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Antonio Vivaldi

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Antonio Vivaldi
Antonio Lucio Vivaldi
Description de cette image, également commentée ci-après
Portrait de Vivaldi en 1725 (gravure sur cuivre de François Morellon de La Cave).
Données clés
Surnom Il Prete Rosso (Le Prêtre Roux)
Nom de naissance Antonio Lucio Vivaldi
Naissance 4 mars 1678
Venise
Drapeau de la République de Venise République de Venise
Décès 28 juillet 1741 (à 63 ans)
Vienne
Drapeau de l'Autriche Archiduché d'Autriche
Drapeau du Saint-Empire Saint-Empire
Activité principale Compositeur
Style Musique baroque
Activités annexes Violoniste
Prêtre catholique
Élèves Johann Georg Pisendel
Ascendants Giovanni Battista Vivaldi (père)
Camilla Calicchio (mère)
Œuvres principales

La Follia (1703) (Réinterprétation)


L'estro armonico (1711)
Stabat Mater (1712)
Gloria (1713)
Filiae maestae Jerusalem (vers 1715)
Nisi Dominus (vers 1716)
Les Quatre Saisons (1725)
Concerto pour mandoline (1725)
Concertos pour flûte (1729)
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Les Quatre Saisons : le Printemps


Allegro
Durée : 3 minutes et 36 secondes.3:36
Largo
Durée : 2 minutes et 52 secondes.2:52
Allegro
Durée : 4 minutes et 4 secondes.4:04
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Antonio Lucio Vivaldi [anˈtɔːnjo ˈluːtʃo viˈvaldi]1 Écouter, né le 4 mars 1678 à
Venise et mort le 28 juillet 1741 à Vienne, est un violoniste et compositeur de
musique classique italien2. Il était également prêtre de l'Église catholique.

Vivaldi a été l’un des virtuoses du violon les plus célèbres et les plus admirés de
son temps (« incomparable virtuose du violon » selon un témoignage contemporain)R 1
; il est également reconnu comme l’un des plus importants compositeurs de la
période baroque, en tant qu'initiateur principal du concerto de soliste, genre
dérivé du concerto grosso. Son influence, en Italie comme dans toute l’Europe, a
été considérable, et peut se mesurer au fait que Bach a adapté et transcrit plus
d’œuvres de Vivaldi que de n'importe quel autre musicien.

Son activité s’est exercée dans les domaines de la musique instrumentale,


particulièrement au violon mais également dédiée à une exceptionnelle variété
d'instruments, de la musique religieuse et de la musique lyrique. Elle a donné lieu
à la création d’un nombre considérable de concertos, sonates, opéras, pièces
religieuses : il se targuait de pouvoir composer un concerto plus vite que le
copiste ne pouvait le transcrire3. Prêtre catholique, sa chevelure rousse le fit
surnommer il Prete rosso, « Le Prêtre roux », sobriquet peut-être plus connu à
Venise que son véritable nom, ainsi que le rapporte Goldoni dans ses MémoiresC 1.

Sa production musicale, dont une partie a été publiée de son vivant, fut vite
oubliée après sa mort, de même que son nom, comme ce fut le cas pour de nombreux
compositeurs du xviiie siècle. Elle n'a retrouvé un certain intérêt auprès des
érudits qu’au xixe siècle, à la faveur de la redécouverte de Jean-Sébastien Bach.
Sa véritable reconnaissance eut lieu pendant la première moitié du xxe siècle,
grâce aux travaux d'érudits ou musicologues tels Arnold Schering ou Alberto
Gentili, à l'implication de musiciens tels Marc Pincherle, Olga Rudge, Angelo
Ephrikian, Gian Francesco Malipiero ou Alfredo Casella, et à l'enthousiasme
d'amateurs éclairés comme Ezra Pound.

Aujourd’hui, certaines de ses œuvres instrumentales, notamment les quatre concertos


connus sous le titre Les Quatre Saisons, comptent parmi les plus populaires du
répertoire classique.

Biographie
La vie de Vivaldi est mal connue, car aucun biographe sérieux, avant le xxe siècle,
ne s’est préoccupé de la retracer. On s’appuie donc sur de rares témoignages
directs, ceux du président de Brosses, du dramaturge Carlo Goldoni, de l’architecte
allemand Johann Friedrich von Uffenbach, qui rencontrèrent le musicien, sur les
quelques écrits de sa main et sur les documents de toutes natures retrouvés dans
divers fonds d’archives en Italie et à l’étranger. Pour donner deux exemples
concrets, ce n’est qu’en 1938 que Rodolfo Gallo a pu déterminer avec exactitude la
date de son décès, portée sur l’acte retrouvé à VienneT 1, et en 1962, Éric Paul
celle de sa naissance par l'identification de son acte de baptême. La date de 1678
qu'on supposait auparavant n’était jusqu'alors qu’une estimation de Marc PincherleP
1, basée sur les étapes connues de son parcours ecclésiastiqueT 2.

Il en résulte que de nombreuses lacunes et imprécisions entachent encore sa


biographie, et que se poursuivent les travaux de recherche. Certaines périodes de
sa vie demeurent complètement obscures, de même que ses nombreux voyages entrepris
ou supposés dans la péninsule italienne et à l’étranger. Cela est également vrai
pour la connaissance de son œuvre, et l’on continue encore à retrouver des ouvrages
de sa composition que l’on croyait perdus ou qui demeuraient inconnus, tel l'opéra
Argippo, retrouvé en 2006 à Ratisbonne4.

Jeunesse
L’église San Giovanni Battista in Bragora où fut baptisé Vivaldi.
Antonio Vivaldi nait à Venise le vendredi 4 mars 1678T 3; ce même jour, se produit
dans la région un tremblement de terre. Il est immédiatement ondoyé, dès sa
naissance, par la sage-femme et nourrice, Margarita Veronese, probablement en
raison du séisme, ou parce que sa naissance s’était déroulée dans de mauvaises
conditions qui pouvaient faire craindre la mort du nouveau-néR 2. L’hypothèse selon
laquelle il était chétif et fragile dès sa naissance est plausible, car il devait
plus tard toujours se plaindre d’une santé déficiente, résultant d’un «
resserrement de poitrine » (strettezza di petto) que l’on imagine être une forme
d’asthmeC 2. Le baptême fut administré deux mois plus tard, le 6 mai 1678T 2, à
l’église paroissiale San Giovanni in Bragora dont dépendait le domicile de ses
parents, à la Ca’ Salomon, Campo GrandeC 3 dans le sestiere del Castello, un des
six quartiers de Venise.

Son père, Giovanni Battista Vivaldi (vers 1655T 4-1736), fils d'un tailleur de
Brescia, était barbier, jouant du violon pour distraire les clients, puis devint
violoniste professionnel ; sa mère, Camilla Calicchio, fille également d’un
tailleur, était venue de la Basilicate. Ils s’étaient mariés en 1676 dans cette
même égliseT 4 et eurent huit autres enfants, dont deux moururent en bas âge,
successivement : Margherita Gabriella (1680-?), Cecilia Maria (1683-?), Bonaventura
Tommaso (1685-?), Zanetta Anna (1687-1762), Francesco Gaetano (1690-1752), Iseppo
Santo (1692-1696), Gerolama Michaela (1694-1696), enfin Iseppo Gaetano (1697-?)C 4.
Antonio, l'aîné, devait être le seul musicien parmi les enfants ; cependant, deux
de ses neveux furent copistes de musiqueT 3. On avait les cheveux roux de façon
héréditaire dans la famille Vivaldi, et Giovanni Battista était nommé Rossi dans
les registres de la Chapelle ducale ; Antonio allait hériter de ce trait physique,
qui lui valut son surnom de "Prêtre roux" pour la postérité.

La place Saint-Marc et la Basilique au temps de Vivaldi (tableau de Canaletto


(1697-1768), collection Thyssen-Bornemisza, Madrid).
Le père avait probablement plus de goût pour la musique que pour son métier de
barbier, car on le vit engagé dès 1685 comme violoniste de la basilique Saint-MarcT
4, haut lieu de la musique religieuse en Italie où s’étaient illustrés plusieurs
grands noms de la musique, notamment Adrien Willaert, Claudio Merulo, les Giovanni
Gabrieli, Claudio Monteverdi, Francesco Cavalli. Sa célèbre maîtrise fut confiée la
même année à Giovanni Legrenzi. Il fut, tout comme celui-ci et comme son collègue
Antonio Lotti, parmi les fondateurs du Sovvegno dei musicisti di Santa Cecilia,
confrérie de musiciens vénitiensT 5. À son engagement à la Chapelle ducale, il
ajouta à partir de 1689 ceux de violoniste au teatro San Giovanni Grisostomo et à
l’Ospedale dei Mendicanti.

Antonio apprit le violon auprès de son père, et il se révéla précoce et extrêmement


doué. Tôt admis à la Chapelle ducale, il reçut peut-être, aucune preuve n’ayant été
retrouvée, des leçons de la part de Legrenzi lui-mêmeC 5. Ce ne put être cependant
que de courte durée, et l’influence reçue minime, car celui-ci mourut en 1690. Il
est certain néanmoins qu'Antonio Vivaldi bénéficia pleinement de l’intense vie
musicale qui animait la basilique Saint-Marc et ses institutions, où de temps à
autre il prenait la place de son père.

L’église San Geminiano, aujourd’hui disparue, était située sur la place Saint-Marc,
à l’opposé de la basilique (tableau de Francesco Guardi (1712-1793),
Kunsthistorisches Museum, Vienne).
Celui-ci le destina très tôt à l’état ecclésiastique : ce fut probablement la
recherche, pour son fils, d’une belle carrière qui le guida et fut la raison
principale du choix de cette orientation, plus qu’une vocation du jeune garçon pour
l’état sacerdotal, auquel il n'allait se consacrer que très peu durant sa vie grâce
à des dispenses de l'Église, ce qui allait lui permettre de développer toutes ses
aptitudes pour la musique et la composition ; cependant il porta la soutane sa vie
durant et lisait son bréviaire tous les jours.

Il commença donc, à partir de l'âge de dix ans, à suivre les cours nécessaires à
l’école de la paroisse San Geminiano et, le 18 septembre 1693, ayant atteint l’âge
minimum requis de quinze ans, il reçut la tonsure ecclésiastique des mains du
patriarche de Venise, le cardinal Badoaro. Il n’abandonna pas pour autant ses
activités musicales et fut d’ailleurs nommé, en 1696, musicien surnuméraire à la
Chapelle ducale, et reçu membre de l’Arte dei sonadori, guilde de musiciensR 3. Il
reçut les ordres mineurs à la paroisse San Giovanni in Oleo, sous-diaconat le 4
avril 1699, à l'âge de vingt-et-un ans, puis le diaconat le 18 septembre 1700.
Enfin, âgé de vingt-cinq ans, il fut ordonné prêtre le 23 mars 1703T 6. Il a pu
continuer à vivre dans sa famille, avec ses parents, jusqu'à leur décès, le père et
son fils continuant d’ailleurs à travailler en étroite collaboration.

Bien que mal connu, le rôle qu’a joué Giovanni Battista Vivaldi dans la vie et le
développement de la carrière de son fils Antonio semble d’une importance
primordiale et prolongée, puisqu’il décéda cinq ans seulement avant lui. Il semble
qu'il lui ait ouvert bien des portes, notamment dans le milieu de l’opéraT 7, et
qu'il l’ait accompagné dans de nombreux voyages.

Maître de violon au Pio Ospedale della Pietà


À la même époque, le jeune homme avait été choisi comme maître de violon par les
autorités du Pio Ospedale della Pietà (hospice, orphelinat et conservatoire de
musique de haut niveau) et engagé à cet effet en août 1703T 8, aux appointements
annuels de 60 ducatsC 6. En italien, le mot Pietà ne signifie pas Piété mais Pitié.

Le Pio Ospedale della Pietà (gravure de A. Portio et A. Dalla Via, musée Correr,
Venise).
Fondée en 1346, cette institution religieuse était le plus prestigieux des quatre
hospices financés par la Sérénissime RépubliqueT 9 et destinés à recueillir les
jeunes enfants abandonnés, orphelins, naturels, ou de famille indigente — les
autres établissements avaient pour nom : Ospedale dei Mendicanti, Ospedale degli
Incurabili, Ospedale dei SS. Giovanni e Paolo. Les garçons y séjournaient jusqu'à
l’adolescence, puis partaient en apprentissage, mais la Pietà n'abritait que des
fillesT 9. Cloîtrées presque comme des religieuses, certaines d'entre elles
recevaient une éducation musicale poussée, ce qui en faisait des chanteuses et des
musiciennes de valeur : quelques-unes pouvaient chanter les parties de ténor et de
basse des chœurs et jouer de tous les instruments. Une hiérarchie distinguait les
jeunes filles, selon leur talent : à la base se trouvaient les figlie di coro ;
plus expérimentées étaient les privilegiate di coro qui pouvaient prétendre à être
demandées en mariage et pouvaient se produire à l’extérieur ; au sommet étaient les
maestre di coro qui pouvaient instruire leurs compagnesC 7. Des concerts publics et
payants étaient organisés et très courus des mélomanes et des amateurs d’aventures
galantes. Chaque ospedale avait un maître de chœur, maestro di coro, responsable de
l’enseignement de la musique (le terme s’applique à la musique vocale, mais aussi
instrumentale), un organiste, un professeur d’instruments, maestro di strumenti, et
d’autres professeurs spécialisésT 10. Dans sa lettre du 29 août 1739 adressée à M.
de Blancey, Charles de Brosses écrivitPB 1 :

« La musique transcendante ici est celle des hôpitaux. Il y en a quatre, tous


composés de filles bâtardes ou orphelines, et de celles que leurs parents ne sont
pas en état d’élever. Elles sont élevées aux dépens de l’État, et on les exerce
uniquement à exceller dans la musique. Aussi chantent-elles comme des anges, et
jouent du violon, de la flûte, de l’orgue, du hautbois, du violoncelle, du basson ;
bref, il n’y a si gros instrument qui puisse leur faire peur. Elles sont cloîtrées
en façon de religieuses. Ce sont elles seules qui exécutent, et chaque concert est
composé d’une quarantaine de filles. Je vous jure qu’il n’y a rien de si plaisant
que de voir une jeune et jolie religieuse, en habit blanc, avec un bouquet de
grenades sur l’oreille, conduire l’orchestre et battre la mesure avec toute la
grâce et la précision imaginables. Leurs voix sont adorables pour la tournure et la
légèreté ; car on ne sait ici ce que c’est que rondeur et sons filés à la
française. (…) Celui des quatre hôpitaux où je vais le plus souvent et où je
m’amuse le mieux, c’est l’hôpital de la Piété ; c’est aussi le premier pour la
perfection des symphonies. »

Dans ses Confessions, Jean-Jacques Rousseau donna un autre témoignage de la qualité


de ces orchestres de jeunes filles qu’il put apprécier pendant son séjour à Venise
de 1743 à 1744 où il fut secrétaire de l’ambassadeur de France à Venise ; on sait
qu'il fut d'ailleurs par la suite un sectateur inconditionnel de la musique
italienne, comme en fait foi sa fameuse Lettre sur la musique française5.

Concert donné dans la salle des Filarmonici par les pensionnaires (en tribune, à
gauche) d’un Ospedale vénitien (tableau de Francesco Guardi (1712-1793), Alte
Pinakothek, Munich).
Disposer à volonté de ces musiciennes chevronnées, sans souci du nombre ni du temps
passé ou du coût était un avantage considérable pour un compositeur, qui pouvait
ainsi donner libre cours à sa créativité et mettre à l’essai toutes sortes de
combinaisons musicales. Or, dès cette époque, le jeune maître de violon avait
certainement commencé sa carrière de compositeur et commencé à se faire remarquer
par ses œuvres diffusées en manuscrits, sa renommée naissante a pu justifier son
choix pour ce poste important.

Cet engagement n’était pas perpétuel, mais soumis au vote régulier des
administrateurs. L’esprit d’indépendance de Vivaldi lui a valu à plusieurs reprises
un vote défavorable et un éloignement temporaire. En 1704, il se vit confier
l’enseignement de la viola all’ inglese avec un salaire porté à cent ducats, et en
1705 celui de la composition et de l’exécution des concertos, son salaire étant
augmenté à cent cinquante ducats annuels, somme minime à laquelle s’ajoutait la
rémunération des messes quotidiennes dites pour la Pietà ou pour de riches familles
patriciennes également acheteuses de concertos.

La direction musicale de la Pietà était assurée depuis 1701 par Francesco


Gasparini, « maestro di coro ». Celui-ci, musicien de talent et extrêmement fécond
(il composa plus de soixante opéras), consacrait cependant une part prépondérante
de son activité à monter des opéras au théâtre Sant'Angelo6. Il se déchargea donc
sur Vivaldi d’un nombre croissant de tâches, lui permettant de devenir, de fait, le
principal animateur de musique de l’établissement.

Édition des premières œuvres

Frontispice de l’Opus I.
Puisque Vivaldi avait été chargé d’enseigner la composition des concertos aux
jeunes filles de la Pietà en 1705, il faut supposer qu’il avait déjà, à cette
époque, une solide réputation de compositeur. Ses œuvres avaient déjà circulé sous
la forme de copies manuscrites, pratique courante à cette époque, quand il décida,
en 1705, de faire imprimer son Opus I (douze Sonates en trio, op. 1, conclues par
son œuvre La Follia, la plus connue) par l’éditeur de musique le plus connu de
Venise, Giuseppe Sala.

Vivaldi donna plusieurs concerts chez l’abbé de Pomponne, ambassadeur de France.


Ce recueil comprenait douze sonates da camera a tre dédiées au comte Annibale
Gambara, un noble vénitien, originaire comme lui de Brescia en Lombardie. Ces
sonates en trio de facture assez traditionnelle se démarquaient encore peu de
celles de Arcangelo Corelli.
Cette même année, Vivaldi prit part à un concert chez l’abbé de Pomponne, alors
ambassadeur de FranceC 8 : il resta, en quelque sorte, le musicien officiel de la
représentation diplomatique française à Venise. Lui et ses parents habitèrent dès
lors dans un appartement du campo dei SS. Filippo e Giacomo, situé derrière la
basilique Saint-MarcC 9.

En 1706, les Vivaldi, père et fils, furent désignés dans un guide destiné aux
étrangers (Guida dei forestieri en Venezia) comme les meilleurs musiciens de la
villeR 3.

Renoncement à dire la messe


Il se consacra alors exclusivement à la musique, car à l’automne 1706, il cessa
définitivement de dire la messe. François-Joseph Fétis, qui, par ailleurs, ne
consacra à Vivaldi qu’une demi-page dans sa monumentale Biographie universelle des
musiciens et biographie générale de la musique publiée en 1835, rapporta une
explication7, démentie par les écrits de l’intéressé lui-même, redécouverts depuis
lors, mais qui fit florès :

« On rapporte sur Vivaldi cette anecdote singulière : disant un jour sa messe


quotidienne, il lui vint une idée musicale dont il fut charmé ; dans l’émotion
qu’elle lui donnait, il quitta sur-le-champ l’autel et se rendit à la sacristie
pour écrire son thème puis il revint achever sa messe. Déféré à l’inquisition, il
fut heureusement considéré comme un homme dont la tête n’était pas saine, et
l’arrêt prononcé contre lui se borna à lui interdire la célébration de la messe. »

Dans une lettre écrite en 1737, Vivaldi exposa une raison différente et plausible,
à savoir que la difficulté respiratoire, cette oppression de poitrine, qu’il avait
toujours éprouvée, l’aurait obligé à plusieurs reprises à quitter l’autel sans
pouvoir terminer son office (la messe impliquant de lever les bras haut pour louer)
; il avait ainsi volontairement renoncé à cet acte essentiel de la vie d’un prêtre
catholique8. Pour autant, il ne renonça pas à l’état ecclésiastique, continuant sa
vie durant à en porter l’habit et à lire son bréviaire ; il était d’ailleurs
extrêmement dévot. Dans son Historisch-biographisches Lexikon der Tonkünstler en
deux volumes (1790/1792), le compositeur et musicographe Ernst Ludwig Gerber
affirme même qu’il était « extraordinairement bigot »9 — ce qui ne l’empêcha pas de
se consacrer pendant toute sa carrière à des activités séculières bien loin des
préoccupations normales et habituelles d’un prêtre.

Début d’une renommée européenne


Par sa virtuosité et la diffusion croissante de ses compositions, Vivaldi sut
s’introduire efficacement dans les milieux les plus aristocratiques. Il fréquentait
le palais Ottoboni. En 1707, lors d’une fête donnée par le prince Ercolani,
ambassadeur de l’empereur d’Autriche, il participa à une joute musicale qui
l’opposa à un autre prêtre violoniste, don Giovanni Rueta, musicien bien oublié
aujourd’hui, mais protégé de l’Empereur lui-même : un tel honneur ne pouvait être
accordé qu’à un musicien jouissant déjà de la plus haute considération.

Dans la même période, plusieurs musiciens étrangers vinrent séjourner à Venise.


Pendant le carnaval de 1707, Alessandro Scarlatti fit représenter au théâtre San
Giovanni Grisostomo (celui-là même où le père Vivaldi était violoniste) deux de ses
opéras de facture napolitaine : Mitridate Eupatore et Il trionfo della libertà.
L’année suivante, son fils Domenico Scarlatti, le fameux claveciniste, vint étudier
auprès de Gasparini auquel s’était lié d’amitié son père. Enfin, Georg Friedrich
Haendel, sur la fin de son séjour italien, vint aussi dans la ville des lagunes et
y fit représenter triomphalement, le 26 décembre 1709, son opéra Agrippina dans le
même théâtre San Giovanni Grisostomo. Même si l’on n’en a pas de preuve certaine,
tout — les lieux fréquentés comme les personnes côtoyées — laisse penser que
Vivaldi ne put pas manquer de rencontrer ces confrères, qui lui donnèrent peut-être
l’envie de s'essayer à l’opéra. Cependant, aucune influence stylistique ne peut se
déceler dans leurs productions respectivesC 10.

Frédéric IV de Danemark fut dédicataire de l'opus 2 de Vivaldi.


Vivaldi eut encore l’occasion d’accroître le cercle de ses relations de haut rang
avec la venue à Venise, en voyage privé de décembre 1708 à mars 1709, du roi
Frédéric IV de Danemark. Celui-ci arrivait à Venise avec l’intention de profiter du
célèbre carnaval vénitien. Débarqué le 29 décembre, il assista dès le lendemain à
la Pietà à un concert dirigé par Vivaldi. Il devait pendant son séjour entendre
plusieurs fois d’autres concerts des jeunes filles sous la direction de leur
maestro di violino qui finalement dédia à Sa Majesté, avant son départ le 6 mars,
son opus 2 consistant en douze sonates pour violon et basse continue, juste sorti
des presses de l’imprimeur vénitien Antonio Bortoli. Le souverain, amateur de
musique italienne et de belles femmes, emportait également douze portraits de
jolies Vénitiennes peints en miniature à son intention par Rosalba Carriera.

L’empressement de Vivaldi à l’égard du roi du Danemark était peut-être lié à


l’évolution de ses rapports avec les gouverneurs de la Pietà dont le vote, en
février, avait mis fin à ses fonctions. De cette date à septembre 1711, un flou
complet entoure ses activités. Cependant, son père fut engagé en 1710 comme
violoniste au théâtre Sant’Angelo, l’un des nombreux théâtres vénitiens produisant
des opéras10. C’est peut-être par son entremise qu’Antonio approfondit ses
relations avec Francesco Santurini, douteux impresario de ce théâtre qui y était
également l’associé de Gasparini.

On sait en tout cas qu’il était présent à Brescia en février 1711, et l’hypothèse
d’un voyage à Amsterdam est évoquéeR 4.

L'estro armonico

Le Grand-Duc de Toscane Ferdinand III, dédicataire de L'estro armonico (tableau de


Niccolò Cassani, galerie des Offices, Florence).
C’est en effet à Amsterdam que Vivaldi devait dorénavant confier l’édition de ses
œuvres au célèbre éditeur de musique Étienne Roger et à ses successeurs,
insatisfait de ses premiers imprimeurs vénitiens.

Son opus 3, recueil de douze concertos pour instruments à cordes intitulé L'estro
armonico, sortit des presses d’Estienne Roger en 1711. Il était dédié à l’héritier
du Grand-duché de Toscane, Ferdinand de Medicis, prince de Florence (1663-1713), et
marqua une date capitale dans l’histoire de la musique européenne : de cet ouvrage
date en effet la transition entre le concerto grosso et le concerto de soliste
moderne.

Estro Armonico
L'estro armonico.
Ouvrages contemporains et posthumes, les recueils de Giuseppe Torelli (opus 8 édité
en 1709) et de Arcangelo Corelli (opus 6 édité en 1714) restaient fidèles à la
forme du concerto grosso ; Vivaldi proposait de façon inédite dans son recueil des
concertos grossos de facture traditionnelle, généralement en quatre mouvements
(lent-vif-lent-vif) avec opposition concertino-ripieno (les numéros 1, 2, 4, 7, 10
et 11) et des concertos solistes dont la structure en trois mouvements (vif-lent-
vif) est celle de l'ouverture à l'italienne. Le soliste virtuose y est confronté
seul à l’orchestre (numéros 3, 6, 9, 12 ; les numéros 5 et 8, avec deux solistes,
sont à classer dans cette seconde catégorie).

Choisir le très réputé éditeur hollandais était un moyen privilégié d’accéder à la


célébrité européenne : L'estro armonico parvint, sous forme de copie manuscrite, au
fond de la Thuringe, entre les mains de Johann Gottfried Walther, grand amateur de
musique italienne, cousin et ami de Johann Sebastian Bach. Ce dernier, alors en
poste à Weimar, fut si enthousiasmé par les concertos de Vivaldi qu’il en
transcrivit plusieurs pour le clavier : exercice de style impressionnant — tant les
caractéristiques musicales du violon et du clavecin sont différentes —, mais
diversement apprécié. Ainsi, Roland de Candé remarque : « Pour habile que soit le
magnifique travail de J.S. Bach, ces transcriptions n’ajoutent rien à sa gloire.
J’avouerai même, au risque de blasphémer, que les concertos vivaldiens, d’essence
violonistique, me paraissent tout à fait dénaturés par l’exécution au clavecin ou à
l’orgueC 11. »

On retrouve la trace de Vivaldi à partir de septembre 1711 : il fut, ce mois-là, à


nouveau investi de ses fonctions à la Pietà. L’année 1712 voit la création à
Brescia de l’un de ses grands chefs-d’œuvre de musique religieuse, le Stabat Mater
pour alto, composition poignante et d’une haute inspiration.

Compositeur d’opéras
Les 4 saisons : l'Été
Allegro non molto
Durée : 5 minutes et 3 secondes.5:03
Adagio
Durée : 1 minute et 48 secondes.1:48
Presto
Durée : 2 minutes et 39 secondes.2:39
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Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (septembre 2020).


C’est seulement en 1713 — il avait trente-cinq ans — que Vivaldi aborda pour la
première fois l’opéra, la grande affaire de tout compositeur de renom dans cette
Italie du début du xviiie siècle.

Son statut d’ecclésiastique, déjà bien compromis de réputation par son comportement
inhabituel, le fit peut-être hésiter à prendre ce tournant plus tôt. Si l’on
admirait le virtuose et le compositeur, sa personnalité fantasque et le caractère
ambigu de son entourage féminin sentaient le scandale. Or, œuvrer dans le milieu
interlope de l’opéra n’était pas le gage de la meilleure moralité, à bien des
points de vue ; cette activité jouissait d’un tel succès populaire qu’elle devait
nécessairement intéresser les aigrefins ou tourner la tête des chanteurs les plus
talentueux, dont les caprices, les excentricités et les aventures défrayaient la
chronique.

Les méthodes des impresarios étaient parfois d’une honnêteté toute relative. Ainsi,
Gasparini et Santurini s’étaient retrouvés au tribunal pour avoir enlevé et rossé
deux cantatrices mécontentes de n’avoir pas reçu le salaire convenu — l’une d’elles
était même très malencontreusement tombée dans un canal ; la bienveillance des
juges avait pu être obtenue grâce à l’intervention de relations influentes.

Venise s’étourdissait dans les fêtes11 comme pour exorciser son irréversible déclin
politique, dont le contrepoint était une floraison artistique sans précédent. La
folie de l’opéra en faisait partie : Marc Pincherle a chiffré à quatre cent trente-
deux le nombre d’œuvres représentées à Venise entre 1700 et 1743. Comment un
musicien de génie et ambitieux pouvait-il rester à l’écart de ce mouvement qui
pouvait amener la célébrité et les plus grands succès ?

Le livret du premier opéra de Vivaldi, Ottone in villa fut écrit par Domenico
Lalli, en fait le pseudonyme de Sebastiano Biancardi, poète napolitain et escroc à
ses heures qui, recherché par la police de Naples, était venu se réfugier à Venise.
Les deux hommes s’étaient liés d’amitié. Le nouvel opéra fut créé non à Venise,
mais pour une raison inconnue, le 17 mai 1713 à Vicence où Vivaldi s’était rendu,
avec son père, après avoir obtenu un congé temporaire des autorités de la Pietà.
Pendant son séjour à Vicence, il participa à l’exécution de son oratorio la
Vittoria navale predetta dal santo pontefice Pio V Ghisilieri (dont la musique a
été perdue) à l’occasion de la canonisation du pape Pie V.

Après Ottone in villa, Vivaldi devait composer un ou plusieurs opéras presque


chaque année jusqu’en 1739 : à l’en croire, il en aurait écrit 94. Cependant, le
nombre de titres identifiés reste inférieur à 50 et moins de 20 ont été conservés,
complètement ou partiellement en ce qui concerne la musique qui, contrairement aux
livrets, n’était jamais imprimée.

Impresario du teatro Sant’Angelo


L’étrange Prêtre Roux ne devait pas se contenter de composer de la musique d’opéras
et d’en diriger, avec son violon, l’interprétation. Dès la fin de l’année 1713, il
assura, sinon en titre, du moins en fait, la fonction d’« impresario » du Teatro
Sant'Angelo — ce terme d’impresario devant s’entendre comme « entrepreneur » en
succession de Santurini, douteux homme d’affaires déjà cité plus haut. L’impresario
cumulait toutes les responsabilités : administration, établissement des programmes,
engagement des musiciens et chanteurs, financement, etc. Malgré ses incommodités
physiques — réelles ou prétendues — Vivaldi assuma toutes ces tâches prenantes en y
incluant la composition des opéras, sans pour autant renoncer à ses fonctions moins
rémunératrices, mais plus nobles à la Pietà ou à composer sonates et concertos pour
l’édition ou le compte de divers commanditaires (institutions religieuses, riches
et nobles amateurs) : en 1714 il composa pour la Pietà son premier oratorio, Moyses
Deux Pharaonis — dont la musique est perdue — et fit éditer à Amsterdam son opus 4
intitulé La Stravaganza. Ce recueil de 12 concertos pour violon dédiés à un jeune
noble vénitien de ses élèves, Vettor Dolfin12, fixait de façon quasi définitive la
forme du concerto de soliste en trois mouvements : Allegro - Adagio - Allegro.

Le palais Corner-Spinelli près duquel se trouvait le théâtre Sant’Angelo.


Le Sant’Angelo, bien situé sur le Grand Canal près du palazzo Corner-Spinelli, ne
jouissait pas d’une situation juridique très claire. Fondé par Santurini en 1676
sur un terrain appartenant aux familles patriciennes alliées des Marcello et
Capello, il ne leur avait pas été restitué au terme de la concession, Santurini
continuant à l’exploiter sans titre comme si de rien n’était et malgré les
démarches effectuées par les propriétaires. Cet état de fait devait perdurer au
profit de Vivaldi opérant de façon officielle de l’automne 1713 au Carnaval 1715,
mais aussi, le plus souvent, par l’intermédiaire de prête-noms (Modotto, Mauro,
Santelli, Orsato), parmi lesquels nous retrouvons également son père. Quant à
Santurini, il devait décéder en 1719. L’opacité des opérations de gestion laissait
planer le doute sur l’honnêteté de l’impresario et de ses comparses et des bruits
coururent sur des détournements de fonds, des abus de confiance… Il est en outre
possible que la position de Vivaldi à la Pietà permît également des arrangements
favorables en matière de prestations musicales ou d’autre nature. C’est dans ce
théâtre Sant’Angelo que Vivaldi produisit à l’automne 1714 son second opéra,
Orlando finto pazzo. Il annota en marge du manuscrit « Se questa non piace, non
voglio più scrivere di musica » (« si celui-ci [cet opéra] ne plaît pas, je ne veux
plus écrire de musique »)R 5. De fait, et bien qu’on n’ait pas d’échos du succès de
ce second opéra, il continua à en écrire et pendant les quelques années qui
suivirent, ses diverses activités de compositeur, Maestro dei Concerti, virtuose du
violon, impresario se poursuivirent à un rythme soutenu.

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