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Liberez Vos Points Forts
Liberez Vos Points Forts
© Dunod, 2021
ISBN : 978-2-10-083015-2
Sommaire
Couverture
Page de Copyright
Introduction
Conclusion
Comme l’écrit joliment par ailleurs l’auteur de ces lignes, « les contes
aident les enfants à s’endormir et les adultes à s’éveiller ! »
En lisant celui-ci, il y a plusieurs années maintenant, j’ai souri, comme vous
peut-être : je me suis en partie reconnu dans cet éléphant si bien retenu par
ce pieu pourtant dérisoire. Nous avons tous en nous un peu de cet éléphant
enchaîné, tellement conscient de ses faiblesses qu’il n’a depuis, jamais pris
confiance en ses forces.
Car ainsi est la mare culturelle dans laquelle nous avons trempé et dans
laquelle aujourd’hui nous continuons à baigner nos éléphanteaux : elle est
faite d’une eau trouble qui place la correction des défauts bien avant le
développement des forces, qui valorise le doute plus que la confiance en
soi, qui prône l’amélioration des points faibles comme seule voie de succès.
Dès l’enfance, à la maison parfois, à l’école très souvent, dans les activités
sportives ou artistiques que nous pratiquions, les adultes nous ont avant tout
fait prendre conscience de nos manques, de nos défauts, de nos limites, plus
qu’ils ne nous ont aidé à prendre confiance dans nos qualités, nos talents,
nos points forts.
Plus tard, les managers de tout bord, quel que soit l’univers professionnel
dans lequel nous avons évolué, ont creusé la même veine, pointant
soigneusement nos points faibles dans le support d’entretien annuel, avant
de nous envoyer en formation ou de nous adjoindre l’aide d’un coach pour
les améliorer…
Je ne doute évidemment pas de leur bonne intention : tous pensaient nous
aider à progresser, à grandir, à devenir meilleur, à réussir dans ce que nous
entreprenions…
Ce que je remets en question, c’est le plan d’action : pour utiliser une image
simpliste mais parlante, mettre l’accent sur la correction des faiblesses,
revient à appuyer sur le frein d’une voiture pour la faire avancer !
À force d’être confrontés à nos faiblesses, nous avons appris le doute.
Dans le doute, et malgré lui, nous avons travaillé, progressé parfois, réussi
rarement. Nous avons souffert, stressé et souvent échoué. Les difficultés, les
erreurs, les déconvenues ont accrédité l’idée que « décidément, nous
n’étions pas doué pour ceci ou pour cela… », nous poussant peut-être même
à renoncer à telle ou telle activité. Ainsi était planté le piquet, petit et
pourtant solide, qui, des années plus tard, pouvait encore nous empêcher
d’avancer, dans certaines situations ou certains domaines spécifiques,
parfois dans notre vie plus largement.
Plus forte devient la conscience de nos faiblesses, plus faible devient la
confiance dans nos forces. Debout sur les freins, la voiture est à l’arrêt.
Il y a bien un moteur – nos aptitudes naturelles n’ont pas disparu –
mais sans le carburant qu’est la confiance en soi, la mécanique ne tourne
plus rond.
Pour tracer la route, il faut au contraire lâcher les freins et faire confiance à
la force d’entraînement du moteur. Mieux encore : en connaître plus
précisément le fonctionnement, apprendre à l’entretenir et à en développer
la puissance.
Ce livre est une invitation à poser un autre regard sur nous-mêmes et sur les
autres, en particulier sur ceux que nous avons la responsabilité de faire
grandir : nos proches, nos enfants, nos élèves, nos collaborateurs.
La culture nous a conformés à l’idée de devoir travailler (ou faire travailler)
en priorité les points faibles. Je vous propose, dans les chapitres qui suivent,
de comprendre le faible niveau d’efficience de cette injonction et pire, des
risques qu’elle induit. Je voudrais vous montrer pourquoi, à l’inverse, la
logique consistant à développer ses points forts et s’appuyer sur ses
qualités, est une voie de progrès et de succès plus pertinente.
Surtout, j’aimerais ouvrir quelques pistes pratiques vous permettant de
déployer cette approche dans différentes situations, à la fois pour soi, à la
fois dans l’accompagnement d’un tiers.
Cessons d’appuyer sur les faiblesses, prenons la mesure de ce que nos
forces peuvent nous permettre de faire et de réussir : libérons enfin les point
forts… et les éléphants !
Chapitre 1
Et bien sûr, cet état d’esprit ne serait pas lui-même déterminé par la
naissance (ce serait un comble !). Dans ses travaux, et au travers
également des expériences menées sur le terrain3, Dweck note
l’importance des messages contribuant à ancrer l’un ou l’autre des
paradigmes.
Qui n’a pas dit ou entendu :
« Notre fils n’a pas la bosse des maths, il tient de toi… »
« Moi et la musique ça fait deux. »
« Les langues ce n’est vraiment pas pour moi. »
Citons les introvertis qui à force d’entendre qu’ils sont timides,
resteront parfois terrifiés toute leur vie à la seule perspective de devoir
parler en public – et qui, bien souvent, font des choix non pas tant à partir
de leurs désirs, mais dans le but d’éviter au maximum d’être confrontés à
l’exercice de prise de parole ;
Et, inévitablement, on peut enfin penser à toutes ces qualités physiques
sans lesquelles il serait difficile, voire impossible, de réussir dans tel ou
tel sport, les nombreuses exceptions ne venant bien sûr que confirmer la
règle !
L’effet du « tu n’es pas fait pour ça… » est double. Il ferme d’abord en
quelque sorte l’accès à certaines activités, entraînant choix et
renoncements qui pourront malheureusement plus tard nourrir
frustrations et regrets. Il a également une incidence plus diffuse sur la
confiance en soi, dégradée par l’existence de ces horribles « défauts »
que l’individu tente de cacher tant bien que mal.
Même si, bon gré mal gré, nous avons réussi à nous construire sans
dommage majeur, quelques croyances limitantes restent néanmoins
inscrites en nous – comme autant de petits pieux pouvant parfois retenir
l’éléphant malgré sa force.
Aux trois groupes fut posée la même question : « depuis la première fois
que vous avez eu un violon en main, combien d’heures avez-vous joué ? »
L’analyse des réponses fit ressortir les constats suivants :
• Les musiciens avaient généralement tous commencé à jouer vers
l’âge de 5 ans, totalisant à peu près 3 heures de pratique du violon
par semaine jusqu’à l’âge de 8 ans, sans différence marquante d’un
enfant à l’autre.
• En revanche, à partir de 8 ans, émergeaient des comportements
différents : là où les élèves du groupe 3 avaient maintenu une
moyenne de 3 heures de pratique par semaine, les « stars » du
premier groupe avaient sensiblement accru leur volume d’exercice,
jusqu’à 16 h par semaine vers l’âge de 14 ans, et plus de 30 heures
à l’âge de 20 ans.
• Au total, les musiciens les plus assidus avaient déjà, à 20 ans,
cumulé environ 10 000 heures de pratique, là où d’autres ne
s’étaient exercé que 2 000 heures en moyenne.
Ce n’est pas le don hors du commun qui fait la réussite, mais la capacité
de croire que nos talents ordinaires suffisent à réaliser des choses
extraordinaires, et l’investissement que cette croyance déclenche.
Talent et point fort se confondent dès lors que l’on s’en tient à leur
définition commune : une aptitude à faire quelque chose, peu importe
qu’elle soit communément répandue sur la planète, ou au contraire hors du
commun, particulièrement forte ou juste singulière. L’histoire d’Aznavour
l’illustre bien : le chanteur a dû composer avec une voix, un physique, une
gestuelle qu’objectivement personne ne voyait comme des atouts, mais qui
ont bien finalement contribué à forger un talent singulier. Gardons en tête
cette notion de « singularité » sur laquelle je reviendrai en évoquant les
bénéfices du développement des points forts.
Précisons bien sûr d’emblée que nous sommes tous capables d’utiliser
chacune de ces 8 fonctions : ce qu’en revanche Jung a mis en lumière (et
que les chercheurs en neurosciences confirment), c’est l’existence chez
chacun d’entre nous, de fonctions dominantes, c’est-à-dire de fonctions que
nous utilisons de façon préférentielle, le plus spontanément et le plus
facilement. Ce sont nos points forts.
Si je décris rapidement ces différents axes ici, c’est pour mettre en
lumière l’idée des deux faces de la pièce. À chaque qualité « dominante »
pour reprendre ce terme, correspond en effet une qualité que nous pourrions
appeler « contradictoire » : quand nous utilisons de façon préférentielle
l’une, par définition, nous n’utilisons pas l’autre – et notez que j’utilise bien
ici le terme « utiliser » et non pas le terme « avoir » qui laisserait penser que
nous ne posséderions l’une mais pas l’autre.
Aucun des deux côtés de la pièce n’est mieux, préférable ou plus
enviable que l’autre. Les deux faces sont d’ailleurs plus complémentaires
qu’opposées. Ni l’un ni l’autre n’est a priori un point fort ou un point
faible. Tout dépend, une fois encore, du « quoi », de l’activité pratiquée, du
contexte ou de la situation. Que l’on soit pile ou face, on peut réussir dans
un nombre illimité de domaines à condition de trouver le chemin
d’apprentissage adapté à notre dominante.
L’expérience suivante est certainement simpliste mais je la trouve
parlante. Essayez donc d’écrire votre nom avec la main gauche si vous êtes
droitier (ou l’inverse pour les gauchers) : vous y arrivez sûrement, mais ce
n’est ni agréable, ni aisé, ni rapide. Le résultat n’est probablement pas
terrible… Mais avec un peu d’entraînement, vous réussiriez à vous
améliorer. Si vous vous étiez cassé la main (ce que je ne vous souhaite
évidemment pas !), vous seriez bien obligé de vous y faire. Droitier ou
gaucher sont les deux faces d’une même pièce. Nous choisissons d’utiliser
une main ou l’autre en fonction de nos préférences (souvent très affirmées
depuis notre jeune âge) ou, dans certains cas, selon l’activité que nous
pratiquons.
Me vient à ce propos l’exemple de Rafael Nadal, cas original de
« droitier contrarié » : Petit, jusqu’à 10 ans environ, le champion au
palmarès impressionnant tenait sa raquette avec les deux mains, tant côté
revers que côté coup droit. Pour son oncle et coach Toni, l’heure était venue
de choisir une main. Bien que le jeune garçon utilisait sa main droite dans la
vie de tous les jours, Toni décida d’encourager son neveu à jouer au tennis
avec la gauche.
Au cours de l’impressionnante carrière du majorquin, on aura eu tout le
temps de se rendre compte en tous cas de la redoutable efficacité de son
coup droit de gaucher ! On peut y voir une jolie illustration du fait qu’un
point fort peut se construire au-delà de ce à quoi l’inné peut prédestiner. On
remarquera aussi, si l’on est amateur, la singularité de la gestuelle du joueur
laquelle, loin d’être académique, lui permet de tirer le meilleur parti de ses
qualités.
Ses adversaires n’en finissent pas de remercier tonton Toni. Ils pourraient
aussi et surtout s’inspirer de la logique des points forts !
Chapitre 2
■ « No pain, no gain ! »
Parmi ces croyances, je pointerais d’abord celles tournant autour de la
notion de souffrance, dont les origines remontent très loin dans le temps.
En le chassant du jardin d’Éden, Dieu dit à Adam : « Tu gagneras ton
pain à la sueur de ton front. » (Genèse III, 19.). Autrement dit, si tu veux
vivre, tu travailleras. On comprend la connotation négative du travail : le
mot « travail » vient d’ailleurs – cela est très largement connu – du
latin tripalium, terme connoté par la douleur et la souffrance. À l’origine,
le tripalium était un instrument de torture à trois pieux, utilisé par les
romains pour punir les esclaves rebelles. Le mot a été repris pour
désigner un appareil servant à immobiliser les chevaux rétifs qu’il faut
ferrer ou soigner.
Dieu dit également à Ève : « Tu enfanteras dans la douleur. » Difficile
de ne pas faire le lien avec les souffrances inimaginables qu’ont endurées
les femmes pendant des années. Ajoutons qu’on n’hésitait pas, alors, à
rappeler aux futures mamans inquiètes, la valeur rédemptrice de leurs
prochaines inévitables souffrances ! Soulignons enfin la pugnacité
exceptionnelle qu’il a fallu à certains médecins et personnels soignants
pour que l’ensemble du corps médical (ou presque) accepte enfin, après
des siècles d’apologie de la souffrance, de tout mettre en œuvre pour
soulager les douleurs de l’accouchement.
La société a évolué, fort heureusement, mais l’intérêt et la valeur de la
souffrance restent présents de façon sous-jacente. « Pour réussir, il faut
souffrir », entend-on encore très souvent, en alternance avec sa version
anglo-saxonne : No pain, no gain !
Un intéressant documentaire sur l’athlète jamaïquain Usain Bolt, sur
lequel je suis tombé par hasard en plein confinement, revenait sur
quelques-unes de ses courses les plus fabuleuses.
À l’occasion de sa victoire olympique au 100 m, lors des JO de Pékin
en 2008 – il bat à cette occasion le record du monde, réalisant un temps
de 9″69, le champion était interviewé par un journaliste, juste après
l’arrivée. Le premier commentaire du journaliste en question est
révélateur de l’empreinte culturelle qui marque encore la notion de
réussite : « ce n’est pas tant la vitesse à laquelle vous avez parcouru cette
distance qui m’a étonné mais bien l’aisance avec laquelle vous avez
accompli cet exploit », dit-il à Bolt. Sous-entendu : il est quand même
curieux de battre le record du monde sans donner l’impression de se
surpasser ni de faire plus d’efforts que ça… à moins d’être dopé pourrait-
on ajouter avec un esprit retors !
« Ne vous fiez pas aux apparences, réplique immédiatement l’athlète,
vous ne pouvez pas vous imaginer les efforts que j’ai faits et la
souffrance que j’ai dû endurer ces deux dernières années pour en arriver
à ce niveau de la compétition. »
Il est évident qu’un exploit comme celui-ci est la conséquence d’un
entraînement hors du commun, fait d’efforts intenses et répétés.
L’essentiel se joue avant la course et c’est bien le prix à payer pour
trouver, le jour J, ce relâchement qui, dans le cas de Bolt, laisse penser
que la course est facile. Mais, dans l’esprit du journaliste, on devine que
la victoire aurait pu sembler plus belle – et peut-être moins suspecte –
si Bolt avait montré de plus grands signes d’effort. Cette notion de
No pain, no gain est si forte qu’elle nous porte souvent à admirer
davantage ceux qui font des efforts – sans succès – que ceux qui
obtiennent des résultats – sans avoir eu l’air de beaucoup souffrir.
Le « héros » doit mériter son statut : idéalement, il aura dû lutter contre
ses handicaps de départ, il aura démontré une capacité à endurer la
souffrance. Il aura échoué, sera tombé, se sera relevé. Peut-être aura-t-il
réussi à la fin, mais en ayant gardé des séquelles de ses efforts, à moins
même, que le pauvre n’en soit mort.
À l’inverse, il sera difficile d’être ainsi consacré pour celui ayant eu
l’arrogance de réussir sans (trop) souffrir, en tous cas sans assez
démontrer la probable dureté de ses efforts. S’il y a dans son histoire, des
conditions favorables, des atouts, des succès rapides, peu d’erreurs, pas
d’échec, il lui faudra accepter de susciter d’étonnants sentiments de
jalousie ou de suspicion plutôt qu’un élan d’admiration. J’ai en mémoire
les discussions que nous avions eues dans une grande entreprise française
au sujet justement des effets de cette « culture du héros » sur la conduite
des projets.
Les responsables du département R&D de ce groupe multinational
avaient constaté qu’une partie des chefs de projet avaient l’habitude de
piloter leur projet de façon très professionnelle selon les meilleurs
principes et méthodes de gestion de projet, ce qui assurait, dans la plupart
des cas, une création de valeur optimale – le projet aboutissant au résultat
attendu, dans le temps et le budget impartis. Le déroulement de ces
projets n’était naturellement pas exempt des difficultés, des imprévus,
des déconvenues inhérents à tous les projets, mais la discipline de
pilotage mise en place permettait au chef de projet et à son équipe
d’anticiper les dérives, d’éviter ou de maîtriser les écarts et d’agir ou
réagir sans délai. Tout portait à croire que ces chefs de projet seraient les
plus reconnus dans l’entreprise… On pouvait aussi imaginer que leurs
méthodes allaient être enviées et copiées par tous les autres.
C’était sans compter sur le poids de la culture du « héros » !
Non seulement ces chefs de projet appliqués n’avaient pas valeur de
modèles, pas plus que leurs méthodes n’étaient imitées dans tous les
projets, mais pire : ceux qui faisaient figure de « stars », au sein de cette
entreprise, étaient plutôt des chefs de projet « héroïques » qui, armés de
courage, d’abnégation, de persévérance, de résilience même, avaient livré
de mémorables batailles à l’occasion de projets au déroulement
particulièrement chaotique !
Plus il y avait de problèmes sur un projet, plus le chef de projet pouvait
démontrer l’étendue de son héroïsme : comment aurait-il prouver sa
valeur si, en mettant en œuvre toutes les bonnes pratiques, il était
parvenu à anticiper et éviter les problèmes ?
C’est ainsi que dans cette entreprise, les récits se transmettaient des
anciens aux nouveaux, à chaque occasion de rassemblement. Un
ingénieur confirmé vantait les mérites de tel autre d’avoir mené à son
terme un projet, qui à force de retards et de compromis techniques, s’était
révélé finalement être un gouffre financier pour le groupe. Un vieux de la
vieille se souvenait, une larme à l’œil, de ces incroyables aventures
vécues, au cours d’un projet d’implantation d’usine dans un pays
lointain, sous la houlette d’un chef de projet, plus meneur de bande que
pilote de projet.
Les responsables de l’entreprise s’étaient ainsi rendu compte que les
moments de tension qui émaillaient les projets difficiles avaient, avec le
recul, bien plus soudé les équipes que les paisibles réunions de pilotage
qui ponctuaient les projets plus sereins. Ils comprenaient enfin que cette
culture du « héros » pouvait induire un effet pervers et saper les efforts de
formation et de management visant à professionnaliser les pratiques de
conduite de projet.
Si réussir implique nécessairement de souffrir, alors le chemin des
points faibles est la voie royale ! Elle promet un niveau d’effort
considérable, une souffrance certaine, des erreurs et des échecs
probables : de quoi devenir un « héros » ! À l’inverse, le choix d’une
voie plus aisée, celle exploitant au mieux les forces possédées, ne
pourrait donc pas être la bonne : « Quand le travail n’est pas assez dur,
le progrès n’est jamais vraiment sûr ! », affirment certains.
Pire, derrière ce dicton apparemment inspiré par la recherche
d’efficacité, se cache une notion plus morale. Choisir le chemin de la
moindre résistance reviendrait à céder à la facilité, à fuir le courageux
combat consistant à affronter nos défauts. À celui qui ose la confrontation
est plutôt attribuée une image noble.
Envisager la voie la plus adaptée à ce qu’on est, et décider de
contourner la souffrance promise plutôt que de la supporter, passe au
contraire pour un aveu de lâcheté…
C’est pour ça que je suis fatigué
C’est pour ça que je voudrais crier :
Je ne suis pas un héros !
Daniel Balavoine, « Je ne suis pas un héros », album Un autre monde, 1980.
■ Plaisir coupable…
Le fabuleux destin du « héros » ne réserve à celui-ci que bien peu de
plaisirs !
Et s’il y en a, ce ne pourra être à l’évidence, que le plaisir-récompense,
celui qui se mérite, une fois le succès (éventuellement) remporté. Encore
devra-t-il être discret et mesuré, au risque de devenir très vite coupable…
Nous avons sans doute tous en mémoire les images de ces présidents
de la République juste élus ayant fait l’erreur ou commis la faute
(entourez l’expression que vous jugerez la plus adaptée) de fêter leur
victoire électorale dans des restaurants trop « bling-bling ». Après le
Fouquet’s, après la Rotonde, où nous emmènera le prochain ? Suivra-t-il
la règle du « jamais deux sans trois » ou plutôt l’idée que la 1ère bévue est
une erreur, sa reproduction une faute et la récidive une provocation
impardonnable ?
Notre futur.e président.e nous emmènera-t-il.elle à la crêperie du coin,
chez Flunch ou au McDo, ou devra-t-il.elle renoncer à fêter sa victoire ?
J’avoue attendre avec amusement la prochaine soirée d’élection
présidentielle… Dans cette conception du plaisir comme récompense,
apparait bien sûr la vieille image du paradis, auquel nous pourrions
accéder après une vie de souffrance.
Ainsi s’est établi une sorte de logique séquentielle : le chemin, pavé
d’efforts – lesquels seraient associés fatalement à la souffrance –
mènerait ensuite, si ces efforts étaient suffisants, au résultat, synonyme
de délivrance. La souffrance seule autoriserait la réussite, et la réussite
autoriserait le plaisir, récompense ultime.
C’est cette même boucle effort/récompense qui oriente beaucoup des
approches que nous avons de la motivation, souvent décrite comme la
recherche par l’individu d’une récompense externe censée le satisfaire :
salaire, reconnaissance, prime, etc…8
Dans ce type d’approche, la « fin justifie les moyens » : l’effort
n’aurait pas d’autre intérêt que la récompense à laquelle il pourrait
donner droit. La motivation à réaliser l’action est dite « extrinsèque », car
liée à un élément externe, totalement dissocié de l’action proprement
dite.
Pour prendre un exemple, jouer sur cette logique de motivation,
reviendrait à enseigner les mathématiques à un enfant en lui promettant
qu’en fonction de la note qu’il obtiendra à son devoir, il recevra le
dernier jeu vidéo à la mode. Il y a fort à parier que les mathématiques ne
seront qu’un mal nécessaire, une souffrance consentie en vue d’un espoir
de récompense et de plaisir. On mesure facilement les limites de cette
logique : pas de motivation réelle ni durable pour les maths, tentation de
triche, ou tout au moins recours au « bachotage » pour obtenir plus
facilement la récompense espérée, inflation des récompenses, etc…
L’autre logique, souvent sous-estimée, est celle de la motivation
« intrinsèque », dans laquelle l’activité est elle-même source de plaisir.
Réaliser l’action suffit à motiver, sans qu’il n’y ait besoin d’attribuer une
récompense en plus.
Dans l’exemple de l’enfant, il s’agirait de l’aider à trouver ce que les
mathématiques peuvent en tant que telles, lui apporter : peut-être le
plaisir du jeu, la découverte des nombreux usages que l’on peut en faire,
la satisfaction de résoudre des problèmes ou le fait d’exercer ses
talents… J’y reviendrai plus en détail dans le chapitre consacré à la mise
en œuvre de la logique des points forts.
Face au poids de l’équation effort = souffrance, il a toujours semblé
« contre-culturel » de penser qu’il pouvait y avoir aussi du plaisir dans le
chemin, qu’effort et plaisir non seulement n’étaient pas opposés, mais
bien compatibles : en jouant sur ses forces, en choisissant des plans qui
valorisent nos talents, nous pouvons allier action et motivation, prendre
du plaisir à travailler et atteindre des résultats plus grands que ceux
construits dans la souffrance.
C’est le sens, selon moi, de l’expression « goût de l’effort », proche de
l’oxymore à première lecture : si, dans la culture dominante, le mot goût
renvoie plutôt au plaisir, celui d’effort est davantage connoté à la notion
de souffrance. Sous cet angle, dire qu’on a le goût de l’effort, c’est
avouer un sérieux penchant masochiste ! D’un autre point de vue, en
considérant cette fois qu’il existe bien des efforts que nous faisons avec
plaisir – parce qu’ils mettent par exemple en valeur nos forces et nous
permettent de nous sentir à l’aise dans l’action, nous pouvons affirmer
qu’il nous arrive bien de « goûter » (au sens d’apprécier) certains efforts.
J’irais plus loin encore : ce ne sont pas tant les résultats qui donnent du
plaisir, que le plaisir qui donne les résultats.
Je ne crois pas, en effet, que l’effort-souffrance soit réellement une
condition de succès.
• Ce n’est pas parce que certains ont beaucoup souffert avant de réussir,
que cela démontre qu’il faut souffrir pour réussir !
• Ce n’est pas parce que certains ont connu des échecs avant d’avoir du
succès, que cela atteste que l’échec est un passage obligé pour qui
cherche le succès !
• Ce n’est pas parce que certains ont réussi sur leurs points faibles, qu’il
faut empêcher les autres de parier sur leurs points forts !
Ma conviction est que l’effort, quand il est vécu avec plaisir (parce que
conduit par la motivation « intrinsèque »), est à la fois plus intense et plus
durable. Le plaisir fournit l’énergie indispensable à notre engagement.
C’est l’une des raisons qui plaident pour cette recherche d’alignement
avec nos qualités telle que je la propose dans ce livre. J’aurai bien
entendu l’occasion plus loin d’argumenter plus en détail sur ce point.
■ Le mythe de la perfection
Le dernier pilier de notre culture est peut-être celui qui est le plus
profondément ancré dans notre inconscient collectif. C’est en tous cas celui
qui participe le plus efficacement à fonder et entretenir l’idée dominante
qu’il est indispensable de travailler ses points faibles. Ce pilier est celui de
l’idéal de perfection.
La croyance qu’il porte consiste à faire de la perfection, LA condition
essentielle de la réussite.
Dans la logique de cette croyance, chercher la perfection serait donc
un enjeu de premier plan pour chacun d’entre nous. L’idée n’est bien sûr
pas totalement saugrenue : celui qui posséderait toutes les qualités
possibles pourrait exceller en tout.
On trouve facilement, dans le prolongement de cette idée, d’amusants
exercices proposant de dresser le portrait robot du mari ou de l’épouse
rêvé∙e (au cas où vous ne l’auriez pas déjà trouvé∙e (écriture inclusive,
bien sûr !), du ou de la top-model parfait.e ou encore du champion de
tennis imbattable.
Ce dernier, par exemple, empruntera à Federer son sens du timing (ce
n’est pas un Suisse pour rien !), à Nadal ses qualités mentales de guerrier
(on le compare souvent à un taureau… la différence avec la corrida, étant
qu’à la fin, sur la terre battue, c’est plus souvent le taureau qui gagne !), à
Djokovic sa souplesse, etc…
Le jeu du parfait composite est amusant, et comme souvent, s’agissant
de sport, il suscite d’interminables débats sur les comparatifs de qualités
des uns ou des autres : mais tout le monde a compris que ce joueur-là
n’existait pas et non pas parce qu’il n’était pas encore né, mais parce que
simplement aucun individu ne pouvait réunir toutes les qualités et leurs
contraires en même temps !
Si cet exercice anodin ne prête pas à conséquence, il en existe d’autres
qui peuvent induire de fâcheuses dérives. C’est le cas, à mon sens, des
référentiels de compétence construits par beaucoup d’entreprises,
et visant à définir ce qu’on attend d’un collaborateur dans telle ou telle
fonction : référentiel de compétence, référentiel de management, …
Ce n’est bien sûr pas le référentiel en lui-même qui pose problème :
définir les exigences à tel ou tel poste est incontestablement utile. Ce qui
est en cause, c’est plus l’usage qui en est fait ensuite, dans lequel la
mention « à l’idéal » semble oubliée.
La limite de la recherche de perfection réside dans la traduction
pédagogique qu’on en fait, lorsqu’oubliant l’aspect idéaliste de la notion,
le « modèle » n’est plus utilisé que pour repérer les points faibles à
travailler. Le moindre écart est présenté comme une « anormalité »
à corriger. Pour l’individu ainsi évalué, le diagnostic est sévère et parfois
lourd de conséquences : doute, découragement, inquiétude,
démotivation…
« Insuffisant », « incompétent », « niveau faible », ou tout simplement
« niveau – – » indique la colonne dans laquelle sera tracée la croix lors de
l’entretien annuel d’évaluation, sur chaque ligne se rapportant aux points
faibles.
Sur les autres lignes, correspondant pourtant aux points forts, il ne sera
pas indiqué « qualité remarquable » ou « point fort »… mais souvent
« satisfaisant », « conforme », « + + » ou parfois « supérieur aux
attentes ».
Par un effet de glissement moral, le référentiel devient finalement une
« grille d’évaluation » portant, qu’on le veuille ou non, un jugement
beaucoup plus qu’une aide à la connaissance de soi. Mais on touche ici à
un autre débat : celui de la raison d’être ce ces entretiens annuels. Ceux-
ci sont petit à petit devenus l’un des outils-clés du processus de gestion
des ressources humaines, dans sa version rationnelle et financière. Ils ont
été souvent détournés de leur vocation initiale, très alignée avec le sujet
des points forts : un moment privilégié dans la relation managériale –
déconnecté des contingences quotidiennes – permettant au manager et au
collaborateur, de rechercher ensemble la meilleure voie de progrès et de
succès.
Dans cette optique d’origine, ce qui prime ce n’est donc pas tant
l’analyse des écarts avec le référentiel que la connaissance par l’individu
des qualités sur lesquelles il peut s’appuyer pour continuer de se
développer. Cette injonction à chercher la perfection, donc à combler les
manques ou corriger les défauts, semble méconnaître les fonctionnements
de l’individu. Comme nous l’avons souligné déjà, points forts et points
faibles ne sont que les deux faces d’une même pièce. Par définition donc,
parce que nous possédons tous un côté pile (nos préférences, nos qualités,
nos forces), nous avons tous également un côté face (les qualités
opposées, que par nature donc, nous n’avons pas, ou en tous cas qui sont
moins facilement activables par nous).
Construits sur le désir de perfection, les référentiels ne tiennent pas
compte de cette réalité : en se contentant de lister les attendus, ils
dressent une sorte de portrait-robot de l’être sans défaut, sorte de mouton
à 5 pattes9.
Peut-être s’inspirent-ils du célèbre poème de Rudyard Kipling if,
traduit en 1918 par André Maurois sous le titre Si : tu seras un homme
mon fils.
Albert Einstein et Annie Cordy, contre toute attente, s’unissent ici pour
illustrer le faible rendement du travail sur les points faibles.
Erreur de diagnostic ?
Il est même tentant d’aller plus loin dans le raisonnement. Et si cette
injonction à travailler nos points faibles relevait d’une mauvaise analyse de
nos difficultés ? Si, finalement, le défaut n’était pas la cause de tous nos
problèmes ?
Trop superficielle, l’analyse que nous faisons des échecs ou des
difficultés rencontrées se contente souvent de mettre la lumière sur nos
points faibles.
• L’équipe sportive sera passée à côté de la victoire à cause de ses
lacunes défensives légendaires, diront les commentateurs.
• Le manager en difficulté, confronté à une multiplication de dérives de
comportement au sein de son équipe, paye le prix de son manque de
fermeté, conclura le DRH.
• L’étudiant, recalé à un concours, regrettera ses lacunes persistantes
dans cette matière qu’il n’a jamais aimée.
• « Manque de puissance au service », analysera le journaliste après la
défaite de ce tennisman pourtant prometteur. Sans un travail assidu,
pour renforcer son physique et affiner sa technique, il ne parviendra
pas à se hisser au meilleur niveau, affirmera-t-il.
« Ce qu’un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas.
Ce qu’un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas, aussi
bien écrit que toi, ne l’écris pas.
Ne t’attache en toi qu’à ce que tu sens qui est nulle part ailleurs
qu’en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment,
ah, le plus irremplaçable des êtres. »
André Gide, Les Nourritures terrestres, 1897.
En bon fan de tennis, frustré par des mois d’interruption des compétitions
pour cause de Covid-19, j’ai suivi avec attention les tournois de reprise,
programmés à l’automne 2020, dont celui de Roland-Garros,
exceptionnellement déplacé de fin mai à fin septembre.
Comme c’est à chaque fois le cas, le tournoi a été ponctué de très beaux
duels, réservant quelques surprises.
De cette édition 2020, je retiendrai l’impressionnant parcours d’Hugo
Gaston. 239ème joueur mondial en arrivant Porte d’Auteuil, le jeune et
prometteur champion élimine plusieurs joueurs bien mieux classés que lui
(dont le suisse Stan Wavrinka, vainqueur du tournoi en 2015, à nouveau
finaliste en 2017), avant de s’incliner de peu au bout d’un match
d’anthologie, en huitième de finale, contre l’autrichien Dominic Thiem,
alors troisième joueur mondial.
Au-delà des victoires ou des défaites, ce qui force l’admiration, c’est la
manière avec laquelle Hugo Gaston a défié ses adversaires.
Avec son petit gabarit (1,73 m), il fait figure d’exception dans le très
fermé cercle des tennismen professionnels, assez largement formé
d’athlètes au physique impressionnant (la taille moyenne des champions du
Top 100 mondial s’établit à 1,86 m), capables de rivaliser de puissance, au
service comme dans les coups frappés du fond du court.
Une seule voie possible pour lui : se servir le mieux possible des armes
qu’il possède. Miser sur ses points forts. Il sait bien sûr que subir la
puissance de ses adversaires, se laisser embarquer dans leurs points forts à
eux, le condamne à accumuler des défaites sévères.
Et on comprend également que, dans son cas, chercher à travailler ses
points faibles est une voie sans issue : même en mangeant de la soupe, il ne
grandira plus ! Avec tous les efforts du monde, il ne parviendra sans doute
jamais à servir à 230 km/h ou à envoyer des « parpaings » dans la
diagonale, comme le font ses rivaux.
Alors Hugo Gaston cultive sa singularité – comme d’autres joueurs le
font, tel Diego Schwartzman ou, il y a quelques années Fabrice Santoro. Il
mise sur son toucher de balle, sur une très large variété de coups, sur son
œil, sur sa vitesse d’exécution et de déplacement, sur la précision de son jeu
de jambes… Mais il sait que, dans ces domaines, être « bon » ne suffira pas.
Il lui faut, pour défier les plus grands et compenser ses points faibles,
pousser chacune de ces qualités à l’excellence.
C’est, à la fin de son match, ce qu’a confirmé son adversaire Dominic
Thiem, passé tout près de la défaite : « Ça fait longtemps que je n’avais pas
vu un joueur avec un tel toucher. Ses amorties viennent d’une autre planète,
il m’a fait sprinter quatre cents fois vers le filet (…) S’il continue comme
ça, il deviendra un énorme joueur et il apportera beaucoup de joie dans ce
stade dans le futur ».
Quand Thiem dit « S’il continue comme ça… », on peut traduire : S’il
continue à travailler encore et encore ses points forts !
C’est bien cela qu’illustre le parcours de ce jeune champion de tennis : la
stratégie des points forts ne consiste pas seulement à bien faire ce qu’on sait
faire en restant paisiblement dans sa zone de confort. Elle vise à cultiver ses
talents pour exploiter le mieux possible le potentiel que ceux-ci nous
offrent. Et ce potentiel, nous allons le voir, est immense… plus immense
qu’on ne le pense.
Le choix de l’efficience
Les points forts, rappelons-le, constituent bien des ressources internes : ce
sont des qualités (physiques, mentales…) ou des traits de caractère que
nous possédons et que nous activons de façon spontanée et facile.
Dès lors que la situation dans laquelle nous nous trouvons ou le plan
d’action que nous choisissons nous permettent de mettre en œuvre ces
qualités, nous bénéficions d’un effet de levier : peu d’énergie suffit à
produire des résultats.
Efficacité prouvée !
Un état de grâce !
En prenant le chemin des points forts, nous pouvons parvenir même jusqu’à
ressentir un ensemble de sentiments et de sensations bien connu des
champions, mais aussi des musiciens virtuoses, des danseurs émérites ou
encore des grands chefs cuisiniers. Cet état mental particulier a été
notamment mis en lumière par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi
dans les années 1970, et appelé flow.
Le flow (flux en anglais, les sportifs disent souvent aussi en français
« être dans la zone ») se caractérise par une sorte d’hyper-concentration
dans une activité. Dans ces moments particuliers, exceptionnels et parfois
fugaces, l’individu est totalement absorbé par son occupation : corps,
cerveau, émotions, perceptions… tout parait alors en harmonie avec
l’action. La réussite parait facile et sans effort.
Être dans le « flux », dit Mihály Csíkszentmihályi, c’est « être
complètement impliqué dans une activité pour elle-même. L’ego n’existe
plus, la perception du temps non plus. Chaque action, mouvement et
pensée découle inévitablement de la précédente, comme lorsque l’on joue
du jazz. Votre être tout entier est impliqué, et vous utilisez vos
compétences à l’extrême. »
Six sensations caractérisent ces expériences de flow :
1. Une concentration intense focalisée sur le moment présent : rien
d’autre ne peut me distraire que ce que je suis en train de faire, ici
et maintenant.
2. La disparition de la distance entre le sujet et l’objet : je suis
« immergé » dans l’action.
3. La perte du sentiment de conscience de soi : je ne suis plus que ce
que je fais.
4. L’impression de contrôle et de puissance sur l’activité ou la
situation : tout parait simple et facile à réaliser et à réussir.
5. La distorsion de la perception du temps : je ne vois pas le temps
passer.
6. Le fait que l’activité soit en soi source de plaisir (on parle
d’activité autotélique) : on trouve, dans l’action, une motivation
intrinsèque.
Régis Boxelé, médecin du sport à Paris, connaît bien ce phénomène au
travers des confidences des champions dont il prend soin : « Un très
grand gardien de but français de handball m’a décrit ce moment de
« transe » où il lui a semblé que les balles étaient ralenties et les arrêts,
plus simples. Ou encore cet ancien champion du monde de squash qui se
souvient, en pleine finale, d’avoir eu le sentiment de flotter au-dessus du
court et donc d’anticiper tous les coups de l’adversaire, ce qu’il a fait.
Pour y parvenir, il faut des années et des années d’entraînement avec des
gestes presque automatiques. »
Le pilote de Formule 1, Ayrton Senna, durant les qualifications du
grand prix de Monaco, en 1988, décrivait ainsi ses impressions : « J’étais
déjà en pole position […] et je continuais. J’avais deux secondes
d’avance sur tout le monde, même sur mon binôme qui avait la même
voiture. Et tout à coup j’ai réalisé que je ne conduisais plus la voiture
consciemment. Je la conduisais comme instinctivement, mais j’étais dans
une autre dimension. J’étais comme dans un tunnel. Pas seulement dans
le tunnel sous l’hôtel : tout le circuit était un tunnel. Je continuais et
continuais, encore et encore. J’avais largement dépassé la limite mais
j’étais toujours capable de trouver plus. »
Si le fonctionnement du cerveau, en état de flow, reste encore bien
mystérieux – pas évident par définition de voir ce qu’il se passe à
l’intérieur d’une personne en mouvement – il semble bien qu’au travers
de ce phénomène d’hyper-concentration, le cerveau, tout entier dédié à
une seule tâche, soit alors en mesure de traiter un plus grand nombre
d’informations que lorsqu’il partage ses capacités entre plusieurs
activités.
D’après Csíkszentmihályi, notre système nerveux serait capable de
traiter 110 bits d’informations à la seconde.
Dans une conversation par exemple, nous aurions besoin d’utiliser
environ la moitié de cette capacité (60 bits d’info/sec.), ce qui explique
pourquoi il nous est difficile de faire autre chose en même temps !
En état de flow, le cerveau consacrerait la quasi-totalité de sa
« puissance de calcul » à la seule activité pratiquée
(environ 100 bits d’info/sec.), ne laissant plus la possibilité au système
nerveux de faire attention au reste.
Ainsi, dit le psychologue, dans cet état de flow, l’individu n’est plus
préoccupé par tout ce qui pourrait le déconcentrer : il ne peut plus penser
ni à l’enjeu, ni à la prime, ni à son image, ni à tous ces éléments
extérieurs potentiellement perturbants. La « concentration dans le jeu »
est telle qu’elle chasse toute « la pression de l’enjeu ».
Mais on le comprend : ce n’est pas un état qui se crée sur commande.
Et les quelques illustrations montrent bien qu’il s’agit de moment de
grâce rares, y compris pour des personnes rompues à la pratique intensive
d’une activité.
Pour autant, cet état n’est pas réservé qu’aux seuls champions sportifs
ou aux grands musiciens. Chacun d’entre nous peut, ne serait-ce que
fugacement, ressentir, dans la sphère personnelle ou professionnelle, un
de ces instants de flow, durant lesquels tout semble facile et fluide : une
partie d’échec accrochée, un morceau adoré chanté sous la douche, un
grand oral sur un sujet de passion, une présentation parfaitement
maîtrisée face à un client…
Peu importe la situation : c’est bien sûr du côté de nos points forts
qu’il faut chercher, quand on se sent comme profondément aligné avec
ces qualités dont on aime user et abuser.
À la recherche de l’excellence
Sans nécessairement chercher à trouver le Graal que représente cet état de
flow, aussi difficilement accessible que reproductible, il convient bien de
considérer les points forts non comme un acquis mais bien comme un
potentiel à développer.
Comme le disait déjà la Parabole des Talents, évoquée au début du
livre, il serait dommage de se contenter s’user de ses forces et de ne pas
faire fructifier les dons que l’on possède. Avoir du talent n’est pas qu’une
chance : c’est aussi un devoir, celui de le travailler.
Trop souvent encore, en parallèle de l’injonction corrective, on entend
dire : « ce n’est pas la peine de travailler cet aspect, c’est déjà un point
fort ! »
Laisser un talent en jachère fait courir plusieurs risques. Bien sûr, celui
déjà cité, consistant à perdre la confiance en son « modèle » de
performance voire la conscience même de ses forces. Mais aussi,
le risque de perdre petit à petit en maîtrise : le talent seul ne fait pas tout.
Seul le travail permet de consolider la pratique, d’ajouter de la technique
au don.
Les politiques de formation continue, mises en œuvre dans les
entreprises, répondent plus souvent, comme nous l’avons déjà souligné, à
la logique corrective qu’à celle du développement des points forts.
« Pourquoi envoyer un commercial dans un module sur l’écoute
puisqu’il possède naturellement ce don de bien écouter ? », peut arguer le
responsable formation.
Voici pourtant quelques bonnes raisons de le faire :
• La motivation d’abord : le vendeur en question viendra sans doute avec
envie pour participer à un module de formation qui valorise ce qu’il est
et ce qu’il sait faire (bien plus qu’assister à une session qui le remet en
cause et le met en difficulté…).
• La consolidation : en ajoutant de la technique à ce qu’il fait
certainement déjà naturellement, le vendeur en ressortira conforté, plus
confiant, plus solide, avec un sentiment renforcé de compréhension de
son « modèle » de performance. Il sera d’ailleurs capable de
transmettre plus facilement à ses collègues une partie de son savoir-
faire (impossible à transmettre quand il ne se fonde que sur le talent
« brut » et en partie inconscient).
• L’amélioration : le commercial pourra très probablement trouver dans
la formation de nouvelles techniques, de nouvelles pratiques rendant
son écoute plus pointue, plus précise encore.
• L’application : on le sait bien, les participants, après une formation
lambda, ne mettent en pratique que très peu d’éléments… Ce taux
d’application est bien plus élevé quand les stagiaires repartent avec des
engagements alignés avec leurs forces et l’envie souvent grande de les
tester.
Miser sur ses points forts ne consiste donc pas à rester dans sa zone de
confort : il s’agit d’en repousser les limites, non pas en basculant dans la
logique corrective, mais en poussant plus loin le développement de ses
qualités naturelles. Car si l’espoir que l’on peut nourrir en travaillant ses
points faibles reste limité à la seule acquisition d’un niveau de base,
l’objectif que l’on peut se fixer en cultivant ses forces est bien plus
ambitieux : c’est un objectif d’excellence.
La spirale de confiance, la motivation intrinsèque, l’efficacité
constatées par celui qui exploite ses talents dessinent en effet des
perspectives de progrès très profondes.
Déjà évoquée au début du premier chapitre de ce livre, la théorie du
psychologue d’origine suédoise, K. Anders Ericsson évalue à
10 000 heures le temps nécessaire à l’atteinte d’un niveau d’excellence
dans une activité donnée.
10 000 heures équivalent à 10 ans de travail à raison de 20 heures par
semaine ou 5 ans à temps plein. Selon Malcolm Gladwell, qui a
largement contribué à populariser ce « nombre magique de la grandeur »
(“magic number of greatness”), tous ceux qui sont devenus maîtres dans
leur discipline ont travaillé plus que la moyenne, qu’ils soient magnats
des affaires, artistes, sportifs, génies de l’informatique, scientifiques de
renom…
Chacune des personnalités qu’il étudie (de Bill Gates aux Beatles)
possède d’indéniables talents au départ, probablement même supérieurs à
la moyenne.
C’est bien d’ailleurs l’existence de ces pré-dispositions qui permettent
de déclencher et d’entretenir la motivation que requiert l’effort de ces
10 000 heures de pratique : jamais, partant d’un point faible, un individu
pourrait endurer une telle charge de travail.
À une époque où l’accès à l’informatique était encore réservé aux
spécialistes, Bill Gates, adolescent, avait trouvé différentes façons de
s’adonner à sa passion pour la programmation : en proposant à des
entreprises de tester leurs programmes, le futur fondateur de Microsoft a
commencé à cumuler des heures à se perfectionner. Découvrant, à 15 ans,
que les ordinateurs du centre médical de l’université de Washington ne
servaient pas la nuit entre 3h et 6h, Bill Gates et ses amis continuaient à
exercer leur pratique, à l’heure où les autres adolescents du même âge
dormaient paisiblement. Ainsi, quand Bill Gates achevait ses études à
Harvard, il cumulait déjà 7 ans d’informatique à haute dose, largement
plus que les 10 000 heures de travail.
Entre 1957 (date de la première rencontre entre Lennon et McCartney)
et 1964 (année de l’explosion de leur succès), les Beatles se sont produits
ensemble des centaines de fois, jouant parfois des heures durant. Alors
même qu’ils n’avaient toujours pas sorti de disque, ils possédaient déjà
un impressionnant niveau de maîtrise de leur art.
La règle des 10 000 heures tente finalement de mesurer le temps qu’il
faut pour « modeler » le cerveau : une fois capable de fonctionner de
façon automatique (les « modèles » déjà évoqués précédemment), le
cerveau devient disponible pour d’autres aptitudes. Parmi celles-ci,
l’intuition, l’anticipation, la créativité semblent jouer un rôle-clé pour
permettre aux « génies » d’accéder au firmament de leur art.
L’idée n’est évidemment pas d’aspirer systématiquement à devenir une
star du rock ou un patron emblématique ! Il s’agit juste ici de souligner
que les points forts constituent un potentiel fantastique : grâce à la spirale
de motivation et de confiance qu’ils nourrissent, il est possible d’accéder
à un niveau de maîtrise et de performance inespéré.
Exceller dans un domaine, en s’appuyant sur ses points forts, est
évidemment très précieux. Par effet de halo, cela permet parfois de
compenser ou sur-compenser ses faiblesses : l’éclat des succès obtenus
masque les défauts !
Comme le prédisait Roger Federer à 17 ans : « J’ai un gros nez, mais
quand je serai numéro 1 mondial, les gens ne le verront plus ! ».
Miser sur les points forts, ce n’est pas seulement se servir, c’est aussi
servir. Nos forces ne sont pas seulement un atout « pratique », elles portent
en elles une dimension « éthique » : en les mettant au service du monde
extérieur, elles prennent tout leur sens et contribuent à en nourrir celui de
notre existence.
Allier performance et sens, c’est en quelque sorte le pari que fait l’équipe
d’Initiative Cœur, bien connue dans le monde de la voile. En s’alignant au
départ des plus prestigieuses courses autour du monde (Vendée Globe,
Route du Rhum, Transat Jacques Vabre, etc.), l’Imoca9 Initiative Cœur,
barré par la talentueuse navigatrice Samantha Davies, promeut la cause de
l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque10, tout en relevant un défi sportif
et technique de haut niveau. Profitant de l’exposition médiatique des
aventures de la skipper et grâce au soutien de ses partenaires (K-Line,
VINCI Energies…), le projet a permis à Mécénat Chirurgie Cardiaque de
financer 314 opérations d’enfants depuis 2012.
Pour des sportifs de haut niveau, comme Samantha Davies (ou avant elle,
Tanguy de Lamotte, skipper d’Initiatives Cœur entre 2012 et 2017), vivre
de ses talents est en soi déjà un privilège. Pouvoir les mettre au service d’un
projet et d’une cause comme celle-ci donne un sens bien plus grand encore
à l’aventure.
L’être unique
Miser sur ses points forts, choisir résolument de développer ses talents,
revient finalement à affirmer ce qu’on a de singulier.
Depuis nos plus jeunes années, la logique corrective, l’un des bras armés
de la pression sociale, cherche plutôt à conformer, en gommant les défauts –
mais, on l’a compris, en atténuant par conséquent aussi les forces. Ne pas
être faible mais ne pas être trop fort non plus. Noyer nos façons de faire
trop personnelles dans un océan de bonnes manières conventionnelles (je
dénonce mais je poétise !).
Et s’il faut briller, ce doit être davantage par le combien que par le
comment : réussir mieux que les autres, en faisant comme les autres ! De
cette conception du succès découlent, à mon sens, rivalité malsaine,
jalousie, frustrations… pour, en fin de compte, peu de succès !
Copier les autres, vouloir « faire comme » ses idoles, voilà un des
réflexes conditionnés par la logique conformiste, que l’on retrouve dans
beaucoup d’univers, notamment chez les jeunes sportifs.
Imiter le swing de Tiger Woods, reproduire les gestes de Messi ou mimer
le coup droit de Nadal sont quelquefois les vaines obsessions des athlètes en
devenir.
L’entraîneur de natation Fabrice Pellerin confie avoir un temps cru en la
puissance de la reproduction, idée encore largement partagée par certains de
ses confrères tous sports confondus. Et, ajoute-t-il, même « si le succès
sportif n’est pas au rendez-vous, pas question d’incriminer l’insuffisance de
cette méthode imitative et causale, mais plutôt celle des athlètes censés s’y
soumettre. Ils n’auront pas assez bien répété, pas assez studieusement
exécuté. CDFD. »
Ainsi, raconte Fabrice Pellerin, au début de la décennie 2010, l’une des
priorités pour le prometteur Yannick Agnel, consistait à copier le champion
américain Ryan Lochte qui se distinguait alors par une impressionnante
« coulée » d’après-virage, extrêmement rapide et longue d’une quinzaine de
mètres – là où les autres nageurs remontaient à la surface après seulement
six ou sept mètres en moyenne !
Après plusieurs mois de travail, raconte l’entraîneur, Yannick Agnel a
travaillé dur pour allonger sa « coulée » et tenter de copier l’atout du
« modèle » américain. Mais, même en parvenant à « couler » jusqu’à huit
mètres, le nageur reste encore loin du niveau de son rival, comme en atteste
cette décevante 5ème place en finale des championnats du monde de Shangaï
en 2011. La frustration est d’autant plus grande, précise Fabrice Pellerin,
qu’à l’entraînement, Ryan Lochte ne parait pas investir beaucoup d’effort à
travailler sa « coulée » !
C’est de l’observation de ce paradoxe que le coach a tiré l’un des
enseignements qui a ensuite orienté sa pratique, et qu’il désigne sous le
terme d’impersonnation : « Lochte gagne car il possède un joker né de son
irréductible singularité. Les concurrents auront beau tenter de le parodier :
n’ayant ni le même physique, ni les mêmes aptitudes, ils ne pourront jamais
l’égaler […] Rien n’est plus efficace que de cultiver notre singularité, notre
intime façon de faire, la qualité qui nous fait sortir du lot, ce style
irremplaçable, ce petit quelque chose qui nous différencie et, surtout, que
les autres n’ont pas. »
C’est ainsi que Fabrice Pellerin se mit ensuite à chercher la « botte
secrète » de ses nageurs et nageuses.
Pour Yannick Agnel, ce fut un geste, consistant à baisser la tête, comme
pour s’effacer sous l’eau, environ un mètre cinquante avant d’aborder son
virage, geste qui, après ses performances exceptionnelles de 2012 et 2013
(2 médailles d’or aux JO de Londres, deux autres aux Championnat du
Monde de Barcelone l’année suivante), fut copié et imité par une partie de
ses concurrents ! À noter que malgré sa « coulée » toujours au-dessus du
lot, Lochte ne put rivaliser lors de la finale du 200 m nage libre, remportée
cette fois par Yannick Agnel.
Pour Camille Muffat, la « botte secrète » eut d’abord l’apparence d’un
défaut : une sorte de roulis que, d’ordinaire, n’importe quel entraîneur aurait
cherché à gommer. En l’encourageant au contraire, Pellerin y a décelé un
atout permettant à la championne de trouver un relâchement et une allonge
finalement gages de performance.
« Pour performer, il faut plutôt faire croître et embellir ce qui
n’appartient qu’à nous », en conclut Fabrice Pellerin. Cultiver sa
singularité ouvre une voie de réussite. Mais c’est à mon sens, un chemin qui
mène bien plus loin encore. Le but ne se résume pas à l’aspect compétition :
« être le meilleur ». Il intègre aussi, et surtout, la dimension réalisation de
soi : « être pleinement soi », éprouver le sentiment de pouvoir, au travers
d’une activité, exprimer ce qu’on est.
Voilà qui peut ouvrir une perspective plus large aux débats sur la
recherche de sens et renouveler le traditionnel exercice du projet, qu’il
s’agisse d’un projet personnel ou d’un projet d’entreprise.
Même si, dans le contexte inédit, inattendu et pour le moins bousculé de
cette année 2020, l’ambiance n’est pas à l’affirmation de grandes ambitions,
on continue de constater que nos projections sur le futur restent teintées
d’une logique de « conquête du monde » : devenir no 1 sur le marché, ou
gagner la médaille d’or, accroître les parts de marché, ou gagner plus
d’argent, etc… autant d’exemples inspirés de la culture conformiste qui,
outre la volonté de copier, suscite l’esprit de compétition ou de
comparaison.
Penser « conquête de soi », en cherchant à développer sa singularité,
c’est ouvrir un autre champ, hors de la rivalité avec les autres, tourné vers
l’exploration et l’affirmation de soi : l’enjeu n’est pas de ravir ce que
d’autres possèdent, bien plutôt d’ouvrir un nouvel espace… au risque
d’ailleurs qu’il finisse lui-même par attiser la convoitise !
« Le plus grand bien que nous faisons aux autres hommes n’est
pas de leur communiquer notre richesse, mais de leur révéler
la leur. »
Louis Lavelle L’Erreur de Narcisse, Grasset, 1939.
La matrice de Johari
Zone mystère
Ce qui est Zone cachée
inconnu des Autres Ce qu’on ignore ou qu’on n’a
Ce que je cache aux autres
pas encore exploré
S’il y a une grande cohérence entre les qualités citées par le ou les tiers et
celles que j’ai identifiées de mon côté, cela atteste d’une zone publique très
large : en l’occurrence, cela signifie que je suis déjà probablement très
centré sur mes points forts. Je joue souvent sur ces qualités-clés et mon
entourage me reconnait ces talents.
Quand les divergences de vue font apparaitre des qualités perçues par
mon entourage que je ne m’étais pas attribuées – en tous cas pas comme
un point fort – c’est qu’il y a une zone aveugle, comme une sorte d’angle
mort. Je ne suis pas conscient de posséder une qualité que les autres,
pourtant me reconnaissent. Il s’agit d’une situation somme toute très
logique : un point fort étant une qualité que nous utilisons spontanément
et naturellement, nous pensons souvent qu’elle fait partie de la nature
humaine et que tout le monde, autour de nous, la possède et sait la mettre
en œuvre de la même manière. Une fois encore, la culture corrective et le
peu d’attention portée aux qualités, encouragent cette tendance,
exactement comme elles favorisent la croyance inverse, consistant à
penser que nous avons plus de défauts ou que ceux-ci sont plus marqués
que la moyenne !
Dans la zone cachée, s’inscrivent les qualités que je me connais, mais
que l’entourage consulté ne m’a pas attribuées.
Il peut s’agir notamment de traits de personnalité ou de talents qui font
effectivement partie intégrante de ce que je suis, mais qui ont plutôt été
pointés comme des défauts que comme des qualités. Pour cette raison,
j’ai pu prendre l’habitude de les cacher, par exemple en ne les exprimant
que dans certaines activités privées.
C’est aussi le cas de certaines qualités que j’ai développées dans
certains domaines ou activités et qui, à première vue, ont pu me sembler
« décalées » ou « incongrues » dans d’autres domaines. En pratique, dans
certaines missions d’accompagnement d’équipes de Direction, dans le
but de favoriser une meilleure cohésion et de faire travailler le collectif
sur l’alliance et la complémentarité des qualités, il m’arrive de m’inspirer
de cette grille.
J’ai ainsi le souvenir d’une réunion Codir3 particulièrement
impliquante, dans laquelle chaque directeur, à la demande du directeur
général, s’était livré à un petit exercice d’ouverture aux autres, consistant
à partager le rêve qui était le sien à l’adolescence.
« Je dois vous faire une confidence, avait lancé le directeur général :
quand j’avais 15 ans, je ne rêvais pas de devenir DG d’une entreprise
agro-alimentaire… Je voulais être explorateur, découvrir des territoires
inconnus, vivre l’aventure, repousser les frontières, etc… Et finalement,
ajouta-t-il, je crois que ce qui me plait dans mon job aujourd’hui, ce sont
ces mêmes dimensions. Ce dont je prends conscience, c’est que cette
envie-là, je ne l’ai finalement jamais plus développée que ça dans ma
mission. »
« Et vous, c’était quoi votre rêve ? » avait alors enchaîné le DG en
s’adressant aux autres membres du Codir.
Parmi les réponses, celle du DRH m’avait marqué : « moi, à 15 ans, je
rêvais d’être clown : je voulais faire rire les gens, apporter du bonheur et
voir de la joie dans leurs yeux !… et finalement, dans ma carrière, j’ai
fait des plans sociaux, des négociations syndicales, des accords
d’entreprise, que des trucs pas drôles. »
De fait, bien que souvent souriant et toujours poli, l’homme n’avait
rien d’un clown, ni d’un clown blanc encore moins d’un Auguste.
D’ailleurs, autour de la table, ses collègues du Codir n’avaient pas pu
s’empêcher de sourire du décalage entre l’image renvoyée par le
professionnel et ce rêve intime qu’il venait de leur livrer.
D’ailleurs, avait ajouté le DRH, « vous ne le savez pas – et peu de gens
en dehors de ma famille le savent – j’ai longtemps consacré une partie de
mon temps libre à faire des spectacles. Je mets mon costume de clown, je
fais mon numéro et je fais rire des gens qui ne se doutent pas une seule
seconde que j’orchestre par ailleurs un plan de licenciements ! »
Il y eut, ce jour-là, un déclic intéressant dans cette équipe de Direction.
Au-delà des vertus relationnelles de tels échanges qui ont
immanquablement contribué à rapprocher les individus les uns des
autres, chacun a compris qu’il avait des qualités, cachées ou publiques,
développées ou endormies et qu’il pouvait certainement trouver à les
exprimer au sein de l’équipe, tant pour son épanouissement personnel
que pour la réussite collective.
Le DRH, au quotidien, découvrit qu’il pouvait, dans certaines
situations, investir bien davantage les qualités humaines qu’il n’osait le
faire avant, de peur de perdre en autorité. Certes, il lui fallait garder une
certaine distance dans les moments de négociation par exemple. Mais il
comprit aussi qu’il gagnait beaucoup, en plaisir et en influence, à jouer
sur ses points forts quand il s’agissait d’interagir avec les autres le reste
du temps.
Pour l’anecdote, sur l’idée d’un de ses camarades du Codir, il accepta,
quelques semaines plus tard, d’assurer une partie du spectacle de Noël
que l’entreprise, traditionnellement, offrait aux enfants des salariés.
Personne, ce soir-là, ne le reconnut. C’est en venant saluer son public, à
la fin du spectacle, une fois retiré son chapeau, son nez rouge et sa
perruque, que les salariés eurent la surprise de découvrir que le clown qui
les avait fait rire, était le DRH… ou l’inverse !
Enfin, pour finir de compléter cette matrice de Johari, si même avec
l’aide de tiers, je ne parvenais pas à identifier clairement des points forts,
qu’il y avait donc une très large zone mystère, cela pourrait révéler le très
fort impact de la culture corrective dans laquelle j’ai probablement
baigné. Dans ce cas d’ailleurs, il est frappant de constater que
n’apparaitraient dans cette matrice de Johari que les défauts et les points
faibles : ceux que je cherche à cacher, ce que je reconnais (trop)
volontiers et sans doute ceux que les Autres n’osent pas ajouter
(tellement ils craignent d’épuiser le peu de confiance qu’il me reste !).
En prenant un peu plus de recul encore, l’échange avec les tiers, au-
delà même de ce seul sujet des points forts, a le mérite d’aider à agrandir
la zone publique, soit en m’amenant à dévoiler ce que je cachais
(ouverture de soi), soit en prenant en compte ce que perçoivent les autres
(demander du feedback sur soi). S’affirme à nouveau ici la recherche
d’un plus grand « alignement », entre ce qu’on est et ce que l’on vit (ce
que l’on fait, ce pour quoi on est reconnu, etc…).
La méthode empirique a le mérite donc d’obliger à l’introspection et,
comme nous venons de le voir, la vertu également de nous amener à
chercher le regard des autres. L’intérêt, pour qui s’engage sur cette route,
n’est pas seulement d’arriver à destination et d’avoir donc identifié ses
qualités-clés : il est aussi de profiter de ce qu’il peut découvrir en
chemin, bien au-delà de ses seuls points forts.
Néanmoins la crainte de l’errance, le temps passé ou l’envie d’être
rassuré par un modèle éprouvé peuvent motiver à choisir d’autres
moyens d’apprendre à mieux connaître ses forces.
Tests en stock !
Sur le marché des tests de personnalité, l’offre est abondante. Différents
modèles se côtoient, et certains se complètent, offrant chacun la possibilité
de se découvrir sous un angle différent.
■ Avant de choisir
La plupart des modèles peuvent aider à identifier ses forces – et par la
même occasion, ses faiblesses.
Là est l’un des points-clés à valider pour qui est tenté de passer l’un de
ces tests :
Quelle est la philosophie qui le sous-tend ? Est-ce la traditionnelle
logique corrective qui en donnera une lecture « points faibles à
améliorer » ? Est-ce bien l’approche « points forts » qui visera à faire
ressortir les qualités à utiliser et à renforcer ?
Et, surtout, au-delà du choix du test lui-même, quelle est l’intention du
consultant qui débriefera les résultats ?
Rappelons-le ici, l’intérêt de ces tests, aussi bien construits soient-ils,
n’est pas seulement dans la lecture d’un rapport, mais dans l’échange
auquel invite l’analyse des conclusions. Comme je l’ai déjà souligné,
nous avons tous en nous les différents traits de caractère ou les
différentes aptitudes : même si nous nous contentons parfois, en parlant
de soi ou de quelqu’un d’autre, de le résumer en « tout ou rien », la
réalité est bien plus nuancée.
Il arrive ainsi souvent que les résultats à tel ou tel test ne fassent pas
ressortir de très forte aspérité, l’individu testé semblant avoir « un peu »
de toutes les qualités : symptôme de celui qui n’a pas, jusque-là,
résolument choisi de s’appuyer sur ses points forts ou capacité
« caméléon » de celui qui, avec les années, à appris, à utiliser ses qualités
en fonction des situations qu’il rencontre. Le seul moyen d’aider
l’individu à mieux se connaître est de le questionner : dans quelles
situations se comporte-t-il de cette façon ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut
l’amener à se comporter différemment dans d’autres situations ? Etc…
À la logique psychométrique des questionnaires de personnalité, doit
venir s’ajouter l’éclairage empirique : les chiffres et les conclusions des
tests ne délivrant pas de vérité absolue, ne sont que des « prises »,
comme celles qui permettent à l’alpiniste de progresser dans son
ascension.
Dans beaucoup de modèles, les résultats positionnent la personne
testée sur des axes correspondant aux différentes qualités. Par exemple,
en fonction des réponses à un certain nombre de questions, le modèle
évalue le niveau d’introversion/d’extraversion.
Sur cet axe, il n’est pas rare de voir des résultats équilibrés, sans que
l’un de ces penchants ne semble plus développé que l’autre. En l’état, de
tels résultats n’apportent qu’assez peu d’enseignements, si ce n’est qu’il
serait tentant d’en déduire qu’aucun de ces deux traits de personnalité ne
constitue un point fort !
L’enquête à mener sur les bases de ce résultat doit permettre d’en
savoir plus, et par exemple, de découvrir qu’il y a bien, derrière la
capacité à activer également les deux qualités, une préférence.
Ainsi l’individu peut expliquer qu’il lui arrive souvent d’utiliser son
aptitude extravertie : dans de multiples situations, professionnelles ou
privées, il sait aller vers les autres, engager la conversation et nouer des
relations. Il le fait sans difficulté dès qu’il se trouve dans une situation
publique.
Mais peut-être, ajouterait-il que lorsqu’il en a le choix, il aime aussi
prendre du temps pour lui, être au calme pour réfléchir, rester seul.
Il préciserait sans doute que ces moments sont importants pour lui parce
qu’ils l’aident à se retrouver et à se ressourcer. Il dirait probablement
qu’il a besoin de se préserver suffisamment de temps de ce genre,
notamment quand il a par ailleurs un planning de sorties chargé.
À l’évidence, dans cette illustration, on comprend être plutôt en
présence d’une personne naturellement introvertie, qui puise son énergie
plutôt en elle-même. La relation aux autres ne lui pose pas pour autant de
difficulté : elle sait le faire, elle a appris à le faire, mais cela lui coûte en
énergie un peu plus que ça ne lui en apporte (Apport < Effort pour faire
le lien avec le mécanisme évoqué précédemment).
Construire sa stratégie
Et si, malgré tout, je n’avais pas trouvé ma voie ? Et si, comme la
plupart d’entre nous peut-être, j’avais choisi des terrains non pas en
fonction de ce critère des points forts, mais pour d’autres raisons ou tout
simplement par l’enchaînement des circonstances ?
La tentation pourrait être de changer de voie, cédant à l’attirance
superficielle et trompeuse du projet alternatif.
Je quitte mon poste de cadre dans une grande entreprise pour ouvrir un
restaurant, parce que oui, j’en suis sûr, il n’y a qu’un pas entre faire un
bon petit plat pour mes amis une fois par semaine et en faire son métier !
Je me lance dans la chanson parce que j’adore pousser la voix sous la
douche quand la maison est vide. Je me suis inscrit au casting de « The
Voice », c’est tellement plus motivant que d’avoir la tête dans les
bouquins à la fac !
J’aime beaucoup aider les autres. D’ailleurs, mes amis me le disent :
« tu devrais être coach, ça t’irait bien ! ». C’est décidé, je négocie une
rupture conventionnelle et je me mets auto-entrepreneur pour développer
mon activité de « coach de vie ».
Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé
serait purement fortuite… Échecs et déceptions, en marge desquels on
trouvera bien quelques exceptions.
À condition, une fois de plus, d’avoir pris le temps d’identifier ses
forces, il existe une bien meilleure alternative que celle de la rupture et
du changement de vie : rester sur le même terrain mais en adaptant la
stratégie.
Comme je le soulignais dans le premier chapitre du livre, il est courant
de croire qu’il n’y a, dans une activité donnée, qu’une seule façon de
faire, et pour réussir donc, qu’une seule combinaison possible de qualités.
Toute personne dépourvue de ces qualités serait fatalement condamnée à
échouer, raison pour laquelle il lui faudrait absolument combler ses
manques et travailler ses points faibles. L’issue est pourtant connue :
malgré de lourds efforts, au prix d’un doute envahissant et d’un plaisir
chaque jour décroissant, les progrès restent décevants. Peut-être tout
simplement n’est-elle pas faite pour ça !
Avant d’envisager le changement de voie, explorons un peu mieux le
terrain actuel. Qu’il y ait, dans chaque activité, des modèles de réussite
dominants, c’est évident. Que ces modèles favorisent la réussite des
individus doués des aptitudes sur lesquelles ces modèles sont bâtis, est
indéniable. Pour autant, cela ne démontre pas qu’il est impossible de
tracer d’autres chemins, en mettant en œuvre d’autres types de qualités.
« Pour moi, c’est une révélation ! », reconnait ce dirigeant
d’entreprise, en faisant le bilan de cette drôle d’année 2020. L’aveu a le
mérite d’être honnête mais il n’en est pas moins a posteriori inquiétant.
Il est en tous cas révélateur d’une part de notre culture managériale,
bousculée depuis mars 2020 par la crise sanitaire de la Covid-19.
En imposant le télétravail généralisé partout où le métier le permet, les
confinements successifs ont permis de fait à bon nombre de
collaborateurs d’accéder à un niveau d’autonomie inespéré, démontrant à
ce patron, comme à bien d‘autres managers sans doute, les bénéfices d’un
management moins directif.
Dans cette entreprise en tous cas, non seulement une grande majorité
des salariés ont rempli leurs missions avec succès, mais en plus avec
engagement et une productivité améliorés. Cette autonomie, expliquent
les personnes que nous avons rencontrées, nous offre enfin la possibilité
de faire à notre manière, de reprendre un peu la main sur notre travail,
d’y mettre de nous-mêmes, donc de retrouver une part de sens et de
créativité.
Cette entreprise n’avait pourtant pas, avant la crise, de problèmes
particuliers sur ce sujet : le patron, et la culture managériale qu’il avait
inspirée, n’était pas plus dure, plus contrôlante, plus directive qu’ailleurs.
Mais, sans mauvaise intention ni même conscience de ce qu’ils faisaient,
le DG et son encadrement investissaient néanmoins un rôle de
prescription du travail, distribuant les missions mais se mêlant aussi de la
façon de les jouer.
En janvier 2020, une enquête Ifop réalisée pour le media en ligne
Philonomist15, portant sur le bonheur et le sens au travail, semblait
confirmer la frustration des salariés : 46 % des employés interrogés à
l’époque se disaient infantilisés par leur hiérarchie. Dans une autre étude,
menée par Audencia en 201716, 74 % des personnes interrogées
regrettaient que leurs supérieurs hiérarchiques « ne leur imposent leurs
points de vue ».
Ces mois de télétravail imposés auront peut-être eu le mérite de
changer un peu la donne, révélant qu’à laisser chacun jouer selon ses
qualités, on pouvait allier contribution aux résultats collectifs et
motivation individuelle. Tout l’enjeu est de savoir si ces nouvelles
pratiques managériales « libératrices » pourront perdurer dans les mois à
venir ! Rêvons que les dirigeants s’inspirent de ce qu’affirmait déjà
Théodore Roosevelt (26ème président des États-Unis entre 1901 et 1909, à
ne pas confondre avec Franklin D. Roosevelt, le 32ème président de 1933 à
1945, malgré leur patronyme et leurs ancêtres communs) au tout début du
XX siècle : « Le meilleur manager est celui qui sait trouver les talents
e
pour faire les choses, et qui sait aussi réfréner son envie de s’en mêler
pendant qu’ils les font. »
■ La méthode égyptienne
(si Toutânkhamon avait connu les points forts)
Comment, dans l’activité que l’on pratique, donc sans changer de
terrain, construire une stratégie qui valorise le mieux possible les qualités
que l’on possède ? Comment, pour reprendre l’expression déjà utilisée
précédemment créer son propre « modèle de performance » ?
Voici des éléments de méthode pour y parvenir, illustrés d’un schéma
en forme de pyramide et de quelques exemples simples.
Au commencement est donc cette pyramide à trois étages, qui
correspondent aux 3 étapes principales de la réflexion.
■ L’apprentissage différencié
Le principe de cette différenciation21 consiste à créer et proposer, dans le
cadre d’un travail d’apprentissage sur une situation donnée, des exercices,
des plans d’action, des entraînements les plus variés possibles, sollicitant
différentes aptitudes.
Loin de la logique traditionnelle qui, pour réaliser un quoi tend à
n’enseigner qu’un seul comment, il s’agit ici de permettre à l’individu
d’explorer plusieurs manières de faire, en proposant des comment variés.
Au travers de ces expérimentations différentes, l’idée est de s’intéresser
aux résultats, mais surtout aux ressentis de la personne, pour l’aider bien
sûr à cerner plus précisément les aptitudes, les préférences, les qualités
qui sont les siennes.
Ce principe explique pourquoi un bon expert de l’activité en question
n’est pas forcément le meilleur pédagogue. S’il n’a pas en tête cette
logique de diversité, s’il n’est pas conscient qu’il existe plusieurs
comment pour réussir un quoi, il peut s’obstiner parfois à vouloir
enseigner seulement sa façon de faire.
Aider quelqu’un à préparer une prise de parole devant un large
auditoire, quand il n’en a pas l’habitude, peut utilement faire intervenir ce
principe de différenciation.
Plutôt que de chercher à faire entrer cette personne dans le
moule imposé, pourquoi ne pas profiter d’un temps de préparation pour
lui permettre d’expérimenter différentes possibilités : parler avec notes
ou sans notes, sur la base d’une simple trame ou en répétant un discours
écrit et appris mot à mot, avec des supports à l’écran ou sans, derrière un
pupitre ou au milieu de la scène, en tenant un micro ou en s’équipant
d’un micro-casque, etc.
Bien sûr, quoiqu’il arrive, il y aura des basiques à respecter : articuler,
balayer le public du regard, se tenir droit les pieds bien ancrés dans le sol,
etc.
Mais, face à un exercice inhabituel et stressant comme celui-ci, adapter
tout ce qui peut l’être, et expérimenter ces différentes options, aide
l’orateur d’un jour à trouver ce qui lui convient le mieux, quitte à faire
des choix de mise en scène originaux.
■ Le principe d’intention
Depuis de nombreuses années, j’ai la chance de pouvoir passer certains de
mes week-ends en famille au Touquet-Paris-Plage. Chacun de ces séjours
est l’occasion d’un détour par le prestigieux club de tennis de la ville. Sur le
court, j’y retrouve toujours avec plaisir Patrice Kuchna et son père Stan,
lequel à l’approche de ses 80 ans continue d’enseigner le tennis avec
passion ! Au-delà de ses états de service plus qu’honorables – ex-125ème
joueur mondial en simple, un huitième de finale à Roland-Garros en 1987,
après avoir éliminé Andre Agassi au deuxième tour – Patrice est le
professeur de tennis attitré d’Emmanuel Macron qui, lui non plus, ne
manque jamais de passer au tennis-club lors de ses rares moments de repos.
Bref…
Face à Patrice Kuchna, aucun répit. Mieux vaut être « jeune et
vigoureux », comme il le dit ! Droite, gauche, devant, derrière, il faut
enchaîner les coups en rythme, tenir la cadence, défendre, attaquer,
volleyer, smasher…
Il arrive heureusement (pour mon cœur) que The Human Machine –
selon le surnom que lui vaut son autre activité de testeur pour un
fabricant de cordages – s’arrête. Jamais par fatigue, cette notion lui est
étrangère ! Non la machine s’arrête soit faute de balles bien sûr, soit pour
débriefer un coup raté. L’échange prend alors assez rarement la forme
d’un conseil technique, il s’engage plutôt par la question préférée de
Patrice : « quelle était ton intention ? »
Il faut avouer que, dans bien des cas, je n’ai pas la réponse. Parce
qu’effectivement, il s’agit d’un coup joué sans aucune autre intention que
de renvoyer la balle. En visant nulle part, j’ai toutes les chances que cette
balle atterrisse ailleurs !
Au tennis – mais c’est évidemment vrai dans n’importe quel autre
domaine – avoir une intention ne consiste pas seulement à viser un point,
mais à savoir ce que l’on veut provoquer pour son adversaire : lui
imposer un déplacement lointain ou le prendre à contre-pied, le forcer à
courir sur le côté, à avancer ou au contraire à reculer, à jouer un coup
difficile au-dessus de l’épaule ou plutôt une balle basse et rasante, etc.
Évidemment, tout l’enjeu, tactiquement, est d’avoir, selon la situation
de jeu du moment, l’intention la plus juste. Mais au-delà de ces
considérations tactiques, on s’aperçoit que le seul fait d’avoir une
intention est déjà déterminant. C’est cette intention qui oriente la
réalisation du geste, amenant le cerveau à ajuster et coordonner
l’ensemble des paramètres pour produire le coup adéquat.
Cette notion d’intention est une des clés de la méthode Nadal. Toni
Nadal, l’oncle et coach de Rafael, a souvent expliqué l’importance de ne
pas se contenter des classiques exercices de répétition au panier. Taper
des centaines de balles qui arrivent au même endroit, à la même vitesse,
avec le même effet, sans avoir d’autre objectif que de bien réaliser le
mouvement, peut permettre certes d’ancrer une gestuelle dans le cerveau.
Mais dans la réalité du jeu, rares seront les balles correspondant
exactement à celles proposées dans l’exercice. Et risqué serait de les
renvoyer sans intention tactique : il faudrait alors compter sur la capacité
du cerveau à trouver les solutions d’adaptation nécessaires, en plein
match, sans qu’il ait été entraîné à ça !
Toni Nadal l’assure : si l’une des forces de Rafael est de ne jamais
renoncer à chercher des solutions par lui-même, c’est qu’il a été depuis
toujours entraîné selon ce principe d’intention. À l’entraînement, les
consignes étaient de nature intentionnelle : des balles arrivant
indifféremment, sur le revers ou le coup droit, longues ou courtes, liftées
ou chopées, que Rafa devait envoyer selon l’intention indiquée.
Au joueur, selon ses aptitudes, de laisser son cerveau construire les
ajustements gestuels pour réussir les coups en question.
Vu différemment, cela revient à dire : ce n’est pas moi, coach, qui peut
te dire quel geste tu dois faire. C’est à toi, joueur, de le trouver, à partir
des intentions que tu as ou de celles que je te donne.
Ce principe d’intention complète celui de différenciation de
l’apprentissage. Si ce dernier permet de guider l’apprenant dès la
découverte de l’activité, la logique d’intention prend tout son sens à
partir d’un niveau de maîtrise minimum des bases techniques.
À nouveau, au travers de ce principe, on retrouve les niveaux de la
pyramide. En fonction de mes points forts (niveau stratégique), quelles
sont les intentions les plus appropriées (niveau tactique), et comment
trouver la bonne gestuelle/technique pour servir efficacement et
facilement chacune de ces intentions (niveau basique) ?
Si l’on reprend l’exercice de prise de parole en public, dans l’objectif
d’aider un orateur un peu plus expérimenté, il serait par intéressant de
travailler selon cette approche par intentions.
Que veut-il générer comme réaction chez ceux qui l’écoutent ? Les
faire rire, les surprendre, les faire réfléchir, bousculer leurs croyances ?
Et s’il voulait les surprendre, comment s’y prendrait-il concrètement ?
Charge à nous ensuite de tester et d’ajuster pour s’assurer que ce
comment fonctionne et, le cas échéant, trouver une meilleure intention.
Sans nous en rendre compte, nous faisons jouer ces mécanismes dans
l’éducation de nos enfants. Lorsqu’ils se lancent dans de premières
activités, qu’il s’agisse de dessiner ou de jouer au ballon, nous sentons
naturellement le besoin de les encourager. Et nous savons, dans ces
moments-là, bloquer nos réflexes cartésiens d’analyse de leur prestation
qui nous conduirait à des jugements justes sans doute, mais durs :
– « Ce gribouillis, tu appelles ça un dessin ? »
– « Même au PSG, ils ne voudront pas de toi si tu joues comme ça. Le
seul point commun que tu as avec Messi, c’est le tee-shirt ! »
Sauf pathologie grave, nous optons pour une valorisation, disons
même une survalorisation du prime essai. Ces pieux mensonges ont
d’ailleurs pour effet d’amener nos enfants à croire, pendant quelques
années peut-être, qu’ils ont un talent pour le dessin ou pour le foot…
avant que nous ne jugions qu’ils ont atteint l’âge de raison.
Dans ces quelques années, certains de ces enfants, motivés par
l’activité en question et par la croyance qu’ils y ont un talent particulier,
réussissent à en cultiver un. On pourra bien sûr dire que ce talent est un
don qui ne demandait qu’à se révéler. On peut aussi penser qu’en réalité,
l’enfant n’avait pas de plus grand potentiel que ses petits camarades,
mais juste une plus grande croyance en ses aptitudes !
Concrètement, mettre en œuvre ce principe de valorisation, c’est
acquérir quelques réflexes (puisque valoriser n’est pas notre point fort,
soyons basiques !) :
1. Aller vers l’autre « à chaud », le plus souvent possible
Nous attendons parfois, la porte ouverte, comme disent certains livres
de management, que l’autre ait besoin de nous – ce qui en dit long sur la
persistance de la posture d’expert sachant.
Puisqu’on parle ici de reconnaissance, il s’agit plutôt d’aller vers, pour
témoigner de l’intérêt qu’on porte à la personne.
Cette démarche est d’autant plus essentielle quand celle-ci devait
affronter une situation à fort enjeu ou simplement réaliser une action-
limite, pour reprendre ce terme. De façon générale, parce que la
valorisation est un acte très opérationnel, elle doit d’être un réflexe du
quotidien : un entretien annuel ne vaut pas valorisation.
Précisons enfin qu’il ne s’agit pas d’attendre le succès du siècle pour
valoriser ! S’il y a succès tant mieux : ce serait bien dommage de ne pas
en profiter. Mais sans doute est-il encore plus essentiel de valoriser dans
les périodes difficiles, quand au contraire les efforts ne produisent pas les
résultats attendus. C’est dans ces heures sombres qu’il est bon d’éclairer
un peu l’individu d’un regard bienveillant et confiant !
2. S’intéresser (en vrai)
Quand le regard de l’analyste cartésien juge (ce qui a marché, ce qui a
manqué, etc.), celui du tiers qui valorise se contente d’abord de
s’intéresser à l’interlocuteur et à la façon avec laquelle ce dernier a vécu
son expérience.
Il s’agit avant tout de regarder, faire raconter, écouter, laisser l’autre
parler bien sûr, sur son ressenti, sur ses difficultés ou ses fiertés, sur ce
qu’il a fait, sur les erreurs qu’il pense avoir commises s’il décide d’en
parler.
Ce qui compte, ce n’est pas ce que je vois de mon habituel
promontoire d’expert sachant, c’est d’accepter d’aller m’asseoir sur la
chaise à côté de l’autre, pour qu’il me décrive son paysage, de son point
de vue. Comment comprendre ce que sont réellement ses aptitudes, ses
préférences, ses points forts si je reste dans mon monde ?
3. Soutenir
Ce soutien peut revêtir deux formes complémentaires.
Des messages d’empathie d’abord, au sujet des difficultés rencontrées.
Ce n’est pas parce que l’acte de valorisation a une tonalité positive, qu’il
faut tout « positiver ». Mieux vaut se « synchroniser » avec son
interlocuteur, partager sa déception par exemple, comprendre sa colère,
ou s’inquiéter de sa fatigue, que de nier les ressentis négatifs quand ceux-
ci s’expriment. Une fois de plus, si je m’assois à côté de lui, je peux sans
doute parvenir à comprendre et partager son point de vue et donc ses
sentiments.
Des messages de félicitations ensuite, sur les points positifs.
Ces félicitations peuvent porter sur les résultats atteints, s’il y en a, mais
visent en premier lieu à mettre en lumière la manière. Car si les résultats
sont visibles, la façon d’y arriver peut l’être moins clairement. À propos
du comment, l’idée est d’éclairer non pas tant les qualités elles-mêmes
(ce qui amènerait à glisser de la félicitation au compliment), mais d’être
en mesure d’expliquer quels actes ont produit quels effets. Dire à un
joueur de tennis qu’il a un bon coup droit est une valorisation plaisante
certes, mais assez inutile – il le voit bien tout seul ! En revanche, savoir
lui expliquer pourquoi ce coup droit passe bien, c’est précieux.
Se contenter de dire à quelqu’un : « bravo, tu es très doué, tu es un bon
vendeur, tu as un bon relationnel, etc. » peut certainement faire du bien à
son ego. Mais, s’agissant de l’aide qu’on cherche à lui apporter sur ses
points forts, ces compliments n’ont pas qu’un intérêt limité. Plus
pertinentes sont les félicitations précises et ciblées, qui décrivent
comment, dans l’action en question, les qualités de la personne se sont
traduites : « C’est intéressant de constater qu’en posant des questions
ouvertes, les gens te parlent facilement. Tout le monde ne le fait pas. Or
c’est une très bonne pratique quand on veut s’appuyer sur son
relationnel comme tu le fais ». Aider mon interlocuteur à comprendre
comment marche son modèle de performance est le but essentiel.
4. Stop…
À ce stade, le risque est de se laisser aller au message de trop, celui qui
d’un seul coup d’un seul nous ramènerait sur la planète cartésienne et
corrective. Ce petit « tant qu’on y est… » prononcé du bout des lèvres
qui introduit une exigence de progrès, une remarque, un conseil, une
critique, indéniablement judicieuse sur le fond, mais qui n’aurait ici pour
effet que de démotiver ou braquer mon interlocuteur.
C’est le sens de ce stop ! Je devine déjà les réactions outrées : « il faut
bien quand même qu’on lui fasse remarquer ses erreurs ? » ou « et alors,
donc, je le laisse repartir sans lui faire prendre conscience de son point
faible ? »
Je persiste : à ce stade, si celui ou celle que j’accompagne a pu
comprendre un peu mieux comment il réussit, l’entretien a atteint son
objectif.
En guise d’étape 4 donc, conclure par « bravo », « bonne soirée »,
« repose-toi » suffiront amplement.
S’il le faut, nous prendrons plus tard, « à froid », un moment pour
retravailler plus en détail sur ce qui fonctionne et ce qu’il faut améliorer.
Je vais y venir.
Savoir valoriser « à chaud » puis savoir analyser « à froid » pourrait
constituer un bon résumé de la juste articulation entre l’indispensable
encouragement positif qui nourrit la confiance, l’envie et ancre les
bonnes pratiques et le traditionnel regard rationnel qui développe la
compréhension, l’intelligence et la conscience.
■ Le bon moment
Du fait de son caractère cartésien, précis, rigoureux, exhaustif, l’entretien
de débriefing, pour utiliser l’anglicisme consacré, suppose que les acteurs
concernés, le principal intéressé et son accompagnant, soient dans les
meilleures dispositions possibles : ouverts à un échange rationnel et
dépassionné, sans perturbation émotionnelle, ayant pu prendre du recul sur
les faits et avoir peut-être même chacun initié leur propre analyse de la
situation…
C’est la raison pour laquelle, le débriefing se joue plutôt « à froid », le
lendemain par exemple de l’entretien de valorisation réalisé lui
« à chaud » juste après l’action.
C’est pourquoi aussi il est toujours préférable que ces temps de
débriefing soient annoncés à l’avance et planifiés. Même si certaines
situations critiques peuvent obliger à déclencher un débriefing de la
veille pour le lendemain, l’idéal reste de convenir d’entretiens
séquentiels. L’avantage de ces rendez-vous, fixés à l’avance selon une
fréquence adaptée au sujet, est de systématiser la prise de recul et de bien
montrer qu’elle ne dépend pas des résultats de l’action mais bien d’un
souci de progrès permanent. Le risque sinon est de tomber dans nos
travers correctifs habituels : ne débriefer que les échecs ou les situations
difficiles… et oublier d’analyser les succès. Nous aurions alors plus de
mal à rester orientés dans l’axe points forts et finirions sans doute par ne
plus voir que les défauts de la personne. Du point de vue du principal
intéressé, on comprend aussi qu’un débriefing imprévu, qui plus est « à
chaud », aura toutes les chances d’être vécu comme un reproche : on sait
dans ce cas que les premiers réflexes de la personne exposée à un tel
débriefing, quand bien même le contenu de l’analyse est juste, sont ceux
de la justification, de la défense, de l’excuse bien plus que ceux
recherchés de l’analyse ou de la remise en question. Lorsque le
débriefing est prévu, qu’il revêt un caractère systématique – sans lien
avec le résultat de l’action – et qu’il se tient « à froid », il encourage une
posture de responsabilité : possibilité de se préparer, de prendre du recul,
de dépasser les premières émotions (négatives sans doute en cas d’échec,
ou positives et excessives peut-être en cas de succès : euphorie…), etc.
■ L’art du questionnement
Bien des débriefings se résument à une analyse (plus ou moins) brillante du
coach qui, de son œil extérieur et forcément bien avisé, explique ce qu’il
s’est passé, ce qui a été bien fait, ce qui pourrait l’être différemment ou ce
qui pourrait être amélioré.
Mais ce n’est pas d’avoir raison tout seul qui importe dans cet
exercice. C’est d’amener son interlocuteur à se rendre compte par lui-
même, de ce qui l’a fait échouer ou au contraire réussir.
Ce qui prime, en posture de débriefing, c’est la pertinence des
questions posées. S’il est intéressant d’avoir une analyse juste de la
situation, ce n’est pas tant pour la délivrer telle quelle, dans une attitude
de sachant qui éblouit de son intelligence (et de sa supériorité !), que
pour identifier les bonnes questions à poser à son interlocuteur. Ces
questions peuvent être des questions d’analyse – ce qui suppose déjà une
capacité de recul suffisante de l’individu – mais il peut aussi s’agir plus
basiquement de questions descriptives, visant à lui faire décrire tel ou tel
aspect de la situation vécue :
• Qu’a-t-il ressenti à tel moment ?
• Que s’est-il dit dans l’instant où ?
• Qu’est-ce qui l’a poussé à faire ceci ou cela ?
• Quelles réactions cela a-t-il généré de la part des protagonistes ?
• Comment a-t-il interprété ces réactions ?
• Etc.
■ L’acceptation de la différence
Si l’expertise n’est pas toujours bonne conseillère en matière
d’accompagnement dans la logique des points forts, c’est parce qu’elle peut
conduire à croire qu’il n’existe qu’une seule façon de réussir : celle qui m’a
fait devenir expert !
Le risque est alors de concevoir le débriefing comme l’analyse des
écarts entre ce que l’individu a fait et la méthode que je tiens comme LA
seule possible.
Une fois de plus, dans ce type de posture, les situations d’échec feront
immanquablement apparaître des points faibles vite qualifiés de
rédhibitoires.
C’est ce qu’il peut arriver, à l’école, à ces enfants dits précoces,
appelés Enfants à Haut Potentiel (EHP) dans les référentiels de
l’Éducation Nationale.
Du fait de leurs facilités à apprendre et mémoriser, certains s’ennuient
rapidement : semblant « décrocher » du reste de leurs camarades, ils
chahutent ou se réfugient dans leurs pensées. Pour les enseignants, ces
comportements peuvent parfois apparaître comme un déficit de
l’attention avec hyperactivité, pour un manque d’éducation, pour de la
nonchalance ou encore de l’insolence.
Pour d’autres de ces élèves, la précocité peut expliquer une
hétérogénéité dans les apprentissages. À côté de leurs aptitudes naturelles
supérieures à la moyenne dans certains domaines (langage, abstraction,
raisonnement), ils peuvent se trouver en échec dans d’autres disciplines
comme l’écriture : celle-ci est illisible, irrégulière et il arrive que ces
élèves aient beaucoup de mal à investir l’écrit, un peu comme si le stylo
n’arrivait pas à suivre le rythme de leur pensée ! Là encore, ces enfants,
en dépit de leurs prédispositions, peuvent être vus comme des élèves en
difficulté.
L’Éducation Nationale connait évidemment parfaitement bien le sujet
et a mis en place différentes expériences et actions pour aider les
enseignants – et plus largement toutes les parties prenantes – à mieux
prendre en charge ces élèves, à l’instar de ce Vademecum « Scolariser un
élève à haut potentiel »24 qui rappelle l’enjeu :
« Les caractéristiques des enfants et adolescents à haut potentiel
montrent une grande diversité de profils. Ainsi, un élève pourra
notamment avoir un haut potentiel intellectuel ou créatif. Les besoins
spécifiques des élèves à haut potentiel et leurs différences doivent être
pris en considération pour qu’ils s’épanouissent et développent
pleinement leurs potentialités. »
Réaliser de bons débriefings suppose d’intégrer la notion de diversité
des talents : chacun réussit par une voie qui lui est propre. L’objectif de
l’accompagnement, et en l’occurrence du débriefing, est donc bien
d’aider l’individu à trouver cette voie, celle qui assure le meilleur
alignement entre ce qu’il est et ce qu’il fait.
Là encore, procéder par questionnement plutôt que livrer sa propre
analyse de la situation, est le plus sûr moyen d’incarner cette croyance
dans la différence. Il ne s’agit pas de réussir à confirmer sa vérité, mais
plutôt d’aider l’autre à découvrir la sienne.
S’il n’y a pas d’écart, la réflexion devra se porter sur les interrogations
qui suivent :
• Qu’est-ce qui explique que les points forts habituellement efficaces
n’aient manifestement pas donné les résultats escomptés ici ?
• Faut-il les travailler mieux ? différemment ? dans l’absolu ou
seulement au regard de ce type de situation ?
• Dans ce type de situation, de quelle qualité faudrait-il disposer ? et
quels réflexes basiques, de ce fait, devons-nous construire ?
• Etc.
La confusion objectif/moyens
Nos raisonnements, parfois un peu rapides, nous amènent souvent à
confondre objectif et moyens, en croyant que le but visé indique
nécessairement le moyen à mettre en œuvre, comme si le seul chemin
possible était toujours la ligne droite.
En l’occurrence, dans ce débat entre points forts et points faibles, on
peut croire qu’il faut, pour devenir meilleur, s’attaquer à ces défauts qui
nous empêchent de l’être.
Comme dans beaucoup de situations, la meilleure stratégie n’est bien
entendu pas la plus évidente ni la plus directe !
Négocier, motiver, communiquer, vendre sont autant d’activités qui
peuvent facilement illustrer cette logique.
Si l’on veut par exemple rassurer une personne inquiète, nous savons
bien qu’il faudra trouver mieux que le naïf et direct « Rassure-toi »,
finalement plus inquiétant qu’autre chose !
Comme je l’évoquais précédemment dans la partie consacrée au
débriefing des échecs, l’approche « perfectologique » doit primer la
« défectologique » : ce qui compte est de comprendre ce qui permet à un
individu de prendre confiance, bien plus que de chercher à lutter
frontalement contre son sentiment d’inquiétude.
Ce que j’ai voulu partager dans ce livre, c’est bien ce que nous
apprennent les observations, les recherches, les études sur les gens qui
réussissent. Leur stratégie suit la même ligne et met en exergue les
mêmes facteurs-clés de succès : maximiser ses ressources personnelles
pour alimenter confiance, motivation et progrès.
Effet collatéral
Partir de ses qualités revient donc à ne pas commencer par s’attaquer à la
correction des défauts.
Mais, en réalité, comme je l’ai indiqué en déclinant la pyramide du
modèle de performance, la stratégie des points forts ne peut totalement
les ignorer : privilégier résolument nos préférences tactiques (principe
des 20/80) n’évite jamais de devoir se confronter aux situations-limites
qui nous confrontent à nos manques ou nos faiblesses. On sait que dans
ces cas-là, la motivation et la confiance accumulées au travers des actions
préférentielles s’avèreront précieuses pour soutenir les efforts
nécessaires. Ceux-ci devront être les plus basiques possibles (mise en
œuvre de gestes simples, facilement jouables, plutôt que recherche
d’acquisition de qualités que par définition nous n’avons pas).
Il y a bien peu de chances que ces situations-limites deviennent des
points d’appui ou des zones d’aisance. Ce n’est d’ailleurs pas le but :
l’enjeu, rappelons-le, est d’assurer, quand nous y sommes confrontés, le
minimum syndical.
Il arrive pourtant qu’en empruntant cette voie, nous puissions
finalement aller plus loin que ce socle de base.
En acceptant de se livrer à l’entraînement basique que suppose
l’ancrage des bons réflexes, nous pouvons trouver une efficacité dans
l’action à laquelle nous ne nous attendions pas, loin des a priori peu à peu
consolidés par tous ces messages reçus sur nos prétendues faiblesses :
nous pensions que nous n’étions pas faits pour ça – et de fait, nous
n’avons pas les aptitudes naturelles adéquates – mais nous découvrons
qu’avec un peu de méthode et de travail, nous pouvons quand même
réussir honorablement.
Comme le suggèrent les travaux du psychologue Maurice
Reuchlin27, sur les processus vicariants, face à la même situation, chaque
individu met en œuvre des modes de fonctionnement différents.
En fonction de ses aptitudes naturelles, de ce qui lui est le plus spontané,
le plus facile, le plus accessible, il consolidera des conduites
préférentielles.
En reprenant ce terme de vicariance28, Reuchlin a montré qu’un
individu était néanmoins capable d’adapter son mode de fonctionnement
en fonction des situations : le coût cognitif est plus important (effort,
temps, anticipation d’une plus grande probabilité d’échec) et l’efficacité
moindre.
Par exemple un individu qui a des difficultés de rappel direct d’un
nom, d’une date, etc. tend à développer des activités de recherche dans
lesquelles il passe en revue une série de souvenirs qu’il sait être associés
à celui qu’il cherche, puis, si celui-ci se présente, il le reconnaît comme
correct.
À côté de l’idée habituelle qui peut laisser penser que de la présence
d’une aptitude découle ensuite le bon savoir-faire – et qui nourrit donc la
croyance qu’il faut développer les qualités que nous n’avons pas pour
réussir à faire ce qu’on ne sait pas faire – se pose une autre logique :
celle-ci part du basique pour aller au stratégique. C’est en forçant le
geste, en le répétant, en créant les réflexes que l’on finit par, en quelque
sorte, forger l’aptitude manquante ou seulement à en apprivoiser le
manque.
Nombreuses sont ainsi les personnalités publiques ayant révélé la
timidité, pour certains presque maladives, malgré laquelle ils ont pourtant
réussi à maîtriser l’exercice de prise de parole en public.
C’est le cas notamment de l’avocat et académicien Jean-Denis Bredin
qui raconte :
« Plaider fut toujours pour moi un exercice difficile. Ce juge qui
m’écoute, est-ce que je ne l’ennuie pas ? J’ai toute ma vie envié ceux qui
ne connaissent pas cette angoisse. Dans ma génération, dans la société
où je vivais, tout était fait pour que l’enfant devienne timide. « Tais-toi ou
dis quelque chose de meilleur que le silence », me répétait-on. Parler
était audacieux, il fallait travailler. À la faculté, j’ai eu d’admirables
professeurs, donc je suis devenu professeur de droit […] La timidité
s’efface, mais on ne s’habitue pas. Elle a aussi bien des avantages. Le
timide ne cesse de parfaire son argumentation, sa réfutation, tandis que
l’extraverti est tenté de faire confiance à son talent. »29
Réaliser que nous sommes capables finalement d’apprivoiser ces
situations-limites, crée une satisfaction d’autant plus forte que la
conscience du défaut est grande. Le fait qu’il nous ait été autant reproché,
le fait d’avoir tant rêvé de posséder cette qualité manquante, décuple la
fierté de ces petits succès, et peut susciter une motivation forte à pousser
plus loin l’exploration, comme s’il y avait une revanche à prendre.
Mais, même dans ce cas, la mécanique reste la même : elle consiste à
trouver le point fort, la qualité d’appui, le moteur qui fournit l’énergie, la
confiance, la motivation et qui permet d’aborder ces situations-limites,
certes techniquement maîtrisées mais toujours stressantes.
« J’y vais mais j’ai peur », disait Nathalie, le personnage joué par
Josiane Balasko dans les Bronzés font du ski. C’est un peu le ressenti que
l’on peut avoir quand, malgré des années de pratique, on continue à
redouter certaines situations nous mettant face à nos manques.
C’est, en substance, ce que me confiait, il y a quelque temps un grand
patron, souvent appelé à s’exprimer en public. Il confessait ressentir, à
chaque fois, un trac immense, le corps qui tremble comme une feuille, le
cœur qui bat, les mains moites, l’envie de fuir… Pourtant, concentré sur
la technique, il savait donner le change : la voix parfaitement assurée, le
débit maîtrisé, le rythme bien en place. Mais il ajoutait que la condition,
pour réussir cet exercice à contre-emploi, était d’avoir travaillé le
contenu du discours avec une attention particulière, jusqu’à sentir une
vraie force de conviction dans chacune des idées développées.
Si la stratégie des points forts invite donc d’abord à une conquête de
soi, ou peut-être faudrait-il dire à une reconquête des qualités ombrées
par la mise en lumière des points faibles, elle vise bien in fine à agrandir
le terrain de jeu. En partant de ce que nous sommes, elle dispose ensuite
à l’exploration de nouveaux territoires plus éloignés : ceux que nos
défauts nous rendent difficilement accessibles.
Affronter nos points faibles, tenter de maîtriser les situations dans
lesquels ceux-ci nous limitent, n’est pas la première bataille à mener :
c’est la dernière conquête d’une campagne menée d’abord en s’appuyant
sur nos forces.
Conclusion
« Ne vous demandez pas de quoi le monde a besoin.
Cherchez ce qui vous fait vibrer et faites-le.
Parce que ce dont le monde a besoin, c’est de personnes qui vibrent avec la vie. »
Howard Thurman
Exemple 1
Loyal
Solidaire
Rassurant
Protecteur
Patient
Attentif
Convivial
Intuitif
Charmeur
Optimiste
Leader
Convaincant
Téméraire
Assuré
Prudent
Audacieux
Novateur
Synthétique
Sens du détail
Persévérant
Logique
Méthodique
Structuré
Serein
Empathique
Calme
Diplomate
Prévisible
Maîtrisé
Exemple 2
Ce référentiel reprend la classification de VIA Institute on Character. L’auto-évaluation est accessible gratuitement sur le site viacharacter.org.
Note
Vertus Forces de caractère
(0 à 5)
5 Perspective
Courage
6 Courage et vaillance
7 Assiduité, application et persévérance
12 Intelligence sociale
16 Pardon
17 Modestie et humilité
Tempérance
18 Précaution, prudence et discrétion
21 Gratitude
23 Humour et enjouement
Effeuillez l’artichaut
Répondez aux questions suivantes, en vous aidant si besoin de la bourse des qualités, et commencez à
cerner vos points forts essentiels :
1. Dans le contexte professionnel, quels sont les domaines/missions dans lesquels vous vous sentez
le plus à l’aise ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...........................................................................................................
• Que ressentez-vous quand vous œuvrez dans ces domaines-là ?
..............................................................................................................................................................
........................................................................................................................
• Quelles sont les qualités que l’on vous reconnait ?
..............................................................................................................................................................
........................................................................................................................
• Sur quelles forces vous appuyez-vous pour faire bien votre travail ?
..............................................................................................................................................................
........................................................................................................................
2. Hors contexte professionnel, quelles activités aimez-vous le plus pratiquer ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...........................................................................................................
• Que vous apportent-elles lorsque vous les pratiquez ?
..............................................................................................................................................................
.....................................................
• Quelles sont les ressources personnelles auxquelles ces activités font appel ?
..............................................................................................................................................................
........................................................................................................................
3. En prenant du recul, et à partir des réponses apportées aux questions précédentes, essayez de
trouver des points communs dans les qualités que vous utilisez dans vos activités professionnelles et
personnelles :
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...........................................................................................................
Souvenirs d’éléphanteau
Installez-vous confortablement, fermez les yeux et faites appel à votre mémoire. Prenez conscience
des pieux qui ont empêché l’éléphanteau d’avancer.
1. Quels défauts vous reprochait-on d’avoir quand vous étiez enfant ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...................................................
2. Pouvez-vous vous rappeler les mots qu’employaient vos parents, enseignants ou autres, à ce
propos ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...................................................
3. Ces messages ont-ils influencé...
• Votre personnalité ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
........................
• Votre confiance en vous ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
........................
• Vos choix d’étude ou vos orientations professionnelles ou de vie ?
..............................................................................................................................................................
......................................................................................................................................
4. En quoi ces messages continuent-ils de vous influencer ?
..............................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................................
...........................................................................................................
Tiers privilégiés
Prenez quelques instants pour penser aux personnes qui, dans votre parcours personnel ou
professionnel, vous ont le plus marqué. Prenez conscience des qualités qu’ils vous ont aidé à révéler
ou à travailler.
Vos tiers
Qui sont-ils ? Quelles qualités ont-ils souvent valorisées ?
privilégiés
TP « primaires »
Influence +++
........................................................................................ ........................................................................................
(parents
« nourriciers » ........................................................................................ ........................................................................................
présents durant
l’enfance)
TP
« secondaires »
Influence ++
TP « tertiaires »
Influence + ....................................................................................... ........................................................................................
........................................................................................ ........................................................................................
(conjoint, enfants)
TP
« quaternaires »
Influence faible ........................................................................................ ........................................................................................
(croisés pendant ........................................................................................ ........................................................................................
une phase de vie :
amis, collègues,...)
À noter :
Certaines personnes peuvent être pour vous des tiers privilégiés : ils comptent pour vous au point
que vous cherchez à obtenir le plus de reconnaissance possible de leur part.
• Il se peut que ceux-ci vous la donnent, sous une forme positive : la valorisation des qualités
indiquée dans la dernière colonne. Ces messages positifs auront pour effet d’ancrer ces
qualités en vous et de renforcer votre niveau de confiance en vous.
• Il se peut aussi que ceux-ci vous accordent de l’attention, mais de façon négative, en
passant plus de temps à vous reprocher vos erreurs, vos échecs, vos limites ou vos points
faibles, générant alors plus de doute et de peur que de confiance (syndrome de l’éléphant).
• Il se peut enfin que ces tiers privilégiés ignorent votre besoin de reconnaissance et ne vous
accordent que peu d’attention, créant là aussi un sentiment d’abandon et d’angoisse
compensé le cas échéant par une motivation « revancharde » forte (obtenir leur attention à
tout prix).
Au-delà des différentes lignes, il est intéressant de repérer également la cohérence entre les
qualités valorisées par les TP (qualités fortement ancrées) ou au contraire, les éventuelles
discordances (qualités contradictoires, valorisées par l’un mais pas par l’autre, qui tendent à forger
une personnalité équilibrée, cherchant à investir le plus de qualités possibles pour « mériter » le
regard de tous ses TP).
NB. : il va de soi que ces quelques lignes ne suffisent à rendre compte de la complexité des
mécanismes liés à nos liens avec ces tiers privilégiés, et encore moins de ceux qui régissent la
constitution d’une personnalité. Ils sont donnés ici à titre de repères indicatifs et doivent donner lieu
à un travail plus approfondi que ne l’est ce simple tableau.
Dérive
Trait de personnalité Situations
« toumeuche »
Affectueux Etouffant
Aidant Envahissant
Audacieux Irresponsable
Autonome Incontrôlable
Calme Apathique
Chaleureux Familier
Lucide Anxieux
Confiant Crédule
Courageux Inconscient
Créatif Désorganisé
Curieux Indiscret
Déterminé Borné
Discret Absent
Discipliné Ennuyeux
Drôle Désinvolte
Energique Epuisant
Engagé Dispersé
Enthousiaste Illuminé
Fier Prétentieux
Franc Agressif
Gentil Faible
Généreux Gênant
Humble Effacé
Impertinent Méchant
Indépendant Indifférent
Minutieux Perfectionniste
Optimiste Naïf
Patient Attentiste
Persévérant Têtu
Poli Obséquieux
Prudent Angoissé
Original Marginal
Sérieux Froid
Spontané Inconsistant
Sensible Impressionnable
Vigilant Anxieux
Partie 1
Je me trouve nul. le ◆ ■ ● ▲
■ Grille d’analyse
Vous avez une majorité de ◆
Vous êtes manifestement dans une période de forme. Votre excellent niveau d’énergie vous permet de
voir la vie du bon côté. En dynamique de progrès et de projet, vous tracez votre route, sans prêter
trop d’attention à ce (ou à ceux) qui pourraient vous freiner.
Pour autant, confiants en vous, mais sans rien à prouver, vous entretenez des rapports sains avec
les autres, en étant très attentifs à eux d’une part et très ouverts à l’aide qu’ils peuvent vous
apporter et à la coopération en général.
Lucide, détendu, curieux, vous abordez le quotidien avec calme et recul, en profitant de chaque
occasion de plaisir qui se présente. Toujours proactif, vous allez au-devant des choses et des gens,
évitant ainsi de subir les événements.
L’environnement vous le rend : on loue vos qualités, on apprécie votre compagnie et votre
enthousiasme, on remarque vos succès, etc. et chaque jour vient alimenter la spirale de succès.
Vous avez une majorité de ●
Disposant d’un niveau d’énergie juste suffisant pour vos besoins d’interaction du quotidien, il vous
arrive de ressentir certains jours un peu de stress et de fatigue. Sensible à l’environnement, vous
préférez l’habitude, l’équilibre, la maîtrise et tentez d’éviter les situations impliquant changement,
remise en cause, prise de risque.
Encouragé par les autres, quand vous avez la possibilité de mettre en œuvre vos qualités, vous
êtes capable de fournir un travail conséquent mais vous supportez mal la critique et craignez d’être
pris en défaut, ce qui peut parfois vous amener à vous justifier plutôt qu’à chercher le progrès.
Souvent méfiant à l’égard du monde extérieur, il peut vous arriver de vous fermer, au risque de
ne pas recevoir en retour les signes de reconnaissance que vous espérez.
Efforcez-vous de rester acteurs pour éviter de subir. Soyez notamment attentif à cultiver vos
forces, en trouvant les moyens de vous engager sans retenue sur les terrains qui vous sont
favorables.
Vous avez une majorité de ■
Plus en doute qu’en confiance, vous semblez être en déficit d’énergie : vous vous sentez souvent
stressé, menacé, parfois comme agressé par le monde qui vous entoure.
Il peut vous arriver de rêver de fuir, de changer de vie par exemple. Mais, rattrapé par la réalité,
vous luttez avec courage contre votre environnement et contre tous ces problèmes qui semblent se
multiplier.
Cela vous prend d’ailleurs beaucoup d’énergie, au risque de vous amener dans une spirale
négative. Irritable, râleur, souvent en opposition, vous pouvez contribuer à générer des relations
difficiles autour de vous, vous attirant reproches, alimentant des polémiques voire des conflits eux
aussi coûteux en énergie. Dans cet état, vous avez tendance à rejeter la responsabilité de ce qui
survient sur les autres, vous posant parfois en position de victime.
Pour éviter de vous épuiser, et inverser la spirale, essayez de vous recentrer sur vos points forts :
ceux-ci vous permettront de montrer au monde vos capacités et de retrouver un peu de confiance.
Appliquez-vous à recréer des situations qui vous sont favorables et à en tirer plaisir et fierté.
Certains des problèmes contre lesquels vous vous battez peuvent attendre : demandez-vous si leur
suppression vous apporterait vraiment le bonheur, ou celui-ci n’est pas plutôt à chercher dans des
projets qui vous tiennent à cœur.
Vous avez une majorité de ▲
Vos batteries sont manifestement déchargées. À court d’énergie et empli de doutes, vous
appréhendez chaque jour avec un sentiment d’angoisse persistant et envahissant.
Il vous est difficile d’ailleurs de tenir le coup, ce qui vous oblige parfois à renoncer ou
abandonner certaines actions, volontairement ou involontairement – quand le corps notamment
vous lâche – ce qui n’est pas de nature à vous redonner confiance, bien au contraire.
Ne vous sentant pas à la hauteur, obnubilé par vos soi-disant défauts, vous avez tendance à vous
replier sur vous-même, fuyant les échanges et le regard des autres : vous craignez d’entendre leurs
critiques sans toutefois les croire s’ils vous valorisaient !
C’est pourtant eux qui pourraient vous aider. Renouez le contact, acceptez de leur parler et de
les écouter, prenez la main qu’ils vous tendront. Retrouvez le fil de vos envies, de vos passions, de
vos qualités et demandez-leur de vous aider à le tirer. Vos richesses n’ont pas disparu : elles sont
seulement enfouies et ne demandent qu’à s’exprimer.
Partie 2
Dans cette seconde partie, une fois évalué votre niveau d’énergie du moment, je vous propose de
faire le point sur ce qui peut expliquer votre forme ou méforme.
En regardant les 2 ou 3 semaines écoulées, évaluez le temps passé chaque jour sur chaque
activité à l’aide de ce cercle.
Exemple
Une fois réalisée une semaine-type, à l’aide de ce schéma, faites la somme du temps passé :
• sur des activités qui vous apportent plus d’énergie qu’elles ne vous en demandent (Apport > Effort) : activités
que vous maîtrisez, dans lesquelles vous êtes en succès, reconnu, valorisé, qui mettent en valeurs vos
qualités… ;
• sur des activités qui vous coûtent plus qu’elles ne vous rapportent (Apport < Effort) : activités souvent liées à vos
points faibles, dans lesquelles vous êtes souvent en difficulté, qui ne vous apportent pas de plaisir…
Si les premières vous occupent la plus grande partie de votre temps, vous êtes probablement en
spirale positive. Voyez comment préserver cet équilibre, par exemple en veillant à passer le plus de
temps possible sur les activités motivantes.
Dans le cas inverse :
1. Travaillez à augmenter le temps consacré aux activités motivantes, chaque jour ou peut-être
chaque semaine et « sanctuarisez » ces moments dans votre agenda.
2. Impliquez-vous davantage dans ces activités pour les rendre plus motivantes encore.
3. Pensez à d’autres activités motivantes que vous auriez peut-être sacrifiées et qui pourraient
réintégrer votre planning (le sport, une passion artistique, etc.).
4. Étudiez les possibilités de diminuer le temps passé sur les activités coûteuses : déléguer,
arrêter, reporter, les aborder autrement (en utilisant mieux vos qualités), etc.
5. Partagez vos nouveaux engagements de planning pour faire en sorte de mieux les respecter.
Notes
1. Linley P. A., Joseph S., Harrington S. et Wood A. M., « Positive psychology: Past, present and future », Journal of
Positive Psychology, 2006.
2. Dweck C. S., Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite, traduit de l’anglais par J.-B. Dayez,
Mardaga, 2010.
3. Plusieurs programmes conçus pour amener les étudiants d’un état d’esprit fixe à un état d’esprit de croissance ont été
déployés, notamment en Afrique du Sud ou en Californie, impliquant des milliers d’étudiants mais également leurs
enseignants, démontrant l’impact de la mentalité positive sur les progrès et la réussite scolaire.
4. Aspinwall L.G. et Staudinger U.M., Une psychologie des forces humaines : quelques enjeux centraux d’un domaine
émergent, 2003.
5. Christian Lemoine était consultant en management, conférencier spécialiste de la motivation et fondateur du CRECI
(Centre de Recherches et d’Etudes sur le Comportement Individuel), cabinet au sein duquel j’ai travaillé quelques années.
6. Ça s’est fait comme ça, Gérard Depardieu, avec la collaboration de Lionel Duroy, XO éditions, 2014.
7. Ce terme a, semble-t-il, été inventé par Christian Lemoine, fondateur du CRECI et créateur du Management
Motivationnel®.
8. Jean-Laurent Cochet fait partie des victimes de la Covid-19. Il s’est éteint le 7 avril 2020, dans sa 86ème année.
9. Extrait d’une interview donnée au journal La Croix, paru le 21 mars 2020
10. Extrait d’un entretien donné par Boris Cyrulnik au e-mag NousVousIls, l’e-mag de l’éducation, juin 2015.
11. Voir par exemple le livre de Vincent Rémy, Un prof a changé ma vie, Vuibert, 2014, dans lequel l’auteur demande à
diverses personnalités d’évoquer l’influence de certains enseignants sur leur parcours.
12. Pietschnig J., Penke L., Wicherts J. M., Zeiler M., & Voracek M., « Meta-analysis of associations between human brain
volume and intelligence differences: How strong are they and what do they mean? », Neuroscience & Biobehavioral
Reviews, 2015.
13. Voir à ce propos l’article de Franck Ranus, « Les surdoués ont-ils un cerveau qualitativement différent ? », A.N.A.E.,
2018.
14. Malcolm Gladwell, Outliers, The Story of Success, Editions Little, Brown and Company 2008.
15. Extrait de la revue Spirale 2012/3 (no 63), « Le chemins de l’apprentissage », éditions ERES.
16. Voir ici.
17. Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30.
18. Sir Thomas Fowell Buxton (1786-1845) fut député du Parlement britannique, resté célèbre pour son engagement en
faveur de l’abolition de l’esclavage au Royaume-Uni.
19. Auteur de Successful Aging: A Neuroscientist Explores the Power and Potential of Our Lives, Dutton/Penguin Random
House, 2020.
Notes
1. Ken Robinson, anobli par la Reine d’Angleterre en 2003, est notamment connue pour sa conférence TED « L’école tue la
créativité » (Monterey, 2006), la plus vue et la plus partagée de l’histoire ! Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages dont
Changez l’école ! (Play Bac, 2017) et Trouver son élément (Play Bac, 2015).
2. Je conseille à ceux qui ne connaîtrait pas la définition d’origine du mot « bougre » de se précipiter vers un dictionnaire…
3. Voir à ce propos les développements sur la pédagogie différenciée, page 183.
4. Jacques Lecomte est l’un des principaux experts francophones de la psychologie positive. Docteur en psychologie, il a été
chargé de cours à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense (sciences de l’éducation) et à la faculté des sciences sociales
de l’Institut catholique de Paris.
5. Martin E.P. Seligman est chercheur en psychologie et professeur à l’Université de Pennsylvanie. Lors de son passage à la
présidence de l’American Psychological Association, en 1998, il lance le mouvement de la « psychologie positive », assisté
de ses collaborateurs, tels Mihaly Csikszentmihalyi, Ed Diener, Kathleen Hall Jamieson, Christopher Peterson et George
Vaillant.
Pour en savoir plus sur l’œuvre de Seligman : Conférence
www.ted.com/talks/martin_seligman_the_new_era_of_positive_psychology
Seligman M., La force de l’optimisme, InterEditions, 2008. Seligman M., La fabrique du bonheur, InterEditions, 2011.
Pour un exposé documenté et rigoureux sur la psychologie positive : Shankland R., La psychologie positive, 2e éd,
coll. « Psycho Sup », Dunod, 2014.
6. Si ce terme a été popularisé par Seligman et son équipe, son invention semble revenir à Maslow qui l’a utilisé le premier,
en 1954, dans le dernier chapitre de son livre Motivation and Personality.
7. Voir notamment Happycratie, d’Edgar Cabanas et Eva Illouz, Premier Parallèle, 2018 ; Le syndrome du bien-être de Carl
Cederström et André Spicer, L’Echappée, 2016 ; ou Développement (im)personnel de Julia de Funès, l’Observatoire, 2019.
8. Sur ce thème de la motivation, je vous recommande la lecture du livre de Daniel H. Pink, La vérité sur ce qui nous
motive, Leduc, 2011.
9. J’ai développé cette notion dans mon précédent livre : Le manager presque parfait… et qui ne cherche surtout pas à le
devenir ! Dunod, 2016.
10. Tom Rath est un chercheur et auteur américain, né en 1975. Au sein de la société Gallup, il a notamment développé des
études et des outils sur l’efficacité personnelle, en particulier basés sur l’utilisation des points forts. On lui doit plusieurs
best-sellers dont Strength Finder 2.0, publié en français chez Pearson France sous le titre Découvrez vos points forts, 2019.
11. Version reprise par Valérie Jacquemin-Ngom et Nicolas Dugay dans leur ouvrage Cultivez vos points forts, Jouvence
éditions, 2018.
12. Pour en savoir plus, je vous recommande de vous référer à l’ouvrage très complet de Bertrand Théraulaz : Approche
action-types – Le corps révèle nos forces ! Amphora, 2020.
13. Dans le cadre de nos missions de conseil et de formation en management, au sein d’Animae, nous faisons régulièrement
appel aux compétences de l’équipe d’Axel Conseil, composée d’experts Action Types®. Leur aide est précieuse, par exemple
pour identifier les forces individuelles au sein d’un CODIR et favoriser une meilleure communication et une meilleure
coopération.
14. « Carbohydrate sensing in the human mouth: effects on exercise performance and brain activity » J. Physiol, 2009.
15. « Mental fatigue impairs physical performance in humans », Journal of Applied Physiology, 2009, vol. 106.
16. « Sundial : Theoretical Relationships Between Psychological Type, Talent, And Disease », Ph.d. Bryden, Barbara E. –
(Anglais), éditions CPAT – Center for Applications of Psychological Types – 2004.
17. Pellerin F., Accédez au sommet. Le chemin est en vous, Michel Lafon, 2013.
18. Vous trouverez un développement plus complet sur cette notion de doute/confiance dans les annexes proposées à la fin
du livre.
19. Voir la partie consacrée aux « Tiers Privilégiés » dans le chapitre 1.
20. Ancona D., Malone W. T., Orlikowski J. W., Senge M. P., Ode au Leader Imparfait, HBR France, 2020.
Notes
1. Cultivez vos forces : l’éducation positive au quotidien, J-C. Lattès, 2019.
2. « Franck Cammas, marin de haute précision », Le Monde, 9 mars 2012.
3. Étude Gallup « State of the Global Workplace » 2017, chiffres Europe de l’Ouest.
4. Extraits d’une interview donnée au magazine Grand Chelem no 30 (sept-oct.2012).
5. La distinction entre motivation intrinsèque et motivation extrinsèque revient à Edward L. Deci, professeur de psychologie
et de sciences sociales à l’université de Rochester, qui publie Intrinsic Motivation en 1975, avant d’enrichir son travail, en
association avec Richard M.Ryan, au cours des années 1980 puis 2000.
6. Pink D., La vérité sur ce qui nous motive, Flammarion, 2016.
7. Edward L. Deci, Richard M. Ryan, Richard Koestner, « A Meta-Analytic Review of Experiments Examining the Effects
of Extrinsic Rewards on Intrinsic Motivation », Psychological Bulletin, 125, Nº 6, 1999.
8. Blondin A., L’Ironie du sport. Chroniques de L’Équipe, 1954-1982, François Bourin, 1994.
9. Le terme Imoca désigne une classe de voiliers monocoques de 60 pieds de longueur (18,28 m) spécialement destinés aux
courses océaniques en solitaire ou en double, comme la Route du Rhum et le Vendée Globe.
10. L’association Mécénat Chirurgie Cardiaque, fondée par le professeur Francine Leca (première femme devenue
chirurgien cardiaque en France) et Patrice Roynette, permet à des enfants atteints de malformation cardiaque, de se faire
opérer en France lorsque cela est impossible dans leur pays faute de moyens techniques ou financiers. Accueillis et hébergés
par des familles d’accueil bénévoles, plus de 3 000 enfants ont ainsi été pris en charge depuis la création de l’association en
1996.
Notes
1. Cette phrase est souvent attribuée à Pierre Desproges, à tort semble-t-il, puisqu’en dehors d’un post abondamment relayé
sur les réseaux sociaux, attribuant diverses citations au regretté humoriste, il n’est trouvé aucune trace de ces mots dans son
œuvre ni dans ses déclarations. Plusieurs sources semblent indiquer qu’il s’agirait en fait de la traduction d’un vieux trait
d’humour anglais : « One day, I’ll go live in ’Theory’! Because in Theory… everything is fine! »
2. Cultivez vos points forts, Valérie Jacquemin-Ngom, en collaboration avec Nicolas Dugay, Jouvence, 2018.
3. Codir, pour les lecteurs qui ne parleraient pas encore couramment la novlangue, veut dire « Comité de Direction ». On dit
aussi parfois Codi et Codirel, quand l’assemblée est élargie à d’autres cadres subalternes. Dans certains patois
professionnels, l’équipe de Direction constitue un Comex pour « Comité Exécutif ».
4. L’ouvrage de C.G. Jung Types Psychologiques est paru en 1921.
5. William Moulton Marston développe sa théorie du DISC dans le livre Emotions of Normal People, publié en 1928.
6. Extrait d’un article paru en 1943 dans The American Scholar Magazine.
7. Voir ici.
8. Peterson C. et Seligman M., Character Strengths and Virtues: A Handbook and Classification, OUP USA, 2004.
9. Cet inventaire est présenté dans l’annexe « Bourse aux qualités », à la fin du livre.
10. Patrick Mouratoglou, né en 1970, a fondé une première académie de tennis à l’âge de 26 ans, après avoir dû renoncer à
la carrière de tennisman dont il avait rêvé. Dans les années 2000, il se fait connaître grâce aux succès remportés par le
champion chypriote, Marcos Baghdatis, qu’il entraîne. Mais c’est en devenant le coach de Serena Williams, en 2012, qu’il
rentre dans le cercle fermé de l’élite mondiale du tennis : à ses côtés, l’américaine a depuis remporté 9 titres du Grand
Chelem, s’ajoutant aux 14 de son palmarès d’alors. Aujourd’hui, il est également le coach de Stefanos Tsisipas ou encore
d’Alexeï Popyrin entre autres.
11. Secrets de Coach (titre original en anglais : Playbook) est une série-documentaire disponible sur la plateforme Netflix
depuis 2020, mettant en lumière quelques-uns des plus célèbres coach sportifs du moment de différentes disciplines.
L’épisode 4 est intitulé « les leçons de Patrick Mouratoglou ».
12. Ce dessin réalisé par Léonard de Vinci vers 1490, est sans doute la représentation la plus connue de la perfection des
proportions anatomiques.
13. « Built to swim », The New York Times Magazine, 8 août 2004.
14. Robert J. Vallerand est professeur titulaire en psychologie à l’Université du Québec à Montréal. Il est reconnu comme
l’un des chercheurs les plus influents dans le secteur des processus motivationnels. Il a développé des théories sur la
motivation intrinsèque et extrinsèque ainsi que sur la passion envers des activités. Il a publié ou édité douze livres et
monographies et plus de 350 publications scientifiques.
15. Enquête menée auprès d’un échantillon de 970 salariés des secteurs public et privé extrait d’un échantillon de 2023
Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
16. Enquête réalisée en juin 2017 auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 salariés français non cadres et non
managers, à travers toute la France.
17. Je reprends bien sûr ici l’image utilisée par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, chercheurs au Blue Ocean Strategy
Institute à l’INSEAD dans leur ouvrage Stratégie Océan Bleu : Comment créer de nouveaux espaces stratégiques (Ed.
Pearson, 2015).
18. GOAT est l’un des surnoms amusants souvent donnés à Federer, pour Greatest Of All Times ou chèvre, selon que l’on
développe l’acronyme ou que l’on préfère la traduction littérale !
19. Extrait d’une interview accordée à la Tribune de Genève, parue le 14 avril 2017
20. Cette image est par exemple décrite dans l’ouvrage Psychiatrie de la personne âgée, sous la direction de Jean-Baptiste
Clément (Editions Médecine-Sciences / Flammarion), s’agissant des tendances dépressives des personnes âgées.
21. C’est Louis Legrand, responsable des recherches pédagogiques à l’INRDP (Institut National de Recherche et de
Documentation Pédagogique), qui en 1970 crée l’expression « pédagogie différenciée », partant du constat que, face à des
élèves aux aptitudes hétérogènes, l’enseignant devait proposer des modalités d’apprentissage variées.
22. Voir le bilan Doute/Confiance présenté dans le chapitre 3, notamment page 76.
23. Également connu sous le nom d’effet Rosenthal et Jacobson, l’effet Pygmalion tire son nom de la légende de ce
sculpteur de la Grèce Antique qui, tombant amoureux de la statue d’ivoire qu’il avait créée, finit par lui donner vie.
Rosenthal et Jacobson ont notamment étudié l’effet des a priori que les enseignants avaient sur chacun de leurs élèves,
montrant qu’un a priori positif induisait des comportements propices à la réussite de l’élève et inversement.
24. Vademecum « Scolariser un élève à haut potentiel », éditions MEN (Ministère de l’Éducation Nationale), 2019,
notamment disponible sur le site Eduscol du Ministère.
25. Lire par exemple Libérez votre cerveau, éditions Robert Laffont, 2016.
26. Extrait du livre de Michel Lobrot : À quoi sert l’école ? Armand Colin, 1992.
27. Notamment développés dans son ouvrage : Évolution de la psychologie différentielle, PUF, 1999.
28. Le terme vicariance est habituellement employé pour désigner le mécanisme par lequel un organe sain supplée, par son
propre fonctionnement, à l’insuffisance fonctionnelle d’un autre organe.
29. Extrait de l’article « La revanche des timides » de Marie Huret, publié par le magazine l’Express, le 22 août 2002.