moins manipu-
n’a absolument rien de paramétrique, mais résulte lement par d’autres contraintes physiques tel que qui propose du mouvement, des espaces et des do- lables selon le degré de paramétrisation. A l’école de
d’une pure logique mathématique. En revanche elle le son, la répartition de la lumière… D’autres dé- maines plus fusionnels avec ce qui nous entoure. Paris Malaquais et à l’Universitat die Andewandte
permet d’obtenir des valeurs qui ne proviennent nient tout cette approche problem solving et font de Vienne, un semestre à été dédié à la modélisation
pas du hasard dans une modélisation paramétrique. de l’architecture paramétrique une base unique- L’architecture est toujours révélatrice de moyens paramétrique. Des étudiants de master ont généré
Le problem solving est donc un outil visant à opti- ment visuelle. Dans ce choix, Robert Schumacher techniques de l’époque où elle a été créée. Les un projet afin de mieux comprendre dans quelle me-
miser un processus selon un critère particulier. emploie alors l’expression « an elegant pattern is arches et les voûtes brisées, caractéristiques de sure la modélisation paramétrique assiste-t-elle la
chosen » V1 4.2.2. En d’autres termes, si on modé- l’époque romaine et romane, témoignent de l’inca- conception architecturale ? Quelles sont les interac-
En dissimulant le langage assez complexe les indus- lisait la maison Schröder, avec les dimensions des pacité technique de l’époque à franchir de longues tions avec le logiciel et quels seraient leurs modèles
triels ont donc développé Grasshopper ou digital murs en béton manipulables sur Grasshopper, et distances. La distance entre travée ou rangée n’a adoptés. Plusieurs d’entre eux ont entièrement fait
Project plus adapté aux architectes et ingénieurs. que l’on demandait à Rietvelt d’obtenir une forme sans cesse augmenté jusqu’à l’apparition de la fonte évoluer leur projet sur Digital project, d’autres ont
Mais leur utilisation n’a pas recours spontanément de maison lui satisfaisait, loin de parier que le résul- puis de l’acier et enfin du béton armé. Aujourd’hui, eu des difficultés car leur conception était difficile-
à la paramétrisation ou à l’inverse à un usage abu- tat sera éloigné de la réalité ! la technologie avance bien plus vite qu’auparavant. ment paramétrable et sont revenus aux modes clas-
sif afin de contrôler entièrement une forme par des Ce qui me touche particulièrement dans cette ma- Le fait même de baser une réflexion de conception siques du dessin spatial sur Rhino. Une étude faite
paramètres. Certaines opérations ne sont que gé- nière de générer la forme, c’est qu’à l’inverse du trait assistée par ordinateur, ce qui au fond est source de par Aurélie de Boissieu, Caroline Lecourtois et Fran-
nératives et effectives une fois seulement, d’autres de crayon ou de la polyligne, le fait de paramétrer l’architecture paramétrique, rend l’architecture de cois Guéna doctorants en recherche paramétrique,
peuvent être réglables et manipulables par un en- des objets, des « surfaces de formes » raffine et aug- plus en plus soumise à l’évolution technologique. La présente les différents projets et donnent des élé-
semble de paramètres. On en conclura donc qu’avec mente la maîtrise de notre pensée. En approchant la recherche visant la conception est donc sans cesse ments de réponse sur la Science de construction.
n’importe quel logiciel 3d, il existe différents niveaux forme de cette façon, il reste pour moi une sensibilité en évolution. Ceci produit d’une part une explora- Pour eux, « L’activité de modélisation paramétrique
de paramétrisation et qu’il n’est pas nécessairement finale à l’objet ainsi créé, comme une signature pré- tion fleurissante et une maturation dans l’approche semble relever d’opérations de modélisation spé-
valable de qualifier un logiciel de paramétrique. cise qui serait propre à l’architecte. Cependant pour sensible paramétrique au fil du temps, qui s’opére- cifique que l’on pourrait caractériser grâce à la no-
Ainsi dans la génération d’un projet ou d’une forme moi la question qui donne corps à l’architecture re- rait plus vite que tout les précédents mouvements tion de Reliance (Lecourtois, 2010). La reliance est
cette étape est paramétrée d’autres non. C’est sur ce pose sur la génération au préalable de la forme. Bien artistiques de ces dernières années, certes. Mais il un concept utilisé par la « pensée complexe » d’ E.
point que diverge la vision des architectes. Les archi- sûr toute idée se base sur un bout de papier, trois ne faut pas se perdre sur l’objet de la recherche car Morin et J.L. Le Moigne. Elle désigne « l’acte de relier
tectes cherchent dans la nature une forme aboutie, traits, quelque photos, tout simplement une inspi- au rythme exponentiel où se développent actuelle- et de se relier ainsi que son résultat » (Le Moigne,
qui soit achevée pour ne pas créer de forme aléa- ration, mais de là à en tirer une forme aboutie ! Le ment les flux, la réflexion aboutissant à cette archi- 2008). A travers ce concept de Reliance, les auteurs
toire, venue juste d’une réalité informatique. Cepen- chemin à parcourir pour y parvenir n’est ni spontané tecture est remise en question bien plus fréquem- interrogent les relations entre différents niveaux de
dant dans le mot architecture il y a le mot art. L’art ni évident. ment. conception du modèle (entre volumétrie globale,

22 23
module, etc.) Ils y distinguent plusieurs niveaux pour moi dans cette voie qu’il faut aborder l’archi-
de paramétrisation et d’instanciation. Certaines tecture paramétrique. Une nouvelle approche mu-
opérations, comme la discrétisation de la glo- nie d’outils puissants de part leur vitesse (nombre
balité du modèle, en vue d’instancier la power d’opérations par secondes inqualifiable pour
copy, ne s’avèrent, disent-ils, pas pertinente. l’homme), par leur précision qui contrôle le risque
de l’erreur et renseigne sur le coût de production.
Pour le pavillon Louis Vuitton, deux modèles para- L’innovation crée le progrès. C’est l’innovation qu’il
métriques ont été générés, un à Los Angeles celui faut créer, c’est-à-dire l’évolution des disciplines hu-
des architectes et l’autre à Paris pour les ingénieurs. maines dans leurs interactions continues. Il conclut
Le modèle paramétrique 2 celui de Paris, est en- en disant « Les technologies ne peuvent pas créer
tièrement construit et revu chaque semaine par le de style, enfin je l’espère ». Cette démarche est cer-
modèle 1 de Los Angeles en tant qu’instance. Il n’y tainement en cours de réflexion et chacun voit en ce
a donc pas de continuité entre les modèles pour paramétrisme une source d’inspiration. Les projets
un même projet. Tous les projets ne sont donc pas suivant illustrent cette différence de points de vue
entièrement bâtis sur un seul logiciel, quand bien et délimitent ainsi l’architecture en quatre niveaux
même ils le seraient certaines étapes pour aboutir de paramétrisation.
au résultat final sont segmentées, ce qui conduit à
une segmentation de la paramétrisation.
A travers cet exemple décrit rapidement, on voit
l’émergence de l’architecture paramétrique à plu-
sieurs niveaux et à plusieurs échelles. Pour mieux
comprendre la science de conception sous jacente à
cette méthode, nous distinguerons quatre niveaux
de paramétrisation suivants :

1 la recherche d’une élégance non plus avec un


crayon mais avec un curseur.
2 l’émergence des sources d’entrées générant
des paramètres.
3 la nécessite d’optimisation.
4 vision d’une nouvelle architecture libérée.

L’architecture paramétrique est donc le en fruit à


une réflexion naissante et sans cesse évolution.
Sa franche rupture avec le mode de conception
de l’architecture moderniste conduit pour Robert
Schumacher, à la création d’un nouveau style post
moderne. Marco Vanucci, architecte cher AKT mais
ayant travaillé avec Zaha Hadid, répond de façon
moins directe à cette nouvelle approche. « L’avant-
garde existe toujours et elle n’a cessé d’exister
NBBJ a dessiné en collaboration avec CCDI, le stade de La structure et la définition de sa peau ont fait l’objet comme le contemporain ». Les technologies infor-
la ville de Hangzou. Le projet répondant au concours a d’étude à travers des maquettes à échelles réduites. matiques sont humaines. Elles franchissent le seuil
été entièrement dessiné sur Grasshopper. de l’humanité en vitesse, avec un langage simple et
un accès facile. Pour lui « Les significations ne chan-
gent pas, ce sont les processus qui changent. » C’est

24 25
III la paramétrisation à plusieurs
échelles
1. 2. 3. 4.
a- la recherche d’une élégance
Afin d’obtenir la « toile » finale, il suffit simplement
Hypothèse : La manipulation des curseurs rend mal- vant la fonction f(x)=x/1.06). Les deux fonctions Génération du modèle sur Grasshopper en plan : de prolonger les arrêtes de tous les carrés jusqu’aux
léable l’architecture. Cette maniabilité est directe- polynomiales ont été choisies afin de respecter le 1. Création des 6 carrés (du rose au vert) à partir du limites du pavillon (le carrée de 30 m de côté). La
ment source de décision. dessin final du pavillon. En effet, on remarque en carré initial blanc par rotation et homothétie. dimension du pavillon, implicitement décrite pré-
plan que l’agrandissement des carrés diminue. En 2. Prolongement des arrêtes des carrés sur les bords du cédemment, n’est en effet pas paramétrable. L’ex-
Pour illustrer cette hypothèse et cette méthode tra- d’autres termes, le facteur de l’homothétie pour le volume. plication vient du fait qu’un modèle paramétrique
vail, j’ai modélisé le Serpentine pavillon de Toyo Ito, changement d’échelle diminue, d’où la valeur 1,06, 3. Représentation filaire. n’a pas d’échelle. En effet, si l’on souhaite modifier la
sur Grasshopper. En première approche, la forme qui engendre cette diminution. La fonction 3x²- 4. Création du damier. longueur du pavillon à 30 par exemple, il suffit d’ap-
cubique du pavillon formée par cet entrelacement, 2x-0,21, permet de rendre les rotations successives pliquer la transformation uniquement au modèle
résulte des lignes arbitraires et sa lecture donne moins géométriques, d’où le choix d’une fonction final. D’où le choix de rendre le carré de 30 m fixe.
l’impression d’une non organisation profonde. polynomiale d’ordre 2 qui possède deux racines Cette notion d’échelle est importante dans tout mo-
En plan, on se rend compte que la création de ses réelles. Les coefficients 3, et 2 sont purement arbi- dèle paramétrique pour ne pas accumuler des opé-
lignes est parfaitement géométrique. Le pavillon à traires et la valeur 0,21 permet d’ajuster la rotation rations inutiles. Le réajustement pour l,e ramener
été créé en 2002 avec la collaboration de l’agence car Grasshopper gère les angles en gradient. à une échelle humaine se fait en général toujours à
ARUP, qui a défini le modèle structurel du pavillon. la fin. Les lignes du carré de 30 m se prolongent en
L’idée de départ est assez simple et se résume en plan pour former les élévations du pavillon.
deux opérations. Premièrement un point est choisi
arbitrairement sur la surface supérieure du « cube J’ai fait volontairement le choix de ne pas connaître
». Un carré est dessiné en se centrant sur ce point. exactement la procédure et les choix de conception
Les deux opérations suivantes visent à générer des qui ont façonné le modèle du pavillon de Toyo Ito en
carrés à partir du carré principal : d’abord en faisant 2002. J’ai plutôt voulu retranscrire cette conception
une échelle du carré puis en effectuant une rota- avec un outil paramétrique me permettant de mo-
tion. Les deux opérations uniques sont donc le fac- deler à ma façon la forme du pavillon En effet, il est
teur d’échelle et l’angle de rotation. difficile à croire que ce projet ait pu être dessiné à
Le modèle Grasshopper est défini de cette façon. On la main. Le seul fait de changer de quelques degrés
dessine uniquement dans rhino un carré de 30 m de certaines opérations, demande un temps considé-
côté (dimension du pavillon) et un point à l’intérieur rable pour redessiner le modèle à la main. Grâce à
du carré. Ce sont donc les deux entrées physiques seulement trois curseurs (dimension du cube ini-
qui sont uniquement transférées à Grasshopper. On tial, rotation en degré et le facteur d’échelle) et un
réalise alors les deux opérations homothétie et rota- élément géométrique (le choix du positionnement
tion successivement, à partir d’un premier carré puis du point initial) les solutions possibles semblent
on répète l’opération avec le deuxième carré pour Paramètres du modèle sous Grasshopper. presque infinies. L’architecte, parmi ces solutions
créer le troisième et ainsi de suite… Les « curseurs choisit celle qui serait la plus envisageable, celle qui
» faisant office de paramètres sont donc : la dimen- semble être la plus élégante, en fonction de critères
sion du premier cube, l’angle de rotation du premier structurels ou d’autres plus subjectifs. Le damier
carré (les autres angles découlant du premier angle A gauche : Serpentine Pavillon dessiné par Toyo Ito, et final obtenu ne permet par exemple pas l’intersec-
avec la fonction 3x²-2x-0,21), et le facteur d’échelle Cecil Balmond dans le parc Londonien de Kensington tion de trois lignes. On évitera donc les solutions où
entre le premier carré et le second (les facteurs sui- en 2002. trois lignes se croisent en un point.

26 27
C’est à cet instant précis que le processus du paramé- tions de temps et surtout dans un souci de préci- être comparés à un panel « d’organisme primaire » réalisations résistant à la gravité. De ces contraintes
trisme s’arrête et laisse place à la réflexion humaine, sion. Toutes ces barrières sont aujourd’hui presque qui sous tendent la variété des formes biologiques intrinsèques propres à chaque projet, il en résulte
afin de choisir une instance unique du modèle avec effacées. Les travaux actuels ont évolués entre la et résultent de l’évolution de la nature. Une proto un volume élémentaire ou enveloppe, qui découle
des paramètres fixés. A travers cet exemple, j’ai vou- logique et le fonctionnalisme morphogénétique. tour comporte quatre sous systèmes fondamen- de ces contraintes. Le volume élémentaire du stade
lu montrer ce que permettrait la paramétrisation Le paramétrisme se veut la réponse de l’architec- taux : la Structure, la Façade, les Surfaces occupées serait une sorte de tore ovale ou rond, celui du fran-
d’un projet dont les opérations géométriques sont ture au dynamisme et à la complexité de la socié- (niveaux) et la Navigation (ascenseur). Le point clé chissement un tube horizontal et celui des tours
relativement simples, mais où le dessin à la main té post fordiste. Selon Robert Schumacher, John des ces tours réside dans leurs squelettes externes, un tube vertical. L’architecture paramétrique vise
reste impossible, si l’on veut explorer plusieurs pa- Portman se révèle être l’unique innovateur remar- rattachés à un noyau interne qui contrevente le bâ- à repenser ou remodeler ce volume élémentaire,
ramètres. Ce niveau de paramétrisme se révèle donc quable concernant l’organisation des tours dans timent. Ce noyau, où se logent généralement les as- car elle permet de traiter des formes avec plus de
être un processus puissant à travers lequel l’archi- la deuxième moitié du XXème siècle. Le studio de censeurs est et a toujours été parfaitement vertical ce maniabilité et pousse la création de formes vers
tecte sélectionne parmi une multitude de possibili- Zaha Hadid a monté une équipe d’infographistes en qui limite les possibilités d’agencement et de forme. une richesse jamais rencontrée dans l’histoire de
tés, ce que j’appelle la solution la plus élégante. Ce collaboration avec AA design research lab (CODE Cette recherche sur la Proto Tower vise à développer l’architecture. Le façonnement du projet du stade
niveau de paramétrisation comme ou le verra par la COmputationnal DEsign) et lancé une recherche plusieurs prototypes annihilant l’effet de ce noyau de Hangzhou, remodèle ce volume élémentaire
suite, a donné lieu au problem solving. En effet, les sur les proto tours paramétriques, nommé Proto rigide. Le squelette est ainsi conçu comme un ré- du stade grâce à l’utilisation des sous formes mul-
aspects structurels peuvent converger vers une so- Towers. L’intérêt était porté sur la forme et la struc- seau d’éléments linéaires sans recours à un noyau tipliées afin d’obtenir l’enveloppe du tore. Il y a là
lution unique, d’où une nécessité de calculs impor- ture des tours mais aussi sur tous les sous-systèmes solide pour sa stabilité. Ainsi les niveaux et les cir- dans ce projet quelque chose de magique, de fasci-
tants faits par l’ordinateur. bien plus minutieux. Ces proto concepts peuvent culations sont libérés, du fait qu’elles ne participent nant à travers les esquisses primaires du projet. L’ar-
Le paramétrisme à ce niveau, fonctionne comme plus à la stabilité globale de la tour. Les recherches chitecture semble en partie emportée par la forme
outils d’élaboration de formes innombrables, per- ont abouti à plusieurs modèles paramétriques, que des pétales s’enroulant autour de l’enveloppe. L’im-
mettant d’imaginer un panel de solutions sélection- l’on peut ainsi décliner, en faisant varier la hauteur mense possibilité d’expression à travers la liberté de
nables par le dessinateur. Il n’est pas spécifique aux bien-sûr, mais aussi le rayon de courbure, recherche formes engendrées par les paramètres, ouvre une
formes courbes ou à double courbure comme le sur les proto tower en termes de paramètres. Chris- innombrable source d’exploration formelle. Les va-
montre l’exemple du pavillon de Toyo Ito. toph Hermann s’est concentré sur la conception de riations imposées par les paramètres peuvent ame-
Cette démarche fut sujet à réflexion dans la re- modèles génératifs adaptatifs lors de son projet de ner un objet, physiquement imaginé, en un mode-
cherche de formes pour les tours cher Zaha Hadid. thèse. Il présente plusieurs modélisations jouant sur lage complètement remanié grâce à cette notion
Le studio exploite en effet des stratagèmes tels que l’inter-articulation du squelette formant la façade. de maniabilité informatique. Ce n’est certes pas de
le plissement des surfaces, les modulations, les in- la sculpture mais une manière raffinée de conce-
ter-articulations organiques et les transitions imper- Cette méthode de conception, où les machines as- voir une art-chitecture. L’image du pétale s’inspire
ceptibles entre des éléments disparates. Leur point sistent la réflexion et construisent la réflexion ini- de l’icône de la fleur « serene » provenant du lac à
de départ met en lumière le fait que la typologie des tiale de l’architecte, a été beaucoup employée au l’ouest de Hangzhou, afin de créer une puissante
tours est bloquée depuis plusieurs années et que début des années 2000. Cette méthode de concep- image sur les bords du fleuve Qian Tang. Le sens réel
l’émergence des outils numériques peuvent réin- tion, où les idées de bases de l’architecte ne sor- final du projet émerge de la retranscription initiale
venter les tours. « L’architecte réinvente l’équilibre tent pas de la machine mais sont bien le fruit de d’un pétale dessiné avec des splines tridimension-
entre objet et espace. Il y a 360° alors pourquoi se l’imagination humaine. Certains types de projet nels et d’une enveloppe ronde délimitant le stade.
limiter à un seul, » s’interroge Zaha Hadid. amènent et poussent cette réflexion bien plus fa- La définition finale s’est enrichie suite à plusieurs es-
Les premières tours aux Etats Unis sont des œuvres cilement, du fait de leur typologie. C’est notam- quisses numériques en faisant varier les points de
à part, des exploits techniques remarquables. Leur ment le cas pour les stades, les ponts et ouvrages contrôle des courbes initiales, le nombre de pétales
conception entièrement effectuée à la main, ont né- de franchissement en général, et les tours comme sur la circonférence de l’enveloppe, l’espacement
cessité une collaboration parfaite de tous les corps vu précédemment. Cette typologie est assez dé- entre celles-ci, leurs chevauchements entre elles …
de métiers. Cependant la construction des cen- pendante de ce que j’appellerai le volume élé- Petit à petit le projet se précise et les quelques inco-
taines d’étages, n’est finalement qu’une répétition mentaire. Un stade couvre un terrain de football hérences structurelles, sont palliées, grâce à la ca-
d’un étage courant. Il était extrêmement difficile de ou une piste d’athlétisme, un franchissement relie ractérisation intrinsèque des paramètres du modèle
faire varier le plan et le schéma structurel d’étage en deux points à une certaine distance celle de la lar- Grasshopper… recherche de fonctions. l y a donc là
étage par le travail à la main. D’abord pour des ques- geur de l’obstacle, et les tours sont de fabuleuses une genèse identique dans un sens formel à tout

28 29
autre projet ou idée initiale, mais la force de cette b– la genèse de la forme
méthode provient de sa capacité à s’auto déformer
à n’importe quel instant. L’histoire génétique pré- Hypothèse : si les modèles de conception architectu-
gnante du modèle Grasshopper, raconte l’évolution rale possèdent des paramètres, alors ceux-ci peuvent
qui a fait grandir la forme du projet : quelles ont été être physiques. Leur utilisation devient une force.
les grandes étapes et les décisions prises pour arriver Quelle justification vis-à-vis de la forme ces para-
à la création finale. Cette genèse serait identique à mètres peuvent-il provoquer ?
celle d’une plante qui évoluerait au fil du temps en On reproche trop souvent à l’architecture para-
fonction des contraintes extérieures. métrique de ne produire que de l’image et de ne
Le projet du stade d’Al-Khor-Stadium pour la coupe proposer comme base de réflexion initiale, qu’une
du monde 2022 au Qatar vise à repenser l’enveloppe recherche sur l’élégance, comme décrit dans le pré-
du tore typique du stade. L’entrelacement de deux cédent chapitre. Cependant, si la paramétrisation
feuilles symétriquement disposées génère un es- de l’architecture se révèle être un puissant outil
pace intérieur. Leur forme prennent naissance au sol, d’élaboration de formes, le contrôle des paramètres
puis elles se lèvent et viennent se recourber pour gé- peut aller encore plus loin. Les choix des paramètres
nérer le toit du stade. étaient jusque là arbitraire, lié au désir du modeleur
Le paramétrisme a également fait évoluer l’inter- et sans cesse remis en cause par la pensée de l’ar-
prétation des surfaces, surtout les surfaces à double chitecte. La paramétrisation entraîne l’architecture
courbures. D’innombrable travaux sur la composi- dans une voie jamais explorée informatiquement.
tion des surfaces gauches, tant sur leur structure Le son, la lumière, la pression sont autant de facteurs
que sur la texture, ont vu le jour. Les surfaces non extérieurs qui peuvent devenir sources d’informa-
développables peuvent être construites unique- tion non négligeables pour modeler une forme. Ces
ment en divisant et en segmentant la surface par outils étaient inaccessibles pour les architectes et les
des éléments élémentaires de petite taille. La pa- designers il y a quelque temps. Aujourd’hui le trans-
ramétrisation d’une surface est désormais possible fert d’informations est implicitement effectué via
car elle permet la répétitivité d’un élément. Dans des logiciels ou plug in, passerelles entre le monde
Grasshopper une fonction très puissante permet de informatique et la réalité.
« pluger » un module sur une surface subdivisée en
courbes iso-paramétriques. Cette fonction s’appelle Le plug-in Firefly est un ensemble d’outils dédié à
« morph ». L’idée est de dessiner proprement d’un combler le fossé entre Arduino et Grasshopper. Ce
côté et en détails un module élémentaire, compris plug in a été développé par Jason K Jonson et Andy
dans une «box », et de l’autre de diviser la surface Payne. Il a été inventé pour les architectes, les desi-
en n lignes verticales et horizontales. Le quadrillage, gners, les ingénieurs, les artistes et les inventeurs, et
formé par ses deux rangées d’iso paramétrique, gé- permet de connecter le mode des CAE/ CAM et des
nère des quadrilatères. La fonction morph est sim- Page de gauche de haut en bas: modèles paramétriques aux domaines émergents
plement une orientation de trois points de la box ini- des technologies interactives et de la robotique. Sur
tiale vers les quadrilatères de la surface. Imaginons Interprétation formelle et matérielle rendu possible par Grasshopper ce «plug in» propose plusieurs fonc-
un élément élémentaire composé d’un vitrage et de le travaille de surfaces paramétrables. tions dîtes « boîtes », avec plusieurs entrées, se rac-
menuiserie. En appliquant la fonction à une surface - Canopy Design, Digital Architectural Lab. (Hunan cordant directement à Arduino. Arduino est un cir-
quelconque, celle-ci se transformera en paroi vitrée. University, professors Biao Hu, Yu Du, Suryansh Chan- cuit imprimé en matériel libre sur lequel se trouve
La connexion à l’interface des quadrilatères est par- dra, Shuojiong Zhang) un microcontrôleur qui peut être programmé pour
faitement continue, créant ainsi une matérialité et - B digi Door analyser et produire des signaux électriques, de ma-
une texture rarement possible avec la modélisation - Recursive tesselation sur vRhino nière à effectuer des tâches très diverses comme la
numérique classique. - projet réalisé avec de la fibres de coton. domotique (le contrôle des appareils domestiques

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(éclairage, chauffage…), le pilotage d’un robot, ramétrique. De nombreux montages illustrent la lulles Voronoï ou se fixe de très fines feuille de bois. nir enrichir cette approche sculpturale.
etc. C’est une plateforme basée sur une interface puissance de cet outil générateur de formes. Pre- La maquette est suspendue dans une vitrine à hu- « Cette matérialisation en flux tendu d’un modèle
entrée/sortie simple. Il était destiné à l’origine, nons d’abord la création de formes via l’apport de midité contrôlée. Le modèle s’ouvre et se referme numérique peut encore aller plus loin. Carolina Pino
principalement mais pas exclusivement, à la pro- données d’une photorésistance. Cette petite cellule en réaction au condition d’humidité dans la vitrine, et Cristóbal Valenzuela ont développé un mini pro-
grammation multimédia interactive, en vue de réagit au degré de la lumière (exactement comme sans matériel technique ou énergétique. Le mou- jet nommé Sonic touch. En s’inspirant de Drawdio,
spectacles ou d’animations artistiques. Celui ci peut un luxmètre) de l’espace physique. L’information vement sinueux de ses cellules et simplement du un micro équipé sur un crayon, le projet vise à cap-
être programmé pour analyser d’abord et ensuite transmise est donc un scalaire gradué de 0 pour le au fluctuation de l’humidité. La structure est elle- ter le son du trait de crayon en connectant une per-
noir complet à l’infini pour une énergie lumineuse
transmettre des signaux électriques provenant même machine. sonne portant un gant, enfilé dans la main droite,
proche du soleil. Grâce à cette information, on peut
de capteurs sensoriels par exemple. Les messages En d’autres termes cette méthode d’approche via à un modèle numérique sur Grasshopper. Sous
faire varier l’ouverture ou la fermeture d’une surface
transmis par Arduino s’effectuent par signal avec une cellule photosensible permettrait de visualiser l’impulsion et l’articulation de l’index, l’information
: l’obstruer si la lumière frappe la surface et l’ouvrir
une fréquence d’envoi réglable sur Grasshopper. si la lumière diminue. Selon le même principe que et surtout de modeler un système technique vi- véhicule un message. La rapidité et l’inclinaison
De cette façon plein de petits capteurs ou robots le pavillon du Monde Arabe à Paris. Ceci conduit à sible sur Grasshopper. Ceci n’est qu’une méthode de l’index, contrôlent ainsi, un paramètre initial de
peuvent être reliés avec Grasshopper en envoyant une architecture en mouvement qui se modèlerait qui permettrait de faire interagir des données phy- Grasshopper.
une série de nombres sur Grasshopper. Avec Firefly en fonction de l’apport de lumière de l’espace phy- siques réelles vers le monde numérique. Une autre Ce matériel, non onéreux, se révèle donc un moyen
les messages sont ainsi retranscrits en nombre listé sique situé près du modeleur. Une sorte de mem- approche sera de générer la forme directement pour un architecte d’obtenir une forme via une réali-
dans un tableau ou en suite de nombres. A partir de brane réacto-environnementale, des façades peaux avec la lumière. On pourrait imaginer de travailler té physique directement connectée avec un modèle
ces nombres qui sont continuellement transmis en poreuses. Le projet hydroscope, réalisé par Achim avec une petite maquette simple et rectangulaire, numérique. Son utilisation n’est donc pas unique-
direct sur Grasshopper on peut inventer et imaginer Menges en est la parfaite illustration. La forme gé- puis ensuite faire parcourir la cellule photosensible ment réservée aux artistes, au modeleur de l’aéro-
une multitude de possibilités pour l’architecture pa- néré avec Grasshopper est constitue avec des ce- à travers la maquette et ainsi remodeler un volume nautique ou au dessinateur de l’automobile.
élémentaire en fonction de l’apport même de lu- Firefly est donc un excellent outil pour des projets
mière. On pourra également redessiner un projet en de prototypage qui impliquent des capteurs et ac-
contrôlant les intentions principales lors de la lec- tionneurs.
ture de l’apport de lumière. Cette méthode s’effec- Plusieurs autres sources peuvent être à la base de
tuerait dans le même objectif que de monter une la génération de formes directement reliées via des
maquette numérique et de la soumettre aux ap- capteurs à l’ordinateur. Processing est un logiciel
ports solaires. Sauf qu’avec cette dernière méthode adapté à la création plastique et graphique interac-
l’interaction n’est absolument pas possible. Une tive, inventée par deux artistes américains Benjamin
autre composante vient enrichir cette interaction Fry et Casey Reas. Processing exprime également le
entre réalité et modèle numérique. Imaginons-nous langage de programmation sur le logiciel. Le logiciel
en présence d’un objet qui sera indéfiniment mode- est en fait un prolongement « multimédia » de De-
lable et qui permettrait de transcrire une forme vers sign by numbers, l’environnement de programma-
l’ordinateur directement en façonnant l’objet. De tion graphique développé au Media Lab du Massa-
la sculpture numérique interactive. Des étudiants chusetts Institute of Technology par John Maeda . Le
ont réussi à relier directement une plaque munie principe majeur de Processing est la simplicité, dans
de capteurs à une surface sur Grasshopper. Le lien la mise en œuvre des programmes comme dans la
entre l’objet réel et la surface, peut être à n’importe syntaxe du langage. Processing réclame moins d’ef-
quel moment interrompu ou « figé » de manière à forts que Java pour effectuer des tâches simples et
constituer petit à petit une forme sur Grasshopper. permet des créations animées. Ses fonctionnalités
Avec un seul et même objet (plaque) l’utilisateur se sont réservées aux créateurs d’images 2D et 3D gé-
voit ainsi directement modeler et façonner son pro- nérées par programmation mais peuvent être éten-
jet manuellement. Pour l’instant la notion de cour- dues, par le biais de modules externes, à la capture
bure de la plaque n’est réalisable uniquement qu’en d’un flux vidéo, à la génération et à la manipulation
2d. L’utilisation d’un autre matériau pourrait à l’ave- de son, à l’interface des ports d’entrées-sorties.

HygroScope Achim Menges. Les feuilles de bois refer-


lant réagissent à l'humidité en s'ouvrant ou se refer-
mant.
32 33
L’avenir dans la création de formes peut advenir du c – le problem solving mêmes efforts internes. Une forme où la contrainte
son. Le son n’est autre que la dépression et la sur- serait identique en tout point, réalisant ainsi une
pression de l’air dû à une propagation de l’air. Les Hypothèse : les paramètres à la base des modèles économie de matière. Son approche vise donc la
ondes sont définies par leur fréquence et leur am- peuvent être optimisés pour conduire à une solu- résolution d’un problème, à partir de données ini-
plitude. Ces deux paramètres peuvent ainsi donner tion selon des critères objectifs tels que le coût, la tiales, ce que l’on appelle maintenant le problem-
corps à une forme. Le contrôle des entrées sonores structure, l’apport de lumière mais aussi plus sub- solving. Le dessin exact de la forme a nécessité la
se fait grâce à gHowl et permet l’interaction directe jectifs comme les notions de temps de parcours … construction de plusieurs maquettes à diverses
entre forme et son. Patrick Schumacher considère Frei Otto comme échelles. Il a façonné sa première vision, en créant
étant l’unique précurseur du paramétrisme. Je une forme avec une solution d’eau et de glycérine
considère ses travaux en effet, comme des œuvres formant des films tendus dans un contour rigide en
visionnaires, mais pour moi le pionnier de l’architec- fil de fer. La forme découlant de cette expérience
Le contrôle via le monde physique extérieur rend-il ture paramétrique construite, reste l’ingénieur Ser- s’avérait être une surface minimale. Sa deuxième
l’architecture plus riche ? gio Musmeci. Sergio Musmeci, né en 1926, est un expérience proche du monde numérique actuelle
Je crois fermement que le crayon est et restera l’outil ingénieur diplômé en ingénierie civile à Rome, de paramétrique, a été réalisée avec un modèle en «
par excellence du lien entre réalité et imagination l’université de La Sapienza en 1948. Sa vision pré- gomma para » en néoprène. Le dispositif d’essai était Il ponte Sul Basento di Musmeci, 1976 (Italie).
intellectuelle. Ce lien élémentaire, fondamental et voyait le renversement des outils de calculs dans la réalisé de manière à pouvoir modifier la forme de la
primitif permet d’exprimer ce que les mots ne peu- science de la construction classique. Les méthodes feuille en variant sur la tension transversale (environ
vent décrire, ce que les gestes ne peuvent façonner. de calculs servaient jusque-là à vérifier une struc- 1/10ème de celle longitudinale). Le relèvement de Basento est donc le premier signe de l’optimisation
Cependant certains gestes demeurent compré- ture, et non à la créer. L’utilisation de la matière la membrane s’effectuait avec un équipement mo- de la matière liée à l’architecture abordé de façon
hensibles et peuvent être source d’une genèse im- n’était donc absolument pas liée à la création de la bile qui comprenait un « une jauge graduée » (asta paramétrique. Quelle autre optimisation structu-
mense et puissante. Nous avons depuis longtemps forme. « Pour soulever cette méthode, il fut néces- graduata) et une aiguille (ago) pouvant s’abaisser relle est envisageable pour l’architecture sur les élé-
accordé au dessin manuel sur papier une supériori- saire de développer une réelle théorie propre sur jusqu’à la surface. Cette manière fulgurante d’abor- ments qui constituent la structure primaire ?
té intellectuelle sorte de représentation du pouvoir. les formes, qui serait basée sur l’énorme possibilité der l’architecture et la conception formelle se trans- Pour répondre à cette question, reprenons le pro-
Celui qui savait dessiner était intellectuellement de traitement de l’informatique fait par les calcula- forma en paramétrisme lorsque l’ère des ordinateurs jet de Toyo Ito élaboré précédemment en partie I1.
supérieur. Aujourd’hui ce « pouvoir » diverge dans teurs électroniques » disait-il en 1972. Il prononça outillèrent la pensée humaine. La maniabilité de Jusqu’à présent nous savons comment s’opère le
plusieurs domaines. La technique d’interaction via cette phrase deux ans après avoir achevé les travaux cette maquette était juste incroyable. Il avait devant contrôle des deux opérations générant le projet :
du son, ou des gestes, est donc un autre domaine du pont de Basento en Italie. Ce pont est pour moi lui un instrument unique qui lui permettait de faire la rotation et l’homothétie. Cependant pour définir
plausible pour la génération de formes et ne remet une œuvre visuelle impressionnante et envoutante varier la forme et la modeler à sa vision. Presque rien et proposer un projet qui ne sorte pas d’une mani-
absolument pas en cause la technique d’élabora- certes, mais fait surtout preuve d’un avant-gardisme n’a changé depuis cette expérience. La position de pulation des paramètres, il conviendrait de les opti-
tion et de recherche formelle sur papier. L’imagina- incroyable. Rappelons qu’à cette époque le travail l’aiguille et de la jauge graduée a été aujourd’hui miser. Le projet se compose structurellement d’élé-
tion advient par une connexion du cerveau vers la du dessin et des calculs s’effectuaient intégralement remplacée par un curseur sur un logiciel informa- ments fonctionnant comme des poutres avec une
main. Celle-ci est donc parfaitement plausible à tra- à la main. Le projet du pont de Basento fut l’occa- tique. Mais la physionomie reste la même. Le travail âme très épaisse de 60 cm. Le schéma structurel du
vers les exemples d’élaboration de modèles numé- sion pour Musmeci de mettre en pratique sa théorie aboutissant à la réalisation finale du pont ne s’est pavillon est réalisé en partie en prenant en compte
riques proposés ci-dessus. Quelle architecture cela et amener des éléments de réponse suite à sa réa- pas arrêté là bien sûr, mais son positionnement sur la contrainte suivante : la longueur maximale des
génèrerait cette façon d’imaginer ? lisation. Pour dessiner le pont, constitué de quatre la structure a fait preuve d’une grande maturité et vitres ne devait pas excéder une certaine valeur. Le
arches continues en béton armé qui soutiennent d’un esprit visionnaire. problème posé était donc celui-ci : Quelle rotation
un tablier à caisson, Musmeci a voulu optimiser la L’architecture n’est certes pas la réponse à un pro- et position du point initial attribuées à chaque carré,
matière. Il s’est rendu compte avec les équations de blème, elle est assurément bien plus riche, mais conduiraient à minimiser la longueur maximale des
la statique des forces internes qu’elles pouvaient l’interdisciplinarité entre architecture et ingénierie, vitres ? En effet une combinaison des rotations de
conduire à une forme où la matière travaillerait en entre art et science trouve légitimement sa place chaque carré engendre une multitude de solutions.
compression isotrope (même valeur dans n’importe dans la résolution de problèmes aboutissant à une Il existe sûrement une solution qui répondra à la
quelle direction). Son idée découle donc directe- conception formelle. Musmeci a donc questionné à première contrainte et qui diminuerait ainsi le coût
ment de la recherche d’une solution de formes où la travers ses travaux, l’importance de ne pas omettre du projet. Cette optimisation conduirait à une so-
matière serait à n’importe quel endroit soumise aux la résolution d’un problème structurel. Le pont de lution déterminant la position du point initial dans

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le carré de 30m et définirait la rotation des carrées La conception paramétrique a intéressé nombres mètres ayant moins de prépondérance. Enfin, le En effet, imaginons que l’on veut minimiser une
successifs. Néanmoins cette optimisation est néces- de mathématiciens, ayant tous discuté, sur le sujet, dernier point décrit par Motta et Zdrahal repose sur distance en jouant sur un seul paramètre, il suffit
saire mais pas suffisante pour parvenir à réaliser le et proposé différentes méthodes d’analyses. Chan- la plage de valeurs que peuvent prendre les para- de faire varier ce paramètre dans ses plages de va-
pavillon. La deuxième contrainte prenait en compte draskaran définit en 1990 la conception comme mètres. Ce domaine de variation peut soit découler leurs et regarder celle qui conduit à la distance mini-
l’intersection des lignes. En effet, les lignes ne doi- étant à « knowledge based problem solving activity de l’intuition ou de la connaissance propre à l’utili- male. Cependant lorsque plus de deux paramètres
vent pas former des triangles ou quadrilatères trop » (une activité de résolution de problèmes fondée sateur, soit des contraintes générées par le site ou entrent en jeux, il faut sans cesse faire varier un par
petits. Il y a donc un opérateur booléen à chaque sur la connaissance). Pour lui la conception est donc les matériaux (exemple du rayon de courbure pour un les paramètres. Prenons l’exemple suivant. Deux
proposition, qui vérifie si l’aire du plus petit mor- le résultat d’un problème résolu grâce à la connais- les aciers). Afin de maîtriser ces trois points, il est points A et B appartiennent à deux surfaces diffé-
ceau de matière est supérieure à une certaine va- sance. Sa vision est impunément pragmatique et se utile de décomposer les problèmes de conception rentes de coordonnées respectives définies par (x y)
leur. Cette contrainte est donc une opération boo- rapporte sensiblement à la conception mécanique en trois étapes, l’analyse, la synthèse et l’évaluation. et (x’ y’). Pour trouver la distance minimale entre les
léenne ; vrai ou faux. Le problème d’ensemble se ou technique. Sa vision ne laisse pas cours à l’ima- deux points, il faut faire varier les valeurs de x, y, x’ et
résout alors de cette manière. On effectue un certain gination et à la liberté gestuelle de l’architecture. L’analyse : y’. On procède de la manière suivante .On fait varier
nombre d’itérations pour la première contrainte qui Il pose alors la question suivante : conçoit-on tou- Pour ce genre de problème, Enrico Motta et Zde- x puis on prend la valeur pour laquelle la distance
donne à chaque fois une solution géométrique. Puis jours en référence à notre connaissance ou est-on nek Zdrahal ont décrit toute une théorie sur la AB est minimale. On fait de même avec y, puis x’ et
on vérifie la proposition par la deuxième contrainte capable de voir plus loin que ce que l’on sait ? conception paramétrique et le positionnement du enfin y’. Ceci constitue une boucle. Puis on répète
qui nous renvoie vrai ou faux. La solution finale est La manière dont les connaissances peuvent être problème. Pour eux, celle-ci peut être caractérisée la boucle. On recherche à nouveau une valeur de
donc la solution vraie effectuée à la plus grande ité- améliorées efficacement dans la conception a été comme une application d’un espace à six dimen- x pour laquelle AB est minimale. Celle-ci est peut
ration. Cette solution est unique pour ce modèle. identifiée par Motta et Zdrahal en 1996. Ces ma- sions <p, Vr, C, R, Pr, cf> à un ensemble de modèles être différente de celle obtenue à la boucle 1 car les
Le problem solving est donc la recherche d’une so- thématiciens expliquaient premièrement que la de solution, {D SOL1 , ......., D SOLN}, où autres valeurs de y, x’ et y’ ont changé. On itère le
lution, basée sur certains critères, aboutissant à une connaissance peut être utilisée pour réduire la - P : les paramètres P = {p 1 , p ......, n }; le curseur sur procédé boucle par boucle. La solution finale est ob-
optimisation des paramètres visés. complexité des problèmes en écartant les solu- Grasshopper tenue, lorsque chaque variation de paramètres aug-
Un nombre croissant de projets achevés démontre la tions initialement envisageables. Deuxièmement - Vr : les plages de valeurs V = { 1 , ......, V n }, où V i = {v mente la distance AB. Ceci implique qu’avec quatre
popularité croissante des outils paramétriques dans la connaissance d’une tâche peut entraîner l’iden- i1 , ....., v il }; ici la plage de valeur de la rotation est de paramètres seulement le nombre de variations est
la conception architecturale, mais les moyens pour tification des paramètres clés (ceux ayant la plus 360° et celle des coordonnées des points est de 6 à déjà important. C’est un peu le même procédé que
arriver à l’étape de réalisation finale ne sont pas sou- grande incidence sur la conception) à partir des 24 m. (0+6 et 30-6 pour avoir toujours le carré initial la recherche d’un code de cadenas à 4 chiffres dont
vent expliqués. On privilégie toujours les images et multiples paramètres qui peuvent exister. Enfin les de 4 m dans le grand carré)
les détails techniques, aux dépends de la réflexion paramètres clés ont des gammes de valeurs, ceux-ci - C = Contraintes = {c 1 , ....., c m } ; distance maximale Définition de la récursivité via Galapagos sur Grass-
de la génération du projet. De nombreuses disci- peuvent aussi être spécifiés par la connaissance du des vitres inférieure à 3m dans une direction hopper. La ligne rouge représente l'avancée de la réso-
plines destinées à la recherche de solutions d’ori- type d’opérations. Il est inévitable lors de la résolu- - R = {r = besoins 1 , ......, r k } ; pas de besoin dans le lution.
gines mécaniques de conception, ont centré leur tion d’un problème de commencer par un état initial problème.
recherche sur la conception paramétrique. Les ob- proposant des paramètres dits initiaux proches de - PR = Préférences pr = { 1 , ......., pr j }; pas de préfé-
jectifs et les moyens dans ces disciplines sont bien la solution finale. Comme l’on décrit Motta et Zdra- rence dans le problème.
définis dès le départ. Ce qui conduit à poser puis à hal, c’est en partie grâce au savoir mis à profit lors - cf = fonction de coût global. Minimiser
résoudre un problème sans ambiguïté. En revanche de projets que cette solution initiale peut conduire
en architecture, les objectifs sont souvent inconnus. à un gain énorme de temps de calcul. Le savoir hu- La synthèse.
Ces derniers entraînent donc la non définition du main doit ainsi assister l’ordinateur dès le début de Ce modèle de conception est examiné en détail par
problème et posent directement la question de la la démarche, car l’ordinateur ne possède pas d’intui- Lawson [2006] où l’interdépendance entre les trois
légitimité d’utiliser cette méthode dans le domaine tion. Cette même intuition peut aussi jouer un rôle phases est soulignée.
propre à l’architecture. Afin de répondre à cette concernant l’importance des paramètres. En effet, il La définition d’un problème ne doit pas posséder
question il convient de mieux maîtriser l’approche est rare pour des problèmes complexes, que tous les d’ambiguïté. Sans connaître préalablement la solu-
du problem solving à travers quelques exemples paramètres aient le même degré d’influence. Ce qui tion, le positionnent du problème doit conduire à
théoriques : la recherche d’une distance minimum, conduit dans certains cas à privilégier le problème une solution unique ou à une divergence qui indi-
et à travers deux projets, le stade de Lansdowne solving sur les paramètres les plus influents du mo- querait que le problème ne peut être résolu numé-
Road et le projet de thèse de Nate Holland. dèle et ensuite ajouter dans la résolution les para- riquement. Pour des cas simples cela paraît évident.

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ont ne connaît pas le code. En revanche ici, la solu- Lansdowne Road : Détails des fixations des panneaux plexiglas de la fa-
tion n’est pas forcément unique. Ce qui peut dans Le stade rénové sur l'ancien site de Lansdowne Road çade, ajustables grâce à un système bi-axé.
certains cas, entraîner une instabilité dans les ité- s'appelle désormais Aviva stadium, conçu par Hok
rations dans les boucles, qui peut conduire à une Sport avec Buro Happold comme Bureaux d'étude.
divergence et donc une incapacité à trouver la so-
lution de la part de l’ordinateur, alors qu’il en existe la forme avec les plaques de polycarbonate. La deu-
au moins une. Ce petit test fait avec Grasshopper, xième concernait l’évacuation de l’eau sur le toit : la
a convergé vers une solution en 1 min 45 s. Ce qui surface devait être assez pentue dans au moins une
nous renseigne sur l’incroyable capacité de calcul direction et ne pas posséder de creux. Le système de
de l’ordinateur, mais montre de façon exemplaire revêtement se compose de multiples panneaux de
le manque d’intuition de l’ordinateur. En effet, les polycarbonate de même largeur mais de longueur
points les plus proches se trouvent obligatoirement variable. Les panneaux sont fixés sur un système de
sur le bord de la surface à laquelle ils appartiennent. support normalisé avec deux axes de liberté en ro-
Cette donnée nullement connue par l’ordinateur, tation. Ces axes de liberté permettent aux panneaux
diminuerait sensiblement le nombre de combinai- Situé à Dublin, Lansdowne Road est le stade de de suivre la géométrie du stade. (Fiches techniques
sons et réduirait donc le temps de calcul. De plus, l’équipe de rugby de l’Irlande. Le stade, construit des trois angles de rotation et la longueur du pan-
avec une simple règle, l’effort mis pour trouver la so- en 1872, ne contenait que deux tribunes couvertes neau ont été produites pour la construction du
lution, qui prévoit la plus courte distance entre les et possédait encore des sièges en bois. Il possédait stade. Pour de plus amples descriptions détaillées
deux points, aurait été dix fois plus rapide à la main. également la particularité d’avoir une ligne de che- de ce projet, voir [Shepard et Hudson 2007].)
La logique du problem solving est donc complexe : min de fer passant sous la tribune présidentielle, la Le modèle de l’enveloppe du stade à été créé avec
se servir de l’ordinateur pour faciliter la convergence gare de Lansdowne Road se trouvant en face dans deux logiciels, Générative Component et Excel. L’en-
des données tout en évitant les instabilités. Ceci la rue du même nom. Le projet du nouveau stade veloppe du stade se décompose en une série de
renvoie directement aux mathématiques pures. Se prévoyait la création de 50 000 places et une cou- neuf sous-tâches, impliquant la géométrie de ré-
référer à une distance en faisant varier quatre pa- verture unique de toutes les tribunes. La parcelle est férence, avec des paramètres mémorisés dans des
ramètres, se révèle être assez compliqué pour l’or- fortement entravée par les conditions routières, ce tableurs et fusionnés, en utilisant des scripts dans
dinateur. Il faudra donc prévoir des algorithmes de qui a restreint les choix de conception en limitant la Generative Component, pour produire la géométrie
résolutions très stables, pour les problèmes compli- dilatation horizontale du stade. La méthode de tra- La conception de l’enveloppe s’est effectuée sur Gé- du stade. La modélisation est donc le résultat d’une
qués à résoudre avec Galapagos. vail engagée par les architectes Scott Tallon Walker nérative Component à partir d’un fichier de script, combinaison de données numériques à partir d’Ex-
et Buro Happold du cabinet HOK Sport + Venue + qui décrit toutes les règles géométriques et les rela- cel contrôler, graphiquement en deux dimensions
Event (HOK SVN) consistait à former un lien interdis- tions pour construire la géométrie du stade. L’inter- d’abord sur Excel, puis en trois dimensions sous Ge-
ciplinaire dynamique entre la conception architec- face utilisée était le langage de programmation de nerative Component.
Le problem solving est disponible sur Grasshop- turale et la conception structurelle jusqu’à la phase Microsoft Visual C #. Un fichier de données d’expor- La base initiale des critères, pour définir l’enveloppe,
per via Galapagos. Cette fonction d’optimisation la plus détaillée du projet. L’idée initiale était de tation a été écrit en C # sur GC, et peut être exporté était grossièrement déterminée par un modèle non-
sur Grasshopper est facilement utilisable pour des monter un seul modèle paramétrique utilisable par au moment voulu vers le logiciel d’analyse d’ingé- paramétrique créé par les architectes, dans le cadre
personnes peu douées dans le langage du code pur. les architectes et les ingénieurs. Après réflexion, il nierie structurelle. Le problem solving a été utilisé de la phase de conception initiale, à la recherche
Galapagos est une boîte qui possède un solveur et s’est avéré que l’utilité d’avoir un seul modèle com- par les ingénieurs, qui transmettaient leurs résultats d’une élégance en première approche. Les éléments
permet d’obtenir des optimisations sur plusieurs pliquerait la donne, du fait de l’incapacité à travailler aux architectes, dans le but de définir au mieux l’en- en détails, sont ensuite apparus à travers le déve-
curseurs, dont le but est de minimiser ou de maxi- sur le modèle en même temps. Deux modèles on été veloppe extérieure. En effet, l’idée initiale de couver- loppement et l’utilisation du modèle. Les relations
miser un nombre scalaire. Cette boîte intègre plu- dessinés. L’un par les architectes pour la conception ture reposerait sur des panneaux de polycarbonate. ont notamment été reformulées pour permettre le
sieurs entrées nommées « Genome », où sont reliés de l’enveloppe du stade et l’autre par les ingénieurs En prenant cette option, plusieurs données devai- contrôle de la courbure, moins raide, des sections
les curseurs et une sortie nommée « fitness », qui pour les éléments de façades en polycarbonate. Le ent être respectées, en raison du choix de la matière: en coupe. Ainsi, la géométrie de l’enveloppe a été
représentent le scalaire à maximiser ou à minimiser. modèle des ingénieurs s’adapte automatiquement la première consistait à ne pas réaliser des surfaces modifiée, pour réduire les concentrations de cour-
Les itérations successives font converger la solution aux formes dessinées par les architectes mais dans avec un rayon de giration fort (donc avec une forte bure et assurer la direction de l’écoulement de l’eau
et figent donc les paramètres en gelant les curseurs. un second modèle. courbure), de manière a épouser sans discontinuité de pluie.

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Cette optimisation s’est effectuée avec des algo- Son projet vise à réaliser une tour dans un envi-
rithmes de résolution, afin d’une part, de ne pas ronnement urbain assez dense. Son point de dé-
augmenter trop la hauteur du bâtiment et respec- part n’est ni la forme, ni le dessin manuel, mais les
ter un rayon de courbure minimale. Il en résulte au contraintes initiales du site : la forme de la parcelle
final de ce projet, qu’il n’y avait pas besoin d’un mo- et les volumes des immeubles environnants. Sur
dèle unique, d’une part, et que si le projet était à re- Rhino, la forme de la parcelle est modélisée ainsi
faire, les ingénieurs et architectes auraient amélioré que les édifices voisins. Cette géométrie fixe n’est
beaucoup de points. pas modulable sur Grasshopper. Pour générer la
Cela démontre que, partant d’une description in- forme de la tour, il a procédé de cette manière : Il
complète du problème, il est possible pour ce type a défini 7 carrés et a procédé à une résolution du
de tâches, de concevoir un projet avec une paramé- problème suivant. Quelle serait la position des car-
trisation de la forme, puis des éléments de couver- rés dans la parcelle, de manière à capter un maxi-
ture. Certaines des premières conclusions démon- mum de lumière ? Il a effectué cette résolution de
trent le potentiel d’apprentissage par la réflexion problème au rez-de-chaussée avec les 7 carrés pré-
théorique sur une activité pratique dans l’architec- définis. La solution conduit à une forme ou les car-
ture. La connaissance permet donc de mieux abor- rés s’emboîtent les uns dans les autres. Le nombre
der cette approche d’optimisation et de travail, en d’étages de la tour étant supérieur à l’ensemble des
réduisant notamment les options géométriques. édifices environnants, Nate a choisi d’effectuer une
Toutefois, la simplification peut conduire à des ma- résolution de problèmes, en maximisant les vues
lentendus et exige donc un détail plus abouti en au dernier étage. La solution est donc celle qui fait
phase post-étude. varier les 7 carrés initiaux en offrant le plus grand
périmètre (circonférence de la tour), tout en restant
La toiture entière du stade de Lansdowne Road dans la parcelle. Ces deux problem-solving ont don- Projet de thèse de Nate Holland.
a donc été générée avec deux modèles paramé- né naissance à une première forme, en extrudant les
triques, à cause des choix des architectes et des 7 carrés de haut en bas, chacun d’entre eux reliant Ci dessus : spécification de l'emplacement du bâti-
ingénieurs, mais aussi en réponse aux contraintes son carré réciproque. Les plateaux sont venus na- ment dans le site et définition des vues possibles sur la
exiguës du projet. Bien d’autres projets ont dévelop- turellement découper la forme pour créer des ni- parcelle.
pés par une approche de résolution d’un système, veaux. La forme finale ainsi obtenue, est générée en Ci contre : optimisation des vue pour quatre plateaux
sans même avoir comme source de conception une résolvant deux problèmes géométriques spatiaux, définis paramétriquement.
architecture paramétrique. Le solving problème l’un au rez-de-chaussée selon les apports solaires,
vise tant la forme du projet que les éléments de l’autre au dernier étage en maximisant les vues.
construction, comme l’a démontré le stade de Lans-
downe Road. Cette optimisation nécessaire d’abord,
dans un souci d’économie de projets, peut avoir sa
place dans d’autres domaines que la structure. A
l’échelle d’un projet l’optimisation peut conduire à
une génération de formes, comme nous l’avons dit
avec le Pavillon de Toyo Ito, en réalisant une optimi-
sation structurelle. Le projet de thèse Nate Holland
à l’Université de Lincoln Nebraska en mars 2011, se Ci contre : Processus itératif afin de générer du
concentre sur l’apport de lumière et sur l’incidence zonage, pour une répartition et distribution des
des ombres portées des édifices dans une ville. diverses chambres.

A droite : rendu de la tour paramétrique.

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Le découpage en plan des niveaux proposait des Mais la paramétrisation planaire des surfaces ne d – Des formes complexes à concevoir
espaces assez ambigus, du fait des 7 carrés initiaux. peut absolument pas tout prendre en compte. On
Afin d’optimiser est de proposer un premier dé- dessine en imaginant, en se projetant dans un es-
coupage des chambres d’hôtels, Nate a choisi de pace - la taille et la proportion sont les éléments Les trois sous catégories de l’architecture dévelop-
résoudre un problème en 2d, pour la disposition visibles et tangibles du dessin certes - mais l’ar- pées précédemment, sont en parfaite adéquation
des chambres. Pour cela, il a choisi un étage et a chitecture pensée est bien plus profonde que le avec la génération de formes, directement liées à
simplement dessiné deux courbes représentant le simple fait de générer des surfaces, dont l’aire doit sa conception, mais n’ont pas encore pris le dessus
couloir (largeur de 3 m), qui distribuerait au mieux être égale à une valeur fixe. Le travail de la lumière sur l’imagination et l’intuition humaine. Nous avons
l’étage étudié. Ensuite, il a fait varier des points sur en profondeur, la non planéité des cloisons ou des décrit qu’elles servaient jusque là, premièrement
cette courbe de manière à proposer une chambre murs, la dilatation ou la restriction des espaces, sont d’outils, à la décision (recherche d’une « élégance
double ou simple. L’optimisation s’est effectuée en autant de frontières transgressés et oubliées par ce »), deuxièmement qu’elles permettaient d’interagir
deux étapes. D’abord la création de pièces, puis genre d’approche. Certes, cette méthode offre une avec le monde physique (l’émergence des sources
ensuite l’optimisation d’entre elles sur des critères solution pour des problèmes complexes ou l’imagi- d’entrées), puis que l’on pouvait optimiser les para-
uniquement surfacique. Cette résolution reste assez nation ne suffit pas à générer la solution optimale, mètres clés d’un modèle (nécessité d’optimisation).
complexe à réaliser sous Grasshopper, car elle pré- dans certains cas. Cependant, les capacités numériques de certains
voit la création puis l’optimisation. Cette optimisa- Le problem solving peut également introduire la logiciels ne s’arrêtent pas au simple fait « d’obéir » à
tion en plan, liée à des optimisations de l’espace en notion de diagnostic ou de constat. En effet, imagi- une pré visualisation spatiale de l’architecte. En ef-
surface définie préalablement, est une des grandes nons en présence d’un site urbain, avec une parcelle fet, au lieu de bâtir une réflexion sur la génération
voies développées par Association design. Leur re- étroite et biscornu. Le problem solving pourrait de formes, certains architectes construisent leur ré-
cherche conçoit la création de la ville entièrement conduire à une optimisation de surface qui maximi- flexion sur le modèle numérique en lui-même, en ne
faite par optimisation. Celle-ci s’effectue d’abord à serait l’espace bâti, et renseignerait alors la possibi- sachant absolument pas où le modèle va les emme-
l’échelle de l’îlot, où la proportion d’un bâtiment par lité maximale de surfaces constructibles. Cette pré ner. Prenons l’exemple du master plan de Zaha Ha-
rapport aux espaces privés et aux terrasses, conduit analyse, sorte de diagnostique, serait donc là pour did d’Istanbul, rendu pour un concours de réamé-
à une optimisation géométrique des pièces inté- évaluer la capacité d’un terrain, en fonction de cer- nagement urbain d’une ancienne zone industrielle
rieures. Ensuite, dans un même îlot, afin de propo- tains critères et renseignerait sur sa potentialité. Ce abandonnée au bord du Bosphore (Kartal Pendik).
ser un certain nombre d’heures d’ensoleillement au cadre de réflexion peut se faire en toute indépen- La composition urbaine proposée par le studio s’est
solstice d’hiver, la distance entre les bâtiments se dance de conception, et se révèle être une plu value construite via des notions de calligraphie et de to-
règle automatique ainsi que la hauteur et le nombre valable dans un projet. Mais le problem solving ne pologie qui découlaient des flux de la ville. La zone
des étages. Puis, à l’échelle urbaine, les axes rou- pourra conduire à un enrichissement de l’imagina- étant le carrefour entre l’Asie et l’Europe, au croise-
tiers sont créés et les places de parking sont posi- tion humaine dans le dessin spatial. C’est donc pour ment de deux routes côtières et de l’autoroute re-
tionnées afin de minimiser les déplacements pié- moi, avec beaucoup de possibilités, notamment sur liant les deux continents. Le dessin du plan a com-
tons des places aux entrées de chaque immeuble. l’aspect structurel et sur une étude de faisabilité que mencé par le tracé des lignes routières Ouest Est
Toutes ces optimisations étant effectives dès lors le problem solving se révèle être un outil d’avenir, et émergeant de Kartal. De ces connexions latérales Ci dessus : Master Plan Kartal Pendik, Zaha Hadid. Pro-
qu’un seul paramètre change. Une énorme capa- non pas sur la genèse directe de conception. avec un axe Nord Sud longitudinal, naît une grille jet de réhabilitation du site industriel d'Istanbul, nom-
cité d’adaptation est donc manifeste à travers cet souple qui forme la structure sous jacente pour le mé Kartal. La forme du plan masse fut générée par col-
exemple vidéo. Cependant, il ne faut pas se perdre projet. Les axes cartésiens ont disparu au profit de lision et interaction de particules sous Maya.
dans cette immensité de calcul et de résolution. Le lignes directrices fluctuantes selon l’optimisation
problème n’est viable que s’il a un sens. Dans cette des inters connexions dans la ville. Ce travail visant
dernière recherche sur la genèse de plan masse où, la formation de la grille initiale a été en partie éla-
l‘intérieur via une solving méthode, n’enrichit pour boré avec Maya et des algorithmes génératifs. Le ré-
moi absolument pas l’architecture, elle l’appauvrit. sultat produit spatialement par ces interconnexions
Pour moi, l’optimisation structurel a un sens car elle est une réponse directe aux contraintes du site. L’ar-
est garante du comportement des éléments entre chitecte n’a donc pas « le pouvoir d’intervention » Page suivante : Emergence de formes sur le nouveau
eux, afin notamment de diminuer les coûts. sur l’agencement spatial final, mais il entrevoit et site qui génère des points clés de la ville.

42 43
L’algorithme et les scripts permettent donc aux in- couches multidimensionnelles, car ils contiennent
génieurs et aux architectes de dessiner en non li- l’histoire de leur genèse et de leurs transformations
néaire. Cette non linéarité, s’inspire des formes que dans le temps.
l’on trouve dans la nature. Les chercheurs scienti-
fiques ont depuis toujours essayé de comprendre Dans cette nouvelle ère d’humanisme, les dessina-
quels principes régissent la poussée et l’évolution teurs contemporains sont face à l’opportunité d’ex-
des systèmes naturels. L’évolution des plantes ont plorer de nouveaux systèmes d’organisation. Bien au
donc poussé les scientifiques à caractériser des pro- delà des formes statiques et classiques. L’attention
cès non linéaires. Aujourd’hui, cette science n’est est portée sur les procès qui gouvernent la création
plus seulement vouée à des fins scientifiques mais et les transformations des systèmes et leurs struc-
elle s’est emparée à l’architecture. Ce que la nature tures internes. La conception organise l’espace, en
nous enseigne est le résultat d’un multiple proces- établissant des réseaux de circulations et en structu-
sus physique dans le temps et l’espace, une sorte de rant des formes. C’est un procès non linéaire comme
diagramme de contraint. Quel sens donné à la cor- ceux qui régissent la nature, mais cela ne doit pas
rélation de l’architecture avec la nature ? Mimétisme imiter la nature, ils doivent s’en inspirer, en promou-
inspiration ou imitation? vant l’émergence d’une nouvelle organisation. Le
Daniel Bosia a développé avec ARUP, une méthode point de départ est souvent arbitraire et irrationnel,
qui utilise des algorithmes génétiques abstraits afin mais les résultats sont structurer et organiser, créant
de créer une organisation rationnelle et systéma- ainsi des réponses surprenantes. Ce qui en émerge
tique de l’espace. Ove Arup fondateur de l’agence ne sont pas des formes statiques, mais des systèmes
Arup, est un ingénieur danois considéré comme dynamiques, expressions de simples et rigoureux
parmi les tout premiers « architectural structural processus récursifs. Ils sont complexes et non com-
prend des décisions sur les contraintes physiques namique qui génère un réseau adaptable à toute engineers » de son époque. Pour lui, les modèles se pliqués, riches dans leurs ramifications et dans leurs
numérisées. Son jugement sur la forme se base alors forme urbaine. Nul ne pourra remette en cause le trouvent partout dans le monde, depuis notre struc- modèles internes. La non linéarité produit de mul-
directement sur la méthode pour parvenir au résul- fait de s’appuyer sur les contraintes initiales d’un ture moléculaire jusqu’aux formes en spirale et en tiples résultats, et non une réponse unique, néces-
tat, et non sur le résultat en lui-même. Je ne pense site, et de là, en tirer le maximum numériquement. branche de la nature. En effet, les modèles sont pro- sitant une évaluation plus critique et sélective que
donc pas qu’à ce stade, le résultat produit numéri- fondément ancrés dans notre conscience. Ils gou- dans l’approche traditionnelle. L’évolution est à la
quement de cette grille initiale, n’ai pas été dessiné Cette génération dynamique renvoie cependant la vernent les rythmes de la vie, de notre battement base de la recherche forensique, où les réponses ne
préalablement. Elle jaillit pour moi entièrement des question de prendre en compte l’existant. Pour ce de cœur jusqu’aux événements cosmiques, comme sont pas figées dans une mentalité stylistique, mais
données informatiques. Ce qui renvoie la question projet Zaha Hadid a en effet, fait table rase et pris l’alternance du jour et de la nuit, et les successions sélectionnées par leur aptitude de base.
du rôle de l’architecte. Sur la base de la grille ou tis- une feuille blanche. La justification de la connexion des saisons. Depuis le début de notre civilisation, Pour cette nouvelle approche générative, il est im-
su urbain (« net » en anglais), Zaha Hadid a imaginé avec l’existant est aussi un axe de travail qui devrait nous avons appris à reconnaître les modèles dans portant de distinguer le formel et le fonctionnel, et
que certaines régions pouvaient s’élever, formant faire valoir plus de richesses dans les algorithmes la nature, leur rythme et leur hiérarchie. Nous avons ensuite les mettre en corrélation. Ces deux chemins
un réseau de tours, tandis que d’autres domaines du génératifs futurs. C’est ce qui différencierait tous appris à compter à mesurer et à rendre abstraits (the functionnal heuristic of paramétrisme and the
tissu plus dense formaient des parcs ou des éten- les projets les uns des autres, car le fait de ne pas les archétypes des formes que nous avons rencon- formal heuristic) ont été développés parallèlement
dues d’eau. Le tissu est articulé par un script urbain s’appuyer sur le passé, n’est pas une réponse sou- trées. Cela nous a permis de nous ordonner dans ce ces 15 dernières années. OMA, Rem Koolhaas winy
qui génère différentes typologies de bâtiments, ré- tenable. La démarche effectuée en effet, pour le monde chaotique et complexe qui nous entoure. maas (mvrdv) inspira Dutch pour le fonctionnel et
pondant aux différents besoins de chaque district. projet d’Istanbul, pourrait être identiquement déve- Nous avons appris que l’évolution du modèle à un Eiseman Lynn and Kipnis inspira l’avant-garde amé-
Ce script calligraphique génératif, crée des condi- loppée pour une autre ville, en changeant juste les autre, la transition du modèle stable à un autre, était ricaine pour le formel. Ces deux visions se rencon-
tions permettant d’éloigner les bâtiments ou de les contraintes initiales. La forme découlant serait donc la base de tout système dans le temps et dans l’es- traient à l’AA in London Association of School of
rapprocher, de faire varier leur hauteur, et produit juste une adaptation à de nouvelles contraintes. pace. Nous avons appris à apprécier la non linéarité Architecture en 1990. Maas interprétait déjà les ur-
finalement un système hybride. Une sorte de milieu Cette possibilité de continuité du modèle n’est pour des systèmes naturels, basés sur la récursivité, sur bans landscapes avec leur morphologie urbaine, en
poreux extrêmement fluide et continu. Le master l’instant pas unanime, car elle décale en partie le des procès cumulatifs de croissance, sur l’évolution. prenant leur caractéristique comme par exemple,
plan proposé est donc un système entièrement dy- rôle de l’architecte. Nous avons appris qu’ils sont constitués de plusieurs la distribution de densité. Cette distribution était

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comme une expression de force de pression qui A travers cette classification apparente des quatre
pouvait être enregistré à travers des bases de don- échelles de la paramétrisation en architecture, il
nées sous forme par exemple, de paramètres de en ressort que pour certains le paramétrisme n’est
population, de préférence du consommateur, ou que l’amélioration du savoir de conception, et donc
d’indicateurs économiques. En quelque sorte des un outil. Pour d’autres, il est voué à faire évoluer
régulateurs de contraintes qui seraient des para- l’approche directe du processus qui gouverne la
mètres identiques à ceux environnementaux ou génération de formes. Néanmoins dans toutes ap-
technologiques. Ce concept initial analytique fut proches, il s’avère que la paramétrisation n’est pas
renversé en moteur de dessin par lequel ces para- un processus linéaire tout au long des projets. Cer-
mètres devinrent les entrées, pour des fonctions taines étapes à l’intérieur d’un logiciel ne peuvent
de formes simples et non pas comme des histo- pas conduire le paramétrisme de manière continu.
grammes 3d. Sans réflexion ou discussion dans la Il y a donc à l’échelle du projet dans la construction
construction de la forme, Michael Schumacher dit elle-même, d’une forme ou d’un projet entier, cer-
que « Ce manque de réflexions entraîna l’inévitable taines étapes qui sont paramétrables et d’autres qui
prémisse du radicalisme fonctionnel ». L’évaluation ne le sont pas. La rupture entre deux étapes s’effec-
ne peut pas seulement se faire à partir de l’appa- tue souvent entre conception et réalisation. En effet,
rence extérieure de la forme. Si nous ne voulons pas la conception d’un projet repose sur des hommes.
nous perdre dans le dessin spatial, nous sommes On retrouve d’abord les architectes et les ingénieurs
voués à évaluer et comprendre la qualité de l’algo- qui sont les premiers à se pencher sur la genèse de
rithme des machines, et non la conception qu’elles formes. La sectorisation actuelle des deux métiers
produisent. Comment discute-on des structures ar- ne permet pas encore une réelle symbiose au sein
chitecturales complexes dans un sens significatif, d’un même logiciel. Le studio qui tend à associer ar-
pas entre les machines numériques, mais entre la chitecture et ingénierie est le studio de Frank Ghery.
sensibilité humaine, rassemblés en équipe de pro- Un des projets en cours d’élaboration est le pavillon
jet. « Dessiner c’est prendre des décisions et des res- de la fondation à Paris pour la marque Louis Vuit-
ponsabilités, et non déléguer les opérations à l’ordi- ton. La conception en équipe s’est opérée avec deux
nateur ». Ove Arup. modèles paramétriques, un pour les architectes et
l’autre pour les ingénieurs. Cette première partie a
Conclusion. fait un état de l’art sur l’architecture paramétrique,
Le raisonnement actuel fait dans l’approche de Zaha en dissociant quatre approches, en vue de la gé-
Hadid pour construire ses plans masses se veut nération de formes. La puissance de cette architec-
une nouvelle réponse à la création de la forme. Les ture entrevoit également des portes au delà de la
règles de symétrie de perspective sont aujourd’hui conception, dans le passage de la conception à la
dépassées au profit de l’approche numérique va- réalisation, qui est donc plus un domaine réservé à
lorisant les flux, les données, la cartographie des l’ingénierie.
usages, qui étaient auparavant seulement une aide
à la compréhension d’un territoire. Aujourd’hui elles
sont directement genèse de formes. Michael Schu-
macher explicite clairement que les formes culti-
vées par cette approche, doivent être discutées et
remises en question, et que les principes de base
des méthodes, constituent une nouvelle vision de
l’architecture. Il a pour lui définitivement tourné la
page de l’imagination classique pour l’architecture.

46 47
travail des artistes. Dans le domaine de la construc- les logiciels. Ceux-ci sont donc des données viables
tion cette méthode d’élaboration est tout simple- pour n’importe quelle forme ou projet. Il reste le
ment impossible à l’échelle d’un projet entier. Certes, moyen également le plus simple de vérification, car
quelques éléments ponctuels peuvent relever de la l’outillage de l’homme n’a pas encore fait preuve
création manuelle, mais le modèle actuel écono- d’évolution. On peut mesurer des distances, des
mique ne le permet absolument pas sur un projet angles planaires, mais par exemple la mesure d’un
entier, pour une question d’argent et de temps. Il rayon de courbure, d’une surface gauche, n’a pas
faudra donc trouver une méthode de construction encore été inventée. Deuxièmement, les données
qui ne révèle pas d’un savoir manuel, mais qui se peuvent se transmettre directement à une ma-
base sur les façonnements des dessins numériques chine via des fichiers spécifiques (par exemple des
à travers des machines. extensions .flv ). Les données sont donc invisibles
II De la forme à la matière Wawona de John Grade. Sculpture exposée au Musée
travail des artistes. Dans le domaine de la construc- pour l’homme, car la commande des machines au-
de l’histoire naturelle de Seatle.
tion cette méthode d’élaboration est tout simple- jourd’hui assez évoluée permet de définir quelques
ment impossible à l’échelle d’un projet entier. Certes, critères pour la découpe, la machine en génère au-
I - Epouser constructivement une forme quelques éléments ponctuels peuvent relever de la tomatiquement son tracé. Enfin la troisième possi-
Ci dessous : détails des planches de la goellette delan-
tellée. création manuelle, mais le modèle actuel écono- bilité est la projection vidéo. Dans cette approche,
mique ne le permet absolument pas sur un projet le support de projection constitue la matière même
entier, pour une question d’argent et de temps. Il à découper. Les points, courbes ou surfaces projetés
Quelles sont les méthodes pour obtenir une parfaite faudra donc trouver une méthode de construction sont directement visibles sur la matière et peuvent
adéquation entre modèle informatique et réalité ? qui ne révèle pas d’un savoir manuel, mais qui se être tracés sur la matière avec un simple crayon. La
Quel sont les procédés du plus artisanaux au plus base sur les façonnements des dessins numériques découpe peut alors s’effectuer manuellement ou
industriels pour construire une forme ? Comment à travers des machines. avec des outils de découpe classique. L’intérêt de
procéder pour paramétrer la production, en vue de - la découpe dans la masse cette approche permet de projeter sur des matières
créer une continuité informatique, mais également - découpe par projection graphique (vidéo projec- selon de multiples directions. On positionne par
diminuer le coût de réalisation ? teur) exemple un morceau cubique de polystyrène et on
Le travail de l’artiste John Grade est pour moi ré- - huyperbody : machine dotée de deux bras vient projeter un plan de découpe sur sa face avant
vélateur de ce que l’architecture paramétrique, à - machine à commande numérique CN (avec jet et en même temps sur sa face arrière. Le découpage
l’échelle du bâtiment, doit impérativement éviter. d’eau) découlant ensuite du tracé au crayon permet de dé-
Cette œuvre remarquable nommée Wawona été - le prototypage couper la matière de manière biaisée. Les matières
façonnée avec la récupération de planches de bois - la Stereolithographie ou le « casting » de projections peuvent être le bois, le plexiglas, la
d’une goélette démantelée de 1897. L’œuvre pré- - moulage par rotation, voir zaha hadid flow mousse… tout produit où la découpe est assez fa-
sente au total 200 planches de bois. La particularité - tissu de Achim Menges. cile avec un outillage manuel.
de ces planches vient du fait qu’elles présentent de - mise en forme avec le Digital Form-Finding of Tim-
nombreux nœuds, tous de taille similaire. L’artiste ber Post-formed Gridshell
les a alors enlevés et a fait jaillir à la place des volutes - les machines à 5 axes.
en bois. La technique d’élaboration pour obtenir ces Il convient en première approche de comprendre
formes volutes a nécessité une précision incroyable. comment s’effectue le transfert d’informations
Le mode opératoire révèle l’engouement et la pas- entre le monde numérique et la matière. Ces mé-
sion à travers laquelle John Grade vit ses œuvres. En thodes de transferts peuvent s’opérer de trois façons
effet, le façonnement des ces volutes s’est opéré à : d’abord et avant tout par le papier. Les côtes même
l’aide d’une fraiseuse et d’une ponceuse maniée ma- pour des formes courbes peuvent posséder un sens,
nuellement. Le temps nécessaire pour travailler les car toute forme est définie à la base par des points
200 planches a demandé un travail colossal. Cette qui possèdent des coordonnées géométriques dans
œuvre magistrale est révélatrice sur la manière de

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A gauche : Norwegian Wild Reindeer Centre Pavillon
par les architectes Snøhetta. Salle de découpe dédiée à
la découpe de bâteaux dans le Hardanger.

a Sculpter la matière

a du être découpée en deux fois. Une forme supé- La limite de ce genre de projet est souvent finan-
Bien que la paramétrisation n’implique pas direc- rieure et une forme inférieure, car la machine à com- cière, car l’énergie requise pour obtenir une forme
tement la notion de surfaces courbes ou à double mande numérique peut seulement se déplacer en directement sculptant la matière à travers ce pro-
courbure elle en permet la génération. La première plan. Elle possède deux axes de déplacement (x et cédé, se révèle souvent extrêmement coûteuse.
approche vise à produire des formes directement y) et un axe autour duquel la fraise tourne. L’usinage D’autres instruments et matériaux permettent de
en découpant la matière dans la masse : méthode vues et de perspicacité. Une grande fenêtre donne s’effectue verticalement du haut vers le bas. Ceci tailler directement dans la masse.
proche de la sculpture. Il est assez facile de décou- sur la montagne de Snøhetta. Un robuste boîtier implique directement que la structure ne doit pas
per des formes dans du polystyrène bien sûr, mais le en acier de 10 mm recouvre un noyau en bois de posséder de « creux » (ou de grotte si on assimile la Hyperbody est un groupe de recherches à la Fa-
bois peut aussi s’adapter à cette technique. forme organique, qui intègre des sièges et forme la forme à un paysage), car la fraise travaille inévitable- culté d’Architecture de l’Université de technolo-
The Norwegian Wild Reindeer Centre Pavillon par façade sud du pavillon. Le bois est produit par frai- ment verticalement. La forme a donc été découpée gie de Delft dirigé par le prof. ir. Oosterhuis Kas.
les architectes Snøhetta, est un projet où la forme sage à commande numérique par une entreprise de en deux morceaux. La ligne de jonction horizontale Le groupe explore les techniques et les méthodes
numérique a été obtenue avec des opérations non construction de bateaux dans le Hardanger, et a été entre les deux formes représente donc l’intersection pour la conception et la construction d’architec-
paramétriques, mais manuellement avec le logiciel frété pour le site en deux morceaux. On retrouve ici avec la forme et un plan tangent horizontal. Pour dé- ture non standard, virtuelle et interactive. Ces mé-
Catia. Ce petit pavillon, situé à 1250 mètres au-des- l’implication de l’architecture paramétrique dans la couper le bois dans la masse, les poutres de bois ont thodes et ces techniques de pointe sont enseignées
sus du niveau de la mer, à portée de vue de la mon- construction de bateaux. La salle impressionnante d’abord été profilées en carré, puis taillées dans leur et appliquées par les chercheurs et les étudiants.
tagne de Snøhetta dans le centre de la Norvège, est mesure près de 12m de long. Un pont roulant est longueur. La découpe s’est opérée de la façon sui- Un projet, nommé MSc2 Hyperbody Prototype 01,
utilisé comme un centre pour visiteurs du Centre de installé dans la longueur du hangar et permet de dé- vante : une installation avec des tasseaux ont permis intéressant dans la mise en place du mode opéra-
renne sauvage norvégien, mettant en valeur la riche placer la fraiseuse dans tous les endroits de la pièce. de positionner les diverses poutres en bois qui ont toire de découpes a été façonné par ce groupe de
histoire et la faune de la région. Le bâtiment est La hauteur maximale d’une pièce pouvant être réa- été assemblées entre elles avec des bouchons de recherches. La forme initiale du projet a été déter-
conçu comme un lieu de contemplation - pour des lisée dans ce hangar est de 2,2 m. La forme incurvée liège. Une rangée horizontale de morceaux de bois minée sur RhinoVault. RhinoVAULT est un plug-in
est disposée de manière à couvrir la forme souhai- pour Rhino, en cours de développement au Groupe
tée. Ensuite, la fraise vient découper le bois en sui- de recherches BLOC (Matthias Rippmann, LORENZ
vant la forme numérique en faisant plusieurs passes. LACHAUER et Philippe Block) qui permet la concep-
La hauteur maximale de bois découpé à chaque tion intuitive de formes uniquement soumises à de
passe est de 2,4 cm. Pour chaque niveau un nombre la compression, offrant un maximum de contrôle de
important de passages est donc effectué. Une deu- la géométrie. Ce logiciel est écrit en particulier pour
xième rangée de bois massif est ensuite installée, et l’élaboration des voûtes en maçonnerie non armée,
la machine vient redécouper le bois massif et ainsi mais peut aussi être utilisé pour la conception des
de suite… Au total, la forme inférieure est le résultat coquilles freeform. En utilisant la discrétisation de la
de l’empilement de 7 rangées de billes de bois, et forme, le plug ing redistribue les forces au sein du
la forme supérieure est de seulement trois rangées. réseau en utilisant des diagrammes de force.
La structure est assemblée avec des piquets en bois
selon les méthodes ancestrales, sans colle ou ni de Forme créée sur Rhino Vault par un groupe de re-
liaisons métalliques. L’opération consiste réellement cherche de l’université de Delf.
à débiter la matière puis à la sculpter précisément.
Le nombre d’heures passées sur l’ensemble de la
forme est du fait de ce débitage minutieux, extrê-
mement long. Une fois l’assemblage terminé entre
les deux formes, le bois est traité à l’intérieur puis
à l’extérieur. Le toit lui, est réalisé avec des profilés
métalliques creux, s’étendant sur la longueur du bâ-
timent.

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Quantitativement, il serait possible d’exploiter la dé- Son utilisation en architecture s’opère essentielle-
coupe, de manière entièrement automatisée, pour ment pour la construction de maquettes à échelle
répondre à de nombreuses conceptions et des be- réduite. Le cabinet d’architecte Autrichien SPAN, s’en
soins différents. Il s’avère que la machine requiert sert non seulement pour expliciter son architecture
l’aide humaine pour maintenir les blocs lors de la à ses clients en réalisant des maquettes, mais égale-
Mode de découpe non perpendiculaire à la surface. La découpe, ce qui ne rend pas encore la machine au- ment en développant des prototypes de recherche
Machine 5 axes découpant les mousses en utilisant un tonome. Ainsi avec ce procédé de découpe utilisant de formes impossibles à réaliser à la main. Pour moi,
fil chauffé. Le bras est monté sur une machine 5 axes. une machine robotique de cinq axes, la découpe à la question de l’objet imprimable intéresse certai-
fil chaud possède de multiples avantages, et per- nement le design, mais pas la génération de formes
met la génération de formes aussi bien convexes pour l’architecture. En effet, l’impression de ma-
Cette redistribution est basée sur l’approche du ré- fil tendu) et l’épaisseur du bloc de mousse. En deux que concaves. D’autres projets ont mis en lumière la quettes impossibles à faire à la main, ne fait pas évo-
seau de poussée (TNA Thrust Network Approach). semaines les étudiants, à l’aide au total de deux ma- capacité de l’utilisation des machines robotiques à luer le projet réel qui lui, doit être construit. Nous ne
Une fois la forme définie, un travail de recherche a chines, ont réalisé le projet installé dans le hangar cinq axes. L’adaptation au design et à l’architecture, sommes pas encore, et peut-être ni arriverons-nous
été entrepris par les étudiants sur la décomposition de fabrication. se fait généralement en montant un instrument jamais, à imprimer entièrement un bâtiment gran-
de la forme en élément. Cette recherche a abouti Le but de ce projet était de repenser les formes de découpe sur le bras de la machine. Une perfor- deur nature en trois D. Il faut donc dès la phase de
selon le principe d’assemblage curviligne. En effet, géométriques complexes libres en termes de mance live a été effectuée en découpant à partir recherche, développer des modules d’assemblages,
l’assemblage dit « droit » (comme les briques ou les contraintes de fabrication. L’avenir de ces évolutions d’une bille de bois, un tabouret en entier avec une car l’architecture n’est pas mono matière. L’évolution
parpaings) demande une adhérence significative se décidera certainement sur le marché par le mar- tronçonneuse installé sur le robot 5 axes. Cette ex- incessante des imprimantes numériques n’ont pas
entre chaque pièce superposée. L’idée ici est de ché, mais on peut déjà voir comment une concep- périmentation a été faite par l’allemand designer encore poussé au stade de réflexion de ces assem-
créer une jonction qui soit capable de s’auto-em- tion basée numériquement avec ses techniques de Tom Pawlofsky. blages, par exemple entre la forme d’un châssis de
boîter. La géométrie curviligne permet ainsi sans fabrication pourraient être utilisés pour construire A travers deux exemples, nous avons vu comme la fenêtre, ou un entraxe de porte… Il en résulte que
colle de faire converger les efforts dans la structure, l’architecture non standard. Qualitativement, cette technique de sculpture pouvait, avec des machines pour l’instant l’architecture imprimée est bloquée
sans que celle-ci ne se déforme. Les pièces sont approche ici faite sur de la mousse EPS pourraient particulières, être adaptée à la construction de par le fait qu’elle est faite d’un seul matériau.
réellement emboîtées. Les lignes de découpes ne se généraliser à d’autres matériaux. Imaginons un formes paramétriques. Une autre approche vise à L’approfondissement de ces dernières années a per-
sont donc pas perpendiculaires à la surface de dé- fils de diamant (autrement dit plus résistant) utilisé créer la matière en trois dimensions. mis la découverte certes de nouveaux matériaux
coupe, ce qui a demandé une réflexion sur la mé- pour découper de la pierre ou bien encore des blocs moins chers, et a tout simplement mis en valeur les
thode pour obtenir ces pièces. La solution est venue de béton. Dans une autre vision des choses, plutôt matériaux à la base de la construction : la terre, l’ar-
en découpant de la mousse assez compacte, avec que de découper la masse, il serait également envi- b Imprimer la matière gile, les cendres, le pisé …
un fil chaud manié de part et d’autre du morceau sageable de découper la forme inversée, et s’en ser-
à découper. Cette découpe aurait pu s’effectuer à vir comme coffrage pour couler du béton, ou de la Les imprimantes trois D déjà connues et utilisées Une piste mener par un Enrico Dini, ingénieur ita-
la main, à l’aide d’un tracé précis sur les deux faces terre mélangé à de la chaux et du ciment. dans le monde de l’industrie pour générer des sur- lien, semble plonger enfin l’impression 3d dans le
du bloc de mousse. Les chercheurs ont donc déve- faces impossibles à assembler, sont aujourd’hui en monde de l’architecture. “Printing houses it’s a pro-
loppé une machine capable d’effectuer cette opé- pleine évolution. Les premières imprimantes pou- vocation, but this is the true”, déclare, Enrico Dini.
ration. Sur une machine robot standard pour l’in- vaient générer des modèles de dimension assez Ayant initialement travaillé dans une usine de ma-
dustrie automobile (machine servant à peindre les modeste de l’ordre d’une vingtaine de centimètres. nufacturing de machines robotisées, il décida de
voitures), le groupe a monté une fourche à deux De plus le coût de réalisation d’un modèle était créer sa propre entreprise et développa la machine
bras. Entre ces deux fourches un fil tendu chauffé, onéreux du fait du prix du matériau utilisé, généra- nommée « D_Shape Concept ». Cette imprimante
a permis de découper l’ensemble des éléments. La lement de la poudre de polyamide. En effet, les im- grandeur nature, fonctionne sur le même principe
difficulté rencontrée dans la connexion entre Rhino primantes 3D élaboraient leurs formes en déposant que la stéréolithographie en déposant successive-
et la machine, provient du fait que le mouvement de fines couches de matière plastique superposées ment de la colle. La machine est composée d’un
du bras de la machine n’est pas le mouvement réel les unes entres elles. Cette technique porte le nom bras qui se déplace selon une seule direction lors de
des courbes définies sur la surface des blocs. Il y a de stéréolithographie. L’utilisation de ces machines chaque couche, puis se lève au fur et à mesure de
un décalage. Ce décalage représente la différence est aujourd’hui entièrement à la portée d’agence l’impression. Elle procède en effet non pas en ajou-
entre la distance entre les deux bras (la longueur du de maquettiste et quelques agences d’architecture tant de la matière là où il en faut, mais dépose un

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Radiolaria, obtenue dans l’atelier de Enrico Dini. La
sculpture mesure 2 m de haut et a été imprimée en une
seule fois.

filet de colle suivant la forme voulant être réalisée.


Ensuite elle dépose du sable uniformément sur le
support de base puis, racle le sable pour ne laisser
qu’une fine pellicule de 5 à 10 mm. La dépose de
la colle s’effectue par des pics verseurs espacés de
5 mm sur le bras de la machine. La solidification
est à priori de 24h. La machine ne possède pas de
limite fixe de distance car elle est montée sur des
supports pouvant s’adapter en longueur et en hau-
teur. Sa largeur par contre (où se situe l’ensemble
des becs verseurs) est pour l’instant fixe. Le bras
qui se déplace doit cependant ne pas trop subir les
efforts de vibration de la machine, ce qui implique
que pour de grandes longueurs, il doit être assez
renforcé. Aujourd’hui la structure de la machine
permet de générer des formes de 6 m x 6 m, et la
hauteur peut atteindre 18m avec des rallonges. Le
degré précision de la machine est de 0,1 mm, et sa
rapidité peut varier de 0 à 500 mm/seconde. La hau- Imprimer des maisons serait donc pour Enrico est venue de repenser complètement cette vision à
teur entre chaque couche ne peut excéder 20 mm, Dini l’aboutissement de son travail, et constate au- travers cette nouvelle approche. Reprendre une par
sinon l’adhérence entre deux couches ne serait pas jourd’hui que cette méthode n’est pas encore com- une les formes auparavant imaginées virtuellement,
suffisante. pétitive par rapport à la construction classique. et se repencher dessus, afin d’en entrevoir une pos-
“Printing houses it’s a provocation, but this is the Néanmoins, il a sous les yeux un procédé extraor- sible conception.
true”, Enrico Dini. dinaire de constructions de formes, auparavant im-
Enrico Dini a réalisé de sublimes œuvres d’art avec possibles à réaliser. La puissance de cette technique
cette machine, notamment une sculpture ou projet - l’idée du collage par couches successives, fait va-
à grande échelle nommé « Radiolaria ». Cette œuvre ciller le monde de l’impression en utilisant l’encre
a été dessinée par Andrea Morgante, en s’inspirant comme un liant structurel. Enrico Dini croit en deux
d’un micro organisme « Radiolaria », et fut réalisée à concepts qu’il espère améliorer : le premier vient du
l’échelle ¼. Il s’agit d’une structure de grès monoli- fait que le liant servant de colle peut provenir des
thique haute de deux mètres, imprimée à l’aide 200 rejets de l’industrie cimentaire ou provenir de ma-
couches (soit 10mm d’épaisseur) de grès, collées par tériaux inorganiques et écologiques. Le deuxième
un nouveau liant minéral. La matière finale du pro- tient dans la possibilité d’exporter la machine en de-
totype coûterait seulement 200 euros (de sable et hors de son hangar. Pour cela tous les composants
de liant). Une fois l’ensemble des couches terminé, doivent être montés et démontés rapidement, la
la matière en trop (celle qui n’a pas été collée) est matière première doit être réutilisée et la machine
déblayée à la main ou avec de l’air comprimé. Au doit consommer peu d’électricité.
total, la D_Shape a façonné la forme en deux se- Grâce à son travail, fruit de 4 ans d’études avec des En haut : Machine D_Shape_Concept montée dans
maines, puis il a fallu une semaine pour déblayer la ingénieurs et des chimistes, Enrico Dini a ouvert une l'atelier d'Enrico Dini, Italie. La machine imprime la
matière et effectuer les finitions. La définition finale porte immense sur l’architecture. Il n’y a pas plus matière en déposant une fine couche de matière mi-
obtenue est de 4 à 6 dpi. Ceci s’explique par le traite- vrai que le travail de la matière pour l’architecte. nérale.
ment par couches qui résulte en fait d’un traitement La naissance des procédés numériques a fait naître
d’images superposées. La définition théorique étant une exubérance de formes qui sont pour la plupart A droite : machine déposant des couches d’argiles de 1
de 25 dpi. uniquement visuelles, car inconcevables. L’heure cm d’épaisseur.

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c L’assemblage gauche et les trois angles de rotation pour la partie à partir de la géométrie de base sur Rhino, pour la
droite. Ce listing n’a été possible qu’avec l’utilisation forme générale de la structure et pour toutes les
Une autre possibilité pour épouser une forme com- du modèle paramétrique, fait sous Generative Com- connexions de charpente métallique. En outre éla-
plexe à double courbes ou gauche peut être la dis- ponent et avec l’aide d’Excel pour la sortie des don- boré une fois que l’entrepreneur en charpente mé-
crétisation de la forme en facette de petite taille. Les nées sur papier. Les ouvriers ont donc travaillé avec tallique ait été sélectionné, le modèle comprenait
arrêtes de ces facettes peuvent alors devenir des ce listing lors de l’installation des panneaux en poly- chaque écrou, boulon, éclisse, plaque et raidisseur,
éléments linéaires structurels. La difficulté de cette carbonate, réglant une par une toutes les rotules au et a servi au final, à fabriquer tous les composants
composition spatiale porte sur deux propos : le pre- degré près. structuraux. Un essai, monté en atelier à grande
mier vient du fait que les assemblages de ces élé- L’assemblage unique est parfois inenvisageable échelle de l’ensemble du module, a facilité le mon-
ments linéiques (généralement des profilés acier) dans certains projets, du fait de la forme de l’enve- tage sur site, ce qui a permis de valider l’exactitude
doivent s’assembler en un point exact. Ceci afin de loppe. Deux projets conçus par Arup pour la struc- de la fabrication et de l’adéquation des tolérances.
ne pas transmettre de moment dans les barres. La ture, ont vu naître l’approche d’outils paramétriques La construction du toit s’est avérée par la suite d’une
discrétisation de la forme par ce système de barres, pour les ingénieurs. Le premier projet est celui de grande vitesse et a été effectuée sans entrave.
peut être faite à partir de n’importe quelle forme, en l’assemblée Nationale du Pays de Galles, l’œuvre Le second projet où les outils paramétriques ont d’acier insista sur le fait que le travail 3d d'Arup lui
revanche la multiplicité des assemblages augmente de Richard Rogers & Partners. Le toit du projet, en permis de répondre à l’attente de l’architecte, est le avait permis de gagner trois mois. Le choix du ma-
considérablement le prix de la structure. Les profils forme de coupoles ou dômes aplatis a été réalisé sur projet à Singapour de la « fleur de lotus », à Marina tériau pour couvrir la forme de lotus a fait l’objet
acier du commerce sont indéfiniment modulables Rhino. Le modèle générant la forme n’est pas para- Bay Sans. Pour construire la structure, un modèle d’une étude poussée. En effet, l’architecte ne voulait
dans leur longueur, du fait de leur procédé de fa- métrique, mais modélisé avec les outils classiques paramétrique a été monté avec Générative compo- pas de jonction visible entre les éléments de cou-
brication par extrusion. Les assemblages des barres sur Rhino. Un modèle d’analyse de « spaceframe » nent uniquement pour un pétale. Celui-ci s’adaptait verture. La découpe de la forme en double courbure
eux, sont moulés à chaud, et ne sont pas standard. (structure spatiale) est dérivé directement du mo- à n’importe quel autre pétale par la suite. Le modèle était obligatoire et devait donc être réalisée à partir
Ce que peut apporter le paramétrisme, c’est premiè- dèle Rhino et a permis de constituer une géométrie de ligne fut ensuite comme dans le précédent pro- de la structure métallique. Le matériau choisi est un
rement une optimisation, en minimisant sensible- uniquement filaire, faite de nœuds et de lignes. Ce jet analysé avec GSA et a permis de définir toutes les polymère en fibre renforcé, utilisé pour les yachts de
ment le nombre d’assemblages différents, pour une modèle effectué via un logiciel GSA, développé en sections. Ce modèle fut ensuite exporter sur micro courses aux Etat Unis. Son utilisation à l’échelle du
même forme. Deuxièmement, la force des logiciels interne, à permit d’effectué une première analyse station Triforma de Bentley, pour modéliser en trois bâtiment est une première pour un projet de cette
paramétriques réside aussi sur le degré de précision structurelle de rdm et comprendre le fonctionne- dimensions la structure, puis sur Tekla de manière à taille, et a nécessité une certification pour sa résis-
des assemblages. En effet, d’un point de vue spatial, ment d’ensemble. Ensuite, une analyse non-linéaire pouvoir collaborer avec le fabricant. En effet, le mo- tance au feu. La forme des plaques a été obtenue
les assemblages sont toujours repérés et coté avec avec GSRelax, qui représente les effets de second dèle GSA est un moteur de calcul mais ne fait pas de par moulage, qui a fait l’objet d’une paramétrisa-
des axes cartésiens. Le fait de travailler sur un mo- ordre de la structure, a été entreprise, pour déter- visualisation, ce qui explique l’export vers Bentley tion de la surface des pétales du lotus. Le pavillon
dèle paramétrique permet de réorienter facilement miner la prévalence de flambage. Les ingénieurs Triforma. Ce dernier a également servi à effectuer Porsche a été façonné de la même manière. L’idée
tous les assemblages et permet une nomenclature d’Arup ont développé un outil paramétrique afin un export de dessin 2d. Un projeteur du fabricant de cette architecture qui étonne, était de créer une
des éléments et une définition en plan et en coupe de réaliser les assemblages des profilés. Ces derniers
pour les fabricants. sont des barres standards universelles, des profilés Ci dessus : maquette du toit réa-
Dans le projet de Lansdowne Road ou Aviva Sta- creux ou circulaires, mis à part les profilés en porte à lisé jusqu’au détail des boulons
dium déjà vu dans la partie problem solving, une faux et les éléments de «pliage» (où les dômes cou- générée à partir du modèle nu-
solution a permis de construire la forme extérieure, pent le cylindre). Arup a développé chaque assem- mérique fait sur X Steel (Tekla)
avec des morceaux de polycarbonate, en utilisant blage géométriquement complexe en fonction des
un seul type d’assemblage. Le support standard ins- transferts de charge, des techniques du fabricant, et
tallé permet d’articuler les trois axes des panneaux selon les principes de montages envisagés. En uti-
en polycarbonate. Ce système unique sur toute l’en- lisant des techniques, de fabrications standard et
veloppe du stade a permis d’épouser au mieux la conventionnelles, appliquées sur les assemblages
forme définie numériquement. Même si la solution hautement complexes, les ingénieurs ont donné
est simple techniquement, elle sous-entend qu’à aux fabricants de charpentes métalliques une sé-
chaque panneau a été attribuées 6 données intrin- rie d’assemblages à réaliser. Un modèle X-Steel (un
sèques. Les trois angles de rotation pour l’accroche ancien module de Tekla) a également été produit à Ci dessus : National Assembly for
Wales - The Senedd. Architecte
Richard Rogers, Bureaux d’étude
structure Arup .
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surface ininterrompue reprenant le mouvement Ces éléments se répètent tous les quatre profilés On pourra donc approcher une forme courbe ou
d’une vague. A première vue, l’œuvre, sorte de vague primaires. La complexité du modèle réside dans gauche par divers éléments linéiques. Ces derniers
à l’aspect du béton. La peau est en fait constituée l’entrecroisement des barres, car elle nécessite au n’ont pas soulevé de problèmes inconnus pour les
de plaque courbe, en acier inoxydable. La structure minimum trois plans de croisement. En effet, deux ingénieurs, en revanche la paramétrisation de l’ar-
monocoque rependue dans la construction navale éléments se superposent sans problème, mais chitecture a fait évoluer l’analyse des assemblages.
et la formule Un est constitué de neuf mille nervures lorsqu’un troisième se superpose au deuxième, il C’est donc l’interconnexion des éléments linéaires
en acier, comparable au plancher sur un navire. Une se crée un espacement lorsqu’il croise le premier qui a poussé les ingénieurs vers des modèles de
fois de plus la référence structurelle, fait intervenir élément. Au total, les Supertrees possèdent quatre conception 3d entièrement paramétriques. Ceux-
l’architecture navale. Un total de 620 feuilles en nappes qui permettent de générer le croisement ci semblent encore assez liés au langage du code,
acier inoxydable, ont été soudées ensemble avec des « branches ». Le croisement des deux systèmes ce qui explique la séparation des modèles paramé-
nervures de renfort, préfabriquées dans un chantier s’opère environ tous les 60 cm sur les profilés pri- triques de l’ingénieur de ceux de l’architecte.
naval à Stralsund et assemblées sur place. maires.
Le point culminant de la fleur de lotus s’élève à 28 La structure visible sur les photos montre à quel d Le tressage
mètres au-dessus du niveau de l’eau. C’est l’archi- point, une telle forme ne peut s’opérer sans l’aide
tecture qui étonne. d’un modèle 3d paramétrique. Celui-ci permettrait L’autre solution possible pour approcher une forme
de générer par exemple le déversement de « l’arbre est de la définir via des lignes dites « iso-paramé- Supertrees : Garden by the bay Singapour. Grant Asso-
», le nombre de profilés primaires, la distance des triques » quadrillant la forme. Ce quadrillage n’est ciates et Atelier 10 en tant qu'ingénieur structure.
The Art Science Museum de Singapore, 2011. Archi- entrelacements et surtout la simulation de crois- pas obligatoirement composer de ligne orthogo-
tecte Moshe Safdie. Arup structure. sance à travers la structure secondaire. Il paraît nale, il peut être la résultante de la projection d’un Ma première approche de cette structure en bois
peu probable en effet, pour ce genre de formes, pavage plan sur la forme. Deux systèmes de trame lamellé collé, s’est effectuée avec le projet Öarna
de trouver une solution sans modèle paramétrique semblent se détacher dans les projets réalisés. Le développé à l’école d’architecture de Nantes, sous
sur ses données initiales, car la connaissance et le premier vise à quadriller la forme selon deux di- la direction de Michel Bertreux, et Francis Miguet.
comportement global de l’arbre structurellement rections principales. Ces lignes définissant la forme Le projet prévoyait la réalisation d’un prototype
reste inexplicable à première vue. Motta et Zdrahal sont physiquement représentées par des pièces de chambres d’hôtel dans les arbres, sur une île en
remarquaient la complexité d’un problème, avant fabriquées en bois lamellées collées. Les assem- Suède, non loin de « Ange ». La forme façonnée sur
tout en fonction de la connaissance préalable de blages entre les pièces aux intersections des lignes Rhino n’a pas fait l’objet d’un travail paramétrique,
ceux qui le crée. Pour eux la difficulté d’un problème peuvent se traiter de la même manière que les as- mais est le résultat d’une « sculpture numérique
à résoudre, est proportionnellement liée à son de- semblages classiques en bois. L’assemblage le plus ». La définition également de toutes les pièces de
gré de connaissance. Il est évident qu’un problème adapté à cette méthode reste cependant, l’assem- bois s’est effectuée par une modélisation classique.
connu est beaucoup plus simple à comprendre et blage mi bois, car il bloque les trois rotations et les La forme a été divisée en coques représentant les
à résoudre qu’un problème inconnu, complexe ou trois déplacements entre les deux pièces. L’emboî- étages, puis en six éléments par coque. Le contour
non. La connaissance acquise au fil du temps, en- tement, l’enfourchement ou la queue d’aronde ne des pièces est représenté par une poly ligne fermée,
gendre donc une culture dite constructive. Cette sont cependant pas à négliger, même s’ils libèrent définie par des points de contrôle. Une courbe cor-
culture constructive est en permanente évolution, quelques degrés de liberté. Dans ce cas, le collage respondait ainsi à une pièce. La définition de toutes
du fait de la suractivité émergente des projets para- permet de bloquer les déplacements ou les rota- les poly lignes, 1000 au total, a nécessité une pré-
métriques. Les architectes créent des formes qu’ils tions libres. Plusieurs assemblages se prêtent donc cision pointilleuse car les opérations étaient ma-
ne savent pas explicitement caractériser structu- aux doubles réseaux. Pour éviter des complications nuelles. L’étude paramétrique à été générée plus
rellement, car la culture structurelle évolue plus de découpe, les réseaux de lignes orthogonales tard, dans le processus de conception, et a débuté
vite qu’auparavant. Les ingénieurs sont donc en sont presque toujours obligatoires. L’emboîtement lors de l’étude des assemblages mi-bois. Les poly
constante réflexion en quête de nouveaux procédés et l’assemblage mi bois sont alors entièrement jus- lignes prédéfinies précédemment, n’intégraient pas
paramétriques, qui n’étaient absolument pas envi- tifiés. La rigidité obtenue lors d’un assemblage mi- le fait même de l’assemblage. Un modèle Grasshop-
sagés il y a quelques années. bois, n’est pas entièrement satisfaisante vis-à-vis de per a ainsi permis d’effectuer les opérations néces-
la stabilité globale de l’ouvrage. En effet, un carré saires pour assurer l’assemblage entre les pièces. Le
peut se déformer en losange à la différence d’un but étant de redéfinir le contour des poly lignes en
triangle. intégrant les redents aux endroits où s’emboîtent

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les pièces. Un modèle unique servait à définir les La matière entre les pièces pouvait être optimisée.
contours des assemblages pour un sixième de coque. Cette conclusion s’est faite après avoir fait le travail
Celui-ci était ensuite divisé pour définir le contour, manuellement, et en le comparant avec Rhino Nest.
premièrement des pièces horizontales, puis deu- Le travail dit de Nesting, qui consiste à répartir l’en-
xièmement des verticales. Ce modèle à quelques semble des pièces sur des plaques de découpe, s’est
opérations près, était paramétré pour toutes les si- donc effectué manuellement pour les milles pièces
xièmes de coques. La seule difficulté venait du fait au total. L’opération était effectuée sur des tronçons
que la forme n’avait au préalable pas été définie via de forme ce qui limitait la réflexion, la tâche restait
Grasshopper. En effet, pour générer les deux opé- cependant assez intellectuelle. Elle visait à répartir
rations principales sur Grasshopper, à savoir une dans l’ordre décroissant de grandeur les pièces,
réorientation de trois points d’un rectangle et une en partant toujours de la plus grande. Après avoir
homothétie d’un autre rectangle, il était nécessaire placé la plus grande pièce sur la première plaque, la
de sélectionner les points d’intersections des poly deuxième pièce était testée sur la première plaque
lignes. Cette opération de sélection devait être faite ; si elle ne rentrait pas, elle était placée dans la deu-
dans un ordre bien précis. C’est l’ordre des points xième plaque, sinon l’opération se répétait avec la
qui a posé des difficultés et qui a conduit finalement troisième et ainsi de suite. L’opération simplement
à une sélection manuelle de chaque point. C’est de présentée ici, sûrement celle qui était à la base de
ce fait, la seule entrave au paramétrisme, rencon- Rhino Nest, n’intégrait pas le fait que certaines pièces
trée directement sur Grasshopper, du fait d’une non s’assemblaient plus facilement sur les plaques que Oarna Project : Ensan Workshop 2010
paramétrisation préalable. Un total d’environ 520 d’autres. En clair, l’ordinateur n’a pas d’intuition pour 2011. Sous la direction de Michel Ber-
opérations a donc été traité et de ce fait, a néces- ce genre d’opération. Ce fut la deuxième entrave au treux et Francis Miguet. Protoype d'une
sité la sélection des 520 points d’intersections dans problème à résoudre à l’avenir. Le travail manuel a chambre d'hôte dans les arbres en
un ordre précis. Ce premier modèle Grasshopper permis d’économiser 20% de matière au total. Les Suède sur une île.
renvoyait une géométrie « baker » dans rhino, avec contraintes du Nesting était d’ordre mécanique et
deux calques distincts. L’un pour les poly lignes, et dépendait de la machine qui a permis la découpe
l’autre pour les pochages, ce qui permettait d’uni- des pièces. Cette machine était une machine dite En haut : Forme travaillée sous Rhino.
formiser l’épaisseur de toutes les pièces à 23.8 cm à commande numérique. La génération de fichiers Photo : Installation de la forme sur l'île.
aux endroits d’assemblage et permettait aussi un dwg avec quatre calques, était exportée vers un lo- La structure ne tient que sur quatre ap-
meilleur emboîtement des pièces. Le deuxième mo- giciel qui commandait la machine. En réalité ce lo- puis, par percement dans le tronc de
dèle paramétrique - dont les éléments étaient plus giciel, « Art Cam », envoyait un fichier à la machine deux arbres.
faciles à sélectionner, car ils venaient du modèle pa- décrivant le chemin que la fraise devait parcourir
ramétrique précédant – définissait les trous pour as- ainsi que le changement d’outil pour la découpe.
sembler les coques (boulons de 8 mm de diamètre), Au total 33 heures de découpe ont été nécessaires, Ci dessous : Développé des plaques
puis permettait la mise en plan des pièces, enfin il puis un ponçage manuel a permis d’obtenir les pour la découpe via une machine à
générait la numérotation de toutes les pièces selon 1000 pièces découpées au dixième de millimètre commande numérique.
un code, qui décrivait l’emplacement des pièces. Le près. Cette expérience effectuée en 2011, a été cer-
code se composait de cette manière : V / 1B 5-1. Ce tainement une réalisation audacieuse développant
code par exemple, signifie que la pièce était verticale la pratique de l’architecture paramétrique pour des
qu’elle appartenait à la forme 1, tronçon B, 5ème si- étudiants. Une fois l’installation de deux semaines,
xième de coques position 1. La troisième opération la forme finale exprime l’inexorable souplesse de la
paramétrique envisagée, prévoyait la répartition de nature en venant épouser les deux pins sylvestres
pièces sur les plaques de CP bouleau, le matériau avec une élégante silhouette. Les enseignements
qui servait à la découpe. Les plaques mesuraient tirés des méthodes de conception, du point de vue
3m par 1.5 m. Après avoir essayé Rhino Nest avec 40 paramétrique, ont d’abord été, comme déjà dit, une
éléments, le résultat ne fut pas assez convainquant. difficulté de sélection puis une optimisation de la

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matière qu’il aurait été préférable de paramétriser. puis au Nesting. Notre structure ne possède pas le projet du Metropol relève surtout d’un incroyable
L’élaboration des modèles paramétriques ont égale- d’éléments supérieurs à 3m et 1.5 m pour qu’ils savoir faire technique inventé durant le projet. Le
ment mis en lumière, le fait qu’il était difficile de tra- puissent tous être découpés sur une plaque de CP bois utilisé est du Kerto-Q. Le Kerto fabriqué dans
vailler en équipe sur un même modèle. Au final, seul (Contre Plaqué) en bouleau e. Le découpage de la les usines de Finn forest en Finlande, a été utilisé
trois élèves ont généré les deux modèles paramé- surface primaire s’est donc opéré manuellement. Le avec succès dans le domaine de la construction en
triques, et un élève dessinait les détails spécifiques modèle paramétrique n’a commencé qu’avec des bois depuis des décennies. Sa variante en plis croi-
sur Rhino, plancher et escalier. Je suis beaucoup poly lignes. Il en résulte que pour une forme diffé- sés appelée Kerto-Q, fut la seule et unique réponse
intervenu pour ma part dans le premier modèle, rente s’adaptant sur trois arbres par exemple, une possible en bois. Le Kerto-Q satisfait à deux exi- constructive épousant la forme, et se basant sur un
générant les assemblages et n’ai pas du tout suivi grande part de modélisation n’est pas para métrisée. gences essentielles du Metropol Parasol que sont réseau boisé. De plus, ce croisement perpendicu-
par exemple la numérotation. Cette question des La paramétrisation semble être indispensable pour la stabilité dimensionnelle des éléments et la forte laire des réseaux, ne permet pas du tout de contre-
acteurs d’un projet paramétrique remet en cause faire évoluer les procédés de conception et réduire résistance aux contraintes structurelles du projet. Il venter la structure. Dans le projet Öarna, la stabilité
beaucoup d’automatisme dans la genèse de pro- leur impact de travail. est formé de placages de 3 mm obtenus par dérou- horizontale était assurée par la forme ronde. En ef-
jet. Après finalisation du projet, il ressort que cette Enfin, la recherche la plus importante à déve- lage de billons d’épicéa (épaisseur finale de 21 à 75 fet, les pièces verticales n’étaient pas dans le même
expérience fut enrichissante tant au point de vue lopper reste celle de la peau et de l’enveloppe de mm). La fabrication se fait dans deux usines situées plan, ce qui créait un léger contreventement local.
technique, par la manipulation de machine à com- cette structure. La solution envisagée pour couvrir en Finlande. Le Kerto-Q préalablement traité en au- Ici toutes les pièces sont orientées dans seulement
mande numérique, qu’au point de vue humain. Les la forme, comprenait des écailles en plexiglas en toclave, a été revêtu d’un vernis polyuréthane bi- une direction. Des câbles reprennent les effets de
procédés de conception du projet jusqu’à la réali- forme de losange, qui venaient s’accrocher aux composants de 2-3 mm d’épaisseur, imperméable à torsion d’ensemble. Des caissons, bi diagonalisés et
sation finale, n’avaient pas du tout été réalisés pré- intersections des pièces horizontales et verticales. l’eau, mais perméable à la diffusion de vapeur d’eau, des lignes de grandes diagonales évitent toute tor-
cédemment par une équipe d’étudiants. Si le projet Cette solution n’a pas été assez étudiée pour être nécessaire à la conservation de l’ouvrage. Le projet sion de la structure.
était à refaire et à réinventer, la reformulation de expérimentée. En effet, elle ne garantissait pas une a donc permis d’étanchéifier le bois en lui-même,
certaines étapes serait envisageable d’un point de étanchéité à l’eau parfaite et isolait très peu l’inté- mais n’a pas créé de surfaces étanches. Il y a donc
vue critique. D’abord le comportement de pièces et rieur. Beaucoup de projets avec des formes gauches un réel engouement à rechercher une méthode Metropol Parasol de Jurgen Mayer H Seville Spain.
de la structure n’a pas été vérifié en entier, du fait de reprennent cette typologie structurelle, à savoir un
la complexité de la structure. Le dimensionnement assemblage mi-bois de deux réseaux orthogonaux.
des deux poutres principales reliant les deux troncs, Ceux-ci sont généralement des projets à l’intérieur et
a bien évidemment été calculé à l’état ultime et à non structurels, et n’ont donc pas la problématique
l’état de service, par un modèle simple de poutre et de l’étanchéité. C’est exactement le même discours
en approchant le poids propre de la structure. Ce pour le projet Centre Urbain Metropol Parasol à Sé-
poids propre aurait pu être facilement trouvé, en ville de Jurgen Mayer. La forme produite ne dégage
additionnant les aires de toutes les pièces. Le mo- ni intérieur ni extérieur. L’assemblage cette fois ci se
dèle ne prévoyait pas le fait que les poutres étaient fait par encastrement puis jonction, avec des tiges
fixées de chaque côté sur des appuis très élastiques, de métal qui viennent connecter deux morceaux de
les deux troncs des arbres. Une autre approxima- bois dans leur épaisseur. Les 3400 pièces sont per-
tion concernait la prise au vent de la structure. Sans cées manuellement par une mèche de 70 mm dans
couverture l’effort qu’exerce le vent est assez inqua- leur épaisseur, pour permettre l’insertion de tiges
lifiable, du fait de la multiplicité des pièces et de la de métal. La liaison entre le métal et le bois s’est faite
forme courbe et arrondie du projet. Toutes ces don- grâce à une colle époxy qui « gonfle » et permet ain-
nées n’ont pas abouti réellement à une explication si d’assurer une bonne adhérence en traction. Cette
du comportement de la structure vis-à-vis des élé- solution a été trouvée par les ingénieurs d’Arup pour
ments extérieurs, du fait de son accroche aux arbres, tenir compte des conditions thermiques extrêmes
et son comportement au vent. dans le sud de l’Espagne. L’assemblage complet a
Une seconde reformulation des modèles paramé- été chauffé, assurant ainsi une plus grande résis-
triques aurait permis également de réduire le temps tance des liaisons et ce, même à des températures
passé à la sélection des points d’intersection puis au très élevées. Au delà du geste architectural et social,

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Pour éviter, un système de contreventement l’autre tion forte entre conception / construction et étude
solution, élaborée notamment pour le centre structurelle au cours du projet. Après avoir défini le
Georges Pompidou de Metz pour générer une modèle géométrique, la découpe a pu s’effectuer.
forme avec des courbes, est la construction de trois Pour découper toutes les pièces deux machines ont
réseaux de courbes. Ce tressage en trois dimensions, été nécessaires. D’abord, une machine permettait
constitue en soit une structure auto stable. de fléchir les poutres de bois selon deux axes, puis
une machine 5 axes venait ensuite fraiser et créer les
Le club de golf de Yeoju en Corée du sud, a été redents dans les poutres. Cette double opération a
construit en 2008 par Shigeru Ban. Les architectes nécessité une technologie de pointe. La conversion
Ban et Yoon ont ainsi développé un ouvrage avec du modèle géométrique en fraisage, opérations de
une toiture évoquant le prestigieux parcours 18 forage, de coupe et de rabotage pour une machine
trous. Composée de trente-deux éléments carrés CNC, ne se résume pas à un clic de souris. Pour des
de 9 m de côté, soutenus par 21 poteaux en forme projets non-standard, il n’existe pas de processus de
d’arbre, cette structure en résille galbée, est une planification off-the-shelf (hors commerce). Afin de
véritable prouesse technologique. Sa morphologie maîtriser la quantité de composants, des solutions
avec trois fuseaux qui ne sont pas concourants en spécifiques au projet ont été développées. L’opéra-
un même point, fabrique une nappe qui se déforme tion avec la machine 5 axes, semble assez intuitive
selon des points d’attirance, pour s’ancrer sur des si les poutres n’étaient pas fléchies, et aurait pu être
piliers en bois. La forme de la charpente constituée entreprise par une simple machine 2 axes, puis seu-
d’une répétition de modules paraboloïdes, est plus lement ensuite les poutres auraient pu être cour-
régulière qu’à Metz. Les architectes ont mandaté bées.
une entreprise de charpente suisse (Blumer Leh- Cette inversion des processus n’a pas été entrepris,
man) pour la construction des divers éléments en premièrement pour une question de précision, puis
bois. Les ingénieurs de SJB Kempteur Fitze enginee- parce qu’il fallait découper les poutres selon leur
ring ont eux étudié le comportement de la struc- tranche. C’est donc cette double opération qui a
ture. Le modèle paramétrique de l’enveloppe à été permis d’obtenir ce tressage tridimensionnel. Cette
constitué par les architectes avec l’aide de « design étape de découpage ne prévoit pas la réalisation
to production », les calculs de structure ont été éta- de 21 poteaux qui sont eux plus standard à fabri-
blis grâce à ce modèle, enfin la production à été pi- quer. L’assemblage final a conduit à une précision
lotée à l’aide du modèle numérique. Il y a eu une qui a entraîner des décalages d’environ 2 cm entre
réelle coordination entre les trois corps de métier. les diverses formes. La précision numérique était de
Pour réaliser ce tissage, les ingénieurs spécialisés en 1:1000ème de millimètre et celle des machines de
détails d’assemblages, ont imaginé un tressage sur 1:10ème de millimètre. Les 2 cm d’écart sont encore
trois nappes. L’assemblage s’effectue par emboîte- acceptables d’un point de vue structurel.
ment, à la manière des Kaplas, mais non pas avec
deux réseaux orthogonaux, mais trois réseaux for-
mant des triangles. Le modèle paramétrique d’as-
semblages des pièces était créé de manière à pou-
voir dessiner les 15 000 recouvrements entre les En haut : Yeoju, haesley nine bridges golf club, Shigeru
pièces. Il s’adaptait à la courbure de la forme et ainsi Ban. Bureau d'étude suisses SJB.
qu’à l’orientation de toutes les pièces. La géométrie
des pièces a également été définie en fonction des Schémas : Principe de réalisation. Cintrage des poutres
contraintes d’usinage, de même que la forme de la de bois, puis découpe avec une machine cinq axes,
surface de base. En effet, le rayon de courbure du pour générer les redents afin de d'emboiter les élé-
bois devait être respecté. Il y a donc eu une interac- ments. Puis montages des sous formes.

64 65
Le tressage est à priori une réponse qui demande prouesse. La manière dont est générée la forme est e Le tissage.
une technologie de pointe pour passer du stade tout simplement remarquable et nécessite peu de
numérique à la construction. Cette opération entre machines et moyens technologiques de découpe. En Novembre 2012, l'Institut pour la conception
modèle numérique et découpe physique peut être En revanche, elle demande de la main d’œuvre pour computationnelle (CIM) et l'Institut des structures
entreprise par l’usage combiné de deux processus ; assembler la grille initiale et pour la pousser ensuite. de bâtiments et la conception structurelle (ITKE) à
l’un visant à courber le bois (double courbure) l’autre Cette technique de réalisation est dite post formée. l'Université de Stuttgart, ont terminé un pavillon
à découper le bois pour créer des assemblages. Le La forme créée est générée après avoir fabriqué les de recherches qui est entièrement robotisé fabri-
projet de recherche Digital Gridshell vise à simplifier morceaux la définissant, sur le même principe que qué à partir de composites en fibre de carbone et
ce processus complexe de découpe. la post contrainte pour le béton. de verre. Ce projet interdisciplinaire, mené par des
Le projet Digital Form-Finding of Timber Post-for- chercheurs, des architectes et des ingénieurs, des
med Gridshell à été développé par des étudiants de Photos du Workshop de l'université de Naples, étu- étudiants de l’université de Stuttgart en collabora-
l’université de Naples, dans leur cadre de thèse de diant la création de forme digitale post formée. tion avec des biologistes de l'Université de Tübin-
maîtrise. L’approche de la forme s’est faite via Rhino gen, étudie la relation possible entre les stratégies
et Grasshopper en définissant une grille élémen- de conception biomimétiques et les nouveaux Research Pavillon : Achim Menges. Travail sur une
taire parfaitement cartésienne. Cette grille de 169 procédés de production robotisée. La recherche structure en fibre de verre et de carbone.
m² était constituée de deux réseaux de courbes or- a porté sur les principes matériels et morpholo-
thogonales. La construction de la forme finale s’est giques des exosquelettes, des arthropodes, comme
opérée, via des conditions aux limites. Trois courbes sources d'exploration d'un nouveau paradigme de structure de coque, fabriquée par une machine 6
ont été définies de façon arbitraire. Celle-ci sont la construction composite en architecture axes. Cette machine est munie d’un appareillage
dans le même plan et constitueront la base de la L’atelier de recherche nommé Research Pavillon spécifique en bout de bras (donc machine 7 axes),
structure. La génération de la forme s’est opérée de 2012, conduit entre autre par Achim Menges vise qui permettait de dérouler un fil dans l’espace et
cette façon. La grille cartésienne est venue se dra- à étudier le développement d'un procédé de fabri- ainsi tisser une forme. Les matériaux servant de fils
per et s’adapter parfaitement sur les trois courbes cation robotisée, innovant pour l'industrie du bâti- sont un système composite de fibres. Des fibres
au sol. La surface de couverture au sol est alors de ment, basé sur l'enroulement filamentaire de fibres de verre et des fibres de carbone sont donc utilisés
96 m². Cette technique n’est pas novatrice, en re- de carbone et de verre, en étudiant les modèles bio- comme filaments. Dans les techniques de place-
vanche la manière de construire la forme, résultat logiques des invertébrés. Après une approche "bot- ment de fibres existantes, par exemple de l'indus-
de nombreuses recherches, s’est opérée de la même tom-up", une large gamme de différents sous-types trie de pointe aérospatiale ou pour la production
manière que le processus numérique. Les étudiants d'invertébrés a été initialement étudiée, en ce qui de voiles, les fibres sont généralement posées sur
ont fabriqué au sol une grille élémentaire tressée concerne l'anisotropie du matériau et la morpho- un moule positif fabriqué séparément. Ici ils consti-
perpendiculairement, avec des morceaux de bois logie fonctionnelle des arthropodes. Les principes tuent la forme même. Le tissage s’opère de cette
assemblé sans serrage. Cette grille n’est absolument biologiques observés ont été analysés et extraits façon. Un léger châssis temporaire, sorte d’échafau-
pas contreventée. Ensuite, la structure est poussée pour être ensuite transférés dans les principes de dage, en acier linéaire permet de définir les points
sur trois côtés (les trois courbes définies initiale- conception viables pour des applications architec- d'ancrage pout tendre les fils. Le châssis en acier
ment) et se lève pour donner la forme. La poussée turales. L'exosquelette du homard (Homarus ame- est monté sur une plate forme tournante. Celle-ci
s’arrête lorsque les poids, qui, contre la poussée au ricanus) a été analysé plus en détail pour sa diffé- tourne pendant que le robot vient dérouler les fils
vide de la structure, viennent se placer sur les trois renciation matérielle locale, qui a finalement servi en passant par les points d’ancrage. La définition
lignes tracées au sol. Une fois la structure stabili- de modèle de rôle biologique de ce projet. L’étude paramétrique des trajectoires sinueuses du robot
sée, un tressage joignant les diagonales permet de de l’exosquelette a permis de mettre en évidence par rapport au modèle numérique de la géométrie,
rigidifier la structure et surtout de la contreventer. le comportement d’une structure à fibre isotrope, ainsi que la génération de code de commande du
Cette méthode de construction est assez novatrice générant une distribution uniforme de la charge robot lui-même, ont été nécessaires pour aboutir à
car elle met directement en relation le façonne- dans toutes les directions. L’arrangement des fibres, la forme. A partir des segments de droite, résultats
ment de la forme numérique et celle du prototype l’épaisseur de la couche associée et les gradients du tissage, la forme incurvée, paraboloïde hyperbo-
physique construit. Cette corrélation recherchée de rigidité dans l'exosquelette du homard, ont été lique à double courbure du pavillon, se forme. Des
entre modèle numérique et modèle physique dans soigneusement étudiés. Les principes résultant capteurs à fibres optiques intégrés dans la structure,
la construction, semble réellement une véritable de l’étude ont été appliqués à la conception d'une contrôlent en permanence la tension et des varia-

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tions de contrainte. Six séquences d'enroulement vellement robotisé et de l’enroulement de fibre ont Ces différents exemples de construction de formes poteau. C’est seulement ensuite que la vision d’en-
de filaments différents contrôlent la variation de permit un haut niveau de performance structurelle à double courbes, montrent qu’il est indispensable semble d’un bâtiment s’acquière, au fur et à mesure
la mise en couches de fibres et de l'orientation des et de nouvelles possibilités pour l'architecture tec- de lier la conception architecturale à la réalisation des projets développés hors cadre scolaire. Cepen-
fibres des couches individuelles, à chaque point toniques. En dépit de sa taille et de la portée, la peau physique. Plusieurs outils ont été développés, pour dant, il y a toujours cette tendance à vouloir se rat-
de la coquille. Elles sont conçues pour minimiser la semi-transparent du pavillon pèse moins de 320 kg allier les modèles numériques aux modèles phy- tacher à la réglementation. Cette réglementation
consommation de matériaux, tout en maximisant et révèle la logique structurelle du système à tra- siques. Certains d’entre eux sont dédiés à des réa- n’est pas discutable dans sa globalité, mais elle ne
la rigidité de la structure, résultant de l'efficacité de vers l'agencement spatial du carbone et de fibres de lisations artistiques et assez onéreux pour l’instant. permet pas de sortir du cadre défini par les points,
matière importante et une structure très légère. Les verre. La synthèse de nouveaux modes de concep- Des recherches s’ouvrent donc pour tenter de rame- disons classiques reprenant des exemples stan-
fibres de verre sont principalement utilisées comme tion computationnelle et du matériel, de simula- ner cette science de construction à l’habitat courant, dard. Le monde de l’enseignement de l’architecture
un élément de partitionnement spatial et servent de tion numérique et la fabrication robotique permet afin d’être compétitif financièrement. Les machines parcourt le chemin inverse. L’imagination alliant
coffrage pour les couches suivantes, tandis que les à la fois l'exploration d'un nouveau répertoire de à commande numérique sont en plein essor, car leur création et réflexion, ne doit pas être bornée, dans
fibres de carbone plus rigides, contribuent principa- possibilités architecturales et le développement de pilotage est de plus en plus précis. Ce degré de pré- une première approche. Elle doit jaillir d’une inten-
lement au transfert de charge et la rigidité globale structures extrêmement légères et matériellement cision n’est désormais, plus une faille dans la concep- tion liée à plusieurs contraintes et doit être claire-
du système. La pré structure en acier, est démontée, efficace. tion finale des assemblages. De nombreux projets ment exprimée. La réglementation ne doit pas en
et la structure uniquement tissée est stable. L’épais- ont déjà exploré les possibilités de rattacher à une ce sens, interférer avec la création. Cette pseudo
seur maximale est seulement de 4 mm. L'intégration machine dite robotique, un bras supplémentaire contradiction dans l’approche de l’enseignement
simultanée des principes biomimé tiques de la cuti- Tissage des fibres via une machine 5 axes, par rotation permettant de générer des taches encore inexplo- de l’architecture et de l’ingénierie, s’efface petit à
cule du homard et de la logique du carbone nou- de la structure en acier temporaire. rées auparavant : un fil réchauffé, une aiguille pour petit au fur des années, car les projets demandent
tisser, une mèche pour découper le bois et même une communication de plus en plus importante.
une tronçonneuse. D’autres recherches poussent la Grâce à l’immense opportunité graphique laissée
réflexion sur le mode de construction, qui peut être par les modeleurs numériques, le projet devient
remis en cause par les innombrables possibilités de impunément une source d’échange et de colla-
calcul des ordinateurs. Le paramétrisme a d’abord boration entre professionnels, autour de laquelle
et avant tout apporté une réduction considérable émerge une idée. Il est désormais peu envisageable
dans le travail de tâches répétitives, qui s’opérait au- que l’ingénieur n’intervienne pas dans le processus
paravant manuellement. Ce gain de temps, tant sur de réflexion lors de la conception. Je dirais qu’au-
la construction de la forme, que lors de l’étude struc- jourd’hui cette approche peut aller encore plus loin.
turelle, et lors de la découpe, représente aujourd’hui Comme nous l’avons vu avec les deux exemples
une avancée majeure dans la relation entre monde précédents, les ingénieurs d’Arup ont eu aussi le dé-
de l’informatique et le monde réel. sir de participer à la création formelle d’un projet.
L’approche de l’architecture paramétrique pour la Leur modèle numérique peut totalement s’adapter
construction d’une forme géométrique précise, se à celui façonné par les architectes. Bien sûr, il y a en-
veut initialement adaptée aux architectes, qui on core deux modèles. D’abord et avant tout parce que
l’a dit dans la première partie, entrevoit par cette chacun ne renseigne pas sur les même éléments
méthode de multitudes possibilités. Les ingénieurs et ensuite parce que les outils utilisé par les archi-
pour qui l’approche classique de la structure est tectes et les ingénieurs ne sont pas identiques. Je
acquise, ont dû adapter leur mode de dimension- dirais que ces maquettes doivent être complémen-
nement, en partie à cause des géométries com- taires. L’échange d’un sens comme dans l’autre doit
plexes et non compliqués que les architectes ont être possible, sans perte d’informations. C’est ce qui
formulées. Il y avait auparavant une franche rupture résulte de beaucoup de projets récemment menés
entre le monde de la logique et celui de la création. sans pour autant intégrer un logiciel BIM.
Celle-ci demeure encore dans les méthodes d’ensei- Du fait de leur ouverture vers des modèles paramé-
gnement. Les principes structurels sont enseignés triques de construction, quels outils mettent les in-
d’abord et avant tout, par des calculs simples sur génieurs, en œuvre réellement pour justifier le com-
des éléments classiques tels qu’une poutre ou un portement de telles structures ?

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II - Les éléments finis à la base de la génération Musmeci regarda le comportement général du calcul aux éléments finis. Malheureusement la théo- éléments finis. Il avait vu là, une l’extraordinaire pos-
du modèle constructif. pont. C’est alors que le studio fut dans l’obligation rie des éléments finis n’étaient dans les années 1970 sibilité d’un outil pour la construction d’une vraie et
de travailler avec les méthodes classiques de calculs supportée par les ordinateurs. Deux ans après la réelle théorie de la structure, capable de contribuer
Hypothèse : les formes complexes à interpréter doi- de rectilignes et de courbes. La membrane fut alors réalisation du pont Musmeci s’est penchés encore à la découverte et à l’invention de nouvelles formes
vent être traitées par éléments finis car elles n’ont décomposée en neuf barres roulées entre elles, afin sur quelques calculs en vue d’étudier encore plus structurelles.
aucune légitimité avec la RDM. de calculer la structure comme un système classique en détails la forme. Il a notamment procèdent à un
Comment interpréter les résultats basés sur les EF de rdm. Les liaisons des barres étant judicieusement calcul manuelle aux différences finis en maillant la
(éléments finis)? Existe-t-il une vérification contrô- positionnées au niveau du changement de signe de forme avec 250 nœuds. Il est aujourd’hui infiniment
lée sur un prototype construit (prototype munis de la courbure. Le degré de statisme fut alors réduit à plus simple d’obtenir des éléments significatifs de
capteurs qui analyseraient les contraintes et qui les 7, ce qui limita les calculs au vue de la complexité réponse à la diffusion de contraintes dans des sur-
compareraient au modèle 3d) ? Quelle réglementa- de la membrane. Après la vérification, sous quatre faces gauches.
tion gère cette approche paramétrique ? combinaisons de chargement, plus aucune autre Musmeci a ouvert une nouvelle porte encore inex-
Revenons sur le projet du pont de Basento de Mus- vérification d’ensemble n’a été effectuée, avant la plorée à son époque, qui prévoyait le renversement Ponte sul Basento de Musmeci. Le schéma est la repré-
meci. Le modèle paramétrique physiquement créé construction du pont. Il restait cependant à vérifier des méthodes classiques de calculs de structure, sentation du modèle barre, très simplifié par rapport à
avec une maquette en néoprène, lui a permis de la connexion avec le tablier et les zones marginales, vers une étude des structures avec les méthodes des la surface réelle.
connaître précisément les efforts dans la surface. Il a où pourraient se concentrer les contraintes. Avant
d’abord obtenu le module d’Young du néoprène, et de passer à la construction, le Consiglio Superiore
le coefficient de Poisson expérimentalement, puis il deis Lavori Publicci, concéda l’exceptionnalité de
a même réussi à calibrer la tension de la membrane la structure et l’incertitude sur son comportement,
en mesurant l’allongement du néoprène. Les ten- et demanda d’effectuer une maquette en micro ci-
sions transversales et longitudinales se révèlent être ment, en vue de confirmer ou d’infirmer les résultats
assez constantes, variant avec un écart de 10%. Mus- avec le modèle monodimensionnelle. La maquette
meci s’est rendu compte, que l’hypothèse initiale réalisée au 1/10ème, longue de 14 m a donc été ins-
d’une surface à contrainte isotrope, uniquement en tallée à Bergame, à l’institut d’Expérimentation de
compression, n’était pas physiquement réalisable, Modèle et de Structure. Elle est reproduite exacte-
car la surface est soumise à son poids propre. Il a ment à l’identique avec les armatures, à l’échelle. Les
donc décidé de renoncer à la condition d’isotropie, premiers essais ont démontré un comportement
typique des surfaces minimales. Le pont réellement imprévu dans les zones de clés voute : la naissance
construit ne fonctionne donc pas en compression de compression parasite dans le tablier et de trac-
uniforme, d’abord parce le point propre rentre en tion … Musmaci trouva la solution en augmentant
jeu, et parce que les efforts dus aux charges mo- l’épaisseur des bords. D’après cette dernière modi-
biles, ne sont pas constantes, sans parler également fication, les valeurs obtenues avec la maquette sur
des efforts de vent. Avant d’affronter le projet dé- la tension longitudinale, présentait des différences
finitif du pont, Musmeci décide de construire une minimes avec les valeurs de calculs de l’ordre de 5%
autre maquette en plexiglas, pour évaluer l’entité (et 25% en plus dans les sections à la base et 25% en
des perturbations sur la membrane. La maquette a moins au sommet).
été réalisée en collant le plexiglas chaud à travers L’étude du pont aura nécessité au finale cinq ans
la contre forme modelée en bois et avec une feuille d’étude, pour aboutir à la réalisation finale en 1972 à
d’aluminium. Les bords de la membrane ont été aug- Basento. La complexité de la forme à nécessité l’em-
mentés. Avec des cellules extenso métriques élec- ploi d’outil encore jamais expérimenté pour définir
triques, la maquette révéla les résultats attendus, et la forme. Cependant dans l’approche de l’ingénieur
fit preuve d’une résistance significative. Après avoir les calculs on été effectué de la même manière que
déterminé la forme exacte de la membrane, en s’ai- les calculs standards de structure. Musmeci aurait
dant de calculs effectués avec la géométrie de l’eau pourtant bien voulu apporter les fruits de sa ré-
savonneuse (publication de Rudolf Trostel en 1962), flexion jusqu’au bout et développer un modèle de

70 71
a Les éléments finis Dans ce cas : {F} = {K} . {U} turale, et était un frein à la création architecturale
structurelle. Le pont de Bassento reste donc, un des
exemples révélateur du pas de géant, dans l’analyse
Les diverses structures étudiées dans la partie II ont - existence de solutions, et la conception de l’ingénieur. Les outils changent
été calculées pour la plupart d’entre elles, avec la - unicité de la solution, mais les critères de dimensionnement restent les
méthode classique de rdm, consistant à créer un - stabilité, mêmes. Autrement dit, la compréhension d’un mo-
modèle barre ou tout objet serait linéique. - convergence, dèle n’a pas apporté d’autres éléments permettant
Dans le metropol parasol ou dans le projet Oarna, F : force et moment appliqués au six degrés de li- de repenser la philosophie de la RDM. Les éléments
cette hypothèse par laquelle chaque élément est Et bien sûr : mesure d'erreur entre une solution dis- berté finis ont donc permis de calculer en détails, les ef-
assimilé à une barre, n’est absolument pas envisa- crète et une solution unique du problème initial. K : matrice de rigidité appliquée au six degrés de li- forts et les déformations qui étaient déjà les critères
geable pour connaître les effets locaux entre les La science du maillage permet de mieux interpréter berté, elle correspond à la cinématique de l’assem- dimensionnant de la RDM, s’exerçant sur une plaque
pièces. Afin de connaître exactement le comporte- les modèles. On essaiera dans un premier temps, blage et peut intégrer un jeu ou une raideur ou un volume.
ment de plaques ou de pièces, qui ne peuvent pas d’augmenter le nombre de nœuds dans les zones de U : Déplacement sur les 6 degrés de liberté
être assimilées à des barres, ils convient de recourir à fortes contraintes et de créer un maillage cohérent. Si le calcul est possible alors la structure est stable,
la méthode des éléments finis. La méthode des élé- C'est-à-dire, qu’il ne devra pas mélanger les formes et inversement si le calcul est impossible, la struc- b La science de l’ingénieur :
ments finis est un outil de calcul, qui repose sur la ré- de maillages (pas de quadrilatère ou quadrangle ture est instable et on peut difficilement localiser le
solution d’équations aux dérivés partiels. Il s'agit de avec des triangles). Plusieurs méthodes de maillage problème. Il faut alors repenser la conception géné- L’étude d’une structure se conduit de la façon sui-
mettre en place, à l'aide des principes hérités de la existent. La plus répandue dans les logiciels de rale de la structure, ou changer d’assemblage pour vante. On explicite en premier lieu, quelles sont les
formulation « variationnelle » ou formulation faible, calcul, est la méthode Delaunay. On l’utilise notam- choisir des liaisons plus contraignantes. actions qui sollicitent la structure. Celles-ci peuvent
un algorithme discret mathématique permettant ment pour calculer la descente de charges statiques Les ordinateurs ont permis de résoudre l’ensemble s’opérer par des forces, des déplacements ou des
de rechercher une solution approchée d’une équa- et pour faire des analyses dynamiques, lors de l’ac- des équations, qui comprend entre autre une inver- vibrations. La notion de force est intuitive, en re-
tion aux dérivées partielles (ou EDP) sur un domaine tion d’un séisme. Le « mailleur » définit alors, des sion de la matrice de rigidité K dans un temps viable vanche celle de l’action des déplacements est moins
compact avec des conditions aux bords. L’idée est carrés de 0.5 m de côté et adapte le maillage sur les pour le calcul de structure. Des ingénieurs de l’école perceptible. Les déplacements sont essentiellement
de discrétiser le modèle, c’est-à-dire de mailler par bords des éléments. Les résultats après résolution Centrale de Nantes s’étaient attardés à comparer la générés par des différences de température. Les
de petits éléments les éléments géométriques, en de l’équation aux dérivés partiels, en abaissant le rapidité de calcul de l’ordinateur, à celle d’un ingé- forces elles, sont classées en deux catégories :
général par des carrés ou des triangles, et résoudre degré des équations par une intégration par partie, nieur avec un crayon et une calculette. Le résultat - les forces internes au bâtiment : le poids propre, les
une équation aux dérivés partiels pour chaque petit sont obtenus pour chaque élément du maillage. Les montre la puissance implacable de rapidité de l’or- charges permanentes et les charges d’exploitations.
élément. résultats les plus étudiés sont les contraintes, dans dinateur. En effet, la résolution d’un problème 2d - les forces externes : le vent, la neige, et les actions
Ce découpage peut s’opérer tant sur des éléments les deux directions principales, les forces (traction, avec 10 000 nœuds avait été résolue en 12 minutes sismiques.
de volume que des éléments planaires et même sur compression) les déplacements et les microdéfor- par l’ordinateur, pendant que plusieurs ingénieurs
des éléments linéiques. Une poutre ou un poteau mations (qui sont révélatrices de la plastification). prenaient une feuille de papier et commençaient A partir de la définition de toutes ses forces, une
va être assimilé à une ou plusieurs barres, qui dé- On sait de plus que les résultats obtenus sont tous leur résolution. Il aurait fallu 100 ingénieurs calcu- structure se calcule, en combinant ses actions, en
butent et se terminent par un point. Chaque point faux, mais s’approchent grandement de la réalité. Il lant jour et nuit pendant 100 ans avant de résoudre attribuant à ces forces des coefficients de pondé-
sera modélisé par un assemblage. Ce découpage de y a donc pour chaque modèle, plusieurs résultats le problème sur papier ! ration. C’est ce que l’on appelle des combinaisons.
la forme initiale s’appelle le maillage. La manière de possibles selon l’affinement du maillage. Plus ce- La méthode des éléments finis, calculée avec l’aide Certaines actions sont inéluctables, comme le poids
mailler la forme est déterminante dans la méthode lui-ci est dense, plus les résultats s’approchent de la de machines numériques, dans les années 1960 propre, d’autres courantes, comme les charges d’ex-
de résolutions. La technique actuelle étudiée ren- réalité. En revanche, on sait que la somme des er- à aujourd’hui, a entièrement pris sa place dans les ploitation et d’autres accidentelles, comme la neige
voie ce découpage à une réelle science du maillage. reurs de tous les éléments dans un modèle est nulle. calculs dans l’aéronautique, dans certains ouvrages extrême. Ce qui explique la différence des coeffi-
La discrétisation passe donc par une redéfinition et L’erreur est donc globalement nulle. d’art, mais sont encore timides dans l’architecture, à cients, afin de prendre en considération cette diffé-
une approximation de la géométrie, on considère Dans le cas d’un calcul aux éléments finis sur une l’échelle d’un bâtiment entier. La limite des calculs rence de facteurs. Une première analyse, à partir de
alors le problème posé sur la géométrie approchée, poutre, le calcul va être effectué sur chaque barre. classiques avait, comme on l’a dit, poussé l’ingé- toutes ces combinaisons s’effectue statiquement.
par un domaine polygonal ou polyédrique par mor- Il repose sur une équation qui établit un lien entre nieur dans la simplicité car il comprenait le compor- Cette étude vise à générer la descente de charges,
ceaux. La résolution du problème impose les ques- potentiel (en force et moment), résistance (matrice tement de chaque élément. Celui-ci résultant de la afin notamment, dans un premier temps, de pré
tions de qualité de la discrétisation : de rigidité) et flux (déplacement). RDM était purement géométrique. Cette méthode dimensionner les fondations, et renseigne sur les
ne permettait pas l’entière expression architec- contraintes et les déplacements de la structure.

72 73
Ensuite, une analyse dynamique vient compléter Par exemple, si une poutre - sous une porte de 2.03 n’a pas changé les méthodes de dimensionnement, se combinent. L’accumulation de ces légers mou-
l’étude statique. Aujourd’hui, cette analyse n’est m de hauteur, a une flèche trop importante de 4 cm, mais a amplifié considérablement les processus de vements peut vite devenir importante. Dans le
plus complémentaire, elle est souvent « dimension- une machine d’une hauteur de 2.00 m de haut, ne résolutions. Dans le calcul de structure, elle n’a pas calcul des structures en bois, il est fréquent de te-
nante », du fait de l’augmentation de l’estimation pourra être acheminée, entre les deux pièces sépa- remis en cause l’approche de l’ingénieur. Ainsi, on nir compte des glissements d’assemblage, pour
des effets du séisme. L’analyse dynamique permet rées par cette porte. Les critères de flèches sont éga- pourra conclure que les outils évoluent mais que les obtenir une analyse plus fine de l’ossature, surtout
de maîtriser les phénomènes de résonnances, vis-à lement précisés dans les règlements. Ces deux états critères « dimensionnants » restent les mêmes. lorsque la déformation globale ne doit pas dépasser
vis des actions sismiques, mais aussi vis-à-vis des et ces critères associés doivent être pris en compte, Les projets présentés précédemment ne sont pour une valeur précise. La résine époxy a également été
effets de foule, ou de passage de piétons. En com- pour toutes les analyses, statiques et dynamiques. la plupart pas calculé entièrement avec l’aide des un point d’étude très important, du fait de la cha-
plément d’une analyse modale, qui renseigne sur La démarche de dimensionnement des pièces struc- éléments finis, à l’exception du Metropol Parasol leur importante à Séville. Des études thermiques,
les modes de vibration de la structure, les analyses turelles s’opère donc de cette façon. de Séville. Pour dimensionner la structure, les ingé- utilisant les éléments fins, ont permis de démon-
dynamique diverses permettent de comprendre Cette démarche décrite ici, s’effectue pour tout type nieurs d’Arup ont élaboré un modèle numérique fait trer que la température interne dans le bois pouvait
les phénomènes d’excitation du bâtiment. Ceci afin de bâtiments. Elle peut être conduite à la main, mais avec des éléments coques. En clair, chaque pièce de atteindre les 70° C. Les fabricants certifiaient son
d’éviter tout phénomène de résonnance. est aujourd’hui accompli systématiquement avec bois était modélisée par sa longueur et sa hauteur usage jusqu’à 60°. Pour parer à cette configuration
Afin de dimensionner tous les éléments d’une struc- l’aide d’outils numériques. Ces outils numériques mais pas par son épaisseur. Les pièces assimilées à extrême, la solution de principe est de chauffer la
ture, deux états de calcul ont été définis. Le premier reposent sur des résolutions d’équations de la RDM des éléments 2 d étaient ensuite maillées. Ce mo- résine époxy lors de l’assemblage, afin de rendre la
est l’état limite ultime, dit ELU. Cet état ne doit pas et permettent de connaître les réactions, les efforts, dèle a été élaboré sur un logiciel interne d’Arup. Le molécule plus résistante aux variations de tempéra-
entraîner la ruine du bâtiment, les pièces ne doivent les moments, les contraintes, les déplacements calcul entier de la structure, s’est opéré en utilisant ture. Un procédé novateur de précontrainte dans le
pas subir des déformations irréversibles. On véri- dans toutes pièces d’un modèle.L’utilisation des les éléments finis en 2 dimensions. Ce modèle glo- bois, par élévation de température, fut ainsi déve-
fiera alors, que les contraintes dans les matériaux éléments finis, qui est une méthode complètement bal, a permis de caractériser le fonctionnement de la loppé et testé par Finnforest, avec l’aide de WEVO
ne dépassent pas une valeur limite, définie par des différente de résolutions de calcul, n'a pas changé structure. Les éléments de contreventement étaient Chemicals et l’expert Borimir Radovic. Il s’agit de
normes. Le deuxième calcul, est l’état limite de ser- modélisés, et le vent qui n’était pas dimensionnant préchauffer les éléments de charpente, y compris
vice, dit ELS. Il consiste à vérifier le bon usage du a été largement simplifié. Ensuite, un deuxième mo- les tiges d’assemblage, à environ 55°C, afin que la
bâtiment, pour qu’il soit compatible avec son fonc- dèle sur les « troncs » uniquement, a été réalisé mais température de transition vitreuse de la colle, dé-
tionnement. On vérifiera alors les déformations des Modèle de toile tendu modélisé et analysé par élé- cette fois-ci, avec une maille 3d. L’épaisseur des ma- passe en toute sécurité le seuil des 80°C.
éléments de structure, de manière à ne pas empê- ments finis 2d sur une surface. Les zones rouges répré- tériaux était donc prise en compte. Le travail d’Arup
cher le bon fonctionnement de l’édifice. sentent les concentrations de contraintes. a donc consisté, à une pré étude globale et un mo- De par ces modèles paramétriques, les architectes
dèle de détails sur les troncs. A partir de ce travail, ont poussé les ingénieurs, à bâtir d’abord, des mo-
les données étaient transférées à la société Merck, dèles tridimensionnelles parfois paramétriques, et
qui était missionné pour l’exécution des pièces. Ces ensuite à se concentrer sur l’étude des détails d’as-
données consistaient en d’énormes matrices, qui semblages. Le premier enrichissement a notam-
répertoriaient les efforts pour tous les nœuds dans ment été rendu possible, par l’utilisation des élé-
toutes les directions. Ce fichier pouvait être visible ments finis au cœur même du processus de calcul.
via Excel et en 3d sous Visual basic. Ensuite, sur Rs- Le deuxième point, sur lequel l’architecture paramé-
tab les ingénieurs de Merck, ex société de FinnFo- trique a été génératrice d’inventions, est sur l’étude
rest, ont créé des modèles d’assemblages, afin de des détails entres pièces opérées de façon paramé-
dimensionner tous les éléments de détails entre trique. La simulation numérique permet de calculer
les tiges et les pièces. Bien que ces modèles rensei- et vérifier le comportement structural des structures
gnent sur le comportement général des pièces, le très complexes. Mais le génie est plus qu'un simple
génie mécanique est bien plus complexe pour ce calcul, surtout quand un matériau anisotrope est
nouveau type de structure. Les grandeurs méca- utilisé. La conception structurelle « Clever » doit aller
niques, tels que la raideur et le jeu, sont notamment de pair avec l’intelligence de modélisation, surtout
prises en compte, et nécessitent une expertise très dans l’étude des articulations.
poussée. Les données, concernant la raideur, pro- Au delà de la puissance des éléments finis, les mo-
viennent de test et de calculs difficiles à transcrire. dèles actuels numériques, ont permis de mieux
Ces calculs s’opèrent sur des modèles de détails. Ils connaître le comportement des bâtiments, surtout

74 75
quand un matériau anisotrope est utilisé. La concep- Metropole Parasol : Bureau d'étude Arup et FinnFo-
tion structurelle « Clever » doit aller de pair avec l’in- rest. Détail de l'assemblage entre les pièces de bois. Les
telligence de modélisation, surtout dans l’étude des pièces sont continues dans une direction, discontinues
articulations. dans l'autre.
Au delà de la puissance des éléments finis, les modèles
actuels numériques, ont permis de mieux connaître le
comportement des bâtiments, surtout dans leur ré-
ponse dynamique, et de travailler avec la matière de
manière plus directe, par l’utilisation des machines à
commande numériques.

Principe de la répartition des efforts sur les troncs.

76 77
III Nouvelles visions du paramé- Les modèles paramétriques peuvent être classées ou si les rayons de courbure sont trop élevés. On Ainsi, les relations sont prépondérantes sur l’objet
trisme. en deux grandes catégories, suivant leurs structures pose donc une condition au résultat. Le travail pa- final créé.
mathématiques sous-jacentes, et les divergentes ramétrique, vu de cette manière, est une démarche Un projet mené par l’agence de Hugh Dutton pour
Hypothèse : l’architecture paramétrique est plus problématiques, auxquelles ils se référent. Aussi, par positionnement du problème, puis résolution la création d’une ligne de haute tension, résume
qu’une simple utilisation d’outils informatiques. Elle nous pouvons distinguer l’approche fonctionnelle, de celui-ci. cette nouvelle approche. L’idée directrice était de
sous-entend une approche transversale à l’architec- et l’approche équationnelle (ou « variationnelle »). La volonté dans le dessin géométrique peut alors redessiner les pylônes, généralement dessinés par
ture moderniste. Il n’ya donc pas d’architecture paramétrique sans s’effacer, aux profits du procès même du modèle des ingénieurs, de manière à directement intégrer
Qu’est ce que l’architecture paramétrique, a-t-elle cette double adéquation. C’est donc précisément équationnel. C’est ce qu’entreprend Zaha Hadid les contraintes de tension et de distance entre les
réellement apporté ? Jusqu’où, pousse-t-elle l’ima- cette association fonctionnelle équationnelle, qui dans la génération de ses masters plans. Considé- câbles. L’esquisse a été entreprise, et a conduit au
ginaire ? est novatrice, dans la manière de concevoir l’archi- rer totalement les relations entre entités, plutôt que développement d’un modèle Grasshopper qui se-
tecture. Pour moi, l’architecture paramétrique est penser aux objets. Un exemple concret de cette ap- rait capable de gérer un ensemble de données in-
I La pensée selon l’axe paramétrique. porteuse d’une nouvelle vision qui se développe en proche, trouve en partie sa cohérence dans le com- trinsèques à chaque pylône. Ces données prove-
trois points : portement de beaucoup d’espèces animales. Les naient de la qualité du sol, (plus le sol est dur, plus
Lorsqu’ on passe en revue la bibliographie autour oiseaux formant des nuées, sont pour certaines es- le pylône sera évasé à sa base, de la tension des
des systèmes paramétriques, on trouve des termes 1 Nouvelle manière de construire et penser une pèces habitées, par un comportement en fonction câbles (si les câbles changent de direction alors le
aussi divers et variés, que la modélisation généra- forme. du comportement de l’oiseau voisin. Lors de dépla- pylône s’inclinera pour créer uniquement de la com-
tive, la modélisation procédurale, la modélisation 2 A implicitement engagé les ingénieurs, à géné- cement formant des nuées, un oiseau vole en fonc- pression, et éviter des efforts tranchants dans son
déclarative, les modèles à base de caractéristiques rer des opérations de calculs systématiques. tion des oiseaux qu’il a autour de lui. Ses réactions mât), de plus, le nombre de câbles définira la taille
de formes, les modèles à base de contraintes, les 3 A engendré une pluridisciplinarité, à l’échelle sont calquées par l’attitude de ses proches. C’est des deux ailes des pylônes. Cette prise en compte
history based model, la modélisation « variation- du projet. ce qui explique l’effet de masse ou d’évitement, de données extérieures, a conduit à concevoir un
nelle ». Dans leur ensemble, ces modèles désignent lorsqu’un rapace attaque par exemple ce groupe modèle adaptable pour tout type de pylônes. Les
toutes les propriétés, que l’on pourrait attendre d’un Le premier point est une réflexion sur cette double d’oiseaux. La nuée se sépare alors en deux, d’une relations et les données à entrer dans le modèle, ont
système paramétrique. A travers les divers exemples association fonctionnelle - équationnelle. Au- manière élégante et sans discontinuité, puis vient donc généré un procès de travail, qui a pris le dessus
illustrés ci-dessus, une clarification de ce qu’est réel- jourd’hui, l’architecte concevant une architecture se refermer après le passage du rapace. Le proces- sur le dessin même de l’objet.
lement un système paramétrique, s’impose donc. dite paramétrique, doit aussi bien penser sa géomé- sus est le même dans la génération des Master Plan
Un modèle paramétrique est une structure à double trie, que son modèle équationnel. J’irais même plus et de l’architecture de Zaha Hadid. Le façonnement
couche. La première, qui s’appelle couche géomé- loin en disant, qu’il n’y a vraisemblablement peu de ses formes résulte, non pas d’une construction
trique ou noyau géométrique, contient la représen- d’importance à accorder aux objets réalisés numéri- géométrique, mais d’un comportement de plu-
tation explicite des objets modélisés, en d’autres quement, ce qui importe ce sont les multi-data, qui sieurs entités. Ce façonnement découle de nom-
termes, la géométrie que nous avons évoquée dans gèrent la coordination du modèle. Cette vision est breuses recherches effectuées à l’aide de particules Pylône of the Future : Hugh Dutton Associate.
la partie I. La seconde, qui s’appelle spécification liée au fait que les objets sont indéfiniment modu- ou d’agents contrôlés par des relations comporte- Concours pour la réalisation d'une ligne en Toscane en
paramétrique, historique de construction, représen- lables, dans tous leurs paramètres et que la genèse mentales. Italie.
tation implicite ou tout simplement spécification, du processus de création intervient dans la gestion
contient un ensemble de paramètres et un pro- des données, qui sont représentées par des « trees »
cessus, permettant de recalculer la représentation dans Grasshopper. On s’intéresse désormais davan-
explicite, lorsque les paramètres sont modifiés. Par tage aux données qu’aux objets. La démarche de
analogie avec la programmation, il est possible de processus peut s’expliquer alors de cette façon. Les
considérer le paramétrique, comme une structure formes et les intuitions n’adviennent pas de l’ordina-
duale, avec d’un côté, le programme et de l’autre les teur, qui a d’ailleurs du mal à générer de l’aléatoire,
données. La représentation mathématique doit de- elles viennent de nos propres décisions réfléchies
venir perceptible et palpable. En terme de proces- ou non. Cette appréhension de forme, se résume
sus de design, la demande de corrélation, implique souvent par une esquisse numérique. Ensuite, on
que chaque action de dessin doit être suivie par une s’intéresse à la manière dont peut se construire
réaction. cette forme ; si elle n’est pas développable, ou si les

78 79
L’architecture d’aujourd’hui, est une architecture Le deuxième point, qui est cette fois-ci moins criti- II Concevoir l’architecture en mouvement
mondiale. Tout nouveau projet est soumis aux qué, concerne l’adaptation des ingénieurs aux mo-
critiques. Ceci ne renvoie pas à une architecture dèles paramétriques, à travers l’utilisation d’outils a L'art source de paramétrisation visuelle
monotone ou homogénéisée, mais implique une de calculs puissants. Pour l’ingénieur, le projet passe Hypothèse : L’idée du paramétrisme est toujours
cumulation progressive des projets. Les architectes avant tout par l’analyse, analyse d’un problème éclipsée lors du passage à la construction comme si L’état de l’art actuel montre à quel point les artistes
modernistes emploient les outils paramétriques, en défini, qualifié, puis l’élaboration d’un cahier des l’architecture se figeait et se suffisait dans une stabi- manient les codes graphiques avec la réalité phy-
maintenant une esthétique moderniste, afin d’ab- charges, qui permet d’envisager un modèle ou une lité implacable. sique. Le travail de Daniel Rozin se décompose en
sorber la complexité. Pour Michael Schumacher, la solution fonctionnelle et fonctionnant. Cet apport une série d’œuvres artistiques, mélangeant l’art
sensibilité paramétrique a un tout autre sens, elle mutuel à généré une collaboration totale entre ar- Le procès du dessin paramétrique ne peut-il pas du portrait avec celui du travail vidéo. Son style se
se révèle par l’accentuation de différences visibles, chitectes, ingénieurs et également des artisans. Ce être source de mouvement pour l’architecture? concentre principalement sur la mise en place de
et l’amplification visuelle de différentes logiques. qui peut se traduire par une multidisciplinarité du Les exemples actuels de réalisation d’architecture miroirs mécaniques, reflétant l’audience. Le traite-
(P646 Volume II Autopoiesis of Architecture). processus de création. Les méthodes d’élaboration en mouvement restent peu nombreux. On pourra ment du reflet se fait via des ordinateurs, qui facili-
Le paramétrisme, se caractérise par sa nouvelle des projets, autorisent et engendrent d’une part, de citer la façade de l’institut du monde arabe de Jean tent le processus de génération de l’image. Chaque
valeur, et sa sensibilité, qui a émergé avant même nouvelles hybridations, que nous supposons repé- Nouvel, the Art Museum de Santiago Calatrava à pixel de l’image envoyée par la vidéo est interprété
l’aide de méthodes de calcul. La création peut être rables, soit au sein des frontières ou des limites des Milwaukee. Cependant pour ces deux exemples, par un mouvement, contrôlé par des petits moteurs.
approchée de diverses manières. Elle se base en champs disciplinaires, soit dans la rencontre entre les mouvements ne sont pas effectués par des élé- Les mouvements de ces moteurs peuvent être de
particulier, sur des expériences, des essais, des re- compétences complémentaires. Elles interviennent ments structurels. En effet, ce qui est mobile dans nature diverses, en fonction de l’effet que Daniel Ro-
mords. Bien-sûr, le regard que nous portons sur le d’autres parts, sur la méthode, en accompagnant le l’architecture, ce sont les portes, les cloisons, les fe- zin veut obtenir. Par exemple, dans le tableau hexa-
monde est une clé d’entrée en la matière. Mais au- passage d’une méthode par étapes ou planificatrice, nêtres, qui intègrent l’adaptation d’un espace figé, gonal qu’il nomma Shiny Balls, les moteurs contrô-
delà, le procédé du projet répond à des règles, des au profit d’une méthode par objectifs, ce que Fran- en s’ouvrant ou se refermant afin de cloisonner ou lent l’avancement des boules brossées en inox. Plus
méthodes, des pratiques, quelquefois hétérogènes, çois Asher appelle des « démarches heuristiques, décloisonner l’espace. Dans le musée d’art de Mi- la boule est avancée, plus elle reconstitue le blanc
quelquefois rationnelles, souvent hasardeuses, itératives, incrémentales et récurrentes ». lwaukee, ce sont les brises soleil qui viennent se dé- de l’image. Inversement, plus elle se retire, plus elle
voire polémiques, qui nous conduisent à prendre L’avenir concernant l’architecture paramétrique, se coller de la paroi en évoquant l’envol d’un oiseau. Ce reconstitue le noir. Le mouvement de moteur peut
parti, en somme à se ranger d’un côté de la pensée, trouve peut être dans l’amélioration de la genèse de mouvement d’une somptueuse légèreté, n’a pas de aussi s’opérer en contrôlant l’inclinaison verticale.
en une tentative pour ordonner, articuler, mettre en projet, afin de moins laisser une place hasardeuse lien direct avec la structure. Il constitue un manteau Cette deuxième technique joue sur le reflet du ma-
valeur, bousculer. Ce que l’on appelle « les pratiques au désir de conception, notamment par l’enrichis- ou une peau protectrice. Dans l’institut du monde tériau. Une lumière est placée au-dessus du cadre et
du projet ». sement progressif de projet. Une autre voie semble arabe, ce sont les éléments de façade qui, par un vient éclairer le tableau. Les pixels sont interprétés
également persistée dans le monde artistique et mécanisme de haute précision viennent s’ouvrir ou par des petits morceaux carrés de bois. Si le mor-
En Italie, les architectes, parlent parfois, « di fare il tenterait d’ouvrir l’architecture vers une nouvelle s’obstruer en référence au moucharabieh arabe. Ces ceau est orienté vers le haut, alors il sera éclairé par
progetto » « faire projet » pour mieux comprendre voie. Celle de l’architecture en mouvement. deux exemples sont pour moi révélateurs de la vo- la lumière et reconstituera le blanc. Inversement, si
un site, un espace donné, un ensemble d’éléments, lonté d’apporter plus qu’un formalisme physique, le morceau de bois est incliné vers le sol, alors il sera
dont la lecture s’opère par le biais de liens opéra- et emmène l’architecture vers une adaptation à son peu éclairé et renverra une couleur foncée proche
toires entre eux. Opératoires pour le regardeur, pour milieu environnant. Cette architecture pourrait al- du noir. Les tableaux de Daniel Rozin sont donc une
le lecteur de paysage, puisqu’il est vrai, que face au ler plus loin, si ses mouvements s’opéraient direc- sorte de portrait vidéo, des miroirs interactifs. Il
même site, chacun opère une construction mentale tement sur les éléments constitutifs de la structure. les conçoit avec plusieurs matériaux, comme de la
à partir de sa culture, ses intérêts, ses savoirs, et « Si la peau est structurelle, alors c’est elle et unique- porcelaine, du verre, du métal et du bois. L’interpré-
projette » ainsi son propre paysage. Pour les archi- ment elle, qui devrait réagir en adéquation parfaite tation d’images successives est en partie une sorte
tectes, faire le projet, s’accompagne souvent de la avec son milieu environnant. Cette idée de l’archi- de paramétrage. Cette traduction de l’image en la
mise en œuvre d’un processus codifié, qui possède tecture malléable est entièrement présente dans matière, est une des voies qui permettrait l’inte-
ses phases définies, par ambition et hiérarchie des l’architecture paramétrique. Elle n’est aujourd’hui raction de l’architecture avec son environnement.
enjeux, par échelle et par précision. Pour autant, la pas encore tournée vers un paramétrisme physique, Imaginons-nous une face caméléon qui changerait
mise en œuvre de ce processus, ne suffit évidem- tangible, et s’arrête au monde de l’informatique. de couleur en fonction de la luminosité extérieure,
ment pas à faire projet. Le design consiste lui aussi, à Toutes ces modularités visibles sur écran, s’efface- de la couleur du ciel. Le bâtiment pourrait alors se
donner formes et sens, au monde matériel qui nous raient en réalité et seraient même invisibles une fois confondre, ou être en rupture totale de contraste.
accompagne dans notre quotidien. la construction terminée. Un bâtiment « réacto-environnant ».

80 81
Afin de comprendre comment fonctionnent les ta- points a permis de retranscrire les pixels de l’image Explication de la programmation : après avoir créé
bleaux de Daniel Rozin, j’ai effectué deux portraits de départ, en séries de nombres allant de 0 à 1. 3600 une grille initiale de 60 x 60 points, Image sam-
pixélisés, avec l’aide de la fonction Image Sample nombres sont donc à la base de l’interprétation nu- pler (Color Brightness) transforme cette grille en
sur Grasshopper. Le but étant de mieux comprendre mérique de l’image. La question, après avoir opéré nombres de 0 à 1. Ces nombres sont classés en 5
comment s’opère la traduction entre une image et la cette transformation numérique, est de traduire ces domaines (correspondants aux cinq couleurs) : ainsi
réalité constructive. La démarche employée utilisait nombres en objet physique. Deux hypothèses ont les domaines [(0 ; 0,2) (0,2 ; 0,4) (0,4 ; 0,6) (0,6 ; 0,8)
une image en noir et blanc, introduite dans Grass- conduit à la réalisation des deux portraits différem- (0,8 ; 1)] correspondent aux couleurs : noir, gris fon-
Daniel Rozin, Shiny Balls. Reflet de la personne se posi- hopper via la boîte Image sampler permettant de ment réalisés. cé, gris, gris clair, blanc.
tionnant devant le portrait. transcrire une image (constituée de pixels) en série
de nombres. Avec cette fonction, plusieurs interpo- La première hypothèse consiste à réduire tout sim- Sur chaque point de la grille initiale, on construit
lations sont possibles, grâce à de nombreux filtres : plement les pixels à des éléments dénombrables, des cercles de 0,8 cm de diamètre avec la couleur
Le travail de Daniel Rozin repose d’abord et avant notre cerveau fera la transcription en reconstituant correspondant à son domaine. Puis, on numérote la
tout sur l’interprétation d’une seule image. En effet, - l’nterpolation Color Brightness (Image en noir et l’image. Pour représenter ces pixels, des tiges de bal- grille pour la sortie sur support papier. Par exemple,
l’interprétation de la vidéo n’est en fait que l’inter- blanc) : transcrit un pixel en nombre, compris entre sa de 0,8 cm de diamètre ont été choisies. toutes les pièces devant être peintes en noir, ont le
prétation de plusieurs images successives. La ques- 0 et 1. Les pixels noirs sont transcrits avec un 0 et les numéro 0, et pour les pièces gris foncé le numéro
tion qu’il s’est premièrement posée était, comment pixels blancs avec le nombre 1. Toutes les gammes Le cadre choisi mesure 50x50 cm et le diamètre des 1. De plus, pour donner du volume au tableau, les
retranscrire la lumière d’une image avec des maté- de gris sont ainsi transcrites en un nombre compris morceaux de balsa est de 0,8 cm. L’image sera inter- 5 couleurs définissent 5 hauteurs : noir 0,5 cm, gris
riaux et des contrastes ? Ensuite, seulement vient le en 0 et 1. Un gris 50 % serait donc retranscrit en 0,5. prétée avec 5 couleurs. Tous ces choix résultent de foncé 0,8 cm, gris 1,1 cm, gris clair 1,4 cm et blanc
travail de mécanisation qui rend cette œuvre totale- Le gradient de couleur allant du noir au blanc est l’aller retour entre les matériels disponibles et le tra- 1,7 cm de hauteur. Le travail manuel s’est fait à par-
ment interactive, et sublime le jeu du reflet. En clair, donc transcrit en nombre réel. vail informatique. tir de l’impression sur papier, où se collaient direc-
il y a deux développements opérés pour chaque L’image interprétée est un portrait rapproché, tra- tement les pièces découpées. Grasshopper permet
œuvre, l’un statique visant l’interprétation d’une - l’interpolation Color (image en couleur) : trans- vaillé sous Photoshop, en réglant l’exposition, le donc un travail précis d’interprétation d’image. La
image et l’autre dynamique visant à reproduire les crit chaque pixel par trois valeurs entières, des trois contraste luminosité. La sortie en jpeg peut se faire difficulté rencontrée était d’ordre manuel. En effet,
mouvements humains. Ce double traitement, pour- composés primaires de la couleur : bleu rouge et en couleur, cependant l’image en noir et blanc est toutes les pièces de balsa, 3600 au total, ont été dé-
rait être travaillé en architecture, afin d’amener des vert. Cette retranscription s’effectue par combinai- plus révélatrice pour se rendre compte du niveau coupées à la main. La finalité de l’architecture pa-
éléments structurels à se métamorphoser en élé- son de 0 à 255, de trois valeurs. La valeur renvoyée d’égalisation. Le réglage du contraste de l’image ramétrique, aurait été de développer une machine
ments dynamiques et non plus figés. Le traitement pour chaque pixel est donc un vecteur composé de capable de reprendre les données numériques et de
statique de l’image pose la question de la compré- trois. découper toutes les pièces avec des hauteurs toutes
hension de l’image par l’observateur. En effet, cette différentes. Ces machines existent bien sûr dans l’in-
discrétisation d’une image composée de pixels en - Blue : transcrit chaque pixel de 0 à 255 selon sa dustrie, pour la découpe de tubes pvc, tasseaux de
éléments physiques, doit être réglée en fonction de composante bleue. bois, tuyaux souples, et de manière générale pour
l’œil humain. Une petite étude m’a permis de mieux - Red : transcrit chaque pixel de 0 à 255 selon sa toute pièce formée par extrusion. Cependant, il se-
comprendre cette dimension d’interprétation. composante rouge. rait nécessaire de numéroter ces pièces une par une,
- Green : transcrit chaque pixel de 0 à 255 selon sa pour pouvoir les différencier.
La paramétrisation à partir d’une Image. composante verte.
- Alpha : Canal alpha genère la transparence
Hypothèse générale : une image peut physique- - Saturation : degré de saturation
ment être interprétée.
La fonction Image sampler, transcrit donc des pixels
L’image est constituée d’un ensemble de pixels avec d’une image, en couleur ou en noir et blanc, en
une densité que l’œil ne peut percevoir, comment nombres allant de 0 à 1 dans notre cas. Pour opé-
rendre ces « pixels » perceptibles tout en révélant rer cette fonction, il faut d’abord créer une grille de
l’image ? points. Cette grille vient quadriller l’image et permet Portrait de dimension 50 par 50 centimètres fait avec
ainsi la lecture de chaque pixel. Ainsi pour le pre- du balsa sur un dégradé de cinq couleur. Le quadrillage
mier tableau réalisé, une grille de 60 points par 60 de 60 par 60 génère 3600 points.

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Portrait traité par bandes blanches sur fond noir en in-
terprétant une image en noir et blanc.

également à l’outil de découpe. Pour l’heure, il se-


rait donc préférable d’imprimer directement sur le
matériau, générant le cadre, au lieu de passer par
un support papier. L’idée initiale était de s’inspirer par exemple, la sculpture cinétique au Musée BMW
d’une œuvre créée avec des bandes en pierre, avec créée par Art+Com. Des petites boules sont suspen-
une certaine épaisseur. Entre chaque bande, venait dues grâce à des fils d’acier. La hauteur des boules
se glisser de la terre, permettant de faire pousser de est contrôlée via un moteur qui enroule ou déroule
petites plantes grasses. L’idée serait donc de passer le fil de chaque boule. Les 714 boules couvrent une
du programme, directement à la matière, en sautant surface de six mètres carrés, et apparaissent chaoti-
l’étape du support papier. Il existe actuellement des quement à l’instant initial. Puis grâce à l’utilisation
machines CNC capables d’usiner des matériaux mi- d’un récit dit mécatronique, les boules viennent Kinetic Structure au Musée BMW. Scénographie à tra-
néraux, qu’il aurait été possible d’utiliser pour ce ta- former de somptueuses formes dans l’espace, lais- vers des billes de chrome suspendues contrôlées par
bleau. sant place aux allures fluides des lignes de voitures. des moteurs faisant varier la hauteur de chacune des
Le traitement d’une image, puis d’un ensemble La magie de cette installation, en faisant jaillir des billes.
d’images, autrement dit de la vidéo, est directement formes se combinant les unes avec les autres, réside
en lien avec le paramétrisme, et renvoie la question dans le contrôle des 714 boules. La fluidité et l’élé- les triangles se déforment et sont attirés. Récipro-
La 2ème hypothèse serait de traiter l’image par ba- de l’imbrication du modèle numérique à celui de la gante transition entre les formes, surprennent et quement, si le spectateur s’éloigne de la surface,
layage. réalité. Ce raccord s’opère grâce à l’utilisation et au permettent un réel récit. La combinaison du mou- alors les triangles reprennent leur position initiale et
Projet : le cadre est fait à partir de bandes blanches, développement de nouveaux procédés de fabrica- vement, de la vidéo et du récit serait donc une porte la surface devient entièrement plane. Cette notion
à partir de bâches tendues sur un support en bois. tion. Si l’on devait ainsi créer une architecture en d’entrée, un point d’étude pour l’architecture. La d’attirance est présente dans beaucoup de projets
Des lamelles de bois horizontales mesurant 80x80 mouvement, il faudrait alors se concentrer autant narration prendrait sens par une architecture. Ce artistiques et techniques. Le projet, de One hundred
cm, permettent de rigidifier les bandes blanches. Un sur l’outillage de découpe, que sur les mouvements. qui est également présent dans l’architecture scé- and Eight de Nils Volker, gère cette interaction, en
support en carton peint en noir, collé en fond, sert Les axes de recherche se tournent donc pour l’ins- nique, mais plus sous forme d’interactions du décor. gonflant plus ou moins des sacs plastiques. Une
à contreventer le cadre, et génère le contraste avec tant vers la première étape, consistant à l’automa- D’autres projets donnent naissance au mouvement pompe contrôle le volume d’air pour chaque sac
les bandes blanches. Celles-ci se retournent pour se tisation des procès de fabrication. Tous ces proces- en utilisant les propriétés de répulsion et d’attrac- plastique. Plus le spectateur s’approche de la paroi,
fixer sur l’épaisseur du cadre. sus comme le tissage, l’impression de matière, ou tion des aimants. Winding Kinetic Structure de Da- plus les sacs se gonflent et réciproquement, plus il
l’assemblage, ont déjà fait preuve d’une énorme vid C.Roy en fait la démonstration. Ces sculptures s’éloigne plus la pompe enlève l’air dans le sac. Les
Explication de la programmation : Création de deux révolution dans le domaine de l’architecture. Il reste vivantes fascinent par leur mouvement quasi per- façades interactives et robotisées par divers procé-
grilles de 40x40 points. Image Sample associe à ces maintenant à franchir le deuxième pas, qui serait de pétuel. Depuis 1975, David Roy travaille sur le mé- dés sont une réponse au mouvement humain. Ce
points, un nombre de 0 à 1 selon leur pixel, comme promouvoir et d’exploiter les données malléables canisme du mouvement induit par l’aimantation. Il mouvement des hommes est souvent interprété
vue précédemment. Ces points sont ensuite dépla- des logiciels paramétriques. façonne ces œuvres, sortes d’horloges mécaniques, dans l’architecture. Son utilisation en est même gé-
cés vers le haut pour la première grille (vers le bas entièrement dans le but d’un mouvement perpé- nératrice, dans le projet Citizen in Motion, conçut
pour la deuxième), en fonction de leur nombre asso- tuel. L’élaboration de ces formes découle donc en- par Milas & Patners. Le projet célèbre la réunifica-
cié. Les points déplacés servent à créer des courbes b Le mouvement à travers l’architecture ciné- tièrement de la cinétique de répulsions des aimants, tion allemande et la révolution pacifique de 1989.
de degré 3 horizontalement. Puis des polylignes tique et entraîne le spectateur dans une longue réflexion. Il se compose d’un énorme bras bascule, mesurant
sont créées en associant deux courbes et génèrent Les diverses rotations presque hypnotiques, res- 55 mètres de long et pesant 330 tonnes, qui tient
ainsi des bandes horizontales. Ces polylignes des- L’architecture cinétique est le concept par lequel tent incomprises pour le spectateur, qui entrevoit la en équilibre. « if you want to make it move, you
sinent également les bords du cadre, pour fixer les les bâtiments peuvent, en partie ou totalement, se magie à travers la création de ces formes visuelles. have to get a group together and all go in a parti-
bandes sur le cadre. mettre en mouvement. L’aptitude d’un bâtiment L’art kinetic met aussi l’accent sur l’interaction pos- cular direction. That’s what a peaceful revolution is
à se déplacer ou à s’adapter à son environnement sible entre une structure et l’homme. L’architecture about» « Si vous voulez le faire bouger, il faut s’unir
Plus délicate, dans le maniement des « arrays » (ta- exécute des fonctions impossibles pour l’architec- s’adapte au mouvement de l’homme. De nombreux et aller dans la même direction. Ceci est le maître
bleau de nombres), la construction du cadre, se fait ture statique. Ce mouvement, peut comme dit pré- projets travaillent sur cette attraction, comme Aegis mot d’une révolution pacifique » explique Johannes
assez facilement. La sortie se fait sur un support cédemment, provenir de la maniabilité des modèles hyposurface où une surface verticale constituée de Milla philosophiquement. Le reste des bâtiments du
papier, qui sert à découper les bandes. L’idée serait paramétriques. Cette vision dynamique est déjà réa- triangles, se met à bouger et à vibrer en fonction monde sont construit pour être regardés. Avec ce
d’automatiser la découpe via une machine. La diffi- lisée dans le domaine de l’art ou de la représenta- des mouvements des personnes. La fonction prin- concept, c’est le peuple qui génère le bâtiment. Le
culté de découper des bâches ou des toiles, réside tion, notamment par l’art cinétique dit « Kinetic Art cipale se nomme « attract ». Cette fonction renvoie mouvement initie les utilisateurs à être actifs et non
dans la tension du matériau. Il faudrait donc s’atta- ». Le mélange élégant entre la notion d’espace et la numériquement, à la notion de point d’attraction. pas passifs. Ce bâtiment fonctionnant entièrement
cher à résoudre ce questionnement en réfléchissant robotisation crée un art en mouvement. On citera Plus les personnes s’approchent de la surface, plus sur l’idée du mouvement, est pour moi un objet

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exceptionnel. Le mouvement est dû à la différence travers les élections, d’où l’expression « Wir sind das Leaf Chapel By Dytham, Japon. Un voile en acier se
du nombre de personnes sur la partie droite et sur volk, wir sind ein volk ». Cette phrase clé est donc à lève lors des cérémonies de mariage.
la partie gauche. Ainsi, Milla & Partner ont établi elle seule, génératrice de projets.
qu’avec une différence d’environ 50 personnes d’un
côté par rapport à l’autre, le bâtiment pourrait se C’est également sur une phrase philosophique,
soulever de 1m d’un côté et s’abaisser d’un mètre, que le projet Leaf Chapel, conçu par Klein et Dy- association des paramètres, au temps, n’est pas du
de l’autre. Un mécanisme permet de contrôler la vi- tham, prit naissance. Leur point de départ pour la tout présente, dans les logiciels paramétriques, ce
tesse de basculement pour empêcher une allure ex- construction de cette chapelle, au Japon, est l’ins- qui conduit au final, presque toujours à une géomé-
cessive, et contrer un mouvement de foules. Ce mé- tant d’union entre deux personnes. Ce moment trie morte, qui ne retrace absolument pas toutes les
canisme fonctionne avec des vérins hydrauliques fort, se devait d’être marqué par l’architecture. Lors informations de sa génération formelle. Tout cur-
avec de l’azote. Le soulèvement maximal de l’œuvre de l’alliance et de la sentence du prêtre, l’arrière de seur renvoie implicitement à la notion de la mania-
de 320 cm, s’opère en 65 secondes. La conception la chapelle s’ouvre, laissant place à un paysage pai- bilité et du mouvement, car chaque valeur décrit un
de l’œuvre repose sur une coque en béton concave sible et somptueux. La chapelle est constituée de état de transformation. Les exemples d’architecture
posé au sol. En sous face convexe de la coque, une feuilles. L’une fixe en verre, où les montants sont Kinetic, montrent qu’il est possible de représenter le
pictographie minutieuse, faite sur un plaque d’acier fixes », les verres reprennent les formes des nervures Dans les deux projets présentés ici, le mouvement mouvement par une interaction avec l’homme. Je
perforée, représente la foule lors de la libération de d’une feuille, et l’autre mobile en acier, semblable à est lui-même architecture. Il ne renvoie pas à la no- pense qu’il est donc possible de retranscrire la no-
Berlin. Sur la face concave, où peuvent circuler les un voile de mariée en dentelle délicate. A la fin de la tion d’adaptation, mais prend source dans une mise tion de la malléabilité des modèles paramétriques,
citoyens la phrase « Wir sind das volk, wir sind ein cérémonie, lorsque l'époux lève le voile de la mariée en scène sensible, et génère un subtil récit. Cette en un mouvement constructif. Bien des exemples
volk » est inscrite en relief (Nous sommes le peuple. pour le baiser légendaire, le «voile en acier» s'ouvre question du sens du mouvement, est souvent asso- montrent que ces mouvements peuvent provenir
Nous sommes un peuple). comme par magie, révélant un étang et une nature ciée en architecture, à l’envie de rendre déplaçable d’éléments adjacents à la structure. Mais ceux-ci
enchanteresse. La lentille d’acier vient ainsi se glis- tous les éléments, en vue d’une meilleure occupa- peuvent-ils advenir de la structure même ?
ser au-dessus de la feuille de verre, et ouvre la cha- tion de l’espace. Ici, le mouvement est totalement
Dans cette ville, capitale de l'Allemagne, avec une pelle sur la nature. Ce « voile » d’acier, percé de 4700 intégré dans son architecture. Bien que ces deux Pour répondre à cette question, je me suis attardé
telle histoire, ce monument vise les utilisateurs ac- trous, pivote selon un axe horizontal et rend l’union projets n’aient pas de liaison directe avec le para- à lister tous les types de projets dans lequel l’impli-
tuels, à poursuivre l'héritage de la Révolution tran- symbolique. métrisme, ils enseignent par leur approche, que cation structurelle dynamique est présente. Cette
quille. La démocratie et la liberté ne sont pas un l’architecture en mouvement peut être plus qu’une particularité du mouvement est souvent présente
état sur lequel une société peut se reposer, mais Milla & Partner. Citizen in motion. La structure en simple adaptation à un milieu environnant. Il y a là, dans les grandes infrastructures, telles que les salles
elles sont le processus qui vit de l'engagement des forme de coupelle bascule sur deux côtés en fonction une réelle vision qui pourrait se traduire paramétri- de concert, les stades ou les gymnases. Pour ce
citoyens et de la liberté d'expression, exprimés à du nombre de personnes montées sur la structure. quement dans la création des modèles. Au lieu de type d’installation, les grandes portées misent en
générer une géométrie par son approche classique jeu par la taille des terrains, ou de la scène, pousse
statique, l’architecture paramétrique se devrait d’in- l’architecture vers des méga structures servant uni-
tégrer la notion temporelle. Celle que l’on appelle quement à protéger des conditions extérieures, les
généralement la quatrième dimension. En effet, un acteurs et les spectateurs. Les stades de football
mouvement n’a de sens que s’il s’exprime sur une américain sont aujourd’hui presque tous couverts
durée. L’idée d’intégrer, dans un modèle paramé- de même, que les grandes salles de sport. Il y a néan-
trique, la notion du temps, est directement liée au moins l’idée dans certains projets, de pouvoir ouvrir
programme de création 3d, utilisé pour l’animation. et refermer le toit ou dôme, de manière à proposer
Dans ces logiciels, comme 3dsMAx ou Cinema 4d, plusieurs types de configuration. Ce mouvement
une « time line » permet de travailler les opérations mécanique est souvent une translation linéaire pa-
temporellement. Tous les paramètres d’une opéra- rallèle à la plus petite portée.
tion peuvent être réglés à n’importe quel moment Un projet d’étude, IJP Art Fund Pavillon, a mené
dans cette time line. Par exemple, l’angle de rotation cette réflexion sur la question de l’architecture
peut être contrôlé à tout instant, de même que la va- dynamique à travers sa conception. Les modèles
leur de la gravité pour des opérations de drapé. Cette spatiaux d’IJP, sont basés sur la notion de surface
mathématique. En terme analytique, toutes les sur-

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courbes des pétales s’écartent doucement, laissant
rentrer un filet de lumière majestueux. A la manière
de l’éclosion d’un germe, le mouvement des pétales
est totalement synchronisé. Cette coordination est
notamment un point fort structurel lors de la ferme-
ture, pour obtenir une étanchéité parfaite. Afin de
générer ce mouvement, chaque pétale repose sur
deux appuis mobiles, fixés sur deux rais courbes.
Les défis techniques surmontés par les ingénieurs Il est vrai, que tout architecte aimerait animer son
sont de taille, puisque l’élément doit être calculé se- dessin. Cette nouvelle manière d’aborder l’architec-
IJP pavillon the art fund pavillon : La façade du pa- vailler à n’importe quelle échelle, puisque la para- lon une multitude de configuration. Pour se rendre
métrisation permet de faire varier, d’un moment ture, sera sûrement à l’avenir possible, et amènera
villon s’ouvre le matin et se referme le soir. compte de la complexité de l’ensemble des pétales,
à l’autre, la hauteur totale du bâtiment. En effet, la réflexion sur de nouveaux processus de construc-
il suffit de comprendre le mouvement synchronisé tion. La question inhérente est de maitriser les trans-
faces paramétrées mathématiquement, se forment l’échelle n’a pas d'impact sur la distribution interne de tous les pétales. La position ouverte semble d’un
de la lumière car sur terre les rayons arrivent tous ferts d’informations paramétriques, pour conduire à
et se déforment en réponse directe aux relations point de vue structurel assez stable. En revanche,
parallèles. L’ouverture de la peau structurelle est ici une architecture mobile constructible.
numériques, qu’elles possèdent dans leur milieu. lorsque le toit se referme les pétales sont entière-
Pour l’observateur, la conformation d’une surface un bel exemple de mouvement génératif structurel. ment en porte à faux. Les appuis mobiles entraînent
paramétrique expose les traces du mouvement in- donc d’importants moments, très défavorables pour
terne autant que la figure elle-même. Le pavillon est La discussion de l’architecture mobile fasse à son le mécanisme, lors d’un glissement des pétales. Le
constitué d’une boîte exposée Nord Sud selon sa environnement a trouvé sa justesse dans un pro- choix de feuilles d’aluminium pour la toiture des pé-
jet à Shanghai. Un court de tennis peu médiatisé, Qizhong Forest Sports City Tennis Center conçut par
plus grande dimension. Il offre à l’intérieur plusieurs tales a permis, d’alléger le poids propre du toit et
nommé Qizhong Forest Sports City Tennis Center Mistsuri Senda. Le toit du stade s'ouvre en immitant la
espaces d’expositions. L’idée du projet est de consti- d’obtenir cette formidable architecture modulaire.
et conçu par Mitsuru Senda, intègre cette modula- fleure du Magnolia.
tuer une résille autour du volume élémentaire, qui
soit directement conçue, en prenant en compte la rité à travers l’ouverture ou la fermeture de son toit.
lumière. L’idée est de redistribuer la lumière dans La forme du stade parfaitement circulaire rappelle
l’espace intérieur sans changer la forme de la boîte le colisée. L’édifice romain, presque toujours à ciel
initiale. Tous les murs du pavillon sont dessinés, en ouvert, avait la possibilité d’être recouvert pour cer-
alternant une séquence d’une gamme numérique tains évènements, avec plusieurs toiles qui étaient
grâce aux développements d’équations. Ainsi, le tendues par des cordes attachées à même le sol. Les
rythme des montants de la façade sud suivent une Romains intégraient donc déjà cette modularité. De
distribution périodique, qui regroupe des montants la même manière que le colisée, le toit du stade de
proches les uns des autres, bloquant la lumière di- Shanghai est complètement mobile. Il se compose
recte du soleil. Dans la partie nord, la distribution de 8 feuilles reprenant la forme de pétales de Ma-
est précisément inversée. La maille s’élargit pour gnolia qui glissent sur des rails en acier. L’ouverture
apporter plus de lumière. Ce dessin des quatre fa- se fait en 8 minutes et permet tant au spectateur
çades fut au cœur de la réflexion du projet. Cepen- qu’au sportif de jouer quelles que soient les condi-
dant, un autre axe d’étude m’a interpelé. En effet, les tions météorologiques. Cette architecture reflète de
façades ne présentent ni porte ni ouverture. L’en- façon impressionnante le dynamisme de notre so-
trée se fait aux angles de la boîte. En dissociant les ciété actuelle. Le mouvement qu’opèrent les pétales
arrêtes, le pavillon s’ouvre à la même manière d’un a été finement étudié, en reprenant l’ouverture d’une
zip, et donne lieu à l’entrée du pavillon. Le système fleur lors de sa floraison. La disposition des rails est
est réalisé sur les deux angles opposés du pavillon, calculée de manière à ce que les pétales s’effleurent
déterminant ainsi l’entrée et la sortie. La façade du constamment sans jamais se toucher. Lorsque le toit
pavillon s’ouvrirait ainsi le matin et se refermerait est totalement fermé, la jonction des huit pétales
le soir. Cette installation offre l’opportunité de tra- est parfaite. Puis dans un lent mouvement, les bords

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III Le passage d’un modèle 3d à la matière phy- ver cette modularité. La tache reste très difficile, car présentés dans ce mémoire, n’ont pas nécessité de paces peut difficilement être retranscrite de façon
sique sans l’utilisation d’un support papier. si l’on est capable d’attribuer un numéro par objet support papier, à titre de travail. Bien évidemment, plane, ces outils n’ont pas fini de surprendre par leur
(GUID number, Global Unique Identifier), de lui attri- les parutions obligent la retranscription et le travail capacité de renseignements.
A travers les projets décrits précédemment, nombres buer des informations sur sa nature, son matériau, de documents en deux dimensions, mais ils ont été
d’entre eux ont nécessité la collaboration de diverses on ne peut pas aujourd’hui attribuer des données à produits uniquement à titre médiatique. La non- uti-
professions, et donc le transfert des connaissances. des nombres ou des fonctions. Le transfert de gra- lisation du support papier, est donc possible à tra- IV L’architecture paramétrique libre de droit ?
Ce transfert d’informations, on l’a vu, s’est généra- dients, de suites ou de domaines reste probléma- vers l’architecture, liée directement aux machines de
lement produit par export ou import des données tique. Ceci implique que pour l’instant, des modèles découpe numérique, et l’échange de données entre
entre plusieurs logiciels. Cette interconnexion entre paramétriques développés sur deux logiciels pour logiciels. Aujourd’hui, le monde de l’expertise et de Aujourd’hui, lorsque l’on prononce le mot architecte
les logiciels, n’est pas réellement la conception de le même projet, communiquent forcément par une la justice n’ont pas encore autorisé les documents ou designer, cela renvoie directement au monde
la maquette numérique dite BIM. Les éditeurs de géométrie morte. numériques à faire partie des preuves recevables, professionnel, en sous-entendant implicitement un
logiciels n’ont pas la même approche concernant le d’un point de vue juridique. A l’avenir, ce parti pris travail rémunéré. On pense que ce sont eux, qui par
BIM. Bentley par exemple, voit la maquette numé- La gestion du projet pose la question de la commu- institutionnel, pourra peut être s’élargir et donner leurs idées et leurs visions du monde, résoudrons les
rique comme un rassemblement de tous les mo- nication entre les différents corps d’état. Ce transfert une validité à des modèles numériques. Avant d’en changements climatiques et les divers problèmes de
dèles 3d, produit par les différents corps d’état sur de données d’un projet, se fait le plus souvent par arriver à ce point, un grand pas a été effectué, à tra- société. Ceci est pour Alastair Parvin une idée reçue,
différents logiciels. La liberté d’import dans Project trace écrites, plans, coupes, élévations, ou par for- vers la publication des pdf 3d. Ce support visuel une présomption. En réalité, dit-il, l’architecture est
Wize, permet donc de rassembler toutes données mats numériques pdf, pdf 3d, présentation dwg… lisible par tous, éloigne la notion de la représenta- le business du design pour les riches. Les architectes
numériques condensées (en créant un Imodel de qui sont directement imprimables. Cette retrans- tion plane, et augmente la compréhension spatiale travaillent pour seulement 1% de la population. «
taille réduite), qui retranscrivent visuellement, tous cription aux divers stades d’un projet Esquisse, APS, d’un projet. C’est, en quelque sorte, une micro ma- This is not a clever strategie » ajoute-t-il. Alastair Par-
les objets géométriques du projet architectural, en APD, PRO et Exécution, est avant tout un moyen de quette BIM. Sa consultation peut se faire à partir vin, architecte diplômé en 2007 à Londres, est le co-
gardant leurs attributs. Le BIM ouvert et extensif. communication véridique et juridique. Les docu- d’une tablette numérique et permet, par exemple, fondateur de WikiHouse. Il présenta un Ted Event en
L’éditeur Autodesk, avec Revit Bim, considère que ments et seulement les documents écrits, peuvent de comprendre la composition spatiale d’un projet, 2013, où il expliqua sa vision sur l’architecture parti-
la maquette numérique doit être produite sur une être recevables, comme preuves devant la justice. ou le détail d’un assemblage. Il a toute son utilité, cipative et libre de droit. Ayant mentionné que l’ar-
seule gamme de produits, qui dialogue aisément, Paradoxalement, cette preuve marquant chaque au stade de construction sur chantier. Cependant le chitecture ne s’adressait pas à tout le monde, au 1 %
car elle est conçue par un seul éditeur. Le BIM fer- étape de la conception à la construction pourrait pdf 3d ne permet pas le repérage, ou de se rensei- de la population la plus riche, son idée initiale était
mé et borné. C’est la même approche chez Digital aujourd’hui être totalement effacée. Dans nombre gner sur le modèle. La géométrie est uniquement d’intégrer les 99 autres pour cents. Pour lui, la ville
Project, développé par Gehry Technology. La no- de projets présentés, la question de la retranscrip- dessinée, parfois annotée de textes. L’avenir concer- doit être développée par les citoyens. L’idée étonne
tion d’interopérabilité est donc source d’ouverture tion du projet en plan, réduit souvent l’information nant l’approche du chantier, concerne le repérage sûrement pour les professionnels du corps de mé-
pour des logiciels comme Bentley et Tekla, qui ont d’une dimension, et n’a plus réellement de sens. SIG dans le chantier. Bentley propose aujourd’hui, tier de la conception, mais cette approche fait petit à
compris que le rêve du logiciel unique n’existe pas, Pour le projet Oarna, développé à l’école d’architec- un logiciel nommé Navigator, qui peut être installé petit son chemin. Les villes les plus florissantes sont
et qu’il est préférable de dialoguer avec ses concur- ture de Nantes, n’a nécessité aucune impression pa- sur une tablette numérique. L’utilisateur peut alors celles auto construites par les habitants. Cette archi-
rents, pour être le plus compétitif possible. pier, du stade de conception jusqu'à la construction se promener dans la maquette, en même temps que tecture vernaculaire, générée au fil du temps, est au
du prototype. La recherche d’informations, lors de la dans le projet réellement construit. C’est ce que l’on premier abord totalement désorganisée et chao-
Les projets paramétriques présentés auparavant, réalisation et l’assemblage des pièces, s’effectuaient appelle la réalité augmentée. Son utilité est avant tique. Elle se révèle en fait, pensée en reprenant les
ont nécessité une collaboration et un échange ex- directement sur le modèle numérique. Il y avait en tout, dédiée aux contrôles et à la révision de tâches techniques de construction classique. Il n’y a certes
tensif des données, en utilisant avant tout, les logi- permanence, un ordinateur sur le chantier, servant pour l’instant. Cependant, on pourrait imaginer un pas de réelles innovations, dans cette architecture
ciels dit « ouverts ». Le paramétrisme a donc créé des uniquement à coter des distances ou à vérifier des compagnon, plaçant les armatures nécessaires dans vernaculaire, car la copie est souvent source d’inspi-
liaisons fortes de connections. Cependant, le trans- assemblages. Il n’y a pour moi pas de sens, à repré- un dallage, en regardant directement les informa- ration, mais elle contribue à enrichir les techniques
fert de documents ne permet pas pour la plupart, senter obligatoirement une forme en deux dimen- tions sur un écran tactile, et non plus à partir de classiques de notre construction connue depuis
la conservation de l’interactivité. C’est-à-dire, que sions. Cette démarche était évidemment viable, plans papiers. L’extraordinaire possibilité de cette des décennies. Notre société actuelle demande une
les paramètres qui sont malléables dans un modèle lorsque l’architecte travaillait à la main avec du pa- application, est d’abord freinée par son prix, et en- adaptation rapide, de plus en plus réfléchie et dessi-
conçu en amont, ne le sont pas forcément dans un pier, et générait son projet en l’imaginant en 3d, et suite, comme on l’a déjà évoqué parla non prise en née. Paradoxalement, le nombre de diplômés en ar-
modèle conçu en aval, à partir du fichier amont. Les en le représentant en 2d. Aujourd’hui, de nombreux compte de la validation de cette démarche, par les chitecture non embauchés, ne cesse d’augmenter.
informations sont figées, le transfert s’effectue sur projets, tel que le projet Digital Form-Finding of Tim- instances juridiques. Il demeure néanmoins, qu’à Alastair Parvin voudrait donc, en tant qu’architecte,
de la géométrie morte. L’idée serait donc de conser- ber et le Norwegian Wild Reindeer Centre Pavillon, travers les projets d’architecture, où la notion d’es- pouvoir ouvrir la voie à l’architecture citoyenne.

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Trois points viennent développer son raisonnement tion d’immeubles résidentiels, rend les habitants intérieurs, ne sont pas installés. L’achat se fait donc Wiki house est un projet open source à but non lu-
clients du processus, et ne participent pas du tout à dans un état brut, sur lequel viennent s’adapter cratif. Le but est de donner la possibilité à chacun
Premièrement, l’architecture qui conduit à la l’approche de conception. Sa volonté est que les ha- les futurs résidents. Cette démarche montre que de créer, télécharger, et imprimer via des machines
construction d’un bâtiment, est probablement la bitants redeviennent acteurs, et ne soit plus consi- les habitants se sentent beaucoup plus concernés, à commandes numériques, les composants de sa
solution la plus coûteuse. La conception devrait dérés comme acheteurs. Evidemment, cette vision en adaptant l’espace à leur mode de vie. "Different maison. Wiki House est d’abord et avant tout une
d’abord penser, à résoudre les problèmes, avant de de l’implication des citoyens dans la démarche de values the place they want to leave ». On pourrait plate forme d’échange open source, permettant le
proposer une solution neuve bien plus onéreuse. conception, possède une limite. Je pense que cette également engendrer cette participation pour les partage de la culture. Le support d’échange est le
Deuxièmement, il construit sa réflexion sur le fait démarche peut facilement être compréhensible, si espaces publics, et même pour les ouvrages publics. fichier skp, lissible sur sketchup qui est lui-même un
que, la construction actuelle est gouvernée par les l’architecture participative se destine aux édifices Alastair Parvin pose donc la question de la limite de logiciel open source récemment racheté par Trimble.
grandes collectivités et organisations. “Masse archi- résidentiels. L’engouement de ne pas être un simple cette implication. Jusqu’à quel point l’implication ci- Via plusieurs produits d’exemples de maisons clas-
tecture is about big, big building, big finance, the acheteur, mais de pouvoir dessiner et conceptuali- toyenne pourrait-elle être viable en architecture ? Je siques en bois, un bouton permet de « nester » sur
only people how make cities are largest organiza- ser l’espace, semble être de plus en plus la volonté pense que cette limite actuelle de l’engagement du Sketchup, de générer les planches de découpe. Les
tion…, procuring all neighborhoods in a single mo- citoyenne d’aujourd’hui. Des bâtiments résidentiels citoyen, face à cette envie participative, ne doit pas cutting files sont donc disponibles en un clic. Même
nolithic project”. Ce discours assez direct, révèle une proposen déjà cette approche : l’édifice, lors de sa effacer la connaissance de l’architecte, mais qu’elle le maillet servant à la construction peut être décou-
approche totalement différente de celle aborder aux réception, n’est pas entièrement terminé, le cloison- doit plutôt la compléter. L’architecte travaillera tou- pé grâce aux machines à commandes numériques.
cours de la dernière décennie. Pour lui, la construc- nement intérieur ainsi que le revêtement des murs jours pour les 1 % dont parle Parvin, il sera toujours En un jour, deux hommes peuvent construire la
concepteur de projets à toutes les échelles, mais structure en bois d’une petite maison d’environ 25
son rôle doit peut être changer, afin de pousser la m². La maison est tout, sauf un objet fini. Elle évo-
conception, et de l’amener aux personnes directe- lue au cours de l’adaptation de ses usagers. Grâce à
ment concernées, par l’architecture produite. « Of cette démarche de conception citoyenne, la maison
course forme finances finance ». Bien sûr, comme peut être agrandie à n’importe quel moment.
le dit Parvin, le système actuel fait profiter l’archi- La prise de conscience sur cette liaison entre archi-
tecture où l’argent est présent. L’idée serait d’ouvrir tecture et méthode de réalisation par commande
l’architecture citoyenne, afin de produire beaucoup, numérique vient du fait qu’aujourd’hui, nous dit
avec certes peu de moyens, au lieu de produire peu Parvin « We move in the future where factory is
avec beaucoup de moyens. « The few with a lot, the every where, the design team is everyone ». L’archi-
many with a bit». Parvin pose donc la question du tecture paramétrique, a donc entièrement sa place
sens donné au citoyen, sur son droit de construire dans cette approche. En effet, le fait de pouvoir ma-
dans une société. Il ouvre également la réflexion nipuler la forme par des paramètres, afin de générer
sur la conséquence de ce partage conceptuel “How une architecture décidée par l’utilisateur, est donc
cant we plan cities, how can we finance developpe- un point fort.
ment ?»
Le troisièmement point de son raisonnement, inter- La réflexion sur l’architecture libre de droit, a aussi
roge le développement d’outils, et les institutions été soulevée par Ion Cuertas Mons et Franscesco
nécessaires pour l’élaboration de l’architecture par- Cingolani. Leur volonté, est d’explorer la possibilité
ticipative et sociale. Il construit sa réponse avant de réaliser un logiciel, à mi-chemin entre un jeu-vi-
tout par l’utilisation des logiciels open source, des déo et un outil de travail, capable de permettre à
logiciels (arduino, grasshopper l’imprimante 3d, tout le monde (les habitants et non seulement les
machine CNC). Sa démarche entant qu’architecte, architectes), de dessiner leur propre appartement.
en réponse à cette question, a commencé en 2011 Leur recherche s’est tout de suite tournée vers des
dans la création de WikiHouse. expériences, tels que des outils de paramétrisation
comme Grasshopper, inspiré des projets mené au
Wiki House : image du procédé de l'architecture pa- LMN Tech Studio à Seattle, qui cherchent à trou-
ramétrique libre de droit. Visualisation d'une maison ver des méthodes de connexion entre des défini-
préconstruite sur un fichier sketchup. tions Grasshopper et les programmes fonctionnels

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complexes des bâtiments d’architecture. Cette re- sûr, mais aussi avec les ingénieurs HQE étudiant la tendu libre de droit, pourrait débuter par ce genre
cherche, appelée Grasshopper Space Planner, reste qualité environnementale, les acousticiens, les ther- d’exemple. Ensuite peut être, lorsqu’elle aura mûri,
bien sûr, encore assez basique, et peut être très miciens, les géomètres, les projeteurs CVC et élec- alors l’architecte pourra convertir cette approche
orientée à l’outil de travail d’architecte, plutôt que triciens et les économistes. Ce rassemblement de sur la création d’une maison, pavillonnaire ou en
de se focaliser sur l’objectif exposé ci-dessus, c’est- connaissances s’accroît aujourd’hui d’années en an- cœur de ville.
à-dire de donner aux non-architectes la capacité de nées. Les ingénieurs, travaillant sur la qualité de l’air
dessiner leurs propres maisons. et le traitement des polluants, interviennent notam-
ment de plus en plus dans la phase de conception.
Sur la même ligne directrice que Parvin, leur rêve Ce rôle de médiation peut alors aussi être plausible
est de mettre l’architecture dans les mains de ses vis-à-vis des citoyens, en mettant des outils dispo-
propres usagers, à moins qu’elle ne l’ait déjà été ? nibles pour l’autocréation de conception. Parvin voit
On fera référence à Lucien Kroll, architecte belge, même dans cette méthode, une interaction pos-
qui était connu pour l’implication de conceptions sible entre citoyens, afin de développer des réseaux
avec ses futurs résidents, et pour qui cette idée « sanitaires, de ventilation ou d’électricité concertés.
d’architecture » était au cœur de sa pensée. Il sem-
blerait aujourd’hui, que les nouvelles technologies L’idée paraît être un retour en arrière, au temps où les
peuvent donner un nouvel élan à ces tendances ; ce professions réglementées étaient peu nombreuses,
qui s’est passé avec le web 2.0 pourrait-il se repro- et où le travail manuel pour son propre compte était
duire avec l’architecture? prépondérant. Je ne pense pas que cette démarche
vise à appauvrir l’architecture, mais plutôt à l’enrichir.
S'éloignant d'un environnement statique, comme De nombreux acheteurs de biens immobiliers neufs,
peut être le bureau d'architecture moderne, le stu- reconçoivent entièrement l’espace intérieur, juste
dio de Parvin est basé dans un endroit enrichi in- après en avoir fait l’acquisition. Quel sens a donc
tellectuel et hyper-stimulant, nommé likethe Hub la production de logements neufs, où le plan inté-
à Westminster, dans le centre de Londres. Sa vision rieur respecte des ratios de surfaces et des normes
assez moderniste, propose donc de démocratiser la handicapées, qui ne correspondent pas à l’acheteur
production et décentraliser la conception à l’échelle futur ? Imaginons une résidence construite et livrée
pour l’instant de l’habitat. avec le gros œuvre terminée, et une partie du se-
Cette voie possible mérite d’être explorée, car elle cond œuvre seulement, (installations des gaines et
recentre l’architecture sur les utilisateurs. Bien sûr, il des réseaux d’eau et d’électricité). L’architecte aurait
faut cadrer la recherche et les limites de cette ap- à charges de créer le squelette du bâtiment, en ima-
proche, car si d’un côté, nous croyons dans une ar- ginant juste son organisation intérieure, et en pro-
chitecture libérée de la standardisation, de l’autre, il posant une distribution des réseaux, cohérente et
ne faut pas tomber dans le rêve d’une architecture adaptable. Ensuite, une salle spécialement conçue
libre de toute contrainte : la figure de l’architecte ne pour l’usinage et la découpe de matériels, tel que le
va pas disparaître, elle va juste changer. L’architecte bois, les cloisons, permettrait à chacun d’organiser
ne sera plus un artiste dessinant dans son coin, mais l’espace de son logement, en fonction de ses be-
plutôt un conseiller et un gérant ou créateur d’es- soins. Cette expérience nécessiterait un accompa-
paces, et propulseur de dynamiques spatiales. Ce gnement dans le dessin, que pourrait effectuer l’ar-
rôle de guide ou de conseiller de l’architecte, a déjà chitecte, en se munissant de modèles numériques
grandement évolué durant le XXème siècle, avec paramétriques, directement découpés par machine
notamment, l’augmentation du nombre de corps de numérique. J’espère un jour, que cette approche
métier, se rattachant à un projet lors de la concep- puisse être développée, afin de ne pas considérer
tion. Aujourd’hui, l’architecte est le médiateur entre l’utilisateur comme client, mais le recentrer sur la
les divers intervenants : l’ingénieur structure bien- conception. L’architecture participative, sous-en-

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Conclusion afin de produire de l’art cinétique, mais elle peut ments non standardisés. Ce développement a en- Cependant, les données pointues, ne sont pas for-
aussi desservir l’architecture et ne produire que de gendré d’abord, une connexion entre les modèles mulées par les architectes ou les ingénieurs, qui
Cette étude sur l’architecture paramétrique, a sû- l’image. Il semble y avoir une distance de plus en numériques et les programmes machines avec une détiennent ces informations, et n’en souhaitent pas
rement permis de répondre à mes premières inter- plus grande, entre l’identité sociale des créateurs et précision aujourd’hui recevable. Il a dans un deu- leurs divulgations. On les trouve à contrario, chez les
rogations, concernant cette nouvelle approche dis- les objets qu’ils contribuent à produire. En d’autres xième temps, permis de réinventer les méthodes de fabricants, qui se servent notamment, de ces pro-
ciplinaire de l’architecture. Le paramétrisme était, termes retrouve-t-on finalement, les caractéris- productions d’éléments, qui ne sont désormais plus jets, afin de faire valoir leur savoir-faire dans le do-
avant de commencer cette recherche, un simple ou- tiques et le trait du dessin de l’architecte sur des limitées seulement en deux dimensions, mais s’enri- maine de compétence, par exemple l’assemblage
til qui viendrait en complément de notre intuition projets numériques ? Je pense que ce trait de dessin chissent des mouvements en 3 dimensions des ma- bois, et expliquent donc leur méthodes utilisées.
et notre imagination. La création de formes, repo- peut être reconnaissable numériquement, si le créa- chines 5 axes, industrielles. L’impression de matière Cela a notamment été le cas dans la recherche pour
sait pour moi, sur un raisonnement qui s’exprimait teur se sert des logiciels comme outils à la réflexion, et le tissage, ont permis de penser entièrement la le Metropol Parasol. Les données sur les modèles de
à travers des outils, qui aujourd’hui étaient devenus et ensuite à la conception. On remarque néanmoins matière, les assemblages, les formes et donc l’ar- calculs d’Arup, m’ont été communiquées facilement
numériques. Je n’envisageais pas sa conception, ba- que le processus d’objectivation des champs de chitecture, car la forme est matière, et inversement. par FinnForest, elles étaient relativement confiden-
sée sur la construction d’un modèle paramétrique, compétences, tend à s’inverser au lieu de prendre Cette perpétuelle et florissante évolution, renvoie tielles, de la part des ingénieurs d’Arup. Cette expli-
en instaurant des relations de comportements, des le domaine disciplinaire comme lieu d’identification implicitement à la question de l’obsolescence des cation est aussi due au phénomène de médiatisa-
contrôles de trajectoires, et tout autre caractéris- des objets produits, il se saisit d’abord des objets moyens de production. Cette obsolescence est clai- tion, qui prend une part plus importante dans les
tique géométrique dynamique. Cette approche, dé- produits comme facteur d’identification des com- rement visible à l’échelle des logiciels. Certains dé- entreprises, qui peuvent être sollicitées par les ingé-
veloppée par Patrick Schumacher dans son livre « pétences. Cela voudrait dire concrètement, que veloppeurs rendent leurs utilisateurs des « béta tes- nieurs ou les architectes.
The Autopoiesis of Architecture », m’a poussé plus la notion de discipline ne serait plus opératoire et teurs », qui sont obligés chaque année de changer
loin dans la réflexion, sur la construction d’une mé- devrait être remplacée par celle de méthodolo- de versions, non compatibles, avec la précédente. Il restera de ces recherches sur l’architecture, cette
thode générative. Il n’en demeure pas moins que, gie, ou de méthodes d’approches des problèmes Un abonnement ou un forfaitaire. D’autres en re- formidable opportunité aujourd’hui, pour le déve-
même si cette nouvelle approche ne remettait pas et des questionnements. La méthodologie serait vanche, ont ouvert leur base de données, et permis loppement dans le domaine des outils de concep-
en cause l’architecture moderniste, elle ne reprenait alors prépondérante sur l’identité des acteurs. La une meilleure inter compatibilité, afin d’engager tions informatiques paramétriques. Je crois que
pour moi pas sa force et éloignait par exemple, les continuité de raisonnement entre les acteurs, serait une interdisciplinarité possible. L’obsolescence des l’utilisation du paramétrisme, n’est pas uniquement
questions sociales, qui étaient difficilement lisibles mise en avant par rapport aux intérêts propres de machines, renvoient à la notion de la conservation, vouée, à l’expression d’une architecture onéreuse,
dans la génération de projets. En d’autres termes, chaque discipline. Ainsi, la réponse aux modèles pa- et surtout à l’utilisation des données post réalisa- mais qu’elle garantit et produit aussi, une architec-
les limites de cette construction, résident dans son ramétriques, doit aller dans le sens de l’évolution de tion. Les agrandissements et les réhabilitations fe- ture simple et riche de sens. Je le crois et je l’espère.
rapport à l’échelle humaine. La perception des mo- modèles de calculs des ingénieurs, pour tenter de ront de plus en plus partie des volontés urbaines
dèles paramétriques est difficilement sensible à dépasser la simple fiction numérique. L’architecture des prochaines décennies, et amplifieront le phé-
l’échelle d’un modèle numérique. Cette appréhen- devra également se nourrir d’autres univers, pour nomène de la ville palimpseste. Les données néces-
sion s’est aujourd’hui de plus en plus affinée, grâce ne pas sembler être l’apparente figuration d’un mo- saires à l’élaboration du projet, devront pouvoir être
aux panels de projets développés paramétrique- dèle numérique complexe, que l’homme ne serait à réutilisables, bien-sûr par un support papier, mais
ment. Renzo Piano disait : « Construire un bâtiment, première vue décrire. Ce que Frédérique Entrialgo, également disponibles numériquement, plusieurs
c’est loin des effets de style, tendre au murmure du Ronan Kerdreux nomment, une « trans culture du années après la réception des travaux. Cette com-
monde, comprendre les désirs des hommes et sa- projet », c’est-à-dire un espace, au sein du projet où patibilité temporelle, numérique et physique, par
voir leur faire échos. » Ce style, comme l’explique les cultures se recouvrent entre elles. l’utilisation des procédés industriels, devra pouvoir
Renzo, ne doit pas prendre le dessus sur l’incroyable être garantie. Cette notion de compatibilité renvoie
potentiel du paramétrisme. Les logiciels paramé- Cette nouvelle approche a engendré une multi- implicitement à la notion de produits « open source
triques ne devront pas avoir le dernier mot sur l’ar- tude de projets tests et de workshop dans les écoles », développée avec Wiki House par Alastair Parvin.
chitecture. Il faudra surpasser leurs limites, afin de d’architecture. Sa rapidité d’apprentissage, du fait Le partage du savoir technique et artistique doit
réellement concevoir une architecture. De même, notamment de l’élégance dans son approche à être mis à disposition de tous. Les renseignements
les outils paramétriques ne devront pas devenir un la géométrie, a fait naître nombres de projets en- effectués pour ce mémoire, ont pour beaucoup été
jeu. La facilité de construction sur Grasshopper pré- thousiasmants, comme celui sur les fibres carbone recueillis sur des documents recherchés sur inter-
sente des pièges, car elle contient de nombreuses structurelles, mené par Achim Menges,( Research net. La plupart des données courantes sont dispo-
opérations déconnectées de sens. Cette opérabilité Pavillon en 2012). D’un autre côté, les industriels nibles, et permettent de comprendre notamment,
est souvent recherchée par les artistes notamment ont dû s’adapter aux développements sériels, d’élé- l’élaboration des projets exposés dans la partie II.

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