The Agents Of S.H.I.E.L.

D Files

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 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
PSYCHOGIRL
BLUES
Quelque part dans les Bayous de Louisiane...
Tout tourne. Voile de sang devant mes yeux. Mon
corps n’est que douleur. Je serre les dents pour ne
pas m’évanouir. Pas le temps. Mastodonte de cent
vingt kilos en approche. Mes oreilles sifflent, étouf-
fant le brouhaha de cris de rage et de fureur comme
un ralenti de film. Odeur sale de transpiration et de
Sang. Adrénaline.
Je secoue la tête. La vision du sol passe de floue à…
Moins floue. Il faudra faire avec. Presque allongée, je
pousse sur mes bras pour me donner l’impulsion. Le
flot des cris repasse en vitesse normale. Maintenant.
Je fais violemment pivoter ma jambe gauche au mo-
ment même où le gros black arrive sur moi, venant
cueillir sa jambe pile au bon moment. Le colosse
tombe rudement. Mais je sais que ça ne l’arrêtera
pas, ça me permet juste d’éviter qu’il m’achève au
sol. Je me remets debout rapidement et dans le
mouvement je fonce sur lui.
Certaines personnes deviennent lucides quand elles
sont au calme. En train de méditer. De lire. De com-
munier avec la nature. Moi c’est exactement ici et
maintenant que j’ai les idées les plus claires. Dans
ce marasme d’arène clandestine en plein milieu des
marécages du Bayou en Louisiane. Entre la vie et la
mort.
Il n’a pas eut le temps de se relever. Lourd, mais pas
rapide. Dommage. Je saute légèrement vers le haut
avant de planter mon genou de tout mon poids dans
ses parties. Il hurle. La foule aussi. Certains pour
m’acclamer. D’autres pour me détester. On ne peut
pas plaire à tout le monde.
Mais je n’ai pas fini.
L’image de mon frère remplace celle du gros lour-
daud, comme ça le fait presque à chaque fois. Je vois
rouge. La rage monte comme une vague. Mon frère
Chayton. Rentré d’Afghanistan il y avait maintenant
deux ans. Il avait l’air normal. Presque bien. Puis il a
tué toute ma famille. Comme ça. Sans réfléchir, avec
le regard d’un automate.
La rage explose. Et la mâchoire de mon adversaire
aussi. La mâchoire de cet enfoiré. De mon propre
frère. L’image de sa lame pleine du sang de mon
père. Je le hais plus que ce qu’aucun mot ne peut
décrire.
La rage passe dans mes poings comme un ouragan.
J’entends les os se briser. Je sais que je suis en train
de hurler ma colère. Mais ça n’a pas d’importance.
Détruire ce visage. Voilà ce qui importe.
Avant que je m’en aperçoive, je suis en train d’enfon-
cer mes doigts dans les orbites de mon frère. Non.
Du Black. Je respire profondément. Si j’appuie, ses
globes oculaires exploseront comme deux raisins.
Pourquoi est-ce que j’hésite ? J’ai tellement envie de
faire payer quelqu’un pour tout ça.
Mes pouces appuient, et le titan noir hurle de dou-
leur. Écho des cris de mon père. Et de mes autres
frères. J’entends leurs cris. Mais je n’étais pas arrivée
assez vite. Des larmes montent malgré moi. Entre
rage et douleur.

La foule scande. «Psychogirl, Psychogirl !». C’est le
surnom qu’ils m’ont donné ici. Dans ce lieu de per-
dition de mon âme. Dans cet antre du mal auquel
j’appartiens probablement maintenant. Ils pensent
que je suis folle. Est-ce que je le suis ? Probablement.
Mais je n’aime pas ce surnom.
J’enlève mes doigts de ses orbites et me relève. Non,
je ne vais pas tuer cet homme. Ce n’est pas lui que
je veux tuer.
Ma respiration est haletante. Malgré la douleur je
me relève et me retourne pour voir cette foule de
voyeurs assoiffés de sang, et qui le hurle encore.
Mais je ne suis pas celle qu’ils croient. Ou du moins,
je ne veux pas le devenir.
Dans mon dos le géant se relève. Rage et désespoir
dans son cri rauque. Du sang dans les yeux. Mais il
veut gagner. Il les veut tellement, ces 5000$. Ca me
fait presque de la peine qu’il insiste. Mais il a décidé
de son destin, et j’ai trop besoin de ce fric.
Il charge, tête baissée, comme un taureau. Je coure
vers le mur, juste un peu moins vite que lui. Il croit
que je fuis. Il croit qu’il va me coincer contre ce
mur. Mais arrivé devant, je fonce et mes pieds nus
prennent appuis sur le mur pendant que je marche
littéralement dessus en faisant un saut périlleux ar-
rière pour retomber une main et un genou au sol
en soulevant la poussière. Lui a foncé sur la paroi
en bois, l’a traversée, et est maintenant inconscient
dans les décombres.
Je serre les dents et encore une fois défie la gravité
en me remettant sur mes deux pieds et avance
en boitant et en me tenant le côté. La foule est en
Chapter 1 : Psychogirl Blues
02
délire. Mais je m’en fous. Je prends ma veste en cuir
et le reste de mes affaire restées contre une balus-
trade, et je passe directement à la caisse.
Le manager, Sal, un rouquin aux chicots pourris me
regarde avec un sourire écœurant en me tendant
les 5000 :
«Bravo, Girl, bravo !». Pour un peu lui aussi il ap-
plaudirait. Mais je m’en tape. Je veux juste sortir de
là. J’ai le goût du sang dans la bouche, qui se mé-
lange avec l’odeur âcre de la fumée de la clope que
je viens d’allumer et qui me brûle la gorge comme
de l’acide.
Je me nettoie rapidement avec de l’eau à l’entrée,
et sort comme si le Wendigo était à mes trousses.
La lumière diffuse des marécages et l’odeur des
bayous me donnent envie de vomir. Je recompte
quand même. 5000. Je souffle la fumée et regarde
le soleil filtrer au travers de cette jungle perdue de
l’Amérique profonde. Sal m’avait filé une piste sur
mon frère. Il était venu combattre. Un vrai carnage,
a ce qu’il avait dit. Il avait brisé la nuque de trois
types. Mais c’était il y a un mois. Maintenant il
faudrait bien au moins ces 5000 pour retrouver sa
trace. Et quand je le retrouverais, il me devra bien
plus que ces 5000$.
J’enfile mes lunettes et enlève la béquille. Ma moto
démarre en trombe dans le petit chemin.
Il me devra le prix du sang. Même si je dois y laisser
ce qu’il reste de mon âme.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
BLOOD LAW !
Universal Studios Hollywood, 100 Universal
City Plaza Universal City, CA 91608
«Dégagezzzzzzz !»
Plan large sur trois inconnus qui évitent in extremis
la Shelby GT500 qui fonce en marche arrière et
embarque le porte-cintres et un tas de costumes à
paillettes.
Arrêt sur image à travers la vitre passager sur mon
visage tuméfié, tourné vers le pare-brise arrière pour
essayer de manœuvrer dans ce décor de cirque
totalement improbable.
En fait, le scénario de ma vie serait vite écrit. C’est un
classique d’Hollywood, presque un cliché. Règlement
de compte à OK Corral de la fille qui venge sa famille
tuée par le méchant frère psychopathe. Un synopsis
qui pourrait tenir sur même pas une page, du genre
: «Une native amérindienne de Seattle découvre son
frère, un vétéran de retour d’Afghanistan, en train
d’assassiner sauvagement sa famille. Échappant de
peu à la mort, elle décide d’utiliser son entraînement
de guerrière paramilitaire Salish pour le traquer et le
tuer.».
Rajoutez pas mal de sang et de cascades, et vous
avez un blockbuster. Ah, oui, et mettez quelques
effets spéciaux, parce que le frère a l’air de sortir
d’un film de Science-Fiction.
Je tourne la tête vers l’avant une seconde pour voir
s’il est encore là. Et il l’est. Accroché au pare-chocs,
il remonte sur le capot comme si on était dans un
Terminator. Mon frère a toujours été le plus fort
dans la famille. Mais pas au point de survivre au choc
d’une Mustang lancée à 80km/h. Et pourtant, il est
là, bien en vie. Son visage sanglant crispé de rage
fait trembler mes mains sur le volant. Une sourde
angoisse me saisit les tripes. Le monstre qui me fait
face n’est pas mon frère. La haine prend le dessus.
Action, Rain !
Je chope nerveusement le pistolet sur le siège
passager, appuyant sur la détente plusieurs fois.
*CLIC-CLIC…CLIC*
Je reste plantée là une micro seconde à regarder le
pistolet totalement inutile d’un air incrédule. Mais
pas le temps de m’attarder. Chayton vient de prendre
mon bras, et il tire avec une telle force que soit mon
épaule va lâcher, soit il va finir par m’éjecter de la
voiture. Je force moi aussi comme une damnée en
jurant en salish tout en regardant rapidement en
arrière. Aucune visibilité à cause de ces conneries
de fringues. Tant pis. Je braque le volant et me mets
presque debout en écrasant le frein à mort.
Moteur, ça tourneee !
Tout va alors très vite. Trop vite. Chayton décroche et
fait un vol plané sur la gauche, tandis que la Shelby
percute…Quelque chose. Ma tête heurte le volant.
Le pistolet m’échappe de la main et s’envole par
le pare-brise. Ma vue se trouble. Et là se produit
quelque chose qui n’arrive jamais dans une scène
d’action : dans la panique je perds le contrôle du
véhicule, le pied toujours sur l’accélérateur. Marche
arrière plein pot donc, jusqu’à ce qu’un pilier en
béton ne m’arrête de façon bien plus brutale.

Coup du lapin, je rebondis sur l’appuie tête et re-
tombe tête en avant sur le volant. Évidemment,
toujours pas d’airbag. Je suis groggy pour le compte.
Tu parles d’une héroïne...Quelques secondes plus
tard je sors la tête du volant. Mon champ de vision
est rempli du sang qui coule de mon arcade. Mais
la rage me secoue alors le ventre, et malgré la dou-
leur je plie la jambe et met un gros coup de botte
de moto à la portière enfoncée et l’ouvre d’un coup
d’épaule rageur. Grincement de ferraille quand je
sors comme une furie, dégainant mon poignard de
combat. Changement d’ambiance. Zoom sur mon
poignard de commando qui saute pour se retrouver
inversé, la lame contre mon avant-bras, d’un mouve-
ment souple et rapide. Traveling lent sur un hangar
sombre qui doit servir de tournage à un film genre
Fast and Furious, vu le nombre de voitures qui fait
presque passer l’endroit pour une casse. Pour moi,
ça ressemble surtout à un terrain d’embuscades
avec beaucoup trop de cachettes. Je me baisse, et
me glisse accroupie derrière la mustang, commen-
çant à faire le tour d’une démarche souple et sans
faire un bruit. Silence.
Je ne le vois pas venir. Un coup de Rangers m’arrache
mon couteau et m’envoie par terre quelques mètres
plus loin. Mais je connais mon frère. On s’est sou-
vent battus avant et après qu’il soit parti à l’armée.
Il aime la soumission et broyer ses ennemis comme
un Boa. Je me relève donc aussi vite que je peux,
et cherches le couteau. Trop loin. Ce sera donc un
match d’arène. Je me dis que c’est finalement un
juste retour des choses.
Il me fait face, sans bouger, la tête baissée. Puis il la
relève et plonge son regard noir profond sur moi :
«Tu aurais dû arrêter de me chercher…». Je secoue
la tête négativement en me mettant en garde. Un
regard mauvais m’habite : «Même pas en rêve. Ca
finit ici. Tu me dois le prix du sang…». Il fronce les
sourcils, l’air contrarié. Il arrache son T-shirt en lam-
beau, découvrant son corps de mastodonte recou-
vert de tatouages. La peur m’envahit une seconde,
mais s’évanouit la seconde d’après lorsque je vois ses
mains. Ces mains qui ont tué ma famille sans même
sourciller. Ma haine remonte, et je serre les poings. Il
me regarde un instant, et d’un coup, le tank charge.
Il court vers moi. Effet de ralenti. Je me mets à courir
aussi. Je connais mon frère. Au dernier moment, je
passe sous lui, et frappe le genou gauche en passant,
avant de me retourner. Il hurle. Vieille cicatrice. Le
Chapter 2 : Blood Law
04
genre que son côté Terminator ne lui a pas réparé.
Je continue, ne lui laissant pas une seconde de répit
dans un enchainement de coups que je termine en
sortant un filin de mon ceinturon dont j’entoure son
cou. Il met sa main au milieu pour l’éviter, et tente de
s’échapper tandis que je tire, un genou dans son dos
pour le tenir à distance.
Mais visiblement j’ai sous-estimé sa force et sa vo-
lonté. Malgré son genou probablement fracturé, il
recule violemment, et me fait heurter durement la
voiture derrière moi. Juste une seconde d’inatten-
tion, et le combat se retourne. Il me choppe à la
gorge. Sa poigne est tellement forte que je sens mes
cervicales céder. Je prends appui sur la voiture pour
donner une impulsion. Juste de quoi me dégager,
mais surtout me donner de l’élan pour le coup de
pied que je lui mets dans son genou cassé. Il tombe.
Je reprends mon souffle. Il se relève. Coup de genou
qu’il bloque, et me fait voler sur le capot d’une autre
voiture, en me cassant une côte. Pas le temps de
pleurer, il faut que je me relève, le Wendigo arrive.
A peine le temps qu’il essaie à nouveau de me saisir.
Mais cette fois je suis prête. Je m’éloigne, mais c’est
pour mieux prendre mon élan. J’embarque sa tête en
passant, pour aller lui faire rencontrer la vitre d’une
des épaves. Bruit de craquement et de bris de glace.
Ce genre de coup tuerait à coup sûr même un gros
balaise comme lui. Mais il revient à la charge, la moi-
tié du visage ravagé. Il murmure alors, une expres-
sion triste et effrayée sur le visage : «Va-t-en, petite
sœur. Fuis…». Je le regarde, l’air effrayée à mon tour.
Et c’est l’hésitation fatale. Son genou part dans mon
ventre. Je tombe, le souffle coupé. Il m’enserre alors
avec ces avant-bras monstrueux, et commence à me
broyer. J’ai perdu. Je frappe son bras pour me déga-
ger. Mais il ne sent même pas mes coups. Il…Pleure ?
J’entends sa respiration haletante, et son souffle irré-
gulier, comme s’il luttait. Mais pas contre moi. Dans
un hoquet, il murmure : «Pardonnes-moi, Rain…Je…
Peux pas…Ils sont…Trop…Forts…». Je suis complète-
ment sous le choc. Et en manque d’oxygène. Mon
cerveau ne répond plus, je suis totalement désem-
parée, et dans l’incompréhension la plus totale. Que
cherche-t-il à me dire ?...
Il continue, comme si il n’était pas en train de m’écra-
ser la nuque : « Je leur ai demandé de t’épargner.
Mais tu m’as traqué. Tu es devenu un danger pour
eux…Rhhhaaaaa». C’est un cri de souffrance. Au
moment où je tourne de l’œil, la pression se relâche.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
J’étouffe puis tousse comme une tuberculeuse, à
bout de souffle. La voix de mon frère s’élève derrière
moi, à peine audible au travers du voile de ma
conscience : «..Uis, Rain…FUIS ! JE T’AIME ! »..
Je me retourne, pour assister à une scène totalement
irréaliste : Il est en train de s’étrangler lui-même.
Complètement abasourdie, je reste indécise. D’un
coup son mime de combat s’arrête et il se raidit, et
lève les yeux vers moi. Les mêmes yeux vides et sans
âme que cette fois là. Le Wendigo. Il avance vers
moi. Il va me tuer. Je suis incapable de bouger. Ses
mains s’avancent vers moi…
Deux coups de feux résonnent alors, et je vois la tête
de mon frère exploser, comme une pastèque trop
Est-ce que c’est une odeur de…Fleur ? J’ouvre les
yeux. Mais ce ne sont pas les champs des ancêtres.
Juste une chambre d’hôpital. J’essaie de bouger.
Dans un râle je m’aperçois que c’est une mauvaise
idée. Une voix s’élève alors : « Ne bougez pas. Vous
avez plusieurs côte fêlées. Et je ne vous parle pas du
reste…»
Je tourne la tête lentement. Deux hommes en
costumes noirs. Un blond et un brun. C’est le
blond qui vient de parler, avec un léger accent. Son
collègue enchaîne, avec un accent du midwest :
«Vous vous sentez bien, Miss ?». Je ne réponds rien.
Les souvenirs affluent, et mon visage se ferme. Le
brun regarde le blond, puis déclare : «Je vais aller
chercher un café.». Puis il sort, me laissant seul
avec l’autre. Visage lisse, sourire lisse. Tout est trop
lisse chez cet homme, sauf ses débuts de rides. Il
m’observe une seconde, puis répond directement
à la question que j’allais poser : «Agent Kuryakin,
du SHIELD…». Il laisse une pause, puis rajoute : «Ne
demandez pas, ce serait trop long à expliquer. Disons
que nous sommes les gentils…». Encore une pause.
Comme s’il cherchait à m’évaluer, ou cherchait ses
mots. Sa voix monocorde s’élève à nouveau : «Votre
frère a été le cobaye d’une organisation terroriste
très secrète. Ils étaient infiltrés dans l’armée. Il
n’avait pas vraiment le choix, ce programme a fait de
lui une arme. Contrôlable à distance…».
Je secoue la tête, pour vérifier que je suis bien
réveillée. Est-ce que ce type essaie de me faire
croire qu’un groupe terroriste est capable de faire
de gens normaux des tueurs, contre leur volonté ?
Je me demande soudain dans quel genre de rêve
mûre. Chaleur visqueuse sur mon visage, pendant
que le sien s’envole à moitié.
J’ai toujours pensé que ce serait le plus beau jour
de ma vie. Celui où moi, l’héroïne, je vengeais ma
famille. Où mes ancêtres étaient apaisés. Où je
serais apaisée. A la place, je tombe sous le coup du
choc. Mon frère était vraiment possédé. Et tout ce
temps, je n’ai voulu que le tuer. Pas une seconde je
ne me suis demandée si je pourrais l’aider. Pas une
seconde. Alors qu’il m’avait protégée jusque là. Mon
cerveau n’est plus qu’un maelstrom chaotique. Tout
se met à tourner. C’est trop. Tout devient noir, et je
sombre dans les ténèbres de mon âme...
délirant j’ai atterri. Encore une fois, comme s’il lisait
mes pensées, l’Agent à l’accent vaguement russe
répond à mon questionnement silencieux : «Je
sais. Dis comme ça, ça parait délirant. Et ça n’a pas
d’importance pour vous pour le moment. Reposez-
vous…Mais sachez que rien de tout ça n’est de la
faute de votre frère. C’était un héros de guerre. Un
héros, tout court.».
Il arrête là son monologue. Je ne sais pas quoi
répondre, ma tête va exploser. J’ai envie de pleurer. Il
se lève, et tourne les talons : «Nous discuterons de ça
plus tard. Je repasserais. Nous avons une proposition
à vous faire, Mademoiselle Longshadow. Mais pour
le moment, prenez du repos. Et faites votre deuil.».
Long silence tandis qu’il ouvre la porte. Mais il se
ravise en se retournant : « Ah, j’oubliais. Nous avons
trouvé ça dans une des planques qu’il utilisait…».
Il s’approche et me tend une boite en bois. Verte,
gravée de petits symboles indiens dorés, que je
reconnais tout de suite. Des larmes coulent tandis
que je l’ouvre délicatement. Le pendentif en bois
que je lui avais sculpté est dedans. Une tête d’aigle.
Prise dans mes souvenirs, j’entends à peine celui que
j’appellerais plus tard Illya ouvrir la poignée et s’en
aller discrètement. Je reste là, Dieu sait combien de
temps, à caresser la tête de l’aigle et le cordon en
cuir. Il l’avait gardé. Tout ce temps.
Je finis par me réveiller de mon long songe d’une autre
vie. Une où ma famille est au complet, et où nous
menons une vie parfaite. Je n’ai malheureusement
pas eut cette vie. Je n’ai plus que l’absence d’une
quête terminée. Un vide total. Et... De deux agents
d’une organisation secrètes aux initiales étranges.
 Chapter 2 : Blood Law
06
C’est tout ce que j’ai désormais, car c’est la fin de cette
histoire. Et c’est loin d’un Happy End Hollywoodien.
Je ferme l’écrin de bois, et pleure doucement.
Coupé. C’est dans la boite.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow

BE THE SHIELD
S.H.I.E.L.D. Academy of Operations moindre erreur de jugement ou de calcul signifiait
sûrement la fin de l’Académie du SHIELD. Et la mort
Localisation : inconnue de la centaine d’Agents présents sur le site, si ce
n’était pas déjà fait. Je n’avais pas signé pour ça. On
La voix de James hurle presque dans mon oreillette vous apprend un tas de choses à l’entrainement,
« C’est bon, fonce ! » mais pas à faire face à ça.
Je prends mon élan. Merde, ils sont déjà là. Je pivote Et dire que j’avais intégré le programme juste pour «
à 180° pour leur faire face, faisant attention à mon tenter ma chance » parce que je ne savais plus quoi
équilibre dans ce corridor lubrifié. Je prends appui faire de ma vie après Chayton…
sur mes genoux pour glisser en marche arrière sur
cette patinoire pendant que je tire. Les deux Glocks Jour 1 : Salle de Briefing de l’Académie
17 aboient à la vitesse de mes index, tandis que les La voix de l’Agent formateur Reilly résonne dans la
balles des terroristes me sifflent dangereusement salle pleine :
aux oreilles. Mais leurs tirs sont faussés. Ils sont trop — «Vous êtes ici parce que vous avez passé
occupés à tenir l’équilibre sur ce sol aussi fartée tous les tests d’aptitude avec brio. Bravo…». Le
qu’une planche. La porte blindée se referme juste ton flegmatique et le visage dur de cet homme
au moment où je la franchis, laissant les balles des tranche totalement avec son sourire de félicitation
terroristes s’acharner dessus. Dans le mouvement presque crédible. Assis sur le coin du bureau, une
je me relève, éjecte les chargeurs et en insère main dans une poche, il reprend sur le même ton
deux autres à la volée grâce à ma ceinture de : « Vous pensez y être ? Détrompez-vous. Ce n’est
combat. SCHLINK. Les deux culasses des semi-auto que le début d’un calvaire qui va durer deux ans.
se remettent en place simultanément. Parée. Des Les plus résolus, les plus forts, les plus intelligents
gouttes de transpiration coulent de mes tempes d’entre vous pourrons devenir des agents de terrain.
jusqu’à mon cou tandis que je reprends mon souffle, Mais ne vous leurrez pas. La plupart d’entre vous
haletante. J’inspire profondément en fermant les retourneront dans leur service d’origine, avec pour
yeux un instant. seuls souvenirs les séances d’entraînement gratuites,
Comment on en était arrivé là ? Tout ça était et une tape sur l’épaule. Certains plus chanceux
complètement dingue. J’appuie mes deux crosses sur finiront dans des emplois subalternes dans un désert
la porte devant le poids écrasant de cette mission. quelconque comme simples plantons, ou même en
Ca devait être un entraînement de routine. Prise administratifs…».
d’objectif en deux équipes. Comment les choses Il marque une pause pour évaluer ces visages dont
avaient pu tourner à ce désastre ? Maintenant, la la majorité cherchent à cacher leur appréhension

de finir dans ces situations. Puis prenant le gros dos-
sier posé sur la table de son autre main, il le lève
pour montrer le sigle du SHIELD avec un sourire
triomphant : «Mais oui. Quelques-uns. Quelques-
uns seulement, auront le privilège d’être des agents
de terrain. Le privilège d’appartenir à l’ELITE…». Il
nous regarda tous, nous dévisageant de son regard
d’acier. Silence. Puis il posa le dossier, et retourna
ensuite la tête vers nous :
— « L’élite…Ceux qui auront le privilège…Que dis-je,
l’honneur, d’être au sein du sein…De ne plus avoir
d’identité. Plus de famille. Plus d’amis…Le privilège
d’être un inconnu dans une agence inconnue, et
probablement mourir au service des nations de ce
monde avec pour prime de retraite une balle dans la
tête…Ou pire.».
Autant l’ambiance commençait à s’échauffer devant
la présentation de ce qui avait l’air d’être le Saint-
Graal des gens autour de moi, autant maintenant
tout le monde a une tête d’enterrement. L’Agent
Reilly, une vraie légende dans l’Académie à ce qu’il
se racontait, nous toise, le regard toujours plus dur.
Et son ton suit.
— « Vous n’êtes pas ici pour la gloire. Vous n’êtes
pas ici pour la paie….Ni pour les femmes, j’espère…»,
dit-il en regardant un jeune blondinet tout droit sorti
d’un reportage sur le surf. Rires dans toute la salle. Le
patron reprend : «Vous n’êtes pas non plus ici parce
que vous êtes uniquement de bons éléments de vos
agences et autres unités spéciales…Non, vous êtes
là parce que vous avez besoin de plus. De plus qu’un
pays contre un autre pays. Vous voulez défendre un
idéal. Vous voulez être le bouclier humain contre le-
quel les balles des terroristes du monde entier rico-
cheront. Pour protéger notre monde de tout ce qui
le menace jour après jour. Un idéal de paix. Un idéal
dans lequel vous avez un jour cru. Et dans lequel le
SHIELD croit encore. Vous voulez être un instrument
pour maintenir la paix là où vous n’avez vu que la
guerre. Et si vous réussissez ici, vous serez tout cela.
Vous serez le SHIELD.».
Silence galvanisé. Pour un peu, j’ai l’impression qu’ils
remueraient la queue pour certains. Et moi qui ne
suis là que pour me changer les idées…Comment
avait dit Kuryakin ? Ah, oui un « Séjour de loisirs
tous frais payés». Baratin. Mais un truc me pousse
à rester. Peut-être ces deux hurluberlus qui m’ont
sauvé la vie. Peut-être à cause de mon frère et de
son sens du devoir, seul héritage qu’il me reste à
Chapter 3 : Be the SHIELD
08
perpétuer maintenant. Ou peut-être parce que ce
Reilly et son discours de motivation des troupes à
touché une corde que je ne connaissais pas. Peut-
être que finalement j’ai envie de protéger le monde
de ceux qui ont fait ça à mon frère. Ou peut-être que
c’est simplement encore une histoire de revanche,
mon leitmotiv habituel. J’entends à peine la suite qui
annonce le programme de formation, les groupes.
On se lève, on fait une visite des bâtiments. Mais je
n’écoute plus. Je cherche juste à comprendre ce que
je fais réellement ici.
Jour 10, 11:50PM — Groupe 3, Zone extérieure 8
La voix rocailleuse de la silhouette imperméabilisée
du sergent-chef me résonne aux oreilles.
— « Allez, la numéro 6, on le bouge cet arrière train,
pas de tire-au-flanc ! Bon sang, ma grand-mère avan-
çait plus vite avec une seule jambe ! Magnez-vous,
c’est pas un pique-nique !». Parcours du combattant
du soir, bonsoir. Barbelés, fosses de boues, murs de
dix mètres à la corde. Il fait nuit. Il pleut. On est tous
à bout de force. Mais je grimpe la façade aussi vite
que je peux avec l’agilité d’un chat, essayant d’éco-
nomiser mon souffle. Un brun me tient la corde.
Tout à fait mon type. Pas trop beau, mais juste ce
je-ne-sais-quoi de mystère. Mais là je suis fatiguée,
et ça m’agace. Je saute directement sans prendre sa
corde, puis on rampe :
— «Tu joues…Souvent…Les chevaliers servants…
Pour draguer, numéro 27 ?», dis-je en le désignant
par son numéro de dossard.
— «Ca dépend, on est quel jour ?», répond-il avec
un petit sourire gâché par sa figure boueuse : «…
Uniquement… avec celles…Qui sont capables de
m’battre au tir…», annonce-t-il en soulevant un
sourcil avant d’annoncer de cette voix chaude aux
accents texan qui m’a toujours fait craquer :
— «James…»
—«…Bond ?», réponds-je par réflexe avec une petite
moue. Il a un léger rire éteint par le parcours, avant
de répondre sur un ton égal :
— «Ca dépend…T’as dit qu’on était quel jour ?». Et
dans un râle masculin il passe sous les barbelés. Je le
suis en souriant. Bêtement.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
Jour 20, salle de tir 9, Bâtiment B, sous-sol
Bruit des coups de feu assourdissants dans la salle
de tir. Dix élèves alignés, moi au bout. Casque anti-
bruit et lunettes de protection jaunes. Ma cadence
est régulière, ma précision est bonne. Signal. On
pose nos armes en enlevant le chargeur, puis le
casque. Bouton de retour. Il est temps de voir ce
que ça donne. La voix de James à côté de moi me
murmure :
— «Attends-toi à une humiliation, ma belle…». Il
saisit sa cible en papier. Tir relativement groupé sur
la poitrine. Un tir pas mauvais du tout. Je pose la
mienne par-dessus. Deux tirs groupés rapprochés,
tête et cœur, il ne reste même plus de papier sur les
zones. Je soulève un sourcil :
— «T’avais raison. Fallait s’attendre à une
humiliation…»
Il a le râle du perdant.
— «Tu fais chier, Longshadow. Tu pourrais au moins
faire semblant ! J’suis un Texan, j’ai ma fierté bon
sang !..»
— «Bien un truc de cons fédérés ça de penser que
les femmes doivent simuler pour préserver votre
ego…».
Je finis sur ce coup bas assorti d’un sourire en coin
avant d’aller accrocher la cible avec les autres. Il a un
rire franc.
— «Ma mère t’aurait adorée…». Silence gênant.
Sauvés par le signal. On remet nos casques, et on
reprend nos armes.
Jour 29, Salle d’entraînement modulable 24,
Bâtiment B, rez-de-chaussée
— «Fischer, Longshadow, sur le tapis !».
Je regarde James qui se lève. La lueur du combattant
s’est éclairée dans son regard. Là et maintenant on
est plus voisin de chambrée. On est plus du même
groupe. On est adversaires. Tous les résultats
comptent. Mais moi j’ai vu l’autre lueur dans son
regard quand on a annoncé mon nom. Celle de la
crainte. Je me lève lentement, et entre dans le cercle.
On se salue poliment. Il se met dans une garde
assez conventionnelle. Pas mauvaise, mais pleine
d’ouvertures. Je lui laisse quelques secondes pour
se trouver une garde un peu moins facile à casser.
Mais lui décide de profiter de ce petit moment de
faiblesse de ma part pour prendre l’initiative et
tenter de me saisir pour une projection. Grossière
erreur. Maintenant je suis en rogne. Je bloque sa
main avec les deux miennes, tire d’un coup sec pour
tendre son bras et le déséquilibrer, puis effectue une
roue presque sur place en tournant son poignet. Il
vrille pour ne pas se casser l’épaule, s’envole et chute
durement la figure sur le sol. Après une réception
parfaite je pose mon pied sur sa nuque, tenant son
bras tordu dans une clé d’épaule. Je montre que je
suis prête à lui briser les cervicales d’un coup de
pied. La rage monte.
Silence général de stupéfaction. Même si on est
bientôt à un mois, ils ne s’habituent pas, on dirait.
L’entraîneur annonce directement avec un léger
accent circonflexe sévère en guise de sourcil à
l’attention de la recrue Fischer :
— « Ok, Longshadow ! Lâchez-le…C’est terminé !
Les suivants, Morales et Cobalsky, sur le tapis !»
Je lâche la prise, et tend ma main à James qui se
masse l’épaule. J’ai un air presque suffisant tandis
que je le ramène sur le plancher des vaches.
— «Pardon, t’étais pas prêt ? T’avais perdu une
lentille de contact ? Oh pauvre bébé, ça fait mal ?»
Grognon, le Texan grommelle sans rien répondre de
clair, et les autres autours se marrent. J’avoue que
j’ai moi-même un air légèrement satisfaite, qui me
fait dire que je commence peut-être à me prendre à
ce petit concours.
Fin du 1er moi de formation — Salle de cours et
laboratoire 507, Bâtiment A
Le visage mono-expressif de la technicienne asiate
tendant un tout petit objet oblong entre son pouce
et son index m’endorment déjà. Mais ce n’est rien à
côté de son ton condescendant comme si elle parlait
à des attardés :
— «Alors…Quelqu’un parmi vous est-il capable de
me dire de quoi il s’agit ?»
Le sourire vicelard de Morales m’indique qu’il ne va
pas pouvoir s’empêcher de sortir un truc stupide. Ce
qui ne loupe pas.
— «Un gode alien ?»
Manque de pot, l’humour bien gras de Morales n’est
pas du niveau du super cerveau bridé, qui fronce les
sourcils en bafouillant presque.
—«M…Mais bien sûr que non…Un…Voyons ! Nous ne
connaissons largement pas assez la xénophysiologie
d’hypothétiques formes de vies extra-terrestres
pour…»
Contre toute attente, c’est James qui sauve la réfugiée
de l’académie des Sciences venue spécialement pour

nous en lui coupant la parole.
— «C’est une balise longue portée tactique ETB-
963, de son petit nom « Tracktac ». Il est intégré à
l’équipement standard d’intervention des agents.
Waterproof, recouvert d’une pellicule d’alliage ultra-
résistant, il permet de Géo localiser à 20cm prêt
les membres des équipes d’intervention en terrain
hostile. Le signal est transmis soit par satellite,
soit par flux d’ondes intermittentes wifi avec une
portée de 10km pour plus de discrétion. Outre
la position, ça transmet aussi les signes vitaux si
c’est connecté aux vestes assorties...Par contre, le
modèle que vous tenez est la version ETB-963g. Avec
les nouvelles nano-puces RX-7 de Stark industries.
Un véritable bijou hi-tech, qui permet de réduire la
détection ennemie du signal si efficacement qu’il est
indétectable, multiplie la portée wi-fi par quatre, et
réduit les parasites qui posaient un souci le précédent
modèle dans certains environnement extrêmes …
Enfin, si ma vue me trompe pas…Sinon c’est qu’mon
collègue Morales va devoir nous expliquer comment
il connait aussi bien les mœurs aliens…Madame.».
Hilarité générale. La Scientifique reste bouche bée
une seconde, avant de sourire.
— «Identifier un modèle g à cette distance, c’est…
Remarquable, Monsieur…», elle cherche le nom sur
sa liste «…Fischer. Remarquable. Quelle école avez-
vous fait, si ce n’est pas indiscret ?». James répond
sur un ton neutre, comme si ce n’était qu’un détail
protocolaire : «Ingénierie génie électrique et sciences
informatiques. MIT…Madame.». Visiblement
impressionnée par le cursus universitaire, elle finit
par enchaîner en montrant à tout le monde la micro-
balise.
— «Il s’agit effectivement d’un ETB-963g. Et comme
l’a précis-…».
Je n’écoute plus, je regarde celui que je croyais
connaitre depuis plus d’un mois avec un air étonnée.
— «Le MIT, hein ?». Petit silence. Il fait semblant de
suivre, puis me répond à voix basse sans me regarder.
— «Jamais été bon au lasso, toute façon…»
— «T’es pas vraiment un Texan, toi, mmm ?...»
Il sourit. Et je souris d’avance à ce qui est devenu
depuis quelques semaines notre petite private joke
à répétition.
— «…On est pas Jeudi, quand même ?..»
Chapter 3 : Be the SHIELD
10
6ème mois de formation — Piste A conduite
d’urgence, Zone 6
Il pleut. Juste le jour de ma première évaluation, il a
fallu qu’il pleuve. Comme si cette épreuve était pas
assez compliquée. La voix de James, mon co-pilote
du moment, m’apaise étrangement.
— « Tu peux y arriver, Rain. Je sais que tu peux.
Concentres-toi sur l’entraînement, et tout ira bien ».
Il est gentil. Mais j’aime pas être stressée. Et quand
je suis stressée, je deviens imbuvable.
— « Je suis pas ton ex, Jimbo. C’était quoi le nom de
cette cruche ? Mina ? Minnie ? »
— « Mindy. Et fais moi penser à arrêter de t’raconter
ma vie…»
— «C’est bon, Jimmy, détends-toi ! C’est juste que je
sens que j’vais encore m’planter… »
— « …Alors quoi, princesse, la Major de la promo
en tir et en corps-à-corps a peur d’un volant ?..C’est
la pluie peut-être ? Oh, pauvre chérie…». Il a le ton
de la plaisanterie, mais moi ça ne me fait pas rire du
tout. Et il le sent.
— « Ok, Longshadow. Tu respires. Je sais qu’tu peux
le faire. Tu sais qu’tu peux le faire. Oublies juste ces
images, et ça passera comme sur des roulettes…Tu
vas quand même pas te laisser abattre par le passé,
pas vrai ? C’est dans l’présent qu’il faut vivre, Rain.
Oublies toute cette merde…»
Sensation étrange. La voix de Jim est comme un
baume. J’y vois un peu plus clair. Arrêter de penser
à Chayton. Arrêter de penser à cette scène. Il n’y a
plus que moi et cette satanée caisse.
La voix de l’instructeur grésille dans la radio portative.
— « Dernier essai, Rain, sinon vous êtes éliminée. A
vous d’jouer.»
J’inspire et expire profondément. La main de Jim
sur la mienne me prend par surprise. A quoi il joue
? Gênée, j’enlève ma main pour mettre le contact
tandis qu’un sourire ironique se forme aux coins de
mes lèvres.
— «Te la raconte pas Cow-boy. T’es pas mon type… »
Il ricane.
— « Ca tombe bien, la squaw…Tu m’attires pas du
tout non plus…Mais alors pas du tout…»
Je démarre en trombe. Les plots en dérapage
contrôlé. Je me concentre sur les courbes. La Lincoln
glisse sur le tarmac, mais je rattrape le coup. Check.
Manœuvre serrée entre deux camions. Je manque
de prendre le deuxième. Merde ! Non, c’est bon, ça
passe. Check.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
Totalement concentrée, j’effectue le reste des Figée une seconde. J’espère désespérément qu’il
manœuvres d’urgences dans un état de transe. La s’arrête. Mais je sais au fond qu’il ne va pas me
vision de Chayton sur le capot finit par s’estomper, lâcher. Pourtant, il le faut. Je ne peux pas.
tandis que je murmure, une larme se formant sur le — «C’est rien. Juste le stress.»
coin de mon œil « Hasta la vista, frérot… ». — « Pas à moi, Rain. T’as autant de capacité à stresser
Je me réveille d’un coup tandis que je pile dans qu’un bloc de glace…»
un dérapage plus ou moins contrôlé à quelque Je soupire en réajustant les lacets de mes rangers.
millimètre du dernier obstacle. J’ai réussi ! Regard venimeux en me relevant d’un coup.
J’essuie discrètement la larme, mais James m’a vu, — «C’est bon, t’as fini l’interrogatoire ? Tu veux que
j’en suis sûre. Tant pis. Il esquisse un petit sourire. j’passe au détecteur ? Je suis pas ta petite amie,
— « Ben tu vois ? Mindy aurait pas fait mieux ! » James, on est juste sex friend, Tu te rappelles ? Et
Je lui frappe l’épaule avec un sourire en écho. désolé de t’décevoir, mais j’ai pas toujours ton sang-
— « Enfoiré d’macho ! J’suis sûre que j’ai explosé ton froid…». Mensonge. On le sait tout les deux. Mais je
record ! » peux pas. Je tourne les talons, ramasse son T-shirt
Il me regarde avec un petit sourire en coin. blanc et le lui lance à la figure avant d’entrouvrir la
— «Dans tes rêves, ma grande…Dans tes rêves… » porte pour vérifier qu’il n’y a personne.
Étrangement, je me sens bien. Et j’ai la vague — « Rhabilles-toi. Les caméras vont pas tarder…»
impression (que je réprime) que ce n’est pas J’évite son regard. J’ai une boule au ventre, parce que
uniquement à cause du fait que je reste finalement je sais que je suis en train de le blesser. Pourtant je
dans la course… lui fais totalement confiance. Et c’est pour ça que je
ne peux pas. Je sors avant lui. La boule creuse dans
Début de la 2ème année de formation — Local de mon estomac. Parce qu’au plus profond de moi, je
stockage 612, Bâtiment C sais ce qu’il y a…
Je dois me retenir pour ne pas crier. Moi sur lui.
Je me laisse tomber, à moitié nue, sur le sol cru. Je crois bien que je suis vraiment en train de tomber
C’était…Épique. Tout autre que James en aurait amoureuse de lui.
sûrement profité pour glisser une tirade purement
machiste. Mais j’ai appris que derrière cette crinière Une heure avant l’Opération « Armageddon » —
brune, ces magnifiques yeux noisette et ce physique Un camion de transport en route pour le « Base
d’athlète se cachait une certaine sensibilité. Non d’entraînement Alpha-4 »
là en fait c’est plutôt moi qui m’éloigne. Je remets Deux ans. Deux ans, et bientôt la fin de cette
vite ma culotte et mon pantalon noir dans le silence formation. Dans la lueur blafarde et tremblante
de nos respirations encore irrégulières, me gâchant de l’arrière du camion, je regarde ce qu’il reste du
complètement et volontairement ce moment de groupe 3, la « Team 3 ».
plaisir. Je le vois du coin de l’œil en train de froncer Morales, cet enfoiré que je voyais pas tenir plus
les sourcils. Il ne comprend pas. Moi non plus. d’une semaine, est encore là. Et même si c’est
— « Quelque chose ne va pas ? » un trouduc, c’est le meilleur élément en combat
Mais j’esquive. tactique que je connaisse. Cobalsky, un spécialiste
— « On est en retard pour le prochain briefing, voilà en communication, et qui sait piloter tout ce qui se
ce qui va pas, Cow-boy. Et non, c’était très bien ». pilote. Massamba, une vrai dure ex-militaire qui manie
Sourire rassurant. « Mais on est vraiment à la bourre, les armes lourdes et les explosifs comme personne.
là…». Muller, un type spécial qui parle pratiquement
Silence. Il m’évalue. Il m’analyse. Et il commence à jamais, mais aussi le meilleur en infiltration. Notre
trop bien me connaître pour en rester là, je le sais. médecin de combat personnel, Rishi. Mon regard
Je sens sa main sur ma taille. s’arrête sur James. Il me sourit, puis retourne à la
— « On sait tous les deux depuis l’épreuve contemplation de la carte posée sur la carlingue.
d’interrogatoire que tu mens pas si bien que ça… ». La voix de Sterling, le surfer du premier jour qui se
Silence, encore. Pesant. Il reprend. «Qu’est-ce qu’il prend maintenant pour notre chef d’unité, continue
se passe, Rain ?» son briefing.

— «…Et je vous rappelle que même si ce n’était
pas prévu au programme, cette épreuve de prise
d’objectif comptera comme un test. Alors soyez au
top. Ne laissez rien vous distraire…». Il a dit ça en
regardant James. Est-ce qu’il sait ? Dur à dire. Mais
pour l’instant je me concentre sur l’objectif : une
mission d’infiltration dans le complexe Alpha-4. Un
des plus durs. Trop d’entrées, trop de sorties, et un
labyrinthe sur 4 étages en sous-sol. Bref, la merde
intégrale. A croire que Reilly voulait impressionner
Fury, qui nous avait fait une visite surprise. En face
de nous, la Team-9. Les têtes de liste du classement
de cette année. On les a battus l’année dernière,
mais sur le fil. Ces gars là sont vraiment des cracks.
Surtout Tran, leur chef d’équipe. Une machine à
gagner, avec des résultats meilleurs que le « grand »
Oliver Sterling.
En regardant le plan, puis Morales qui fixe le matériel
de son pote Cobalsky, je me rends compte que
malgré tout mes efforts et toute cette ambiance de
concours, je considère maintenant ces hommes et
ces femmes comme une sorte de nouvelle famille.
Et je dois avouer que ça fait bizarre. Je décide de
chasser cette idée de ma tête, et me concentre sur
le plan.
Ici et maintenant
…Voilà. On y est. Retour au présent. Quand on est
arrivé dans la base, quelque chose clochait. Et on
a vite compris quoi. Certains de la Team 9 étaient
des traîtres, et avaient amené avec eux une équipe
qui n’était pas prévue au programme. C’est là que
j’ai revu le visage de l’homme que j’avais vu une
seule fois à Los Angeles. Celui qui avait sûrement
transformé mon frère en monstre. Le temps que je
prévienne Oliver, Morales et Muller sont morts. Eux
avaient de vraies balles. Dans l’affolement on s’est
repliés comme on a pu. On a cherché à comprendre.
Communications brouillées, on était livrés à nous-
même. On a vite découvert leur opération «
Armageddon » et leur objectif. Mais là c’est Rishi et
Massamba qui y sont restés pour couvrir notre fuite.
Pas le temps de réfléchir, il a fallu improviser. Les «
terroristes » cherchaient quelque chose qui était
au dernier sous-sol dans le « centre informatique
» (ou du moins la pièce qui simulait un centre
informatique). Du coup James, Cobalsky et moi on
s’est infiltrés jusque là par les conduites. Mais ils nous
ont repérés. J’ai attiré leur attention le temps que les
Chapter 3 : Be the SHIELD
12
autres trouvent les commandes de fermeture des
portes pour bloquer cette salle qui n’avait qu’une
seule entrée. Et maintenant…Maintenant je ne sais
pas.
Quelque chose me gêne. Et ce n’est pas la sueur. Il y a
un truc qui cloche dans cette histoire, mais quoi ? Je
finis de reprendre mon souffle en écoutant les balles
ricocher sur la porte. La main de James. Rassurante,
comme d’habitude.
— «Ca va ? Tu saignes… »
Je m’aperçois de l’éraflure à l’épaule. J’ai envie de me
plonger dans ses bras et ne plus revenir à la réalité.
Malgré tout, je fini par me secouer. Pas le temps
pour ça.
— «J’ai pas l’temps de saigner. COBALSKY, ces
ordinateurs, ça donne quoi ?! T’as trouvé quelque
chose en état de marche ?»
— « Putain, oui. Merde, ils ont vraiment mis des silos
de missiles ici ! Et ces types se sont débrouillés de
trouver les mots de passe de lancement. Je peux
pas les désactiver, c’est un cryptage militaire, j’aurais
jamais le temps !»
J’évalue nos options. J’espère que mon intuition est
bonne. Sinon on est tous morts. Je sors une clé USB
que je lance à Cobalsky.
— «Tiens, essaies ça ! »
Le rouquin chope la clé. Il me regarde, puis la clé. Il a
alors un sourire mauvais.
— « T’es baisée, Longshadow…»
Mais j’ai déjà mes deux Glocks braqués sur lui.
— « Dans tes rêves… »
Je le tiens en joue, et un petit sourire de satisfaction
au travers de ma sueur séchée en observant son air
surpris et contrarié tout en m’approchant de lui.
— « T’as toujours lâché la purée trop tôt, Cobalsky…
Tellement sûr que t’es le plus malin. T’as posé ton jeu
trop tôt. C’était pas possible qu’ils nous retrouvent
aussi vite. Pas avec toutes les précautions qu’on avait
prises. Donc c’est qu’il y avait un traître parmi nous…
Un gars capable d’envoyer notre localisation. Un gars
qui s’y connaissait assez en communication et en
informatique. J’t’ai toujours trouvé louche, Cobalsky.
Et tu viens d’te dénoncer, comme un grand. Ah, et
la clé…C’est pas la bonne. J’en avais récupéré deux.
Celle que tu tiens est magnétisée. Fin de la partie,
enfoiré. On va tout arrêter, et tu vas payer pour les
autres...»
Le goût de la revanche. Encore. Je repense aux
autres. A cette nouvelle famille.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
Encore une que j’ai perdu. Mon ventre se tord. Il
va payer. Il existe peut-être une forme de justice,
finalement. Mais lorsqu’il esquisse un nouveau
sourire, je sors de mes gonds et lui met un coup de
crosse au visage.
— «Qu’est-ce qui te fait sourire, ordure ? »
Il relève la tête, sa lèvre fendue, mais toujours ce
satané sourire.
— «Tout est fini. T’as perdu. On gagne. »
Un long frisson dans mon échine. La porte. Elle
s’ouvre. Je me retourne violemment. Mais trop
tard. Dans un ralenti, je vois le visage de James qui
se ferme, et ses yeux qui me révèlent que je me
suis faite baisée. Dans les grandes largeurs. Cinq
silhouettes de gardes. Je suis morte. Une voix s’élève
alors. Une voix qui m’arrache une grimace. Je me
suis vraiment fait avoir.
— « Fin de la simulation, cessez le feu !»
Le cinq gardes s’écartent pour laisser passer une
autre silhouette portant un imperméable. Fury. Je
le regarde arriver, incrédule, tandis que les pièces
du puzzle se mettent en place. Tout ça n’était
qu’un test. Un vulgaire test. Et je me suis laissée
embarquée dans cette histoire complètement
folle. Mais quelque chose me rend encore plus
furieuse. James m’a trahit. Les pas des bottes de
Fury l’amènent jusqu’à moi. Un regard pour James,
un regard à Cobalsky, et enfin il s’arrête sur moi. Je
me relève, furieuse. Mais le protocole de ces deux
ans me rattrape. Je pose mes armes, et me met au
garde à vous. Il s’approche de moi, me toisant de son
expression furieuse habituelle. Les mains derrière
le dos, il se penche à mon oreille avant de presque
crier en me faisant tressauter de surprise.
— «BOOM…».
Un silence gênant pendant qu’il me scrute de son
œil dont toute humanité semble absente. Un
regard à glacer le sang. Je tique d’avoir réagit, mais
c’est trop tard. Trop tard pour tout. Baisée. Il finit
par décoller de mon visage, et pose un masque
en latex sur la console à côté de moi. Le visage de
l’homme que j’avais vu à Los Angeles. Le temps que
je me demande comment tout ça était possible,
les membres morts de la Team 6 et 9 apparaissent.
Une vraie levée de rideau. Fury a un tic qui pourrait
passer pour un sourire s’il n’avait pas toujours l’air de
partir en guerre.
— «Alors c’est ça ? L’élite, hein ? ». Il marque une
pause, puis reprend sur un ton bien plus dur. «Des
enfants qui jouent à la guerre, et croient que tout
est une question de courage et d’héroïsme ?». Un
autre long silence. Et pour la première fois en deux
ans, même moi j’ai une tête d’enterrement. « Alors
je me demande…Mais bon sang, Fury…Qu’est-ce
qu’ils apprennent ici ?... ». Son œil est comme un
rayon laser qui nous transperce tous un par un. « Et
vous savez ce que je viens de voir ?..Pas l’élite du
SHIELD. Pas l’élite des services spéciaux de tous pays
et de tous bords. Non. Ce que j’ai vu ici c’est un cruel
manque de réflexion. Des erreurs de débutants. J’ai
vu vos vrais visages aujourd’hui. Et croyez-moi quand
je vous dis que si ça n’avait pas été une simulation,
vous seriez tous mort, ou aux mains de l’ennemi…Et
pire, cette Académie du SHIELD serait aux mains de
l’ennemi… ».
Il fait les cent pas dans la largeur de la salle,
visiblement enragé. Puis il se pose et nous fixe.
— «Vous avez tous perdu aujourd’hui. Même
ceux qui croient avoir gagné. Personne, je dis bien
personne ici n’a été à la hauteur de ce test…».
Paradoxalement, son ton se fait plus calme. « Il ne
suffit pas d’avoir l’étoffe d’un héros pour sortir de
cette académie comme agent. De l’intelligence.
De la ruse. Des capacités d’adaptation. Une façon
de toujours tourner la situation à votre avantage.
Et surtout…Le doute permanent dans toutes les
informations que vous obtenez, et en vos ennemis
comme en vos alliés… ». Il me regarde. Je plisse les
yeux. Je suis presque aussi en colère que lui, mais ne
répond rien.
— «Vous êtes les deux meilleures promotions de ces
deux dernières années. Mais ne croyez pas que cela
fera de vous des agents expérimentés. Vous êtes des
oisillons qui allez bientôt quitter le nid. Et le monde
dehors est hostile…Croyez-moi. Soyez toujours prêts
au pire. A l’imprévisible. Gardez l’œil ouvert… Et
ne relâchez jamais, jamais la pression. La moindre
seconde d’inattention vous sera fatale, un jour
ou l’autre.». Il fait le tour des troupes en poussant
presque son message dans nos cerveaux avec son
regard de cyclope furibond. La mâchoire serrée, il
finit par cracher.
— «Rompez ! »
Ma frustration laisse la place à une rage à peine
contenue. Je sors de mon garde-à-vous, et me dirige
droit vers James, qui me regarde avec un air de chien
battu. Je sais que je ne devrais pas faire ça. Je sais
que ma réaction est stupide. Surtout avec Fury dans

la place. Mais je ne peux pas résister. Mon poing part
vers sa tête. Il effectue un blocage, mais ne s’est pas
rendu compte que mon pied est partie directement
sur son genou. Il hurle en tombant.
— «PUTAIN RAIN, QU’EST-CE QUI T’PREND ?! T’ES
TAREE !? »
Je lui balance la clé USB en pleine tête, avant de
repartir me frayant un passage au travers des autres.
— «C’est sûrement qu’on est Vendredi, alors… »
Tout le monde lève le camp. Je croise Hill dans le
couloir, qui me fait un salut protocolaire.
A l’intérieur de la salle informatique, Fury aide James
Fischer à se relever. La recrue regarde Fury avec une
lueur de colère rebelle dans les yeux.
— «Je démissionne. Faites ce que vous voulez avec
mon dossier, mais je joue plus cette comédie une
seconde de plus… ». Le regard de détermination face
à l’impuissance. Fury y répond par un petit sourire
sarcastique.
— « Vous pouvez laisser tomber cette Légende, «
James »…Le cour est fini. Je vous avais dit de tenir
cette couverture pendant deux ans. Vous l’avez fait.
Je vous ai dit de vous rapprocher de Longshadow…
Et vous avez très bien fait votre travail...Peut-être un des expérimentations sur des soldats de toutes les
peu trop bien. Maintenant je sais que vous valez plus
que ce que raconte votre dossier. Vous allez devenir
un agent, Monsieur « Fischer »… ». La tête de celui
qui se fait appeler James n’est concurrencée que par
celle de Hill, qui en reste bouche bée.
— «M…Monsieur ? »
— « L’Agent Priest est intégré au programme. Sous
son vrai nom, cette fois…Rompez, Agent. ». Le regard
du Directeur à Michael Priest ne laisse que peu de
place à l’insubordination ou aux commentaires. Il
tourne les talons et s’éloigne. La sous-directrice Hill
s’est approchée du Directeur.
— «Monsieur…Si c’est une plaisanterie, elle est de
très mauvais goût…Je…Je ne comprends pas… »
L’œil solitaire et morne de Fury se retourne pour
observer Maria Hill.
— «Arrêtez le baratin, Hill. Vous êtes contre cette
décision, alors dites-le, au lieu de me donner du «
Monsieur »»
— «Effectivement. Je ne soutiens pas votre décision.
Et je ne la comprends pas non plus…Monsieur… »
Le Directeur du SHIELD ramasse le masque qu’il avait
Chapter 3 : Be the SHIELD
14
déposé quelques instants auparavant.
— «Vous manquez d’une vision globale, Hill.
L’opération Red Light. Voilà pourquoi… ».
Interdite, Maria fronce les sourcils une seconde.
— « Je…Je ne suis pas sûre de… »
— «…Comprendre en quoi l’Agent Priest est d’une
utilité quelconque étant donné son dossier de traître
à sa patrie ?...»
—«…»
— « Priest est là pour tenir Longshadow. C’est déjà
un agent et un mercenaire d’élite. Il la formera. Elle
le détestera. Elle l’aimera. Peu importe maintenant….
Et ils partent tous les deux pour le secteur 6…Là où
s’arrête la piste de Coulson. »
— « …Vous êtes sérieux ? »
Le regard du grand black se fait encore une fois
sévère.
— «Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ?... »
Hill déglutirait presque.
— «T…Très bien Monsieur le Directeur. Ce sera fait…»
Pendant qu’elle sort de la salle, Fury reste là, dans
la pénombre, ruminant de sombres pensées en
tenant le masque synthétique. Ce plan comportait
d’énormes risques. Mais il avait investit trop d’argent
et d’efforts pour lâcher prise maintenant. L’affaire
Red Light. Cette organisation qui avait effectué
nations, y compris des américains. Il fallait retrouver
leurs traces. Longshadow serait l’appât. Elle l’avait
vu. Mais plus important, eux l’avaient vu. Tout se
passait exactement comme il l’avait planifié jusque
là. Restait à savoir si la piste de Madripoor allait
porter ses fruits. S’il se trompait, deux agents qu’il
avait fait former dans cette académie allaient peut-
être mourir. S’il ne se trompait pas, ils réussiraient
peut-être à tenir enfin une piste sérieuse et concrète
sur ce qu’il supposait être une opération de bien plus
grande envergure. Il serra le masque, puis le laissa
tomber à ses pieds en sortant.
Fini de jouer. Il était temps de se mettre au travail.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
Quelque part à Madripoor
— «Vous devriez parler, Miss Longshadow…»
La serviette replie d’eau sur mon visage a presque
réussie à étouffer les paroles du Professeur. Je
recrache de l’eau en m’étouffant. J’ai envie de crier.
De hurler. Mais je serre les poings sur la table à
laquelle je suis attachée. La voix à l’accent étranger
s’élève à nouveau.
— «Nous savons qui vous êtes. Et nous allons
trouver votre co-équipier, ce n’est qu’une question
de temps, Miss. Épargnez-vous des désagréments.
Dites nous qui sont vos contacts du SHIELD ici, à
Madripoor. Et dites nous tout ce que vous savez sur
notre opération… »
Je lui jette un regard farouche, la figure trempée,
bouffie de contusions et remplie de lacérations.
— «Allez vous faire foutre, Docteur Lenz…Ou quel
que soit votre nom. Tout est fini. Le SHI… ». Sur ordre
du Docteur, la serviette me retombe de tout son
poids sur la figure, et dans les ténèbres le supplice
recommence. Je vais probablement mourir ici. Mais
je n’aurais pas pensé mourir comme ça.
J’avais été négligente, stupide et impulsive.
L’opération Red Light consistait à traquer la piste une
piste que l’Agent spécial Coulson nous avait laissé sur
un contact qui avait peut-être des renseignements
sur une organisation inconnue qui faisait des
expériences à Madripoor. La couverture était simple
: le représentant d’un groupe terroriste discret, et sa
garde du corps. Six mois d’infiltrations et d’enquêtes
sur la Capitale du crime du Sud-Est asiatique, voire
au-delà.
MAKE IT RAIN
Au bout de six mois, une piste solide a fini par
apparaître. On aurait dû se méfier. Michael m’avait
bien briefé. On avait convenu d’un plan de repli en
cas de problème, même si ce n’était qu’un premier
contact. Mais ce n’était pas un contact. C’était un
kidnapping. Et je n’ai pas été assez rapide. Je suis
restée stupéfaite trop longtemps devant le masque
de celui qui avait probablement transformé mon
frère en monstre. Et hors de moi, au lieu de fuir, je lui
ai sauté dessus. Quand un type comme ce « Docteur
» vous demande si vous apportez toujours des fleurs
sur la tombe du frère qu’il a torturé pendant des
mois, et qu’il vous raconte comment il criait votre
nom, c’est dur de résister à l’envie de lui coller une
balle entre les deux yeux. Résultat l’opération a
complètement foirée, et la dizaine de gardes ont fini
par me mettre K.O.
Et nous y voilà. Moi, attachée à une table, sanglée, et
mes poumons en train de se remplir d’eau. Mon seul
espoir maintenant était qu’il mette fin à mes jours
rapidement. La torture s’arrête, alors que le Docteur
reprend en se curant les ongles avec un bistouri, à
moitié assis sur la table.
— «Vous êtes comme votre frère, Miss Longshadow.
Stupide, impulsive…Et bornée. Et visiblement votre
passage au SHIELD ne vous a rien appris…Je vous
suggère une dernière fois de parler, pour votre
propre bien… ». Ce regard de serpent au travers de
ces lunettes à écailles. Je hais ce type de toutes les
fibres de mon être. Et si je dois mourir, je ferais tout
pour qu’il meurt avec moi. Je tente contre toute

probabilités de desserrer mes sangles, folle de rage.
— « Je vais vous tuer, Docteur ! Vous m’entendez ! Je
vais vous tuer. Et c’est pour bientôt ! ». Lui esquisse
un sourire. Moi j’ai profité de cette suffisance pour
choper le bistouri qu’il avait laissé traîner trop prêt
de ma main. Dans un élan de force, j’atteins sa cuisse.
Il hurle. Je jubile, et tente de retourner le scalpel vers
mes lanières. Avant que je fasse quoi que ce soit, le
malabar asiate et barbu à côté m’en colle une dont
je me souviendrais probablement jusqu’à la fin de
ma courte vie. Voile rouge. Mais j’entends le gars
crier sa douleur dans une autre langue, et je souris
avant de tomber dans les vapes.
J’ouvre les yeux. Combien de temps ? Une alarme.
Bon signe. Mais la voix du Docteur vient me
contredire.
— « Enclenchez la procédure de destruction
d’urgence ! Et débarrassez-moi de cette chienne
enragée ! »
Trop de lumière artificielle. Le temps que ma vue
arrête de faire le yoyo, je n’ai que le temps de
l’apercevoir filer par une ouverture secrète dans un
des murs de la pièce. Et le malabar qui revient pour
finir ce qu’il avait commencé avec un sourire sadique
et un pistolet-mitrailleur. Mon pouls s’accélère.
L’adréaline monte. Je me débats. Mais rien à faire,
ses sangles sont trop serrées et trop solides pour
moi. Merde, je vais mourir dans une cave pourrie.
Et sans avoir dit à Michael que je le pardonnais
vraiment et que je l’aimais. Le type pointe le PM sur
moi. Je vois ma pitoyable vie résumée à un canon
pointé sur ma tête, le reste défilant à toute vitesse.
Seattle. Chayton. La Louisiane. Le SHIELD. Michael.
Michael !!!!
Ma respiration se bloque mais je garde les yeux bien
ouverts. Je veux voir la mort en face. Au moment
où il appuie sur la détente, un stacato de fusil se
mêle au sien. Sa balle dévie juste à côté de ma
tête. Complètement paralysée une seconde dans
l’incompréhension. Je ne suis pas morte. Je ne suis
pas morte. Réagis, Rain !
Je relève la tête, pour voir un autre malabar. Militaire
celui-là. Hardcase. Le pote mercenaire de Michael,
avec qui j’avais sympathisé en lui sauvant la vie. Deux
fois. Le reste de son unité, les Harriers, apparaît en
formation dans la pièce, et Michael déboule derrière.
— «Clear ! »
Chapter 4 : Make it Rain
16
Michael n’attend même pas le signal d’Hardcase
pour se jeter sur la table.
— «RAIN ! Rain, tu vas bien !? »
Sa voix m’apaise. La sincérité dans son inquiétude.
L’amour que je sens au fond de sa gorge. Je l’aime,
bon sang. Je l’aime. Il me détache, et je m’accroche
à lui une seconde avant de lui répondre d’une voix
erraillée par la sangle à la gorge.
— «Ca va….Ca va… »
Une seconde, je me relâche. Mais passée cette
seconde, la rage me tord le ventre en repensant à
l’image de Lenz passant le mur. Je serre les poings.
— « Lenz s’est enfui par là. ». Tout en désignant la
direction, je jette un regard déterminée à celui qui
est aussi mon supérieur. Mais son regard se plisse.
— «On a des ordres, Rain. On attend l’unité
d’intervention…Et t’es pas opérationnelle. »
Il essaie de me faire son numéro de cow-boy
protecteur. Mais ce dont j’ai besoin là maintenant,
ce n’est pas de protection. Je me relève. Mon corps
me fait un mal de chien. Mais ma volonté est plus
forte.
— « Rien à foutre des ordres, Michael. Si on attend, il
va encore s’échapper. On aura plus de piste…Et plus
de preuves… ».
Il sait que je mens. En fait, toute cette équipe de
mercenaires sait exactement ce que je compte faire
à ce bon Docteur. Mais je m’en fous totalement. Pas
comme si c’était des enfants de chœurs. Hardcase
m’observe en soulevant un sourcil incrédule. Le ton
de sa voix est aussi dur que la pierre.
— «Tu sais que j’t’aime bien, hein ? Mais tout c’que
tu vas gagner, c’est un aller simple pour l’Enfer des
abrutis, gamine…Et ça, c’est dans aucun de mes
contrats. ».
Je le défie du regard. Je les défie tous du regard en me
relevant, et je prends deux PM par terre en vérifiant
les chargeurs. Puis je lève un regard furieux vers
eux dans le silence assourdissant de l’alarme, avant
d’avancer sans me retourner vers l’issue secrète.
— « Alors rendez-vous en enfer… ». Puis je m’enfonce
dans les profondeurs du complexe sous-terrain.
Je cours. J’esquive. Mes deux bras décrivent des arcs
de cercles délivrant la mort de mes deux pistolets-
mitrailleurs. Plus de balles. Je jette les deux PM et
finis le dernier d’un ciseau à la gorge en lui brisant
net les cervicales. Dans l’élan je ramasse son fusil et
tourne sur sur moi-même en pour arroser tous les
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
mercenaires de Red Light encore debout, brisant les
cuves de sang et de « choses » qui s’amoncellent dans
une rivière poisseuse qui m’innonde. Je me relève
en serrant les dents. Une balle m’a touchée au bras,
j’ai au moins trois côtes cassées, et mes jambes me
portent à peine. Mais je continue d’avancer. Pas de
traces de Lenz dans le complexe. Il a trop d’avance. Je
repère alors un escalier qui semble monter. Le toit,
pensé-je soudain. Le Docteur comptait sûrement
évacuer par le toit avec un hélicoptère. Je remonte
l’escalier à toute jambe, la voix de Michael derrière
m’arrête une seconde. Mais pas plus.
Je cours vers l’hélicoptère en tirant comme
une damnée en mode automatique. Les balles
rebondissent sur la carlingue. Mon visage recouvert
de sang est celui d’un animal enragé.
— « LENNNNNNNNNZZZZZZZZZZZZ !!!!!! »
Et dans le chaos qui s’ensuit, j’ai du mal à
comprendre ce qu’il se passe. Je ne vois pas le tireur
de la M-60 de l’hélico pointer son arme vers moi. Je
n’entends que trop tard la voix de Michael qui hurle
« Attentionnnnn ! ». Je ne suis plus qu’un amas de
haine. Je ne suis plus que l’écho de mes instincts et
de ma rage contenue si longtemps. Je sens trop tard
Michael qui me pousse violemment et atterrit là où
j’aurais dû me trouver. Là où depuis je souhaiterais
me trouver. Les balles de gros calibres déchirent
son gilet. Ses jambes explosent. Il tombe. Et moi je
voudrais crier, mais tout ça reste coincé dans ma
gorge. Stupéfaction totale. Je regarde l’homme que
j’aime tomber au sol. Et mon cri fini par se frayer un
chemin jusqu’à ma bouche.«NOOOOOOOOOOOOO
OOOOOOOoooooooooooooooooooooooooooooon
nnnnnNNNNNN ! »
Je me précipite sur lui. Des coups de feu venant du
sol. Le SHIELD. L’hélico se retourne et tente de fuir
dans des rafales nourries en tir de barrage. Mais je
n’y fait plus attention. Mon monde vient de s’arrêter
à cette seconde. La vengeance, Lenz, Red Light. Tout
ça n’a plus aucune importance. L’homme que j’aime
est à mes pieds, déchiqueté, hoquetant. Je le prends
dans mes bras, des larmes traçant des sillons sur
mon visage recouvert de sang.
— «Non, non, tu fais pas ça, tu m’entends Michael !
Tu restes avec moi !...Tu restes avec moi… », finis-je
en pleurant et en le serrant plus fort. Du sang sort
de sa bouche. Je l’essuie comme si cela allait lui
permettre de survivre plus longtemps. Mais je ne
veux pas accepter ça. Non, il ne va pas mourir. Pas
maintenant. Il tousse encore, tend une main vers
mon visage pour me caresser. Je me colle contre elle
pendant qu’il essaie de parler.
— «Je…Je t’ai-me. Rain. Je t’aime…. »
— «Non non non non, tu vas pas mourir ici, tu
m’entends ? L’unité d’intervention est là, ils vont te
sauver…On est des super espions, tu te rappelles
? T’es le meilleur des espions, oui ou non ? L’élite
des mercenaires ? Alors tu peux pas mourir ici !
». Il sourit, et me regarde. Une dernière fois. Une
dernière blague.
— «Alors…*KOPF-KOPF* on doit être *KOPF-KOPF*
…Dimanche… »
Regard noisette qui se délave. Je hurle. Un cri
primal. Les projecteurs du SHIELD sont braqués sur
moi, serrant le cadavre de Michael dans mes bras,
recouverte de sang de la tête au pied. La pluie se met
à tomber sur le toit du hangar du port de Madripoor.
Torrentielle. Se confondant avec mes larmes et le
sang qui ruisselle comme s’il en pleuvait.
Six mois plus tard — Un motel anonyme de
Brooklyn (New-York)
Je me réveille en sursaut, cherchant mon pistolet
sous mon oreiller. Mais rien. L’ombre assise sur le
fauteuil à moitié rongée par les rats le pointe sur
moi.
— «Bonjour, Rain. »
Je me relâche, ce qui a pour effet de faire tomber
ma bouteille de Jack qui se répand sur le sol. Quel
gâchis. C’est tout ce que j’arrive à penser avec ce
mal de tête carabiné perpétuel ces six derniers mois.
Je soupire en me levant, prend ce qu’il reste de la
bouteille et en bois une gorgée avant de tourner la
tête avec une expression désabusée vers l’homme
qui me fait face, et qui fut un temps mon mentor.
— « Faites comme chez vous…Désolé pour le
désordre, la bonne n’est pas encore passée… »
La lampe s’allume pour révéler le visage de Kuryiakin.
— « Cuite matinale ? Pas très original… »
Je l’observe me braquer avec mon propre flingue,
mais je ne réagis ni à la menace, ni à sa pique. A la
place, je m’enfile une autre lampée de ce nectar
et vais jusqu’aux stores que j’ouvre, provoquant
un aveuglement désagréable. Mes neurones
ne fonctionnent pas correctement, et pour être

honnête, c’est le but recherché.
— « Allez vous faire foutre, vous et votre SHIELD. J’ai
démissionné…Qu’est-ce que vous foutez ici ? »
Du coin de l’œil, je vois l’agent spécial poser le pistolet
sur l’espèce de table de chevet en plastique noir. Il
hausse un sourcil, ce qui pour un homme avec autant
de flegme veut tout dire.
— «Visite de courtoisie. Et un message du Directeur. Il
t’as laissé six mois. Mais il aimerait que tu reviennes.
Tu…Es un bon élément. ». Il a lâché ça en regardant la
bouteille que je viens de finir d’un trait. Je souris en
regardant par la fenêtre. Un sourire ironique.
— «Un bon élément, hein ? Eh bien t’as qu’à lui dire où
il peut se foutre son élément, Agent… ».
Silence. Je pense à ma vie ces derniers mois . Mon
nouveau job de videuse me permet de payer le loyer
de ce trou, et mes bouteilles. Et si j’en ai le courage, un
de ces jours, je mettrais fin à mes jours avec le pistolet
posé sur cette table de nuit pourrie. Je suis devenue
une loque. Il le sait. Je le sais. La différence, c’est que je
m’en fous. Il s’assoit sur le lit, prenant dans ses mains le
cuir de Michael. J’ai envie de lui dire de lâcher ça. Mais
je ne dis rien.
— «Tout ça ne le ramènera pas. Michael est mort. Et
rien de ce que tu feras ne va changer cela… ».
La colère monte. La rage. L’impuissance. Mais par-
dessus tout la culpabilité.
—« Vous ne savez rien de ce que je ressens. Vous ne
savez rien du tout. Barrez-vous, et allez dire à Fury que
s’il compte que je rempile, il a qu’à se mettre un gros
doigt dans son œil encore valide. »
Silence encore. Sirènes en fond.
— « J’ai perdu ma femme en Russie. Elle était espionne
elle aussi… »
Je le regarde. Il a l’air sincère. Malgré tout ce que je
pense du SHIELD, Kuryakin est un ami.
— «Je suis désolée. »
— « Ne le sois pas. C’était il y a longtemps. Elle… » Il
marque un temps de pause « …C’était une traître. J’ai
dû choisir entre ma femme et ma patrie…C’était une
autre époque… ».
Je hausse un sourcil, surprise de cette confession à
la fois intime et inhabituelle pour l’agent spécial le
plus froid que je connaisse. Et étrangement malgré la
situation, je ressens de la pitié pour lui et me sens un
peu embarrassée.
— « Vous y pensez encore ? »
— « Dans des situations comme celle-ci, oui. On a
découvert finalement qu’elle n’était pas une agent
double. .. »
Là, il vient de me dégriser. Le type a descendu sa
Chapter 4 : Make it Rain
18
propre femme pour s’apercevoir ensuite qu’elle n’était
pas une traître et qu’il l’avait quand même tuée. Une
histoire juste horrible. Je soupire malgré moi.
— « Disons que j’ai rien dit. Apparemment, vous en
connaissez un rayon en culpabilité. Alors dites moi,
Agent Kuryakin…Comment on fait pour vivre avec ce
poids ? »
Son regard bleu glace presque translucide me fixe
quelques secondes, soupesant visiblement sa réponse.
Puis il se met à côté de moi devant la fenêtre, et sors
une cigarette qu’il s’allume. Je ne savais absolument
pas qu’il fumait.
— « On démissionne. On s’enferme dans un lieu
sombre. On boit. On se drogue. On choisit un boulot
dangereux en espérant que la Justice Divine va nous
punir. On devient une loque… » Il tire une latte de sa
cigarette « …Et on tombe jusqu’en Enfer, vu que c’est
tout ce que l’on pense mériter… ». Je soupire encore.
— « Cette histoire fini avec un happy end au SHIELD,
c’est ça ?... ».
Il plisse un peu les yeux en soufflant une fumée grisâtre.
— « Plus ou moins… »
Il tourne alors les talons, pose le blouson en cuir, sans
une parole de plus. Je ferme les yeux.
— « Qu’est-ce que vous essayez de me dire ? »
— « Que tout est entre tes mains, Rain. Je ne suis pas
là pour te dire comment mener ta vie… ».
Sans ouvrir les yeux tandis qu’il ouvre la porte, je
regarde par la fenêtre.
— « Merci… »
Il semble se raviser avant de partir.
— « J’ai connu l’Agent Priest. A peine plus qu’un
adolescent à l’époque. Mais brillant. Vraiment brillant.
Et une farouche volonté de vivre…Je me rappelle encore
ce qu’il m’a dit une fois dans un bar de Caracas… »
Silence. Il attend. Je me décide, ne sachant pas si j’ai
envie de savoir ou pas.
— «Qu’est-ce qu’il a dit ? »
— « « Le tout c’est pas de savoir si on va faire des
erreurs. Le tout c’est de savoir s’en relever au moment
de les assumer »…Et quelque chose sur le Vendredi, je
crois. Mais je n’ai pas compris… »
Je souris. Un sourire amer.
— «Ca lui ressemble… »
— « Prends soin de toi, Rain. ».
Il ferme la porte, me laissant seule avec ma bouteille
vide. Avec mon flingue. Avec cette vie qui n’est qu’un
suicide inavoué.
Et avec un choix.
Des larmes chaudes coulent sur mes joues.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
AGENTS OF WHAT ?
Bataille de New-York
Le monde était parti en vrille. Je regardais d’un
air médusé apparaître les aliens —Des putains
d’Aliens, par les ancêtres !— en me relevant. La
chose métallique (un vaisseau ?) venait d’en lâcher
des centaines sur les murs des buildings de New-
York. Tout ça ne rimait à rien, et rien dans notre
entraînement ne nous avait préparés à ça. La radio
crachait quelque chose. C’était celle de Johnson.
Enfin, ce qu’il restait de Johnson sous les décombres
du camion qui venait d’être projeté sur nous. J’avais
eut plus de chance que ce pauvre soldat. Je checkais
ce qu’il restait de notre Force d’Intervention Rapide
pendant que la radio crachotait.
—« FRRRZZZTTT….Ordr…Cuation…Pète…Ordre d’éva
FRZZZTTT… »
—« Tout le monde va bien ?! »
Nolan seul me répond en sortant des décombre de
la façade.
—«Roger ! Merde, je le vois, mais je l’crois pas,
Lieutenant ! Les autres ?»
Silence. Je regarde autour. Et je m’aperçois qu’on
est plus que deux. Le passage d’une de ces choses
venait de réduire de six notre effectifs en à peine une
minute sans rien faire. On était dépassés. Foutus.
Et cette putain de radio qui crachotait encore. Je la
dégage du cadavre de J, et la règle.
—« A toutes les unités, ordre d’évacuation niveau
7…Je répète, ordre d’évacuation niveau 7 ! ». Notre
mission depuis la chute de la base secrète qu’on
protégeait était de repérer le Tesseract. En moins
de 24h on en avait appris plus sur des infos classées
qu’en deux ans de service. Des Aliens. Des « Dieux »,
bordel. Et le Tesseract, qui était ce qu’on avait perdu
à la base et menaçait de tout détruire. Informations
compartimentées, mais j’avais fini par déduire. On
nous avait envoyé le chercher partout. Et, coup de
chance, on avait fini par mettre la main dessus, en
plein New-York. Mais trop tard, visiblement. Un
trou déchirait le ciel, et un groupe avec Captain
America, la fameuse « Veuve Noire », Tony Stark, ou
plutôt Iron Man, et un archer qui avait débarqué.
Des légendes, accompagnées d’autres légendes
monstrueuses sorties d’un conte pour enfant auquel
je pensais ne pas croire. Mais depuis Chayton plus
rien ne semblait vouloir m’étonner complètement.
Le temps de la surprise et du repérage, et on avait
contacté le QG. Mais plus rien. On était seuls. Et
maintenant, ils voulaient qu’on évacue !?
La radio continue de cracher ses ordres, alors que
je regarde au loin Romanov et la légende américaine
défendre New-York contre une invasion d’Aliens. Et
plus prêt les cris de tous ces civils pris au milieu, dont
un est poursuivi par une des choses surréalistes qui
ont débarqué. Tout ça est complètement fou. Je finis
par répondre à l’ordre sorti de la radio.
—« Eagle 1 à Contrôle…Négatif ! Je répète négatif !
Evacuation impossible ! »
—« Contrôle à Eagle 1, c’est un ordre niveau 7
directement du CMS ! »
Le Conseil Mondial de Sécurité. L’organisme qui
chapote le SHIELD. Je fronce les sourcils.
—« Désolée, Contrôle, mais je reçois mes ordres de
l’Agent Hill et du Colonel Fury, pas de ronds de cuirs
!»

—«Les ordres sont annulés. Le Colonel Fury et
l’Agent Hill sont démis de leurs fonctions…»
Mon cerveau surchauffe. Aux dernières nouvelles,
Fury était quelque part avec l’Héliporteur, et Captain
America était avec eux. Si ces héros de bande
dessinée étaient là, Fury devait sûrement y être
pour quelque chose. C’était son style, ce genre de
sauvetage spectaculaire. Mais les « héros » n’allaient
pas pouvoir contenir un tel foutoir, et les civils
allaient trinquer. Comment arrêter ça ?...Niveau 7.
Je plisse les yeux, ma question vient de me donner
la réponse.
—« Vous vous foutez de moi ? Qu’est-ce que vous
allez faire, Contrôle ? Les bombarder ? Balancer un
virus ? Vous êtes complètement dingues ?! Il y a des
milliers de civils innocents ici !!! »
Silence. Puis la voix de contrôle change.
—« Ici Contrôle…Qui est en charge ici ? Où est l’Agent
spécial Johnson ? »
—« Il est hors de combat, Monsieur. »
—« Alors qui a le commandement ? »
Je regarde Nolan, puis répond.
—« …C’est moi, Monsieur. Agent Rain. »
—« Alors écoutez moi, Rain. Toute la mission est
compromise. Nous allons mettre un terme à tout
ça. Et VOUS, vous allez évacuer. Vous avez récupérer
les données ? ». Il parle de la deuxième partie de la
mission, qui nous avait été donnée avec des ordres
paraissant contradictoires. Je comprenais mieux
pourquoi. Le CMS nous avait fait récupérer une
copie des données d’un laboratoire secret du SHIELD
en plein New-York.
—« Oui, Monsieur. ». Réponse laconique.
—« Alors fichez-moi le camps. Maintenant ! Vous
avez deux minutes, point d’extraction Tango. »
La situation est totalement hors de contrôle. Fury
a dû défier la décision du Conseil. Et si j’analysais
correctement la réponse à cette situation, je
comprenais pourquoi. Je regarde le pauvre type
trébucher à côté de nous, et l’énorme alien
s’approcher de lui en tirant sur la foule avec une
arme sortie tout droit d’un film de SF. Frisson.
—« Ne quittez pas, Monsieur… ». Je dégaine mon
Glock et aligne. BLAM-BLAM. Deux tirs dans la tête.
Une seconde je me dis que ça ne va pas le tuer. Mais il
tombe. Le pauvre type en costume se relève et détale
avec les autres. Les Aliens ne nous ont pas encore
repérés. Mais ça ne va pas tarder. Il faut prendre une
décision. Et je n’ai jamais été douée pour prendre
Chapter 5 : Agents Of What ?
20
les bonnes. Respecter les ordres. C’est ce que j’ai fait
depuis ma réinsertion dans le service actif. Exécuter.
Ne pas prendre de décision. Mais la situation est trop
grave. Je regarde Nolan. Je le connais. Il irait jusqu’en
enfer avec moi, et à son regard je sens qu’il n’aime
pas plus que moi cet ordre. Le bouclier de Captain
America vole. Je ne suis pas une nationaliste, mais
j’avoue que depuis son retour j’ai l’impression que
tout ça a plus de sens à mes yeux. La nostalgie d’un
monde simple où les méchant et les gentils étaient
clairement identifiables, il faut croire. Je soupire.
Autant pour les bonnes résolutions. Je reprends la
radio.
—« Désolée Monsieur, mais je crains que votre ordre
doivent attendre. On a une crise Alien planétaire
à gérer ici. Si vous voulez vos données, il va falloir
annuler votre ordre. Protection et évacuation des
civils. Rappelez-moi quand Fury sera de nouveau aux
commandes, tête d’œuf ! »
—« Agent Rain, qu’est-ce que vous racontez ! C’est
un ordre direct ! Rain je vous pr… ». CLIC. Le silence.
Je regarde Nolan, puis la guerre dehors.
—« Un beau jour pour mourir, non ? »
Il a un sourire de vétéran. Ce qu’il est.
—« Pas pire qu’un autre, Lieutenant ! »
Je souris, puis me relève, prenant le fusil d’assaut.
Mon sourire se fait alors carnassier.
—« Alors allons botter quelques culs aliens ! »
Je ne peux pas dire si j’ai vraiment réfléchi. Je savais
que ce groupe de héros m’inspirait. Je savais qu’on
ne pouvait pas laisser New-York aux mains de ces
choses. Et je savais que je ne voulais pas croire
que tout ça allait finir avec une ogive tactique, une
attaque virale massive ou un autre gadget de mort
du SHIELD. Tout était tellement fou. Alors j’ai cru en
eux. Et on les a aidé du mieux qu’on a pu à sauver
le maximum de vie et a tuer le maximum de ces
saloperies avant de mourir.
Finalement, j’ai encore eut de la chance.
Plus que Nolan, en tout cas. Mais je pense encore,
pour la première fois de ma vie, que c’était la bonne
décision.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
Triskelion, QG du SHIELD, Washington D.C
Toute action entraine une réaction. Et les miennes
allaient entraîner la mort de ma carrière. Je regardais
les ronds de cuir qui me faisaient face. Service des
affaires internes du SHIELD. Et j’attendais la décision
de ces petits enfoirés de bureaucrates dans la salle,
à la botte du CMS.
Un des vieux condescendants prend alors la parole :
—«Agent Rain, compte tenu de vos états de services
particuliers et de vos actes…Ahem… Héroïques
pendant l’opération « Red7 », nous avons pris la
décision que votre insubordination et l’aide que vous
avez apporté à ce groupe de…Terroristes à super
pouvoirs, ne pouvaient constituer un motif valable
de renvoi…Dans l’immédiat...». Stupéfaction. Je
pensais être renvoyée. Arrêtée. Ou pire. Je pensais
qu’ils allaient me couper la tête pour faire un
exemple. Mais quelque chose, ou quelqu’un, avait
joué en ma faveur. Quoi ? Qui ? Le vieux s’enfonce
dans son siège d’un air contrarié.
—« Sachez toutefois, Agent Rain, que si cette
décision n’avait tenu qu’à moi, vous seriez non
seulement renvoyée, mais arrêtée et incarcérée
pour un très long moment...». Il marque une pause,
puis reprend «Au lieu de quoi, vous serez dès demain
transférée au service administratif G4 du Triskelion,
avec affectation immédiate. Votre statut d’agent de
terrain vous est retiré, et vous serez en monitoring
pendant les années qui viennent.».
Autant pour moi. Ils ont trouvé pire que de me virer.
Me mettre au placard. Celui qui sent les papiers et
la naphtaline. Celui dont on ne sort qu’avec une
longue vie de calvaire administratif et une inactivité
pire que la mort. Et le pompon, chaperonnée par un
surveillant qui a pour seul but de trouver une raison
à votre renvoi. Ils ont réussi à me faire vivre mon pire
cauchemar. Et ils me regardent. Ils attendent que je
fasse un scandale. Que je perde mon calme, pour
avoir une raison de me virer tout de suite. Je ne vais
pas leur faire ce plaisir. Je claque mes mains sur la
table en me relevant.
—«Ne vous méprenez pas. C’était une guerre. J’ai
pris une décision. Oui, j’ai aidé les Avengers. Oui,
j’ai ignoré délibérément un ordre direct du Conseil.
Mais un ordre absurde d’une décision qui manquait
de jugement. Une décision qui aurait rayé une des
plus vieilles villes des Etats-Unis d’Amérique de la
carte, et tué des millions de personne. Il était de mon
devoir de citoyenne de ce pays, et du monde, de
désobéir à cet ordre… Si c’est ce qu’on me reproche
ici, alors Messieurs permettez-moi de vous dire que
je suis assez fière de cette sentence…»
Je tourne les talons sans rien dire, marquant la fin de
ma carrière. Démissionner est la seule voie possible,
et ils le savent. Mais je ne peux pas rester dans un
système dans lequel je ne crois plus. Je sors de la
salle en claquant un battant de la double porte. La
voix de l’Agent Kuryakin me surprend.
—« Je n’aurais jamais cru que le tailleur t’allait aussi
bien… »
Je tourne la tête, un petit sourire en coin malgré la
déception qui creuse mes traits.
—« Vous me faites du plat, Agent Spécial Kuryakin
?»
—« Je suis bien trop vieux pour ça, ma chère enfant…
». Il a ce sourire presque invisible qu’on ne peut lui
connaître qu’après de longues années d’études de
cet agent de terrain exceptionnel. Je commence à
partir dans les couloirs tandis qu’il me suit. «Alors…
Tu comptes démissionner ?». Je fronce les sourcils.
Décidément, les parties d’échecs avec ce Mentor
russe ne mentaient pas. Il avait vraiment un don
pour les déductions. Ma réponse est amère.
—«Tu sais bien que je n’ai jamais trouvé l’esclavage à
mon goût, Illya… ». Il ne me regarde pas, mais finit par
me répondre d’une voix étrangement énigmatique. «
Tu devrais rester. Les choses…Pourraient s’arranger…
». Je le fixe une seconde.
—« Vraiment ? Le CMS m’a dans le collimateur, et je
vais passer ma vie dans un marathon de classement
de dossiers tous aussi ennuyeux les uns que les
autres…Comment ça pourrait s’arranger ? »
Il me fixe de son regard glacé, tout en tournant à un
couloir.
—« Tu es un bon élément, Rain. Adaptation, initiative,
et plus important, tu es capable de penser par toi-
même et de prendre des décisions…Justes. »
—« Va en discuter avec eux », dis-je d’un ton ironique
en désignant le couloir qu’on vient de passer, « J’ai
l’impression que vous avez une légère divergence
d’opinion… ». Il regarde devant lui. Il choisit ses
mots, je peux le sentir.
—« Ce n’est pas d’eux dont il s’agit. Tu es encore au
SHIELD parce que certaines personnes apprécient
ce que tu as fais. Ne lâche pas tout maintenant…
L’éclaircie finit toujours par percer après la pluie. »
Marrant, ça me fait l’effet d’un message codé.
Apparemment, Fury, Hill ou un autre ponte trouve

que j’ai fais du bon boulot. Peut-être une façon de me
faire savoir que malgré le fait qu’ils aient les mains liés
par ce pachyderme de procédures, ils ne me lâcheront
pas. Peut-être.
Je rentre dans l’ascenseur, après avoir glissé un léger
baisé sur sa joue. Puis les portes se referment.
—« On se revoit plus tard, vieil homme… ».
Il me laisse encore seule. Encore avec un choix.
Triskelion, QG du SHIELD, Washington D.C
Quelques mois plus tard...
Des semaines que quelque chose ne tournait pas rond.
Depuis mon bureau de verre, j’avais senti la tempête.
Ordres étranges. Dossiers classifiés pour un oui ou pour
un non. Toutes les opérations bloquées. Puis c’était
arrivé. Fury mort. Et une chasse à l’homme contre le
héros national le plus respecté d’Amérique, et l’agent
le plus efficace du SHIELD. En quelques jours, j’avais
eut l’instinct que tout ça n’était qu’une mascarade.
Quelque chose clochait au pays des espions, et je
voulais savoir ce que c’était. Mais comme conseillé
par Illya, je n’avais pas fait de vague. J’avais épluché
les dossiers, et fini par trouver ce qui n’allait pas. Et
maintenant, il était là. Devant moi, au milieu d’un
couloir du Triskelion.
Le héros. Captain America. Je le trouve encore plus
grand et impressionnant que lorsque je l’avais aperçu
à new-york. Je reste bête, et ne dis rien. Il prend ça
pour un geste de défense. Il met les mains devant lui,
comme pour me prévenir qu’il ne me veut pas de mal.
— « Madame…Ce n’est pas ce que vous pensez… ». Je
reste là, complètement hypnotisée par le charme de
cet homme. De cet idéal. Sans être (totalement) une
groupie, je me sentais comme une fan face à son idole,
arrivant à peine à balbutier.
—« …Je…Je sais… ».
—« Vous savez ? »
—« C’est ce qu’elle vient de dire, je crois… ». La voix
du black à côté me parvient comme un filtre. Je suis
totalement obnubilé par le costume et l’homme à
l’intérieur.
—« Hydra a infiltré le SHIELD ». Il a dit ça avec tellement
de charisme que j’ai l’impression d’être dans un film. Je
le regarde une seconde encore avant de me secouer
pour répondre.
—« Je…Je sais. Je…Travaille au service G4. J’ai toujours
su que vous n’aviez pas pu faire ça. Et j’ai trouvé les
réponses dans le projet insight. »
—« Elle est plutôt maline… », dit le black. Captain
arbore alors un sourire confiant en me prenant
Chapter 5 : Agents Of What ?
22
doucement par le bras pour filer dans les couloirs. Puis
son air devient plus sérieux.
—« Ecoutez, Miss, il va falloir évacuer tous les gens
de ce bâtiment. Je vais m’adresser à tout le monde…
En espérant qu’ils me croient, nous allons créer un
mouvement de résistance… ». Je soulève un sourcil.
Certes, si quelqu’un peut être cru avec un discours,
c’est bien lui. Mais le plan me parait…Risqué. Le black
me regarde.
—« Me regardez pas comme ça, il pense que ça va
marcher, et moi je fais tout comme lui… ». Je reporte
mon attention vers le Soldat d’un autre temps.
—«Vous devez sortir d’ici. Descendre dans les bureaux,
et évacuer autant de personnes que vous le pourrez.
Vous pensez pouvoir faire ça ? ».
Je réfléchis. Lui dire que je suis un ancien agent de
terrain ne servirait qu’à me faire mousser. Je décide
donc de répondre d’un signe de tête positif. Il sourit à
nouveau.
—« Quel est votre nom ? »
—« R…Rain…Monsieur »
—« Appelez-moi Steve. Très bien Rain, vous êtes très
courageuse. Au moindre coup de feu, je veux que
vous preniez la direction opposée…Vous comprenez
? Il faut sauver ces gens. Vous n’êtes pas préparés à
ce qui va se passer, et ces gens vont se faire tuer si
vous ne les aidez pas. Vous avez un passe de sécurité
? ». Je montre le passe que j’ai au cou. « Très bien.
Allez discrètement dans les bureaux, et évacuez tout
le monde discrètement et dans le calme. Vous pensez
que vous pouvez faire ça ? ». Je hoche la tête, toujours
un peu médusée. « Très bien, Miss. Votre sortie est par
là… », me dit-il en me montrant le couloir qui menait
à l’escalier des étages administratifs. « On se retrouve
dehors…Et quoiqu’il arrive à partir de maintenant…
Soyez prudente. ». L’intensité de ce regard me donne
un courage que je ne me serais jamais cru capable
d’avoir. Comme si j’étais une héroïne. Comme si je
pouvais sauver le monde. Je hoche encore la tête, puis
commence à tourner les talons. Puis je me ravise.
—« …Vous aussi, Captain. Le monde a besoin de vous…
». Il me sourit, et me fait un salut militaire de la main
avant de prendre la porte. Le black secoue la tête. Il
croit que je ne l’entends pas, mais je l’entends. « Bon
sang, mais comment il fait ça ?.. ». Gonflée à bloc, je
me dirige vers le bureau à droite en regardant des
deux côtés. La porte 508. Un des agents a composé
le code trop prêt de moi une fois. J’ouvre la porte
pour me donner l’accès à ce dont je vais avoir besoin
maintenant. Des armes. Le Captain lutte encore pour la
survie de millions de gens. Et je veux en être.
 Agents Of S.H.I.E.L.D — Rain Longshadow
AGENTS OF
S.H.I.E.L.D
Cimetière National d’Arlington
La pluie. Je ne sais plus depuis combien de temps
je suis là, a regarder cette tombe anonyme. Celle
de mon mentor. Celle de mon ami. Celle de mon
sauveur. Il avait préféré ma vie à la sienne. Imbécile.
Des gouttes plus chaudes tombent de mes joues.
Illya était mort en se prenant une balle à ma place
pendant l’opération de sauvetage. Une belle réussite.
Encore un exemple de ma capacité à ne pas être à la
hauteur. Le bruit d’un parapluie qui s’ouvre.
—« Vous devriez vous mettre à l’abri. Vous allez
finir par attraper froid… ». Je me tourne. Malgré
le temps, malgré le démantèlement du SHIELD, je
reconnais tout de suite l’homme qui me fait face. Je
plisse les yeux. Puis je soupire. Pourquoi ce genre de
choses commence à ne même plus m’étonner, je ne
sais pas. Mais c’est le cas. Je m’avance vers lui d’un
air intrigué.
—« Agent spécial Coulson ?... C’est vraiment vous
?». Il sourit.
—« En chair et en os. Enfin, plus pour longtemps avec
cette pluie… ». Il marque une pause et enchaîne. «
Flatté que vous me connaissiez, Agent Rain…»
—« Eh bien…Vous vous portez plutôt bien…Pour un
mort. ». Il esquisse encore un sourire avec un air
légèrement gêné.
—« Vous trouvez ? Merci… ». Il m’invite à m’abriter
et à marcher d’un signe de main. N’ayant en ce
moment rien de plus à faire, la curiosité me pousse
à la suivre.
—« Comment se passe votre retraite, Monsieur ?
». Il regarde devant lui, puis a un autre sourire. Poli,
cette fois.
—« Je ne sais pas, je vous le dirais quand j’y serais…
Je suis désolé pour l’Agent Kuryakin. C’était un très
bon agent. Et un ami.»
—« C’est ce qui se disait… »
Silence pesant sur ce chemin entre les tombes. Je
réfléchis, puis me décide à parler.
—« Vous travaillez pour la CIA, maintenant, je
suppose ? ». Il a une petite grimace « Dieu m’en
préserve, Agent Rain…Non, c’est…Autre chose… ».
Je l’observe. Il paraît que l’agent Coulson était
capable de gérer les situations les plus désespérées
sans jamais perdre son calme. Même si je ne savais
pas comment il avait pu simuler sa mort, il semblait
effectivement aussi calme que si on discutait
chiffons. Pourtant, je me doutais qu’il n’était pas là
pour ça. Sa question suivante me prend totalement
au dépourvu.
—« Alors vous l’avez rencontré, c’est vrai ? »
—« Je…Qui, Monsieur ? ». Il hausse les épaules avec
un petit sourire en regardant la pluie tomber autour
de nous, comme si la réponse était évidente.
—« Le Captain… ». J’avais entendu parler de la
ferveur de Coulson pour son idole. Et je dois dire
que j’étais moi-même assez enthousiaste lorsque je
pensais à lui. Comme si le monde pouvait avoir un
sens tant qu’il était là.
—« …O…Oui, mais je ne v… ». Il me coupe, comme
relativement électrisé dans son calme olympien.
—« Alors…Comment c’était ? Impressionnant, , non
?». Cette fois, c’est moi qui ait un petit sourire.
—« Il faut avouer qu’il a un certain…Charisme, en
 Chapter 6 : Agents Of S.H.I.E.L.D
24
effet, Monsieur… ». Une expression rêveuse flotte
sur les traits de Coulson, comme s’il pouvait le voir.
—« C’est ça. Le charisme de ceux qui ont l’étoffe des
héros. Vous saviez qu’Abraham Erskine, celui qui a
créé la formule du super-soldat, aurait dit qu’il ne
l’avait pas choisi parce qu’il était extraordinaire, mais
justement parce qu’il était ordinaire ? ». J’esquisse
une petite moue ironique.
—« Oui, Monsieur. J’ai…Visité son exposition au
Musée récemment…Mais vous n’êtes pas sorti de
votre résurrection clandestine pour me parler de
ça, n’est-ce pas ?». Il m’observe, puis revient sur les
tombes et la pluie.
—« Plus ou moins. On ne peut pas tous être Captain
America. Et je ne sais pas si j’échangerais ma place
contre la sienne. Mais une chose est sûre. C’est de
gens comme lui dont j’ai besoin… ». Je tique. Nous y
sommes. « Besoin pour quoi, Agent Spécial Coulson
? ».
—« Pour protéger ce monde, et ceux qui y vivent… »
—« Je connais ce refrain, Monsieur. Et il n’est plus
joué depuis que le Congrès a dissout le SHIELD…Vous
n’avez pas reçu le mémo ? ». Mon ton est ironique,
mais amer. Il fixe le lointain.
—« Le SHIELD est une idée, Agent Rain. On ne peut
pas dissoudre une idée. ». Je reste là, à évaluer le
message. Il cherche à me recruter. Mais pour quel
projet ? Une sorte de nouveau SHIELD ?
—« Je ne suis pas sûre de comprendre, Monsieur…
Pourquoi moi ? ». Il m’observe encore une seconde,
et main une main dans sa poche, comme s’il y
cherchait une réponse.
—« Primo, parce qu’Illya faisait des éloges à votre
sujet, ce qui était extrêmement rare. Secundo, parce
que vous avez un dossier intéressant, agent Rain. Un
dossier dont on fait les agents d’élite dont j’ai besoin.
Tertio…Vous êtes fan de Captain America… ». Il sourit
encore, avant de relancer. « Je vais vous faire une
proposition, Agent Rain. Mais quelque chose me dit
que vous n’allez pas refuser. Parce qu’à votre façon,
vous aussi vous voulez faire plus. Vous aussi, à votre
façon, vous êtes un héros. ».
C’est là qu’il m’a eut. Depuis, j’ai rempilé. Encore
une fois. La ligne de défense de l’humanité. Autres
temps, autres règles. Mais les bases ne changent
pas. Pas avec Coulson.
Nous sommes toujours le SHIELD. Et je suis un de ses
agents.
The Agents Of S.H.I.E.L.D Files