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Journal de la Société des

Africanistes

La marche orientale du Mali (Ségou-Djenné) en 1644, d'après le


Tarikh es-Soudan
Robert Pageard

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Pageard Robert. La marche orientale du Mali (Ségou-Djenné) en 1644, d'après le Tarikh es-Soudan. In: Journal de la Société
des Africanistes, 1961, tome 31, fascicule 1. pp. 73-81;

doi : https://doi.org/10.3406/jafr.1961.1930

https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1961_num_31_1_1930

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LA MARCHE ORIENTALE DU MALI
(SÉGOU-DJENNÉ)
EN 1644, D'APRÈS LE TARIKH ES-SOUDAN

PAR
Robert PAGEARD.

Le Tarikh es-Soudan est un mémoire historique très sec et très


précis, œuvre de l'homme de loi Abderrahmane ben Abdallah ben'
Imraa ben'Amir Es-Sa'di qui en acheva la rédaction au mois de mars
1656. Ce mémoire constitue, avec le Tarikh el fettâch et le Tedzkiret
en-nissian fi akhbâr, molouk es-Soudan, la source écrite principale de
traduiťš~par~
l'histoire du Soudan occidental. Ces trois textes ont été
O. Houdas peu après leur découverte (Tarikh es-Soudan, 1900 ;
Tedzkiret en-Nissian, 1901 ; Tarikh el fettâch, 1913) et publiés par l'École
des Langues Orientales vivantes (Leroux, éditeur).
Le Tarikh es-Soudan est d'une grande précision géographique et
chfôriologique~mais""sa compréhension est malheureusement rendue
difficile par l'incertitude de la transcription des noms de lieu. Établie
beaucoup plus tard avec la collaboration de Maurice Delafosse,
l'édition du Tarikh el fettâch contient des notes qui rendent la lecture plus
fructueuse.
Au cours d'un voyage effectué de Komina (cercle de Ségou) à Si
(cercle de San), nous nous sommes efforcés de retrouver les itinéraires
très détaillés que mentionne Abderrahmane es-Sa'di aux pages 415 et
416 de sa chronique. Nous joindrons aux renseignements recueillis
quelques éclaircissements sur la géographie des régions voisines.
Entre 1629 et 1643, Abderrahmane es'Sadi réside à Djenné où il
exerce tantôt des fonctions judiciaires secondaires tantôt des fonctions
religieuses. Par l'intermédiaire des lettrés musulmans, on le voit nouer
des relations avec le chef des Peul du Macina, Hammedi-Amina, et les
chefs des principautés occidentales du Kala, celles du Sana et de
Farakou. Il acquiert une certaine influence auprès d'eux et joue assez
souvent le rôle d'ambassadeur, de messager ou de conciliateur entre
ces chefs et les représentants du pacha marocain de Tombouctou. En
1633, Abderrahmane est même prié d'intervenir comme médiateur
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dans un conflit purement interne qui oppose deux chefs peuls du
Marina (Tarikh, p. 382).
En 1644, le pays de Djenné est limité au Nord par le Niger au-delà
duquel s'étend le Bourgou, pays de l'herbe, où se déplacent les
guerriers peuls et leurstroupeaux. La plus grande concentration peule
~se trouve haBîtuellement à l'est du lac Débo. Le point de départ
des expéditions marocaines contre les Peul de Hammedi-Amina est
Ankaba (p. 300 et 410) qui paraît bien être Aka à la sortie du lac
Débo, en face duquel se trouve Youvarou (Yaouar, dans le Tarikh,
p. 413). La grande défaite que le caïd Mostapha-et-Torki inflige à
Hammedi-Amina en 1598 paraît se situer vers Tohi (Toulo-Fina,
Tarikh es-Soudan, p. 273) à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest
de Dia. C'est à Kéké*\Kikin, p. 412), à 25 km au nord de Dia, sur le
Diaka, que les chefs du Sana et de Farakou, accompagnés par Abder-
rahmane es'Sadi, rencontrent Hammedi-Amina le 18 juillet 1644 alors
qu'ils vont présenter leur hommage au pacha de Tombouctou dont
les lieutenants se trouvent à Kéré (peut-être Youré à 60 km au nord-
est de Dia, peut-être Yéré Yéré, entre Youré et Youvarou). Le pays
le plus fréquenté par les guerriers peuls du Macina se trouve donc
entre Dia et le lac Débo. Dans les moments difficiles, Hammedi-
Amina se retire au sud du Niger, dans les régions de Sarro et de
Payaka, dont les chefs paraissent jouir d'une totale indépendance.
La ville de Zagha dont il est fréquemment question dans le Tarikh
n'est autre que Dia, centre musulman autonome concurrent de
Djenné. Le «fleuve de Zagha» est le Diaka. Les Sonraïs^avaient imposé
leur autorité à Dia en 1494 sous le règne de l'Askia El Hadj Mohammed
(Tarikh, p. 118).
En face de Diafarabé, vers le sud, s'étend une région apparemment
très sauvage où Hammedi-Amina se réfugia par deux fois (1598, 1644).
Cette région se compose, à l'est, du pays de Qayâka (Payaka actuel) ;
au centre, du pays de Faï-Sandi, difficilement identifiable mais qui
paraît s'étendre entre Ké et Souleï (forêt de Founou), à moins qu'il
ne s'agisse de Say devenu Fay dans la transcription ; à l'ouest,
commence le Karadougou, région de Kara et de Sara. C'est probablement
dans cette dernière contrée que se réfugia Hammedi-Amina après sa
défaite de 1598 (Tarikh, p. 273). Au milieu du xvne siècle, le
Karadougou ne semble ni dépendre de Djenné, ni avoir pour chef un ancien
vassal de l'empire du Mali.
A l'ouest du pays de Dia (Zagha) et du Karadougou, s'étend le
Kala. Les territoires du Kala chevauchent le Niger. Abderrahmane
es-Sa'di donne une liste de huit chefs installés entre le Niger et le
Bani, dans ce qu'on peut appeler l'entre-deux-mers : ce sont le Ouaron
LA MARCHE ORIENTALE DU MALI (sÉGOU-DJENNÉ) 75
Koï, le Ouanzo Koï, le Kama Koï ou Kamiya Koï, le Fadko Koï
ou Farko Koï, le Kirko Koï, le Farma Koï, le Zorra Koï. Cette
enumeration est faite d'est en ouest. On peut faire les identifications
suivantes : le Ouaron Koï est le Wolon Mansa (Wolon, chef-lieu de
canton à 15 km au nord de San), le Kamiya Koï est le Kamiya Mansa
(Kamia ou Kaminian, capitale du Kaminiandougou, à 12 km au nord-
ouest de Fatimé), le Fadko ou Farko est le Farakou Mansa (Farakou
est un gros village entre Dioro et Boussé, dans le cercle de Ségou), le
Kirko Koï est le Kirango Mansa (identification faite par Monteil), le
Zorra Koï paraît être le Soro Mansa (les ruines de Soro sont à 25 km
à l'ouest de Ségou). Les localités de Ouanzo et de Farma n'ont pas
été identifiées.
Quatre autres principautés du Kala bordent le Niger au Nord : ce
sont celles du Kouriki-Koï (Kokry, 16 km à l'ouest de Ké-Macina,
Office du Niger), du Yara Koï (Niaro, voisin de Kolongotomo, Office
du Niger), du Sana Koï qui réside à Chibla (Sibila, chef-lieu de canton
situé à 30 km à l'ouest de Kolongotomo) et du Sama Koï ou Sanbanba.
Ce Sama paraît être le très ancien village marka situé à 25 km à l'ouest
de Ségou, sur la rive nord du Niger. Il semble que ce soit ce même
Sama qui ait servi d'asile à l'Askia Mohammed Benkan vers 1537
(Tarikh, p. 155) et en face duquel soit passé l'Askia Daoud au retour
de sa campagne de 1559 contre le Mali (Tarikh, p. 169).
Ces principautés du Kala étaient, vers 1644, commandées par des
chefs convertis à l'Islam : le Farakou Mansa se prénommait Mamadou
(Mohammed), le Sana Mansa Ousmane et le Niaro Mansa Bokar. Par
une note tout à fait incidente du Tarikh, qui nous dit à la page 34 :
« Quant au cadi Mouaddib Bokar Terouari..., il était originaire de
Kala et appartenait à la famille royale de ce pays », nous savons que
les chefs du Kala étaient des Traoré. Ils le sont encore de nos jours,
depuis Sibila jusqu'à Siela. Une fusion s'était déjà opérée entre les
anciens occupants sarakollé et les conquérants malinké. Les Sarakollé
étaient, semble-t-il, demeurés maîtres de la terre, ce qui explique la
place prédominante qu'avait, parmi les notables du Kala, le Fala
Faran (Tarikh, p. 19).
Au milieu du xvne siècle, les chefs du Kala se trouvaient dans une
situation périlleuse. Le lien de vassalité qui les rattachait au Mali s'était
rompu. Le Mali était en pleine anarchie et celle-ci laissait les chefïeries
musulmanes de l'Est sans protection en face des populations animistes
et guerrières qui les entouraient. L'anarchie régnait également à Tom-
bouctou où les pachas n'avaient aucune autorité sur leurs troupes. De
ce fait, la protection qui s'était manifestée à l'époque de l'empire son-
raï par l'installation d'un Kala Cha'a à Kokry était devenue illusoire.
76 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Au nord du Kala historique s'étendaient les vestiges méridionaux
de l'ancien empire du Ghana, dans cette région que l'Office du Niger
appelle aujourd'hui le Kala inférieur. En 1644, cette contrée n'avait
plus aucune cohésion politique. Les Sarakollé (des Tereta notamment),
des Peul, des Diawambé (des Bathily notamment), les Bambara (les
chefs étant des Coulibaly) occupaient la région de Sokolo, agglomération
apparue dans la première moitié du xve siècle et appelée Kala par les
Maures. En 1590, Sokolo devait déjà avoir une certaine importance
car l'Askia Ishak II s'y était porté dans l'espoir d'intercepter la
colonne marocaine conduite par Djouder (Tarikh, p. 210). Au nord-est
de Sokolo, les douze États du Méma ne devaient plus montrer que
des ruines depuis que le Si Souleymane Dama les avait pillés vers
1450 (Tarikh el Fettâch, p. 80-81). Toutes ces anciennes dépendances
de l'empire de Ghana (appelé aussi Ouagadou et Bagana) étaient
tombées sous la domination sonraï : le gouverneur sonraï avait le
titre de Baghena Fari. La lutte malheureuse des dignitaires de l'Ouest
(le Baghena Fari, le Kourmina Fari, le Kala Cha'a, le Honbori Koï,
tous alliés du Balama Sadek) contre les Askias Mohammed-Bano et
Ishak II marqua le déclin de l'emprise sonraï sur la marche occidentale.
Il est à noter que Es'Sadi, qui fréquentait le Kala entre 1630 et
1644, ne s'aventura jamais au-delà de Sanamadougou, à une dizaine
de kilomètres au nord de Sibila, c'est-à-dire à une vingtaine de
kilomètres de la rive gauche du Niger.
A l'ouest du Kala, s'étendait le Sibridougou ou Sibiridougou,
province du Mali, sur laquelle le Tarikh ne donne aucun renseignement.
Si l'on admet que l'étendue de ce territoire était du même ordre que
celle du Kala ou du Bindougou, on peut admettre que le Sibridougou
se terminait vers Fana-Dioïla (cercle actuel de Bamako) et qu'il
couvrait les régions de Tamani, Konobougou, Dioforongo, Gouendo,
Kango, Konina, ces deux dernières au sud du Bani.
Au sud du Kala s'étend enfin une autre province malienne ou
exmalienne, le Bindougou (« pays de l'herbe » en bambara, nom qu'elle
a conservé de nos jours). D'est en ouest, Abderrahmane Es-Sa-'di
nomme sept chefs : le Kao Koï, le Kighni Koï, le Sama Koï, le Tara
Koï, le Daa Koï, le Ama Koï et le Ta'ba Koï. Tara paraît bien être le
chef-lieu de canton situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de
San. Da'a pourrait être Da, le chef-lieu de canton situé à une quinzaine
de kilomètres au sud de San, à moins qu'il ne s'agisse de Daalo, gros
village situé à la même distance de San, mais à l'ouest. On retrouve
d'ailleurs dans la région de San un prolongement de la colonisation
sarakollé du Kala.
Ainsi, tant à l'ouest qu'au sud, Djenné se trouvait à une cinquan-
LA MARCHE ORIENTALE DU MALI (SÉGOU-DJENNÉ) 77
taine de kilomètres des anciennes dépendances du Mali peuplées en
grande partie de Bambara animistes et turbulents. A l'est, la
situation n'était guère meilleure car le pays dogon, qui paraît être désigné
dans le Tarikh sous le nom de El-Hadjar, n'était pas très distant :
la région montagneuse de Bandiagara ne constituait toutefois pas un
obstacle pour les troupes des Askias de l'Est, demeurés indépendants
(Tarikh, p. 298) ni pour les colonnes marocaines et les guerriers peuls
(Tarikh, p. 427). Kona et Koubi (carte de Bandiagara au 1/200 000)
étaient d'importants ports sur le Niger au contact du pays dogon
(ElHadjar). -
П convient maintenant d'examiner plus spécialement les
renseignements très détaillés que fournit Abderrahmane Es-Sa'di sur
l'itinéraire Sibila-Djenné aux pages 415 et 416 du Tarikh.
Le lundi(o Septembre 1644, Abderrahmane quitte Sibila_(Chibla), où
le retient la faveur du Sana Mansa (Sana Koï), pour aller voir ses
frères et sa famille à Djenné. Sibila demeure de nos jours un chef-
lieu de canton et le principal village du Sana, mais la ville importante
est Sansanding (Chenchendi, déformation de Sinzani, « petit enclos »),
à 15 km au sud-ouest. Le village le plus ancien est Sanamadougou
(Sana-Madougou), ancienne résidence temporaire du Mansa du Mali,
à 10 km au nord de Sibila. Sansanding et Sibila constituent des îlots
fortement islamisés au milieu d'un pays bambara très attaché aux
pratiques animistes. Aujourd'hui encore, les prédicateurs musulmans
sont très mal accueillis dans les villages de brousse. Sibila présente
actuellement l'aspect d'une agglomération ancienne : une colline située
à 600 ou 800 m au sud-ouest de l'agglomération a son sommet jonché
de fragments de poterie en quantité exceptionnelle. On se rappelle
que dans l'ancien temps, il y avait à Sibila deux quartiers « arabes » :
Moridiala qui existe encore et se nomme Bagotomo et Niamadiala
qui se nomme aujourd'hui Baga. Des Kounta résideraient à Sibila
à notre époque et seraient considérés comme étant les descendants
de prédicateurs venus de Tombouctou et de Djenné. On signale
d'autre part qu'un certain nombre de talibés originaires de Sibila
suivirent ces marabouts jusque dans les régions de Djenné et
s'installèrent près du Oron Koï (Wolon).
Le port de la rive gauche qui se trouve sur le trajet Sibila-Farakou
est Nakri (Nâkira). C'est là que se réunissent le Sana Mansa et le
Farakou Mansa avant de s'acheminer par voie d'eau auprès du pacha,
avec treize pirogues (Tarikh, p. 411).
En face de Nakri, sur la rive sud du Niger, se trouve le gros village
de Kominé ou Komina (Komino dans le Tarikh) aujourd'hui
supplanté par Dioro, grand marché du poisson séché à 7 km à l'est. Le
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village a été fondé par des Bambara Coulibaly mais les familles Diane,
Fogana et Traoré, venues du Mandé y ont une grande importance.
A cet endroit, le fleuve s'évase et contourne deux grandes îles, ce qui
facilite beaucoup la grande pêche au filet.
En 1644, Komina était le port de Farakou et c'est ce qui faisait
son importance. Farakou est aujourd'hui un village assez modeste,
à l'écart des pistes fréquentées (8,5 km de Komina). Il comporte un
quartier sarakollé, avec des familles Sanogo et Djiré, et un quartier

Sansandinglâ

Itinéraires Si bild -Bina aller retour 25km.


о village ancien D agglomération moderne

Les voyages de Es' Sadi en 1644.

bambara. Les chefs sont des Traoré, comme dans toute la région qui
s'étend de Sibila à Siela. Les habitants actuels de Farakou gardent
le souvenir d'un Farakou Mansa qui était vêtu de rouge et ne quittait
son bonnet qu'en signe de malédiction. Le pouvoir de ce Mansa
s'étendait, semble-t-il, jusqu'à un groupe de trois énormes baobabs situé
à l'est de Ségoubougou en bordure de la route Ségou-Bamako.
Farakou est situé au milieu de vallonnements remarquables, jonchés de
fragments de poteries. Les cultivateurs découvrent de temps à autre
des poteries cassées ou intactes d'une facture aujourd'hui perdue. Les
briques, beaucoup plus petites et résistantes que les briques de banco
actuelles, retiennent aussi l'attention.
LA MARCHE ORIENTALE DU MALI (sÉGOU-DJENNÉ) 79
Abderrahmane Es-Sa'di quitte Komina le mardťj/septembre 1644
au matin. Il ne se dirige pas vers Farakou mais prend la route de
l'Est, celle de Zoula ou Zoulo. Cette localité est l'actuel Yolo, situé
à 28 km à l'est de Komina. A midi, il a parcouru 23 km et entre à
Mâkira, l'actuel Makli (fondé par les mêmes guerriers sarakollé que
Sansanding et Founoungouni, ancien Firi). Un orage l'arrête et il
n'arrive à Yolo que vers 15 heures.
Le chef de Yolo porte le titre sarakollé de Faren (Zoula Faran). Ce
titre a été porté par beaucoup de chefs de province après la disparition
de l'empire du Ghana : on le trouve chez les Diawara (Faren), chez
les Sonraï (Fari ou Farem) et au xvine siècle, il était en usage parmi
les Malinké du Bambouc (Farin). Yolo, qui demeure à dominante
sarakollé, est actuellement un important marché dans une région assez
prospère. ^-ч
Le mercredi/8yseptembre,_Abderrahmane atteint F^ala, à 15 km au
sud-est de Yoro, sur l'axe Ségou-Djenné (via Boussé, Fatimé et Si).
Le chef de la localité porte également le titre de Faran. L'ancien
village, en bordure de la piste, a été abandonné pendant la guerre de
1914-1918 à la suite d'une épidémie. Selon les autochtones, le mot
Fala serait à rapprocher de l'existence d'un important marigot en
hivernage. Cette région est en effet très marécageuse et a une
communication avec le Niger. Le Fala actuel est entièrement marka : on y
trouve notamment des familtes Koné, Konéké et Ouangaraba.
Dans la matinée du jeudi(9/septembre, Abderrahmane effectue le
trajet Fala-Fatimé (appelé Foutina dans~le Tarikh) long de 15 km.
Fatimé, qui est aujourd'hui le centre le plus important à l'est du
cercle de Ségou (avec école et dispensaire) dépendait alors du Kamiya
Mansa, un Traoré. Kamiya se trouve à une douzaine de kilomètres
au nord de Fatimé, au bord du Fala (marigot) dont il vient d'être
parlé ; dans l'histoire du pays, Kamiya fait figure de capitale de la
religion et de la magie.
Fatimé est un village de fondation sarakollé. Les Bambara s'y
installèrent sous Fama Dah (1808-1827), dans un quartier séparé. La
famille sarakollé la plus ancienne est celle des Koita. Parmi les autres
familles notables actuelles on relève celle des Tereta (marabouts) et
des Diane (chefs). Des ruines importantes existent aux environs de
Fatimé (lieu dit Tomola). ^.
Dans la matinée du vendredi UO) ^Abderrahmane,. reprenant la
grande piste transversale ouest-est, arrive à Tongué (Топко dans le
Tarikh), situé à une dizaine de kilomètres à l'est de Fatimé. Tongué,
qui est actuellement dans le cercle de Macina et administré par Sarro,
dépendait alors de Siela (Chila du Tarikh) qui est aujourd'hui un chef-
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lieu de canton du cercle de San. Les chefs de Tongué sont eux aussi
des Massalé Traoré. On trouve à Tongué un quartier sarakollé, un
quartier bambara (quartier de Sarro) et un quartier des gens de Djenné
(djennékaou). Parmi ces derniers figurent des Touré et des Haidara.
Les gens de Djenné paraissent être anciennement installés. Ils seraient
venus avec les marchands d'esclaves appelés ici « galo » : ce commerce
s'orientait vers Tombouctou.
Vers 14 heures, ce même vendredi(lp'septembre 1644, Abderrahmane
Jé et va passer la nuit à Fermannata, qui est peut-
être Tabara, ancien village entouré de buttes-témoins et qui comporte
un quartier sarakollé (8 km à l'est de Tongué). Il pourrait s'agir aussi
de Garangata, situé sur une autmonste, à 10 km au sud-est de Tongué.
Dans la matinée du samedi Ql/ le voyageur arrive dans la ville du
Chila Koï, c'est-à-dire Siela (20 km à l'est de Tongué). Le village se
dit entièrement sarakollé alors que les chefs, toujours des Traoré,
déclarent que leurs ancêtres, parents des Keita par le mariage, sont
venus du Mandé. On note aussi la présence des familles Fofana,
Kobara et Koné.
Les seules guerres dont on se souvienne sont celles qui ont été
soutenues contre les gens de Kong (invasions venues du Sud et dirigées
par les chefs dioulas) et contre les Peul du Macina.
Continuant sa route à marche forcée, Es-SaMi^rrive à 13 heures
à Tamakou ou Tamagorola (probablement leTamangorola de la
carte de San au 1 /200 000) et couche à Timi-Tama, la ville du Oron
Koï, qui peut être Titama ou Wolon. Le port de Bina, sur le Bani,
où le voyageur s'embarque pour Djenné, ne doit pas être celui qui
se trouve sur la rive droite au nord de Kirina (peut-être le Kigh'ni
du Tarikh) car il paraît difficile de parcourir 20 km et de traverser
un fleuve en une seule matinée : or, Es-Sa'di se trouve à Bina dans la
matinée du dimanche (l^) La fin du voyage est extrêmement rapide
puisque dans la journée du,$ra^*h2, Abderrahmane >E£Sadi a
parcouru 45 km entre Fermannata et Wolon, ce qui représente de 9 à
10 heures de marche, compte tenu de l'état des pistes en plein cœur
de l'hivernage. ^
Le dimanche /oQ/ octobre 1 644. Abderrahmane Es' SadjL quitte de
nouveau Bina venant de Djenné, pour revenir à SîEîlaTSon itinéraire
est un peu différent du précédent. Pour atteindre Siela, il prend une
route située plus au Sud. La première étape est Bina-Konti (ou Konyi).
Ce village, disparu, paraît s'être trouvé au sud-ouest de Wolon. La
seconde étape, longue d'une trentaine de kilomètres, conduit Es'Sadi
à Yousorora, en passant par Ouanta, Temtana et Komtona : Temtana
paraît s'identifier avec Titama (carte de Ké-Macina au 1 /200 000e).
LA MARCHE ORIENTALE DU MALI (sÉGOU-DJENNÉ) 81
Cette région, riveraine du Bani, actuellement éloignée des courants
commerciaux, était apparemment plus peuplée en 1644.
Dans l'après-midi du même jour (lundi(3j) ^oçtabrejjlejvoyageur
parcourt encore les 15 ou 20 kilomètres qui le séparent de Šiela. Il
traverse un second Bina, non identifié.
La principauté de Siela s'étendait de Titama jusqu'au voisinage
de Tongué ; Es'Sadi arrive dans cette dernière localité le mardi 1er
novembre à midi et y passe la nuit. On constate ainsi que certains jours,
le voyageur parcourt 45 km et à peine 10 certains autres. Pour une
autre mystérieuse raison, il ne prend pas le chemin direct pour se
rendre à Fatimé, mais fait un crochet au sud en passant par Tatirma
(Tatrima actuel). Cette étape de 18 km est réalisée dans la matinée
du mercredi 2 novembre. Quand Abderrahmane arrive à Fatimé, vers
midi, le marché est en pleine activité. Il est curieux de constater que
le marché de Fatimé se tient encore le mercredi de nos jours : il s'y
fait un important trafic de produits de traite.
En quittant Fatimé., Es' SadLpasse par Sinta et Tatla (Taouatallah
du Tarikh). Il arrive à Fala dans la matinée du jeudiflynovembre.
L'eau l'empêche de prendre la route de Yolo (Zoula). Il continue donc
sa route vers l'Ouest et non vers le Nord, ainsi que l'indique le texte.
Il passe la nuit à Tourné (Tomi du Tarikh), après avoir franchi 30 km
dans la journée. Le vendred^hovembre, il traverse Fadougou (ancien
village près de Tourné), Niho (Nouyon du Tarikh), Missala (Nisla du
Tarikh). Le dernier village avant Farakou, nommé Qomma, où le
voyageur fait les deuxième et troisième prières du jour, paraît
s'identifier avec Gouakoloma (« le viejl abri »). Le voyage se termine à
Sibila dans la soirée du samed/ 5/ novembre, et non dans celle du
vendredi comme le texte l'indique par erreur.
Le voyage aller (140 km) et le voyage retour (175 km) se sont efïec- /
v*
tués tous deux en sept jours, comptés de Sibila (Niger) à Bina (Bani).
Es'Sadi ne devait plus revenir souvent dans le Kala. Au début de
1645, Sibila et Farakou sont pillés par les populations animistes
voisines (p. 420 du Tarikh) et les habitants s'enfuient. L/hégémonie
Jjambara ne s'installera guère que dans la première тоШеГсПГ
jiyjni__siècle._ Elle sera marquée par la résistance ~aux_ colonnes
venues du royaume dioula de Kong (1730-40) : cette invasion ruinera
particulièrement le Bindougou et le Kala. C'est dans cette guerre
que se manifestera la valeur de Mamari Coulibaly et de ses
lieutenants. Quant aux descendants des conquérants marocains, ils cesseront
d'avoir toute autorité politique sur la région de Djenné après leur
soumission aux Bambara (arbitrage entre deux pachas, 1716) et aux
Touareg (pillage de Tombouctou, 1725).
Africanistes. 6

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