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Méthodologie de caractérisation

de l’aléa « éboulement »
sur itinéraire
Alain CALVINO
Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Nice

Présentation
Antonio PEREIRA de COSTA
Chef du service Gestion et études routières
Direction départementale de l’Équipement des Alpes-Maritimes

Le département des Alpes-Maritimes, en raison de son contexte géographique et géologique, possède un réseau
routier, assez dense, exposé à l’aléa « éboulement ». La Direction départementale de l’Équipement (DDE) des
Alpes-Maritimes souhaitait identifier et localiser cet aléa pour mettre très rapidement en œuvre une politique
de prévention sur les routes nationales et engager un programme de mise en place de protections contre les chutes
de blocs. Afin de répondre à ce souhait, une mission d’étude a été confiée au Centre d’études techniques de
l’Équipement (CETE) Méditerranée (Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Nice) sur l’ensemble du
réseau routier national des Alpes-Maritimes.
Grâce à la méthodologie mise en oeuvre par le CETE, l’étude cartographique d’itinéraire a pu être réalisée dans
des délais assez courts, compte tenu du linéaire important de route à traiter. La DDE des Alpes-Maritimes a pu
ainsi enclencher rapidement son programme de prévention, après croisement des données de l’aléa « éboulement »
avec celles concernant les chutes de blocs recensées (avec ou sans accident) et celles concernant le trafic.

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RÉSUMÉ ABSTRACT
La méthode de cartographie linéaire a été développée dans METHODOLOGY FOR CHARACTERIZING THE RISK OF ROCKFALL OVER
le cadre d’une étude de l’aléa « éboulement » auquel est GIVEN ITINERARY
exposé le réseau routier national des Alpes-Maritimes. Cette The linear cartographic method was developed within the
méthode, simple à mettre en œuvre, est fondée sur une scope of a study conducted on the “rockfall” risk on the
méthodologie ébauchée en 1978. Elle a été améliorée et national highway network in the Alpes-Maritimes department
adaptée à l’outil informatique, sa méthode d’analyse le (southeastern France). This easy-to-implement method is
permettant. Il ne s’agit pas ici de rendre compte des résultats based on a methodology first drawn up in 1978. It has since
de cette étude cartographique mais d’exposer, à partir de been improved and adapted for compatibility with computing
l’exemple des Alpes-Maritimes, la méthode mise au point, qui resources, thanks to the capacities of the inherent analytical
peut être utilisée pour d’autres applications linéaires que les method. The focus of the present article is not to report on
itinéraires routiers. results stemming from this cartographic study, but rather to
Cette méthode repose sur la notion de facteurs déterminants display, using the Alpes-Maritimes application as an
(paramètres fondamentaux propices au déclenchement d’un example, the particular method derived. Linear applications
éboulement) ; ils caractérisent la zone source (falaises à other than road network itineraries can also be envisaged.
l’aplomb ou déportées par rapport à la route). Après ajout de
facteurs minorants concernant la zone de propagation des This method relies on the notion of determinant factors (basic
blocs, la méthode permet d’afficher l’aléa résultant au niveau parameters able to of triggering a rockfall); such factors serve
de la plate-forme routière. L’acquisition de ces facteurs est to characterize the source zone (cliff faces aligned or offset
faite à dire d’expert sans moyens d’investigation quantitatifs with respect to the road trajectory). After adding some minors
particuliers. Ces facteurs sont traités numériquement, ce qui factors (linked to block propagation area) the method
permet une exploitation et une expression des données sous provides resulting hazard on the road. These factors are
forme de tableaux analytiques et synthétiques ainsi que sous determined on the field by an expert without any specified
forme de cartographies automatiques. other geotechnical investigation; moreover. This factors are
numerically precessed, which allows the data to be used an
Cette méthode a comme points forts sa facilité et sa rapidité expressed both with analytically and synthetically table and
de mise en œuvre ainsi que sa souplesse pour la mise à jour automatic maps. The method’s advantages consist of its
des données. Elle constitue un outil d’aide à la décision, mais facility and speed of implementation as well as its data-
ne se substitue pas à la réalisation des études d’aléa updating flexibility. The decision-making tool it provides does
« éboulement » détaillées et spécifiques entreprises not however replace the in-depth and specific “rockslide” risk
ultérieurement et dont la programmation peut ainsi être studies to be conducted subsequently and whose scheduling
définie à partir de critères rationnels. may be established from a set of rational criteria.
DOMAINE : Géotechnique et risques naturels. FIELD: Geotechnical engineering and natural hazards.

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INTRODUCTION
Le département des Alpes-Maritimes est caractérisé par un relief très vigoureux parcouru par 320 km
de routes nationales (Fig. 1), dont 30 % environ sont situées au pied de talus rocheux ou de falaises
parfois de très grande hauteur, jusqu’à 500 m, et donc exposées à des éboulements. Ces routes des-
servent les villes du littoral et les villages de l’arrière-pays généralement situés en fond de vallée. Cer-
tains secteurs du réseau sont soumis assez fréquemment à des éboulements dont les conséquences
sont parfois dramatiques. En particulier, une des routes concernées est une liaison internationale
entre la France et l’Italie, qui a été l’objet de plusieurs coupures parfois de longue durée alors qu’il
n’existe pas d’itinéraire de substitution proche.
Pour ces différentes raisons, et aussi pour satisfaire les besoins sécuritaires exprimés par les popula-
tions, l’État et, localement, la Direction départementale de l’Équipement (DDE) des Alpes-Maritimes
ont engagé une action de prévention devant se concrétiser par la mise en œuvre d’un important pro-
gramme d’études et de travaux de protection.
Ces travaux devant être étalés dans le temps, la DDE, pour établir des priorités, souhaitait disposer
d’un outil qui lui permette, d’une part de préciser les secteurs exposés et, d’autre part, d’avoir une
appréciation du niveau d’aléa.
En raison d’une programmation rapide des études spécifiques et des protections à mettre en œuvre
ultérieurement, les délais de réalisation de cette étude ont été très courts. Pour répondre à cette
attente, il a été nécessaire de trouver une méthode qui utilise au maximum les traitements automatiques
et qui permette de limiter le plus possible les dérives éventuelles d’un opérateur à l’autre car, pour
réaliser les relevés dans le délai imparti, il était indispensable de mobiliser une équipe. Aussi, était-
il nécessaire de proposer une démarche qui soit la plus objective possible (en s’appuyant sur des cri-
tères rationnels) pour analyser le phénomène d’éboulement et présenter sa cartographie sous forme

„ Fig. 1
Réseau des routes nationales
des Alpes-Maritimes.

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de zonage, qui exprime la possibilité de survenance du phénomène en niveau d’aléa sur un territoire
donné.
La méthode d’évaluation de l’aléa « éboulement » exposée et appliquée à la réalisation de ce type
d’étude découle de la méthode développée par l’ancien Groupe d’études des falaises [1], qui a fait,
en son temps, l’objet d’expérimentations sur différents itinéraires des Alpes-Maritimes (routes
départementales et nationales). Compte tenu de la difficulté du problème à résoudre, des modes
d’investigation utilisés et de l’ampleur des zones à expertiser, cette méthode permet d’accéder à des
éléments d’information offrant une assez bonne homogénéité pour tous les itinéraires. Elle apporte
aussi une certaine objectivité d’appréciation, qui permet d’en donner une synthèse cartographique
présentant la nature et les niveaux d’aléa liés aux éboulements sur chaque itinéraire étudié.
La conception et la mise en œuvre de la méthodologie utilisée sont également nourries par une longue
expérience du Laboratoire régional des Ponts et Chaussées (LRPC) de Nice en matière de risques
naturels et, en particulier, de ce qui concerne l’aspect cartographique.
Le déclenchement des éboulements n’est pris en compte que sur le plan statique, hors influence de
l’aléa sismique qui nécessiterait une approche par le calcul. De même, aucune étude trajectographique
n’est réalisée à ce stade d’investigation.

ÉLÉMENTS DE BASE DE LA CARTOGRAPHIE D’ALÉA


En expression cartographique, deux grands types de zones sont distinguées : la zone source (falaise,
talus rocheux) et la zone de réception (ou d’épandage) des blocs, en pied de falaise ou de talus.

Analyse des facteurs déterminant l’aléa


Ce sont ceux qui sont pris en compte pour l’établissement de la carte et qui correspondent aux fac-
teurs permanents (ou très lentement variables) d’instabilité ; ils comprennent la pente, la lithologie,
etc. Les facteurs variables dans le temps (précipitations, par exemple) n’entrent pas en compte dans
la réalisation de la carte ; ils constituent les facteurs déclenchants. 5
Le terme de « facteur déterminant » recouvre tous les paramètres fondamentaux propices au déclen-
chement d’un phénomène. C’est la connaissance approfondie de ces paramètres qui permet de déga-
ger les facteurs déterminants et les seuils critiques propres à chaque système. En matière d’aléa
« éboulement », les facteurs déterminants à prendre en compte dans la zone de production des ébou-
lements (= zone source) sont les suivants : lithologie, structure, pente, végétation, hydrologie et mor-
phologie.
Les éléments minorant l’aléa peuvent provenir de la zone source (présence de parades actives) et de
la zone de réception (présence de végétation dense et (ou) de parades passives).

Classification des volumes d’éléments rocheux


La classification adoptée est la suivante [1] :
¾ pierre : volume élémentaire < 1 dm3 ;
¾ bloc : 1 dm3 < volume élémentaire < 1 m3 ;
¾ masse (ou gros bloc) : > 1 m3 ;
¾ éboulements en grande masse ou de versant : de quelques dizaines à plusieurs centaines de
milliers de mètres cubes.

Niveaux d’aléa
On caractérise l’aléa par quatre niveaux de possibilité d’apparition [1]. Au-delà, la décomposition en
un plus grand nombre de niveaux peut créer l’illusion d’une grande finesse de connaissance des
mécanismes et de leur analyse :
n aléa très élevé ;
o aléa élevé ;
p aléa moyen ;
q aléa faible (ou mal connu).

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Historicité des éboulements
L’étude cartographique peut être étayée par la recherche d’événements déclarés anciens ou récents,
archivés. Toutes les sources d’informations connues peuvent être utilisées : archives départementales,
paroissiales, banques de données, publications, plans, cartes, presse, etc.

Indices morphologiques d’éboulement


L’examen des talus et falaises ainsi que de leur piémont permet d’obtenir généralement des indices
sur l’activité érosive d’une falaise. La présence des blocs sur ce piémont peut donner une indication
sur leur trajectoire en pied de versant et, celle de zones d’arrachement dans les plans de falaise, sur
l’activité passée ou récente.

MÉTHODOLOGIE SPÉCIFIQUE DE LA CARTOGRAPHIE


Ce type de cartographie s’applique aux études d’aléa « éboulement » sur des voies de communica-
tion (routes, voies ferrées, voies navigables, etc.).

Réalisation du repérage des zones d’aléa


Le repérage de l’aléa, en fonction des PR*, comporte une phase analytique, réalisée sur le terrain au
moyen de fiches de saisie détaillant les principaux facteurs déterminants, dont la synthèse définit
l’aléa présenté sous forme de tableaux et de cartes.
Afin d’aider éventuellement au choix de la programmation des travaux de protection, on propose de
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distinguer dans l’analyse de l’aléa les falaises déportées, séparées de la route par un versant (dit
« trajectoire » [1]) moins déclive (voire plat dans certains cas), des talus et falaises situés directement
à l’aplomb de la route.
Trois cas de figure se présentent alors : les deux cas décrits précédemment et leur combinaison
(Fig. 2, 3 et 4).
La différenciation en deux zones « sources » (falaise à l’aplomb et falaise déportée) a été faite, d’une
part, pour répondre à des questions de responsabilité liées à la propriété de ces falaises (générale-
ment l’État est propriétaire des talus situés dans l’emprise directe du domaine routier) et, d’autre
part, pour permettre la prise en compte des variations morphologiques des falaises.
Sur les fiches de saisies, les différents facteurs concourant à la détermination du niveau d’aléa sont
appréciés par l’observateur qui doit bien maîtriser la méthode et avoir un niveau de connaissances
géotechniques et régionales assez élevé.

Falaise déportée

Falaise
déportée
Trajectoire
Talus,
Talus, falaise falaise
à l'aplomb Trajectoire à l'aplomb

RN RN RN

„ Fig. 2
Schéma des différentes configurations.

* PR : point repère a remplacé le PK : point kilométrique.

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„ Fig. 3
Exemple de falaise déportée, avec zone
de trajectoire en pied, et de falaise à
l’aplomb.

„ Fig. 4
Exemple de falaise, de 400 m de haut,
à l’aplomb de la route.

DÉTERMINATION DU NIVEAU D’ALÉA


Cette détermination est effectuée en analysant les différents paramètres naturels déterminant la
stabilité : topographie, discontinuités, végétation, hydrologie (éventuellement, car ce facteur est très
rarement accessible au moment où sont effectués les relevés sur le terrain) et artificiels, comme les
protections existantes. Sont pris également en compte les indices morphologiques témoignant de
chutes plus ou moins fréquentes.

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Pour faciliter la synthèse et apprécier l’aléa, on utilise un tableau dans lequel apparaissent les diffé-
rents paramètres (Fig. 5).
Dans la zone de départ (falaise à l’aplomb ou falaise déportée), on examine tout d’abord les facteurs
déterminants fondamentaux : la topographie et les discontinuités.
Ce couple de facteurs permet de définir trois éventualités [1] :
¾ pas de possibilité de chute (0),
¾ faible probabilité de chute (1),
¾ forte probabilité de chute (2).
Il n’y a pas de possibilité de chute dans deux cas :
¾ il y a absence de discontinuités,
¾ les volumes isolés par les discontinuités existantes n’ont pas de possibilité de déplacement.
Il y a une faible probabilité de chute si la disposition des surfaces limitant le polyèdre ou la pierre est
telle qu’aucune butée ne fait obstacle au déplacement sous l’effet de la pesanteur ou de sa compo-
sante, mais que la résistance au cisaillement ou au glissement globale, selon les surfaces, est égale ou
excède légèrement la valeur de la composante de la pesanteur (la résistance au cisaillement est fonc-
tion du frottement lié à la nature de la roche et aux irrégularités de la surface de discontinuité ainsi
que de la cohésion résiduelle, qui peut se maintenir lorsque la fissuration n’est pas achevée sur toute
la surface et ménage des ponts de roche intacts entre les épontes).

„ Fig. 5
Tableau de détermination de l’aléa.

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Il y a une forte probabilité de chute si les discontinuités du massif qui isolent les volumes sont par-
faitement continues et que les surfaces de glissement sont lisses et (ou) que le centre de gravité du
polyèdre considéré tombe à l’extérieur de la falaise.
L’observation des discontinuités, qui est donc fondamentale, est évidemment l’opération la plus déli-
cate des relevés. En pratique, la géométrie de ces surfaces peut souvent être reconstituée, avec une
approximation convenable, par une étude très fine de la structure, notamment à partir de relevés
minutieux des orientations des discontinuités à leur intersection avec la surface. Cette étude est plus
facile sur les talus artificiels récents que sur les versants naturels où elle est souvent gênée par des
concrétionnements et une patine qui tendent à effacer les fissures. Elle est souvent impuissante à
déceler les fissures parallèles au versant, pourtant déterminantes ; on raisonne alors par analogie, en
extrapolant à partir de discontinuités observées dans des conditions favorables et en déterminant si
elles sont répétitives ou non. C’est également avec cette méthode que l’on parvient à qualifier l’état
de ces discontinuités.
À ces deux facteurs déterminants fondamentaux s’ajoutent trois facteurs, minorants ou aggravants :
¾ la végétation, lorsque celle-ci est située sur la falaise et que les racines ont tendance à ouvrir les
discontinuités (facteur aggravant ou variable de commande),
¾ les indices morphologiques, qui témoignent de chutes antérieures sur le site,
¾ les protections.
Le facteur hydrologique, important car il constitue souvent un facteur déclenchant, ne peut généra-
lement pas être observé lorsque les relevés (ponctuels dans le temps) sont effectués, en raison de son
caractère très variable dans le temps. Seuls des écoulements permanents pouvant être observés, ce
facteur n’est donc pas pris en compte dans les fiches de relevés (Fig. 10) et donc dans les tableaux de
synthèse (cf. Fig. 5), pour ne pas déséquilibrer la synthèse des résultats.
La synthèse de l’ensemble permet de caractériser le niveau de l’aléa sur les falaises déportées et les
falaises à l’aplomb. On définit ainsi trois classes [1] :
„ Classe (0)
¾ présence d’une protection prenant en compte tout l’aléa,
¾ absence totale d’indices,
¾ absence de végétation défavorable. 9
„ Classe (1)
¾ présence d’une protection prenant en compte une partie de l’aléa,
¾ indices plus importants,
¾ végétation défavorable diffuse.
„ Classe (2)
¾ absence de protection,
¾ indices abondants,
¾ végétation défavorable abondante.

Cas des falaises déportées


L’aléa final, au niveau de la route, lié aux falaises déportées, sera obtenu après analyse et prise en
compte des facteurs minorants observés sur la trajectoire (ou versant) des blocs entre le pied de
falaise et la route. En fonction de la présence ou de l’absence de trois facteurs (topographie, végéta-
tion et protections éventuelles existantes), on examine alors les possibilités d’arrêt du polyèdre
(Fig. 6). On distingue trois possibilités :
¾ arrêt (0),
¾ arrêt probable (1),
¾ pas d’arrêt (2).
L’aléa peut être annulé par une topographie favorable en pied de talus ou de falaise ou par une pro-
tection efficace ; l’aléa résultant sera considéré comme étant nul. Les paramètres pris en compte pour
sa détermination peuvent subir des modifications naturelles ou artificielles qui, ultérieurement,
peuvent remettre en cause ce classement.
Afin de pouvoir traiter numériquement et exprimer la synthèse de l’aléa de la falaise déportée et des
facteurs de la zone de trajectoire (appelée « versant »), la synthèse a été codifiée par une notation
alphanumérique les identifiant respectivement : par exemple J1 (J = Jaune et 1 = falaise déportée) ou

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Rg2 (Rg = rouge et 2 = trajectoire). Le résultat final (exprimé seulement par une couleur), falaise
déportée + versant, est issu de la matrice de synthèse (cf. Fig. 5).

Remarque : il faut souligner que l’aléa, défini à partir des différents critères exposés plus haut, est
apprécié et que cette méthode reste en partie subjective. Elle permet à l’observateur de rationaliser la
saisie des paramètres et d’effectuer la synthèse plus facilement, sans oublier de prendre en compte
des paramètres importants.

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„ Fig. 6
Exemple de détermination du niveau d’aléa.

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Saisie des données
La saisie des données se fait au moyen de fiches de relevés manuelles (Fig. 10) ou de fiches de saisies
numériques (Fig. 11 – masque de saisie réalisée avec le tableur Excel).

Expression des résultats


Les figures 7 et 8 illustrent un mode de représentation du niveau d’aléa sur une portion d’itinéraire,
sous forme de tableaux. La figure 9 exprime une représentation cartographique de ces résultats qui
permet de visualiser le niveau d’aléa par type de falaise, déportée ou à l’aplomb de la route.

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„ Fig. 7
Exemple de tableau de niveau d’aléa par section d’itinéraire (+ indication des chutes de blocs) par PR croissant.

„ Fig. 8
Exemple de tableau de niveau d’aléa par section d’itinéraire (niveau d’aléa croissant : falaise à l’aplomb).

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„ Fig. 9
Exemple de cartographie
linéaire d’aléa
« éboulement ».

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MOYENS D’ÉTUDE, OUTILS ET PRÉSENTATION DES RÉSULTATS


Plans topographiques
Pour les études linéaires, l’échelle du 1/10 000 est assez bien adaptée ; celle du 1/5 000 permet d’obte-
nir, dans les zones de relief contrasté, une cartographie plus fine.

Outils numériques
On utilise ici des logiciels de traitement des données et de représentation cartographique (cf. Fig. 9).
En cartographie surfacique, le traitement des données (données d’archives et données acquises pour
la réalisation de la carte) et l’expression cartographique pourront être réalisés à l’aide d’un outil SIG.
En cartographie linéaire, la saisie et l’exploitation des données pourront être effectuées avec un
tableur de type Excel qui permet l’exportation dans la plupart des logiciels (cf. Fig. 11). La saisie des
données peut être effectuée numériquement sur le terrain à l’aide d’un ordinateur portable. La repré-
sentation cartographique peut être réalisée à l’aide d’un outil SIG en utilisant des outils intermédiai-
res tels que VS Map ou MERIU et la représentation selon un « schéma itinéraire » peut être réalisée
par exemple avec SILLAGE.

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„ Fig. 10
Exemple de fiche de suivi sur le terrain (manuelle ou numérique).

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„ Fig. 11
Exemple de masque de saisie des données (sous Microsoft Excel).
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„ Fig. 12
Aléa « éboulement » sur route. Exemple de traitement et de représentation synthétique des données (niveaux d’aléa sur l’ensemble
des routes nationales).

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RN 1202 Km RN 1202 %
RN 204 RN 204
RN 202 RN 202
RN 98 RN 98
RN 85 RN 85
RN 7 RN 7
0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

„ Fig. 13
Aléa « éboulement » sur route. Exemple de traitement et de représentation synthétique des données (linéaire et pourcentage de
routes nationales exposées à l’aléa « éboulement »).

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„ Fig. 14
Exemple de base de données connectée à un SIG (B.D. Mvt BRGM – LCPC – RTM).

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Présentation et utilisation des résultats
Les résultats peuvent être présentés essentiellement sous forme de cartes, de tableaux et de graphes
ou encore sous forme de « schémas itinéraires ». L’intérêt de disposer de données numériques est de
pouvoir les croiser automatiquement avec d’autres données routières (fréquences des éboulements,
accidentologie, trafic, etc.). La réalisation avec un logiciel SIG permet, outre la représentation carto-
graphique, l’emploi de requêtes pour effectuer des recherches et des traitements numériques sur les
zones. À titre d’exemple, les figures 12 et 13 présentent quelques résultats globaux relatifs à l’ensemble
des routes nationales du département. L’utilisation de cet outil sur ordinateur permet la consultation
de la base de données des événements archivés avec leur repérage géographique (Fig. 14).

LIMITES ET CARACTÉRISTIQUES DES ÉTUDES


Les études sont réalisées à un moment donné, repéré dans le temps, alors que l’objet des études évo-
lue sans cesse et que des facteurs anthropiques peuvent également intervenir (modification du relief,
mise en œuvre de parades, etc.). Elles ont donc un caractère provisoire et doivent être actualisées
périodiquement.
Les cartes sont fondées sur un examen visuel des sites (tous les facteurs ne sont donc pas accessibles)
et ne comportent pas de moyens d’investigation quantitatifs particuliers. Les paramètres sont donc
évalués à dire d’expert. Par conséquent, cet expert doit avoir une bonne connaissance de la géomé-
canique et de la géologie locale. Dans le cas d’intervention de plusieurs opérateurs, il est recom-
mandé de procéder préalablement à une séance « d’étalonnage » sur des sites représentatifs.
Cette cartographie a les limites de précision des outils utilisés, notamment en ce qui concerne le plan
topographique utilisé.

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CONCLUSION
La méthodologie mise en œuvre offre l’avantage essentiel de pouvoir caractériser l’aléa sur de grandes
longueurs d’itinéraire dans un laps de temps assez court. Elle constitue un outil simple, qui permet
de réactualiser facilement les résultats, et apporte une aide à la décision pour le gestionnaire de la
route. Elle peut être appliquée par des opérateurs différents, après étalonnage, tout en minimisant
les risques de dérive d’évaluation de l’aléa. Elle peut être également qualifiée pour d’autres types de
réseau d’infrastructure de transport. Elle ne se substitue pas aux études d’aléa « éboulement » spéci-
fiques mais permet, sur des critères les plus objectifs possibles (aléa, chutes de blocs effectives, acci-
dents, trafic), d’effectuer une programmation rationnelle des études et des travaux de protection.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] LCPC, Groupe d’études des falaises, Éboulements et chutes de pierres sur les routes. Méthode de cartographie,
Rapport LCPC 80, 1978, 68 pages.

Autres références :
Parades contre les instabilités rocheuses, Guide technique, Collection Environnement, Les risques naturels, LCPC,
mai 2001, 144 pages.
Caractérisation et cartographie de l’aléa dû aux mouvements de terrain, Guide technique, Collection Environnement,
Les risques naturels, LCPC, 2000, 92 pages.

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Glossaire
Remarques : Les quelques termes figurant dans le présent lexique sont extraits du rapport de présentation de l’étude
de l’aléa « éboulement » sur les routes nationales des Alpes-Maritimes. Certains sont applicables à différents types d’évé-
nements et, en particulier, aux concepts de mouvements de terrain ; d’autres sont plus spécifiques à celui d’éboulement,
ainsi qu’aux méthodes et technologies connexes (parades).
Les termes sont présentés par ordre alphabétique.
Les définitions proposées se réfèrent à des concepts usuels déjà formalisés par l’usage, les référentiels techniques exis-
tants ou la réglementation (y compris les normes).
Quelques commentaires sont joints aux définitions pour préciser les références techniques ou normatives éventuelles.
– Aléa : Événement incertain, caractérisé éventuellement par le dépassement d’un seuil d’intensité donné, et pouvant être
dangereux, susceptible de se produire au cours de l’évolution d’un phénomène affectant un ouvrage ou un site, éventuel-
lement associé à une probabilité d’occurrence, au cours d’une période de référence.

COMMENTAIRES
La définition générale de l’aléa précise qu’il « s’agit d’un événement incertain soumis au hasard, c’est-à-dire à une interfé-
rence accidentelle et généralement imprévisible entre deux ou plusieurs séries causales dont les relations réciproques
sont, à chaque instant, rigoureusement déterminées, mais dont l’indépendance relative n’est imputable qu’à notre
ignorance ».
Dans ces conditions, il est souvent très difficile de définir une probabilité chiffrée d’occurrence d’un événement dans une
période donnée. Cette détermination suppose en effet la stabilité du mécanisme caractérisant le phénomène, I’observation
directe d’un grand nombre d’événements permettant de traiter des séries statistiques ou la connaissance des lois de com-
portement du phénomène et des probabilités d’occurrence des variables de commande et, donc, indirectement de celle du
phénomène.
La plupart du temps, cette probabilité sera appréciée qualitativement à dire d’expert, sur la base d’un certain nombre
d’observations, dont certaines sont quantifiables. Par extension, le terme est utilisé ici pour désigner la probabilité d’occur-
rence de l’événement (aléa faible, moyen, élevé, très élevé).
Lorsque c’est possible, on rattachera les niveaux d’aléa aux périodes de référence habituellement retenues pour des phé- 17
nomènes abordables par des séries statistiques (inondations), soit 10, 25, 50 et 100 ans.
Les événements visés peuvent être naturels (par ex. éboulements) ou anthropiques, internes ou externes à un ouvrage ou
à un site.
– Discontinuité : Terme générique désignant toute séparation, surface ou couche mince, située à l’intérieur d’un milieu
continu ou entre deux milieux continus différents, en général assimilable à un plan sur une certaine étendue, affectant un
massif rocheux (joint de stratification, schistosité, diaclase, fracture, faille).
Une discontinuité constitue souvent une surface de rupture préférentielle dans un massif rocheux.
– Éboulement : Phénomène discontinu qui affecte des roches cohérentes, impliquant qu’une portion de roche, de volume
quelconque, parvienne à se détacher de la masse rocheuse. La cinématique du phénomène est rapide à très rapide.
Les éboulements constituent l’un des phénomènes géodynamiques de la classification des mouvements de terrain. Ils se
subdivisent eux-mêmes en quatre catégories selon des critères volumétriques (cf. la norme NF P 95-307 « Équipements
de protection contre les éboulements rocheux – Terminologie ».
– Éléments à risque : Il s’agit des personnes, constructions, infrastructures, services publics, activités économiques, etc.,
soumis à risque dans une zone donnée.
Cet ensemble qui peut être très simple ou très complexe peut trouver une expression commune en unités monétaires si
l’on est capable de donner des équivalents pour les pertes de vies humaines, les blessés, les destructions des biens mobi-
liers et immobiliers, et d’estimer les pertes résultant de l’interruption de l’activité économique et des services publics.
– Enjeu : Conséquences directes ou indirectes résultant de l’occurrence d’un aléa, sur les éléments à risque, susceptibles
d’être évitées par une mesure de prévention : confortement, exploitation, surveillance
Il s’agit donc de ce que l’on peut gagner ou perdre par un choix d’action ou d’inaction. L’enjeu peut éventuellement s’expri-
mer comme le risque sous une forme probabiliste : on parlera alors d’espérance de gain.
– Facteur (déterminant) : Il s’agit des paramètres fondamentaux propices au déclenchement d’un phénomène.
C’est l’analyse des mécanismes de chaque phénomène qui permet de dégager les facteurs déterminants et les seuils
critiques propres à chaque système. Pour les massifs rocheux, ces facteurs sont : la lithologie, la structure, la pente, la
morphologie, l’hydrogéologie, etc.
Par exemple, pour les glissements dans le flysch, les facteurs déterminants seront : alternance de marne et de grès (litho-
logie), pente supérieure à 30°, éventuel pendage défavorable (structure), indice de glissement (morphologie), eau en

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charge (hydrologie). À noter que la structure (éventuel pendage défavorable) n’intervient que lorsque le flysch est très gré-
seux (lithologie).
– Facteur (déclenchant) : Cf. variable de commande.
Il s’agit de facteurs aggravants, variables et transitoires, extrinsèques au système, qui peuvent être naturels (pluviométrie,
gel, sismicité, etc.) ou anthropiques (terrassements, tirs de mines, fuites d’eau, etc.).
– Indices (morphologiques) : Il s’agit des signes apparents témoins d’un événement passé récent ou ancien.
En matière d’éboulement il s’agit par exemple de l’empreinte d’un bloc éboulé comportant notamment des traces de rup-
tures de ponts de matière, d’oxydation, etc.
– Parade : Dispositif qui permet de mettre totalement ou partiellement à l’abri d’un aléa mouvement de terrain un site
exposé.
Cf. norme NF P 95-307 « Équipements de protection contre les éboulements rocheux », qui définit la terminologie relative
aux parades ; elle distingue deux types de parades :
Parades actives : Procédés visant à la stabilisation des pierres ou blocs, ou à la suppression des causes des chutes ; elles
agissent sur la zone origine des éboulements.
Parades passives : Procédés visant au contrôle de la trajectoire ou à l’interception des masses en mouvement, en aval
de la zone origine.
Voir également la norme NF P 95-308 « Écrans de filets » qui définit cette parade.
– Prévention : Ensemble des mesures mises en oeuvre pour éviter qu’un événement néfaste ne se produise ou pour
l’empêcher d’avoir des conséquences graves.
Il existe trois formes de prévention :
• Ia prévention éducative,
• Ia prévention prospective,
• Ia prévention active.
– Protection (équipements de) : Ensemble des parades utilisées contre les éboulements rocheux.
Cf. norme NF P 95-307 « Équipements de protection contre les éboulements rocheux ».
– Risque : Espérance mathématique de dommage ou de perte associée à un aléa et aux éléments à risque.
Le risque est exprimé par le produit de la probabilité d’aléa par la vulnérabilité et par la valeur des éléments à risque.
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Bien que peu utilisée dans le langage courant, cette acception rationnelle du mot risque est la seule qui permette une
approche économique donnant des éléments comparatifs de choix aux décideurs dans la définition et la mise en oeuvre
d’une stratégie de prévention contre des événements catastrophiques.
N.B. : La définition du risque et de la terminologie associée s’inspire des propositions faites par l’UNDRO (United Nation
Disaster Relief Organisation) dans son rapport « Natural Disaster and Vulnerability Analysis ». 09/12-07-79 ; mais cette
notion est valable aussi bien pour les risques naturels que pour les risques anthropiques, si l’on est capable d’évaluer un
aléa.
Voir également le dictionnaire de la Qualité (AFNOR) : Mesure d’un danger, associant l’occurrence et ses effets ou consé-
quences économiques, matérielles, humaines.
– Variable (de commande) : Il s’agit d’un paramètre, extérieur aux paramètres intrinsèques d’un massif et souvent varia-
ble dans le temps ; qui concourt à la création d’un état potentiel d’instabilité du terrain, et peut déclencher la rupture (facteur
déclenchant).
Parmi ces variables, mesurables ou pas, on peut citer notamment la pluviométrie, qui influe sur la piézomètrie, le vent, qui
agit sur la végétation, le gel, les vibrations (tirs de mines, séismes), etc.
– Vulnérabilité : Niveau de dommage relatif d’une construction (bâtiment, ouvrage d’art) ou d’un équipement soumis à
l’effet d’une sollicitation agressive donnée.
Il s’agit du rapport du coût des dommages prévisibles (enjeu) au coût total de l’ouvrage.
La vulnérabilité est nulle si aucun dommage n’est prévisible ; elle est égale à 1 (un) en cas de ruine totale.
L’application de ce coefficient au coût de l’ouvrage donne le coût de sa réparation.
Si plusieurs ouvrages sont exposés sur un site, la « vulnérabilité du site » est égale au rapport de la somme des dommages
probables sur chaque ouvrage à la somme des valeurs de chaque ouvrage. D’une façon générale, la vulnérabilité devrait
tenir compte des effets induits (pertes dues aux perturbations économiques).
Les sollicitations possibles sont variées : charges de service, séisme, chutes de blocs, glissement de terrain, avalanches,
etc.
L’application de la notion de vulnérabilité à l’homme est plus délicate et n’est pas abordée ici.

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