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La Marche Orientale Du Mali
La Marche Orientale Du Mali
Africanistes
Pageard Robert. La marche orientale du Mali (Ségou-Djenné) en 1644, d'après le Tarikh es-Soudan. In: Journal de la Société
des Africanistes, 1961, tome 31, fascicule 1. pp. 73-81;
doi : https://doi.org/10.3406/jafr.1961.1930
https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1961_num_31_1_1930
PAR
Robert PAGEARD.
Sansandinglâ
bambara. Les chefs sont des Traoré, comme dans toute la région qui
s'étend de Sibila à Siela. Les habitants actuels de Farakou gardent
le souvenir d'un Farakou Mansa qui était vêtu de rouge et ne quittait
son bonnet qu'en signe de malédiction. Le pouvoir de ce Mansa
s'étendait, semble-t-il, jusqu'à un groupe de trois énormes baobabs situé
à l'est de Ségoubougou en bordure de la route Ségou-Bamako.
Farakou est situé au milieu de vallonnements remarquables, jonchés de
fragments de poteries. Les cultivateurs découvrent de temps à autre
des poteries cassées ou intactes d'une facture aujourd'hui perdue. Les
briques, beaucoup plus petites et résistantes que les briques de banco
actuelles, retiennent aussi l'attention.
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Abderrahmane Es-Sa'di quitte Komina le mardťj/septembre 1644
au matin. Il ne se dirige pas vers Farakou mais prend la route de
l'Est, celle de Zoula ou Zoulo. Cette localité est l'actuel Yolo, situé
à 28 km à l'est de Komina. A midi, il a parcouru 23 km et entre à
Mâkira, l'actuel Makli (fondé par les mêmes guerriers sarakollé que
Sansanding et Founoungouni, ancien Firi). Un orage l'arrête et il
n'arrive à Yolo que vers 15 heures.
Le chef de Yolo porte le titre sarakollé de Faren (Zoula Faran). Ce
titre a été porté par beaucoup de chefs de province après la disparition
de l'empire du Ghana : on le trouve chez les Diawara (Faren), chez
les Sonraï (Fari ou Farem) et au xvine siècle, il était en usage parmi
les Malinké du Bambouc (Farin). Yolo, qui demeure à dominante
sarakollé, est actuellement un important marché dans une région assez
prospère. ^-ч
Le mercredi/8yseptembre,_Abderrahmane atteint F^ala, à 15 km au
sud-est de Yoro, sur l'axe Ségou-Djenné (via Boussé, Fatimé et Si).
Le chef de la localité porte également le titre de Faran. L'ancien
village, en bordure de la piste, a été abandonné pendant la guerre de
1914-1918 à la suite d'une épidémie. Selon les autochtones, le mot
Fala serait à rapprocher de l'existence d'un important marigot en
hivernage. Cette région est en effet très marécageuse et a une
communication avec le Niger. Le Fala actuel est entièrement marka : on y
trouve notamment des familtes Koné, Konéké et Ouangaraba.
Dans la matinée du jeudi(9/septembre, Abderrahmane effectue le
trajet Fala-Fatimé (appelé Foutina dans~le Tarikh) long de 15 km.
Fatimé, qui est aujourd'hui le centre le plus important à l'est du
cercle de Ségou (avec école et dispensaire) dépendait alors du Kamiya
Mansa, un Traoré. Kamiya se trouve à une douzaine de kilomètres
au nord de Fatimé, au bord du Fala (marigot) dont il vient d'être
parlé ; dans l'histoire du pays, Kamiya fait figure de capitale de la
religion et de la magie.
Fatimé est un village de fondation sarakollé. Les Bambara s'y
installèrent sous Fama Dah (1808-1827), dans un quartier séparé. La
famille sarakollé la plus ancienne est celle des Koita. Parmi les autres
familles notables actuelles on relève celle des Tereta (marabouts) et
des Diane (chefs). Des ruines importantes existent aux environs de
Fatimé (lieu dit Tomola). ^.
Dans la matinée du vendredi UO) ^Abderrahmane,. reprenant la
grande piste transversale ouest-est, arrive à Tongué (Топко dans le
Tarikh), situé à une dizaine de kilomètres à l'est de Fatimé. Tongué,
qui est actuellement dans le cercle de Macina et administré par Sarro,
dépendait alors de Siela (Chila du Tarikh) qui est aujourd'hui un chef-
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lieu de canton du cercle de San. Les chefs de Tongué sont eux aussi
des Massalé Traoré. On trouve à Tongué un quartier sarakollé, un
quartier bambara (quartier de Sarro) et un quartier des gens de Djenné
(djennékaou). Parmi ces derniers figurent des Touré et des Haidara.
Les gens de Djenné paraissent être anciennement installés. Ils seraient
venus avec les marchands d'esclaves appelés ici « galo » : ce commerce
s'orientait vers Tombouctou.
Vers 14 heures, ce même vendredi(lp'septembre 1644, Abderrahmane
Jé et va passer la nuit à Fermannata, qui est peut-
être Tabara, ancien village entouré de buttes-témoins et qui comporte
un quartier sarakollé (8 km à l'est de Tongué). Il pourrait s'agir aussi
de Garangata, situé sur une autmonste, à 10 km au sud-est de Tongué.
Dans la matinée du samedi Ql/ le voyageur arrive dans la ville du
Chila Koï, c'est-à-dire Siela (20 km à l'est de Tongué). Le village se
dit entièrement sarakollé alors que les chefs, toujours des Traoré,
déclarent que leurs ancêtres, parents des Keita par le mariage, sont
venus du Mandé. On note aussi la présence des familles Fofana,
Kobara et Koné.
Les seules guerres dont on se souvienne sont celles qui ont été
soutenues contre les gens de Kong (invasions venues du Sud et dirigées
par les chefs dioulas) et contre les Peul du Macina.
Continuant sa route à marche forcée, Es-SaMi^rrive à 13 heures
à Tamakou ou Tamagorola (probablement leTamangorola de la
carte de San au 1 /200 000) et couche à Timi-Tama, la ville du Oron
Koï, qui peut être Titama ou Wolon. Le port de Bina, sur le Bani,
où le voyageur s'embarque pour Djenné, ne doit pas être celui qui
se trouve sur la rive droite au nord de Kirina (peut-être le Kigh'ni
du Tarikh) car il paraît difficile de parcourir 20 km et de traverser
un fleuve en une seule matinée : or, Es-Sa'di se trouve à Bina dans la
matinée du dimanche (l^) La fin du voyage est extrêmement rapide
puisque dans la journée du,$ra^*h2, Abderrahmane >E£Sadi a
parcouru 45 km entre Fermannata et Wolon, ce qui représente de 9 à
10 heures de marche, compte tenu de l'état des pistes en plein cœur
de l'hivernage. ^
Le dimanche /oQ/ octobre 1 644. Abderrahmane Es' SadjL quitte de
nouveau Bina venant de Djenné, pour revenir à SîEîlaTSon itinéraire
est un peu différent du précédent. Pour atteindre Siela, il prend une
route située plus au Sud. La première étape est Bina-Konti (ou Konyi).
Ce village, disparu, paraît s'être trouvé au sud-ouest de Wolon. La
seconde étape, longue d'une trentaine de kilomètres, conduit Es'Sadi
à Yousorora, en passant par Ouanta, Temtana et Komtona : Temtana
paraît s'identifier avec Titama (carte de Ké-Macina au 1 /200 000e).
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Cette région, riveraine du Bani, actuellement éloignée des courants
commerciaux, était apparemment plus peuplée en 1644.
Dans l'après-midi du même jour (lundi(3j) ^oçtabrejjlejvoyageur
parcourt encore les 15 ou 20 kilomètres qui le séparent de Šiela. Il
traverse un second Bina, non identifié.
La principauté de Siela s'étendait de Titama jusqu'au voisinage
de Tongué ; Es'Sadi arrive dans cette dernière localité le mardi 1er
novembre à midi et y passe la nuit. On constate ainsi que certains jours,
le voyageur parcourt 45 km et à peine 10 certains autres. Pour une
autre mystérieuse raison, il ne prend pas le chemin direct pour se
rendre à Fatimé, mais fait un crochet au sud en passant par Tatirma
(Tatrima actuel). Cette étape de 18 km est réalisée dans la matinée
du mercredi 2 novembre. Quand Abderrahmane arrive à Fatimé, vers
midi, le marché est en pleine activité. Il est curieux de constater que
le marché de Fatimé se tient encore le mercredi de nos jours : il s'y
fait un important trafic de produits de traite.
En quittant Fatimé., Es' SadLpasse par Sinta et Tatla (Taouatallah
du Tarikh). Il arrive à Fala dans la matinée du jeudiflynovembre.
L'eau l'empêche de prendre la route de Yolo (Zoula). Il continue donc
sa route vers l'Ouest et non vers le Nord, ainsi que l'indique le texte.
Il passe la nuit à Tourné (Tomi du Tarikh), après avoir franchi 30 km
dans la journée. Le vendred^hovembre, il traverse Fadougou (ancien
village près de Tourné), Niho (Nouyon du Tarikh), Missala (Nisla du
Tarikh). Le dernier village avant Farakou, nommé Qomma, où le
voyageur fait les deuxième et troisième prières du jour, paraît
s'identifier avec Gouakoloma (« le viejl abri »). Le voyage se termine à
Sibila dans la soirée du samed/ 5/ novembre, et non dans celle du
vendredi comme le texte l'indique par erreur.
Le voyage aller (140 km) et le voyage retour (175 km) se sont efïec- /
v*
tués tous deux en sept jours, comptés de Sibila (Niger) à Bina (Bani).
Es'Sadi ne devait plus revenir souvent dans le Kala. Au début de
1645, Sibila et Farakou sont pillés par les populations animistes
voisines (p. 420 du Tarikh) et les habitants s'enfuient. L/hégémonie
Jjambara ne s'installera guère que dans la première тоШеГсПГ
jiyjni__siècle._ Elle sera marquée par la résistance ~aux_ colonnes
venues du royaume dioula de Kong (1730-40) : cette invasion ruinera
particulièrement le Bindougou et le Kala. C'est dans cette guerre
que se manifestera la valeur de Mamari Coulibaly et de ses
lieutenants. Quant aux descendants des conquérants marocains, ils cesseront
d'avoir toute autorité politique sur la région de Djenné après leur
soumission aux Bambara (arbitrage entre deux pachas, 1716) et aux
Touareg (pillage de Tombouctou, 1725).
Africanistes. 6