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UNIVERSITÉ MOHAMMED

V-SOUISSI
Faculté des Sciences
Semestre S3 Juridiques, Économiques
et Sociales de Salé

PROBLEMES ECONOMIQUES
ET SOCIAUX

Pr: Sonia BENJAMAA

1
OBJECTIFS ET METHODOLOGIE

Objectifs:
Acquérir les connaissances de base pour pouvoir comprendre
l’origine des déséquilibres et les interactions entre déséquilibres
économiques et sociaux et,
Comprendre ensuite les politiques mises en œuvre pour résoudre
ces déséquilibres.
Comprendre et analyser une situation économique et acquérir des
notions sur l’économie marocaine.
Méthodologie:
Etude et compréhension des problèmes économiques et sociaux de
long terme: croissance, développement, pauvreté, chômage.
Application au cas marocain 2
I – INTRODUCTION

Les problèmes économiques et sociaux sont des situations à


l’origine de déséquilibres pouvant aboutir à des blocages.
Les problèmes économiques et sociaux varient en fonction des
périodes:
Par exemple, dans les années 80, l’un des grands problèmes
économiques était l’inflation. Actuellement, les problèmes
économiques les plus cruciaux sont les problèmes de la croissance et
de l’endettement public, en particulier en Europe.

Les problèmes économiques et sociaux varient également en


fonction des régions, et surtout en fonction du niveau de
développement économique:
Par exemple, en Afrique noire, le problème le plus crucial
actuellement est celui de la pauvreté alors qu’en Europe, il s’agit du
problème de la croissance. 3
I- INTRODUCTION

Les problèmes sont souvent inter reliés, interdépendants:


Par exemple, les problèmes de croissance et de chômage sont
intimement liés. C’est le cas également des problèmes de croissance et
d’endettement public, des problèmes démographiques et de retraite,
des problèmes monétaire et de déficit extérieur.
Les problèmes économiques et sociaux sont soit des problèmes
de court terme soit des problèmes de long terme.
 Par exemple, les problèmes monétaires et d’inflation sont des
problèmes de court terme. Les autorités essaieront donc d’y
remédier en mettant en place des politiques conjoncturelles qui
interviennent à court terme en agissant sur la demande globale
(exple: politique monétaire).
 Les problèmes de croissance, de chômage et de développement
sont des problèmes de long terme et feront donc l’objet de politiques
structurelles qui agissent sur l’offre globale (politiques industrielle,
commerciale, politique d’éducation etc…)
4
I- INTRODUCTION

Les problèmes de court terme peuvent devenir des problèmes de


long terme ou influer sur des problèmes de long terme.
Certains problèmes sont exogènes c’est-à-dire viennent de l’extérieur
par exemple chocs pétroliers consécutifs à l’augmentation des prix du
pétrole, chocs démographiques, baisse de la demande étrangère adressée
à un pays.
D’autres problèmes sont endogènes c’est-à-dire créés par les
gouvernements ou les politiques économiques (exemple: déficits publics).
Il est souvent difficile de faire la distinction entre problèmes
exogènes et problèmes endogènes.

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CHAPITRE I:

LE PROBLEME DE
LA CROISSANCE ECONOMIQUE

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Section I: La mesure de la croissance

1. De la production au PIB
 En économie fermée:
Tout ce qui a été produit dans le pays est utilisé pour la
consommation, la consommation intermédiaire et
l’investissement:
P = C + C.I + I
 En économie ouverte:
Tout ce qui a été produit et importé est utilisé pour la
consommation, l’investissement, la consommation
intermédiaire et les exportations.

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Section I: La mesure de la croissance

P + M = C + C.I + I + X

 On a V.A= P-C.I:
 La valeur ajoutée est la différence entre la valeur des biens
vendus et la valeur des biens achetés pour être transformés

 Donc V.A=  P-C.I ou Y=PIB= P-C.I


Cette méthode permet de ne pas compter deux fois une
production si elle est elle-même utilisée pour produire un autre
bien
 D’où: P-CI = C + I + X -M

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Section I: La mesure de la croissance

Y = C + I + X –M
Ou Y= Cp +Cg+ Ig+Ip + X-M
Ou Y= C + I+ G + X-M
 Il y a égalité entre l’offre globale (Y) et la demande globale
(C+I+G+X-M), ou entre les ressources et les emplois. Cette
équation représente l’équilibre ressources-emplois.

 X-M est le solde courant et représente donc la demande


externe

 C + I +G représente la demande interne.


 La croissance est tirée à la fois par la demande interne et la
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demande externe.
Section I: La mesure de la croissance

L’équilibre ressources-emplois est un équilibre comptable. Pour


assurer l’équilibre, la différence entre l’offre globale et la
demande globale ou agrégée est appelée variation de stocks.

 Si l’offre est supérieure à la demande, les entreprises accumulent des


stocks et la variation est alors positive.
 Si l’offre est inférieure à la demande, les entreprises réduisent leurs
stocks et la variation est alors négative.

On a alors: Y= C + I+ G + X-M +_  stocks

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Section I: La mesure de la croissance

2. Les modes de calcul du PIB


Tous les agents économiques ou «secteurs institutionnels »
contribuent à la production:
 Les entreprises (sociétés non financières)
 Les ménages y compris les entrepreneurs individuels
 Les sociétés financières
 Les administrations publiques et institutions sans but lucratif
La production totale est mesurée par le PIB ou Produit Intérieur
Brut qui est la somme des valeurs ajoutées des secteurs
institutionnels résidents. Le critère retenu est donc celui de la
territorialité et non celui de la nationalité.

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Section I: La mesure de la croissance

PIB aux prix du marché = ∑ des valeurs ajoutées des secteurs


institutionnels résidents + TVA - subventions sur les produits

La première mesure du PIB part donc de la production (somme des


valeurs ajoutées des unités résidentes).

Mais dans la mesure où il y a équilibre entre les ressources et les


emplois, le PIB est aussi égal à la demande totale de biens et
services et peut se mesurer par la somme des emplois finals
intérieurs de biens et services:
PIB aux prix du marché = consommation finale + Investissement +
exportations – importations

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Section I: La mesure de la croissance

Dans la mesure où la valeur ajoutée est distribuée sous forme de


revenus, le PIB peut aussi être calculé par la somme des revenus
distribués par les unités résidentes, soit:
PIB au prix du marché = Rémunération des salariés + EBE + Impôts
(sur la production et les importations) – subventions.

Le PIB mesure aussi bien la production marchande que la


production non marchande:
 Dans le secteur marchand, c’est le produit de la vente qui permet de
calculer la valeur ajoutée
 Dans le secteur non marchand, la valeur ajoutée est calculée à partir
des coûts de production (salaires et consommation intermédiaire).

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Section I: La mesure de la croissance

La production non marchande représente les services produits


essentiellement par les administrations publiques qui ne sont pas vendus
sur le marché mais qui sont disponibles gratuitement (éducation, santé,
sécurité). Pour produire ces services, l’Etat achète des biens aux
entreprises et paie des salaires aux ménages.
Lorsqu’il n’y a ni vente ni coût de production, ce qui est produit
n’est pas comptabilisé dans le PIB: par exemple, le travail des
femmes au foyer.

Lorsqu’on calcule le PIB, il faut faire la distinction entre le PIB


nominal ou en valeur ou en prix courants, et le PIB réel ou en
volume et en prix constants et donc entre le taux de croissance en
valeur et le taux de croissance en volume.

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Section I: La mesure de la croissance

 Le PIB nominal ou en valeur raisonne en prix courants c’est-à-dire


qu’il intègre l’inflation, alors que

 le PIB réel ou en volume raisonne en prix constants et élimine


l’inflation ou la hausse des prix, et ne prend donc en considération
que la hausse des quantités produites. On dit qu’on retire l’effet-prix
ou qu’on déflate en définissant une année de base:

PIB réel=PIB nominal/niveau général des prix x 100

Niveau général des prix= indice des prix actuel/ indice des prix
de l’année de base

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Section I: La mesure de la croissance
3. Les atouts et les limites du PIB
Le PIB est l’indicateur le plus utilisé pour mesurer la croissance. Il
permet:

  VA),
de mesurer la richesse créée dans un pays (
 de situer l’économie dans la hiérarchie mondiale et donc de faire des
comparaisons dans l’espace en comparant les PIB nominaux des
différents pays.
 de mesurer le taux de croissance d’une année à l’autre et donc de
faire des comparaisons dans le temps:

taux de croissance= PIBnCs – PIBn-1Cs/PIBn-1Cs x 100


Le taux de croissance annuel du PIB en % représente la variation
relative d’une année à l’autre du PIB en prix constants ou PIB réel.
 de mesurer le niveau de vie des populations lorsqu’il est rapporté à la
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population ou PIB/hab.
Section I: La mesure de la croissance

Mais il présente plusieurs limites:


 Tout d’abord, le PIB est sous-évalué car il n’intègre pas toutes les
productions notamment la production de l’économie informelle (ou
économie souterraine) et la production domestique (travail des
femmes au foyer)
 Le PIB est également sur évalué car il intègre dans son calcul les
productions dites «réparatrices» comme les dépenses de dépollution,
les dépenses liées aux dégâts physiques (accidents de la route,
tremblements de terre, incendies etc).
 Le PIB est un critère de développement artificiel: un pays pourra par
exemple améliorer son classement par l’appréciation des prix du
pétrole sans qu’il y ait eu création de richesse. De même, un PIB/hab
élevé provenant d’une dotation en ressources naturelles importante
(mines et hydrocarbures) dont l’exploitation gonfle le PIB, ou de la
petite taille de la population est beaucoup moins soutenable qu’un 17
autre PIB provenant de sources de production diversifiées.
Section I: La mesure de la croissance
 Le PIB/hab est un indicateur quantitatif du niveau de vie des
populations mais ne reflète pas la qualité de vie ou le bien-être des
populations qui peut être mesuré par exemple par l’accès aux soins de
santé, à l’éducation, etc…

4. De nouveaux indicateurs de développement


Les critiques adressées au PIB comme indicateur de bien être vont
aboutir à la construction de nouveaux indicateurs dont le plus
connu est l’indicateur de développement humain (IDH) reconnu
officiellement par le PNUD en 1990 et initié par les travaux de
l’économiste Amartya Sen consacrés au concept de développement
humain.
 L’IDH retient la moyenne de trois indicateurs:
- Le revenu national brut par hab (le revenu national brut est le PIB
plus revenus reçus de l’Etranger moins revenus versés à l’Etranger)
18
Section I: La mesure de la croissance
- l’espérance de vie à la naissance qui donne une idée de l’état de
santé de la population du pays et,
- le niveau d’éducation mesuré par la durée moyenne de scolarisation
pour les adultes de plus de 25 ans et la durée attendue de
scolarisation pour les enfants d’âge scolaire.

L’IDH est un indicateur synthétique qui mesure le développement humain


à partir de la moyenne géométrique de trois sous indices dont le calcul
aboutit à un indice compris entre 0 et 1. Plus l’indice est proche de 1,
plus le pays est considéré comme développé sur le plan humain. Le PNUD
classe les pays en quatre catégories selon leur indice:
 De 0,8 à 1: développement humain très élevé (Norvège, Etats Unis,
France, Finlande…)
 De 0,7 à 0,799: développement humain élevé
 De 0,5 à 0,699: développement humain moyen
 De 0 à 0,499: développement humain faible (Niger, Burkina Faso) 19
Section I: La mesure de la croissance
 L’IDH est sans doute un meilleur indicateur du niveau de
développement humain d’un pays que le PIB/hab mais il présente
également plusieurs faiblesses:
- d’abord parce que c’est un indice qui inclut lui-même le revenu
national brut/hab, ce qui fait que l’IDH peut progresser par le seul
fait que le PIB augmente, alors même que l’espérance de vie stagne
ou diminue ou que le niveau d’instruction est faible. Les
statisticiens ont remédié partiellement à cette faiblesse en se
basant sur la moyenne géométrique pour le calcul de l’IDH à partir
de 2011.
- et aussi parce qu’il ne prend pas en compte davantage de critères
qualitatifs en particulier les inégalités sociales.

Les faiblesses de l’IDH ont amené les institutions internationales à


calculer deux nouveaux indices: l’IPH (Indice de pauvreté
humaine) en 2002 et l’IPM (Indice de pauvreté
20
multidimensionnelle) en 2010.
Section I: La mesure de la croissance

 Ces deux indicateurs intègrent des dimensions qualitatives comme la


part de la population en dessous du seuil de pauvreté.
 On peut constater des écarts importants entre l’IDH et l’IPH
essentiellement dans les pays en développement (Venezuela,
Thaïlande, Algérie, Egypte etc…)

En dehors de l’IDH et l’IPH retenus comme indicateurs officiels par


les institutions internationales, d’autres indicateurs peuvent être
utilisés au niveau national tels que:
 Le BIP 40 en France, baromètre des inégalités et de la pauvreté
élaboré à partir de 58 indicateurs statistiques correspondant à six
dimensions: santé, éducation, justice, logement, revenu, travail. Un
accroissement du BIP 40 correspond à une augmentation des inégalités
et de la pauvreté.

21
Section I: La mesure de la croissance

 L’indicateur de bien être économique appliqué au Royaume Uni et en


Norvège.

Les méthodes de calcul de ces indicateurs sont discutables et


approximatives car il est très difficile d’évaluer les phénomènes
sociaux.
Mais ces indicateurs permettent de dévoiler les différences entre
croissance, développement et progrès social. La croissance
apparaît donc comme une condition nécessaire mais non suffisante
au développement et peut aussi s’accompagner d’un
accroissement des inégalités et d’une dégradation des conditions
de vie.

22
Section II: Les facteurs de la croissance

La croissance désigne l’augmentation


soutenue de la production de biens et
services sur une longue période.
D’où vient la croissance? En d’autres termes,
quels sont les facteurs qui expliquent que la
production de biens et services augmente
d’une période à l’autre?

23
Section II: Les facteurs de la croissance

Les facteurs explicatifs sont tout d’abord liés à l’offre c’est-à-dire


à la capacité ou à la structure productive.

La croissance peut aussi être tirée par la demande puisque lorsque


l’entreprise augmente sa production, c’est pour répondre à la
demande qui lui est adressée.

De même, l’Etat, par son action, peut contribuer à la croissance


économique.

I – Les facteurs liés à l’offre


Pour générer une croissance durable, c’est-à-dire augmenter
durablement la production de biens et services, une économie
peut:
24
Section II: Les facteurs de la croissance

 Augmenter le volume des facteurs de production utilisés (agir sur la


quantité des facteurs capital et travail)
 Les combiner plus efficacement (meilleure combinaison productive ou
améliorer la qualité avec laquelle ces facteurs sont mis en oeuvre)
 Ou faire les deux

Dans le premier cas, la croissance nécessite un effort


d’investissement en capital et/ou une augmentation de la
population active occupée.
Dans le second cas, la croissance repose sur l’accroissement des
gains de productivité, soit la capacité à produire davantage avec
une quantité donnée de facteurs de production.
Quand la croissance repose sur l’augmentation de la quantité des
facteurs de production utilisés, on parle de croissance extensive. 25
Section II: Les facteurs de la croissance
Quand la croissance repose sur l’amélioration de l’efficacité des
facteurs de production, on parle de croissance intensive.
1. L’augmentation du volume des facteurs de production: la
croissance extensive
a) Augmentation de la quantité de facteur travail
L’accroissement de la population active occupée est l’un des
facteurs de la croissance. La population active occupée augmente
sous l’effet:
 D’une forte croissance démographique
 De l’augmentation du taux d’activité et donc de la baisse du taux de
chômage
 De flux migratoires importants
 De la baisse de la durée des études
 De l’augmentation de l’âge du départ à la retraite 26
Section II: Les facteurs de la croissance

La contribution de la quantité de travail à la croissance


économique a été significative au 19ème siècle.
Elle est beaucoup moins importante au 20ème siècle, la réduction
du temps de travail ayant largement compensé l’augmentation de
la population active occupée:
 En effet, la population active a continué d’augmenter au cours du
20ème siècle mais la baisse de la durée annuelle du travail observée
dans l’ensemble des pays développés a été beaucoup plus importante
que l’augmentation du nombre de travailleurs.
 La quantité de facteur travail utilisée dans une économie correspond
au nombre total d’heures travaillées au cours de l’année:

Nombre total d’heures travaillées = emploi total x nombre annuel


d’heures travaillées par actif employé
27
Section II: Les facteurs de la croissance

 La baisse du nombre annuel d’heures travaillées par actif employé


observée dans l’ensemble des pays développés est liée i) à l’évolution
des droits sociaux et ii) au développement du temps partiel qui a été
possible grâce à l’augmentation des gains de productivité.
L’amélioration de la productivité du travail explique que l’on puisse
produire plus avec une quantité de travail en diminution.

 La réduction de la durée de travail a permis de dégager du temps libre


qui a joué un rôle important dans la croissance elle-même avec le
développement des loisirs de masse.

Vers la fin du 2Oème siècle et le début du 21ème siècle, la


croissance est redevenue plus intensive en emploi en raison de
l’essor du secteur des services.

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Section II: Les facteurs de la croissance
b) Augmentation de la quantité de facteur capital
L’augmentation du stock de capital, via l’investissement net, joue
un rôle essentiel dans le processus de croissance.
Dans l’étude de la croissance, le capital désigne un facteur de
production c’est-à-dire le capital fixe ou stock de biens durables
qui correspond à l’ensemble des actifs corporels (biens
d’équipement, bâtiment, matériel et outillage…) et des actifs
incorporels (brevets, licences, logiciels, expertise etc..). Le
capital fixe est destiné à être utilisé dans le processus de
production pendant au moins un an.

L’augmentation du stock de capital fixe dépend:

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Section II: Les facteurs de la croissance

 De l’investissement désigné sur le plan comptable par la formation


brute de capital fixe ou FBCF. La FBCF consiste en l’achat d’actifs
fixes ou biens durables (biens d’équipement, matériel et outillage,
bâtiment).
 Du taux d’utilisation du capital technique (rapport entre les capacités
de production effectivement mobilisées pour la production et
l’ensemble des capacités de production potentiellement disponibles à
une date donnée).
Dans les pays industrialisés, la croissance économique s’est
accompagnée d’une augmentation de l’intensité capitalistique
(stock de capital par travailleur) qui s’est accélérée durant les
Trente Glorieuses (1945-1975) et s’est poursuivie ensuite dans un
contexte de ralentissement de la croissance économique.
30
Section II: Les facteurs de la croissance

Dans les pays industrialisés, le ralentissement de la croissance


après 1975 n’était donc pas dû à un défaut d’accumulation de
capital mais essentiellement au choc pétrolier et à la diminution
brutale de la croissance de la productivité dans les pays
industrialisés.
 Cette baisse de la productivité s’explique notamment par la loi des
rendements factoriels décroissants: si la quantité de capital
augmente alors que la quantité de travail n’augmente pas, les
rendements sont croissants au départ puis deviendront décroissants
avec le temps, c’est-à-dire qu’une augmentation de capital
supplémentaire se traduira par une augmentation moins que
proportionnelle de la production.

31
Section II: Les facteurs de la croissance

 Si la population active occupée augmente et que le stock de capital


augmente également, on parle de rendements d’échelle et à priori ces
rendements sont indéterminés: ils peuvent être croissants, constants
ou décroissants. C’est le progrès technique qui permet de tirer un
meilleur parti des facteurs de production et il est à l’origine de
rendements d’échelle croissants.
 Le facteur capital a donc perdu de son efficacité après la période des
« Trente Glorieuses » essentiellement parce que l’augmentation du
facteur capital ne s’est plus accompagnée de l’augmentation de la
population active ocupée.

Certains pays émergents et en particulier les pays asiatiques ont


une croissance qui dépend fortement de l’accumulation du
capital. Favorisée par une épargne intérieure élevée,
l’accumulation du capital contribue pour plus de 40% à la
croissance observée dans ces pays. 32
Section II: Les facteurs de la croissance

2. L’augmentation de la productivité des facteurs de production:


la croissance intensive

Avant 1956, les économistes considéraient que la croissance ne


pouvait résulter que de l’accumulation des facteurs de
production.

A partir de 1956, le modèle de Solow, modèle néoclassique de la


croissance prend en considération la productivité globale des
facteurs (PGF) . La productivité globale des facteurs (PGF) est la
part de la croissance qui n’est pas expliquée par l’accroissement
des facteurs de production capital et travail.
 Le progrès technique (ou innovation technologique) qui permet de produire
plus avec la même quantité de capital et de travail est l’élément principal
de la Productivité globale des facteurs.
33
Section II: Les facteurs de la croissance
Le progrès technique consiste en l’invention de produits et/ou de procédés
nouveaux qui augmentent le bien être de la population par un accroissement
ou une transformation de la consommation. L’innovation technologique
confère un avantage concurrentiel au moins temporairement. Elle permet de
se protéger de la concurrence et de réaliser des profits similaires à ceux
d’une situation de monopole.
 L’innovation organisationnelle (Organisation scientifique du
travail(Taylorisme, Fordisme)) permet également d’augmenter la
productivité globale des facteurs

Dans son article de 1957, « Technical Change and the aggregate


production function », Robert Solow décompose les sources de la
croissance entre capital, travail et progrès technique.
La méthodologie consiste donc à séparer la contribution des
facteurs de production capital et travail à la croissance d’une part
et, d’autre part, la part qui reste inexpliquée qu’on attribue
essentiellement au progrès technique appelée résidu de Solow.
34
Section II: Les facteurs de la croissance

Dans les modèles néoclassiques de la croissance, la part


inexpliquée de la croissance est donc attribuée au progrès
technique. Cette variable est exogène alors que les deux facteurs
capital et travail peuvent être contrôlés.
Le progrès technique est reconnu comme ayant joué un rôle
crucial dans le processus de croissance. Dans une célèbre étude
sur la croissance publiée en 1967 par Edward Denison « Why do
growth rates differ », sa part est évaluée entre 30 et 60 % de la
croissance dans les pays développés durant la période de
croissance rapide des Trente Glorieuses.
La rupture de croissance après 1973 s’est accompagnée d’une
baisse très sensible de la croissance de la Productivité Globale des
Facteurs.
35
Section II: Les facteurs de la croissance

A la fin des années 80, de nouvelles théories de la croissance, les


théories de la croissance endogène sont apparues. Pour les
théoriciens de la croissance endogène, le progrès technique n’est
pas considéré comme une variable exogène et repose lui aussi sur
les décisions des agents économiques.
La logique néoclassique de séparation stricte entre le volume des
facteurs de production, d’une part, et la contribution du progrès
technique à la croissance, d’autre part, a été remise en question
par les théoriciens de la croissance endogène dans la mesure où
plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur le progrès
technique:
 Le rythme d’accumulation du capital: il existe en fait une relation
entre le progrès technique et le rythme d’accumulation du capital:

36
Section II: Les facteurs de la croissance

Plus le rythme d’accumulation du capital est élevé, plus le progrès


technique sera important dans la mesure où les nouveaux biens
capitaux incorporent davantage de progrès technique.
 D’autres facteurs ont un impact sur le progrès technique notamment:
i) les efforts en recherche-développement, et ii) les investissements
réalisés dans l’éducation d’une population qui la rendent plus apte à
innover.
Les modèles de croissance endogène retiennent différentes sources de
croissance: i) l’investissement en capital technique, ii) l’investissement
en capital humain, iii) le progrès technique ou innovation technologique,
iv) la division du travail, et v) le capital public.
Les modèles de croissance endogène insistent sur le rôle de l’Etat dans la
croissance alors que d’autres approches mettent en évidence le rôle du
contexte politico-institutionnel.

37
Section II: Les facteurs de la croissance

3. Evaluation des deux types de croissance


Dans la pratique, aucune croissance n’est purement intensive ou
purement extensive. Mais la croissance est plutôt extensive dans
les pays émergents et en développement, et plutôt intensive dans
les pays industrialisés.
Aux Etats–Unis par exemple, la croissance était plutôt extensive dans les
années 70 et 80 en raison d’un faible niveau de productivité alors qu’elle
devient plutôt intensive à partir des années 90 avec le développement
des NTIC.
La croissance intensive est la seule qui repose sur un véritable
progrès et peut donc sembler préférable.
Toutefois, une croissance intensive fondée sur un haut niveau de
productivité crée moins d’emplois et peut se traduire par une
augmentation du chômage.
38
Section II: Les facteurs de la croissance

La croissance intensive peut aussi ne pas être durable. Par


exemple, l’agriculture intensive épuise les sols et pollue les
nappes phréatiques (pesticides), et peut donc avoir des
conséquences négatives sur l’environnement.

II – Les facteurs liés à la demande


L’entreprise ne peut augmenter sa production s’il n’y a pas
augmentation de la demande qui lui est adressée.
Cette demande, comme le montre l’équilibre emplois-ressources
provient:
- De la consommation finale des ménages: elle est plus stable que
les autres emplois (investissement et exportations). En période de crise,
elle permet d’atténuer la baisse de la croissance. La consommation des
ménages dépend i) du revenu nominal, ii) du revenu réel (pouvoir
39
Section II: Les facteurs de la croissance
d’achat) mais aussi de la répartition du revenu entre consommation et
épargne. L’arbitrage entre consommation et épargne est influencé par
la politique monétaire mais également par les facteurs socio-culturels.

- De l’investissement des entreprises (FBCF): il est


particulièrement sensible à la conjoncture. La confiance dans les
institutions, le climat des affaires jouent un rôle déterminant en
matière d’investissement.

- Des dépenses de l’Etat: la FBCF des administrations publiques et


leur consommation finale sont généralement plus stables que celles des
autres agents économiques dans la mesure où l’Etat doit soutenir
l’activité économique lorsque l’activité est morose.

- Des consommateurs étrangers: il est difficile d’influencer la


demande étrangère adressée au Maroc parce qu’elle dépend de la
qualité et du prix des matières exportées (compétitivité) mais aussi et
surtout de la situation économique et financière du pays importateur. 40
Section II: Les facteurs de la croissance

III – Le rôle de l’Etat dans la croissance


Les théoriciens de la croissance endogène (Paul Romer, Robert E
Lucas et Robert Barro) insistent sur le rôle de l’Etat dans la
croissance, alors que d’autres approches mettent en évidence le
rôle des institutions dans la croissance (économie
institutionnelle).
1. Les dépenses publiques, un facteur de croissance endogène
La hausse des dépenses publiques, financée par l’impôt, peut
avoir un impact favorable sur la croissance. Le modèle de
croissance endogène proposé par Robert Barro en 1990 est fondé
sur la distinction entre capital privé et capital public, et sur le
niveau de dépenses optimal:
41
Section II: Les facteurs de la croissance

 Le capital public, c’est-à-dire les infrastructures durables (routes,


réseau ferroviaire, ports, hôpitaux etc…) que l’Etat finance par
l’augmentation des dépenses publiques, est à l’origine d’externalités
positives sur l’efficacité du capital privé: si l’Etat construit un réseau
routier par exemple, il améliore la productivité de l’ensemble des
entreprises qui l’utilisent.
 En revanche, la hausse des impôts consécutive à l’augmentation des
dépenses publiques exerce un effet désincitatif sur la production car
elle peut freiner l’investissement.
En tenant compte des effets opposés des impôts et des dépenses
publiques, Barro montre qu’il existe un niveau de dépenses
optimal qu’il ne faut pas dépasser. Si l’on se situe en dessous de
ce niveau, la hausse des dépenses publiques favorise la
croissance économique.
42
Section II: Les facteurs de la croissance

2. Politiques éducatives et croissance


Les dépenses d’éducation rendent l’acquisition de nouvelles
compétences plus facile dans l’économie grâce à la maîtrise des
savoirs fondamentaux. Les pays qui ont un haut niveau
d’éducation ont plus de facilités pour développer de nouvelles
compétences et pour innover. Les Pouvoirs publics peuvent donc
améliorer la croissance par une politique de formation
appropriée.
Tout au long du 20ème siècle, l’amélioration du niveau
d’éducation a favorisé la croissance des pays développés. Cela
rend plus complexe leur rattrapage par les pays émergents car il
nécessite des politiques publiques très volontaristes dans le
domaine de la formation.
43
Section II: Les facteurs de la croissance

3. Politique industrielle et innovation


La politique industrielle recouvre l’ensemble des mesures prises
par l’Etat pour orienter et développer le secteur industriel.
L’objectif de la politique industrielle est de rendre l’économie
plus compétitive afin d’améliorer la croissance économique, de
réduire le chômage et d’améliorer la situation de la balance des
paiements.
La mise en place d’une politique industrielle va donc inciter les
entreprises à innover, et favoriser ainsi une croissance soutenue.
4. Les facteurs institutionnels de la croissance
Les institutions favorables à la croissance peuvent être de nature
très variée: par exemple, les règles de la concurrence, la qualité
44
Section II: Les facteurs de la croissance

des institutions financières, et le bon fonctionnement des


institutions juridiques, administratives et politiques qui permet
de réduire la corruption considérée comme un frein essentiel à la
croissance.
 Au niveau du classement international, l’indice de perception de la corruption
(IPC) publié par Transparency International au titre de l’année 2017 attribue
au Maroc la 81ème place sur 180 pays avec un score de 40. Le Maroc a progressé
de neuf places dans le classement depuis 2016, mais reste toujours classé
derrière la Jordanie qui occupe la 59ème place et la Tunisie qui occupe la 74ème
place. cette évaluation négative traduit l’image dégradée qu’ont de notre pays
les agences spécialisées dans les questions de gouvernance et de corruption en
raison des signaux de recul par rapport aux promesses de lutte contre la
corruption portées par le discours officiel depuis 2011, et de la persistance de
l’impunité.

45
Section II: Les facteurs de la croissance

Le Maroc figure ainsi parmi les pays où sévit une corruption endémique, ce qui
constitue un obstacle à la croissance.

L’étude des facteurs institutionnels de la croissance introduit la


notion de « confiance sociale » en la qualité des institutions et la
prise en considération de son impact sur l’investissement et la
prise de risque à long terme.

46
CHAPITRE II:

CROISSANCE ECONOMIQUE
ET
DEVELOPPEMENT

47
Section 1 : définitions

La croissance économique est l’augmentation soutenue pendant


une longue période de la production d’un pays. La croissance est
une notion purement quantitative.
L’expansion est une augmentation conjoncturelle de la production
c'est-à-dire sur une courte période.
Le progrès est une notion plus générale qui s’assimile soit:
 à une amélioration sociale (baisse du taux de mortalité infantile,
augmentation de l’espérance de vie, amélioration du niveau d’études),
on parle alors de progrès social,
 à un progrès technique qui consiste en l’invention de produits et de
procédés nouveaux et à leur mise en œuvre économique
 à un progrès économique (ouverture des frontières, multiplication des
échanges).
48
Section 1 : définitions
Le développement a un caractère quantitatif (PIB/hab) mais
également qualitatif puisqu’il prend en compte les changements
structurels (économiques, sociaux, culturels et mentaux) qui
accompagnent une croissance durable (éducation, santé, libertés
civiles etc...)
Caractère Caractère quantitatif Caractère quantitatif et
quantitatif qualitatif

Expansion Croissance Développement


augmentation de augmentation de la amélioration des
production sur une structures économiques,
la production sur longue période.
le court terme. sociales, culturelles et
mentales d’un pays.
Phénomène quantitatif
Mesure: PIB d’accumulation des Phénomène qualitatif de
richesses transformation sociétale.

Mesure: PIB sur une Mesure: indicateurs


longue période alternatifs(IDH, IPH, IPM…)
49
Section 2 : la relation entre croissance et
développement
L’évolution de la notion de développement de 1945 à nos jours
reflète l’évolution du courant de pensée de l’économie de
développement:
 En 1945, à la fin de la deuxième guerre mondiale, est apparu le
courant de l’économie de développement en tant que branche à part
entière de l’économie. Les pionniers du développement (Raul Prebish,
Arthur Lewis, Paul N. Rosenstein Rodan, Albert O. Hishman) ne
distinguaient pas entre croissance et développement: le développement
était synonyme de croissance du PIB sur une longue période, et la
croissance se traduisait par une amélioration du bien être des
populations et la diminution de la pauvreté.
 A partir des années 50, on observe une séparation entre la croissance
et le développement par les économistes du développement: Pour eux, il
n’y avait pas de développement sans croissance, mais les politiques ou
stratégies de développement devaient également s’attacher à réduire
les inégalités et satisfaire les besoins fondamentaux des populations. 50

Section 2 : la relation entre croissance et
développement
 A partir du début des années 80 et jusqu’au début de la décennie
90, on assiste à la « mort » de l’économie de développement et à
l’ascension dans les pays industrialisés des courants de pensée
néolibéraux et monétaristes qui préconisaient des stratégies basées sur
l’économie de marché. La gestion de la crise des années 80 a été
confiée aux institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale)
d’inspiration néolibérale qui ont mis en place des Programmes
d’ajustement structurel (PAS), politiques économiques applicables à
toutes les économies et basées sur l’orthodoxie financière et
l’ouverture aux marchés.
 A partir du début de la décennie 90, on assiste à un renouveau de
l’économie de développement suite à l’échec des Programmes
d’ajustement structurel : dans la plupart des pays en développement,
même si les PAS ont permis une réduction notable de l’endettement et
l’amélioration d’un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques,
aucun changement de structures associées au développement n’a été
51
observé.
Section 2 : la relation entre croissance et
développement

 De 1990 à nos jours, l’économie de développement a connu


plusieurs évolutions significatives :

- A partir du début des années 90, la composante humaine du


développement a été prise en considération, et une importance
accrue a été accordée aux indicateurs alternatifs : le premier rapport
sur le développement humain a été publié par le PNUD en 1990 avec
la création de l’IDH.
- En septembre 2000, la Déclaration du Millénaire, lors du sommet du
Millénaire pour le développement est l’expression concrète de ce que
doit être le développement humain. Cette déclaration met en valeur
le principe selon lequel l’être humain doit être au centre de tous les
programmes pour aider les populations à vivre mieux. De nouveaux
indicateurs sont construits par les Nations Unies : les Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) au nombre de huit à
52
atteindre d’ici 2015. Les OMD ont été remplacés par les ODD à partir
Section 2 : la relation entre croissance et
développement

de janvier 2016. Les Objectifs pour le développement durable


(0DD) ou objectifs mondiaux d’ici 2030 sont au nombre de 17
parce qu’ils intègrent de nouvelles préoccupations telles que les
changements climatiques, la paix et la justice.

- Depuis 2007, le concept de développement humain a encore


évolué et est de plus en plus centré sur le bien être de l’individu
et la manière dont le bien être évolue au cours du temps
(déclaration d’Istanbul de 2007 sur l’évaluation du progrès des
sociétés et la qualité de vie des citoyens, rapport de la commission
Stiglitz de 2009). Pour Stiglitz, le développement ne consiste pas
seulement à transformer les économies mais doit également
correspondre à une transformation de la vie des individus :
« development is about transforming the lives of people not just
transforming economies »

53
Section 3 : les différentes stratégies de
développement
A la suite du processus de décolonisation dans la deuxième moitié
du 20ème siècle, les pays nouvellement indépendants vont mettre
en place différentes stratégies pour sortir du sous-développement.
Ces stratégies vont être appliquées entre le début des années 50
et le début des années 80. Elles vont faire jouer un rôle
primordial à l’Etat et privilégier l’industrie au détriment de
l’agriculture dans la mesure où les économistes liaient fortement
développement et industrialisation:
Le secteur industriel était supposé avoir des effets d’entraînement sur
les autres secteurs de l’économie, par le biais des innovations
technologiques qui vont permettre des gains de productivité dans
l’ensemble des secteurs de l’économie. En revanche, l’agriculture était
considérée comme un secteur archaïque à faible productivité qui se
développera grâce aux effets d’entraînement de l’industrie.
54
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

Le premier type de stratégie de développement regroupe des


industrialisations basées sur le marché intérieur : c’est le
développement auto-centré, alors que le deuxième type de
stratégie de développement repose sur une participation
croissante au commerce international : c’est le développement
extraverti.

&1 - Le développement autocentré


Le développement autocentré regroupe la stratégie de
l’industrialisation par substitution aux importations (ISI) et la voie
de l’industrie industrialisante.

55
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

1. L’industrialisation par substitution aux importations (ISI)


Cette stratégie, qui a été adoptée dans un grand nombre de pays
d’Amérique latine et d’Afrique (Mexique, Brésil, Argentine, Côte
d’Ivoire, Maroc) consiste à se libérer de la dépendance au
commerce international en substituant progressivement la
production nationale aux importations.
Elle nécessite des politiques protectionnistes pour protéger les
industries naissantes mais aussi des investissements massifs qui
ont été financés par l’endettement international.
Le développement doit être assuré par une stratégie de remontée de
filière qui permet de diversifier la production : le pays produit d’abord
des biens de consommation basiques à faible valeur ajoutée (biens
alimentaires, textile), puis il produit des biens plus élaborés à forte
valeur ajoutée (chimie puis biens industriels, biens d’équipement), ce qui
doit permettre d’aboutir à terme à une production industrielle 56
diversifiée.
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

2. L’industrie industrialisante
Une autre voie inspirée du modèle soviétique et adoptée par
l’Inde dans les années 50 et l’Algérie à partir de 1967 consiste à
mettre en place une politique volontariste de l’Etat qui privilégie
les industries lourdes (sidérurgie, chimie, mécanique), et oriente
les investissements vers ces secteurs considérés comme
stratégiques parce qu’ils pourront dégager des gains de
productivité qui favoriseront la croissance de l’économie toute
entière (mécanisation de l’agriculture par exemple).
3. Quel bilan ?
Ces stratégies ont permis de diversifier la production industrielle à
court terme et de moderniser l’appareil productif, mais elles se
sont traduites par une augmentation des importations en
particulier dans le secteur agricole du fait de l’abandon du secteur
57
primaire.
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

Ces stratégies n’ont pas permis d’amorcer un processus de


développement durable, la pauvreté et les inégalités sociales
restant fortement présentes, et ont aggravé le déficit de l’Etat, ce
qui a abouti à la crise de l‘endettement au début des années 80.

&2 - Le développement extraverti


Le développement extraverti regroupe deux stratégies : la
stratégie basée sur l’exportation de produits primaires et la
stratégie de promotion des exportations.

1. L’exportation de produits primaires


Les PED dotés de ressources naturelles abondantes vont se
spécialiser dans les exportations de ces produits primaires. Les
ressources financières tirées de ces exportations doivent
permettre d’importer des biens d’équipement pour favoriser 58
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

l’industrialisation du pays. Cette stratégie s’est révélée ruineuse


pour la plupart des pays exportateurs d’un seul produit primaire
en raison de la dégradation des termes de l’échange. En dehors
des pays de l’OPEP, la plupart de ces pays font aujourd’hui partie
des Pays les moins avancés (PMA).
2. La stratégie de promotion des exportations
Cette stratégie consiste à remplacer progressivement les
exportations de produits traditionnels par les exportations de
produits à plus forte valeur ajoutée en intégrant progressivement
du progrès technique et en assurant la formation de la main
d’œuvre.

59
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

Ce développement extraverti n’a été un succès que pour les


pays qui ont su faire évoluer leur spécialisation en remontant
la filière de leurs exportations : c’est le cas des NPIA
(Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie) : Hong Kong, Singapour,
Corée du Sud et Taiwan, qui ont pu concurrencer les pays
développés dans la production de biens manufacturés comme
l’électronique grâce au faible coût de la main d’œuvre et au
transfert de technologie et de savoir-faire.
En revanche, plusieurs pays d’Amérique latine (Mexique,
Brésil, Chili) n’ont pas réussi à sortir de leur spécialisation
initiale et ont vu leur dette extérieure s’accroître fortement
au début des années 80.

60
Section 3 : les différentes stratégies de
développement

&3 - L’échec des PAS et le nouveau modèle de développement


Les stratégies de développement vont être uniformisées à partir
du début des années 80 avec la mise en place des Programmes
d’ajustement structurel (PAS) pour aider les pays en
développement à surmonter la crise de l’endettement.
Les PAS vont subir de nombreux échecs qui vont provoquer leur
remise en cause au cours des années 90. Une réflexion est alors
menée pour repenser le développement.

61
CHAPITRE III:

LA PROBLEMATIQUE
DE LA PAUVRETE

62
INTRODUCTION
La réduction de moitié de la pauvreté extrême a été le tout
premier des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)
et le premier défi d’un grand nombre de pays en développement.
Les OMD ont permis de multiplier les efforts pour répondre aux
besoins des plus pauvres et ont permis de réduire l’extrême
pauvreté (1,90 dollars par jour).
Mais en 2016, 900 millions de personnes dans le monde vivent
encore sous le seuil de 1,90 dollars par jour, soit environ 10% de la
population des pays en développement et émergents.
La pauvreté extrême a baissé chez les géants démographiques tels
que la Chine et l’Inde, et se concentre aujourd’hui en Afrique
subsaharienne, principalement dans les zones rurales. On compte
par exemple davantage de pauvres au Nigéria qu’en Inde.
63
INTRODUCTION

Si la pauvreté extrême a diminué dans les pays en


développement, la pauvreté relative, qui recense les ménages qui
ne disposent pas de revenus suffisants pour satisfaire des besoins
élémentaires, ne cesse d’augmenter et les inégalités progressent.
La pauvreté ne fait pas partie de l’indice du développement
humain (IDH) mais elle représente un paramètre essentiel dans
toute politique de développement humain dans la mesure où la
réduction du taux de pauvreté contribue nécessairement au
développement humain.

64
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

La pauvreté monétaire est la pauvreté en termes de revenu. :


 La pauvreté extrême: selon le PNUD, une personne vit dans la
pauvreté extrême si elle ne dispose pas des revenus nécessaires pour
satisfaire ses besoins alimentaires essentiels. Elle est définie par
l’ONU comme touchant une population vivant avec moins
de 1,90 Dollar par jour.
 La pauvreté relative: une personne vit dans la pauvreté relative si
elle ne dispose pas des revenus suffisants pour satisfaire ses besoins
essentiels non alimentaires tels l’habillement, l’énergie et le
logement. Elle est évaluée en fonction d’un seuil défini par chaque
pays (2,15 Dollar par habitant et par jour au Maroc).
 La notion de vulnérabilité doit également être distinguée. Au Maroc,
une personne est dite vulnérable lorsqu’elle dispose d’un revenu
supérieur à 2,15 et inférieur à 3,20 Dollars par jour.

65
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

La pauvreté non monétaire ou humaine signifie que les individus


sont privés des besoins essentiels pour mener une vie décente.

Dans une perspective de développement humain, la pauvreté


signifie davantage que l’absence de ce qui est nécessaire au bien-
être matériel.
Il faut donc traiter la pauvreté dans toutes ses dimensions, pas
seulement celle du revenu. Le niveau de pauvreté humaine d’un
pays est mesuré par l’indicateur de pauvreté humaine (IPH) créé
par le PNUD en 1997.

66
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

L’intérêt de l’IPH est qu’au lieu de mesurer la pauvreté en


fonction du revenu, l’IPH utilise les indicateurs incorporant les
dimensions les plus fondamentales de la pauvreté.
Le PNUD calcule l’IPH1, indice adapté aux pays en développement
et l’IPH2 indice adapté aux pays industrialisés.
Les trois sous-indicateurs sur lesquels repose l’indice de pauvreté
sont les mêmes pour IPH1 que pour IPH2, seuls les critères de
mesure varient pour tenir compte des différences dans les réalités
de ces pays :

67
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

 L’indicateur de longévité (qui représente le pourcentage de personnes


risquant de décéder avant un âge fixé)
 L’indicateur d’instruction
 L’indicateur des conditions de vie
Dans l’IPH1 (pays en développement) :
 P1, l’indicateur de longévité représente le pourcentage de personnes
risquant de décéder avant 40 ans
 P2, l’indicateur d’instruction représente le pourcentage d’adultes
analphabètes
 P3 , l’indicateur des conditions de vie est mesuré par trois sous
indices:
 - Le pourcentage d’individus privés d’accès aux services de santé
 - Le pourcentage d’individus privés d’eau potable
 -Le pourcentage d’enfants de moins de cinq ans souffrant de
68
malnutrition
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

IPH1 est la moyenne arithmétique de trois sous-indices .


Les trois indicateurs (P1, P2 et P3) sont exprimés en pourcentage
et on a : IPH1= P13+P23+P33/3
Dans l’IPH2 :
 P1, l’indicateur de longévité représente le pourcentage de personnes
risquant de décéder avant 60 ans
 P2, l’indicateur d’instruction représente le pourcentage d’illettrisme
 P3 est l’indicateur des conditions de vie. Il est mesuré par le
pourcentage de personnes vivant en dessous de la demi-médiane du
revenu disponible des ménages. Si M est le niveau de revenu tel
qu’une moitié de la population a un revenu supérieur à M et l’autre
moitié a un revenu inférieur à M, alors P3 est le pourcentage de
personnes ayant un revenu inférieur à M/2.
69
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

 Dans les pays industrialisés, on rajoute aux trois indicateurs P1, P2 et


P3 un quatrième indicateur P4 qui est le pourcentage de personnes en
chômage de longue durée (c'est-à-dire population active et sans
emploi depuis au moins 12 mois).

On a alors IPH2= P13+P23+P33+P43/4


Les deux IPH prennent en considération la situation des plus
défavorisés. Plus un IPH est élevé, plus un pays est pauvre.
Le Rapport sur le Développement humain dans le monde introduit
en 2010 un nouvel indice statistique qui remplace l’IPH et évalue
la pauvreté dans les pays en développement : l’indice de pauvreté
multidimensionnelle (IPM).

70
Section I: Définition et mesure de la pauvreté
L’IPM est un indice statistique évaluant la pauvreté dans les pays
en développement à partir de dix indicateurs de la pauvreté à la
fois, d'où son caractère « multidimensionnel:
 la mortalité infantile (si un enfant est mort dans la famille) ;
 la nutrition (si un membre de la famille est en malnutrition) ;
 les années de scolarité (si aucun membre n'a fait cinq ans à école) ;
 la sortie de l'école (si un des enfants a quitté l'école avant 8 ans) ;
 L’électricité (si le foyer n'a pas l'électricité) ;
 L’eau potable (s'il n'y en a pas à moins de 30 minutes de marche) ;
 Les sanitaires (s'il n'y en a pas ou bien partagés avec d'autres) ;
 le sol de l'habitat (si le sol est couvert par de la boue, du sable ou du fumier);
 Le combustible utilisé pour cuisiner (si c'est du bois, du charbon de bois ou de
la bouse);
 les biens mobiliers (si pas plus d'un bien parmi: radio, télévision, téléphone,
vélo ou moto). 71
Section I: Définition et mesure de la pauvreté

L'indice comptabilise les privations qui touchent les foyers dans les
domaines de la santé, de la scolarité et du niveau de vie. Il est
calculé selon la formule suivante:
IPM=H x A
 « H » désigne le pourcentage de personnes qui sont pauvres selon la
définition de l'IPM (privations à hauteur de 33 % des indicateurs
pondérés).Une personne vivant dans une pauvreté multidimensionnelle
vit « avec au moins 33% des indicateurs reflétant une privation aiguë
dans les domaines de la santé, de l'éducation et du niveau de vie ».
 « A » désigne l'intensité de cette pauvreté (le nombre de privations
auxquelles sont confrontés généralement les foyers pauvres soit le
pourcentage d'indicateurs de l'IPM qui sont concernés en moyenne).

72
Section II : Problématique de la corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté
Tout comme la relation croissance-développement, la corrélation
entre la croissance et la pauvreté a suscité un débat entre les
néolibéraux et les économistes du développement:
 Pour les néolibéraux, il existe un lien entre la réduction du taux de
pauvreté et la croissance du PIB/habitant. Pour eux, la croissance est
une condition nécessaire et suffisante pour réduire la pauvreté. La
réduction de la pauvreté due à la croissance résulte en fait d’une
relation mécanique: quand le pays produit plus, il peut redistribuer
davantage de richesses à l’ensemble de la population. Le PIB/habitant
va donc augmenter si le PIB croit plus vite que le nombre d’habitants,
ce qui permettra de réduire la pauvreté pour une grande partie des
habitants.
 Pour les économistes du développement, il existe une corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté, mais la corrélation n’est
absolument pas automatique : d’autres conditions doivent être réunies
pour que la croissance se traduise par une réduction de la pauvreté. 73
Section II : Problématique de la corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté

L’observation des faits met en évidence l’existence d’une relation


entre croissance du PIB/hab et réduction du taux de pauvreté:
 On observe généralement que lorsque le PIB/habitant augmente
rapidement, le nombre de pauvres diminue fortement : c’est le cas
par exemple du Vietnam dans les années 90 : le PIB/habitant a
augmenté en moyenne par an de 7% et le nombre de pauvres a
diminué de 10% en moyenne.
 Inversement, les pays à faible croissance ou qui ont enregistré une
décroissance du PIB/habitant ont connu une augmentation de la
pauvreté : par exemple, la Zambie a vu son PIB/habitant diminuer de
3% par an en moyenne dans les années 90, et le nombre de pauvres a
augmenté en moyenne de 2% par an.

74
Section II : Problématique de la corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté

 Une analyse transversale permet également de vérifier cette


corrélation: à titre d’exemple, entre 2000 et 2005, les Emirats arabes
Unis ont un PIB/hab 30 fois supérieur à celui du Sierra Leone
(25514$/hab contre 806 $/hab) et sont 6 fois mieux classés dans la
hiérarchie de l’IPH1 (17ème contre 102ème). Par ailleurs, 5,7% des
habitants du Sierra Leone vivent avec moins de 1$ par jour c’est à dire
dans la pauvreté extrême contre 0% aux Emirats arabes unis.
Toutefois, l’observation des faits a également démontré que cette
corrélation positive entre croissance économique et réduction de
la pauvreté n’est absolument pas automatique et qu’il n’y a donc
pas de relation de causalité entre les deux phénomènes. La
croissance est donc une condition nécessaire mais non suffisante
pour assurer une réduction de la pauvreté.

75
Section II : Problématique de la corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté

 A cet égard, l’exemple des Pays les moins avancés (PMA) est
significatif. Ces pays ont connu une croissance économique élevée
entre 2000 et 2005 (plus de 5% en moyenne) mais cette croissance ne
s’est pas traduite par une réduction de la pauvreté. Selon le rapport
2008 de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce
et le Développement), 36% de la population de ces pays continuent de
vivre dans l’extrême pauvreté et le nombre de personnes vivant avec
moins de 1$ par jour était plus élevé en 2005 qu’en 2000. Ce
paradoxe montre donc que la croissance n’est pas suffisante pour
résoudre la pauvreté.
 Par ailleurs, une comparaison par pays montre que le Burkina Faso et
Salvador ont le même taux de croissance annuel moyen du PIB/hab
(3%) au cours de la décennie 90, mais la baisse du nombre de pauvres
a été trois fois plus rapide au Salvador qu’au Burkina Faso.

76

Section II : Problématique de la corrélation
entre croissance et réduction de la pauvreté

 Quand on effectue une comparaison par pays sur la période 2000-


2005, on peut observer que la Malaisie a un PIB/hab deux fois
moins élevé que celui des Emirats arabes unis (12715 contre
25514$) mais un meilleur classement en matière d’IPH1 (16ème
contre 17ème).
 Par ailleurs, la Malaisie et l’Ile Maurice ont quasiment le même
PIB/hab mais leur classement en termes d’IPH1 est très différent
(16ème contre 29ème pour l’Ile Maurice).
 Le Brésil et la Chine sont aussi de bons exemples de l’absence de
corrélation automatique entre croissance et réduction de la
pauvreté : la Chine est devenue la première économie mondiale en
2014 et enregistre les taux de croissance les plus élevés au monde,
mais 9,9% de la population vit avec moins de 1,90$ par jour soit
dans l’extrême pauvreté. Au Brésil, 7,5% de la population vit avec
moins de 1,90$/jour malgré des taux de croissance élevés.
77
Section III :Pourquoi la croissance n’est-elle
pas suffisante pour réduire la pauvreté ?

La croissance économique n’assure pas automatiquement la


réduction de la pauvreté parce que la distribution des revenus
joue un rôle important dans l’intensité du lien entre croissance et
réduction de la pauvreté.
Plus la distribution des revenus est inégalitaire, et donc plus le
coefficient de Gini est élevé, plus la croissance doit être élevée
pour réduire le taux de pauvreté. Selon le RDH dans le monde de
2003, une croissance du PIB de 10% permettrait de réduire
l’incidence de la pauvreté monétaire de 30% dans les sociétés
relativement égalitaires c'est-à-dire présentant un coefficient de
Gini de 0,25 mais seulement de 10% dans les sociétés beaucoup
plus inégales où le coefficient de Gini est de 0,50.
 Le coefficient de Gini est une mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus
dans une société donnée, développée par le statisticien italien Corrado Gini. Le coefficient de
Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l'égalité parfaite (tout le monde a le même
78
revenu) et 1 signifie l'inégalité totale (une personne a tout le revenu, les autres n'ont rien).
Section III :Pourquoi la croissance n’est-elle
pas suffisante pour réduire la pauvreté ?

Ce sont donc les sociétés les plus égalitaires qui transforment plus
facilement la croissance en réduction de la pauvreté. Ceci est vrai
non seulement pour la répartition des revenus mais aussi pour la
répartition des terres, l’accès aux services de santé et
d’éducation, à l’eau potable et l’élimination des inégalités
hommes/femmes.
C’est à partir de ce constat qu’est apparue la croissance pro-
pauvres ou inclusive qui consiste à i) accélérer le rythme de
croissance des revenus et ii) à mettre cette croissance au service
des pauvres par la mise en place d’une politique de redistribution
appropriée. La notion de croissance pro-pauvres a fait son
apparition dans le cadre des efforts déployés pour atteindre les
OMD et notamment l’objectif de réduire de moitié la proportion
de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1,90$ par
79
jour.

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