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Philippe Pétain
Philippe Pétain
Avant l’occupation 2
I. Opinion personnelles avant la guerre 2
II. Entre-deux-guerres 3
La guerre, Vichy 3
I. L’homme de l’armistice 3
• À la drôle de guerre, le recours Pétain 3
• Vice-président du Conseil 4
II. Président du Conseil et armistice 4
III. Chef du régime de Vichy 5
A. Vote des pleins pouvoirs 5
• Installation du régime 5
• Culte du chef et de la popularité 6
B. Programme de révolution nationale 7
• Choix prioritaire du maréchal Pétain 7
• Réformes, contrôles et exclusions 8
Mesures contre la franc-maçonnerie 8
Généralités
Philippe Pétain, né le 24 avril 1856 et mort en détention le 23 juillet 1951 sur l'île d'Yeu (Vendée), est un
militaire, diplomate et homme d'État français.
Élevé à la dignité de maréchal de France en 1918, il est frappé d'indignité nationale et déchu de sa distinction
militaire en 1945.
Auréolé d'un immense prestige au lendemain de la guerre, il est le chef de l'armée d’après-guerre.
En 1925, il commande personnellement les forces françaises combattant aux côtés de l'Espagne dans la
guerre du Rif, remplaçant le maréchal Lyautey.
Devenu académicien en 1929, il occupe les fonctions de ministre de la Guerre de février à novembre 1934,
puis est nommé ambassadeur en Espagne en 1939, alors que le pays est dirigé par le général Franco.
Rappelé au gouvernement le 17 mai 1940, après le début de l'invasion allemande, il s'oppose à la poursuite
d'une guerre qu'il considère comme perdue et dont il impute bientôt la responsabilité au régime républicain.
Investi des pleins pouvoirs constituants par l'Assemblée nationale, le 10 juillet 1940, il s'octroie le lendemain
le titre de « chef de l'État français », à 84 ans. Il conserve cette fonction durant les quatre années de
l'occupation de la France par l’Allemagne nazie.
Installé en zone libre à Vichy à la tête d'un régime autoritaire, il abolit les institutions républicaines et les
libertés fondamentales, dissout les syndicats et les partis politiques, et instaure une législation antisémite dès
août-octobre 1940.
Il engage le pays dans la révolution nationale et dans la collaboration avec l'Allemagne nazie. Le « régime de
Vichy », qu'il dirige jusqu'en juillet 1944, est déclaré « illégitime, nul et non avenu » par le général de Gaulle
à la Libération.
Philippe Pétain est jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison par la Haute Cour de justice en
juillet 1945. Il est frappé d'indignité nationale, condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de mort.
Alors que la cour recommande la non-application de cette dernière en raison de son grand âge, sa peine est
commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle. Il meurt sur l’île d'Yeu, où il est inhumé.
Avant l’occupation
I. Opinion personnelles avant la guerre
Pétain est élevé dans le catholicisme.
Dans l’esprit de la « grande muette », il reste discret sur ses opinions.
Dans l’armée assez aristocratique des années 1890, sa carrière est lente.
Il n’est pas anti-dreyfusard. Il aurait « toujours cru à l’innocence de Dreyfus », tout en considérant logique sa
condamnation, celui-ci s’étant mal défendu.
Il ne participe pas à la souscription en vue d’un « monument Henry ».
Au fond, Pétain s’occupe de fait peu de politique. Il ne s’engage, à la différence de nombreux militaires, ni
lors de l’affaire des fiches (1904), ni lors des débats sur la séparation des Églises et de l’État en 1905.
II. Entre-deux-guerres
Pétain devient la référence principale pour les anciens combattants pendant l’entre-deux-guerres.
Le 12 avril 1919, il a été élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
Il est chef de l’armée jusqu’en 1931, quelle que soit la majorité politique en place.
À partir de 1929, son opposition à Maginot l’écarte de la tête des armées au profit des collaborateurs de Foch
(Weygand). Grâce à sa popularité auprès des ligues (organisations politiques d’extrême droite); il réussie à
obtenir le ministère de la Guerre le 6 février 1934.
Le maréchal semble avoir été imperméable à l’antisémitisme avant la guerre. Il soutint la candidature
d’André Maurois à l’Académie française, fut représenté à l’enterrement d’Edmond de Rothschild en 1934,
témoin au mariage de l’économiste israélite Jacques Rueff en 1937 et parrain de sa fille en 1938
La guerre, Vichy
I. L’homme de l’armistice
• À la drôle de guerre, le recours Pétain
À la déclaration de la guerre en septembre 1939, Pétain refuse la proposition de Daladier d’entrer au
gouvernement.
Pétain ne fait pas mystère de son hostilité personnelle à la guerre contre Hitler.
« Autant il est certain qu’il n’a eu aucune part dans les intrigues tramées en vue d’une paix de compromis,
autant ile st manifeste qu’il a, depuis le début, son rôle dans les calculs de Laval et de certains membres du
complot de la paix. »
Les Français de l’an 40, Jean-Louis Crémieux-Brilhac
Pierre Laval — chef de fil des défaitistes — songe précocement à un gouvernement Pétain dont il serait le
vrai chef : « Son nom ! Son prestige ! Pas davantage » (Laval, cité par Crémieux-Brilhac).
Paul Reynaud, constatant la dégradation de la situation militaire, songe aussi à utiliser le prestige de Pétain
auprès des Français. Jugeant la situation pour lui favorable, il retourne à Paris.
« [Le maréchal] partage le mépris de la droite antiparlementaire pour le régime qui l’a couvert d’honneur.
[…] La France selon son coeur est la France paysanne dont il est issue, respectueuse des hiérarchies, et de
l’ordre établi, telle qu’il souhaitera la faire revivre à Vichy. Ses vues politiques sont courtes : il ne supporte
pas les bavardages politiciens ; il reproche aux instituteurs socialistes d’avoir favorisé l’antipatriotisme,
comme au Front populaire d’avoir favorisé le désordre. Son bon sens proverbial va de pair avec une grande
ignorance et des vues simplistes en matière de politique étrangère. […] Il ne voit rien de plus en Hitler qu’un
Guillaume II plébéien ; il ne doute pas qu’on puisse s’accommoder avec lui moyennant quelques
sacrifices. »
Les Français de l’an 40, Jean-Louis Crémieux-Brilhac
L’action de Pétain est déjà marquée par une anglophobie et un défaitisme dès 14-18.
• Vice-président du Conseil
Le 17 mai 1940, Pétain est nommé vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud.
Pour Reynaud, il s’agit de remonter le moral des Français, de resserrer les rangs et de renforcer sa propre
image au parlement.
La nomination est bien accueillie dans le pays, par le parlement et la presse, mais sans excès d’ovation non
plus.
Paul Reynaud sous-estime le vieil homme qu’est Pétain, il n’imagine pas qu’il puisse jouer un rôle autre que
symbolique.
Pourtant, dès le 26 mai, dans une notre à Reynaud, Pétain refuse de considérer les chefs militaires comme
responsables de la défaire. Il rejette la responsabilité du désastre sur « la faute que le pays a et que vous
avons tous commise, ce gout de la vie tranquille, cet abandon de l’effort qui nous amenés là où nous
sommes ».
Cette interprétation moraliste de la défaite annonce les appels à la contrition nationale et la politique d’ordre
moral qui caractériseront le régime de Vichy.
Le 4 juillet, il explique à Bullit qu’en cas de défaite « le gouvernement français doit faire tout son possible
venir à composer avec les Allemands, sans se préoccuper du sort de l’Angleterre ».
À partir du 13 juin, alors que la bataille de France est perdue et le gouvernement replié en Touraine, Pétain se
ouvertement l’un des avocats les plus constants de l’armistice au sein du gouvernement. Il déclare dans une
note qu’il lit au Conseil des ministres qu’il n’est aucunement question pour lui de quitter la France pour
poursuivre la lutte.
Le 14 juin 1940, Paris est occupé par l’armée allemande. Le Gouvernement, le président de la République et
les Assemblées sont alors réfugiés à Bordeaux. Pétain s’y confirme comme le chef de file des partisans de
l’armistice et met sa démission dans la balance.
Le 17 juin, il demande aux Allemands, par l’intermédiaire du gouvernement espagnol, les conditions d’un
armistice — suivant le conseil du chef d’état-major des armées, le général Maxime Weygand.
Le discours qu’il enregistre et radiodiffuse (« C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut
cesser le combat… ») a un effet désastreux sur le moral des troupes et précipite de fit l’effondrement des
armées françaises.
Du 17 juin à l’entrée en vigueur de l’armistice le 25, les Allemands font plus de prisonniers que depuis le
début de l’offensive le 10 mai.
Dans ce même dissous, Pétain anticipe la création de son propre régime. Il déclare faire « don de sa personne
à la France ».
Le 20 juin, dans un nouveau discours (également rédigé par le juif Emmanuel Berl), l’annonce les tractations
en vue de l’armistice. Il en détaille les motifs, ainsi que les leçons que, selon lui, il faudra en tirer. Il y fustige
« l’esprit de jouissance » : « Depuis la victoire [de 1918], l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de
sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le
malheur ».
L’armistice est signé le 22 juin 1940 dans la clairière de Compiègne, après avoir été approuvé par le Conseil
des ministres et le président de la République.
Les causes de la défaite sont à rechercher selon lui dans l’esprit de relâchement : « notre défaite est venue de
nos relâchements. L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié ».
Le Gouvernement s’installe d’abord, le 29 juin, dans la région de Clermont-Ferrand puis déménage à Vichy
le 1er juillet, pour des raisons de capacités d’hébergement. La ville présente l’avantage d’un réseau
téléphonique extrêmement performant et de la présence d’une multitude d’hôtels, réquisitionnés pour abriter
les différentes ministères et les ambassades.
Les « tous pouvois au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du Marchal Pétain »
sont accordés par une loi dite constitutionnelle votée par les deux Chambres le 10 juillet 1940, réunies en
Assemblée nationale au casino de Vichy.
Ces pleins pouvoirs sont dispensés du contrôle de l’Assemblée et le gouvernement est missionné de rédiger
une nouvelle Constitution — qui ne verra jamais le jour.
Pour Aron : « La première [période du pouvoir de Vichy], qui va de l’armistice au 13 décembre 1940, est
celle où Pétain peut encore avoir l’illusion d’être un chef d’État autoritaire, qui ne doit rien à personne et
don le pouvoir en France est presque l’équivalent de celui des dictateurs Salazar au Portugal, Franco en
Espagne, ou Mussolini en Italie ».
Selon Paxton : « Pétain lui-même se trouvait plus de points communs avec Franco et Salazar qu’avec
Hitler ».
Pour Ferro, c’est l’exemple de Salazar qui inspire le programme du maréchal, ainsi : « le régime [qu’il]
institue évoque effectivement plutôt le salazarisme » et : « les régimes de Kemal, Horthy, Franco, avaient ses
préférences par rapport à celui de Mussolini du fait de la dualité Mussolini-Victor-Emmanuel III et selon
l’idée qu’il se fait de son pouvoir : « le Maréchal n’a de compte à rendre qu’à sa conscience », mais de loin
il préférait celui de Salazar ».
• Installation du régime
Auto-proclamation dès le 11 juillet 1940 de Pétain, chef de l’État français. Il s’arroge tous les pouvoirs.
Par là-même, abolit l’article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. Cela revient à détruire le
fondement même de la République. C’était cet article qui établissait le régime républicain en France.
Laval lui dit un jour : « Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l’étendue de vos pouvoirs ? […] Ils sont
plus grands que ceux de Louis XIV, parce que Louis XIV devait remettre ses édits au Parlement, tandis que
vous n'avez pas besoin de soumettre vos actes constitutionnels au Parlement, parce qu'il n'est plus là ». Il lui
répond : « c’est vrai ».
Pétain s’ajoute, aux attributs régaliens, des droits inédits, même du temps de la monarchie absolue :
- Il peut rédiger et promulguer seul une nouvelle Constitution.
- Il peut désigner son successeur (qui est le vice-président du Conseil).
- Il a la plénitude du pouvoir gouvernemental et nomme et révoque les ministres et secrétaires d’état qui ne
sont responsables que devant lui.
- Il exerce le pouvoir législatif en conseil des ministres.
- Les lois sont adoptées de sa seule autorité et promulguées sur la formule : « Nous, maréchal de France, le
Conseil des ministres entendu, décidons… »
Par prudence, il évite de s’attribuer le droit de déclarer la guerre seul et doit pour cela consulter les
éventuelles assemblées.
le 13 décembre 1940, il évince brusquement Pierre Laval du pouvoir, non par désaveu de la politique de
collaboration avec l’Allemagne nazie menée par ce dernier, mais par irritation devant sa manière trop
indépendante de la conduire. Il est remplacé par Flandin.
Pétain signe la révocation de nombreux maires, préfets et hauts fonctionnaires républicains, dont le préfet
d'Eure-et-Loir, Jean Moulin, et le président de la Cour des comptes Émile Labeyrie.
Il supprime précocement tous les contre-pouvoirs institutionnels à son autorité, et tout ce qui rappelle trop le
régime républicain, désormais honni.
Le mot même de République disparaît.
Suspension des libertés publiques et des partis politiques, à l’exception de ceux des collaborationnistes
parisiens qui subsistent en zone nord.
Dissolution des centrales syndicales.
Pénalisation de la franc-maçonnerie.
30 juillet 1940, création de la Cour suprême de justice — cour de Riom. Juridiction d’exception chargée de
conduire le procès des hommes politiques et du général Maurice Gamelin — accusé de l’impréparation et de
la défaite militaire du pays.
Léon Blum, Daladier et le général Gamelin sont arrêtés.
Pétain envisage la condamnation de Reynaud et de Mandel.
Le procès de Riom est un échec pour le régime de Vichy. Censé servir Vichy en jugeant les ministres du
Front populaire et, par là-même, les instruction s de la IIIe République, il tourne à la confusion des
accusateurs qui deviennent accusés.
Blum et Daladier bousculent les juges par leur connaissance des dossiers relatifs à la défense nationale. Ils
rappellent la responsabilité du gouvernement Doumergue dont faisait partie Pétain en tant que ministre de la
Guerre. Celui-ci a réduit les crédits militaires en 1934.
Le 11 avril 1942, Pétain reporte le procès sine die par décret.
Les accusés demeurent internés.
Fin mars 1943, Vichy cède aux Allemands leur transfert sur le territoire du Reich.
Vichy condamne par contumace Charles de Gaulle et ses compagnons, qui sont déchus de la nationalité
française.
Automne 1941, Vichy envoie à la guillotine plusieurs prisonniers communistes (dont le député Jean Catelas)
en représailles à des attentats anti-allemands.
Toute une littérature trouve des accents quasi-idolâtres pour exalter le maréchal comme un sauveur
messianique. Son sacrifice est exalter, il est comparé à Jeanne d’Arc ou à Vercingétorix. Un chêne pluri-
centenaire reçoit son nom en forêt de Tronçais. De nombreuses rues sont débaptisées et prennent son nom sur
ordre.
Henri Pourrait reçoit le Goncourt pour son livre Vent de Mars. Il devient le chantre officiel du nouveau
régime. Il se fait l'hagiographe du chef de l'État français avec la sortie de son livre Le Chef français publié
par Robert Laffont en 1942.
Pétain entretient sa popularité par de nombreux voyages à travers la zone sud. Surtout en 40-42. De
considérables foules viennent l’acclamer.
Il entretient le contact radio avec la population. Sa rhétorique est sobre et claire. Il a des formules percutantes
pour. Faire mieux accepter son autorité absolue et ses idées réactionnaires : « La terre, elle, ne ment pas »,
« Je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal » (aout 1940), « Je vous ai parlé jusqu’ici le langage
d’un père, je vous parle à présent le langage d’un chef. Suivez-moi, gardez confiance en la France
éternelle » (novembre 1940).
De nombreux évêques et hommes d’Église mettent leur autorité morale au service d’un culte ardent du
maréchal, salué comme l’homme providentiel.
Le primat des Gaules, le cardinal Gerlier, proclame à la primatiale Saint-Jean de Lyon, en présence du
maréchal « Car Pétain, c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain ! ».
De nombreux Français de tous bords et de toutes croyances communient pareillement dans la confiance au
Maréchal. En particulier, le vieux chef monarchiste Charles Maurras, qui salue son arrivée comme une
« divine surprise ».
Toutefois, les ultras de la Collaboration », basés à Paris, sont généralement hostiles à Vichy et à la révolution
nationale. Elle est trop réactionnaire, pas assez loin engagés dans l’appui à l’Allemagne nazie.
Cependant, l’historiographie récente, à la suite de Philippe Burrin et Jean-Pierre Azéma, insiste davantage
sur les passerelles entre ces hommes de Paris et ceux de Vichy.
Un homme comme Joseph Darnand, ultra-collaborationniste, futur chef de la Milice française, est, pendant
toute l’Occupation, un inconditionnel fervent du Maréchal.
Le chef fasciste Jacques Doriot proclame jusqu’à la fin 1941 qu’il est « un homme du Maréchal ».
Son rival, Marcel Déat, a essayé en 1940 de convertir Pétain à son projet de parti unique et de régime
totalitaire. « un parti ne peut pas être unique », lui répond-t-il. Il quitte définitivement Vichy et attaque
ensuite Pétain dans son journal L’Oeuvre.
Le chargé de l’action sociale auprès des travailleurs français en Allemagne, Gaston Bruneton, voue un
vénération sans bornes pour Pétain.
Dès l’été 1940, un discours du maréchal Pétain prévient que le nouveau régime « sera une hiérarchie
sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, mais sur l'idée nécessaire de
l'égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». »
La révolution nationale est sa priorité. Il en fait son affaire personnelle. Dès août 1941, il reconnait la
faiblesse des échos qu’ont rencontré ses projets, parmi la masse de la population.
Avec le retour au pouvoir de Laval en avril 1942, la révolution nationale n’est plus à l’ordre du jour.
L’historiographie récente, depuis les travaux d'Henri Michel, Robert Paxton ou Jean-Pierre Azéma, tend à
montrer que le désir de pouvoir enfin « redresser » la France à sa façon a poussé largement Pétain, en juin
1940, à retirer la France de la guerre par l’armistice. C’est également lui qui le pousse à accepter l’entente
avec le vainqueur : la révolution nationale ne peut prospérer que dans une France défaite, car c'est la défaite
qui rend caduques les institutions républicaines qui l'ont provoquée et justifie la nécessité d'une telle
révolution. Pour les pétainistes, une victoire alliée signifierait de plus le retour des Juifs, des francs-maçons,
des républicains et des communistes.
Pétain semble négliger le péril et la contradiction qu’il y a à entreprendre ses réformes sous le regard de
l’occupant. Certains résistants qui auraient pu être tentés par le programme de Pétain estiment dangereux de
se tromper sur les priorités et vain d’entreprendre des réformes, tant que les Allemands ne sont pas chassés
du pays.
Le chef de la Légion française des combattants, nommé par Pétain lui-même, François Valentin, rejoint
Londres en août 1943. Dans un message qu’il fait diffuser à la BBC, il fait son autocritique et dénonce la
faute grave du maréchal et de ses fidèles : « On ne reconstruit pas sa maison pendant qu’elle flambe ! »
Le 29 mars 1941, promulguée par le maréchal, est créé un Commissariat général aux questions juives.
Pétain manifeste personnellement des orientations proches de L’Action française et cite surtout en exemple à
ses proches les régimes conservateurs et cléricaux de Salazar et de Franco, qu’il connaît personnellement
depuis 1939.
Son régime est le seul d’Europe à développer un programme de réformes intérieures, indépendant des
demandes allemandes.
Pétain prononce le 1er mai 1941 un discours à Saint-Etienne à destination des ouvriers. Il expose sa volonté
de mettre fin à la lutte des classes. Contre le capitalisme libéral et contre la révolution marxiste.
Il énonce les principes de la future Charte du travail, promulguée en octobre 1941.
La Charte interdit les grèves et les lock-out. Elle instaure le système du syndicat unique et le corporatisme.
Elle métaphysique en place des comités sociaux qui préfigurent les comités d’entreprise. Elle prévoit la
notion de salaire minimum.
La Charte séduit syndicalistes et théoriciens de tous bords (René Belin, Hubert Lagardelle). Mais elle peine à
entrer en application et se brise sur l’hostilité de la classe ouvrière au régime et à ses idées.
L’aggravation des pénuries, l’instauration du Service du travail obligatoire (STO) en septembre 1942 et la
lutte menée contre elle par les syndicats clandestins de la Résistance intérieure française participent de cette
hostilité.
Développant fréquemment et complaisamment la vision doloriste d’une France « décadente » qui expie
maintenant ses « fautes » antérieures, Pétain entretient les Français dans une mentalité de vaincu : « Je ne
cesse de me rappeler tous les jours que nous avons été vaincus » (à une délégation, mai 1942), et manifeste
un souci particulier pour les soldats prisonniers, images mêmes de la défaite et de la souffrance : « Je pense à
eux parce qu’ils souffrent […] », (Noël 1941). Selon son chef de cabinet, Henry du Moulin de Labarthète, le
tiers du temps de travail quotidien du maréchal était consacré aux prisonniers. De ces derniers, Vichy rêvait
de faire les propagateurs de la révolution nationale à leur retour.
Le 4 septembre 1942, Pétain promulgue la première loi fondant le Service du travail obligatoire, complétée
par celle du 16 février 1943. Le STO organise en une dizaine de mois le départ forcé de plus de
600 000 travailleurs français, qui vont renforcer malgré eux l'Allemagne nazie.
• Collaboration d’État
Sur le plan de la politique extérieure, Pétain a retiré d’emblée le pays du conflit mondial en cours, et affecte
de croire que ce dernier ne concerne plus du tout la France. S’il refuse jusqu’au bout toute rentrée dans la
guerre aux côtés d’un des deux camps, il ne refuse pourtant pas le combat contre les Alliés chaque fois qu'il
en a l'occasion et annonce dès octobre 1940, son intention de reprendre par la force les territoires sous
autorité de la France libre.
Il pratique donc une « neutralité dissymétrique » qui profite aux Allemands.
Il choisit en effet de s’entendre avec le vainqueur et imagine que la France, avec son empire colonial, sa
flotte et sa bonne volonté à coopérer, peut obtenir une bonne place dans une Europe durablement
allemande.
Certaine naïveté de la part de Pétain : dans l’idéologie nazie, la France était en effet l’ennemie irréductible de
l’Allemagne, elle devait être écrasée et ne pouvait en aucun cas bénéficier d’une quelconque place
privilégiée à ses côtés.
Il est bien établi, depuis les travaux d'Eberhard Jäckel et surtout de Robert Paxton, que Pétain a activement
recherché et poursuivi cette collaboration avec l’Allemagne nazie.
Moins intéressé par la politique extérieure que par la révolution nationale, sa vraie priorité, Pétain laisse
Darlan et Laval mettre en œuvre les volets concrets de la collaboration d’État. Mais l’une est en réalité le
revers de l’autre, selon les constats concordants de l’historiographie contemporaine : les réformes vichystes
n’ont pu se mettre en place qu’en profitant du retrait de la France de la guerre, et elles ne sauraient survivre à
une victoire alliée.
Par ailleurs, le « mythe Pétain »174 est indispensable pour faire accepter à bien des Français la collaboration.
Le prestige du vainqueur de Verdun, son pouvoir légal sinon légitime, brouillent en effet dans les consciences
en désarroi la perception des devoirs et des priorités.
• Rencontre de Montoire
Après avoir affecté pendant trois mois de rester neutre dans le conflit en cours entre l’Axe et le Royaume-
Uni, Pétain engage personnellement et officiellement, par son discours radiodiffusé du 30 octobre 1940, le
régime de Vichy dans la collaboration à la suite de l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940, durant
laquelle il rencontra Hitler. Cette « poignée de main de Montoire », sera par la suite largement diffusée aux
actualités cinématographiques, et exploitée par la propagande allemande.
Par contre, il ne manque pas de dénoncer « les crimes terroristes » de la Résistance ou les bombardements
alliés sur les objectifs civils. Il encourage les membres de la Légion des volontaires français (LVF) qui
combattent en URSS sous uniforme allemand, leur garantissant dans un message public qu’ils détiennent
« une part de notre honneur militaire ».
Maintenant antisémite, Pétain s’est opposé en mai 1942 à l'introduction en zone sud du port obligatoire de
l’étoile jaune, mais il n’a pas protesté contre son introduction en zone nord, et en zone sud son gouvernement
fait apposer le tampon « Juif » sur les papiers d’identité à partir de fin 1942.
En août 1943, comme les Allemands pressent Vichy de retirer en bloc la nationalité française aux Juifs, ce
qui aurait favorisé leur déportation, le nonce le fait prévenir discrètement que « le pape s’inquiète pour l’âme
du Maréchal », ce qui impressionne le vieil homme et contribue à l’échec du projet.
En tout, 76 000 Juifs parmi lesquels 11 000 enfants, non réclamés au départ par les Allemands, ont été
déportés de France sous l’Occupation, dont 80 % ont été arrêtés par la police française. Un tiers avait la
nationalité française. Seuls 3 % survivront aux déportations dans les camps de concentration.
À ce sujet, l'historien André Kaspi écrit : « Tant que la zone libre n'est pas occupée, on y respire mieux [pour
les Juifs] que dans la zone Nord. Qui le nierait ? Surtout pas ceux qui ont vécu cette triste période. De là cette
conclusion : Vichy a sacrifié les Juifs étrangers pour mieux protéger les Juifs français, mais sans Pétain, les
Juifs de France auraient subi le même sort que ceux de Belgique, des Pays-Bas ou de Pologne. Pendant deux
ans, ils ont d'une certaine manière bénéficié de l'existence de l'État français ».
En réaction, le 11novembre, violant la convention d’armistice, les Allemands envahissent la zone sud. Pétain
refuse l'idée de gagner l'Afrique du Nord. Il veut surtout pouvoir continuer à « servir d’écran entre le peuple
de France et l’occupant ».
En fait, soulignent Robert Paxton et R. Franck, il reste fidèle à son choix de 1940, associant étroitement
retrait de la guerre, collaboration et révolution nationale.
Cette décision déçoit d’innombrables Français qui croyaient encore en un hypothétique « double jeu » secret
du maréchal et s’imaginaient qu’il souhaitait en secret préparer la reprise de la lutte et la revanche contre
l’ennemi.
Beaucoup se détachent du régime, tout en conservant généralement leur respect pour la personne du
maréchal Pétain et vont parfois gonfler les rangs clandestins des « vichysto-résistants » inspirés notamment
par les généraux Giraud et de Lattre de Tassigny. Il se répand le surnom « Maréchal Pétoche ».
En maintenant sa politique de collaboration, Pétain perd beaucoup de la popularité dont il jouissait depuis
1940, et la Résistance s’intensifie malgré le durcissement de la répression.
Pétain fait officiellement déchoir de la nationalité française et condamner à mort ses anciens fidèles François
Darlan et Henri Giraud, qui sont passés au camp allié en Afrique du Nord.
Il ne proteste à aucun moment lorsque fin 1942, puis à nouveau à l’automne 1943, une vague d'arrestations
frappe son propre entourage et écarte de lui un nombre important de conseillers et de fidèles dont Maxime
Weygand, Lucien Romier ou Joseph de La Porte du Theil, interné en Allemagne.
Il consent des délégations croissantes de pouvoirs à Pierre Laval, redevenu son dauphin, qui place ses fidèles
à tous les postes-clés et qui obtient de lui, à partir du 26 novembre 1942, de signer seuls les lois et les
décrets.
Fin 1943, voyant le sort de l’Axe scellé, Pétain tente de jouer en France le rôle du maréchal Badoglio en
Italie, lequel en septembre 1943, après avoir longtemps servi le fascisme, a fait passer le pays du côté allié.
Pétain espère ainsi qu’un nouveau gouvernement moins compromis aux yeux des Américains, doté d’une
nouvelle constitution pourra, au « jour J », écarter le général de Gaulle du jeu et négocier avec les libérateurs
l’impunité de Vichy et la ratification de ses actes.
Dans les derniers mois de l’Occupation, Pétain affecte désormais d’être un simple « prisonnier » des
Allemands, tout en continuant à couvrir en fait de son autorité et de son silence la collaboration qui se
poursuit jusqu’au bout, ainsi que les atrocités de l’ennemi et de la Milice française. En août 1944, il tente de
déléguer l’amiral Auphan auprès de De Gaulle pour lui transmettre régulièrement le pouvoir sous réserve que
le nouveau gouvernement reconnaisse la légitimité de Vichy et de sauvegarder « le principe de légitimité que
j’incarne ». « Aucune réponse ne fut donnée à ce monument de candeur » (La Seconde Guerre mondiale, t.
II, Raymond Cartier).
Le lendemain, le 20 août 1944, il est emmené contre son gré par l’armée allemande à Belfort puis, le 8
septembre, à Sigmaringen, dans le sud-ouest de l'Allemagne, où s’étaient réfugiés les dignitaires de son
régime.
À Sigmaringen, Pétain refuse d’exercer encore ses fonctions et de participer aux activités de la Commission
gouvernementale. Il se cloître dans ses appartements, tout en préparant sa défense après avoir appris que la
Haute Cour de justice française se dispose à le mettre en accusation par contumace.
Le 23 avril 45, il obtient des Allemands qu’il sue conduisent en Suisse et des Suisses qu’ils l’acceptent sur
leur territoire. Pétain demande à regagner la France. Le Gouvernement provisoire de la République ne s’y
oppose pas. Il est remis aux autorités françaises le 26 avril.
Pris en charge par le général Koenig, il est interné au fort de Montrouge.
Philippe Pétain est jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison par la Haute Cour de justice en
juillet 1945. Il est frappé d'indignité nationale, condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de
mort.
Compte tenu de la peine de dégradation nationale, Philippe Pétain est exclu automatiquement de l'Académie
française.
Toutefois, celle-ci s’abstint d’élire un remplaçant de son vivant au 18e fauteuil, égard dont bénéficia
également Charles Maurras.
Alors que la cour recommande la non-application de cette dernière en raison de son grand âge, sa peine est
commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle. Il meurt sur l’île d'Yeu, où il est
inhumé.
Maréchalistes, pétainistes et opinion pendant
l’Occupation
Il n’y a pas eu, en 40, 40 millions de pétainistes, devenus en 44, 40 millions de gaullistes.
La légende est tenace, c’est une légende.
Il ne fait nul doute qu’une majorité de Français, sonnés par la déroute d’une armée qu’ils croyaient
invincible, ont accueilli l’armistice comme un soulagement, de même que le maintien d’un gouvernement
français dirigé par un sauveur providentiel et susceptible à leurs yeux de faire écran entre entre eux et
l’occupant.
Peu sont ceux qui ont perçu d’emblée que le retrait de la guerre condamnait le pays à une longue occupation
nécessitant l’entente avec le vainqueur.
Olivier Wieviorka le souligne ni l’essentiel des Français ni la majorité des parlementaires à lui voter les
pleins pouvoirs ne voulaient lui donner ainsi mandat pour exclure les Juifs, briser l’unité nationale ou atteler
la France au char allemand.
Nombre de résistants de la première heure furent ainsi un temps maréchalistes par erreur, croyant que Pétain
jouait double-jeu et qu’en préparant la revanche, ils répondaient à ses vœux secrets. Henri Frenay ou le
journal clandestin Défense de la France citent ainsi élogieusement Pétain en 1941-1942, avant de revenir de
leurs illusions et de dénoncer son rôle comme équivoque et néfaste.
D’autres encore, les « vichysto-résistants », ont participé au régime de Vichy et à la mise en œuvre de sa
politique avant de se détourner de lui surtout après novembre 1942, tout en gardant leur respect pour Pétain
et pour tout ou partie de ses idées. Souvent, ils n’ont pas d’objection de fond à faire à celles-ci, mais
considèrent que le moment choisi pour les appliquer est inapproprié, tant que l’Allemand occupe encore le
territoire.
Des déçus de la IIIe République ont cru aussi que le régime de Pétain pouvait leur servir à mettre en place
leurs propres projets, et se sont ralliés à tout ou partie de sa révolution nationale. Ainsi, Emmanuel Mounier,
qui obtient la re-parution d’Esprit en novembre 1940 et dont le premier numéro de la revue paraît plutôt
favorable à la révolution nationale238, rompt avec Pétain dès mai 1941 par rejet radical de l'antisémitisme et
passe à la Résistance.
Si beaucoup de « collaborationnistes parisiens » méprisent Vichy et son chef qu’ils jugent trop réactionnaires
et toujours trop peu engagés aux côtés du Troisième Reich, nombre des ultras de la collaboration sont de très
fervents fidèles de Pétain, dont ils estiment relayer les appels publics à collaborer avec l’occupant : ainsi
Joseph Darnand ou encore Jacques Doriot qui se dit « un homme du Maréchal » jusqu’à fin 1941.
Un groupuscule clairement pro-nazi de zone nord se baptise même les « Jeunes du Maréchal ».
• Sociologie de l’adhésion
Les travaux pionniers de Pierre Laborie et de nombreux historiens permettent aujourd’hui de mieux cerner
l’évolution de l’opinion publique sous Vichy. Généralement, la révolution nationale, souci premier de Pétain,
intéresse peu les Français, et « patine » dès 1941.
La collaboration est très largement rejetée, mais beaucoup croient à tort que le maréchal est de bonne foi et
veut protéger les Français, voire qu’il est forcé par les Allemands à collaborer ou même prisonnier d’un
entourage « collabo ». C’est le thème ancestral du bon monarque trompé par ses mauvais ministres. Pierre
Laval est très impopulaire, il est unanimement haï.
Globalement, le prestige de Pétain est nettement plus faible chez les ouvriers que chez les paysans ou dans la
bourgeoisie, et encore faut-il apporter de nombreuses nuances.
Les prisonniers de guerre, coupés depuis 1940 de la réalité française et choyés par la propagande du régime,
sont en général restés maréchalistes ou pétainistes plus longtemps que les autres Français.
Si la grande majorité de l’épiscopat français est restée très maréchaliste voire pétainiste jusqu’en 1944, les
catholiques ont été, avec les communistes, une des catégories les plus engagées dans la Résistance.
• Évolution et permanence
Après les rafles de Juifs de l’été 1942, l’invasion de la zone sud en novembre 1942, puis l’instauration du
STO, le discrédit de Vichy est massif, mais épargne toutefois majoritairement la figure tutélaire du maréchal.
Cependant, celui-ci devient de plus en plus lointain aux yeux des Français.
Le 26 avril 1944, lorsque Pétain vient pour la première fois à Paris en quatre ans, une foule nombreuse
l'acclame et chante La Marseillaise.
Les sondages d’opinion effectués à l’automne 1944 ne montrent pas une nette majorité de Français
favorables à la condamnation du « traître » Pétain, cependant, la proportion exigeant la peine capitale ne
cesse d'augmenter au fil des mois.
Le PCF mena quant à lui une virulente campagne contre « Pétain-Bazaine », assimilant ainsi le chef de Vichy
au fameux traître de la guerre de 1870. La condamnation de Pétain au châtiment suprême, puis sa grâce,
furent majoritairement approuvées.