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Généralités 2

Avant l’occupation 2
I. Opinion personnelles avant la guerre 2
II. Entre-deux-guerres 3
La guerre, Vichy 3
I. L’homme de l’armistice 3
• À la drôle de guerre, le recours Pétain 3
• Vice-président du Conseil 4
II. Président du Conseil et armistice 4
III. Chef du régime de Vichy 5
A. Vote des pleins pouvoirs 5
• Installation du régime 5
• Culte du chef et de la popularité 6
B. Programme de révolution nationale 7
• Choix prioritaire du maréchal Pétain 7
• Réformes, contrôles et exclusions 8
Mesures contre la franc-maçonnerie 8

Mesures contre les Juifs 8

Mesures générales à l’égard des masses 9

• De la Légion à la Milice : délation et exactions 9


• Collaboration d’État 10
• Rencontre de Montoire 10
• Rafle du billet vert par la police française en 1941 10
• Rafle du Vel’ d’Hiv’ 11
• Après le tournant de novembre 1942 11
• L’arrestation, le procès, la condamnation et la fin 12
Maréchalistes, pétainistes et opinion pendant l’Occupation 13
• Déçus, maréchalistes, pétainistes, ceux passés à la résistance… une mosaïque de
comportements 13
• Sociologie de l’adhésion 13
• Évolution et permanence 14
Philippe Pétain

Généralités
Philippe Pétain, né le 24 avril 1856 et mort en détention le 23 juillet 1951 sur l'île d'Yeu (Vendée), est un
militaire, diplomate et homme d'État français.
Élevé à la dignité de maréchal de France en 1918, il est frappé d'indignité nationale et déchu de sa distinction
militaire en 1945.

Auréolé d'un immense prestige au lendemain de la guerre, il est le chef de l'armée d’après-guerre.

En 1925, il commande personnellement les forces françaises combattant aux côtés de l'Espagne dans la
guerre du Rif, remplaçant le maréchal Lyautey.

Devenu académicien en 1929, il occupe les fonctions de ministre de la Guerre de février à novembre 1934,
puis est nommé ambassadeur en Espagne en 1939, alors que le pays est dirigé par le général Franco.

Rappelé au gouvernement le 17 mai 1940, après le début de l'invasion allemande, il s'oppose à la poursuite
d'une guerre qu'il considère comme perdue et dont il impute bientôt la responsabilité au régime républicain.

Il devient président du Conseil en remplacement de Paul Reynaud le 16 juin ; le lendemain, il appelle à


cesser le combat. Selon la volonté d'Adolf Hitler, il fait signer l’armistice du 22 juin 1940 avec le Troisième
Reich, à Rethondes.

Investi des pleins pouvoirs constituants par l'Assemblée nationale, le 10 juillet 1940, il s'octroie le lendemain
le titre de « chef de l'État français », à 84 ans. Il conserve cette fonction durant les quatre années de
l'occupation de la France par l’Allemagne nazie.

Installé en zone libre à Vichy à la tête d'un régime autoritaire, il abolit les institutions républicaines et les
libertés fondamentales, dissout les syndicats et les partis politiques, et instaure une législation antisémite dès
août-octobre 1940.

Il engage le pays dans la révolution nationale et dans la collaboration avec l'Allemagne nazie. Le « régime de
Vichy », qu'il dirige jusqu'en juillet 1944, est déclaré « illégitime, nul et non avenu » par le général de Gaulle
à la Libération.

Philippe Pétain est jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison par la Haute Cour de justice en
juillet 1945. Il est frappé d'indignité nationale, condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de mort.

Alors que la cour recommande la non-application de cette dernière en raison de son grand âge, sa peine est
commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle. Il meurt sur l’île d'Yeu, où il est inhumé.

Avant l’occupation
I. Opinion personnelles avant la guerre
Pétain est élevé dans le catholicisme.
Dans l’esprit de la « grande muette », il reste discret sur ses opinions.
Dans l’armée assez aristocratique des années 1890, sa carrière est lente.
Il n’est pas anti-dreyfusard. Il aurait « toujours cru à l’innocence de Dreyfus », tout en considérant logique sa
condamnation, celui-ci s’étant mal défendu.
Il ne participe pas à la souscription en vue d’un « monument Henry ».
Au fond, Pétain s’occupe de fait peu de politique. Il ne s’engage, à la différence de nombreux militaires, ni
lors de l’affaire des fiches (1904), ni lors des débats sur la séparation des Églises et de l’État en 1905.

Cette image de républicain d’aucun parti perdurera pendant l’entre-deux-guerres.


A priori, aucune expression antisémite avant 1938. Il signe, en 1919, une pétition demandant de « venir au
secours des masses juives opprimées en Europe orientale ».

II. Entre-deux-guerres
Pétain devient la référence principale pour les anciens combattants pendant l’entre-deux-guerres.
Le 12 avril 1919, il a été élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

Il est chef de l’armée jusqu’en 1931, quelle que soit la majorité politique en place.

À partir de 1929, son opposition à Maginot l’écarte de la tête des armées au profit des collaborateurs de Foch
(Weygand). Grâce à sa popularité auprès des ligues (organisations politiques d’extrême droite); il réussie à
obtenir le ministère de la Guerre le 6 février 1934.

Le maréchal semble avoir été imperméable à l’antisémitisme avant la guerre. Il soutint la candidature
d’André Maurois à l’Académie française, fut représenté à l’enterrement d’Edmond de Rothschild en 1934,
témoin au mariage de l’économiste israélite Jacques Rueff en 1937 et parrain de sa fille en 1938

La guerre, Vichy
I. L’homme de l’armistice
• À la drôle de guerre, le recours Pétain
À la déclaration de la guerre en septembre 1939, Pétain refuse la proposition de Daladier d’entrer au
gouvernement.

Pétain ne fait pas mystère de son hostilité personnelle à la guerre contre Hitler.

« Autant il est certain qu’il n’a eu aucune part dans les intrigues tramées en vue d’une paix de compromis,
autant ile st manifeste qu’il a, depuis le début, son rôle dans les calculs de Laval et de certains membres du
complot de la paix. »
Les Français de l’an 40, Jean-Louis Crémieux-Brilhac

Pierre Laval — chef de fil des défaitistes — songe précocement à un gouvernement Pétain dont il serait le
vrai chef : « Son nom ! Son prestige ! Pas davantage » (Laval, cité par Crémieux-Brilhac).

Paul Reynaud, constatant la dégradation de la situation militaire, songe aussi à utiliser le prestige de Pétain
auprès des Français. Jugeant la situation pour lui favorable, il retourne à Paris.

« [Le maréchal] partage le mépris de la droite antiparlementaire pour le régime qui l’a couvert d’honneur.
[…] La France selon son coeur est la France paysanne dont il est issue, respectueuse des hiérarchies, et de
l’ordre établi, telle qu’il souhaitera la faire revivre à Vichy. Ses vues politiques sont courtes : il ne supporte
pas les bavardages politiciens ; il reproche aux instituteurs socialistes d’avoir favorisé l’antipatriotisme,
comme au Front populaire d’avoir favorisé le désordre. Son bon sens proverbial va de pair avec une grande
ignorance et des vues simplistes en matière de politique étrangère. […] Il ne voit rien de plus en Hitler qu’un
Guillaume II plébéien ; il ne doute pas qu’on puisse s’accommoder avec lui moyennant quelques
sacrifices. »
Les Français de l’an 40, Jean-Louis Crémieux-Brilhac

L’action de Pétain est déjà marquée par une anglophobie et un défaitisme dès 14-18.
• Vice-président du Conseil
Le 17 mai 1940, Pétain est nommé vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud.
Pour Reynaud, il s’agit de remonter le moral des Français, de resserrer les rangs et de renforcer sa propre
image au parlement.

La nomination est bien accueillie dans le pays, par le parlement et la presse, mais sans excès d’ovation non
plus.

Paul Reynaud sous-estime le vieil homme qu’est Pétain, il n’imagine pas qu’il puisse jouer un rôle autre que
symbolique.

Pourtant, dès le 26 mai, dans une notre à Reynaud, Pétain refuse de considérer les chefs militaires comme
responsables de la défaire. Il rejette la responsabilité du désastre sur « la faute que le pays a et que vous
avons tous commise, ce gout de la vie tranquille, cet abandon de l’effort qui nous amenés là où nous
sommes ».

Cette interprétation moraliste de la défaite annonce les appels à la contrition nationale et la politique d’ordre
moral qui caractériseront le régime de Vichy.

Le 4 juillet, il explique à Bullit qu’en cas de défaite « le gouvernement français doit faire tout son possible
venir à composer avec les Allemands, sans se préoccuper du sort de l’Angleterre ».

À partir du 13 juin, alors que la bataille de France est perdue et le gouvernement replié en Touraine, Pétain se
ouvertement l’un des avocats les plus constants de l’armistice au sein du gouvernement. Il déclare dans une
note qu’il lit au Conseil des ministres qu’il n’est aucunement question pour lui de quitter la France pour
poursuivre la lutte.

Le 14 juin 1940, Paris est occupé par l’armée allemande. Le Gouvernement, le président de la République et
les Assemblées sont alors réfugiés à Bordeaux. Pétain s’y confirme comme le chef de file des partisans de
l’armistice et met sa démission dans la balance.

Il s’oppose au projet de fusion entre les gouvernements britannique et français.

II. Président du Conseil et armistice


Paul Reynaud, le 16 juin 1940, présent la démission du Gouvernement et suggère — en cela suivi par les
présidents du Sénat et de la Chambre des députés — de confier la présidence du Conseil au maréchal Pétain.
Le choix est aussitôt approuvé par le président de la République Albert Lebrun.
Il semblerait qu’il ait espéré qu’un échec de Pétain à obtenir l’armistice lui permette de revenir très vite au
pouvoir.

Le 17 juin, il demande aux Allemands, par l’intermédiaire du gouvernement espagnol, les conditions d’un
armistice — suivant le conseil du chef d’état-major des armées, le général Maxime Weygand.

Le discours qu’il enregistre et radiodiffuse (« C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut
cesser le combat… ») a un effet désastreux sur le moral des troupes et précipite de fit l’effondrement des
armées françaises.

Du 17 juin à l’entrée en vigueur de l’armistice le 25, les Allemands font plus de prisonniers que depuis le
début de l’offensive le 10 mai.

Dans ce même dissous, Pétain anticipe la création de son propre régime. Il déclare faire « don de sa personne
à la France ».
Le 20 juin, dans un nouveau discours (également rédigé par le juif Emmanuel Berl), l’annonce les tractations
en vue de l’armistice. Il en détaille les motifs, ainsi que les leçons que, selon lui, il faudra en tirer. Il y fustige
« l’esprit de jouissance » : « Depuis la victoire [de 1918], l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de
sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le
malheur ».

L’armistice est signé le 22 juin 1940 dans la clairière de Compiègne, après avoir été approuvé par le Conseil
des ministres et le président de la République.

Les causes de la défaite sont à rechercher selon lui dans l’esprit de relâchement : « notre défaite est venue de
nos relâchements. L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié ».

Le Gouvernement s’installe d’abord, le 29 juin, dans la région de Clermont-Ferrand puis déménage à Vichy
le 1er juillet, pour des raisons de capacités d’hébergement. La ville présente l’avantage d’un réseau
téléphonique extrêmement performant et de la présence d’une multitude d’hôtels, réquisitionnés pour abriter
les différentes ministères et les ambassades.

III. Chef du régime de Vichy


A. Vote des pleins pouvoirs

Les « tous pouvois au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du Marchal Pétain »
sont accordés par une loi dite constitutionnelle votée par les deux Chambres le 10 juillet 1940, réunies en
Assemblée nationale au casino de Vichy.
Ces pleins pouvoirs sont dispensés du contrôle de l’Assemblée et le gouvernement est missionné de rédiger
une nouvelle Constitution — qui ne verra jamais le jour.

l’État français remplace la dénomination République française.

La constitutionnalité de cette réforme a été contestée par plusieurs motifs.


- La constitution ne peut pas être modifiée sous la menace directe d’un ennemi.
- La confusion de tous les pouvoirs entre les mêmes mains étaient contraire aux fondements même des lois
constitutionnelles de 1875, fondées sur une séparation des pouvoirs.
Il en résulte un régime anti-démocratique, sans constitution et sans contrôle parlementaire.

Stanley Hoffman qualifiera ce régime de « dictature pluraliste ».


Robert Aron, Robert Paxton et mArc Ferro évoquent, au sujet de Pétain, des dictateurs tels que Salazar et son
régime, Franco, voir Mussolini.

Pour Aron : « La première [période du pouvoir de Vichy], qui va de l’armistice au 13 décembre 1940, est
celle où Pétain peut encore avoir l’illusion d’être un chef d’État autoritaire, qui ne doit rien à personne et
don le pouvoir en France est presque l’équivalent de celui des dictateurs Salazar au Portugal, Franco en
Espagne, ou Mussolini en Italie ».

Selon Paxton : « Pétain lui-même se trouvait plus de points communs avec Franco et Salazar qu’avec
Hitler ».

Pour Ferro, c’est l’exemple de Salazar qui inspire le programme du maréchal, ainsi : « le régime [qu’il]
institue évoque effectivement plutôt le salazarisme » et : « les régimes de Kemal, Horthy, Franco, avaient ses
préférences par rapport à celui de Mussolini du fait de la dualité Mussolini-Victor-Emmanuel III et selon
l’idée qu’il se fait de son pouvoir : « le Maréchal n’a de compte à rendre qu’à sa conscience », mais de loin
il préférait celui de Salazar ».

• Installation du régime
Auto-proclamation dès le 11 juillet 1940 de Pétain, chef de l’État français. Il s’arroge tous les pouvoirs.
Par là-même, abolit l’article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. Cela revient à détruire le
fondement même de la République. C’était cet article qui établissait le régime républicain en France.

Laval lui dit un jour : « Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l’étendue de vos pouvoirs ? […] Ils sont
plus grands que ceux de Louis XIV, parce que Louis XIV devait remettre ses édits au Parlement, tandis que
vous n'avez pas besoin de soumettre vos actes constitutionnels au Parlement, parce qu'il n'est plus là ». Il lui
répond : « c’est vrai ».

Pétain s’ajoute, aux attributs régaliens, des droits inédits, même du temps de la monarchie absolue :
- Il peut rédiger et promulguer seul une nouvelle Constitution.
- Il peut désigner son successeur (qui est le vice-président du Conseil).
- Il a la plénitude du pouvoir gouvernemental et nomme et révoque les ministres et secrétaires d’état qui ne
sont responsables que devant lui.
- Il exerce le pouvoir législatif en conseil des ministres.
- Les lois sont adoptées de sa seule autorité et promulguées sur la formule : « Nous, maréchal de France, le
Conseil des ministres entendu, décidons… »
Par prudence, il évite de s’attribuer le droit de déclarer la guerre seul et doit pour cela consulter les
éventuelles assemblées.
le 13 décembre 1940, il évince brusquement Pierre Laval du pouvoir, non par désaveu de la politique de
collaboration avec l’Allemagne nazie menée par ce dernier, mais par irritation devant sa manière trop
indépendante de la conduire. Il est remplacé par Flandin.
Pétain signe la révocation de nombreux maires, préfets et hauts fonctionnaires républicains, dont le préfet
d'Eure-et-Loir, Jean Moulin, et le président de la Cour des comptes Émile Labeyrie.

Il supprime précocement tous les contre-pouvoirs institutionnels à son autorité, et tout ce qui rappelle trop le
régime républicain, désormais honni.
Le mot même de République disparaît.
Suspension des libertés publiques et des partis politiques, à l’exception de ceux des collaborationnistes
parisiens qui subsistent en zone nord.
Dissolution des centrales syndicales.
Pénalisation de la franc-maçonnerie.

Mise en sommeil ou suppression de toutes les assemblées, Chambres et conseils généraux.


Destitution de milliers de municipalité dont les maires o’not pas voulu signer un serment d’allégeance à
Pétain lui-même.
Elles sont remplacées par des délégations spéciales, nommées par décret du pouvoir central.

30 juillet 1940, création de la Cour suprême de justice — cour de Riom. Juridiction d’exception chargée de
conduire le procès des hommes politiques et du général Maurice Gamelin — accusé de l’impréparation et de
la défaite militaire du pays.
Léon Blum, Daladier et le général Gamelin sont arrêtés.
Pétain envisage la condamnation de Reynaud et de Mandel.

Le procès de Riom est un échec pour le régime de Vichy. Censé servir Vichy en jugeant les ministres du
Front populaire et, par là-même, les instruction s de la IIIe République, il tourne à la confusion des
accusateurs qui deviennent accusés.
Blum et Daladier bousculent les juges par leur connaissance des dossiers relatifs à la défense nationale. Ils
rappellent la responsabilité du gouvernement Doumergue dont faisait partie Pétain en tant que ministre de la
Guerre. Celui-ci a réduit les crédits militaires en 1934.
Le 11 avril 1942, Pétain reporte le procès sine die par décret.
Les accusés demeurent internés.
Fin mars 1943, Vichy cède aux Allemands leur transfert sur le territoire du Reich.

Vichy condamne par contumace Charles de Gaulle et ses compagnons, qui sont déchus de la nationalité
française.
Automne 1941, Vichy envoie à la guillotine plusieurs prisonniers communistes (dont le député Jean Catelas)
en représailles à des attentats anti-allemands.

• Culte du chef et de la popularité


Le régime exploite le prestige du maréchal — le vainqueur de Verdun — et diffuse un culte de la
personnalité omniprésent. Les photos du maréchal figurent dans les vitrines de tous les magasins, sur les
murs des cités, dans toutes les administrations, ainsi qu’aux murs des classes dans tous les locaux scolaires et
dans ceux des organisations de jeunesse. On le retrouve jusque sur les calendriers des PTT.
Dans ce processus, rôle prédominant de Bernard Ménétrel.
Apparition du visage sur les timbres et pièces de monnaies. Les bustes de Marianne sont retirés des mairies.
La Saint-Philippe, le 3 mai, est célébrée à l’instar d’une fête nationale. Le célèbre hymne Maréchal, nous
voilà ! Est interprété dans de nombreuses cérémonies en lieu et place de la Marseillaise.
À qui douterait, des affiches de propagande proclament : « Êtes-vous plus Français que lui ? » ou encore
« Connaissez-vous mieux que lui les problèmes de l’heure ? ».
Pétain exige des fonctionnaires d’État un serment de fidélité à sa propre personne.
Progressivement, c’est l’ensemble des fonctionnaires, jusqu’aux postiers, qui devront lui prêter serment.
Certains hauts fonctionnaires en zone occupée où l’autorité de Vichy est moins assurée éviteront
discrètement de prêter serment à Pétain et pourront conserver leur poste après la guerre.

Toute une littérature trouve des accents quasi-idolâtres pour exalter le maréchal comme un sauveur
messianique. Son sacrifice est exalter, il est comparé à Jeanne d’Arc ou à Vercingétorix. Un chêne pluri-
centenaire reçoit son nom en forêt de Tronçais. De nombreuses rues sont débaptisées et prennent son nom sur
ordre.

Henri Pourrait reçoit le Goncourt pour son livre Vent de Mars. Il devient le chantre officiel du nouveau
régime. Il se fait l'hagiographe du chef de l'État français avec la sortie de son livre Le Chef français publié
par Robert Laffont en 1942.

Pétain entretient sa popularité par de nombreux voyages à travers la zone sud. Surtout en 40-42. De
considérables foules viennent l’acclamer.
Il entretient le contact radio avec la population. Sa rhétorique est sobre et claire. Il a des formules percutantes
pour. Faire mieux accepter son autorité absolue et ses idées réactionnaires : « La terre, elle, ne ment pas »,
« Je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal » (aout 1940), « Je vous ai parlé jusqu’ici le langage
d’un père, je vous parle à présent le langage d’un chef. Suivez-moi, gardez confiance en la France
éternelle » (novembre 1940).

De nombreux évêques et hommes d’Église mettent leur autorité morale au service d’un culte ardent du
maréchal, salué comme l’homme providentiel.
Le primat des Gaules, le cardinal Gerlier, proclame à la primatiale Saint-Jean de Lyon, en présence du
maréchal « Car Pétain, c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain ! ».
De nombreux Français de tous bords et de toutes croyances communient pareillement dans la confiance au
Maréchal. En particulier, le vieux chef monarchiste Charles Maurras, qui salue son arrivée comme une
« divine surprise ».

Toutefois, les ultras de la Collaboration », basés à Paris, sont généralement hostiles à Vichy et à la révolution
nationale. Elle est trop réactionnaire, pas assez loin engagés dans l’appui à l’Allemagne nazie.
Cependant, l’historiographie récente, à la suite de Philippe Burrin et Jean-Pierre Azéma, insiste davantage
sur les passerelles entre ces hommes de Paris et ceux de Vichy.

Un homme comme Joseph Darnand, ultra-collaborationniste, futur chef de la Milice française, est, pendant
toute l’Occupation, un inconditionnel fervent du Maréchal.
Le chef fasciste Jacques Doriot proclame jusqu’à la fin 1941 qu’il est « un homme du Maréchal ».
Son rival, Marcel Déat, a essayé en 1940 de convertir Pétain à son projet de parti unique et de régime
totalitaire. « un parti ne peut pas être unique », lui répond-t-il. Il quitte définitivement Vichy et attaque
ensuite Pétain dans son journal L’Oeuvre.
Le chargé de l’action sociale auprès des travailleurs français en Allemagne, Gaston Bruneton, voue un
vénération sans bornes pour Pétain.

B. Programme de révolution nationale

• Choix prioritaire du maréchal Pétain


Le régime de Vichy instaure un régime contre-révolutionnaire et autoritaire. Il veut réaliser une révolution
nationale à fortes consonances antisémites, qui rompt avec la tradition républicaine et instaure un ordre
nouveau fondé sur :
- l’autorité
- la hiérarchie
- Le corporatisme
- L’inégalité entre les citoyens
Sa devise : « Travail, Famille, Patrie est empruntée aux Croix-de-Feu. Il remplace le triptyque républicain.

Dès l’été 1940, un discours du maréchal Pétain prévient que le nouveau régime « sera une hiérarchie
sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, mais sur l'idée nécessaire de
l'égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». »

La révolution nationale est sa priorité. Il en fait son affaire personnelle. Dès août 1941, il reconnait la
faiblesse des échos qu’ont rencontré ses projets, parmi la masse de la population.
Avec le retour au pouvoir de Laval en avril 1942, la révolution nationale n’est plus à l’ordre du jour.

L’historiographie récente, depuis les travaux d'Henri Michel, Robert Paxton ou Jean-Pierre Azéma, tend à
montrer que le désir de pouvoir enfin « redresser » la France à sa façon a poussé largement Pétain, en juin
1940, à retirer la France de la guerre par l’armistice. C’est également lui qui le pousse à accepter l’entente
avec le vainqueur : la révolution nationale ne peut prospérer que dans une France défaite, car c'est la défaite
qui rend caduques les institutions républicaines qui l'ont provoquée et justifie la nécessité d'une telle
révolution. Pour les pétainistes, une victoire alliée signifierait de plus le retour des Juifs, des francs-maçons,
des républicains et des communistes.

Pétain semble négliger le péril et la contradiction qu’il y a à entreprendre ses réformes sous le regard de
l’occupant. Certains résistants qui auraient pu être tentés par le programme de Pétain estiment dangereux de
se tromper sur les priorités et vain d’entreprendre des réformes, tant que les Allemands ne sont pas chassés
du pays.

Le chef de la Légion française des combattants, nommé par Pétain lui-même, François Valentin, rejoint
Londres en août 1943. Dans un message qu’il fait diffuser à la BBC, il fait son autocritique et dénonce la
faute grave du maréchal et de ses fidèles : « On ne reconstruit pas sa maison pendant qu’elle flambe ! »

• Réformes, contrôles et exclusions

Mesures contre la franc-maçonnerie


Premières mesures : loi du 13 août 1940
Prévoit la dissolution des sociétés secrètes et interdit la franc-maçonnerie en France et dans toutes les
colonies et territoires sous mandat français.
Les sièges des obédiences sont occupés par la police et les temples maçonniques sont fermés quelques jours
après.
En septembre 40, le gouvernement oblige tous les agents publics à faire une déclaration, afin de servir le
nouveau régime, certifiant qu'ils ne sont pas francs maçons ; s'ils le sont, ils se retrouvent exclus de la
fonction publique ou de l’armée.

Mesures contre les Juifs


Secondes mesures : loi du 3 octobre 1940
Dirigée contre les juifs, alors même que le maréchal semble avoir été imperméable à l’antisémitisme avant la
guerre. Il soutint la candidature d’André Maurois à l’Académie française, fut représenté à l’enterrement
d’Edmond de Rothschild en 1934, témoin au mariage de l’économiste israélite Jacques Rueff en 1937 et
parrain de sa fille en 1938.
En octobre 1940, sans aucune demande particulière de la part des Allemands, des lois d’exclusion adoptées à
la hâte contre les Juifs sont promulguées.
Selon le témoignage du ministre des Affaires étrangères Paul Baudouin, Pétain a personnellement participé à
la rédaction du statut des Juifs et insisté pour qu’ils soient par exemple davantage exclus du milieu médical
et de l’enseignement.
Pétain a durci la version première et fait étendre l'exclusion à la totalité des Juifs de France, alors qu'elle ne
devait concerner d'abord que les Juifs ou descendants de Juifs naturalisés après 1860.
Son implication personnelle dans la rédaction du texte est indubitable.
Les textes du 3 octobre 40 sont durcis le 2 juin 41 : ils excluent les Français de « race juive » (selon la
religion des grands-parents) de la plupart des fonctions et activités publiques.
Des quotas sont fixés pour l’admission des Juifs au barreau, dans le monde universitaire ou médical.
La liste des métiers interdit s’allonge démesurément.

Le 29 mars 1941, promulguée par le maréchal, est créé un Commissariat général aux questions juives.

Pétain manifeste personnellement des orientations proches de L’Action française et cite surtout en exemple à
ses proches les régimes conservateurs et cléricaux de Salazar et de Franco, qu’il connaît personnellement
depuis 1939.
Son régime est le seul d’Europe à développer un programme de réformes intérieures, indépendant des
demandes allemandes.

Mesures générales à l’égard des masses


Dans l’optique de la « restauration » de la France, le régime de Vichy crée très tôt, sous la direction de
Joseph de La Porte du Theil, des camps de formation qui durent six mois et qui deviendront plus tard les
Chantiers de la jeunesse française. Cela vise à réunir une classe d’âge et, par des méthodes proche du
scoutisme, inculquer les valeurs morales du nouveau régime (culte de l’hiérarchie, rejet de la ville
industrielle corruptrice) et la vénération à l’égard du chef de l’État.

Pétain prononce le 1er mai 1941 un discours à Saint-Etienne à destination des ouvriers. Il expose sa volonté
de mettre fin à la lutte des classes. Contre le capitalisme libéral et contre la révolution marxiste.
Il énonce les principes de la future Charte du travail, promulguée en octobre 1941.
La Charte interdit les grèves et les lock-out. Elle instaure le système du syndicat unique et le corporatisme.
Elle métaphysique en place des comités sociaux qui préfigurent les comités d’entreprise. Elle prévoit la
notion de salaire minimum.

La Charte séduit syndicalistes et théoriciens de tous bords (René Belin, Hubert Lagardelle). Mais elle peine à
entrer en application et se brise sur l’hostilité de la classe ouvrière au régime et à ses idées.
L’aggravation des pénuries, l’instauration du Service du travail obligatoire (STO) en septembre 1942 et la
lutte menée contre elle par les syndicats clandestins de la Résistance intérieure française participent de cette
hostilité.

Les paysans sont longtemps les vrais bénéficiaires du régime de Pétain.


« La terre, elle, ne ment pas. »
Il encourage le retour à la terre. Politique soldée d’un échec, puisque c’est seulement 1500 personnes qui, sur
quatre ans, suivent ses conseils.
La Corporation paysanne est fondée par une loi du 2 décembre 1940.
Une partie de ses membres se détachent du régime fin 1943 et fondent un syndicalisme paysan clandestin, la
Confédération générale de l’agriculture (CGA) qui voit le jour le 12 octobre 1944, lors de la dissolution de la
Corporation paysanne par les autorités.
Il se prolongera en tant que FNSEA en 1946.

Développant fréquemment et complaisamment la vision doloriste d’une France « décadente » qui expie
maintenant ses « fautes » antérieures, Pétain entretient les Français dans une mentalité de vaincu : « Je ne
cesse de me rappeler tous les jours que nous avons été vaincus » (à une délégation, mai 1942), et manifeste
un souci particulier pour les soldats prisonniers, images mêmes de la défaite et de la souffrance : « Je pense à
eux parce qu’ils souffrent […] », (Noël 1941). Selon son chef de cabinet, Henry du Moulin de Labarthète, le
tiers du temps de travail quotidien du maréchal était consacré aux prisonniers. De ces derniers, Vichy rêvait
de faire les propagateurs de la révolution nationale à leur retour.

Le 4 septembre 1942, Pétain promulgue la première loi fondant le Service du travail obligatoire, complétée
par celle du 16 février 1943. Le STO organise en une dizaine de mois le départ forcé de plus de
600 000 travailleurs français, qui vont renforcer malgré eux l'Allemagne nazie.

• De la Légion à la Milice : délation et exactions


La période consécutive à l’armistice voit aussi la création de la « Légion française des combattants » (LFC),
à laquelle sont ensuite agrégés les « Amis de la Légion » et les « Cadets de la Légion ».
Fondée par le très antisémite Xavier Vallat le 29 août 1940, elle est présidée par le maréchal Pétain en
personne.
À côté des parades, des cérémonies et de la propagande, les Légionnaires actifs doivent surveiller la
population, et dénoncer les déviants et les fautifs de « mauvais esprit ».
À la fin de la guerre, alors que Vichy est devenu un régime fantoche aux ordres des Allemands, la Milice qui
compte au maximum 30 000 hommes, dont beaucoup d’aventuriers et de droit-communs, participe
activement à la lutte contre la Résistance, avec les encouragements publics du maréchal Pétain comme de
Pierre Laval, son président officiel.
Haïe de la population, la Milice perpètre régulièrement délations, tortures, rafles, exécutions sommaires, qui
se mêlent à d’innombrables vols, viols, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires.
Pétain attend le 6 août 1944 pour les désavouer dans une note à Darnand. Ce dernier n’est pas dupe !

• Collaboration d’État
Sur le plan de la politique extérieure, Pétain a retiré d’emblée le pays du conflit mondial en cours, et affecte
de croire que ce dernier ne concerne plus du tout la France. S’il refuse jusqu’au bout toute rentrée dans la
guerre aux côtés d’un des deux camps, il ne refuse pourtant pas le combat contre les Alliés chaque fois qu'il
en a l'occasion et annonce dès octobre 1940, son intention de reprendre par la force les territoires sous
autorité de la France libre.
Il pratique donc une « neutralité dissymétrique » qui profite aux Allemands.
Il choisit en effet de s’entendre avec le vainqueur et imagine que la France, avec son empire colonial, sa
flotte et sa bonne volonté à coopérer, peut obtenir une bonne place dans une Europe durablement
allemande.
Certaine naïveté de la part de Pétain : dans l’idéologie nazie, la France était en effet l’ennemie irréductible de
l’Allemagne, elle devait être écrasée et ne pouvait en aucun cas bénéficier d’une quelconque place
privilégiée à ses côtés.
Il est bien établi, depuis les travaux d'Eberhard Jäckel et surtout de Robert Paxton, que Pétain a activement
recherché et poursuivi cette collaboration avec l’Allemagne nazie.
Moins intéressé par la politique extérieure que par la révolution nationale, sa vraie priorité, Pétain laisse
Darlan et Laval mettre en œuvre les volets concrets de la collaboration d’État. Mais l’une est en réalité le
revers de l’autre, selon les constats concordants de l’historiographie contemporaine : les réformes vichystes
n’ont pu se mettre en place qu’en profitant du retrait de la France de la guerre, et elles ne sauraient survivre à
une victoire alliée.
Par ailleurs, le « mythe Pétain »174 est indispensable pour faire accepter à bien des Français la collaboration.
Le prestige du vainqueur de Verdun, son pouvoir légal sinon légitime, brouillent en effet dans les consciences
en désarroi la perception des devoirs et des priorités.

• Rencontre de Montoire
Après avoir affecté pendant trois mois de rester neutre dans le conflit en cours entre l’Axe et le Royaume-
Uni, Pétain engage personnellement et officiellement, par son discours radiodiffusé du 30 octobre 1940, le
régime de Vichy dans la collaboration à la suite de l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940, durant
laquelle il rencontra Hitler. Cette « poignée de main de Montoire », sera par la suite largement diffusée aux
actualités cinématographiques, et exploitée par la propagande allemande.

• Rafle du billet vert par la police française en 1941


Sur la base des recensements effectués, 6 694 Juifs étrangers, des Polonais pour la plupart, des hommes de
18 à 60 ans habitant en région parisienne, reçoivent une convocation pour « examen de situation » (le billet
vert), les sommant de se rendre, accompagnés d'un proche, dans divers lieux de rassemblement le 14 mai
1941.
Plus de la moitié (3 747) obéissent et sont aussitôt arrêtés pendant que la personne qui les accompagne est
invitée à aller leur chercher des affaires et des vivres.
Ils sont transférés en autobus à la gare d'Austerlitz et déportés le jour même par quatre trains spéciaux vers
les camps d'internement du Loiret.
Dans leur très grande majorité, les victimes de cette opération sont déportées lors des premiers convois de
juin et juillet 1942 et assassinées à Auschwitz-Birkenau.
Au printemps 1944 encore, Pétain ne condamne jamais les déportations, les rafles et les massacres quasi-
quotidiens, se taisant par exemple sur le massacre d'Ascq, où 86 civils sont massacrés par les Waffen SS dans
le Nord, près de Lille.

Par contre, il ne manque pas de dénoncer « les crimes terroristes » de la Résistance ou les bombardements
alliés sur les objectifs civils. Il encourage les membres de la Légion des volontaires français (LVF) qui
combattent en URSS sous uniforme allemand, leur garantissant dans un message public qu’ils détiennent
« une part de notre honneur militaire ».

• Rafle du Vel’ d’Hiv’


Lorsque fin juin 1942, Laval informe le Conseil des ministres de la prochaine mise en œuvre de la rafle du
Vélodrome d'Hiver, le procès-verbal témoigne que Pétain agrée comme « juste » la livraison de milliers de
Juifs aux nazis.

Maintenant antisémite, Pétain s’est opposé en mai 1942 à l'introduction en zone sud du port obligatoire de
l’étoile jaune, mais il n’a pas protesté contre son introduction en zone nord, et en zone sud son gouvernement
fait apposer le tampon « Juif » sur les papiers d’identité à partir de fin 1942.

En août 1943, comme les Allemands pressent Vichy de retirer en bloc la nationalité française aux Juifs, ce
qui aurait favorisé leur déportation, le nonce le fait prévenir discrètement que « le pape s’inquiète pour l’âme
du Maréchal », ce qui impressionne le vieil homme et contribue à l’échec du projet.

En tout, 76 000 Juifs parmi lesquels 11 000 enfants, non réclamés au départ par les Allemands, ont été
déportés de France sous l’Occupation, dont 80 % ont été arrêtés par la police française. Un tiers avait la
nationalité française. Seuls 3 % survivront aux déportations dans les camps de concentration.

À ce sujet, l'historien André Kaspi écrit : « Tant que la zone libre n'est pas occupée, on y respire mieux [pour
les Juifs] que dans la zone Nord. Qui le nierait ? Surtout pas ceux qui ont vécu cette triste période. De là cette
conclusion : Vichy a sacrifié les Juifs étrangers pour mieux protéger les Juifs français, mais sans Pétain, les
Juifs de France auraient subi le même sort que ceux de Belgique, des Pays-Bas ou de Pologne. Pendant deux
ans, ils ont d'une certaine manière bénéficié de l'existence de l'État français ».

• Après le tournant de novembre 1942


Pétain donne l’ordre de combattre les Alliés, lorsqu’ils débarquent en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942.
Il déclare « La France et son honneur sont en jeu. Nous sommes attaqués. Nous nous défendons. C’est
l’ordre que je donne. »
L’existence même de Vichy est en cause : si les forces de Vichy ne résistent pas à l’invasion alliées, les
Allemands envahiront la France non occupée et le reste de l’Afrique du Nord.
Les Alliées doivent donc faire face, pendant quelques jours, à une authentique résistance la part de l’Armée
de Vichy, obéissant aux ordres de ses chefs.

En réaction, le 11novembre, violant la convention d’armistice, les Allemands envahissent la zone sud. Pétain
refuse l'idée de gagner l'Afrique du Nord. Il veut surtout pouvoir continuer à « servir d’écran entre le peuple
de France et l’occupant ».
En fait, soulignent Robert Paxton et R. Franck, il reste fidèle à son choix de 1940, associant étroitement
retrait de la guerre, collaboration et révolution nationale.

Cette décision déçoit d’innombrables Français qui croyaient encore en un hypothétique « double jeu » secret
du maréchal et s’imaginaient qu’il souhaitait en secret préparer la reprise de la lutte et la revanche contre
l’ennemi.
Beaucoup se détachent du régime, tout en conservant généralement leur respect pour la personne du
maréchal Pétain et vont parfois gonfler les rangs clandestins des « vichysto-résistants » inspirés notamment
par les généraux Giraud et de Lattre de Tassigny. Il se répand le surnom « Maréchal Pétoche ».

En maintenant sa politique de collaboration, Pétain perd beaucoup de la popularité dont il jouissait depuis
1940, et la Résistance s’intensifie malgré le durcissement de la répression.
Pétain fait officiellement déchoir de la nationalité française et condamner à mort ses anciens fidèles François
Darlan et Henri Giraud, qui sont passés au camp allié en Afrique du Nord.
Il ne proteste à aucun moment lorsque fin 1942, puis à nouveau à l’automne 1943, une vague d'arrestations
frappe son propre entourage et écarte de lui un nombre important de conseillers et de fidèles dont Maxime
Weygand, Lucien Romier ou Joseph de La Porte du Theil, interné en Allemagne.
Il consent des délégations croissantes de pouvoirs à Pierre Laval, redevenu son dauphin, qui place ses fidèles
à tous les postes-clés et qui obtient de lui, à partir du 26 novembre 1942, de signer seuls les lois et les
décrets.

Fin 1943, voyant le sort de l’Axe scellé, Pétain tente de jouer en France le rôle du maréchal Badoglio en
Italie, lequel en septembre 1943, après avoir longtemps servi le fascisme, a fait passer le pays du côté allié.
Pétain espère ainsi qu’un nouveau gouvernement moins compromis aux yeux des Américains, doté d’une
nouvelle constitution pourra, au « jour J », écarter le général de Gaulle du jeu et négocier avec les libérateurs
l’impunité de Vichy et la ratification de ses actes.

Dans les derniers mois de l’Occupation, Pétain affecte désormais d’être un simple « prisonnier » des
Allemands, tout en continuant à couvrir en fait de son autorité et de son silence la collaboration qui se
poursuit jusqu’au bout, ainsi que les atrocités de l’ennemi et de la Milice française. En août 1944, il tente de
déléguer l’amiral Auphan auprès de De Gaulle pour lui transmettre régulièrement le pouvoir sous réserve que
le nouveau gouvernement reconnaisse la légitimité de Vichy et de sauvegarder « le principe de légitimité que
j’incarne ». « Aucune réponse ne fut donnée à ce monument de candeur » (La Seconde Guerre mondiale, t.
II, Raymond Cartier).

• L’arrestation, le procès, la condamnation et la fin


Le 17 aout 1944, les Allemands demandent à Pétain de se laisser transféré en zone nord. Il refuse et demande
une formulation écrite de cette demande. Après deux relances, Von Renthe-Fink revient le 19, il est
accompagné du général von Neurbroon qui lui indique disposé d’ « ordres formels de Berlin ».
Le texte écrit est soumis à Pétain : « Le gouvernement du Reich donne instruction d’opérer le transfert du
chef de l’État, même contre sa volonté ».
Devant le refus renouvelé du maréchal, les Allemands menacent de faire intervenir la Wehrmacht pour
bombarder Vichy.

Le lendemain, le 20 août 1944, il est emmené contre son gré par l’armée allemande à Belfort puis, le 8
septembre, à Sigmaringen, dans le sud-ouest de l'Allemagne, où s’étaient réfugiés les dignitaires de son
régime.
À Sigmaringen, Pétain refuse d’exercer encore ses fonctions et de participer aux activités de la Commission
gouvernementale. Il se cloître dans ses appartements, tout en préparant sa défense après avoir appris que la
Haute Cour de justice française se dispose à le mettre en accusation par contumace.

Le 23 avril 45, il obtient des Allemands qu’il sue conduisent en Suisse et des Suisses qu’ils l’acceptent sur
leur territoire. Pétain demande à regagner la France. Le Gouvernement provisoire de la République ne s’y
oppose pas. Il est remis aux autorités françaises le 26 avril.
Pris en charge par le général Koenig, il est interné au fort de Montrouge.

Philippe Pétain est jugé pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison par la Haute Cour de justice en
juillet 1945. Il est frappé d'indignité nationale, condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de
mort.
Compte tenu de la peine de dégradation nationale, Philippe Pétain est exclu automatiquement de l'Académie
française.
Toutefois, celle-ci s’abstint d’élire un remplaçant de son vivant au 18e fauteuil, égard dont bénéficia
également Charles Maurras.

Alors que la cour recommande la non-application de cette dernière en raison de son grand âge, sa peine est
commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle. Il meurt sur l’île d'Yeu, où il est
inhumé.
Maréchalistes, pétainistes et opinion pendant
l’Occupation
Il n’y a pas eu, en 40, 40 millions de pétainistes, devenus en 44, 40 millions de gaullistes.
La légende est tenace, c’est une légende.

Il ne fait nul doute qu’une majorité de Français, sonnés par la déroute d’une armée qu’ils croyaient
invincible, ont accueilli l’armistice comme un soulagement, de même que le maintien d’un gouvernement
français dirigé par un sauveur providentiel et susceptible à leurs yeux de faire écran entre entre eux et
l’occupant.
Peu sont ceux qui ont perçu d’emblée que le retrait de la guerre condamnait le pays à une longue occupation
nécessitant l’entente avec le vainqueur.
Olivier Wieviorka le souligne ni l’essentiel des Français ni la majorité des parlementaires à lui voter les
pleins pouvoirs ne voulaient lui donner ainsi mandat pour exclure les Juifs, briser l’unité nationale ou atteler
la France au char allemand.

• Déçus, maréchalistes, pétainistes, ceux passés à la résistance… une mosaïque de


comportements
Autre chose est d’être maréchalistes, autre chose est d’être pétainiste. Cette distinction de Stanley Hoffman
s’est imposée à l’historiographie contemporaine.
Les « maréchalistes » font confiance à Pétain comme bouclier des Français.
Beaucoup plus minoritaires, les « pétainistes » approuvent en plus son idéologie réactionnaire et sa politique
intérieure, voire la collaboration d’État.
Maurras lui-même le dit : « Un très net et très fort courant d’affection nationale s’était déchaîné. Il allait
croissant. Seulement il allait à l’homme, il s’arrêtait devant l’œuvre ».

Nombre de résistants de la première heure furent ainsi un temps maréchalistes par erreur, croyant que Pétain
jouait double-jeu et qu’en préparant la revanche, ils répondaient à ses vœux secrets. Henri Frenay ou le
journal clandestin Défense de la France citent ainsi élogieusement Pétain en 1941-1942, avant de revenir de
leurs illusions et de dénoncer son rôle comme équivoque et néfaste.

D’autres encore, les « vichysto-résistants », ont participé au régime de Vichy et à la mise en œuvre de sa
politique avant de se détourner de lui surtout après novembre 1942, tout en gardant leur respect pour Pétain
et pour tout ou partie de ses idées. Souvent, ils n’ont pas d’objection de fond à faire à celles-ci, mais
considèrent que le moment choisi pour les appliquer est inapproprié, tant que l’Allemand occupe encore le
territoire.

Des déçus de la IIIe République ont cru aussi que le régime de Pétain pouvait leur servir à mettre en place
leurs propres projets, et se sont ralliés à tout ou partie de sa révolution nationale. Ainsi, Emmanuel Mounier,
qui obtient la re-parution d’Esprit en novembre 1940 et dont le premier numéro de la revue paraît plutôt
favorable à la révolution nationale238, rompt avec Pétain dès mai 1941 par rejet radical de l'antisémitisme et
passe à la Résistance.

Si beaucoup de « collaborationnistes parisiens » méprisent Vichy et son chef qu’ils jugent trop réactionnaires
et toujours trop peu engagés aux côtés du Troisième Reich, nombre des ultras de la collaboration sont de très
fervents fidèles de Pétain, dont ils estiment relayer les appels publics à collaborer avec l’occupant : ainsi
Joseph Darnand ou encore Jacques Doriot qui se dit « un homme du Maréchal » jusqu’à fin 1941.
Un groupuscule clairement pro-nazi de zone nord se baptise même les « Jeunes du Maréchal ».

• Sociologie de l’adhésion
Les travaux pionniers de Pierre Laborie et de nombreux historiens permettent aujourd’hui de mieux cerner
l’évolution de l’opinion publique sous Vichy. Généralement, la révolution nationale, souci premier de Pétain,
intéresse peu les Français, et « patine » dès 1941.
La collaboration est très largement rejetée, mais beaucoup croient à tort que le maréchal est de bonne foi et
veut protéger les Français, voire qu’il est forcé par les Allemands à collaborer ou même prisonnier d’un
entourage « collabo ». C’est le thème ancestral du bon monarque trompé par ses mauvais ministres. Pierre
Laval est très impopulaire, il est unanimement haï.

Globalement, le prestige de Pétain est nettement plus faible chez les ouvriers que chez les paysans ou dans la
bourgeoisie, et encore faut-il apporter de nombreuses nuances.

Les prisonniers de guerre, coupés depuis 1940 de la réalité française et choyés par la propagande du régime,
sont en général restés maréchalistes ou pétainistes plus longtemps que les autres Français.

Si la grande majorité de l’épiscopat français est restée très maréchaliste voire pétainiste jusqu’en 1944, les
catholiques ont été, avec les communistes, une des catégories les plus engagées dans la Résistance.

• Évolution et permanence
Après les rafles de Juifs de l’été 1942, l’invasion de la zone sud en novembre 1942, puis l’instauration du
STO, le discrédit de Vichy est massif, mais épargne toutefois majoritairement la figure tutélaire du maréchal.
Cependant, celui-ci devient de plus en plus lointain aux yeux des Français.

Le 26 avril 1944, lorsque Pétain vient pour la première fois à Paris en quatre ans, une foule nombreuse
l'acclame et chante La Marseillaise.

Les sondages d’opinion effectués à l’automne 1944 ne montrent pas une nette majorité de Français
favorables à la condamnation du « traître » Pétain, cependant, la proportion exigeant la peine capitale ne
cesse d'augmenter au fil des mois.

Le PCF mena quant à lui une virulente campagne contre « Pétain-Bazaine », assimilant ainsi le chef de Vichy
au fameux traître de la guerre de 1870. La condamnation de Pétain au châtiment suprême, puis sa grâce,
furent majoritairement approuvées.

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