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Cabinet d’Avocat

Me VOYEZ Williane
3 rue de la joie
Lomé Togo

Chambre Administratif
de la Cour Suprême du
Togo

Lomé, le 30 décembre 2001

RECOURS EN ANNULATION
Présenté par

Monsieur Assou GBEGA, de nationalité Togolaise, représentant la collectivité de


Tové, demeurant 8 Rue des manguiers, Lomé-TOGO

Représenté par Me Williane VOYEZ inscrit au Barreau du Togo, domicilié au 3 rue


de la Joie à Lomé, Tél: 92 93 94 95,

Contre
Le décret n°26/2001 du 15 mai 2001 pris soit par le Président de la République ou par
le Premier Ministre, par lequel a été désigné Monsieur KANTOU Momo comme étant
le nouveau chef canton de Tové,

Pour le requérant, j’ai l’honneur d’exposer et de conclure à ce qu’il suit:

PLAISE A LA COUR

Suite au décès le 28 décembre 2000 de Togbui Xafi IV, un nouveau chef canton en la
personne de Monsieur Assou GBEGA a été nominé par voie coutumière comme
successeur du Trône royal le 26 janvier 2001 tel que l’atteste le procès verbal établit
ce jour. La nomination et le procès-verbal ont été faits conformément aux us et
coutumes de la localité. Neuf mois plus tard, le 17 septembre 2001, le garant du Trône;
KOKO Seyi, adresse un courrier à Monsieur le Ministre, pour demander l’autorisation
d’inhumer feu Togbui Xafi IV et par ce courrier informe Monsieur le Ministre de la
désignation par le Conseil du Trône de Monsieur Assou GBEGA, comme étant
successeur au Trône. Mais force est de constater que le 19 Novembre 2001, Monsieur
KANTOU Momo a été intronisé chef canton sur base du décret n°26/2001 du 15 mai
2001. En l’absence d’information sur le décret, il est impossible de savoir s’il s’agit
d’un décret présidentiel ou ministériel.
À la suite de cette intronisation, les membres de la Collectivité, représentés par
Monsieur Assou GBEGA, ont procédé à la vérification de la publication au journal

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officiel du décret de nomination. Il en résulte que le décret qui désigne Monsieur
KANTOU Momo comme étant le nouveau chef canton n’a pas été publié au Journal
Officiel Togolais.
Cette décision est de fait entaché d’illégalité tant sur le plan externe, qu’interne.

DISCUSSION SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE


Monsieur Assou GBEGA est une personne majeure disposant de toutes ses facultés
mentales. Il dispose donc de la capacité à ester en justice. La collectivité de Tové
représenté par Monsieur Assou GBEGA a tout intérêt à agir en ce que l’acte attaqué
ignore la désignation de Monsieur par le Conseil du Trône ainsi que des us et
coutumes de la localité. Cet acte impose un nouveau chef canton sans notification à la
collectivité et sans publication au Journal Officiel. Le choix de la collectivité était
clair lors de la désignation du successeur et même si le choix de la personne de
Monsieur KANTOU Momo n’est pas contesté, l’acte le désignant est tout de même
attaquable en ce qu’il ne respecte pas les formes légales portant ainsi atteinte à la
collectivité et à Monsieur Assou GBEGA. Le décret qui fait grief aux intérêts de la
Collectivité de Tové est un acte pris, soit par le Président de la République, soit par le
Premier Ministre. Étant un acte administratif pris par une autorité administrative, un
recours en excès de pourvoir est le seul moyen dont dispose l’administré pour
demander l’annulation de l’acte qui fait grief. Pour ce faire, nous demandons à la
chambre administrative de la Cour Suprême de déclarer la requête recevable et de se
déclarer compétente pour prononcer l’annulation de l’acte litigieux sur base de
l’article 12 de la loi organique n°97-05 du 6 mars 97. Et sur base du délai déterminé
par l’article 35 de la même loi, le délai de trois mois étant respecté, nous vous
demandons de déclarer la chambre administrative compétente et dire notre requête en
excès de pouvoir recevable.

I) -Le décret est nul en la forme : les moyens de légalité externe

1. Les us et coutumes
Tout d’abord, l’administration ne disposait pas au moment des faits de la compétence
matérielle dans la désignation des chefs cantons. Le décret pris est illégal en ce qu’il
est antagoniste aux us et coutumes de la localité. En effet, dans cette localité, le choix
du chef canton se fait par le Conseil du Trône et la désignation de Monsieur Momo
KANTOU par le décret est contraire aux us et coutumes contrairement à celle de
Monsieur Assou GBEGA qui est parfaitement conforme. L’acte est illégal parce qu’il
ne respecte aucune des formalités préalables établies par les us et coutumes.

2. L’absence de Notification
La notification est une mesure de publicité ayant pour objet d'avertir le destinataire
qu'un acte administratif a été pris à son égard. Mais malheureusement l’administration
n’a à aucun instant pris la peine effectuer cette mesure. La conséquence est que ce
décret n’a jamais été notifié ni à Monsieur Assou GBEGA, ni à un quelconque

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membre du Conseil du Trône, encore moins à un membre de la collectivité. Grande
fût leur surprise lorsqu’en Novembre 2001, Monsieur KANTOU Momo fut intronisé
par d’autres personnes que les membres du Conseil du Trône sans qu’ils aient jamais
eu connaissance de cette décision.

3. Le défaut de publication
Il est également contesté que la décision a été prise en méconnaissance de
l’accomplissement des formalités et procédures auxquelles elle était assujettie. Après
l’intronisation de KANTOU Momo, les requérants, surpris par ce décret et n’ayant
jamais eu écho de cela, se sont renseignés auprès des services du Journal Officiel. Ces
services nous ont fait savoir que de mai à novembre 2001, aucun décret portant le
n°26/2001 n’a été publié au journal officiel. Le décret n’étant opposable aux tiers
qu’après publication au Journal Officiel et ce dernier est considéré comme le seul
canal compétent pour la publication des lois, décrets, arrêtés et ordonnances pris dans
l’exercice des fonctions. La publication au Journal officiel est une formalité
substantielle dont l’inobservation doit entraîner la nullité de l’acte. Il est de constat
que l’acte attaqué est totalement illégal sur le plan des formalités préalables établies
par les us et coutumes de la localité. Que l’acte n’a pas été notifié au requérant et qu’il
n’a jamais été publié au Journal Officiel Togolais. En l’absence de cette dernière
formalité, le décret ne peut absolument pas être opposé aux tiers.

II) - Le décret est nul au fond : les moyens de légalité interne

1. La violation de la Constitution par le décret


L’acte administratif viole en substance la Constitution. Pour appuyer cette hypothèse,
nous citons l’article 143 de la Constitution rédigé dans les termes suivants : «L’Etat
togolais reconnaît la chefferie traditionnelle, gardienne des us et coutumes. La
désignation et l’intronisation du chef traditionnel obéissent aux us et coutumes de la
localité.»
Cela veut dire que la désignation des chefs traditionnels doit s'opérer selon les règles
coutumières des localités, elle peut être :
- linéaire, héréditaire avec des ayant-droits ;
- élective de façon ouverte à tous les membres de la collectivité ;
- élective au sein du clan des ayant-droits ;
- ou autres formes reconnues par la tradition et les coutumes.
Pour preuve, le Conseil du Trône de Tové à procéder conformément à leurs us et
coutumes au choix de désigner Monsieur Assou GBEGA comme successeur du Trône
du canton de Tové suite au décès de l’ancien chef canton. Cette désignation a été faite
sur base du pouvoir que confère l’article 143 de la Constitution à la Chefferie
Traditionnelle. La Constitution ainsi libellée est violée en substance par Monsieur le
Ministre lorsqu’il nomine par décret du 15 mai 2001, Monsieur KANTOU Momo
comme étant le nouveau chef canton. La Constitution étant la norme suprême dans
l’ordonnancement juridique interne, il n’est plus nécessaire de prouver la violation par
l’acte attaqué d’autres normes juridiques. La violation par le décret de la Constitution

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doit entraîner son annulation et l’accepter reviendrait non seulement à accepter une
violation flagrante de La Constitution, mais aussi à bafouer les droits reconnus depuis
des siècles à la Chefferie Traditionnelle dans notre pays. Nous prions la Chambre
administrative de prononcer sans attendre la violation de la Constitution par le décret
n°26/2001 du 15 mai 2001 et par conséquent de prononcer son annulation sans
réserve et sans condition.

2. Le détournement de pouvoir
De toute évidence, il n’est plus à prouver que l’administration qui a pris le décret
n°26/2001 du 15 mai 2001 a outre passé ses pouvoirs en s’assignant un but étranger à
celui de l’intérêt général. En procédant à la nomination du Chef canton, quel était le
but de l’administration ? Monsieur le Président ou le Premier Ministre sont ils
compétents à cet effet ? Ce tour de passe-passe servait-il les intérêts de Monsieur
KANTOU Momo ou de l’administration ? Autant de questions qui nous viennent à
l’esprit lorsque nous nous penchons sur cet acte plus qu’illégal. La réponse à ces
questions sont évidentes. Le but de l’administration n’a jamais été le bien-être de la
Collectivité de Tové et cet acte n’a fait qu’attisé les tensions mettant en danger la paix,
la cohésion et la tranquillité dans la communauté. Il est clair que l’administration a été
au-delà de ses pouvoirs en détournant les compétences pour des fins autres que ceux
de la Communauté. Ce détournement de pouvoir ne peut être accepté au risque de voir
cela se reproduire à l’avenir. La violation de La Constitution étant clairement établie,
l’administration en détournant ses pouvoirs viole en substance l’article 143 de la
Constitution. Ni le Président de la République, Ni le Premier Ministre ne pouvait
aucunement prendre cette décision et l’imposé à la Collectivité de Tové. Le
détournement de pouvoir établit, il échet à la Chambre administrative de se prononcer
favorablement en faveur de la requête pour excès de pouvoir et d’annuler ainsi le
décret n° 26/2001 du 15 mai 2001 pris en violation de l’article 143 de la Constitution.

PAR CES MOTIFS

Considérant que la requête est recevable et que la Chambre administrative est


compétente, il est demandé à de la Chambre :
D’ANNULER le décret n° 26/2001 du 15 mai 2001 en ce qu’il est illégal en la forme
et au fond, et qu’il viole la Constitution Togolaise.

PIECES JOINTES :
1- Le PV du 26 Janvier 2001 du Conseil du Trône entérinant la désignation de
Monsieur Assou GBEGA comme étant le nouveau chef canton.
2- Le décret n° 26/2001 du 15 mai 2001.

Nombre d’exemplaires du dossier : autant que de parties plus deux

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