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COMMENTAIRE COMPOSE

LA CELLULE

Avec sa tignasse pouilleuse, sa maigreur famélique, ses joues que les


larmes, dans le silence funéraire des nuits, ont creusées en profonds et sinueux
sillons, ses yeux exorbités, Mélédouman était méconnaissable : un véritable
cadavre ambulant.

Rebelle, mauvais esprit, on lui interdit de recevoir les visites de sa famille.


Seule sa petite-fille Ya, âgée d’à peine sept ans, fut tolérée à ses cotés. Ce n’est
qu’au septième jour de sa détention qu’on lui permit de se laver. En effet, les
gardes eux-mêmes s’étouffaient à force de pincer leur nez pour éviter de
respirer la puanteur dégagée par la cellule de vérité. Pour empester, elle
empestait. Avec la suffocante chaleur y montait une odeur irrespirable. Chaine
aux pieds, menottes aux poignets, ne pouvant bouger, Mélédouman était obligé
de tout faire dans cette case hygiénique : selles et urine dans un vieux seau criblé
de trous : une vraie passoire. Celui-ci au reste tenait lieu de tabouret et de grabat.
En effet, la cellule de la vérité qui, en fait, était celle de la mort, était tellement
minuscule et basse que le prisonnier ne pouvait ni s’asseoir, ni rester debout, ni
se coucher. Il était ainsi plié, comme si un invisible et lourd fardeau pesait tour à
tour sur sa tête, ses épaules et son dos zébrés par les fouets.

Les autres prisonniers qui avaient pour corvée quotidienne le nettoyage


des lieux ne venaient plus. L’une des sanctions prises contre ce mauvais génie
pour le mater, était de laisser pourrir son cagibi. Cet objectif était atteint au-delà
de tout espoir. Paradis des asticots géants, des grosses mouches prolifiques aux
ailes luisantes qui faisaient un tapage d’enfer, la cellule de la vérité était un
réduit on ne peu plus repoussant. Il mérite bien son nom : Ebissoa, que les Noirs
ont donné aux prisons : maison caca. On voyait fourmiller dans le pagne de ce
curieux condamné une armée révoltée de vermines : vers et poux, puces,
cafards, blattes organisaient perpétuellement un joyeux défilé militaire,
accompagné bien sûr par la fanfare de la colonie dynamique des mouches et des
moustiques.
Jean-Marie ADIAFFI
La Carte d’Identité

Libellé : Vous étudierez ce texte sous la forme d’un commentaire


composé. Vous insisterez particulièrement sur la précision artistique avec
laquelle l’auteur peint la cruauté du régime en place et la déchéance du
prisonnier.

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Corrigé

Texte : « la cellule »
Auteur : Jean-Marie Adiaffi
Œuvre : La Carte d’Identité
Proposition de plan

Introduction
Présentation du texte

Le candidat pourrait partir par exemple :

- De la dénonciation des abus de la colonisation


- Du traitement inhumain des indigènes par les colons
- Une page du roman la carte d’Identité de l’Ivoirien Jean-Marie
Adiaffi dans laquelle il déduit les conditions désastreuse de
l’emprisonnement de Meledouman.

Annonce du plan

CI 1: peinture de la cruauté du régime en place


CI 2: déchéance du prisonnier

Première partie (CI 1)

 Le régime tortionnaire.
Il est suggéré par les éléments formels tels que :
- L’énonciation : « on »
- Le groupe nominal : « les grades », « les fouets »
- Le champ lexical de la privation : « interdit », « toléré »,
« chaîne aux pieds, menottes aux poignets », « ne pouvant
bouger », etc.
- Cela met en évidence la privation de liberté

 Les conditions calamiteuses de détention cela se perçoit par


la description réaliste de la cellule : « cellule de vérité…de la

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mort », « cagibi », « Ebissoa » évoquant la puanteur, le
caractère insalubre de la prison, « le paradis des asticots
géants » (métaphore qui suggère une ironie) ; « un vieux
sceau criblé de trou : une vraie passoire » (métaphore qui
exprime le dénuement matériel, le manque d’hygiène).
Qu’il s’agisse de la cellule, du traitement du prisonnier aussi,
bien que des conditions de détention, tous ses éléments
concourent à mettre en relief la cruauté du pouvoir en place
Deuxième partie (CI2)
La déchéance physique. Elle est suggérée par l’accumulation des
termes évaluatifs dépréciatifs : « tignasse pouilleuse »
« maigreur famélique » « joue creuse » « yeux exorbités »
« véritable cadavre ambulant » « mauvais génie »
La déchéance morale. Elle est représentée de manière subtile à
travers la déshumanisation, l’impuissance et la résignation de
Mélédouman. Sa déchéance morale est décrite sur un ton
humoristique crée par le recours au jeu de mots
« paradis /asticots », « on voyait…des moustiques
Meledouman apparaît comme un personnage transfiguré qui a
perdu toute dignité.

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EBAUCHE D’INTRODUCTION

L’ambiguïté et les servitudes de la société coloniale ont inspiré un


grand nombre d’écrivains. La colonisation a été le moment de la
spoliation, de la torture, des frustrations permanentes, des humiliations,
de la servitude des indigènes. Jean-Marie Adiaffi, dans La Carte
d’Identité, fait de la cellule, le lieu de toutes les exactions du régime
colonial. Meledouman, détenu dans des conditions calamiteuses est
condamné à une mort certaine. Le traitement inhumain traduit la
cruauté du régime en place et la déchéance physique et morale de
Mélédouma qui apparaît comme un personnage transfiguré qui a perdu
toute dignité.

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DEVELOPPEMENT REDIGE

La colonisation a été le lieu des servitudes infligées aux africains.


Cette cruauté est dépeinte dans la carte d’identité de Jean Marie Adiaffi
à travers le régime colonial en place. Ce régime cruel est aussi
tortionnaire suggéré par les éléments formels en occurrence
l’énonciation par l’emploi du pronom indéfini « on » à la ligne 1 et à la
ligne 03, par les groupes nominaux « les gardes », « les fouets », par le
champ lexical de la privation « interdit », « toléré », « chaîne aux pieds,
menottes aux poignets », « ne pouvant bouger » et par la négation
absolue des phrases « ni s’asseoir », « ni rester debout », « ni se
coucher ». Ces éléments formels renvoient à un ensemble thématique
connotant la privation de liberté, la tortue subie par le prisonnier.

Aussi, la cruauté du régime colonial est mise en exergue par les


conditions calamiteuses de détention qui se perçoit par la description
réaliste de la cellule « la cellule de la vérité… de la mort », « cagibi »,
« Ebissoa », « maison caca » évoquant la puanteur et l’insalubrité de
l’univers carcéral dans lequel est détenu Mélédouman. Cet univers décrit
est suggéré ironiquement par la métaphore « paradis des asticots
géants ». De plus, cet espace hostile est mis en relief par l’utilisation
métaphorique « un vieux sceau criblé de trous : une vraie passoire»,
«grabat » exprimant le dénuement matériel et le manque d’hygiène
renvoyant ainsi à un univers repoussant de détritus. Cela est amplifié
par la description précise et artistique de l’atmosphère carcérale
« asticots géants », « mouches prolifiques », « tapage d’enfer »,
« armée révoltée de vermines », « la fanfare de la colonie dynamique
des mouches et des moustiques » qui est inexorablement la cellule de la
mort programmée.

Transition : qu’il s’agisse de la description de la cellule, des


conditions de détention et du traitement du prisonnier, tous éléments
concourent à mettre en relief la cruauté du pouvoir en place.

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Le traitement inhumain et les conditions de détentions montrent la
déchéance de Mélédouman. En effet, cette déchéance est avant tout
physique et est suggérée par l’accumulation des termes évaluatifs et
dépréciatifs « tignasse pouilleuse », « maigreur famélique », « joues…
creuses », « yeux exorbités », « véritable cadavre ambulant »,
« mauvais génie » qui renvoient à la dégradation physique progressive
du prisonnier condamné irrémédiablement à mort. La combinaison des
termes dépréciatifs et évaluatifs démontre l’impact de l’univers carcéral
sur l’état physique de Mélédouman qui chaque jour se rapproche un peu
plus de la mort programmée par le régime en place.

De plus, l’impact hostile de l’espace carcéral au-delà de l’aspect


physique est aussi moral. Il est représenté de manière subtile à travers
la déshumanisation, l’impuissance et la résignation de Mélédouman. La
déchéance morale est décrite sur un ton humoristique crée par le
recours au jeu de mots « paradis/asticots », « on voyait…des
moustiques » traduisant l’hégémonie des “vermines“ dans cette
minuscule cellule. Face à cette impuissance et à cette résignation,
Mélédouman apparaît comme un personnage transfiguré qui a perdu
toute dignité et toute personnalité. Mélédouman attend la mort
prochaine qui constitue pour lui une sorte de délivrance, un
soulagement.

CONCLUSION REDIGEE

Au terme de notre étude, notons la précision artistique et réaliste


avec laquelle Jean Marie Adiaffi a mis en relief la déshumanisation du
prisonnier à travers une cruauté sans pareil du régime colonial. La
description réaliste de l’univers carcéral dépeint comme un lieu insalubre
de puanteur et de détritus renvoie à l’ambigüité et aux servitudes de la
société coloniale. La colonisation n’a eu que des effets néfastes ?

NB : Couronné en 1981 par le grand prix littéraire d’Afrique noire


pour son roman la Carte d’Identité (paris, Hatier, 1980), Jean Marie
Adiaffi a entrepris de construire une œuvre littéraire qui s’articule autour
de deux volets symétriques, en prose romanesque et poétique.

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